Le Nouvel Educateur n° 138

Avril 2002

Des enfants d'IME rédacteurs d'un journal sur l'actualité

Avril 2002

 

Des enfants d'IME rédacteurs

d'un journal sur l'actualité

grâce à l'outil Makaton

L'Institut Médico-Educatif des Terres Noires accueille, à La Roche sur Yon en Vendée, des enfants présentant des déficiences mentales moyennes à profondes. Ils réalisent un journal en Makaton, outil de communication qui associe textes, signes et pictogrammes. Par ailleurs, un partenariat avec l’école d’Aizenay a permis la réalisation d’un Cdrom, utilisant le même langage.

Un atelier journal à l'IME

Dans ma classe,  en septembre 2000  j'ai mis en place avec un groupe de 7 élèves, un atelier journal. 

En effet, à l'heure où on parle beaucoup de l'intégration des enfants handicapés, il est important de les aider à mieux comprendre le monde qui les entoure. Beaucoup s'intéressent à l'actualité à travers ce que disent les adultes autour d'eux ou ce qu'ils voient à la télévision, mais, à ma connaissance, il n'existe pas de journaux écrits qui soient adaptés.  

Parmi les enfants de ce groupe classe, seuls trois peuvent lire des textes simples mais grâce aux pictogrammes Makaton, tous les sept peuvent créer et lire les articles du journal. 

Déroulement de l'activité 

L'atelier journal a lieu tous les mercredis matins.  

Il faut environ 3 semaines pour faire un nouveau numéro.

Au début de chaque séance, on note l'ordre du jour au tableau, avec les pictogrammes pour que chacun puisse se repérer au cours de la matinée. Les pictogrammes sont facilement reproductibles et, autant que possible, ce sont les enfants qui les écrivent.

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On commence la séance par un temps d'échange : un par un, les enfants parlent de ce qu'ils souhaitent écrire dans le journal : une information entendue à la maison, une sortie avec le groupe éducatif… 

Je note ce que les enfants disent, cela pourra servir au moment de faire les textes. Tout ne sera pas dans le journal, il faudra choisir. 

Les échangent sont nombreux entre les enfants, ils se regardent, s'écoutent, se posent des questions… 

On va dans la bibliothèque pour visionner le journal télévisé du matin. 

Pour comprendre, il faut arrêter l'image, revenir en arrière, écouter plusieurs fois 

On apprend à tirer des informations :

-à partir des images (d'après les vêtements des gens, les lieux, etc.)

-à partir des écrits (les pancartes, les logos…)

-à partir de ce que dit le présentateur du journal, mais il parle tellement vite.

Après la récréation, chacun écrit ce qu'il se rappelle avoir vu à la télévision.

Les enfants écrivent avec des phrases, des mots ou des pictogrammes selon ce qu'ils connaissent. Ils peuvent s'aider avec un petit répertoire constitué de mots et de pictogrammes ; ils cherchent le pictogramme et recopient le mot qui est écrit dessous. 

A partir de ce travail, les sujets sont choisis et les articles sont rédigés au brouillon avec mon aide. Les enfants travaillent seuls ou en binôme sur un sujet.  

Chaque enfant copie son article à l'ordinateur. Quand le mot est bien orthographié, le pictogramme apparaît à l'écran, sinon, il faut effacer et recommencer. 

L'utilisation à l'ordinateur du programme "Writing with symbols" avec les pictogrammes Makaton  permet aux enfants de travailler en autonomie. 

La semaine suivante, chacun relit son texte aux autres avant la mise en page finale. Il faut aussi trouver les illustrations, découper des photographies dans la presse, dessiner. 

Quand le journal est terminé, chacun en emporte un exemplaire à la maison. On en met un à la bibliothèque de l'école et on en envoie aussi un exemplaire aux enfants du groupe scolaire Louis Buton d'Aizenay en échange de leur journal scolaire.

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Un bilan très positif 

Une douzaine de numéros a été réalisée depuis septembre 2000. Le bilan de cette expérience est très positif ; l'intérêt que les enfants portent à l'actualité grandit et ce qu'ils peuvent en comprendre augmente avec leurs connaissances. 

