Le Nouvel Educateur n° 134

Décembre 2001

Toulouse

Décembre 2001

Je me permets de soumettre à vos réflexions quelques chiffres : à la suite de l'explosion 10000 logements sociaux ont été endommagés, plus de 2000 étant inhabitables (je ne parle pas des logements privés aussi nombreux à être plus ou moins dévastés).
La rentrée scolaire n'a pas pu avoir lieu le lundi 24 dans 69 des 184 écoles primaires et maternelles de la ville. Trois d'entre elles sont entièrement détruites et une vingtaine sont inutilisables pour plusieurs mois. 10000 enfants sont concernés sur les 28000 scolarisés.
Deux lycées devront être rasés. Dix autres sont gravement endommagés. Un collège est hors d'état de fonctionner et sept autres demandent d'importants travaux. …
Passons sur l'Université du Mirail, fermée jusqu'à nouvel ordre, l'IUT de génie chimique entièrement soufflé, 1000 chambres de résidence universitaire ravagées. La poudrerie est intacte (heureusement!) ainsi que le Centre National d'Eudes Spatiales et autres édifices construits selon les normes antisismiques dans le sud de la ville.
Question : avec quoi et selon quelles normes construit-on les établissements scolaires et les logements sociaux ?
Je ne pose même pas la question de la proximité immédiate pour certains avec l'usine AZF. Je me demande seulement quelles sont les économies sur les matériaux concernant la sécurité des enfants, car tous les établissements endommagés n'étaient pas près du lieu de l'explosion.
 

A quoi sert vraiment Vigie Pirate?

Décembre 2001

Le voilà de retour ; c'est à peine s'il était parti. On avait à peine redécouvert le droit de reprendre les transports en commun avec nos élèves qu'il nous retombe dessus !
Et ça recommence : parents refoulés aux portes, circulation et dépose des enfants difficiles, sans parler du dilemme des portes ouvertes ou fermées. Bref, beaucoup sont tenus dehors quand ils doivent rentrer ; certains qui arrivent en retard n'ont plus qu'à rebrousser chemin.
Quelle est donc cette sécurité qui protège les enfants et les équipes des livraisons, des parents qui reviennent chercher les enfants malades, les enfants qui arrivent en retard, et les participants aux fêtes d'école ?
Et surtout pourquoi avoir gardé depuis tant d'années ce nom ridicule ? On n'aurait pas pu au moins en inventer un autre…
A qui fera-t-on croire que des barrières métalliques peu équilibrées et tenues entre elles le plus souvent par du vide, parfois par un bout de fil de fer constituent une réelle protection contre une attaque à la bombe? Quels meurtriers abominables et déterminés seraient réellement stoppés par les féroces barrières de nos écoles, le plus souvent enjambables aisément y compris par les enfants (qui trouvent ainsi le moyen de rentrer quand ils sont en retard) ? Si on prend le temps d'y réfléchir un peu concrètement on se rend vite compte combien est absurde la prétention de sécurité que prétendent apporter ces mesures dérisoires.
Bref à quoi, à qui sert réellement le plan Vigie Pirates ?
Est-il destiné à nous occuper au moment où nous nous sentons tellement peu de choses dans une situation mondiale qui s'envenime ? Sert-il à nous concerner, à susciter une solidarité instinctive pour les actions militaires des pays occidentaux ?
En quoi vient-il du même coup au secours d'une institution qui renonce du coup un petit peu plus à s'ouvrir et à s'insérer dans la vie réelle des gens du dehors ? Dans ce dernier cas, on comprendrait pourquoi ce plan nous "colle ainsi tellement à la peau", au point qu'il devient désormais difficile d'imaginer un avenir qui s'en dispenserait.
On voit combien ce plan s'harmonise finalement avec un contexte de raidissement constant des consignes de sécurité, des réglementations en tout genre, avec la juridification croissante des rapports sociaux, de mise en place de "couvre-feux", etc. Bref on n'est pas près d'en voir la fin et c'est au tour de ceux qui gardent intacte leur ambition d'éduquer… de ne pas se sentir en sécurité !

Laurent OTT
enseignant et éducateur à Longjumeau (91)
 

Appréhender son milieu pour le comprendre et pour agir

Décembre 2001

A partir d’une sortie collective, de l’idée d’un enfant, d’une discussion en classe, un projet peut naître, qui conduira à organiser la classe, à faire jaillir les représentations premières, à sortir sur le terrain… Lorsque l’enfant participe aux degrés divers de décision d’un projet, lorsqu’il prend l’initiative à un moment ou à un autre, et qu’il se sent maître de sa recherche, il s’investit dans son travail, il construit mieux son savoir.

Des enseignants de la maternelle au collège nous présentent leur conception de l’étude du milieu, les démarches mises en œuvre. Loin de la visite alibi, les sorties sur le terrain laissent du temps au temps, afin de permettre aux enfants de comprendre leur monde, de le ressentir grâce à tous leurs sens. Mais il ne s’agit pas seulement de découvrir le monde qui nous entoure, cette étude permet aussi d’acquérir un savoir qui conduit à agir sur celui-ci.
 
Comme souvent, pour mettre en place une telle démarche, il a été nécessaire de créer des outils spécifiques à notre pédagogie.
 
 
L’étude du milieu au second degré
 
Le milieu évolue constamment, mais l’école est, elle aussi, en perpétuelle évolution. Il est donc intéressant de se pencher sur les relations école/milieu. Comment aujourd’hui peut-on appréhender une véritable étude du milieu ? Comment faire de cette observation un outil merveilleux pour comprendre son monde et se découvrir soi-même, comment faire pour que ce travail permette les échanges fructueux entre les élèves et entre les acteurs de l’école.
 
Le milieu en 2001
 
Le milieu à observer ou analyser est un milieu qui est, par définition indéfinissable. Le milieu est. Il commence là où l’on se trouve. Il est perturbé par notre présence. On peut étudier son milieu-même de vie. La classe, l’école, l’environnement de l’école, la rue de l’école, une rue de la ville, un quartier, un village, une ville… Il est ce que l’on veut qu’il soit. Il suffit de le délimiter. En aucun cas, il n’est un terme géographique : vouloir étudier le milieu montagnard ou le milieu maritime, c’est déjà le définir et donc donner à nos élèves un regard orienté. Ces milieux existent, ils sont définis, mais ne correspondent pas aux milieux perçus par l’enfant ou l’adolescent. Il peut, à la toute fin de son travail, découvrir que le milieu étudié appartient à un milieu défini.
 
Le milieu à étudier peut se situer à Tignes ou à Piriac sur mer. Si cela se trouve les deux milieux se ressemblent tellement que l’on ne saurait parler de deux milieux opposés. En fait les milieux seront ce que la classe en fera.
 
1. La démarche
 
C’est le point primordial. On ne peut faire une bonne étude de milieu, si on ne prend pas le temps. Dans ce domaine, les mauvaises études viennent d’une précipitation. Brûler les étapes est la pire des choses.
 
Elle doit se dérouler sur un temps long, mais jamais sur un temps très court.
 
1ère étape : délimiter le champ géographique de l’étude. Exemple : le quartier de l’école.
 
On délimite sur un plan, ou avec les souvenirs visuels l’espace à étudier. «  Notre espace contient 12 rues et 2 places » ou bien c’est « la rue de la République et seulement elle » ou entre « l’école et la ligne de chemin de fer ». il n’est pas question de nom global, on pourrait l’appeler «  l’environnement de l’école » par exemple. On ne sait pas ce que l’on va étudier, on n’en connaît seulement les limites. Citer un nom c’est déjà orienter le regard. Il est préférable de dire :  « l’étude porte sur la rue Jean-Jaurès » plutôt que de dire « l’étude d’une rue commerçante : la rue Jean-Jaurès »
 
2ème étape : (cette étape n’est pas nécessaire, mais est très utile dans un milieu inconnu) la vision subjective.
 
Quand la classe est transplantée ou lorsqu’un groupe d’élèves fait un déplacement, il est bon de faire une séance créative sur le milieu : des dessins, des textes, des impressions, des clichés, des premières impressions sont couchés sur le papier. On s’exprime sans connaître. En fait on purge ses idées préconçues, on abandonne ses premières visions subjectives. C’est peut-être là l’occasion d’avoir une somme de documents à l’état brut sans aucune observation scientifique.
 
3ème étape : la première sortie, « le nez en l’air », la plus importante de toutes.
 
Les sens sont en éveil. La seule chose à avoir c’est un carnet et un crayon. Observer.
 
Ecouter : quels bruits ? ( voiture, tracteur, cloches, avion, animaux, enfants, eau qui coule…), leurs nombres, leurs rythmes, les silences.
 
Sentir : les odeurs (fleurs, métiers, animaux).
 
Voir : des couleurs, des formes.
 
Compter : les véhicules, les hommes, les animaux.
 

Observer : les murs, les toits, les plaques, les portes, les boutiques, les usines…

 Noter des petites scènes : la poule qui gratte le fumier, la dame qui étend son linge, le livreur de caisses, le facteur et sa mobylette jaune, le va-et-vient du tracteur.
 
Dessiner (ou photographier).
 
Parler aux gens, questionner, s’intéresser, comprendre.
 
Les enfants se sont promenés par groupe et surtout on a pris son temps. Rien ne doit être laissé. Tout a été repéré. A vrai dire on a vu que le dixième de ce que l’on aurait pu voir. On n’a pas pris garde à une multitude de petits détails qui font le monde.
 
4ème étape : La mise en commun
 
Cette étape doit être faite le même jour : Chacun dit ce qu’il a vu ou remet au propre ce qu’il juge bon de dire à la classe. Vaste échange où le maître (ou les élèves) note(nt) au tableau leurs découvertes. Séance longue de brain-storming. Pour les plus grands, on peut passer à une mise au propre.
 
 
5ème étape : le choix du travail
 
De cette mise en commun, vaste marché où chacun a apporté ses remarques, on doit construire des axes de recherche et de travail. On doit choisir un sujet d’étude. La part du maître est ici primordiale.
 
Le but c’est de mieux connaître le milieu et de l’exposer aux autres. Ici déjà le support de communication peut être envisagé, car il va automatiquement interférer sur la suite de la recherche. Cette fois chaque groupe détermine son étude et son type de présentation.
 
6 ème étape : le retour sur le terrain
 
Cette étape est plus scientifique. Elle est raisonnée. L’équipe part avec une idée précise en tête. Tout a été minutieusement préparé. On amène les outils de son propre travail (magnétophone, appareil photo…).
 
Voilà quelques sujets effectués au gré de mes années de travail.
 
-Les noms des rues. (pourquoi ces noms-là ?)
-La chanson (que chantiez-vous avant ? travail fait avec le professeur de musique)
-Les vieux métiers (que faisiez-vous ?)
-Les bruits de la rue (écoute et comptabilité)
-Les noms du monument aux morts (les noms , le nombre, leur ordre, par année…)
-L’éclairage public (comment cela fonctionne ?)
-Les insectes (recherche, photos et observations)
-Les gens qui travaillent (que font-ils ?)
-L’environnement (débris, papiers gras, bouteilles…)
-La pluie (que provoque-t-elle ?)
-Les cultures du potager
-La mercière
-La grange (sa forme, ses mesures, son rôle)
-Les trains qui passent (gênent-ils ? combien ?)
-La tournée du facteur
 
Le questionnement des habitants, des passants est primordial. L’observation et le décompte, deux nécessités.
 
