Le Nouvel Educateur n° 137

Mars 2002

Le droit à l’école primaire

Mars 2002

Le droit à l’école primaire

 

« À Châteauroux, des enseignants ont été suspendus pour atteinte aux droits de l’enfant reconnus par la Convention internationale ». 

Enfin le droit entre en force à l’école primaire où la discipline devrait respecter les principes du droit, comme dans le secondaire, et la dignité de l’enfant, puisque la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) stipule que

- article 28 : Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant en tant qu’être humain »

- article 16 : Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

 

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 La panoplie des punitions à l’école primaire, héritière de vingt siècles de pratiques répressives, y suscite souvent, en vain, des protestations des enfants et des parents. Mais, aucun recours n’est possible. L’école primaire ignore les principes du droit qu’il s’agisse d’exercice des libertés ou de procédures disciplinaires et de sanctions.

C’est pourquoi, depuis plusieurs années, l’ICEM a demandé aux ministres successifs de l’Éducation nationale que le règlement intérieur des écoles primaires soit reconnu comme un texte juridique qui précise les droits et obligations des acteurs de l’école, l’exercice des libertés fondamentales et les procédures disciplinaires, comme dans le secondaire.  

Ces demandes, nécessaires pour faire de l’école un lieu de respect des droits des élèves et des enseignants et d’une discipline éducative et légale, n’ont pas suscité des réponses pertinentes. Il est plus facile sans doute de s’indigner après que d’apporter des moyens préventifs avant, pour résoudre les problèmes difficiles que rencontrent les enseignants. 

Nous préconisons donc que les équipes pédagogiques innovent, en construisant de nouveaux règlements intérieurs, sans attendre des directives officielles. En s’appuyant sur la CIDE et sur les circulaires du second degré (procédures disciplinaires et R.I.), elles pourraient ainsi  organiser l’exercice des libertés et d’une libre circulation responsable, et mettre en place une discipline nouvelle respectueuse de la dignité des enfants et des principes fondamentaux du droit. 

Une résistance militante pour plus de Droit et de droits à l’école !

 

Jean Le Gal, pour le CA de l’ICEM

La philosophie à l'école

Mars 2002

 

La

philosophie

 

à l’école

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Dans les structures de parole, instituées dans les classes Freinet, la réflexion philosophique affleure souvent lorsque les enfants abordent en toute liberté, des thèmes qui les touchent profondément.    

Dans leur classe, des collègues ont choisi de mettre en place des moments de philosophie, bien   distincts des autres moments de parole, convaincus du fait que les enfants ont une capacité à questionner le monde qui lorsqu’elle est accompagnée, leur permet d’acquérir la faculté de penser par eux-mêmes.

Les ateliers philosophiques trouvent toute leur place à l’école, lorsqu’ils sont en cohérence avec les autres pratiques de la classe : respect de la parole de chacun, de la confidentialité des propos tenus, éducation citoyenne reposant sur une pratique quotidienne de la coopération. Le savoir-faire des enfants, acquis par la pratique des Quoi de neuf ? et des conseils permet alors d’articuler une pratique philosophique sur une pratique démocratique.


 

 

Le « moment philosophie »: expérimentation

dans les classes Freinet

 

Novembre 97, quelques membres du Groupe Lyonnais de l’Ecole Moderne se rendent à une invitation d’Agnès Pautard, Jacques Lévine et Dominique Senore. Un projet d’expérimentation de la philo à l’école leur est présenté ainsi qu’un protocole d’expérimentation. Depuis, un secteur philosophie s’est mis en place.

 

Nous avons été intéressés par cette proposition car dans nos classes, la réflexion philosophique affleurait, soit lors des moments de paroles institués, soit lors d’échanges informels. 

Certains d’entre nous se sont engagés dans l’expérimentation proposée, d’autres ont souhaité introduire la philo d’une façon un peu plus souple et échanger sur leur tâtonnement au sein d’un groupe de travail. 

Les objectifs 

Nous souhaitions : 

-démarrer le moment philosophique de façon naturelle (sans contrainte préalable), en tâtonnant, avec des possibilités d’évolutions, d’adaptation aux réactions des enfants, en prenant du temps ; 

-échanger sur nos pratiques en comparant nos procédures : choix du sujet (part de l’enfant, lien entre sujet et vie de la classe, raisons des choix) ; durée, moment, fréquence; intervention de l’adulte ; organisa-tion spatiale ; enregistrement ou pas ? utilisation ; rituels, règles de prise de parole ; articulations avec les autres moments de parole ; production (dessins, textes, traces) à l’issue des discussions ou pas ? etc. 

-vivre entre adultes des moments philo avec l’aide d’un prof de philo intéressé par la démarche ; 

- réfléchir à comment se construire la pensée dans les moments philo et dans les autres mieux de parole (conseil, quoi de neuf...)

Nos pratiques 

Les rituels 

Ils varient selon les groupes mais ils existent.

-du lieu

-des supports (cassettes, affiches, album…)

-de l’origine des questions

-de la distribution de la parole

-du déroulement

Le temps de réécoute

Il permet à la discussion de progresser ; la plupart d’entre nous enregistre la discussion. L’adulte peut aussi redire à la fin le cheminement de la discussion.

Chantal, au cycle 3 utilise une grille d’analyse Les enfants la remplissent en écoutant deux fois l’enregistrement initial. Ce travail d’analyse conduit à savoir dégager des idées. Il est complété : «  Maintenant qu’est-ce que vous en diriez ? ».

La conclusion est une synthèse. Sa formulation donne de la force au débat.

Remarques : les notes des enfants sont cohérentes, les enfants ne posent pas beaucoup de questions, les sujets proposés sont de plus en plus dans le domaine de la philosophie. 

L’organisation du temps

de philosophie à l’école 

Nous avons pour la plupart d’entre nous un moment programmé à l’emploi du temps pour l’atelier de philosophie. Il s’agit de temps classe mais aussi d’organisation entre plusieurs classes (cycle ou école). 

Des outils 

L’enregistrement des débats :

- le magnétophone ;

- le dictaphone ;

- le micro ;

- le MiniDisc. 

Le bâton de parole :

Objet symbolique qui circule dans le groupe et qui est tenu par celui qui prend la parole. Il est donné au suivant ou à celui qui demande la parole quand on a fini son intervention. Le micro ou le dictaphone peuvent tenir lieu de bâton de parole. 

Grille de réécoute et d’analyse d’un débat ( cycle 3)

1.     Question : problématique

2.     Quelle est la première idée ?

3.     Les questions

4.     Les idées

5.     Ma conclusion

Le cahier de philosophie (cycle 3)

Pour chaque sujet il regroupe

1.     La séance

2.     La question

3.     Le compte rendu de discussion

4.     Les citations

5.     La trace personnelle. Cette dernière peut être une reprise de ce qu’ils ont dit, un dessin, une phrase qui résume la discussion , des ressentis personnels.

 

L’album de philosophie (Grande- section)

Pour chaque sujet sont classés dans un album de classe

1.     La question formulée    : Qu’est- ce que ...

2.     La transcription écrite des discussions

3.     Les dessins individuels avec transcription de la parole de l’enfant

La photocopie de la couverture de l’album lu en liaison avec le sujet

Dans les classes 

Le moment philo chez Véronique et Michèle en CM1-CM2 

La philo est inscrite à l’emploi du temps, pour une durée hebdomadaire de 15 min.  Au cours de la première séance de l’année, nous avons tenté de répondre à la question  : «  Qu’est-ce que la philo ? ». Ce qui a abouti à « c’est se poser des questions ». les enfants ont alors formulé diverses questions qui ont été classées en 2 colonnes philo/non philo. De ce classement proposé par les adultes a découlé une conclusion : Quand on fait de la philo, on se pose des questions sur la vie, sur la mort… et on pense. » 

Un vote permet de dégager la question qui sera discutée à la prochaine séance : « Pourquoi l’homme doit-il mourir ? »

La deuxième séance est consacrée aux échanges sur ce sujet. Le micro circule comme un bâton de parole, chacun parle quand il le reçoit, s’il le désire. La séance est enregistrée. 

Pour la troisième séance chacun reçoit, la veille, le texte transcrit de la discussion précédente. Chaque enfant l’a relu et a surligné les points sur lesquels il souhaitait intervenir à nouveau. Le micro est donné à celui qui demande la parole, on échange sur un point tant qu’il y a matière à, puis on passe à un autre. 

Pour la quatrième séance deux citations de philosophes sont affichées dès le matin, les élèves en prennent connaissance s’ils le désirent. Au cours de la séance de philosophie, on leur demande de réagir par rapport à ces écrits. Moment de Délice ! Et oui les enfants de ZEP pensent ! 

Ce moment de philo est attendu de façon intense par tous. Il y a des échanges réels entre les enfants qui se questionnent les uns les autres.

Ce travail a été reconduit la deuxième année. La troisième année Véronique a ajouté un cahier personnel qui regroupe les traces des séances. 

Chez Patrick  

La philo se déroule à raison d’une séance hebdomadaire de radio, en direct, présentée par les cycles 3. Deux représentants par classe peuvent y participer. Cela représente six à douze enfants maximum. Certains enfants deviennent des habitués de la séance de philosophie. Le débat est animé par un enseignant de l’école. Le sujet est proposé par un ou des adultes (ça philosophe dur dans la salle des maîtres !) Entre adultes, à la récré, il y a systématiquement des échanges sur le sujet philo. Exemples de sujet : le rêve et la réalité ; ce qui est vrai et ce qui est souhaité… 

Certaines classes préparent le sujet avant la séance, d’autres en parlent après. Lors de l’émission de radio, les élèves échangent d’abord librement, puis à mi-chemin, l’enseignant pose une question qui relance le débat. En fin d’émission, il propose que deux ou trois enfants concluent. 

Dans la classe de Patrick il y a trois temps :

-avant l’émission, une petite discussion

-écoute de l’émission

-discussion après l’émission. Ce troisième temps peut être très riche.

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« Le moment de philosophie vise d’abord à ce que l’enfant s’entende émettre une pensée sur des sujets importants concernant l’Humain ; entende aussi les idées des autres et ce dans le cadre d’une classe communauté qui s’instaure en communauté de penseurs. »

 

Jacques Lévine

 

En maternelle  

Valérie intervient anime un atelier de philosophie avec environ 15 enfants de grande section. La séance se fait en trois temps : 

-deux tours systématiques du bâton de parole pour se lancer dans la discussion. L’adulte n’intervient pas. 

-le bâton de parole va à celui qui le demande. L’adulte peut recentrer, remettre l’idée d’un enfant sur le tapis, reformuler (question ou propos) et même éventuellement, proposer une façon de répondre (non définitive, bien sûr.) 

-dessin et phrase de conclusion. L’adulte repose la question initiale et note la réponse de l’enfant.

 

Un projet langage de l’école permet à Yvette (poste REP) d’animer un atelier philosophie. 

Je travaille avec la grande section sur un projet d'école autour du langage. 

L'objectif est de faire parler les enfants afin qu'ils maîtrisent davantage le langage. 

Dans chaque classe les enfants sont partagés en quatre groupes en fonction de leur capacité à prendre la parole dans le groupe classe. On a donc des groupes de grands parleurs, parleurs, moyens parleurs et faibles parleurs ; cela ne correspond pas forcément à leur niveau de langage. Nous avons donc ainsi des groupes de 6, 7, 8 enfants qui présentent une homogénéité uniquement sur cette capacité et chacun à la possibilité de s'exprimer sans en être empêché par de plus bavards. Les séances sont de 30 minutes et ont lieu une fois par semaine. 

Avec la grande section j'ai choisi d'aborder des sujets de la vie où l'enfant est entraîné à exprimer sa pensée. Ce sont les entretiens philosophiques où la parole de chacun est respectée.

Après quelques mois de travail je constate une évolution. Si au début on avait la plupart du temps des répétitions (l'enfant répète ce qu'il vient d'entendre) ou des juxtapositions (l’enfant parle sans écouter les autres) et des soucis de conformité avec ce que l'adulte est supposé souhaiter, maintenant il y a de petits débats qui s'inscrivent dans ce qui ressemble davantage à une discussion. Nous avons une mémoire collective et dans la discussion certains rappellent ce qu'ils ont dit une fois précédente. Des enfants anticipent  et proposent des sujets pour une séance suivante.  