Ils peuvent participer à des conversations sur des sujets d'actualité (la maladie de la vache folle, les élections, les attentats de New York…). Je ne m'attendais pas au départ à pouvoir aborder tant de sujets avec mes élèves. 

Les enfants viennent de plus en plus souvent en classe le mercredi avec déjà une idée de thème à traiter dans le journal, signe qu'ils se  sont approprié l'activité. 

Choisir les articles qui paraîtront dans le prochain numéro nécessite que les enfants se mettent un instant à la place des lecteurs pour juger si le thème est intéressant ou non. Par exemple, est-ce que cela intéressera les enfants de l'école d'Aizenay de savoir que j'ai dormi chez mamie pendant les vacances ?  Se mettre à la place d'autrui, prendre de la distance par rapport à ses intérêts personnels et changer de perspective est un exercice très difficile pour les enfants, mais que certains commencent à comprendre et à mettre en pratique spontanément.

Un autre effet positif est apparu lors des attentats de New York, dont les enfants ont beaucoup entendu parler autour d'eux : pour certains, la perspective d'écrire, le mercredi, sur ce sujet leur a permis de le "mettre de côté" quand l'inquiétude envahissait trop le reste. 

Bien sûr certaines informations restent incomprises car trop complexes et tous les enfants du groupe ne participent pas à tous les sujets d'actualité. Mais le journal permet à tous de rendre compte par écrit au moins d'une activité qu'ils ont faite ou d'un événement qui s'est passé à l'I.M.E

Cette expérience, qui n'est possible que grâce à l'usage des pictogrammes Makaton puisque certains élèves n'ont pas accès à la lecture, permet de travailler la construction de phrases et la lecture de textes porteurs de sens, ce qui a certainement un effet dans l'organisation cognitive et donc une influence positive dans leur construction de phrases à l'oral. 

Nolwenn Lejeau

IME des Terres Noires

Le Makaton : un outil de communication pour des personnes handicapées 

Depuis quelque temps le principe d'intégration semble faire son chemin. Mais les applications pratiques se heurtent encore à bien des obstacles. Que ce soit pour intégrer un enfant trisomique dans une classe ordinaire ou proposer des heures de scolarisation à un jeune dans un IME, les professionnels manquent parfois d'outils efficaces. Le makaton pourrait être une des réponses. 

Le Makaton est un programme de langage qui offre un moyen de communication de base et favorise le développement de la parole pour des personnes souffrant de troubles sévères de la communication. Il a été conçu dans les années 70, par Mme Walker, logopède et professeur à l’hôpital Saint Georges de la faculté de médecine de Londres. Initialement il a été conçu pour aider une population adulte vivant dans un hôpital et souffrant à la fois du handicap de surdité et de troubles sévères des apprentissages. 

Cet outil de communication comprend un vocabulaire de 450 mots environ, sélectionnés avec soin, gradués en complexité en tenant compte des recherches et des observations linguistiques. Les premiers niveaux introduisent le vocabulaire nécessaire pour exprimer des idées de base, alors que des concepts plus complexes sont introduits aux niveaux ultérieurs.  Un vocabulaire complémentaire de 7000 mots environ, est associé au vocabulaire de base pour permettre à ceux qui ont davantage de possibilités, une communication plus large, et de meilleures compétences langagières.

Le programme Makaton a comme objectif premier de développer une communication de base mais peut également être très utile pour l’apprentissage de la lecture/écriture. 

Le Makaton est un outil de communication augmentée ; c’est une approche multi-modale de la communication. Il est généralement enseigné avec paroles, signes (gestes) et pictogrammes. 

Les signes, dans notre pays, sont dérivés de la LSF (Langue des Signes Française). Les mots-clés seulement sont signés, et ce dans l’ordre du langage parlé. L’information visuelle, et kinesthésique du signe permet à l’apprenant de mieux comprendre le message car sa mémoire est ainsi mieux activée. Progressivement, en fonction de leurs possibilités, certains enfants s’approprient les gestes, expriment leurs besoins, leurs désirs… L’expérience prouve que l’usage du signe stimule et encourage le développement de la parole. 