2. L’exploitation
 
Un travail qui peut durer sur plusieurs séances, ce qui laisse le temps d’approfondir la recherche. Très rapidement, il faut penser au support et à son utilisation. Le travail peut nécessiter une troisième sortie. C’est là une question du groupe mais cette sortie ne peut être proposée à la classe, car cette sortie peut nuire aux deux premières par son côté répétitif.
 
Le travail principal du maître est de fixer un calendrier pour aboutir à la présentation du travail aux autres.
 
3. La concrétisation
 
L’idéal c’est de bloquer une semaine pendant laquelle toutes les présentations sont faites à la classe. Le planning a été distribué, le temps de parole sera mesuré. Il faut tenir le planning.
 
30 minutes par groupe par exemple. Soit 4 pour une séquence de deux heures. Le but n’est pas de présenter tout le travail mais seulement, un aspect du travail. En fait cela demande  une préparation à part. Ne pas tout dire, mais appâter.
 
Pour cela je demande aux élèves de prévoir une part assez ludique dans cette présentation. (cela va du jeu à trous, aux devinettes en passant par la mise en scène).
 
Le travail reste en classe ensuite, ce qui permet de mieux le connaître ensuite, si on le désire. Naturellement cela dépend de sa forme.
 
4. L’évaluation
 
J’ai toujours évalué ce travail. L’investissement de l’enfant est énorme et il ne comprendrait pas la non- évaluation de son travail. J’ai mis au point une grille de notation, que j’élabore pour chaque sujet. Mais les élèves ne sont pas passifs, ils évaluent aussi le travail de leurs camarades. Ils ont eux aussi une grille de notation et chaque groupe qui vient de présenter son travail évalue le groupe suivant. La note des élèves est intégrée à la mienne (en général le quart de la mienne). D’ailleurs je demande, dès le planning fixé, aux élèves de s’intéresser plus particulièrement au groupe qui les suit. Ce travail de notation n’est jamais contesté et intéresse beaucoup les élèves.
 
 
 
Conclusion
 
Cette étude du milieu apporte à l’élève au moins trois satisfactions :
 
-Celle de faire un travail concret qui aboutit à un travail fini : la satisfaction du travail achevé.
 
-Celle de présenter aux autres un sujet qui est un petit morceau du travail commun : montrer son travail, le défendre et le justifier (les élèves regrettent souvent le temps trop court consacré à ce moment).
 
-Celle de voir évalué un travail qui, à première vue ne leur apparaît pas comme un travail scolaire classique.
 
Mais à vrai dire la véritable satisfaction sera celle du maître : observation, questionnement, mise en forme, fabrication, exposition, évaluation sont les points essentiels de l’apprentissage du travail du géographe. Et en plus ce travail fait dans la bonne humeur a appris aux enfants à travailler ensemble.
 
C’est lorsque que je les entends siffler ou chantonner et que la ruche bourdonne, que je peux alors me faire tout petit, m’éclipser en quelque sorte, je sais, alors, qu’ils apprennent.
 
François Perdrial
Professeur d’Histoire-Géographie
Groupe départemental 44
de l’ICEM
 
 
Différents supports utilisés
en collège et lycées depuis 25 ans
 
·                supports écrits :
 
le dossier
le mini-atlas
la photocopie ou le transparent
le journal
l’affiche
le dossier de presse
le journal mural
la frise chronologique
le répertoire ou le dictionnaire
le dépliant
l’album
la bande dessinée
 
·                supports oraux
 
l’exposé
le jeu théâtral
le débat
 
·                supports combinés
 
le montage audio-visuel
le CD-ROM
l’exposition et le catalogue
le film vidéo
 
·                supports construits
le diorama
la maquette
les jeux de société
les jeux de construction
 
 
 
 
 
En maternelle :
à la découverte de l’espace familier
 
Etudier son milieu, c’est partir à la découverte d’un espace familier dont tout le monde parle et que chacun croît connaître, pour le voir autrement, pour confronter sa vision à celle des autres.
 
Accueillir l’apport des enfants
 
L’enfant apporte à l’école les petits et les grands faits de sa vie, inextricablement ancrés dans son milieu social et local.
 
L’une des premières tâches de l’école sera d’accueillir ces événements en favorisant l’expression et la communication au sein de la classe.
 
Ensuite, il s’agira de prolonger cette expression première, de permettre à chacun de comprendre ce qu’il vit, ce qui se passe autour de lui, dans son environnement proche ou lointain.
 
Puis viendra le temps pour l’enfant de s’engager, en coopération avec les autres, dans des actions bien réelles dans son environnement, pas seulement ludiques ou simulées.
 
Pour cela, on va essayer de le voir autrement, de l’explorer tous sens en alerte plusieurs fois dans l’année.
 
 
Sortir de la classe
 
Pour percevoir plus finement le « très petit », le « presque invisible », pour être sensible aux formes, aux couleurs, aux bruits, aux odeurs et à toute autre sensation (le vent, le froid, l’ombre, la luminosité, le sol…), on pourra parcourir cette espace en ayant plusieurs lunettes : celles du peintre, du géographe, du poète, du sportif, du mathématicien, du biologiste…
 
En véritable détective du monde du Vivant, on débusquera les traces laissées par les animaux, par les hommes, on observera les transformations de la nature au fil des saisons.
 
Voir autrement un espace, c’est aussi laisser l’imaginaire l’investir : contes, petits jeux scéniques, poésies… A quoi ressemble ce monde si on est une fourmi, si on est un géant ? Faire appel à ses émotions, s’émerveiller, jouer à se faire peur… Tout cela permet d’installer une relation quasi affective avec le lieu.
 
Se questionner et approfondir
 
Riche de toutes ses découvertes et ses expériences sur le terrain, l’enfant, de retour en classe, sera prêt à organiser ses nouvelles connaissances, à confronter ses propres représentations à celles de ses camarades, à se plonger dans un documentaire scientifique pour aller plus loin dans une recherche, à transposer ses émotions, ses sensations dans de multiples productions plastiques ou écrites : l’esprit créatif est en éveil.
 
Il pourra aussi faire part de ses découvertes avec d’autres, enfants ou adultes, au moyen de la correspondance, du journal scolaire, d’un livre ou d’une exposition et partager son désir de protéger ce lieu qu’il connaît mieux et auquel il s’est attaché.
 
Cathy Castier
Maternelle de Serques
moyens/grands
Groupe départemental 62
 
Extrait du livre « Les explorateurs des caps et marais d’Opale » publié par le Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale.
 
 
 
Etude du milieu
et formation à la citoyenneté
 
L’étude du milieu s’inscrit parfaitement dans de nombreux domaines scientifiques, mais il est souhaitable qu’elle ne reste pas seulement un acte éducatif scientifique.
 
La compréhension par l’observation, l’expérience de l’échange de connaissances dans une coopération organisée des savoirs peut conduire à des réflexions fructueuses sur l’environnement. Et ces réflexions doivent conduire à des prises de position « citoyenne » de la part des élèves. Au lieu de se contenter, à la fin des études menées dans un domaine précis, de bilans d’observation, des élèves peuvent très bien prendre position pour faire modifier des comportements nuisibles à l’environnement.
 
Cela peut se traduire par des faits concrets. Par exemple, comme je l’ai vécu, l’implication totale d’une classe de CM2 pour maintenir des lieux forestiers et des plages protégés des dégradations et pour mettre en valeur ces sites ainsi reconquis. Cela peut être en ville, des interventions sur des espaces de loisirs.
 
Cela peut aussi prendre l’aspect d’études précises sur des milieux naturels sensibles, soumis à une forte pollution. Après observations, études précises des dégradations, les élèves peuvent dresser un bilan des tâches indispensables à la remise en état des sites avec des spécialistes.
 
On retrouve cette démarche dans trois études menées à l’école Recanto (Récife au Brésil) ainsi que dans les articles extraits du journal de l’école (voir encadrés).
 
Si l’école dans son ensemble, construisait une approche tenant compte du milieu environnant (ville ou campagne) avec une réflexion des élèves autour des thèmes abordés, peut-être aurions-nous une vue plus claire du rôle qu’elle peut jouer dans la formation citoyenne.
 
André Lefeuvre
Groupe départemental 85
 
 
 
Monsieur le Maire de la ville de Récife
 
Nous sommes des élèves de la 4e série de l’école Recanto. Elle est située entre la place Euclides da Cunha et le Fleuve Capibaribe et se préoccupe beaucoup des questions d’environnement. Sur le fleuve, nous avons fait de nombreuses recherches et notre école a même publié le livre « O Rio Capibaribe : le passé, le présent et son futur ? » publié par l’éditeur Flamar en 1993.
Cette année, un de nos projets est la Place Euclides da Cunha, plus connue sous le nom de Place de l’International. Tous les élèves participent à ce travail. Nous avons découvert de nombreuses données intéressantes comme l’histoire de la place, qui commence avec l’architecte Bule Marx, ce qu’apporte l’œuvre de Euclides de Cunha : « Os Sertöes », idée pour son projet de place, tendant à obtenir un meilleur résultat malgré les dégats que nous connaissons actuellement.
Comme vous pouvez voir, il s’agit d’une place très importante, qui a une histoire et mérite d’être mieux traitée ; c’est pour cela que nous allons parler en premier lieu, de ses principaux problèmes.
Elle tend à servir de stationnement, les jours de fêtes, au Club International et les jours des jeux de l’Ile de Retiro.
Elle est insuffisamment propre.
Elle n’offre aucune sécurité à ses utilisateurs.
Elle n’offre aucune aire de loisirs pour les enfants et les habitants du quartier.
Elle a besoin de plus de verdure (gazon et autres plantes).
Enfin sachant que la mairie va prendre soin d’autres sites, nous souhaiterions que notre place soit examinée avec plus d’attention et revitalisée rapidement.
Ainsi tout le monde pourra l’admirer et collaborer à préserver un lieu si beau, qu’il pourra faire penser au pays intérieur de notre Etat.
Nous espérons votre réponse affirmative et souhaitons à vous et à votre équipe un bon travail à la Mairie de notre chère ville, Récife.
 