Lors de l'atelier Philosophie, les enfants s'installent  avec moi autour d'une table ronde dans la petite bibliothèque de l'école.

La séance commence par un court échange qui me permet de sentir le groupe et de saisir des préoccupations actuelles personnelles des enfants pour en tenir compte dans mes propositions de discussion. Ainsi les sujets discutés peuvent venir des enfants ou de mon initiative.  

Je formule clairement le sujet retenu. A partir de ce moment j'interviens dès qu'il y a digression. Après un tour de parole complet je reformule tout ce qui a été dit (je note rapidement ce qui est dit), puis il y a un nouveau tour de parole systématique avant de redonner la parole à ceux qui la demande. 

Les enfants sont invités à dessiner ce qui a été dit. Avant de commencer chacun me dit ce qu'il va illustrer. Lorsque le dessin est terminé j'écris sous la dictée de l'enfant le texte correspondant au dessin.

Une deuxième séance sur le même sujet me permet de présenter aux enfants leurs textes et dessins regroupés dans l'album collectif avec ceux des autres enfants de la classe. Quelque fois la discussion reprend. Puis je lis un album en lien avec le sujet traité. L'album sera discuté par rapport à notre sujet.

Sujets proposés par les enfants : 

- À quoi sert le doudou ?
- C'est quoi souffrir ?
- Est-ce qu'il n'y a que les bébés qui pleurent ?

- C'est quoi la tristesse ? 

Albums utilisés 

Tom n'a pas peur de Klaus Baum Gart (Magnard jeunesse)
L'édredon Ann Jonas (L'école des loisirs)
Grosse colère Mireille d'Allancé (L’école des loisirs)
Cauchemars cherchent bons lits Gérard Franquin (Milan)
La nuit le noir Dr Catherine Dolto- tolitch (Gallimard jeunesse)
Aya et sa petite sœur Yoriko Tsutsui et Akiko Hayashi (L'école des loisirs)

 

Quelques précisions sur la notion

de « chercheurs philosophes »

pour poursuivre notre travail.

 

1 - Notre recherche est une recherche ouverte, qui débouche sur une recherche de compréhension et non sur une connaissance clôturée, un enseignement. On défend une expérience où l’enfant sujet peut approcher le sens de la condition humaine, en tant qu’interlocuteur valable au sein d’une communauté où tous participent. Il s’agirait, pour être au plus près des mots, d’une « préparation à la pensée philosophique » par le questionnement commun (chacun repart à zéro pour pouvoir expliquer avec un regard neuf, en débanalisant le banal). 

2 - C’est une recherche ouverte main néanmoins suffisamment cadrée et centrée sur un problème à résoudre pour ouvrir la possibilité à chacun d’une pensée  groupale et individuelle. La rigueur du protocole (durée, périodicité, enregistrement...) est une base sur laquelle l’enseignant s’appuie pour proposer une expérience de développement de la pensée qui porte sur le long terme. 

3 - Nos « ateliers de préparation à la pensée philosophique » sont des lieux de parole bien sûr, mais différents des autres lieux de parole puisque l’enseignant y est très présent mais dans son silence. L’enjeu pour les enfants est hors l’efficacité évaluable « scolairement ». Ce temps n’a rien à voir, aussi, avec le « quoi de neuf ? », le conseil ou des moments d’expression spontanée. 

4 - La démarche démocratique est-elle l’un des enjeux des ateliers ? Le mode ou la gestion que nous proposons fait que chaque enfant apprend à prendre place tout en respectant celle de l’autre, ceci non pas par devoir de respecter l’autre, mais par plaisir de se montrer capable de participer à un groupe qui fait avancer la pensée.

Jacques Lévine, Agnès Pautard, Dominique Sénore


À la rencontre d’Albert Jacquard

L’école Anatole France de Vaulx en Velin a été conviée à participer à une rencontre publique avec Albert Jacquard, invité à l’occasion de la sortie de son dernier livre “ A toi qui n’es pas encore né(e) .” Une expérience mémorable dans la pratique de la philo au CM2.

Ravie de l’aubaine, j’ai proposé à une dizaine d’élèves volontaires du CM2 de préparer cette rencontre qui a eu lieu dans une des bibliothèques municipales.

Ces élèves ont pratiqué la philo depuis 3 ans et je leur ai fréquemment lu des extraits de livres d’Albert Jacquard pour illustrer des thèmes abordés.

D’autre part, dans l’atelier sciences, ils ont eu aussi l’occasion d’entendre parler de lui, pour ses travaux en génétique.

J’ai demandé à chaque enfant de poser par écrit toutes les questions qui lui venaient. Puis nous avons regroupé ces questions, les avons classées par thème et transmises aux bibliothécaires. 

Nous avons ensuite eu trois débats à partir des citations suivantes :

- “ Il n’y a pas de démocratie sans partage du savoir. 

- “ L’homme : une erreur dans l’évolution des espèces. 

- “ Deux et deux ne font pas quatre. Deux éléments différents s’associent pour en créer un troisième qui, jusque là n’existait pas. ” 

Le jour J, chacun s’est vu remettre un petit livret dans lequel les bibliothécaires avaient regroupé les questions (les nôtres et quelques-uns unes déposées par des lecteurs).

La rencontre fut magique. Les enfants ont posé les questions chacun à leur tour, et écouté les réponses, sous le charme, captivés par cet homme qui s’adressait à leur intelligence et à leur capacité à s’émouvoir, pour expliquer simplement des affaires compliquées. 

Chacun est reparti avec son livret autographé et, dans la tête, des phrases fortes que je devais entendre dans leurs conversations un peu plus tard. 

Chantal Nay

Questions pour Albert Jacquard 

1ère série

Vous avez choisi de faire deux métiers : scientifique et écrivain. Pourquoi ? ( Audrey et Mériem)

Quand vous étiez petit, vouliez-vous déjà faire ces métiers ? (Johnny)

Depuis quand faites vous ces métiers ? (Marylène)

Est-ce que vous les aimez ? (Toihir)

En quelle année avez-vous écrit votre premier livre ? (Toihir)

Quel âge aviez-vous ? (Mériem)

Quel était son titre ? (Lénina)

2ème série

Que voulez-vous nous dire à travers vos livres ? (Solène)

Est ce que vous vous sentez seul en les écrivant ? (Solène)

Combien en avez-vous écrit ? (Lénina)

Lequel préférez-vous ? (Mériem)

3ème série

Pourquoi avez-vous appelé votre dernier livre comme ça ? (Hatem)

Pourquoi avez-vous voulu écrire sur le futur ? (Mériem-Audrey)

4ème série

Que pensez-vous sur la lutte des femmes ? (Solène )

Pourquoi on vit, et après on meurt ? (Hatem)

Pourquoi dites-vous qu’on ne pourra plus se nourrir s’il y a trop de monde sur terre ? (Antoine)

5ème série

Pensez-vous que tout le monde aime ce que vous faites ? (Solène)

Est-ce que cela vous plaît de répondre aux questions des enfants ? (Marylène)

À quel âge comptez-vous vous arrêter ? (Mériem)


 

La philo en classe d’intégration scolaire

Isabelle Perreau, lors de sa formation C.AP.S.A.I.S. (enseignement spécialisé) a fait son stage dans la classe de Patrick Chrétien. Elle avait choisi comme thème de mémoire : la pratique de la réflexion philosophique avec des enfants présentant un handicap mental dans une Cl.I.S., dont nous présentons quelques extraits.

 

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Au début de l’année, l’I.U.F.M. a proposé une réunion d’information sur la pratique de la philosophie de la maternelle au collège. Il m’a alors semblé que la philosophie pouvait tout à fait répondre à ma problématique. En effet, cette discipline ne propose pas de réponses toutes faites, mais invite à réfléchir sur des problèmes existentiels, à s’interroger sur soi-même, à mettre en doute les certitudes.  

Echanger, communiquer,

apprendre à partager,

agir ensemble 

Exercer sa liberté dans une société

 

L’homme ne vit pas seul. L’homme est un parmi d’autres dans une société, il se construit grâce aux autres, même s’il doit aussi s’en distinguer. Il lui faut donc apprendre à vivre avec ses semblables.

 

L’école n’est pas une communauté, elle est une société. Les individus qui la constituent ne se sont pas choisis pour réaliser une tâche commune, chacun poursuit des buts personnels. Il nous faut donc vivre ensemble, travailler ensemble, coopérer sans forcément s’aimer. Comme le souligne Bernard DEFRANCE, “l’enjeu de l’éducation à la citoyenneté est donc d’apprendre à vivre, à coopérer avec d’autres, avec lesquels on n’a pas choisi de vivre”(1). Les Instructions Officielles rappellent l’importance de l’apprentissage du vivre ensemble dans l’éducation à la citoyenneté.

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Pour que vivre ensemble soit possible, il faut que nos divergences puissent s’exprimer autrement que par la violence. Celle-ci, donc, sous toutes ses formes, doit être interdite. “L’interdit de la violence ne se discute pas démocratiquement, il est ce par quoi une discussion démocratique devient possible ”(1). Mais une condition nécessaire est d’avoir la parole, car interdire la violence sans proposer d’autres possibilités d’expression est une violence bien plus grande encore. 

Pour que l’échange dans un groupe soit possible, il est indispensable que les personnes qui le constituent puissent être reconnues par les autres afin de pouvoir exister chacune et co-construire ensemble.

Francis IMBERT rappelle que la tâche principale de l’enseignant est d’ “interposer les dispositifs qui obligent à l’échange, qui mettent en situation de se séparer des images aliénantes (...). L’éducation se développe à travers l’inscription d’interdits, de médiation dont la visée est d’interpeller parole et désir”(2). Pour répondre à cela, le moment philosophie nécessite la mise en place d’un cadre et des attitudes spécifiques. Mais avant tout, il me semble que pour qu’une telle activité prenne tout son sens, elle doit être en cohérence avec les autres pratiques de la classe.

 

Dans la classe, on parlait déjà...

Dans la Cl.I.S. de Patrick, les enfants apprennent à vivre ensemble. La vie de la classe s’organise autour de lois et de règles de vie précises connues des enfants.

Dans une Cl.I.S., plus qu’ailleurs, les enfants ne se sont pas choisis. Ils ne viennent pas forcément du même quartier, ils ont des niveaux scolaires et des âges différents. Et surtout, ce qui les rassemble dans cette classe, c’est ce qui les a exclus des autres classes. 

Pourtant, le groupe existe et fonctionne : on accepte de faire des passes au foot à ceux qui ne savent pas bien jouer, on organise spontanément une petite fête pour un départ, on laisse du temps à ceux qui ont des difficultés pour s’exprimer... Même si parfois, c’est un coup de poing qui part, une insulte qui jaillit… 

Ici, dans la classe,  la parole de l’enfant  trouve toute sa place.  Il y a des moments institués à cet effet :  les temps de parole de la classe comme le Quoi de neuf ? ou le conseil.

Les enfants ont l’habitude de se réunir,  des règles claires permettent au groupe de fonctionner : on lève la main  pour demander la parole ;  on ne coupe pas la parole ;  on dit :  « je suis d’accord » ou « je ne suis pas d’accord » pour se situer par rapport à ce qui vient d’être dit ; on ne se moque pas ; un enfant qui perturbe le groupe est gêneur une fois, la deuxième fois, il est exclu du groupe. 

Bien sûr, on parle aussi en dehors de ces temps de parole, mais pas n’importe comment, pas n’importe quand en fonction du désir de chacun. Le maître peut surseoir à une réponse, renvoyer celui qui l’interroge à une règle ou à un autre enfant et il sait aussi se taire. 

Chacun sait qu’il est reconnu et que sa parole est respectée. Il y a cette assurance que l’on pourra dire et que l’on sera entendu même si ce n’est pas tout de suite, pas forcément par le maître, même si on n’aura peut-être pas gain de cause. On a aussi le droit de se taire,  mais tous, le devoir d’écouter. 

L’adulte aussi s’exprime, il n’a pas toujours raison même s’il reste le garant des règles, de la Loi. On peut avoir un avis différent du sien et lui peut exprimer un point de vue différent. Il bouscule parfois l’enfant qui croit qu’il faut être de l’avis du maître. Il surprend, décontenance pour libérer l’enfant d’une domination ; la sécurité dépend de cette déstabilisation nécessaire. 