Les pictogrammes ont été adaptés au vocabulaire de base ; ils sont simples, faciles à reproduire à la main.

Ils offrent un moyen de communication augmentatif pour des personnes ayant un handicap physique qui les empêche de signer et de parler. Elles peuvent montrer les pictogrammes et ainsi se faire comprendre. Les pictogrammes se sont avérés également intéressants lorsqu’ils sont combinés avec parole et signes, pour installer des connaissances syntaxiques et développer des compétences de pré-lecture et de lecture.

Le programme Makaton a déjà été introduit dans de nombreux pays étrangers (Nouvelle-Zélande, Australie, États-Unis, Japon, Pakistan…). En France le premier stage de formation a eu lieu en 95 à Paris grâce à l’association AAD (Association Avenir Dysphasie). Depuis, quatre pôles se sont développés pour œuvrer à son implantation :   Paris, Grenoble,  La Roche sur Yon et récemment Bergerac.

Les enfants d'une classe de cycle 3 du groupe scolaire Louis Buton d'Aizenay s'associent à des enfants handicapés de l'association Communic'Actions pour créer un cédérom utilisant le vocabulaire Makaton. 

Pour la fête du livre jeunesse d'Aizenay 2001, l'association Communic'Actions a été retenue comme partenaire de l'école. Il s'agissait de faire connaître cette jeune association en lui proposant un stand sur l'espace de la fête du livre.  

Le partenariat a été bien au-delà de ce projet initial puisqu'il a abouti à la création en commun d'un cédérom. 

Pourquoi créer un cédérom ?  

Les cédéroms du marché qui correspondraient aux centres d'intérêt des enfants handicapés sont souvent  trop complexes pour eux (masse trop importante d’informations et navigation complexe). Quant aux  cédéroms qui leur sont accessibles, leur contenu est infantilisant.

C'est en consultant un cédérom de type dictionnaire, que l'idée   d'en créer un, permettant aux enfants de Communic'Actions de l'utiliser de façon autonome, est venue à Liliane Bouvron, membre de l'association. Deux enseignants d'Aizenay, Guy Batiot du CE2/CM1 et Noëlle Ducasse du CP ont accepté d'y travailler avec leur classe. Quant à moi, enseignante spécialisée au sein du réseau d'aides, j'ai servi de liens entre les différents partenaires et veillé au bon déroulement du projet. 

Liliane Bouvron est donc venue présenter le projet aux élèves d'Aizenay.

Quand elle leur a parlé des enfants de l’association Communic’Actions, elle a souligné leurs difficultés de communication nécessitant l'utilisation du Makaton. 

Les enfants d’Aizenay ont montré un vif intérêt pour découvrir ce langage et  les enfants qui le pratiquaient. Ils ont proposé de les rencontrer et bien sûr ont souhaité réaliser le cédérom. 

Ce cédérom utilisant le langage Makaton et donc accessible aux enfants déficients fréquentant l'association Communic'Actions, pourra être proposé à d’autres enfants, par exemple à des enfants trisomiques actuellement à l’école maternelle. 

Des rencontres et des échanges très enrichissants pour les 2 groupes d'enfants ont ponctué l'année scolaire 2000/2001.

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Activités 

Les enfants ont travaillé tout au long de l'année à ce projet 

-Ateliers de réflexion sur la conception du cédérom  

-Tenue d'un classeur de suivi du projet : le courrier, les réalisations de la classe … 

-Les CM ont sélectionné les mots des 2 premiers niveaux du vocabulaire Makaton et construit des phrases pour les définir de façon adaptée aux enfants concernés. 

-Utilisation du logiciel Néobook pour écrire, et enregistrer oralement les mots et les phrases. 

-Les élèves de la classe de CP ont fait les dessins des mots pour lesquels les enfants de CM ont  établi des fiches. 

-Les enfant de Communic'Actions ont fait les photos illustrant les mots.