Abraços. Les élèves de la 4e série de l’école Recanto
 
Crise énergétique
 
Causes politiques, conséquences sociales
 
A ce jour, la production énergétique ne peut répondre à la consommation croissante, résultant directement de l’intense développement technologique, industriel et social que connaît le monde.
Au Brésil, ce problème arrive à son apogée avec les mesures de rationnement d’énergie prises par le gouvernement.
Nous avons étudié avec soin diverses causes d’une telle situation. L’une d’elles est le manque d’investissements gouvernementaux durant environ vingt ans. Durant cette période, le pays dépendait de l’arrivée des pluies pour approvisionner les électricités hydrauliques, non produites par les autres sources d’énergie : centrale thermique, énergie solaire, éolienne, entre autres.
Le rationnement énergétique va entraîner une série de conséquences sur la croissance nationale. La violence, principalement celle des grands centres, va souffrir d’une remarquable augmentation. Il y aura une baisse de la production, affectant l’économie, entretenant le chômage, entraînant de sérieux problèmes pour la population. Ce fait est confirmé par une recherche faite selon laquelle, 30% des entreprises brésiliennes qui réalisaient des investissements avant le problème, abandonnent de telles décisions.
Pour toutes ces raisons, il apparaît nécessaire un investissement instantané du gouvernement visant à minorer la souffrance de la population.
 
Groupe de 2e année de l’enseignement médio : Alana Sales, Amanda Dantas, Georges Ferraz et Jorge Eduardo. Journal Curupira n°23, mai juin 2001 de l’école Recanto à Récife.
 
 
 
Les mille lieux du paysage
 
Plongés dans leur milieu, les enfants n’ont conscience ni des influences auxquelles ils sont soumis ni de celles qu’ils peuvent et pourront exercer sur lui. L’objectif de cet outil est de les amener à une meilleure compréhension de leur environnement afin qu'ils en deviennent des acteurs éclairés.
 
 
Le paysage est une réalité complexe, il est milieu de vie et résultat des activités humaines, passées et présentes. Cet espace est occupé par des écosystèmes différents qui interagissent.
 
Un paysage a une histoire. Ses éléments, naturels au départ, ont pu être modifiés par l’homme, mais il reste toujours une part d’accommodation de la nature à l’homme.
 
Ce fichier propose aux enfants :
-une étude des milieux et des interrelations qu'ils pourront distinguer dans leurs paysages,
-un éveil aux problèmes socio-économiques et écologiques leur permettant un engagement citoyen,
-des méthodes de recherches et de représentations.
Nous avons donné à cet outil trois dimensions :
1 - un départ global avec la lecture de leurpaysage
   - une "déglobalisation" avec une étude des milieux et de leurs relations
   - une "reglobalisation" avec une ouverture vers d’autres paysages ;
 
2 - un départ sur le terrain avec 22 fiches recto/verso (observations individuelles ou en petits groupes)
   - 22 dossiers comprenant des illustrations, des propositions d’enquêtes, d’expériences et diverses représentations possibles notamment artistiques ;
 
3 - un travail de lecture et d’écriture à toutes les étapes :
    - sur le terrain (observation, enquête)
    - par des lectures d’images (dans le paysage, vers d’autres milieux)
    - par des observations et comptes rendus de recherches
     - par des représentations renouvelées à chaque dossier (carte, maquette, graphique, …).
 
Il s'agit d'une approche directe et sensible d'où ne sont absents ni l'observation, ni le raisonnement, ni l'imaginaire.
 
Conçu pour le cycle 3 dans une situation en autonomie, cet outil pourra toutefois être utilisé par les enseignants des cycles 1 et 2 comme référence didactique. Au collège, il pourra également être utile dans toute démarche transversale.
 
Composition
de l'ensemble
 
22 dossiers thématiques, c'est-à-dire 22 approches du point de vue d'un personnage exerçant une activité liée au paysage :  
Peintre                      Naturaliste
Photographe             Historien
Musicien                   Pêcheur
Sculpteur                  Messager
Jardinier                    Energéticien
Agriculteur                Eco-citoyen
Forestier                   Pompier
Géomètre                 Météorologue
Géologue                  Architecte
Transporteur             Maire
Randonneur              Paysagiste         
 
Présentation :
22 dossiers quadri
format 210 X 297 cm
guide de l’enseignant 24 p.
 
 
 
Présentation
de chaque thème
 
Une fiche de terrain recto/verso
(voir page précédente)
- au recto (fiche A) : des propositions d'observations et de
premières activités sur le terrain,  
- au verso (fiche B) : des aides à l'observation : précisions sur le métier, bibliographie, lexique, note d'humour,
- une partie détachable et illustrée de cette fiche de terrain, apporte divers conseils techniques.
 
Un dossier d'exploitation, d'activités, à quatre volets (voir ci-dessus)
 
- Fiche C « Je joue avec mon paysage » : activités d'expression,
- Fiche D « J'enquête dans mon paysage » : diverses pistes d'étude du milieu naturel et des activités humaines,
- Fiche E « Je représente mon paysage » : des représentations concrètes, maquettes, dioramas, etc.
- Fiche F « Je regarde d'autres paysages » : ouverture vers des paysages très différents…
 
Présenté sous la forme d'une chemise (double grande feuille cartonnée), le dossier offre la
possibilité de recueillir et d'archiver travaux et documents pour un usage ultérieur.
 
Enfin, le fichier est accompagné d'un important livret du maître contenant une présentation détaillée de l'outil et divers compléments : fiches techniques, bibliographie, adresses.
 
Montage de texte : J.-C. Saporito à partir du livret pédagogique (auteurs : E. Joffre, M. Quendez).
 
 
 

 

Quand surgit le racisme

Décembre 2001

 

Une classe de campagne qui accueille régulièrement des enfants du voyage, une pratique coopérative, un conseil pour gérer les conflits et puis un jour tout s’emballe, le racisme fait surface et l’instituteur réagit pour rappeler la loi : celle de la classe bien sûr, mais aussi celle de la société.

Frédéric Mathy nous explique comment il a fait face à une situation délicate, en établissant une sanction en adéquation avec la faute commise.

 
 
 
J'ai eu une drôle de surprise un vendredi matin à l'école…
 
Trois élèves se sont mis à pleurer à peine rentrés en classe. J'ai demandé ce qui se passait et alors là, je suis tombé des nues. Dans mon école de campagne, nous accueillons des enfants du voyage. La cohabitation n'a pas toujours été facile mais cette année, je n'avais eu encore aucun problème : pas d'insultes ni de bagarres. De plus, toutes les semaines nous faisons un conseil où les enfants peuvent s'exprimer librement (le dernier était la veille et personne n'a parlé de ce qui se préparait...).
 
Or, j'ai soudainement appris qu'un groupe d'élèves de la classe travaillait depuis une semaine sur un projet de création de chanson contre les enfants du voyage. Quatre élèves ont reconnu sans problème avoir participé à l'écriture de cette horreur, qui en plus avait été tapée sur ordinateur, mise en page puis imprimée, dans le but de la photocopier pour ceux qui voudraient l'apprendre et la chanter. Depuis 2 jours, des répétitions étaient même organisées au fond du car le matin et le soir à l'insu des accompagnateurs.
 
En voici quelques extraits :
 
« Les manouches
Nous les voyageurs on les emmerdre, on les encules ils ont des beaux camion mais il son con. Ils ont des BMW mais ils sont chiez...
Dans la cour il font leur malin, en classe ils ne sont pas capables de calculer 1 + 1 ils ne savent pas nager c'est des chiez des endicaper...
Ils ont des couteaux... ils sont nés les deux manouches trois poils au cul la bite en trompette...
Les voyageurs se nike entre eux car ils sont con comme des mules...
Leur parent font plain de bébés car il se nike tout le temps avec le zizi et la zézette toute tordue… »
 
Il est 9 h 10, je viens de lire cette lettre et là, je ressens un terrible sentiment d'échec et de trahison. Comment ces quatre élèves ont-ils pu faire cela alors que nous avons travaillé à plusieurs reprises sur les droits de l'enfant et de l'homme, élaboré un règlement d'école, mis en place des outils tels que le conseil (il ne sert pas où il serait le plus utile !), le cahier de râlages, la
libre circulation, travaillé pour établir un climat de confiance, d'entraide et de coopération dans la classe ? Pourquoi n'ont-ils pas fait part de leurs problèmes de relations en conseil ?
 
Pire encore, une moitié de la classe qui prend le car était au courant de ce projet et les avait même entendus chanter. Seul un ou deux a osé leur demander de cesser mais aucun n'a jugé bon d'aborder le sujet au conseil ou de m'en informer.
 
Ces élèves ont su réinvestir les techniques de communication travaillées en classe (production de texte, organisation des idées, mise en page, diffusion...). Cela change des exposés sur les dauphins et les lapins, mais le thème n'était vraiment pas de bon goût !
 
Ce genre d'expérience permet de relativiser l'impact réel que nous pouvons avoir sur nos élèves. Les relations d'entraide et de coopération, les règles de vie et toutes les autres idées échangées en classe avec le maître et entre élèves sont difficilement transposées à l'extérieur de l'école. Cela pose question et remet en doute quelques part l'efficacité de nos pratiques.
 
Passé le temps de la déception, il m'a fallu réagir face à cela. D'autant
plus que les familles du voyage, très agacées, sont venues à l'école pour avoir des explications. Je leur ai demandé de me faire confiance pour gérer ce conflit et sanctionner les élèves responsables.
 
J'ai convoqué le soir même les familles avec leur enfant. Nous avons lu leur texte et essayé d'avoir des explications. Les familles ont eu différentes réactions (une mère est outrée par ce qu'a fait son fils et recherche des idées de sanctions, un père déclare ne pas aimer "ces gens là" mais reconnaît que son fils est allé un peu loin, une autre mère trouve que c'est une bêtise d'enfant et qu'il ne faut pas dramatiser.
 
Après une longue discussion avec les enfants et explication de la gravité de leur acte (sanctionné par la loi), ils se sont mis d'accord pour écrire un mot d'excuses.
 
C'était une première chose mais il me fallait trouver une sanction au niveau de l'école car l'Article 1 de notre règlement n'avait pas été respecté : « Nous avons le droit d'être respecté et le devoir de respecter les autres ».
 
De plus, cette situation me semblait être une excellente matière à discussion : un conflit larvé venait d'éclater. Il est clair que ces propos sont la résultante de tout ce qu'ils entendent autour d'eux. Ils n'en perçoivent pas forcément d'ailleurs la gravité.
 
Les langues ont commencé à se délier. Voici la confidence d'une de mes élèves :
 
« Tu sais maître, ces gens du voyage, c'est pas que je ne les aime pas mais j'en ai peur. Je ne les connais pas. A la maison, on me dit parfois de me méfier d'eux et toi tu nous dis qu'ils sont comme nous. Il faudrait qu'ils nous parlent d'eux… »
 
Il fallait donc en parler pour marquer le coup et leur faire prendre conscience de la portée de leur acte, de leurs idées, pour montrer à tous que ce genre de délit n'est pas laissé sans suite, pour répondre à l'attente des familles du voyage qui attendaient une réaction de la part de l'école.
 
Le soir même, en rentrant chez moi, j'ai envoyé un email d'appel à l'aide
aux collègues sur Listecole et la liste Freinet. J'ai expliqué la situation et demandé des conseils sur l'attitude qu'il serait judicieux d'adopter.
 
A partir des nombreuses réponses et notamment celle de Jean Le Gal, j'ai mis au point l'ordre du jour du conseil exceptionnel du lundi matin.
 