Dans ce cadre précis, connu et souple, l’enfant peut s’exprimer sans crainte et apprend à écouter l’autre.

 Le moment philosophie” peut donc prendre ici toute sa place. L’enfant sait qu’il pourra parler, faire part de ses pensées sans peur d’en être dépossédé, qu’il sera écouté et que chacun pourra exister même par son silence.

 

Le moment philosophie :

un temps, un lien, un cadre

 

Le moment philosophiea lieu en général deux fois par semaine, les mardi et jeudi matin après la récréation. Il dure entre 30 minutes et 1 heure. 

Nous sommes assis sur des petites chaises autour d’une table ovale. Ce sont les petites chaises du Quoi de neuf ? et il faut d’abord aller les chercher. Au centre de la table, se trouve un micro pour enregistrer nos discussions. Les cassettes sont à notre disposition ; on peut les écouter dans le coin bibliothèque. 

La table est dans un coin de l’atelier, près d’un tableau sur lequel sont écrites, depuis le mois de janvier, une dizaine de questions philosophiques remises à jour régulièrement. Je les propose aux enfants mais ils peuvent le faire aussi. Avant de commencer, nous choisissons celle qui nous intéresse en mettant une croix à côté. 

Il y a aussi une grande affiche, la carte », sur laquelle on colle une gommette quand on a fini. A côté, on écrit la date avec le tampon encreur et la question qui a été traitée. 

Les règles sont les mêmes que pour les autres moments de parole. Je distribue la parole. 

A la fin du moment philosophie, chacun peut, s’il en a envie, écrire quelque chose sur sa feuille de route;  je note ce que les enfants ou le maître me dictent.

Depuis la fin janvier, le mardi on réfléchit à une question, et le jeudi on écoute tous ensemble une cassette. Au début, les enfants ne le faisaient pas d’eux-mêmes mais depuis, cela arrive. L’écoute en groupe permet de poursuivre la réflexion. 

Tout le monde peut parler, dire ce qu’il pense, même les adultes. Cela  semble normal aux enfants. Au début, nous ne disions rien et c’est Etienne qui nous a demandé pourquoi. 

J’ai proposé régulièrement aux enfants des bilans du moment philosophie pour leur permettre de se situer dans l’activité. Cela se présentait sous forme de fiches qu’ils pouvaient faire seuls  ou avec moi.   J’en reparlais ensuite  individuellement avec chacun.

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Des attitudes requises

et développées   

Le moment philosophie est un moment d’échange. Il requiert donc des attitudes qui rendront possible la communication. En même temps, la pratique de la réflexion philosophique en groupe va aussi développer ces attitudes relatives au vivre ensemble. 

Pour les enfants de la Cl.I.S., cette rencontre n’est pas simple à accepter ; n’oublions pas qu’ils ont vécu des événements douloureux. Albert JACQUARD considère que “pour parvenir à cet exploit fabuleux qu’est la capacité de se savoir être, il faut bénéficier du regard des autres”(3). Or, pour ces enfants, ce regard est risqué. L’image qu’ils ont d’eux-mêmes est souvent détériorée. La rencontre avec l’autre devient une prise de risque, celle de ne plus exister si l’on fait exister l’autre, celle aussi de rencontrer cet Autre fragile, en souffrance, qu’il vaudrait mieux ignorer, voire rejeter. Ils ont du mal à accepter cet Autre qui représente le miroir de ce qu’ils étaient ou de ce qu’ils sont, cette image peu valorisante d’eux-mêmes. 

Il est donc indispensable qu’ils se sentent en sécurité dans la situation de communication qu’on leur propose, car “la communication, c’est, à chaque fois, tout l’être individuel et social qui est engagé dans un pari : comment acquérir la reconnaissance du droit à la parole, et comment atteindre l’autre moi-même” ? 

L’adulte est le garant de la reconnaissance de chacun comme sujet parlant ayant le droit de communiquer. Mais il est nécessaire que tous les partenaires se reconnaissent ce droit réciproque. Patrick CHARAUDEAU (4) définit quatre principes à la base de cette reconnaissance :

- principe d’interaction : c’est l’acceptation de l’autre en tant que partenaire de communication et donc d’une relation non symétrique (l’un parle, l’autre écoute). “Selon ce principe d’interaction, il y a l’autre et il y a moi, mais en même temps l’autre constitue le moi. L’acte de communication est le résultat d’une co-construction”.

- principe de pertinence : c’est la possibilité d’une compréhension mutuelle.

- principe d’influence : c’est la mise en place de stratégies de parole pour agir sur l’autre. “Le principe d’influence met les partenaires dans un rapport de lutte discursive qui fait que chaque fois que l’un d’eux cède du terrain, il perd un peu de son identité, voire disparaît complètement”. D’où le dernier principe:

- principe de régulation : c’est ce qui permet d’assurer la continuité de l’échange ou sa rupture si les conditions de sa poursuite ne sont pas réunies. 

Ces principes constituent le contrat de communication qui “lie les partenaires dans une sorte d’alliance objective qui leur permet de co-construire du sens tout en s’auto-légitimant”(4). 

Le moment philosophie offre aux enfants la possibilité de se risquer dans la rencontre avec l’autre sans se perdre, rencontre inévitable pour exercer sa pensée. 

La relation de confiance existant entre le maître de la classe et les enfants, entre le maître et moi-même, celle établie progressivement entre les enfants et moi-même font qu’ils se sentent en sécurité dans cette activité.

Le cadre est rassurant et garantit à chacun la liberté d’oser s’exprimer, l’assurance d’être entendu. Les règles, dont j’ai parlé précédemment, imposent le respect, la tolérance de chacun au travers de sa parole. L’adulte intervient pour rappeler ces règles, mais aussi pour permettre une compréhension mutuelle par la reformulation de ce qui n’est pas clair. 

Les conditions favorisant les interactions entre les enfants sont ainsi réunies et ces attitudes nécessaires à la communication vont se développer dans la pratique de l’activité. 

Le vivre ensemble : aide à la construction de la personnalité et condition préalable pour apprendre à bien penser 

Par la pratique de la réflexion philosophique en groupe, l’enfant apprend à comprendre sa propre personne. Il prend confiance en lui et s’affirme. Il est reconnu comme sujet parlant ayant le droit de communiquer. Il peut se décentrer de lui-même et acquiert une ouverture d’esprit face à l’autre. Il peut aller à la rencontre d’autrui qui devient un partenaire valable et indispensable dans l’échange. Il comprend, comme le dit Emmanuel LEVINAS, que “dans l’expression, l’être qui s’impose ne limite pas mais promeut ma liberté, en suscitant ma bonté”(5). 

C’est uniquement lorsque l’enfant a la possibilité d’énoncer clairement ce qu’il ressent ou ce qu’il croit, qu’il devient libre : libre de ses propres idées et libre de devenir ce qu’il est. 

C’est aussi seulement lorsqu’il est.

 

C’est aussi seulement lorsqu’il s’interroge et demande des justifications. Qu’il se libère de l’autre, des préjugés et des croyances. En outre, c’est seulement lorsqu’il se trouve dans une situation concrète exigeant de la cohérence entre acte et pensée, qu’il devient responsable.

 

Isabelle Perreau

 

1-B.DEFRANCE, Colloque en Seine-Saint-Denis, Education à la citoyenneté, Magnard, 1996

2-F.IMBERT, Médiations, institutions et loi dans la classe, ESF, Paris, 1994

3-A.JACQUARD, Petite philosophie à l’usage des non-philosophes, Calmann-Lévy, Paris, 1997

4-P.CHARAUDEAU, Inter-actions

5-E.LEVINAS, Totalité et infini, Nijhoff, Biblio, 1996

Instantanés

 

Prendre la parole, c’est s’exposer à autrui. Pendant les premières séances, quatre enfants intervenaient régulièrement : Etienne, Jordy, Yvan et Slymane. Les autres restaient silencieux. J’ai remarqué à travers les attitudes et les expressions de Jérémy et Michel qu’ils avaient envie de parler, mais ils ne semblaient pas encore prêts à se risquer. Progressivement, s’est installée une certaine confiance dans le dispositif. Les enfants ont pu se rendre compte que les règles instaurées protégeaient leur parole. Lorsque l’un d’eux exprimait de l’intolérance vis-à-vis d’un autre, je pouvais intervenir afin de désaffectiver l’échange et recentrer sur le sujet.  

Par exemple, à propos de l’amitié : 

Slymane : Quand j’ai dit à Yvan « c’est ton copain ? »,

Jordy : toi t’as dit « non, c’est pas mon copain » !

Yvan : On parle pas de causer ou de pas causer, on parle de l’amitié !

Isabelle : Alors, c’est quoi l’amitié ? 

Une autre fois, lors de l’écoute de la cassette sur l’injustice, Etienne a donné un exemple qui impliquait Slymane. Celui-ci s’est senti agressé et ne laissait plus parler Etienne. J’ai rappelé que nous n’étions pas là pour juger ce qui s’était passé mais pour discuter de ce qu’est, à notre avis, une injustice. Slymane s’est calmé et l’échange a pu se poursuivre. 

Tous les enfants ont petit à petit osé se risquer : certains irrégulièrement et ponctuellement, comme Aurélie ou Annette qui est intervenue pour la première fois à la septième séance ; d’autres ont demandé la parole de plus en plus souvent, comme Michel, il a vraiment dépassé ses peurs et, comme Etienne et Slymane, participe avec intérêt aux discussions. Même si ce n’est pas systématique, ils parviennent à entrer dans des débats d’idées en se préoccupant plus de ce qui est dit que de la personne qui parle. Chaque enfant devient un partenaire potentiel pour construire ensemble

À propos de l’injustice :

Etienne : J’suis d’accord mais avec Michel mais parce que quand les enfants mais y travaillent pas et que le maître mais y travaille mais c’est injuste ! Y’a pas que le maître qui travaille, c’est même les enfants.

Slymane : Euh... j’suis pas d’accord avec Michel, parce que dans cette classe euh... des fois, quelqu’un euh... fait son travail personnel et y’en a qui font pas du travail personnel, y fait un autre truc.

Michel : Ouais, mais c’était un exemple, hein. 

En ce qui concerne les attitudes, des changements se sont donc produits au cours de la pratique de la réflexion philosophique en groupe. Il est difficile de définir ce qui est dû précisément au “moment philosophie”, surtout lorsqu’on envisage l’enfant dans sa globalité, c’est-à-dire une personne qui se construit grâce à tout ce qu’elle vit, mais je reste convaincue qu’un tel dispositif développe des attitudes de respect, de tolérance...

 

Ces articles sont issus d’un dossier publié en novembre 2001, par le Groupe Lyonnais de l’Ecole Moderne (GLEM). 

Vous pouvez le commander sur le site du GLEM http://www.marelle.org/users/glem

Ou en vous adressant à :

Pascal Marié

58 rue de la liberté

69400 Villefranche sur Saône 

 

 

Des enfants qui apprennent

à penser par eux-mêmes

avec la philosophie 

 

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Tous les jeudis, dans la classe de Sylvain Connac à Montpellier, se déroule une « discussion philosophique ». Le thème en a été choisi lors du conseil de la classe. Avec la philosophie, les enfants, qui sont déjà très largement acteurs de leurs apprentissages, deviennent aussi leurs propres auteurs. Si l’on milite pour une plus large citoyenneté, ils ajoutent à la maîtrise des fonctionnements démocratiques la possibilité d’entrer dans les débats et même de les faire évoluer. Pour eux, philosopher n’est pas normal, mais presque …
 

Le jeudi c’est philo 

Jeudi après-midi : un moment très attendu de la semaine. Le président de séance fait entrer les « discutants », les enfants qui vont prendre la parole. Autour d’eux se placent d’autres élèves, les observateurs. « La discussion philosophique est ouverte ! » lance le président. Des métiers sont distribués. Untel devient le journaliste du jour, tel autre le « reformulateur », celui qui sera chargé sur demande de répéter avec ses mots les propos tenus par un camarade. En tant qu’animateur de séance, j’annonce le thème.

Aujourd’hui, nous devons discuter du racisme. C’est ce qui a été décidé lors du conseil de samedi. Plusieurs doigts se lèvent, le président distribue la parole et veille à ce que les règles de la classe soient bien respectées : on ne se moque pas et on demande la parole avant de la prendre.  