Plusieurs rencontres ont eu lieu : 

-Accueil 2 fois dans l'année des enfants de Communic’Actions dans les ateliers décloisonnés de l’école. Chacun était parrainé par 1 ou 2 enfants de l’école dans les ateliers informatique, terre, journal, pâte à sel, peinture. L’association Communic’action a proposé en échange de mener les ateliers Makaton signé et « histoires cousues mains ». (à noter que les ateliers du vendredi   se sont déroulés de façon parfaitement satisfaisante pour tous les participants) 

-Accueil fin mars des enfants de Communic’Actions sur l’espace de la Fête du livre jeunesse d'Aizenay. L’association était invitée à tenir un stand pour présenter ses actions, ses productions en langage Makaton. Lors de cette rencontre un groupe d’enfants d’Aizenay a pu travailler avec Liliane Bouvron.  

Ils se sont familiarisés avec le logiciel Néobook (logiciel qui   permet la création du cédérom).  

-Atelier "histoires cousues mains", à noter, l’intérêt particulier porté par des enfants d’Aizenay, eux-mêmes en difficultés avec l’écrit et l’oral ; ils ont découvert et fait l’apprentissage réussi et efficace d’une nouvelle forme de communication.

En permettant aux enfants de l’école de communiquer  avec des enfants différents, ce type de projet développe un esprit de tolérance ; il participe a une éducation civique concrète.
 

Que pensent les enfants de cette rencontre ?

Les enfants d'Aizenay :

"Quand on les regarde, on ne voit pas que les enfants ont des problèmes, on le voit seulement quand ils font des choses et c'est dur quand on ne comprend pas ce qu'ils veulent nous dire".

"J'étais contente parce qu'on pouvait les aider en leur permettant de faire les mêmes choses que nous".

"Je voudrais connaître tous les signes pour comprendre les enfants de Communic'Actions". 

Les enfants de Communic'Actions

Ils ont exprimé leur contentement d'être allés dans une école, d'avoir participé aux ateliers, d'avoir réalisé des objets…

Un exemple d'activité :
l'Atelier "histoires cousues mains" 

Les « histoires cousues mains » : il s’agit d’une animation présentée chaque année par des élèves pendant la fête du livre d’Aizenay. 

 - choix de l'histoire en fonction du thème retenu pour la Fête du Livre  

- fabrication des éléments permettant la mise en scène 

- mémorisation du texte 

- recherche de la meilleure mise en scène 

- et présentation aux visiteurs de la fête du livre 

Cette année, un groupe d’enfants de Communic’Actions s’est associé à un groupe de la classe des CM d’Aizenay pour présenter une histoire en la doublant en langage Makaton.

Les enfants de Communic'Actions ont été familiarisés, dès le début de l'année scolaire, aux histoires "matérialisées" par des découpages en particulier, et  ont appris à déplacer les éléments suivant le déroulement de l'histoire. Ils ont également appris à le "signer". 

Les adultes ont réécrit le livre en Makaton". 

Dans le cadre de l'atelier "histoires cousues mains" les enfants de Communic'Actions ont  appris au groupe d'élèves d'Aizenay concernés par cet atelier, à "signer" les premières phrases de l'histoire. 

Lucette Lejeau

Groupe départemental de Vendée

Communic'Actions

L'association vendéenne Communic'Actions a pour but de venir en aide aux enfants présentant des troubles du langage entravant la communication et les apprentissages. Elle réunit des familles, des professionnels et des sympathisants pour proposer des activités culturelles, de loisirs ou sportives aux enfants déficients. Ce type d'activité ne leur est pas accessible au sein des structures ordinaires.

Le temps libre peut constituer un temps de valorisation de l’enfant qui renforce la confiance en soi et facilite l’insertion sociale. C’est aussi un temps qui peut favoriser l’apprentissage de l’autonomie et de la citoyenneté.

Il est à souligner  que   les enfants concernés  bénéficient dans un cadre actuellement restreint (la famille et quelques actions ponctuelles dans la structure qui les accueille) de l’aide d’un programme de langage : le Makaton.