Un texte a été présenté (voir encadré) et discuté lors du conseil puis remis aux parents des élèves coupables de cet acte inadmissible, ainsi que pour information aux familles du voyage.
 
Les enfants ont accepté cette décision et ont semblé même contents de pouvoir s'investir dans une réparation. Les familles ont joué le jeu et ont encouragé leur enfant dans leur travail. Le résultat de leur recherche a été mis sur le site de l'école.
 
Les familles du voyage que j'ai rencontrées étaient dans un premier temps, à la lecture de ce texte, assez remontées (les notions de médiation et de réparations leur étaient difficiles à entendre).
 
Puis, au fur et à mesure de l'avancé des recherches et de la présentation des exposés, elles ont mieux réagi et m'ont laissé gérer la situation.
 
Activités de recherche, déroulement :
J'ai tout d'abord sélectionné quelques sites et fait imprimer les pages qui leur semblaient intéressantes (voir rubrique seurfons sur le ouèbe page 38).
 
Durant une semaine, les quatre élèves ont lu et trié toute cette documentation. Ils ont ensuite choisi chacun un thème. Chaque jour, un petit moment de présentation à la classe de leurs recherches était réservé dans l’emploi du temps.
 
Nous avons aussi utilisé l'excellent document de l'École Publique de Reyrieux (Ain) : « Le racisme expliqué par les enfants -- OCCE Ain »
 
Nous avons lu :
- le Chat de Tigali de Didier Daeninckx qui raconte l'histoire d'un chat de Kabylie qui est victime de la haine raciste,
- des articles des Clés de l'Actualité Junior n° 194 du 11 au 17 mars 1999 : la peur de la différence, l'Europe contre le racisme, le racisme au quotidien,
-différentes BTJ
 
Durant plus d'une semaine, le petit groupe a lu et trié près d'une soixantaine de pages. Chacun a alors choisi le thème qu'il souhaitait aborder (soit que j'avais proposé soit un autre tel que le vocabulaire des voyageurs). Nous avons notamment appris que les gens du voyage sont dans notre région depuis longtemps : c'est en 1419 que les premières familles tziganes ont été aperçues à Châtillon sur Chalaronne, en Bresse avec des roulottes tirées par des chevaux.
 
Le Lundi 7 mai 2001, nous avons eu la visite de deux personnes d'une
association de Paris, qui s'appelle " MEMOIRE 2000 " (elle est constituée de bénévoles qui luttent contre le racisme). Je les ai contactées à partir de leur site Web. Un avocat, Bernard Jouanneau, âgé de 60 ans et un tzigane, Jean-Bernard, âgé de 50 ans sont ainsi venus à l’école.
 
Le Jeudi 21 juin 2001, notre école a reçu M Georges Guimpel ( un enfant juif caché durant la guerre de 39-45) pour parler des conséquences du racisme dans l'Histoire.
 
Au départ, il a rappelé que ce qui nous était arrivé n'était pas de la faute des élèves, ni celle de leurs parents. Tout venait d'un manque d'informations.
 
Toute cette histoire n'empêchera pas mes élèves et leurs parents de penser ce qu'ils veulent mais elle aura permis de rappeler à chacun que de telles idées sont inhumaines et sanctionnées par la loi.
 
Frédéric MATHY
Ecole de Boz (Ain)
Frederic.Mathy[arobase]ac-lyon.fr
 



 
 
 
« Une lettre d'excuses pour les victimes et leur famille est une première réparation. Elle devra être envoyée dès ce soir.
 
Tu n'as pas respecté les lois de notre école qui accordent le respect à chacun de ses membres. Tu t'es mis hors la loi. Tu vas donc perdre durant trois semaines l'exercice des droits et libertés accordés dans notre classe :
- la libre circulation (carte rouge),
- le droit de donner son avis et de décider (participation au conseil).
 
Le respect des autres est une valeur fondamentale. La xénophobie (ou racisme) est un délit (non respect des droits de l'homme et des droits de l'enfant). Nous allons approfondir ensemble cette question. Tu auras durant deux à trois semaines différents documents à lire, des recherches à faire et des exposés à préparer sur ce thème. Ce sera là un moyen pour réparer ton erreur. Je t'aiderai dans tes recherches. Les autres élèves de la classe ou tes parents pourront faire de même. Ce travail se fera la première semaine durant une partie de la récréation puis lors du plan de travail. Tes productions seront présentées à la classe.
 
Voici quelques idées de recherches :
-Qui sont les " manouches " ? Comment faire évoluer les mentalités ?
-recherche dans différents documents et préparation d'un exposé,
-écriture d'un conte sur la vie d'un enfant du voyage basé sur la recherche effectuée,
-rencontre et témoignage de familles du voyage
 
Qu'est-ce que le racisme ?
-Qu'est-ce que le racisme ? Donner des définitions.
-Rechercher des exemples de racisme dans la vie de tous les jours, dans l'Histoire (d'hier et d'aujourd'hui).
-Quelles sont les conséquences du racisme ? Quelles sont les causes du racisme ?
-Comment ne pas devenir raciste ? Comment faire tomber les préjugés que les sédentaires ont sur les gens du voyage ?
-Lecture de livres autour du racisme.
-Recherche et illustration de slogans (Tous différents - tous égaux)
 
Que dit la loi ?
La justice en France : Les lois antiracistes, les sanctions et peines
-Lecture d'extraits par le maître sur plusieurs jours puis échanges.
 
J'espère que tu auras à cœur de réparer cet acte délictueux et que cela ne se reproduira plus à l'avenir. »



Pourquoi les hommes sont-ils de toutes les couleurs ?
 
Nous avons regardé une cassette vidéo «C'est pas sorcier» qui parlait des hommes de couleurs.
Voici ce que nous avons retenu :
La mélanine, c'est ce qui fait notre couleur de peau. La peau capte les rayons solaires et forme la vitamine D.
Les noirs ont été traités en esclaves et ont été vendus jusqu'en 1794 en France et jusqu'en 1875 aux Etats-Unis.
Les hommes noirs étaient surnommés : les sauvages, les sous hommes, les êtres inférieurs.
Dans certains livres, on écrivait il y a quelques années :
- que les noirs descendaient des gorilles,
-que les blancs descendaient des chimpanzés,
- et que les jaunes descendaient des macaques.
Pourquoi les hommes sont-ils de tailles différentes ?
Des hommes noirs appelés Pygmées sont les plus petits hommes. Ils mesurent 1m20, contrairement aux Ethiopiens qui mesurent 2m40. Cette différence est due à la chaleur.
Il y a 4 groupes sanguin A,B,AB,O. Il y a quelques années encore, on ne mélangeait pas le sang de personnes qui n'avaient pas la même peau.
Quelle est notre origine ?
Le premier homme à être debout était l'australopithèque.
Nos ancêtres les plus proches sont les homo sapiens-sapiens. Ils vivaient en Afrique de l'Est, il y a 100 000 ans.
Ils sont passés d'îles en îles car l'eau a baissé à une époque de 120 m, à cause du refroidissement de la terre, ce qui leur a permis de traverser les océans.
Malgré nos différences, nos ancêtres sont les mêmes ! Il n’y a donc pas de race.
Extrait du site de l’école de Boz




Quelques slogans
 
C'est l'intolérance et pas les différences qui crée le racisme.
Le racisme, c'est être méchant,
Le racisme, c'est l'ignorance,
Le racisme, c'est se retrouver au temps de Martin Luther King,
Le racisme, c'est la guerre,
Le racisme, c'est chercher la violence,
Le racisme, c'est comme avoir peur dans le noir,
Le racisme, c'est sans pitié,
Le racisme a fait des millions de morts mais n’a jamais sauvé personne.
Le racisme, c'est la bêtise !!!
(Frederic CAZENAVE- Quebec)
 
Envoyez-nous vos idées de slogans
 
Le racisme, c'est rejeter ceux et celles qui veulent être tes amis.
(envoyé par Bernadette Martin)
Extrait du site de l’école de Boz

Le mini projet théâtre : un outil souple et adapté

Décembre 2001

 

Les contraintes du travail en milieu ouvert obligent souvent à mener des projets sur des temps très brefs. Ce qui peut apparaître au départ comme un handicap, n’est-il pas au contraire un moyen de travailler dans un temps plus proche de celui de l’enfant ?

 
 
Quand on travaille avec des enfants en dehors des institutions, on est dans une situation pour le moins paradoxale vis à vis de la démarche de projets. D'un côté le travail en milieu ouvert est un merveilleux bouillon de culture de projet : l'adulte, fidèle à son poste, y collecte sur le vif les petites idées, les petits désirs et les grands besoins d'une population enfantine, dont l'âge varie toujours beaucoup (3-16 ans). D'un autre côté, tout est plus difficile : des enfants qui vont et qui viennent ; des enfants qui changent d'idée, qui se brouillent entre eux, rendent bien difficile le déroulement classique d'une pédagogie de projets.
 
Et pourtant, la qualité est toujours aussi nécessaire, plus encore peut être, quand c'est de l'image de soi devant les autres et dans son milieu direct dont il s'agit.
 
Dans le cadre du travail de la Maison Robinson, en milieu ouvert, nous avions développé l'année dernière un projet théâtre filé sur l'année. Le résultat avait été décevant, les groupes d'enfants s'effilochaient et finalement quand, en fin d'année, à l'occasion d'une fête de quartier, il avait fallu montrer le résultat du travail poursuivi, ce qui avait été montré était aux yeux des enfants peu satisfaisant : juste quelques "impros" sans lien entre elles.
 
Cette année, nous ne désirions pas reproduire cette expérience ; c'est donc à partir de la rencontre d'une actrice résidant dans le quartier que la possibilité de « refaire du théâtre » à la Maison Robinson a pu être évoquée de nouveau. Mais comment faire ? La proposition de Cécile a été de réaliser un véritable projet de création théâtrale, mais sur une durée courte et d'une façon intensive.
 
C'est donc en moins de trois semaines que s'est « montée » à la Maison Robinson une petite pièce inspirée de l'histoire du Petit Prince ; comme les enfants le souhaitaient, c'est un vrai petit travail d'acteur qui leur était demandé jusqu'à leur texte à lire et à apprendre. Chose étonnante même des enfants de 8 ans, en difficulté en lecture par ailleurs, s'y sont attelés.
 
Bien entendu, des problèmes ou conflits dans le groupe n'ont pas manqué de poser quelques difficultés ; dans le cas de ce mini-projet théâtre, les enfants ont eu tendance au départ à vouloir rejeter K. K. est en effet un enfant étrange de six ans qui parle à peine ; pour attirer l'attention des autres, il fait volontiers « le singe ». Les enfants ont craint rapidement que K. risque de compromettre la représentation. Bien entendu, ils n'apercevaient pas forcément, en cours de route, que bon an mal an, K. s'acquittait bien plus régulièrement qu'eux de son travail d'acteur et que pour l'occasion, il disait son texte. C'était quasiment la première fois que nous entendions sa voix. Depuis ce travail théâtral, on l'entend un peu plus.
 