Les échanges se font. Plusieurs questions fusent. Certains apportent des affirmations qui sont soit contestées soit renvoyées à de nouvelles interrogations soit simplement écartées. De manière étrange, les élèves ont pris l’habitude de demander des définitions. Ça les oblige, disent-ils, à savoir de quoi on parle. Ainsi, au bout d’une demi-heure qui semble très courte, chacun se voit proposé de faire une dernière intervention, je clos le débat par une rapide synthèse et le président annonce la fin de la discussion avant de nommer son futur remplaçant. La semaine prochaine, les observateurs deviendront « discutants » et vise-versa.

Aujourd’hui, la discussion a tourné autour des origines du racisme, de sa non-utilité et des solutions possibles pour vivre dans un monde moins raciste. Certains enfants se sont référés à un texte de Tahar Ben Jelloun que nous avions étudié la semaine précédente et d’autres, les médiateurs, ont parlé de l’incident de Montgomery, déclencheur de campagne non-violente de Martin Luther King. Cette discussion n’a pas été meilleure qu’une autre. Certains ont beaucoup parlé, il y a même eu quelques muets. Je ne m’en fais pas, leurs yeux ont parlé pour leur bouche…  

Penser par soi-même 

Comme la plupart des autres, je considère cette discussion comme philosophique. Certes, aucun grand nom de la philosophie n’a été prononcé. Aucune idée officiellement reconnue n’a été apportée. En tant qu’enseignant, je ne suis même pas reconnu comme un philosophe (encore moins comme un professeur de philosophie). En fait, ce que nous venons de terminer n’a rien à voir avec ce que peuvent vivre des lycéens de terminale pendant leurs cours de philosophie. Il ne s’agit pas de connaître ou diffuser des idées. Le but n’est également pas d’identifier la philosophie comme une discipline supplémentaire à l’école primaire. La visée très humble que je me fixe est de permettre aux enfants d’arriver à penser par eux-mêmes, à se construire une pensée personnelle et originale, d’aboutir à ce que l’on nomme la pensée réflexive. Pour cela, j’utilise comme tremplin le « philosopher » afin qu’avec son appropriation d’autres modes de pensées se développent et qu’ainsi se constituent la complexité du raisonnement. 

Philosopher, c’est réussir à combiner trois exigences intellectuelles : conceptualiser, problématiser et argumenter. La conceptualisation correspond à l’identification d’un sens commun. Dans les faits, les enfants conceptualisent lorsqu’ils recherchent à définir, lorsqu’ils débattent à partir de définitions et enfin lorsqu’ils s’accordent sur un même sens. Problématiser, c’est rechercher le doute, se demander en quoi ce qui nous est apporté est universel voire même interroger la cohérence d’autres problématisations. Des enfants problématisent au moment où ils posent des questions, où ils soulèvent un doute. La problématisation conduit souvent à la mise en question de ses propres schémas de pensée, de ses certitudes, d’une part de son éducation. Argumenter, c’est bien plus que donner son opinion. C’est surtout tenter de prouver en quoi ce que l’on défend est vrai (c’est à dire convient au genre humain dans sa pluralité) ou réfuter par la pensée des affirmations posées par un camarade. L’argumentation passe d’abord par l’exemple, peut se poursuivre par le contre-exemple et s’achève par la livraison d’arguments fondés par la raison. Enfin, philosopher, c’est arriver à combiner ces trois exigences pour se constituer un mode de pensée personnel. On peut très bien faire référence à des écrits ou à des dires extérieurs, mais ces éléments ne seront que la manifestation d’un raisonnement qui nous est propre.  

Parce que les enfants ne « philosophent » pas seuls, les interactions conduisent très souvent à une optimisation des engagements individuels. On dit que les élèves ainsi réunis constituent une « communauté de recherche » dont le but est d’assurer une construction commune des savoirs, l’intention éducative étant toujours de permettre les apprentissages individuels.

Quels enjeux ? 

Dans une classe où la coopération est une valeur défendue, susciter la forme de cette communauté de recherche est plus aisé. Les élèves sont tous habitués à participer à des conseils, à prendre la parole dans leurs équipes, à écouter des « Quoi de neuf ? », à respecter un président de séance. Pour faire de ces réunions des discussions philosophiques, il reste à susciter le philosopher, c’est à dire à passer pour consignes les trois exigences présentées ci-dessus.  

Les enjeux sont grands parce qu’avec la philosophie, nos jeunes coopérateurs, qui sont déjà très largement acteurs de leurs apprentissages, deviennent aussi leurs propres auteurs. Si l’on milite pour une plus large citoyenneté, ils ajoutent à la maîtrise des fonctionnements démocratiques la possibilité d’entrer dans les débats et même de les faire évoluer. Ils trouvent à l’école une activité vivante supplémentaire qui, sans apporter de réponse définitive, répond à des besoins humains : donner plus de sens à sa vie et ainsi à la vie en général. Les enfants se posent de nombreuses questions. Souvent, elles sont d’ordre philosophique. Pour eux, philosopher n’est pas normal, mais presque … 

Nous touchons ici le plus profond de l’être des enfants mais n’est-ce pas un des premiers soucis de l’éducateur qui souhaite faire du sur-mesure pédagogique ? 

Sylvain Connac

Ecole élémentaire Antoine Balard

Document de présentation technique de la discussion philosophique

Ä      Public concerné : classes de cycle II et III

Ä      Lieu de la discussion :  la salle de classe.

Ä      Durée de la discussion : 30 minutes de discussion + 10 minutes d’analyse

Ä      Fréquence des discussions : 1 fois par semaine avec permutation des discutants et observateurs.

Ä      Disposition générale : deux cercles concentriques : celui du centre est réservé aux discutants et celui de l’extérieur aux observateurs.

Ä      Choix des thèmes : les thèmes sont choisis en conseil à partir d’une discussion ou d’une liste proposée (Cf. document des thèmes) ou à partir de propositions d’enfants.

 

Etapes de la discussion :

Ä      Exploitation de la discussion : Les articles de la discussion paraissent dans le journal de classe. Chaque discutant est amené à poser par écrit ce qu’il a retenu de cette discussion.

 

 

5’

0 – Installation des discutants et des observateurs.

1 – Ouverture de la discussion par le président.

2 – Désignation des reformulateurs et du synthétiseur (en fonction des ceintures de philosophe).

3 – Enoncé des règles de fonctionnement.

4 – Présentation du thème par l’animateur.

20’      

5 – Succession des prises de paroles avec interventions éventuelles des reformulateurs et du synthétiseur (sur demande de l’animateur)

5’        

6 – « Dernière intervention » 5 minutes avant la fin : ceux qui souhaitent exprimer une dernière idée prennent la parole.

7 – Synthèse du synthétiseur.

8 – Désignation du prochain président et du prochain animateur (en fonction des ceintures de philosophe).

9 – Fermeture de la discussion.

10’      

10 – Prise de parole de chaque discutant.

11 – Prise de parole de chaque observateur.

12 – Echanges.

 

Plan d’une séquence de philosophie

 

1 – Choix du thème de discussion

 

Lors d’un conseil de coopérative, les élèves émettent des propositions de thèmes pour les discussions philosophiques. Ces propositions sont votées et celles qui obtiennent une majorité de voix sont retenues. Si plusieurs thèmes sont élus, ils sont ordonnés dans le temps.

 

2 – Séance 1 : Représentations et fondements de la thématique

 

Tous les élèves sont réunis et répondent aux mêmes consignes.

 

Etape  1 : Expression des représentations

 

Consigne 1 : « Ecrivez tout ce que vous voulez dire sur ce thème. Si vous n’avez rien à dire, écrivez-le. »

Chaque enfant pose par écrit ce qu’il souhaite exprimer sur le sujet. Chaque texte est identifié puis relevé par l’enseignant.

 

Etape 2 : Lecture du texte philosophique

 

Ce texte philosophique, apporté par l’enseignant, répond à plusieurs critères :

·Il s’adresse à des enfants et donc, utilise un vocabulaire et une syntaxe adaptées.

·Il présente une thèse correspondant au thème choisi qui, par essence philosophique, peut très bien être contestée lors des discussions futures.

·Il apporte les bases théoriques au débat.

 

Chaque enfant lit individuellement le texte avant qu’il soit repris collectivement.

Une exploitation collective est ensuite proposée.

 

Consigne 2 : « Expliquez ce que vous avez compris ou demandez ce que vous n’avez pas compris dans ce texte. Ne donnez pas encore votre avis, vous le ferez lors des discussions. »

 

Chaque enfant apporte ses compréhensions et ses interrogations. Une question peut être complétée par une réponse d’un autre élève, une réponse d’un adulte ou renvoyée à la discussion.

 

3 – Séance 2 : Discussion philosophique du premier groupe

 

La moitié des élèves de la classe discute, l’autre moitié observe. Ces deux groupes sont constitués à partir des ceintures de philosophe. Le premier groupe rassemble les enfants qui possèdent les ceintures les plus fortes.

 

4 – Séance 3 : Discussion philosophique du second groupe

 

Les observateurs deviennent discutants et les anciens discutants deviennent observateurs.

 

5 – Séance 4 : Modification des représentations

 

Chaque élève reprend le document où se trouve le premier texte.

 

Consigne : « Ecrivez tout ce que vous voulez dire sur ce thème. Si vous n’avez rien à dire, écrivez-le. »

 

Chaque enfant pose par écrit ce qu’il souhaite exprimer sur le sujet. Ce qui est dit peut reprendre ou compléter les premières représentations. Ces textes sont généralement enrichis des échanges effectués lors des discussions et des cheminements de pensées personnelles. Au terme de ce travail, les élèves volontaires peuvent communiquer à l’ensemble de la classe leurs réflexions. Ces textes sont repris par les adultes comme indicateurs pour l’attribution des ceintures de philosophes. Ils peuvent également être utilisés par les journalistes pour la rédaction de leurs articles.

Feuille de bord en maths : un texte libre ?

Mars 2002

Feuille de bord en maths :

un texte libre ?

 

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Nous tentons de favoriser sans cesse l’expression libre de nos élèves, même dans les disciplines qui paraissent les plus éloignées de cette préoccupation. Il nous semble, en effet, nécessaire que les adolescents interrogent leurs émotions et les expriment, pour être pris en compte par l’adulte ou le groupe, et  se sentir concernés par ce qu’ils vivent. Luc Comeau-Montasse, professeur de mathématiques au collège, présente une pratique qui favorise cette libération de l’expression des adolescents. Sa technique n’est, bien sûr, pas complètement un « texte libre » qui suppose liberté du moment, du thème, et du destinataire, mais il lui ressemble, par la « liberté de la parole, de l’expression, de la pensée ».

J’enseigne dans une ZEP plutôt dure (déjà un blessé par jet de pierre parmi les profs). Pour la deuxième année, je pratique la feuille de bord (maths, collège, sixième, cinquième, et quatrièmes « Aide et Soutien ») : cinq minutes à la fin du cours dans ces instants où soit l'air se tend (la pensée et une partie de l'idée de corps étant déjà de l'autre côté de la porte) soit il se détend (si l'on est majoritairement content (comme repu) d'avoir passé un bon moment ensemble (?!). 

Les élèves de mes classes remplissent quelques lignes avec les rubriques : 

- date

-thème du travail du jour (pas le titre au tableau, mais quelque chose de plus précis)

- ce que j'ai appris ou réappris (un savoir-faire précis avec si possible un exemple)

-mon commentaire du jour.  

Cette quatrième rubrique est d'une certaine manière une forme de texte libre, pas au sens réel bien sûr, puisque le moment est imposé et que d'autres critères du "texte libre" ne sont pas respectés. Mais l’élève y écrit quelque chose de personnel qui s'est passé pendant le cours : quelque chose de réel ou de rêvé, voire pire.  

L'an dernier, j'étais parti sur l'idée d'un écrit appartenant à l'élève qui le produit et donc sur lequel je n'avais aucun droit. Je n'avais pas trop détaillé les critères de cette production, car je craignais d'imposer une forme trop contraignante ou des modèles parasites. Cette année, je m'y suis pris un peu différemment. D'abord, parce que le  recul d'une année de fonctionnement me permet de voir la nécessité d'une petite période de mise en route où, avec la classe, nous mettons (surtout moi au début) les choses en place, évitant les contresens inutiles (par exemple sur les mots « thème » ou « commentaires »). 