Pour qu’un tel programme ait sa pleine efficience et pertinence, il est nécessaire qu’il soit utilisé dans un bain continuel. Il est donc important que ces enfants puissent avoir des moments de rencontre au cours desquels ils pourront échanger, communiquer et s’exprimer entre eux et avec d'autres afin de les aider à sortir de leur isolement….

France-Roumanie, Aller-retour

Avril 2002

 

Des enseignantes roumaines en stage dans des classes Freinet, un stage de formation organisé en Roumanie et une colonie « Freinet » de 120 jeunes à laquelle participe des enseignants français de l’ICEM. Regards croisés sur cette action de coopération internationale.

 

 

Stagiaires en France 

 

Pour la deuxième année consécutive, dans le cadre d'un accord ICEM-ARSM (Mouvement de l’Ecole Moderne roumain) et ministère des affaires étrangères, des

stagiaires roumains ont été reçus dans des classes de Vendée, d’Ille et Vilaine et de Seine-Maritime pendant deux semaines, l’occasion pour elles de découvrir la pédagogie Freinet auprès d’enfants qui la vivent au quotidien. 

Sinziana et Codruta ont ainsi été accueillies à l’école Célestin Freinet d’Hattenville (76), elles ont passé la plus grande partie du stage sur la classe du CM1, CM2, mais elles sont aussi allées dans la classe de CE2 et la grande section maternelle. Elles sont allées visiter la classe de Christine Saindon à Cliponville. Elles ont eu des discussions pédagogiques avec l’équipe d’Hattenville et l’enseignante de Cliponville ainsi qu’avec Jean-Pierre et Josiane Têtu qui les ont accueillies, autour des principaux axes de travail et des moments de classes observés : organisation de l’école  (décloisonnements, réunions de coopérative, réunions d’équipe des enseignants, conseil des maîtres, rôle des parents dans l’école), et observation dans les classes (travail individualisé, autonomie de l’enfant, gestion de son travail, outils de gestion de l’enfant et de l’enseignant, pratiques d’évaluation, lieux de parole : entretien, exposé, réunion de coopérative).

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Sinziana et Codruta ont proposé en retour des ateliers de roumain quotidien (apprentissages des formules de politesse, des mots utiles à la correspondance, numération, dates, chants…) d’aide à la lecture des lettres en Roumain que Sinziana avait apportées, aide à l’élaboration d’un exposé sur la Roumanie qui sera mis en ligne sur le site Internet de l’école.  Elles ont bien sûr participé à toutes les activités de la classe. 

Leur séjour a été aussi l’occasion de découvrir la région, le patrimoine cauchois (habitat, paysage, cuisine) ; de rencontrer des élus locaux, l’I.E.N. des agriculteurs et des enseignants.      

Ce stage a été très enrichissant pour les adultes et pour les enfants. La correspondance entre la classe de Sinziana et celle de Denise Fouquer en sort renforcée. Codruta va mettre en place  une  correspondance avec la classe de Chrisitine Saindon, (elles auront toutes deux un C.P. ).  Le choix de rester 15 jours sur la même école permet d’avoir le temps de voir le fonctionnement pédagogique et institutionnel de l’école

.

Il serait intéressant de poursuivre les échanges, (avec les mêmes stagiaires) de les développer (avec d’autres stagiaires), de choisir ensemble des axes de travail prioritaires, de définir un réseau de classes d’observation où les collègues roumaines se rendraient pour observer plus précisément, l’axe défini (lieux de parole, travail individualisé, fonctionnement coopératif…). 

L’école de vacances internationale

de Poieni Strambu 

Du 10 au 20 juillet 2001, dans le département de Timisoara, 120 enfants et 33 adultes dont 2 formateurs français représentants de l’I.C.E.M. ont participé à une « école de vacances » organisée par le Palais des enfants de Timisoara et A.R.S.M. de Timisoara, financée par le Ministère de l’éducation et de la recherche de Roumanie.

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Objectifs de l’école de vacances 

-Familiarisation des enfants avec les principes fondamentaux de la Pédagogie Freinet.

-Utilisation des techniques Freinet dans le cadre d’ateliers (textes libres, expression, création..).