Enfin est venue la représentation ; les parents et les voisins étaient dûment informés directement ou par voix d'affichage. On a aussi pris soin de donner un programme à chaque spectateur et même aux passants, la représentation ayant lieu sur la pelouse centrale de la cité.
 
Cécile avait apporté un soin extrême au maquillage ; les costumes étaient simples mais plein de couleurs et de reflets (ah les tissus arabes à paillettes ! Ils constituent une base inimitable et pas trop chère pour tout costume de spectacle).
 
Ce que nous retenons pour la suite : rapidité et qualité ne vont pas si mal ensemble…
 
Pour l'avenir nous retenons dans le cadre qui est le nôtre le principe du mini-projet. Le mini projet ne nous semble pas à l'analyse un projet au rabais mais surtout un projet adapté au temps des enfants.
 
Je sais qu'en milieu scolaire la durée est possible : le groupe est captif, en fin de compte… Pour autant, je me demande si je ne vais pas adopter le même principe de fonctionnement dans ma classe : ramasser le temps, lancer un projet intensif mais de durée réduite (trois semaines), quitte à faire plusieurs projets dans l'année. C'est peut être en rentrant dans un temps plus proche de l'enfant qu'on peut aider celui-ci à mieux appréhender la globalité d'une action collective.
 
Laurent OTT
enseignant à Longjumeau (91)
Auteur de "L'école au piquet" (Albin-Michel 2001) 



Le Titacycle 3 : un bateau coopératif pour une fête locale

Décembre 2001

Chronique d’un projet de classe : de la proposition d’un enfant au conseil de coopérative, jusqu’à l’aboutissement : une maquette de bateau, mise à l’eau, dans le cadre d’une fête locale.

 
Au bord de l’Yvette, petite rivière qui coule près de l’école a lieu chaque année en juin, le week-end des Guinguettes. Depuis quatre ans, dans ma classe les enfants fabriquent des petits bateaux pour cette occasion. Le samedi soir, ces bateaux vont rejoindre de nombreux autres, construits par les enfants petits et grands de la ville et l’Yvette se pare des lumières tremblantes de toutes les bougies posées sur ces petits bateaux.  
 
Le 7 mai 2001, au conseil de coop, dans les « Je propose » on peut lire : « Je veux parler d’un bateau pour les Guinguettes. » Jérémie explique : « Je voudrais que l’on fabrique un grand bateau, un bateau pour les guinguettes, et pas des petits comme au CE1. J’ai une grande planche à la maison. »
 
Les Guinguettes auront lieu cette année les 16 et 17 juin, il faudra s’organiser pour être prêts à temps. Il y a d’autres projets à mener conjointement.
 
Le 28 mai, Jérémie et Pierre-Xavier présentent leur plan du bateau au conseil. Dans la classe, sur le calendrier, nous inscrivons des plages horaires de fabrication. La réalisation du bateau se fera dans la semaine du 11 au 16 juin. Les bouteilles qui serviront de flotteurs arrivent régulièrement et s’amoncèlent dans le fond de classe. La planche de Jérémie est trop grande, trop lourde, on ne pourra pas la transporter, il faut chercher une autre solution. Les enfants proposent d’aller demander des cagettes à la  supérette voisine. Nous y allons à quelques-uns uns et revenons avec plusieurs cagettes.
 
Lundi 11 juin, le travail de réalisation du bateau commence. Jérémie et Pierre-Xavier en sont les maîtres d’œuvre. Un atelier d’assemblage, va fonctionner tous les jours de la semaine. Les enfants tourneront dans cet atelier. Un autre, de peinture, s’occupe des mats et des barquettes de polystyrène qui serviront de cache et de bords.
 
Dans le même temps, les enfants ne travaillant pas sur le bateau sont sur d’autres projets, la fête spectacle pour les parents approche et il y a des décorations, répétitions et réalisations de costumes à finir.
 
Dans l’atelier assemblage, les enfants calculent et aménagent l’espace des cagettes pour y mettre le maximum de flotteurs. Linda apporte une planche plus petite qui va réunir les deux cagettes. Il faut donc plus de flotteurs. Ils collent, clouent, attachent et le bateau prend forme selon les plans. Chaque soir, ils le rangent soigneusement. Puis les mats sont fixés, les voiles découpées dans des vieux tissus et arrimées, les bords mis en place.

Le bateau n’a toujours pas de nom. Vendredi 15 juin, nous décidons de le choisir. Plusieurs propositions émergent. Presque toutes font référence à la classe de cycle. Et c’est le « Titacycle 3 » qui l’emporte.
           
Nous avons déjà « Le trio des bavards », nom du journal de la classe, « Les histoires de cycle », nom du livre réalisé pour le concours OCCE. (Les enfants tiennent à marquer leur appartenance à cette classe de cycle trois, unique dans l’école et qui a tant fait jaser parents et enfants de l’école cette année. Ils ont du répondre à plusieurs reprises à des remarques désobligeantes d’enfants d’autres classes...).
 
Samedi 16, ce sont les dernières mises au point. Des décorations s’ajoutent, les mats sont consolidés, Marc et Ludovic préparent une bannière de papier portant le nom du bateau. Les bougies sont collées. Rendez-vous est pris à 14 h 30 pour ceux qui peuvent venir aider au transport du bateau vers le hangar temporaire de stockage et fabrication, au bord de l’Yvette.
 
Tout l’après-midi, le bateau sera source de commentaires et d’admiration. Flottera? Coulera ? Oh qu’il est grand. !...
 
Le soir à 22 h 30 nouveau rendez-vous, les enfants de la classe sont venus nombreux assister à la mise à l’eau. Le Titacycle 3 part, éclairé par ses nombreuses bougies, malheureusement, un coup de vent les éteint (erreur de conception il fallait protéger les bougies !) Il continue sa route lentement, parmi tous les petits bateaux illuminés et arrive entier au but.
 
Le lundi matin en classe les enfants absents de la soirée demandent :
- Alors le Titacycle 3 ?
Ils étaient fiers de raconter :
-Il est arrivé, il n’a pas coulé, il a été très remarqué…
 
Marguerite Vigne 
Classe de cycle 3
Ecole Andersen
Villebon sur Yvette 91

 

Brésil : une pédagogie de l'intégration

Décembre 2001

L’Escola Curumin (1) est une école Freinet installée à Curumin au Brésil. L’intégration des enfants « plus différents » fait partie de leur projet d’établissement. Créer les conditions pour que leurs capacités et leurs talents se développent et soient valorisés par le groupe, afin qu’ils contribuent à la production et au travail du groupe est l’ambition de l’équipe pédagogique. L’utilisation des techniques de vie de la pédagogie Freinet permet que développe dans la classe une ambiance de respect du rythme de chaque enfant, et de respect des différences, créant les conditions favorables au développement entier de la personnalité et des talents de chacun.

 
 
1ère Série (2) du soir, classe du Dinosaure, année 2000. Il y a 20 enfants dans la salle de classe. Vingt paires d’yeux inquiets, qui à tout moment interrogent : “qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ?” Jusque là, ils paraissent égaux, mais c’est notre regard et notre écoute qui vont contredire l’idée vécue pendant tant d’années de l’homogénéité d’une classe. Dans la parole de chacun, dans ses manières de sourire, de s’intéresser ou se désintéresser, nous allons désapprendre l’homogénéité et apprendre la diversité. Dans nos classes nous construisons une dynamique dans laquelle le travail (cette action humaine d’intervention sur le monde, pour le connaître et se connaître) est le maillon de liaison, c’est l’indice des possibilités pour tous ces regards, les nôtres et ceux des enfants. Ils semblent égaux mais ils ne le sont pas. Chacun a des besoins et des capacités différents. Et parmi ces différences, certaines sont « plus différentes » à nos yeux, quand nous ne les comprenons pas.
 
Approchant notre regard de cette classe de 1ère série de l’année 2000, nous pouvons voir Rafael que nous devions stimuler pour qu’il prenne de petites initiatives : « Rafael, tu dois dire si tu veux plus de goûter ou non. » Ou bien : « Rafael tu réussis à mettre tes chaussures ? » Rafael qui dans ses tâtonnements pour écrire, commençant à connaître ses lettres, écrivait avec adresse ses idées et dans ces tentatives recevait l’aide de ses camarades qui étaient dans le même atelier ou de la professeure. Aide qui, parfois, n’était que de coller la feuille de liaison dans le cahier, car c’était même nécessaire de faire ce travail avec lui. Mais Rafael avait dans les ateliers des activités adaptées à ses besoins et travaillait également avec les textes produits collectivement par le groupe, dans lesquels, d’une manière ou d’une autre, il participait également, donnant ses “sensations” comme tous les autres du groupe.
 
Le regard de la professeure déjà était informé, par les regards des professeurs précédents, des difficultés éventuelles à affronter et des progrès qu’il avait déjà réalisés dans l’école.
 
Dans les réunions pédagogiques et dans les réunions d’orientation nous avions discuté des possibilités de travail de Rafael, formant ainsi, dans l’école, une base d’aide pour travailler, dans chaque classe, avec un ou deux élèves aux besoins spéciaux, les intégrant dans nos groupes. Nous parlons là d’élèves ayant différents syndromes. Nous avons par exemple, dans la 5e série un élève avec le Syndrome de Down, dans la 4e (le matin) un élève avec Paralysie Cérébrale, dans la 4e (soir) un élève avec Déficience mentale, dans la 3e série (matin) une élève avec le Syndrome de Aspergen et une autre avec difficultés d’apprentissage, dans la 3e série(soir) un élève avec une déficience mentale et une autre avec une déficience visuelle et mentale et ainsi de suite, dans toutes les classes. Nous mettons en évidence ces exemples dans l’intention d’éclairer le principe général qui nous oriente : l’intégration d’élèves avec des besoins spéciaux. Les « étiquettes » ne nous intéressent pas (elles aident très peu à comprendre ces élèves et, parfois, au contraire, contribuent à se faire un regard préconçu sur ceux-ci), ce qui importe est d’apprendre à voir en eux ce qu’ils ont comme possibilités, à voir mieux leurs besoins, respectant leurs rythmes personnels de la même façon que nous respectons les rythmes des autres élèves, sans oublier de les stimuler, sans oublier de donner des ailes à leurs projets et intérêts comme nous l’enseigne la Pédagogie Freinet.
 
Nous allons revenir à cette salle de classe de Rafael et laisser notre regard se tourner pour voir aussi Pedro qui arrivait très agité le lundi, racontant les nouvelles qu’il avait lues dans la revue « Veja » (3).
 
Ces nouvelles ainsi que d’autres, il les apportait pour la « Roda de Conversa » (Cercle de conversation), échangeant les idées avec ses camarades. Pedro domina rapidement la lecture et l’écriture et écrivit tôt de longs textes. Dans les moments de travail, il cherchait des amis et il lisait avec plaisir ces textes, savourant avec eux ses conquêtes. Dans les recherches, Pedro voulait tout savoir, voulait toujours savoir plus. Il suffisait d’une information pour que lui-même cherche à continuer le travail. Ses besoins étaient autres, par exemple, structurer mieux ses textes, améliorer son écriture. Il avait besoin également d’apprendre à donner de l’espace à ses camarades, d’attendre son moment de parole...
 