Ainsi, je me permets de demander ce qui est écrit (je ne lis pas moi-même), et de faire quelques remarques orales :

«  Le prof, il est gentil. 

- Non, Karim, ce n’est pas un commentaire du jour pour la feuille de bord.

 - Djamel, y m’a fait rire tout le temps. Pourquoi il t’a fait rire, Djamel ? Tu ne te souviens déjà plus ?  Ce que tu écris doit être « un peu » unique, c'est quelque chose qui ne se passe pas à tous les cours.  Djamel, il te fera toujours rire. Qu'est-ce qu'il t'a dit de particulièrement drôle aujourd'hui ? Si ne sais déjà plus, le reste du cours de maths doit aussi être très loin. En te souvenant d'une remarque précise, tu pourras peut-être, te rappeler de la priorité de la multiplication sur l'addition en te disant on a fait ça le jour où Djamel m'a dit ... »

neduc-137-0014.JPG (17270 bytes) Mon objectif est, bien sûr, la production d'un écrit vers la « liberté de la parole, de l'expression, de la pensée ». Mais il  s'agit surtout d'un essai d'ancrage de « ce que j'ai appris ou réappris » dans le vécu et le senti personnel de l'élève pour aider à la mémorisation. L'an passé, ce travail m'a surtout servi avec les élèves en grande difficulté. Pour certains, il a servi de bouée de sauvetage : en faisant émerger du cours un seul point (même si plusieurs éléments avaient été abordés), en l'écrivant avec des mots plus simples, et de la façon la plus opérationnelle possible (mode d'emploi) certains élèves en sont venu a mieux « saisir » des éléments du cours et par la suite à participer davantage aux activités de recherches que l'on fait en classe pour introduire les différentes notions.

Par ailleurs, dans quelques contrôles, j'ai autorisé l'utilisation de la feuille de bord (feuilles reliées devenant alors « carnet de bord »). J'ai pu voir alors certains contre-sens graves, qui avaient été notés comme des « ce que j'ai appris », les rectifier et mettre en évidence auprès des élèves concernés l'intérêt de ce travail spécifique lorsqu'il est bien fait …

Cette année, j'ai donc été un peu plus directif en proposant une période d'aide à la rédaction. Deux semaines, pendant lesquelles je participe à l'émergence collective du thème et aide un peu ceux qui le demandent à mettre en forme leur « ce que j'ai appris (ou réappris) ». 

Cette pratique de la feuille de bord est un peu isolée, pourtant, je n'ai eu aucune remarque négative cette année (quelques-unes l'an passée) de la part des élèves. Au contraire, ce moment est vraiment intégré à l'heure de classe, et réclamé lorsque vient son temps (très peu d'excès de la part de ceux qui voudraient éventuellement accélérer la fin de l'heure). 

J'attends avec impatience le moment où (après un mois de cours) je les laisserai plus libre dans leur rédaction (liberté qui pour l'instant n'est totale que dans le commentaire), parce que je pourrais alors, moi aussi rédiger ma feuille de bord sur laquelle la rubrique « ce que j'ai appris (ou réappris) » de ma classe me donne l'occasion, à moi aussi, de noter ce qui, sans ce petit moment suspendu, serait à jamais perdu, des petites choses comme :

« J'ai appris que Teddy (qui n'écrit pratiquement jamais rien sur son cahier) a de réelles connaissances sur la civilisation égyptienne, qu'Océane, après plusieurs cours, évaluations... sur les nombres décimaux, croit encore que si on entend mille, le chiffre cité devant est celui des milliers (elle a alors raison, ex : 3000) ou des millièmes (la plupart du temps elle se trompe alors, ex : 0, 3541). 

Luc Comeau-Montasse 

Collège des Hauts de Blémont

57070 Metz Borny

Extrait de Second Degré Liaisons,

Revue du secteur second degré

de l’ICEM

Une correspondance interplanétaire

Mars 2002

 

 

Une correspondance interplanétaire

 

Quand on se sent à l’étroit dans une correspondance classique, pourquoi ne pas envisager de correspondre avec les autres planètes… ou comment une idée farfelue motive les projets d’écriture d’une classe de CP-CE1 pendant un an.

 

Il y a deux ans que tout a commencé… Mes collègues et moi, nous voulions profiter de la formidable chance d’avoir dans le village de notre école un observatoire et une bande de passionnés des étoiles prêts à faire profiter les gamins des installations et de leurs connaissances.

           

Outre les sorties à l’observatoire, y compris la nuit, les interventions des membres du club astro en classe, j’avais envie de trouver une idée plus farfelue, j’avais envie de pimenter un peu le coté très scientifique du travail et des recherches...

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C’est en discutant avec la collègue de la classe des correspondants  que l’aventure est née. Depuis plusieurs années, elle faisait correspondre ses élèves d’une façon fort originale... selon le projet de l’année, elle cherchait sur le minitel des gens qui... portaient des noms de couleurs, des noms de fleurs, de lettres, d’arbres... les enfants envoyaient une lettre générique aux personnes sélectionnées et ils attendaient les réponses... et chaque année, elle me disait trouver une richesse extraordinaire dans ces échanges entre ces adultes qui se prêtaient fort bien au jeu, et les enfants de la classe. «  Pourquoi n’essaierais-tu pas avec des gens qui portent des noms de planètes ? »

 

Me voici sur le 3617 code annu recherchant des noms de planètes... et le lendemain, j’expliquais aux enfants le projet. Ce fut l’enthousiasme, d’autant plus que les correspondants nous racontaient souvent avec fierté et plaisir les lettres qu’ils recevaient de toute la France.

neduc-137-0012.JPG (42760 bytes) Les enfants ont donc écrit ensemble une lettre pour demander à Messieurs et Mesdames Soleil, Mercure, Venus, Terre, Lune, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton, s’ils voulaient bien correspondre avec nous. L’attente fut fébrile... et un beau matin, la première lettre est arrivée, celle de Madame Soleil, une lettre toute simple avec une émotion extraordinaire, d’une dame âgée, seule. Elle nous disait que son soleil à elle s’était éteint quelques mois plus tôt, et qu’elle avait eu en ouvrant cette lettre un grand moment de bonheur. Et voilà les enfants décidant de dessiner plein de soleils pour cette dame si seule. Puis, les autres courriers se sont succédés : Monsieur Terre qui nous racontait son histoire, que les enfants ont illustrée et que nous lui avons renvoyée ; Madame Lune, elle aussi, nous raconte son histoire, que les enfants illustrent aussi et terminent ; Monsieur et Madame Mercure qui nous ont expliqué qui était le Dieu Mercure dans la mythologie, alors les enfants ont dessiné tout un tas de « machines » pour voyager... puis il y a eu d’autres échanges. Nous avons demandé à ces personnes comment ils imaginaient leurs planètes et Monsieur Pluton nous a décrit un monde « parfait » qui nous a amenés sur le sujet des Droits des enfants. Avec toutes ces lettres, et même des colis, nous nous sommes mis à raconter l’histoire du facteur qui portait toutes ses lettres et ses aventures rocambolesques dans l’espace.

Voilà, ce que je voulais partager avec vous le temps de cet article, l’idée de correspondre avec des adultes, qui en recevant la lettre d’enfants qui, comme ça, viennent leur offrir un moment de petit bonheur, et qui se prêtent alors volontiers à ce petit exercice de style, dévoilant ici un don de conteur, ici une envie de philosopher, là simplement un plaisir d’écrire. Inutile de vous dire quelle fut la motivation pour ces CP/CE1 de lire, d’écrire, de dessiner, de faire des recherches... et toute l’année a été rythmée par ces lettres et il était parfois difficile de redescendre sur terre pour regarder les vraies étoiles, les vraies planètes, la vraie lune lors de son éclipse en janvier dernier... nous rêvions le jour et nous devenions sérieux la nuit, l’œil derrière le télescope...

 

Magali Wenz Guglielmi

Groupe départemental

de Corse du Sud

Porto-Alegre : forum mondial sur l'éducation

Mars 2002

 

Maria Teresa Rode, du CA de la Fédération Internationale des Mouvements d’Ecole Moderne (FIMEM), était présente à Porta Alegre en octobre 2001, lors du Forum sur l’Education. Nous reproduisons le texte de son intervention. 

La Fédération Internationale des Mouvements de l’Ecole Moderne, qui s’inspire des paroles et des écrits d’Elise et Célestin Freinet, a choisi d’être présente à ce rendez-vous plein de sens. Porto Alegre : lieu royal et symbolique dans lequel aux côtés d’autres mouvements, il est possible de penser à construire un monde meilleur.. 

La force du message de Freinet est dans sa conviction que la volonté d’apprendre et de savoir vient tout naturellement, sans contrainte, sans structures institutionnelles oppressives. 

Les maîtres sont ceux qui guident les apprentissages sans contraindre, sans endoctriner. La méthode naturelle comme méthode antiautoritaire et laïque a conquis son espace en faisant de la résistance dans plus de trente pays disséminés dans le monde, en Afrique, en Amérique Latine, en Asie (Japon). Les techniques Freinet se fondent sur une philosophie simple et profonde, celle de la valorisation du travail de chacun. Leur pratique implique une savante organisation de la complexité et l’idée que tout, même les plus petits gestes se connectent entre eux en un système plein de sens et que rien n’est gaspillé. 

On part d’un micro système : la classe, micro réalité sociale qui renvoie au monde extérieur et à ses règles. La classe coopérative, petite entreprise dans laquelle rien ne se perd et où les droits de l’individu rejoignent les droits du groupe. C’est un laboratoire de vie et de connaissance réciproque, par la découverte, la recherche, l’utilisation d’outils, la correspondance, le journal de classe, l’imprimerie.

Nous sommes ici, parce que nous pensons que la mondialisation pose des problèmes urgents étroitement liés à un développement équitable pour tous les habitants de la planète.

 

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 Instruction et développement

des peuples 

C’est autour des processus d’instruction et d’alphabétisation que se jouent le destin de nombreux peuples. 

·L’exclusion des sujets les plus faibles, et tout particulièrement celle des enfants au seuil de l’alphabétisation rend encore plus grave, le cercle infernal : faim, maladie, sous-développement, pauvreté, qui se propage jusqu’aux niveaux les plus hauts de la croissance économique générale et c’est un problème non seulement pour les pays pauvres, mais aussi pour l’humanité toute entière. 

·Rendre des pays dépendants de l’usage et de l’exportation de technologies inappropriées à fort impact environnemental, perpétue un circuit commercial dans lequel les pays en voie de développement, bien qu’ils détiennent les 3/4 des matières premières, subissent le chantage économique des multinationales, et leur environnement est soumis à un constant saccage au détriment de l’humanité toute entière. 

·Les limites des découvertes scientifiques et les possibles manipulations génétiques, nous mettent plus que jamais face à la question du savoir qui chemine parallèlement à celle de la survie et de l’exercice de la démocratie. 

·Les conflits dans le monde font appel à une conception rigide de l’identité et de l’appartenance, et le marché des armes alimente les oppositions entre les peuples, justement parce que cela joue sur la pauvreté, non seulement matérielle mais aussi culturelle.

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Pour un nouvel imaginaire des peuples

Pour une géographie des visages

et des jeux

 

La tragédie de New York qui nous a si profondément touchés et la guerre en cours nous imposent le devoir de remanier l’imaginaire collectif mondial, reconstruire des symboles qui donnent à tous la possibilité de les considérer comme sien et non comme des « forteresses ennemies à abattre ». Cela nécessite un important effort collectif au-delà des appartenances ethniques et religieuses.  

Il faut tout d’abord exiger le silence des armes et dire qu’il ne pourra être question de paix tant qu’il n’y aura pas de justice et qu’il n’y aura pas de justice si les règles du marché sont celles qui régissent les rapports entre les peuples. 

Que peut faire le peuple de Porto Alegre pour construire d’autres tours ou plus simplement d’autres maisons que ne pourraient attaquer des terroristes ? 

Que peut-il faire de plus  pour l’enfance oubliée que ce que l’UNICEF ou  d’autres organismes n’ont déjà fait ? 