-Education civique, mise en place d’instances de régulation (Réunions de coopérative, bilan quotidien..).

-Promotion de la langue française.            

Modalités de fonctionnement 

Les organisateurs avaient préparé une grille de programmation d’ateliers pour le matin et l’après-midi. Les colons étaient divisés par niveaux d’âges et affinités sous la responsabilité d’un animateur. Chaque groupe devait participer à tous les ateliers sur le temps du séjour (ateliers du matin : texte libre , jeux logiques, expression plastique, éducation à la santé, enquête documentaire, découverte du milieu, expression corporelle ; ateliers de l’après-midi : parlons français, expression dramatique, modelage, création manuelle et technique, expression musicale, nous et les autres, découverte du milieu).

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Parallèlement au déroulement des ateliers quotidiens, deux ateliers permanents fonctionnaient : radio/TV  et journal. Des temps spécifiques prévus dans la grille étaient consacrés aux activités sportives. 

La vie collective et les règles de vie 

Pour que le groupe fonctionne, différents conseils et institutions ont été mis en place :

-conseils exceptionnels pour les journées à thèmes ( 14 juillet, carnaval, feu de camp) ;

-panneaux : (Je critique, Je propose , Je félicite), lus, discutés et pris en compte au conseil des adultes auquel participaient tous les adultes de la colonie et les représentants des enfants ;

-conseil de cantine quotidien : avec un enfant de chaque groupe, la directrice de la colonie, les cuisinières et l’administrateur ;

-conseil de groupe où les enfants choisissent la délégation pour le conseil de la colonie ;

-conseil de la colonie avec tous les adultes et la délégation d’enfants.

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Les règles de vie de la colonie ont été élaborées dans les groupes, présentées par le responsable enfant du groupe au conseil de la colonie. Un groupe d’adultes et d’enfants a rédigé les règles et les a affichées dès le premier jour de la colonie. 

Les moments collectifs quotidiens 

-le matin aérobic

-repas en deux services avec un groupe responsable du service(mise de la table, service, nettoyage)

-19 heures : présentation des travaux des ateliers et rapport de la patrouille écologique

-20 h 30 : émission de radio présentée par l’atelier permanent, suivi de l’activité discothèque encadrée par un groupe d’adultes

Evaluation 

 Les objectifs fixés semblent atteints. Le bon fonctionnement et l’excellente ambiance de travail et de vacances ont fait oublier les problèmes dus à l’état déplorable des locaux, aux problèmes de l’eau (débit insuffisant, pas d’eau chaude) et de l’électricité. La présence de deux formateurs français de l’ICEM a permis des mises au point théoriques : texte libre, méthode naturelle de lecture-écriture, créations mathématiques.

Les bilans adultes et enfants montrent la satisfaction générale. La colonie  a été un lieu de travail et de formation pour tous adultes et enfants. Les institutions mises en place ont permis un fonctionnement démocratique de cette école de vacances. Ces pratiques démocratiques vécues par les enfants lors de cette école de vacances pourraient s’appliquer dans les classes. 

Denise Lelouard Fouquer (ICEM-Hattenville)

Mariana Bandea (ARSM)

Jean-Pierre Geslin (ICEM-Aizenay)

Eunika Laszlo (ARSM)

Eunika, en stage à Aizenay

Groupe Scolaire Louis Buton-85 

J'ai vécu une des expériences les plus extraordinaires de ma vie d'enseignante au côté de collègues dont l'expérience dans la pédagogie Freinet est plus que bénéfique. Ils ont eu l'amabilité de partager avec moi leur expérience de vie et leur expérience professionnelle, ainsi j'ai réussi à comprendre ce que c'est la pédagogie Freinet pour l'enseigné et pour l'enseignant en même temps. J'ai compris que la mentalité de l'enseignant et son attitude envers l'enseigné, constituent le premier pas vers la pédagogie Freinet. 