Pedro et Rafael étaient camarades dans la 1e série et ensemble ils produisaient des travaux en groupe : une recherche sur les dinosaures mobilisa l’intérêt de la classe dans le premier semestre et pour cela se transforma en grand projet du groupe. Presque tout tournait autour de ce thème : les textes, les lectures, les arts plastiques. La classe fabriqua un grand dinosaure en papier kraft et papier journal pour le présenter à l’exposition annuelle de l’école. Cherchant des informations sur le sujet ils commencèrent à échanger des correspondances avec une classe de la 1e série du matin, laissant des lettres pour eux.
 
Dans cette construction de possibilités d’intégration nous sommes attentifs à réaliser un travail qui ne se limite pas à une simple socialisation pour ceux qui ont des besoins particuliers. Prendre en compte leurs rythmes propres et leurs possibilités, c’est plus que cela. C’est créer les conditions pour que leurs capacités et talents se développent et soient valorisés par le groupe, c’est créer les conditions pour que ces talents soient mis à profit effectivement, de façon à contribuer à la production et au travail du groupe. Nous croyons que le travail socialise.
 
Pedro et Rafael travaillaient ensemble dans la production de ce dinosaure et également jouaient ensemble, participaient ensemble à la « Roda de Conversa » et avaient chacun leur moment pour exprimer leurs idées.
Comment cela est-il possible ? En plus de notre regard qui s’ouvre, qui désapprend le vieux et cherche à percevoir le neuf et la diversité sans préjugés, nous nous appuyons sur une proposition pédagogique, avec des instruments pratiques pour la salle de classe, qui nous aident à organiser le travail. Nous avons tenté de construire les possibilités d’intégration, à partir de la Pédagogie Freinet, dont les principes sont la coopération, l’autonomie, la libre expression et le travail. Par le biais de ses instruments pédagogiques, se développe dans la classe une ambiance de respect du rythme de chaque enfant, et de respect des différences, créant les conditions favorables au développement entier de la personnalité et des talents de chacun.
 
La Pédagogie Freinet n’est pas considérée par nous comme un simple ensemble de techniques. La construction des instruments de travail est un processus animé par le professeur et qui s’appuie sur la participation des élèves, par exemple, la « ronde de conversation » qui est un espace et un moment de libre expression du groupe, pour l’apprentissage de la vie en commun et de la nécessité de règles et souvent, c’est dans cette ronde que surgissent les projets du groupe. Dans la ronde apparaît aussi un autre instrument de travail d’extrême importance : le Livre de Vie. Dans celui-ci, comme dans un « journal de bord » nous enregistrons toute la vie du groupe, les faits importants de jour en jour, les dessins et quelques tentatives d’écriture des enfants et ainsi, l’acquisition de la lecture et de l’écriture vont se faire de façon significative. Avant même de savoir lire et écrire, les élèves sont déjà usagers de l’écriture, en se l’appropriant. Le texte libre, ce puissant instrument créé par Freinet se place au service de l’expression enfantine, permettant des créations authentiques. Les textes sont lus dans la « ronde de conversation » et ainsi communiqués au groupe, pouvant être choisis pour le travail du groupe de correction collective.
 
Et comme nous dit Freinet « Nous cultiverons avant tout ce désir inné de l’enfant de communiquer avec les autres, de faire connaître autour de lui ses pensées, ses sentiments, ses rêves et ses espérances. Ainsi, apprendre à lire, à écrire, à se familiariser avec l’essentiel de ce que nous appelons la culture sera pour lui une fonction aussi naturelle que d’apprendre à marcher ».
 
La vie en groupe est remplie de conflits et ils apparaissent naturellement dans nos classes. Ouvrant notre regard sur ces conflits, les comprenant comme manifestations nécessaires et légitimes des problèmes que les enfants rencontrent, nous utilisons dans la classe le Journal Mural. Les discussions sont vives, les critiques sont directes et ceci permet la construction d’un climat de dialogue franc, de responsabilité personnelle et du groupe, avec des accords solides, de construction de l’autonomie. Aussi bien Rafael que Pedro reçoivent des critiques et des compliments du groupe classe. Personne n’est traité avec mépris ni avec indulgence superflue.
 
Le Plan de Travail est un autre instrument présent dans nos salles de classe pour que l’enfant s’organise dans le temps et l’espace. Au début de chaque semaine il y a un moment pour l’organisation du travail : quelles activités particulières ferons-nous, quels projets nous devons continuer, quels seront les moments pour le travail individuel. Dans cette routine organisée collectivement on prévoit toujours l’espace pour les travaux en Ateliers. Les élèves peuvent ainsi choisir, dans un éventail de possibilités, quels travaux répondent le mieux à leurs intérêts. Les élèves peuvent également choisir en relation avec leur emploi du temps. C’est dans les ateliers que le travail se fait, permettant les recherches et l’exploration du savoir. Livres, albums, histoires en petits tableaux produits par les enfants eux-mêmes ont l’habitude d’être envoyés à la bibliothèque de l’école. Ainsi l’enfant se sent véritablement producteur de savoir et non simple consommateur. Souvent pour continuer des recherches réalisées il est nécessaire d’organiser une classe-promenade. Et là nous allons diriger notre regard en dehors de la salle de classe, élargissant nos domaines. Nous avons encore la correspondance entre les groupes d’élèves qui s’établit tantôt pour poser des questions aux collègues tantôt pour partager nos découvertes.
 
Tous ces outils sont mis en place pour répondre aux besoins des enfants. Mais percevoir ces besoins est dans notre regard et les assumer à des fins éducatives est dans notre volonté de rendre à l’enfant son propre temps, donc, « rien ne sera fait s’il n’y a pas transformation des relations maîtres-élève car la Pédagogie Freinet est une éducation dans la confiance qui s’accompagne d’une réelle prise en charge par les enfants de leur mode de vie et de travail » (4).
 
Aujourd’hui Rafael et Pedro sont en 2e série. Ensemble avec ces 20 paires d’yeux, déjà ils questionnent d’autres choses s’appropriant le temps qui n’est plus le temps ordonnancé uniquement par le professeur, ils ont maintenant temps et espace pour observer et questionner d’autres choses. Le travail avec Rafael est toujours de le stimuler pour qu’il prenne des initiatives, pour faire toutes les activités, participant chaque fois plus dans le groupe. Il est pratiquement alphabétisé ! Aujourd’hui il participe aux entretiens, racontant ce qui lui est arrivé la veille. Il précise par quelques mots ce qu’il n’a pas aimé, protestant contre un ami par exemple. Le travail avec Pedro est également de toujours le stimuler et en outre de ne pas laisser son énorme curiosité s’éteindre. Le travail qui est réalisé maintenant dans la 2e série n’est que la continuation de ce qui fut réalisé depuis qu’ils sont dans cette école, selon un processus croissant. Sans nier leurs difficultés, mais également sans mépriser leurs talents, respectant leurs limites.           
 
Gláucia de Melo Ferreira (coordonnatrice pédagogique)
Mariângela de Mello Pereira (professeur de la 2e série)
Tânia Regina Laurindo (professeur de la 1ère série)
Traduction Bernard Monthubert
 
1-L’Escola Curumin est une école brésilienne, située à Campinas, dans l’état de São Paulo. C’est une école privée qui reçoit actuellement 270 élèves. Cela fait déjà plusieurs années que nous faisons nos tâtonnements en Pédagogie Freinet.
2-La « 1ère Série » correspond à l’alphabétisation (6-7 ans)
3-La revue « Veja » est un périodique de grande diffusion de la région de São Paulo, pour le public adulte.
4-Dossier Pédagogique de la revue L’Educateur – Premiers Contacts avec la Pédagogie Freinet. ICEM, 10/09/79.



 

 

La légion d'honneur ou rien

Décembre 2001

Monsieur le ministre de l’Education Nationale

 
Je sollicite de votre haute bienveillance le privilège d’être inscrit sur la liste des promouvables à la Légion d’honneur.
 
Veuillez, monsieur le ministre, ne pas considérer cette demande comme la marque d’un orgueil démesuré. Après tout, l’inventeur de la chose – je veux parler de Bonaparte – ne dédaigna pas d’épingler cette distinction sur la poitrine de simples grognards…
 
Voyez-vous, monsieur le ministre, il y a déjà bien trop longtemps que je passe sous les fourches caudines de la promotion à l’ancienneté, au demi-choix ou au Grand Choix. Sans jamais avoir su qui me promouvait et au nom de quoi. Sans jamais avoir su ce qu’étaient un demi ou un grand en matière de choix. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une promotion au vieillissement. Une sorte d’acompte sur ma future carte Vermeil. Bref, plus on est vieux, mieux on est payé.
 
J’attire aussi votre attention sur une récompense peu connue du grand public. La Mention Honorable. Elle arrive un jour, sans qu’on sache pourquoi, vous surprendre douillettement dans votre classe. Vous voilà désormais honorable instituteur. Bien sûr, il faut que le mentionné ait déjà pas mal roulé sur les larges et belles voies de l’Education Nationale. Mais ce geste délicat et maternel de l’administration va droit au cœur de bien des enseignants. Surtout que la pureté de la Mention Honorable n’est aucunement entachée de sordides questions d’argent. L’honorabilité ne se marchande pas. Comme un Bon Point, en somme…
 
Mais revenons à l’objet de ma lettre, monsieur le ministre, je ne voudrais pas abuser de votre temps.
 
Je n’ai pas songé d’emblée à la Légion d’honneur. Ma retenue naturelle m’a d’abord fait regarder du côté des Palmes Académiques, plus en accord avec mon métier. Mais au vu de la liste des impétrants, j’ai bien compris que j’avais peu de chances. Mon plus lourd handicap est de faire classe tous les jours. J’aurais dû m’éloigner des enfants, passer dans le camp des organisateurs, des conseillers, des décideurs de tout calibre. Je n’ai pas su, je n’ai pas voulu. Et je n’aurai pas les Palmes. Car je ne suis par ailleurs, ni artiste, ni écrivain, ni éditeur scolaire, ni patron d’une grande entreprise multimédia, ni secrétaire général d’un grand syndicat d’enseignants, ni membre influent du clergé version éducative. Je ne suis pas non plus chargé de réformer les programmes, ni de concocter les évaluations nationales de CE2 et de 6e. Et donc adieu les Palmes Académiques.
 
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous adresse cette demande. Quand on a l’âme pure et la foi de charbonnier, il faut viser très haut. La Légion d’honneur ou rien.
 
J’espère, monsieur le ministre, que ma sollicitation trouvera, sous votre haute bienveillance, une écoute particulière.
 
Michel Barrios

Freinet : confrontation avec le pouvoir disciplinaire

Décembre 2001

La proposition pédagogique de Célestin Freinet ne se réduit pas à une pédagogie active ou de travail, elle apporte une dimension anti-disciplinaire, qui implique une révolution radicale dans le quotidien scolaire. Les mécanismes du savoir-pouvoir disciplinaire peuvent être dépassés dans la mesure où les relations éducatives investissent les mécanismes disciplinaires de distribution spatiale du contrôle des activités, de la programmation et de l’articulation des travaux, ainsi que les procédés de surveillance, de punition et d’examen. C’est ce que cet article prétend expliquer, en renvoyant la proposition de Célestin Freinet et en s’appuyant sur la théorie de Michel Foucault.