Il est nécessaire de donner un visage crédible à l’espérance en montrant les liens que peuvent nouer les humains dans le monde et de combattre l’idée que l’unique moyen de rendre la justice soit de réveiller la mort en se sacrifiant ou en sacrifiant les autres, sacrifice après sacrifice pour étancher l’inextinguible soif de sang des divinités qui restent là à regarder.  

Depuis le 11 Septembre, le monde vit prisonnier des images de mort-spectacle entre réalité et retransmission télévisuelle. 

A quel futur peuvent penser les enfants si dans leurs yeux restent à tout jamais de telles impressions ? 

Comment se démine un territoire pour le sauver d’autres explosions  qui s’y  annoncent? 

C’est pourquoi, nous devons travailler sur les images mentales des jeunes avec lesquels nous sommes en contact quotidiennement. Nous devons leur offrir d’autres paysages intérieurs et la possibilité d’apercevoir des visages de tous les pays du monde, des visages qui sourient, les visages de ceux qui s’amusent et profitent des simples petites choses que la paix rend si précieuses. 

Il faut lancer une formidable offensive de lettres qui envahiront les écoles de tous les pays du monde et faire connaissance avec ce qui est lointain, ce qui est différent pour ne plus en avoir peur. Sur la vague de la pédagogie Freinet, Porto Alegre pourrait bien se transformer en un gigantesque bureau de tri postal pour jumeler même les classes des villages les plus perdus. 

L’éducation n’est pas à vendre 

C’est le sens du second message qu’il nous semble opportun de lancer en tant que FIMEM. A la prolifération des entreprises et des universités qui fabriquent du savoir de manière plus ou moins virtuelle et réduisent toujours plus le cercle de ceux qui peuvent y accéder, nous opposons l’idée d’une école de base pour tous, une école publique et de qualité, capable de fournir les abécédaires nécessaires et les structures cognitives qui sont à la base de l’acquisition du droit à la citoyenneté sans distinction de sexe, de race ou de fortune. 

Rappelons-nous que l’Amérique du Nord a déjà lancé son premier marché de l’éducation à Vancouver en Mai 2000. 

La pression pour faire coïncider instruction et domination du multimédia est toujours plus forte et ceci peut devenir le nouvel obstacle qui augmente l’inégalité des chances d’accès à l’alphabétisation de base et les inégalités sociales tout court. 

Si l’école et le système scolaire laissent accréditer cette illusion productiviste, en recourant à l’idée de la capitalisation des biens immatériels, les différences ne feront qu’augmenter même dans les pays les plus hautement industrialisés, en ne résolvant pas le problème de l’élévation globale du niveau culturel. 

L’expérience de scolarisation des USA, si divisée  entre quartiers chics et quartiers pauvres, entre universités et lycées, si rétive à se soumettre à la moindre évaluation par crainte d’en sortir mal en point, en est l’exemple le plus frappant. 

Une véritable réflexion sur ces résultats nous convainc encore plus que l’instruction doit être fondée sur la sauvegarde et le partage des « biens communs », que sont la connaissance et le savoir qu’on ne peut réduire à des catégories standardisées ou à des modèles culturels uniques. 

Chaque peuple a le devoir de sauver sa propre culture mais sans en faire une barrière à dresser contre les autres peuples. 

Cette voie pourrait nous conduire à un développement mondial économiquement solidaire, efficace sur le plan social et politiquement démocratique. Ceci augmenterait l’idée d’une économie coopérative attentive à la promotion d’un bien-être mondial pour la défense du droit à la vie.

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Quel dialogue entre le Forum

et les institutions politiques

 

En tant que FIMEM, nous proposons que le peuple de Porto Alegre devienne un laboratoire et un observatoire permanent du monde de la formation et de l’instruction en exigeant le maintien des engagements pris par les organismes politiques dans leurs résolutions sur le thème de l’instruction.  

Rappelons-nous par exemple que le Parlement européen a approuvé le 13 Avril  2000, la résolution B5-355/00/COMP sur le « Forum mondial pour l’éducation ».

 

La conférence de Dakar 

A la Conférence de Dakar au Sénégal (Avril 2000) a été présentée l’évaluation la plus complète jamais entreprise dans le monde en matière d’instruction de base. 

Précédée d’une série de conférences régionales préparatoires pour analyser les données en provenance des différents pays, la conférence a offert un panorama plutôt contrasté de l’instruction minimum dans le monde : selon certains experts,  les années 90 - Instruction pour tous, ironie du slogan !-  ont traversé une crise éducative, avec bien 113 millions d’enfants non scolarisés, une lourde discrimination envers les filles, presque un million d’adultes analphabètes, des écoles en mauvais état et une pénurie d’enseignants qualifiés et de matériel didactique. 

En regard, un fait positif, l’augmentation du nombre absolu des enfants scolarisés, de 599 millions en 1990 à 681 en 1998, ce qui a signifié une première scolarisation pour certains. 

Mais les disparités qualitatives sont considérables, d’un côté des systèmes éducatifs rigides et fossilisés, loin des exigences réelles des enfants et des adolescents, de l’autre, un florilège d’initiatives disparates, visant à adapter l’instruction aux besoins locaux et à apporter aux populations marginalisées, formation et compétences de bases à utiliser principalement comme activités génératrices de revenu. 

Construire un réseau de projets

et de présences

 

Des défis formidables nous attendent : 

Comment éduquer les millions d’orphelin du sida ?

Comment garantir l’accès à l’instruction à des millions de réfugiés ?

Comment mettre les nouvelles technologies au service de l’école ? 

Parmi tous ces défis, le plus important, du fait que 700 millions de personnes vivent dans 44 pays fortement endettés est : comment faire pour que l’instruction puisse vraiment contribuer à l’élimination de la pauvreté et donner enfin aux enfants la possibilité de se réaliser pleinement ? 

A l’aube du nouveau millénaire, est peut-être enfin arrivé le moment de redessiner les stratégies éducatives pour gérer l’héritage, pas toujours positif, des années 90.

 

Petite enfance et adolescence :

une génération perdue ?

 

La pauvreté est ennemie de l’instruction, elle-même aux racines de la pauvreté lorsqu’elle vient à manquer, en un mouvement perpétuel qui ne laisse aucune espérance. L’instruction est le meilleur moyen, souvent l’unique, pour que l’enfant puisse briser la spirale descendante de la privation. Ils sont aujourd’hui 113 millions d’enfants non scolarisés, dont 100 millions dans les pays en voie de développement, la majorité d’entre eux étant des filles. 

Un épais enchevêtrement de facteurs socioculturels, économiques et géographiques, exclut les enfants de l’instruction, les écoles excluent lorsqu’elles refusent de collaborer avec les parents, la bureaucratie exclut en ne soutenant pas correctement les enseignants, catégorie sous payée dans pratiquement tous les pays du monde, et l’état exclut parce que sa politique ne tient pas compte de manière suffisante des besoins réels des enfants. 

La majeure partie des états est soit lente, soit peu encline à donner une instruction non formelle. Ce sont le plus souvent les ONG qui garantissent l’instruction aux enfants en situation difficile.

 

L’école entre travail et chômage

les projets sociaux

 

Ils sont plus d’un milliard les jeunes entre 15 et 24 ans qui risquent l’exclusion sociale et leur nombre est destiné à augmenter. 

Il s’agit d’un phénomène en grande partie occulté parce que l’on manque de chiffres précis sur le sujet, mais leur nombre est en augmentation et pas seulement dans les pays en voie de développement. 

A Dakar, l’Organisation Internationale du Travail a déclaré que le chômage et l’exclusion sociale des jeunes ont atteint des niveaux intolérables dans les principaux pays industrialisés. En France, on les appelle la « Génération salle d’attente », environ un jeune sur quatre est sans travail.. 

Ces dernières années, sont apparues de nouvelles solutions pour combattre l’exclusion des jeunes. En Grande Bretagne, un projet de l’ONG Voluntary Service Overseas confie aux jeunes marginalisés des projets d’aide aux pays en voie de développement. Après une brève formation sur le thème de la coopération, ils partent six mois sur le terrain. 

Le résultat : l’acquisition de compétences, une expérience de vie et une confiance en soi renouvelée.

 

De Dakar à Porto Alegre

 

Les mille projets de Dakar doivent trouver un écho ici à Porto Alegre, et si Dakar a représenté un moment institutionnel, ici le peuple de Porto Alegre peut constituer un réseau capable de surveiller ces projets et cette volonté politique pour que rien ne soit oublié ni gaspillé.

 

La qualité et la formation

des enseignants

 

Pour une école capable de promouvoir la coopération et capable de sortir de sa rigidité, il faut un corps d’enseignants bien préparés. 

Les projets s’enlisent souvent non seulement par manque de fonds, mais aussi par manque de personnel prêt à les gérer et à les coordonner. 

La diffusion de la Pédagogie Freinet par l’auto formation au cours d’ateliers dans lesquels les enseignants expérimentent collectivement des parcours didactiques, montre ainsi sa capacité à se projeter dans une réflexion collective sur la manière dont se construisent les savoirs en partant de soi et de la capacité de chacun à réfléchir sur l’expérience du groupe comme espace possible d’apprentissage dans lequel la relation et l’émotion sont aussi importants que les contenus et les techniques que l’on y acquiert 

Pour la FIMEM   

Maria Teresa Roda  

(traduction Sylvie Clerc) 

 

 

 

Ecriture, ture-lure...

Mars 2002

 

Ecole de village à une classe, non loin des Pyrénées. Cycle 3, vingt mômes et un instit. Matin d’octobre, un « Quoi de neuf » ordinaire.

Noélia, CE2, a la parole. L’une de ses premières interventions depuis septembre :

- Pendant les grandes vacances, je suis allée à Paris, avec mon frère et mes parents.

- Et t’as vu quoi ?

- On a visité la tour Eiffel, le Louvre, Notre Dame de Paris et la Bibliothèque Nationale.

- C’est quoi, la Bibliothèque Nationale ?

- Hé bé… c’est des grands immeubles où on garde tous les livres.

- Tous les livres de toute la France ?

- Oui, de partout.

- Alors, à chaque fois qu’on fait  un livre, on le met dans cette bibliothèque ?

- Oui.

- Et n’importe qui peut les voir ?

- Oui. Et il y en a même qui viennent d’autres pays pour les lire.

 

Noélia, en toute ingénuité, et dans l’innocence de ses huit ans, vient d’appuyer sur le bouton vert. Le bouton IMAGINAIRE. Personne, à cet instant précis, ne s’aperçoit que la machine s’enclenche. Pas même l’instit. Le « Quoi de neuf » se poursuit, jusqu’au bout de sa logique :

 - Et si nous, on écrivait un livre, il y serait aussi ?

L’instit flaire enfin le danger. Demande la parole :

   - Oui. Mais Noélia a oublié de vous dire qu’il s’agit de livres « édités ». C’est à dire d’un texte qu’un éditeur a aimé, et qu’il a transformé en livre, parce que c’est son métier.

Quelques secondes de réflexion, et puis :

- Alors, si un éditeur aime nos textes, il pourrait en faire un livre, et on serait à la Bibliothèque Nationale ?

- Avec les vrais livres des vrais écrivains ? Ca serait super…

   - Ouais ! Et on pourrait l’écrire comme un grand texte libre avec des suites, ça irait plus vite…

L’instit, vraiment réveillé, vacille devant le gouffre qu’il voit s’ouvrir :

- Mais un livre, c’est énorme ! C’est énorme à écrire ! Ca fait plus de cent pages,  à  l’ordinateur. C’est à dire plus de deux cents pages à la main ! Et encore, pour un PETIT LIVRE ! ! C’est un texte libre gigantesque. Il faut des mois, des années souvent.…

- Oui, mais nous, on est vingt. Et à vingt, c’est plus rapide que tout seul…

- J’aimerais bien qu’on écrive ce livre, rêve un CM2. Un vrai, et qu’il soit à la Bibliothèque Nationale, et que tout le monde le lise….

La classe approuve chaudement. Sauf l’instit qui reste sans voix, et deux ou trois inquiets que le projet effraie aussi :

 - Mais on n’y arrivera jamais ! C’est trop dur !

- Moi je crois que c’est trop long. On n’est pas des écrivains.

- Oui, on n’est que des enfants, quand même…

 - Et moi, j’aime pas écrire. Et nos textes, y plairont pas à … au… au fabricant de livres !

Un aventurier du CM1 trouve alors l’argument imparable :

- Moi je suis d’accord pour écrire ce livre. Parce qu’après, on pourra faire un voyage à Paris.

Regards interrogateurs tournés vers lui. Il explique :

  - Oui, quand on l’aura écrit, le livre, on pourra aller à la Bibliothèque Nationale, voir s’il y est…

Là, c’est une standing-ovation, ou peu s’en faut.

L’instit comprend alors qu’il ne peut que les suivre.

Les voies de l’Ecrit sont impénétrables…

 

Un projet d’écriture fou, issu d’une motivation pour le moins insolite. Le tout porté par une poignée d’enthousiasmes aussi inconscients que juvéniles, et par un instit peu rassuré. L’aventure peut donc commencer.

Après tout, n’est-ce pas l’Utopie qui fait avancer le Monde ?…

 

Bref, le voyage dura six mois, des premiers jours d’octobre aux premières semaines du printemps. L’instit avait fixé des règles de navigation, bien sûr, pour ne pas sombrer dans l’océan de ce grand dessein. Quelle émotion quand l’éditeur signa le contrat ! Ils arrivaient au port. En mai, l’œuvre était née. Et faisait exister chacun des écriveurs, devenus écrivains…

L’année suivante, que croyez-vous qu’il arriva ?

L’école trouva curieusement des correspondants près de Paris, dans les Yvelines.

Pendant le séjour, EVIDEMMENT, visite de la Bibliothèque Nationale.

IL Y ETAIT ! !

Enfin, il allait y être… Dans les quinze jours, a affirmé le responsable informatique. Car vous savez, les enfants, on a tellement d’auteurs à archiver, chaque année…

 

 

 

L'autorité et la classe coopérative

Mars 2002

Quand on parle de gestion de la classe, on fait comme si tout allait de soi, comme si l'on s'adressait à des enfants sages, disciplinés, voire dociles. La réalité nous offre un tout autre visage : indiscipline, chahut, incivilités, non-respect des règles... Notre engagement pédagogique nous invite à inventer d'autres moyens que la punition ou l'autoritarisme de l'adulte pour régler ce genre de difficulté. Cependant, la solution coopérative ne va pas de soi et n'élimine pas d'emblée le rapport à l'autorité. Loin d'offrir une solution, ces quelques éclairages nous permettront peut-être de mieux comprendre ce que nous faisons dans nos classes.

 

Qu’il est difficile de faire classe ! 

En formation initiale, la question de l’autorité est rarement posée. Pourtant, les retours de stages de nos jeunes collègues PE2 sont souvent douloureux : indiscipline, bavardages incessants, inattention, opposition, provocation. Dès lors, les grands discours didactiques sur la mise en place de situations d’apprentissage sont relégués au second plan puisqu’il s’agira pour eux, avant tout, de « tenir » la classe et d’installer un climat propice au travail. 

« Mais comment faites-vous pour tenir votre classe ? » 

La question n’est jamais posée. Elle est de l’ordre du tabou. Oser avouer que l’on rencontre des difficultés avec la tenue de la classe serait avouer une incapacité à enseigner. La discipline serait le degré zéro de la pédagogie. Mais souvenons-nous quand, jeunes enseignants, nous avons dû faire nos preuves face aux parents, aux collègues, aux enfants. La tâche a-t-elle été toujours aussi facile ? N’avons-nous pas été partagés entre le désir d’organiser la classe comme un espace pré-démocratique, de donner l’image d’un maître compagnon et la réalité d’utiliser des moyens de coercition qui vont parfois à l’encontre de nos convictions ?

 

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Il se raconte dans les cours de récréation que certains auraient une autorité naturelle, un ascendant sur les enfants, une sorte de rayonnement qui fait qu’ils sont respectés. Un regard, un geste, un mot suffit pour que tout aille de soi. On pourrait parler de charisme. Certains en seraient pourvus naturellement alors que pour d’autres, ce serait le bras de fer, la voix qui monte, la menace, la punition. Combien d’enfants se tiennent en classe grâce à une invisible épée de Damoclès. L’ordre règne apparemment, mais au prix de quelles stratégies.

Dans ces conditions, peut-on tenir une classe si l’on ne possède pas de charisme ? Et allons jusqu’au bout de la logique, si cette question apparaît comme rédhibitoire, pourquoi ne pas en faire l’une des conditions d’accès au concours ? 

L’indispensable autorité en matière d’éducation 

Une autre logique peut-être moins radicale, et surtout binaire, consiste à mener une réflexion sur l’autorité et de savoir ce que nous faisons quand nous agissons dans nos classes. Bien des chercheurs se sont penchés sur l’autorité et l’éventail des réponses peut laisser perplexe. Selon Hannah Arendt, il n’y a pas d’éducation sans autorité,  « l’autorité implique une obéissance dans laquelle l’homme garde ses libertés. Là où la violence s’exerce, c’est que l’autorité a échoué.(1) » Chantal Del Sol lui emboîte le pas. En effet, pour elle « l’autorité ne peut pas être une oppression cachée mais un processus de participation à la grandeur entendue comme réalisation d’un idéal. Une société qui bannirait les relations d’autorité deviendrait tout entière médiocre, fade, incolore. 

L’autorité est une disposition personnelle permettant de se faire obéir sans employer la force. Ce n’est pas un principe de légalité ou de violence mais plutôt de légitimité. Il doit y avoir acceptation d’obéissance pour que l’autorité s’exerce. Cette acceptation refuse la contrainte. 

Le détenteur d’autorité appelle le respect. Cela suppose qu’il n’excite pas la jalousie ni l’envie, mais l’admiration. L’enfant est prompt à l’admiration parce qu’il cherche inconsciemment la figure de ce qu’il souhaiterait devenir.(2) »

 

« Celui qui incarne l’autorité voit toujours sa taille rehaussée : portant couronne ou bonnet carré, il parle plus haut et plus fort, avec autorité comme on dit, du haut de l’estrade du professeur, du balcon papal ou du trône royal. Dans l’exercice de son autorité il ne se place jamais au même niveau que ses assujettis ; on le regardera de bas en haut parce qu’autrefois l’enfant devait lever les yeux pour dévisager ses parents. Et que dire de la prosternation orientale, du pliement de genou, de la révérence, de la tête respectueusement inclinée, qui accroissent encore la petitesse de l’assujetti par rapport à la grandeur de qui est ou de qui a l’autorité. » 

Gérard Mendel,

"Pour décoloniser l'enfant".

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Contre toute autorité

 

A l’opposé, Gérard Mendel, psychanalyste et sociologue, affirme que « l’autorité n’est que le masque mystifiant de la violence (3)» et ne considère l’autorité que comme un phénomène de soumission.

Les premières manifestations toutes puissantes et arbitraires en seraient l’autorité de la mère, la seconde celle du père, ces deux dernières laissant place petit à petit à la soumission au pouvoir. Ce qui fait dire à Roger Mucchielli (4) que l’autorité transforme le sujet humain en objet, s’appuie sur la violence, impose la dépendance et considère l’obéissance comme le résultat d’un conditionnement précoce. 

En guise d’alternative, Gérard Mendel propose d’ailleurs de favoriser chez les enfants une “conscience de classe” afin d’organiser la révolte contre les adultes et les autorités en général. Il revendique le droit de vote à 12 ans.

neduc-137-0021.JPG (16984 bytes) Les sept figures de l’autorité 

Autorité du contrat  (infraction : fraude ou tricherie) : chacune des parties est liée par son propre consentement. C’est l’autorité de la règle sur les joueurs, celle du projet sur ceux qui l’ont conçu et accepté, de l’institution démocratique. 

Autorité de l’expert (infraction : imprudence) : on suit l’avis sans même le comprendre parce qu’on reconnaît sa compétence, parce qu’il fait “autorité” en la matière (avis, ordonnances, rapports, conseils...) 

Autorité de l’arbitre (infraction : désobéissance) : tranche un conflit par une décision que l’arbitre n’a pas toujours à justifier. Il vaut mieux un verdict arbitraire qui mette fin à un conflit qu’un conflit sans fin. 

Autorité du modèle (infraction : inculture) : suscite l’admiration. Le modèle rayonne de son prestige (artistes, vedettes...) 

Autorité du leader (fanatisme ==> pas d’infraction) : moins rationnelle. Son ascendant répond chez ceux qui le subissent à un double besoin : admirer et obéir, au sens où l’obéissance rassure et dispense de vouloir. C’est dans le cas où l’autorité adulte devient défaillante ou inhumaine que les jeunes se rangent derrière des meneurs. 

Autorité du roi-père (infraction : sacrilège) : chef charismatique, monarque absolu. Pas d’explication, pas de discussion, l’autorité est déjà là, irrévocable.

Remplacer l’autorité par l’éducation

 

Dans une perspective plus dialectique, Olivier Reboul (5) propose une approche différente. En effet, s’il conçoit l’autorité comme un rapport vertical du maître sur l’élève, de l’adulte sur l’enfant, il constate que l’autorité est de plus en plus contestée (directivité, pouvoir, modèles, institutions...). Et si l’autorité est le pouvoir de faire faire quelque chose à quelqu’un sans avoir recours à la violence, il la décline sous sept figures différentes. Le problème étant alors de savoir quelle autorité est la plus propice à éduquer, c’est à dire à former la liberté. Toujours pour Olivier Reboul, l’Education nouvelle ne rejette pas toute forme d’autorité. Elle se reconnaît essentiellement dans celle du contrat dans le sens où les enfants sont libres de choisir ce qu’ils veulent apprendre mais ils doivent aller au bout de leurs projets et respecter les décisions prises en commun. Le principe serait alors de glisser d’une autorité à l’autre, d’aller de la contrainte à l’auto-contrainte, ce serait alors davantage un problème d’éducation, la fin de cette dernière étant de se passer de l’autorité. 

On voit bien ici le glissement vers l’éducation. Et c’est bien le propos de Jean Houssaye (6) : entre l’école et l’autorité, il faut choisir... Sa critique de l’autorité se fonde sur  la question du « vivre ensemble ». En effet, « l’autorité se découvre fondée sur la peur de soi, sur la peur de l’autre, sur la peur de ne pas parvenir à se donner et à maintenir la loi ensemble. Elle n’est rien d’autre que la peur de vivre ensemble, que le refus d’éduquer... L’éducation est la prise en compte de la nécessité de la socialisation ; elle désigne cette nécessité de la prise en compte et de la construction du rapport à l’autre et à la loi. » 

C’est bien d’éducation et de rapport à la loi dont il s’agit dans nos classes. A ce sujet, Eirick Prairat (7)  nous propose un remarquable ouvrage de synthèse dans lequel il définit la notion « d’autorité éducative ». Le travail éducatif consiste à construire la loi avec les enfants. « Non pas une loi coercitive et extérieure, mais une loi que l’on peut modifier aux tendances et aux besoins du groupe... une loi qui est construction progressive et autonome. Nous sommes ici au cœur du travail éducatif car le vivre ensemble ne se déduit jamais de manière mécanique et immédiate de la seule co-présence, il se construit ».  

Et dans les classes coopératives ? 

On pourrait penser que faire le choix d’une pédagogie coopérative, c’est d’une certaine manière imposer de façon autoritaire un mode de fonctionnement et des outils que les enfants n’auraient pas choisis. Mais ce serait oublier que nous refusons (comme Célestin Freinet d’ailleurs) le terme « méthode ». La pédagogie Freinet n’a rien de méthodique. C’est ce qui en fait sa richesse et sa complexité. La pédagogie Freinet est d’abord un engagement, un positionnement politique. C’est un choix éthique qui nous fait poser un regard différent sur l’enfant. Un regard de confiance, de respect, d’humanité. Alors, si nous proposons (de façon autoritaire ?) une structure coopérative aux enfants (travaux en groupes, plans de travail, moments de tâtonnement, conseils...), c’est bien pour leur offrir un espace d’auto construction, un espace pré-démocratique, un espace de parole au sein duquel ils vont pouvoir  programmer leur travail, organiser le vivre ensemble, autonomiser leurs apprentissages. Les débats et les décisions prises par les enfants pendant les conseils coopératifs sont autant de moyens qui vont leur permettre d’accéder au statut d’êtres libres. Il ne s’agit pas alors de substituer l’autorité de l’adulte à celle de l’enfant, mais bien de préserver quiconque (enfant ou adulte) d’une autorité toute puissante d’un Roi-Père (prise de pouvoir par l’adulte charismatique) ou d’un enfant-roi (phénomène de leadership).  