 

Les pratiques sociales, particulièrement la pratique éducative, sont susceptibles de multiples interprétations. Théoriser sur une pratique implique de l’observer sous différents points de vue, de l’analyser sous divers angles, afin d’en expliciter ses interprétations possibles. L’importance de l’effort de théorisation se trouve dans l’explicitation d’autres modes de compréhension d’une pratique. Elle nous donne la possibilité d’émettre un jugement de valeur de manière différente et d’assumer des options, qui puissent apporter de nouvelles relations ou des modes plus performants pour nous mettre en relation avec les personnes et avec le monde.

 

La proposition pédagogique de Freinet représente un mode particulier de voir et de réaliser la pratique éducative à l’école, en opposition à la pédagogie traditionnelle. De surcroît, la proposition de Freinet, ainsi que celles qui s’y réfèrent de façon importante, peut être interprétée selon différents points de vue.

 

Ainsi, une perspective libérale relèverait chez Freinet le développement de la liberté et de la créativité personnelle ; la perspective marxiste renforcerait la dimension du travail comme principe éducatif. Ici, pourtant, je prétends mettre en relief sa dimension anti-disciplinaire importante, pour comprendre le caractère révolutionnaire quotidien ou « microphysique » de la proposition pédagogique de Freinet.

 

Célestin Freinet considère que l’objectif fondamental de l’éducation est de développer au maximum la personnalité de l’enfant, en tant que membre de la communauté. Pour ce faire, il propose de promouvoir le développement personnel, en profitant de la richesse de l’environnement de celui-ci, au moyen de techniques pédagogiques appropriées et en favorisant le travail comme étant le grand principe de l’éducation et de l’organisation. Une telle orientation pédagogique et sociale rend propice une organisation rationnelle de l’école qui doit donner de nouvelles dimensions non seulement à ses dépendances, programmes et horaires, mais encore à ses instruments de travail et à ses techniques.

 

Freinet, en proposant des transformations pédagogiques, est conscient du fait que le conditionnement social de l’école ne lui permet pas une libération autonome et que les changements à l’école vont se heurter au système de sélection, de compétitions, d’examens, qui consolide des relations de domination.

 

D’autre part, les propositions construites dans la pratique pédagogique de Freinet se confrontent à la structure scolaire et à la société. C’est ce que nous essaierons d’expliciter à présent, en nous appuyant sur la théorie du pouvoir et du savoir disciplinaire élaborée par Michel Foucault (1926-1984).

 

A travers ses recherches sur la naissance de la prison et des dispositifs de contrôle de la sexualité, Michel Foucault voit se dessiner des formes locales et institutionnelles d’exercice du pouvoir, différentes du pouvoir exercé par l’Etat. Il s’agit de « pouvoirs molléculaires » et périphériques qui, bien qu’articulés comme un appareil d’Etat, n’ont pas été absorbés par lui. Foucault identifie ce type de pouvoir comme étant le pouvoir disciplinaire.

 

La discipline distribue les individus dans l’espace, établit les mécanismes de contrôle de l’activité, programme l’évolution des processus et articule collectivement les activités individuelles. Elle utilise des recours coercitifs comme la surveillance, les sanctions et les examens (1).

 

La distribution des individus dans l’espace, par le biais des limites matérielles, de l’encadrement, de la disposition en ligne, forme un cadre idéal qui permet d’identifier, de classifier et de contrôler les individus. Le cadre est ainsi un processus de savoir car il permet de classifier et de vérifier les relations et une technique de pouvoir car il permet de contrôler un ensemble d’individus.

 

Le contrôle des activités est fait au moyen de l’horaire, qui invite les individus à se livrer et à accomplir fidèlement ce qui a été prédéterminé. En outre pour obtenir une plus grande efficacité et rapidité, la discipline impose une relation entre un geste et l’attitude globale du corps, tout comme entre le geste et l’objet. Une telle efficience augmente dans la mesure où une telle « manœuvre » respecte et incorpore les exigences et le comportement naturel du corps.

 

En dehors du fait de scruter l’espace, de subdiviser et de recomposer les activités, la discipline capitalise le temps et les énergies des individus, de façon à ce qu’ils soient susceptibles d’être utilisés et contrôlés. Et ce au moyen de quatre processus : la division du temps en tranches minutées, l’organisation de séquences, la terminaison de chaque tranche par une épreuve, en établissant des séries temporelles différenciées. De tels mécanismes, qui garantissent la formation évolutive de l’individu, constituent « l’exercice ».

 

De plus, les institutions disciplinaires articulent les individus comme un appareil efficient. Dans cet appareil, l’individu devient un élément qui peut bouger et s’articuler avec les autres. De la même façon, la série chronologique des uns doit s’ajuster au temps des autres. De cette manière, les forces individuelles sont mises au maximum à profit et se combinent entre elles ; elles constituent le meilleur moyen pour obtenir un bon résultat. Enfin, cette méticuleuse combinaison exige un système précis de commandements, basé sur des signaux définis qui provoquent immédiatement le comportement souhaité. De tels processus se réalisent dans lé « tactique ».

 

La discipline est donc constituée d’un ensemble de mécanismes qui scrutent l’espace, décomposent et recomposent les activités pour adapter les gestes aux attitudes et aux objets, établissent la mise en série des actes et l’accumulation de forces individuelles sous un commandement centralisé.

 

Le succès et le fonctionnement du pouvoir disciplinaire sont dus à l’usage d’instruments simples comme le « regard hiérarchique », la sanction « normalisante » et sa combinaison en un procédé qui lui est spécifique, l’examen.

 

Ces dispositifs constituent le type de pouvoir disciplinaire qui caractérisent la structure et le fonctionnement d’institutions qui surgirent à partir du XVII ème siècle, comme l’usine, la caserne, l’hôpital, l’hospice, la prison et, de façon particulière, l’école. Et nonobstant les tentatives successives de réformes des derniers siècles, ces institutions tendent à reproduire les mêmes mécanismes que l’on cherchait à dépasser. Dans le jeu de forces établi, intra et inter-institutionnel, qui forment les individus dociles et productifs, elles recomposent des relations hiérarchiques et disciplinaires.

 

Toutefois, les expériences de Freinet révèlent, bien que de manière limitée et focalisée) des indices d’un nouveau type d’organisation, de caractère anti-disciplinaire, qu’il se propose de construire dans le champ d’action de l’éducation scolaire.

 

Freinet s’insurge avec détermination contre la discipline formaliste typique de la scolastique, de l’école traditionnelle. Il défend une « nouvelle » discipline, un nouveau type d’organisation, plus rationnel et plus humain, qui s’oppose aux mécanismes de pouvoir disciplinaire, identifiés par Foucault. Sa théorie nous offre la possibilité de comprendre que la proposition de Freinet désigne des formes d’organisation qui rompent avec les mécanismes disciplinaires, dans la mesure où il a en perspective la formation des personnes productives (tel le pouvoir disciplinaire), plus créatives (à l’inverse du pouvoir disciplinaire qui conditionne les personnes à la soumission).

 

Par les limites données à l’espace, par l’encadrement, par la disposition en ligne qui transforme le collectif en un cadre vivant, totalement observable et contrôlable, l’organisation disciplinaire de l’espace s’identifie à « l’auditorium-scriptorium » de l’école traditionnelle.

 

Dans celle-ci, l’on donne la priorité au milieu naturel autour duquel s’articulent les édifices dans lesquels la salle commune, pour les travaux collectifs, se compose d’ateliers spécialisés internes et externes. Dans cet espace scolaire, les contrôle des activités tend à être assumé par les groupes d’élèves, en fonction de leurs intérêts et de leurs projets, en supprimant le mécanisme de surveillance hiérarchique.

 

Le contrôle disciplinaire d’activité, basé sur l’horaire et l’entraînement, est également dépassé dans la mesure où l’on offre aux enfants des possibilités de travail créatif et libre, choisi selon les intérêts et les rythmes personnels, dans l’enceinte des nécessités communautaires (2).

 

Le dépassement de la pratique de l’ « exercice » disciplinaire (qui capitalise et classifie les énergies de l’individu de manière à ce qu’elles deviennent utilisables et contrôlables), ainsi que l’organisation tactique de l’école en tant qu’appareil (qui articule les activités individuelles sous des commandements standardisés), peuvent être entrevus dans le travail pédagogique que Freinet appelle « complexes d’intérêt ». Ces derniers sont suscités par les contacts directs avec l’environnement, à travers les ateliers de l’école et la connaissance expérimentale des élèves. Parmi les multiples motivations vitales, les enfants choisissent d’aborder certains travaux à réaliser en collaboration avec leurs camarades ; ainsi Freinet propose, par exemple, l’élaboration d’un journal.

 

Les énergies sont ensuite capitalisées en chacun et dans les travaux réalisés et non pas seulement selon un processus en série, basé sur la classification et la hiérarchie. L’articulation collective est construite, non pas de manière standardisée, mais elle intègre et valorise créativement les particularités de chacun d’eux. Avec cela, on forme des personnes économiquement productives, mais encore capables d’autonomie personnelle et collective.

 

Dans ce contexte pédagogique, la surveillance « panoptique » (où le surveillant observe et contrôle les autres sans être contrôlé) est remplacé par des pratiques d’observation et de discussion participative. A la punition, on substitue la critique collective, la reconnaissance des fautes, le sentiment communautaire et le désir de s’améliorer ; lesquels s’avèrent, généralement, plus efficaces pour réparer les erreurs et pour stimuler l’action. Le système d’examen tend à être substitué par des procédés d’évaluations et d’auto évaluation ayant pour base le plan de travail, où l’on essaie d’éviter le classement, la compétition et la soumission.

 

Dans les propositions pédagogiques qui émergent de la pratique de Freinet, nous pouvons identifier la confrontation avec les mécanismes disciplinaires, dans la tentative que soient promus des processus créatifs et productifs de l’éducation scolaire. Néanmoins, elles ne se réduisent pas à un ensemble de techniques ou de méthodes pédagogiques innovatrices destinées à être appliquées dans l’école. Elles n’apparaissent pas non plus comme des oppositions aux mécanismes disciplinaires, pris un à un. Elles n’apparaissent pas non plus, seulement, comme une proposition d’école nouvelle, en opposition à l’éducation traditionnelle.

 

Ce que Freinet présente comme une proposition de réforme de l’école, entendue comme l’adaptation aux nouvelles exigences de la société moderne et du développement personnel, peut révéler beaucoup plus qu’un ensemble de procédés rénovateurs de l’école. Ce sont peut-être des indices d’une autre dimension de jeu de forces que constitue la société disciplinaire : celle de la résistance au pouvoir disciplinaire qui inclut non seulement l’école, mais de toutes les institutions sociales surgies dans la société industrielle capitaliste et bureaucratique.

 

En effet, la subversion des mécanismes disciplinaires de distribution spatiale, de contrôle des activités, de programmation et d’articulation des travaux, ainsi que les tentatives de modifier les mécanismes de surveillance, de punition et d’examen sont l’expression d’une autre corrélation de forces. Cette expression s’établit dans les groupes et les mouvements sociaux, produisant de nouveaux mécanismes qui portent ces nouvelles relations.

 

Si l’on entend donc les propositions méthodologiques de Freinet comme étant des mécanismes produits dans les relations vivantes qu’il a établies avec ses contemporains, (dans le cadre de la pratique scolaire) l’on comprendra clairement que ce qui est fondamental n’est pas dans le fait de répéter simplement entre nous les procédés pédagogiques qu’il a développés et systématisés à son époque, ni dans celui de suivre sa théorie comme une nouvelle orientation idéologique.

 

On ne serait que trop « ingénu » à prétendre adopter la proposition pédagogique de Freinet simplement au moyen de la construction ou de l’adaptation des édifices et des espaces scolaires en structures de salles communes et d’ateliers spécialisés (intérieurs ou extérieurs) ou en adaptant les horaires, les méthodes et les programmes à une dynamique plus créative et participative. Car ces mécanismes peuvent être facilement assimilés à une structure disciplinaire (imposant hiérarchie et soumission aux individus) si les options personnelles et la corrélation des forces dans un contexte déterminé favorisent la hiérarchisation et l’assujettissement dans les relations institutionnelles. Dans le même sens que, dans une institution disciplinaire, se développent les relations et options de résistance, qui dévoilent une autre forme d’organisation et incitent aux changements structuraux.

 

Le plus important, toutefois, est d’assumer créativement les relations vivantes, d’affronter courageusement le jeu de forces auquel nous participons, en créant et en recréant, peu à peu, les moyens qui maintiennent les relations d’autonomie et de réciprocité et, en même temps, en neutralisant ceux qui produisent l’isolement et la soumission.

 

De cette manière, à travers ses écrits et ses expériences, Freinet reste, pour nous, un partenaire de plus avec lequel nous pouvons échanger des expériences et discuter des procédés qui font avancer nos luttes et concrétiser nos utopies.

 

Reinaldo Matias Fleuri

Université de Florianopolis

Traduction André Lefeuvre

 

1-M.Foucault : Surveiller et punir

2-C. Freinet : Pour l’école du Peuple



 



 



 

 

Ecole primaire : les programmes nouveaux arrivent : à consommer avec modération

Décembre 2001

La consultation nationale sur les nouveaux programmes de l’école primaire a mobilisé de manière très inégale les équipes pédagogiques des écoles au cours de ce premier trimestre.

 
Ces projets laissent entrevoir des évolutions intéressantes :
- la flexibilité introduite au niveau des horaires,
- le passage d’une logique de transmission à des objectifs définis en terme de compétences globales,
- la valorisation de la transversalité par opposition à un fonctionnement en champs disciplinaires,
- la préconisation d’une pédagogie qui s’appuie sur : expérience concrète, constitution collective des savoirs, apprentissages en contexte, prise en compte des procédures des élèves,
- l’importance accordée au «vivre ensemble» dans le respect mutuel et une coopération réfléchie.
 
Ces orientations nous confortent dans nos pratiques actuelles : la coopération, le tâtonnement expérimental, l’expression, une école à la rencontre de la vie, des projets qui donnent du sens aux apprentissages, le respect de chacun dans ses rythmes.
 
Les objectifs de maîtrise du langage sont certainement l’avancée la plus audacieuse. Saluons la place enfin donnée à la vraie lecture dans de vrais livres par une multiplication de l’offre de lecture et une sensibilisation à la littérature.
Pour l’apprentissage de la lecture, l’importance accordée au système grapho-phonologique nous semble par contre une régression. Une approche naturelle de la lecture place l’enfant au centre de ses apprentissages et lui permet de donner du sens à ses découvertes. Elle lui permet de se constituer des connaissances à son rythme tout en participant à un vécu collectif organisé. Pourquoi obliger à travailler les homophones grammaticaux, alors que l’appropriation de l’orthographe, grâce à la production d’écrits dès le cycle 2, permet d’entrer dans la lecture par le sens plutôt que par le son ?
Le programme de grammaire, malgré un allégement certain, nous semble encore trop chargé.
Les moments d’écriture, de lecture, les moments de parole ne peuvent se vivre que dans des situations authentiques. C’est la condition pour qu’ils aient un sens pour l’enfant.
 
En histoire les supports et les contenus restent distants de «l’histoire» et du «patrimoine» des enfants, notamment ceux des classes populaires. L’importance de l’indispensable «doute» dans l’établissement des faits historiques n’apparaît pas.
La géographie se restreint trop à l’étude de la seule France même si la part de l’humain y est réactivée.
En sciences la pensée contrainte domine. Aucune référence n’est faite au tâtonnement expérimental qui nous est cher. Et pourtant c’est pendant les recherches que les démarches individuelles s’entremêlent avec les démarches collectives pour enrichir le domaine explicatif des phénomènes.
Il est dommage qu’aucune place ne soit mentionnée dans ces domaines pour les recherches documentaires des enfants, l’enquête ou la sortie, ni pour les modes de communication que peuvent être la conférence d’enfants ou l’exposé.
Nous sommes encore loin de la construction à l’école par chaque enfant d’une vraie culture historique, géographique et scientifique, gages d’une véritable formation citoyenne.
 
En mathématiques, ce n’est plus calculer qui est mis en valeur mais justifier et argumenter : «à certains moments, la classe s’apparente ainsi à une petite communauté mathématique qui cherche, échange, argumente, prouve». L’oral retrouve ici toute sa place. Et si cette démarche n’était plus celle de quelques instants mais bien une démarche permanente ? Cependant le programme en ce domaine reste structuré en une succession de notions sans ligne générale directrice comme c’est le cas en maîtrise du langage.
 
Si l’éducation civique retrouve une place importante, elle reste encadrée par un programme. Envisager l’apprentissage de la responsabilité et du débat démocratique sous le seul angle de l’élaboration et du respect des règles de vie ou la gestion des conflits est réducteur. On note une absence de volonté dans le domaine de la responsabilisation effective des élèves tant dans la vie de la classe et de l’école que dans la construction de leurs propres apprentissages.
 
Un certain nombre des démarches préconisées sont certes intéressantes mais la nécessité de donner du sens à tous les apprentissages, de la culture littéraire à la mathématique, des langues vivantes à l’art, est de savoir comment le faire dans des salles de classes exiguës, au milieu de 30 enfants issus de milieux socioculturels souvent peu favorisés pour que «chaque élève, sans exception, puisse se doter des savoir-faire intellectuels, de l’appétit de savoir et des attitudes à l’égard d’autrui».
 
Synthèse de J. Blanchard à partir des contributions d’enseignants et d’équipes pédagogiques Freinet

Pédagogie Freinet et économie libérale

Décembre 2001

La consultation sur les projets de nouveaux programmes pour l’école primaire a réanimé les critiques envers la pédagogie et plus particulièrement envers les pédagogies dites «nouvelles». Les critiques les plus extrêmes regrettent la transmission verticale à sens unique enseignant-élève et les situations d’enseignement du passé.

 
Et pourtant lorsque nous parlons de la main mise de l’économie libérale sur l’école nous avons les mêmes craintes : l’école ne lui offrirait-elle pas un « citoyen idéal », un individu égocentrique, parfait consommateur, avide de satisfaire des désirs immédiats, un individu isolé, aux fortes difficultés relationnelles, un travailleur mobile incapable de s’associer ou de se syndiquer car dépourvu de tout lien culturel, un individu bavard mais ne sachant plus « parler », un individu peu apte à la réflexion personnelle -laissant la télévision envahir sa vie privée et occuper ainsi le temps où il aurait pu échanger et débattre- un individu manquant de sens critique, ne se questionnant plus, ne questionnant plus l’autre ?
 
Pour construire cet individu, l’Ecole doit le rendre autonome, « civil», «flexible », capable de s’adapter rapidement à n’importe quel travail et de se former seul tout au long de sa vie. Une simple base de savoirs rapidement opérationnels serait suffisante pour assurer cette auto-formation.
Le droit à l’éducation pour tous serait réduit à un droit individuel d’accès au savoir, désiré ou imposé, mais toujours aussi inégalitaire.
Les savoirs nécessaires à la compréhension du monde, permettant de participer à sa transformation, seraient secondaires, extérieurs à l’école, réservés à certains…
Cette démarche au premier abord semble renvoyer aux pédagogies qui prônent l’autonomie, l’individualisation des apprentissages, l’éducation citoyenne…
Notre spécificité n’est plus aussi bien définie. Educateurs du mouvement Freinet, il nous faut sans cesse faire ressortir la philosophie qui sous-tend notre pédagogie en dehors de toute phraséologie.
 
Rassurons les nostalgiques : l’école n’a que peu changé dans sa forme. Même s’il n’y a plus d’estrade, l’enseignant est toujours à la même place, devant, accordant volontiers la parole aux enfants déjà bien ancrés dans le système, ceux qui savent et anticipent ce qu’il veut. L’enseignant décide de tout, transmet les contenusdu programme, évalue.
La massification de l’enseignement, non suivie de démocratisation, révèle ses limites. La réussite scolaire reste, plus que jamais, liée aux origines sociales.
 
Educateurs du mouvement Freinet, nous travaillons et réfléchissons pour placer constamment l’enfant dans des situations d’apprentissages permettant la réussite de tous sans distinction d’origine sociale ou culturelle, des situations authentiques d’échanges et de partages de connaissances, des situations vivantes qui permettent de confronter sa pensée à celle de l’autre.
La méthode naturelle, le tâtonnement expérimental sont des choix qui posent clairement un engagement politique : c’est la volonté de donner à chacun sa place dans la société pour ne pas la subir mais participer à sa construction.
Chaque individu est différent, acteur d’une histoire unique. Il doit avoir le temps, le droit d’exprimer ses émotions, ses sentiments, de se raconter… Ce partage, cette transmission de savoirs, ne peuvent se limiter à cette seule relation verticale maître-élève qui exclut plus qu’elle ne rassemble. Savoirs et connaissances ne peuvent se réduire à de simples compétences qu’on évaluerait régulièrement indépendamment de l’histoire de chacun !
 
Nous voyons dans nos classes, non pas des élèves, mais des personnes, des enfants qui se construisent, nous voyons et nous rêvons aux adultes qu’ils seront. Nous enseignons dans des lieux qui luttent contre l’individualisme, la compétition, l’isolement, l’exclusion. Nous nous sentons passeur de cultures, éducateur, formateur, accompagnateur… privilégiant la parole, le sens, la relation à l’autre, le travailler ensemble, le vivre ensemble, la coopération.
Au quotidien, résolument et modestement, nous avons choisi d’entrer en résistance contre la main mise de l’économie libérale et de sa pensée unique sur l’école.
 
Catherine Chabrun, CA ICEM