Nous nous sommes toujours considérés comme des éducateurs. Nous avons toujours été davantage tournés vers des logiques éducatives. Et qu’est-ce qu’éduquer sinon guider, accompagner, faire émerger. Nous agissons bien de façon globale sur les enfants.  Et si nous dénonçons les formes d’autorité aliénantes, « servilisantes », nous sommes convaincus du rôle d’accompagnement de l’adulte. Ne sommes-nous pas alors dans une forme d’éducation qui propose d’autorité une structure de classe que les enfants vont pouvoir pénétrer, s’accaparer, adapter à leurs besoins, leurs désirs, pour accéder à la conquête de leur autonomie... et de la liberté.

 

 

Dominique Tibéri

Groupe départemental

de Meurthe et Moselle

 

1. Hannah Arendt, La crise de la culture, folio essais, 1972.

2. Chantal Del Sol, L’autorité, Que sais-je ? 1994.

3. Gérard Mendel, Pour décoloniser l’enfant, Payot, 1971.

4. Roger Mucchielli, Psychologie de la relation d’autorité, E.S.F. 1986.

5. Olivier Reboul, La philosophie de l’éducation, Que sais-je ? 1989.

6. Jean Houssaye, Autorité ou éducation ? E.S.F. 1996.

7. Eirick Prairat, La sanction, l’Harmattan, 1997.

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Le dialogue philosophique

Mars 2002

Le dialogue philosophique

ou comment apprendre à argumenter dès l’école primaire, comprendre le monde et se préparer à la citoyenneté.

 

Depuis quelques années, nous assistons à une sorte d’explosion dans le domaine philosophique. Au-delà des batailles d’écoles et de programmes, on parle par exemple beaucoup d’éthique, d’éthique des affaires, de bioéthique et d’éthique de l’environnement.

Notre société est chaque jour confrontée à de nouveaux défis relatifs à la mondialisation et à l’immigration, qui l’incitent à une réaffirmation de son caractère démocratique et à une identification des moyens permettant d’assurer à tous ses citoyens leur participation pleine et entière aux débats qui concernent le vivre-ensemble.

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C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le souci de nos sociétés occidentales qui entendent éduquer à la citoyenneté. Etre citoyen, c’est faire partie d’une démocratie, c’est à dire d’une communauté participante et réflexive, engagée dans une recherche à l’égard de ses problèmes et des choix qu’elle doit faire. Pour cela chacun doit faire partie du processus décisionnel au sein d’une société appelée à se questionner, se critiquer et se corriger. 

Le développement du jugement autonome et critique et de la conduite raisonnable constitue un préalable à cette participation et le dialogue philosophique avec des enfants apparaît comme un moyen privilégié de favoriser certains apprentissages indispensables à la participation citoyenne : « L’apprentissage de la délibération, du débat, de la prise de parole régulée ». Dans nos classes, déjà, les moments de parole font souvent affleurer une réflexion philosophique. 

L’école devrait permettre de se forger un esprit critique et créateur. Elle devrait aussi donner la capacité de développer une certaine logique, une certaine éthique et le respect d’autrui.. Elle a une grande responsabilité sociale puisqu’elle prépare les enfants à vivre dans une société démocratique. Elle doit remplir son rôle en aidant à l’évolution des mentalités et des attitudes, en s’humanisant et en s’adaptant aux besoins des enfants et la philosophie peut être un excellent moyen de parvenir à de tels résultats. Il ne s’agit bien sûr pas de parler de Kant ou de Platon aux enfants, mais de leur offrir la possibilité de poser les questions fondamentales qui les assaillent et d’être plus attentifs et réceptifs à leurs réflexions. 

La philosophie peut intervenir globalement sur les élèves en favorisant leur accès à une parole authentique, à des relations sociales élaborées. On peut par-là renforcer leur estime d’eux-mêmes et leur permettre de devenir des citoyens à part entière. Pour nous enseignants, la philosophie avec les jeunes enfants, peut-être une tentative pour promouvoir des vécus uniques, une pensée qui questionne, débat, critique, dialogue, crée et résiste, une expérience de pensée qui contribue à modifier ce que nous sommes. C’est aussi un moyen de nous amener à réfléchir et repenser notre vie, nos idées, nos concepts, nos certitudes, nos erreurs, qui provoque des doutes, des questionnements sur nous-mêmes, nos aptitudes dans la vie, notre pratique dans une salle de classe, notre façon de voir l’éducation comme un tout. 

« Notre conscience nous vient grâce au rapport à autrui, grâce à l’appartenance à une communauté qui a le pouvoir de faire émerger un « Je » parce qu’elle s’adresse à moi en disant « Tu » . Albert Jacquard 

Alors, pourquoi attendre les dernières années de la scolarité pour philosopher ? 

Sylvie Clerc

Pour des rythmes scolaires réellement au service des enfants

Mars 2002

 

«Il faut répondre aux besoins d’une société qui bouge avec les 35 heures» (1) E. Ferrand, adjoint au maire de Paris chargé des affaires scolaires, le laisse bien entendre : la société adulte impose de plus en plus son tempo à l’école.

«La semaine des élèves et des enseignants parisiens s’étendrait du lundi au vendredi, avec classe le mercredi matin de 8h30 à 12h. Des activités périscolaires facultatives seraient proposées le samedi matin. 

 

Cette proposition de rythmes scolaires serait ainsi en accord avec le temps de travail organisé par le système économique : la RTT libère les adultes dès le vendredi après-midi et les semaines de congés se répartissent tout au long de l’année.

De moins en moins de temps morts pour le marché ! Les entreprises du loisir se bousculent pour prendre leurs parts, accaparer le temps libéré et séduire les municipalités.

L’enfant comme être unique en construction est loin d’être au cœur des réflexions sur le temps et l’espace qu’on lui accorde !

 

Le débat sur les rythmes scolaires, vieux serpent de mer, refait régulièrement surface. Au tour des villes de Lyon et Paris de mener le bal. Il y serait question de réformer les rythmes scolaires pour mieux coller aux évolutions sociales tout en respectant les rythmes des enfants. Les décisions prises dans les deux plus grandes villes françaises pourraient même avoir valeur d’exemple pour l’ensemble du territoire. (2)

Du coup, un véritable lobbying est exercé par certaines catégories aisées de parents qui font prévaloir leurs intérêts familiaux.

 

Objet d’un certain engouement au départ, la semaine à 4 jours semble vouée aux oubliettes, plombée par différentes études à son sujet. Nous ne la regretterons pas. Un certain nombre d’entre nous la subissent depuis plusieurs années. Les cadences qu’elle impose aux enfants et aux maîtres ne sont pas sans rappeler celles des exigences de productivité infligées à nombre d’adultes depuis la réduction du temps de travail.

 

Pour nous, la réflexion demeure réductrice car elle limite le débat au cadre temporel de l’année scolaire qui est elle-même un découpage artificiel. Respecter le rythme de l’enfant, c’est penser aussi sa progression sur plusieurs années, c’est se poser le bien-fondé du triptyque : un enseignant/un cours/une année.

 

La semaine de 4 jours accroît les inégalités sociales. Et si la semaine scolaire de 4 jours et demi conduisait au même constat ? Les élus parisiens et lyonnais, avec l’appui de spécialistes comme F. Testu, proclament que le mercredi matin libre est inégalitaire.(3)

En alignant toujours plus le temps scolaire sur le temps de travail des parents, se pose le problème de l’ouverture de l’école aux familles. L’abandon du samedi matin génère un appauvrissement des relations école-parents. Songeons par exemple à la richesse de l’«heure des parents» du samedi matin dans de nombreuses classes Freinet où les enfants présentent leurs œuvres, aboutissement du travail de la semaine. Par ailleurs la rupture de rythme occasionnée par un week-end de deux jours est préjudiciable à la majorité des enfants, comme en attestent les chrono biologistes mais aussi nos constats sur le terrain.

 

L’offre péri-éducative envisagée le samedi matin (4) dans le projet de Paris, à destination prioritaire des familles modestes ne serait-elle pas aussi pertinente le mercredi matin ? A l’opposé de l’esprit de consommation qui dicte trop souvent ces activités, c’est à une véritable implication des personnes dans des projets coopératifs, c’est à un appel au partenariat entre animateurs et équipes enseignantes, allant vers une réelle écoute et un accompagnement des projets d’enfants, qu’il nous faut travailler.

 

L’articulation du scolaire et du périscolaire sur la journée fait écho à d’autres débats. Le découpage du temps proposé par ce genre de réforme, morcelle encore plus l’accès aux savoirs : temps pour les savoirs fondamentaux, temps pour les savoirs artistiques, sportifs…

 

Attachés à une approche globale de l’enfant, induisant des apprentissages transversaux, nous dénonçons ce risque de division toujours plus fort de l’action éducative. L’enseignant sera-t-il limité à la transmission de «savoirs de base» ?

 

Qu’adviendra-t-il des enfants qui n’auront pas les moyens d’accéder aux espaces marchands périscolaires, compte tenu d’inévitables disparités entre les communes?

 

Consommation d’école et de loisirs, sous l’emprise du libéralisme ou implication et coopération éducative dans un contexte de temps libéré : on voit que cette question des rythmes scolaires nous ramène subrepticement aux problématiques d’une démocratie plus participative, intégrant les relations dans et autour de l’école.

Catherine Chabrun et Pierrick Descottes

 

(1)   Dépêche AEF « Rythmes scolaires à Paris » du 4 janvier 2001

(2)   Libération du 27/11/2001

(3)   Id

(4)   Dépêche AEF « Rythmes scolaires à Paris » du 4 janvier 2001

 

Congrès de l'ICEM

Mars 2002

  Congrès de Talence 2002

"Pédagogie Freinet : des pratiques éducatives pour une école populaire aujourd'hui."   

Pour que les mathématiques ne soient pas réservées à une élite, mais accessibles à tous, nous voulons par notre pédagogie, basée sur l'expression, la communication, la création, la coopération et le tâtonnement expérimental, permettre à tous les enfants de construire ses apprentissages mathématiques sans se sentir dévalorisé, incompétent.  

Ces voies multiples, calcul vivant, création, recherche mathématique, que nous explorons dans nos classes et au sein du chantier math permettent à tous les enfants d'accéder à la mathématique, chacun pouvant trouver son chemin construire des représentations, des procédures de plus en plus efficaces et s'élever ainsi dans les niveaux d'abstraction.

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Nous voulons rompre avec l'enseignement traditionnel des mathématiques qui simplifie et dit : «  c'est ainsi applique et tu comprendras plus tard. » Les propositions des nouveaux programmes qui centrent l’enseignement des mathématiques sur la résolution de problème sont une ouverture mais reste insuffisantes. L’enfant n’y est pas reconnu dans son intégralité, avec sa vie et ses apports personnels, mais reste un élève à qui l’on propose des recherches artificielles et des situations problèmes scolaires, construites pour aborder telle ou telle notion mathématique.

 
Nous voulons ouvrir aux enfants des voies d'exploration, de tâtonnement, dans lesquelles la construction des apprentissages est possible. Chaque enfant, partant de ses représentations, de ses conceptions premières, peut élaborer son savoir mathématique, en le confrontant à celui des autres. Par observations, accumulations, déductions, vérification d'hypothèses personnelles, comparaisons, confrontations, verbalisations, il peut ainsi augmenter sa capacité d'abstraction. Les concepts construits lui appartiendront, il ne sera plus le simple "appliquant " d'un mystère à découvrir plus tard, peut-être. 

Les enseignants que nous sommes, pour mener à bien ce projet doivent travailler leur propre culture mathématique. Cette formation leur permettra d’être à l’écoute et de pouvoir répondre aux questionnements et aux propositions des enfants. C’est l’un des axes de travail du chantier math.  

Le congrès de Bordeaux sera l'occasion de revisiter nos pratiques, d'exposer nos recherches et nos outils, de confronter nos découvertes et de partager avec d'autres ces moments forts, vécus en   mathématiques, avec les enfants de nos classes...  

Marguerite Vigne,  coordinatrice du chantier math