Après avoir organisé l'espace scolaire en vrai lieu de vie, le rôle de l'enseignant reste celui de fin observateur des choses et d'arbitre correct et impartial. Tout cela devient possible si toute activité est bien conçue, en temps et conditions et si chaque élève connaît bien ce qu'il doit et peut faire. Ici, le Plan de travail est la colonne vertébrale de toute activité qui se veut une réussite (tant dans le travail individuel que dans le travail collectif).  

J'ai apprécié l'évaluation permanente et l’auto-correction qui prouve la confiance des élèves dans leurs propres forces, ce qui les encourage dans leurs efforts de continuer l'étude et d'aider les autres à avoir confiance en l'enseignant et dans la responsabilité de leur propre travail, mais aussi l'implication des parents, de chaque enfant, de l'enseignant et de ses collègues, la responsabilité de chacun pour chacun, et pour soi-même par les moyens d'expression les plus naturels, tels que : sourires, pleurs, remarques favorables, défavorables, décisions, etc.

 

Ce que j'ai bien retenu, c'était le droit de l'enfant de  communiquer et de s'exprimer par ses propres moyens. c'était un emploi du temps conçu pour 2 semaines ce qui donne la possibilité à l'enseignant de le renouveler en fonction des besoins des enfants. Quoi de mieux qu'un programme réglé sur les besoins des bénéficiaires ? Et cela est valable pour  toute activité, débat, article dans le journal de l'école ou toute autre tâche scolaire. 

Ce qui m'a vraiment frappé pendant tout le stage c'était le rôle qu'on donne à l'enfant dans la bonne marche de l'enseignement dans les classes Freinet. Tout d'abord le conseil de classe dirigé par les élèves et pour les élèves qu'ils représentent. C'est dans ce conseil que les élèves se sont totalement impliqués par leurs : "je critique, j'apprécie et je propose". La responsabilité est partagée et cela fait que chacun du groupe se sent responsable pour lui et pour les autres.  

J'ai bien remarqué ce que la correspondance scolaire avait pu apporter à l'amélioration de la communication avec d'autres cultures du monde.  

La Fête du livre m'a paru tout à fait extraordinaire. Donner aux enfants la possibilité de se présenter par leurs propres créations (individuelles ou/et en équipe), c'est merveilleux et encourageant. Puis, la collaboration des parents qui soutiennent le travail des enseignants n'est pas du tout négligeable, au contraire.  

Quant à l'implication des enfants dans la vie sociale cela m'a bien marqué, puisqu'on sait que ce n'est pas du tout facile d'aborder les maires et les municipalités n'importe quand. Ce que j'ai vu à Aizenay (la rencontre à la Mairie avec le Maire) c'était bien une leçon d'éducation civique. 

Tout  a été incitant, agréable et efficace ! C'est pourquoi j'ai décidé de tout mettre en oeuvre à l'école N° 2 de Reghin, dans ma classe et surtout de parler à tous mes collègues de la pédagogie Freinet et leur faire connaître mon expérience. J'ai ainsi animé un atelier d'organisation de la classe Freinet au stage de Reghin, j'ai mis en place le projet d'un journal scolaire pour la Fête de l'école et j'essaie de mettre en place un Plan de travail où l'enfant ait le rôle central dans toute activité scolaire et  la correspondance scolaire

Eunika Laszlo

 

Voyage en Roumanie 

Pour Jean-Pierre, l’aventure commence lors de l’accueil de collègues roumains à Aizenay, quand un parent d’élève offre un photocopieur qu’il s’agit de convoyer en Roumanie. En juillet, il prend la route avec la ferme intention de participer à l’école de vacances de Poienei. 

« Deux certitudes en partant : la Roumanie c'est au bout de l'autoroute et des gens m'attendent, Marlanna, Bibi, Denise... Après un périple de 48 heures, me voilà à la frontière roumaine avec le fameux Xerox à faire « avaler » aux douaniers, fort du certificat de don et celui d'acceptation de don (en français d'où les problème). Tout est bien qui finit bien, grâce au copain de Bibi et à quelques papiers fournis par Marlanna. Nous partons pour les Carpates.  

L’école d’été  

Une impression de Front Populaire, les premiers congés payés, les premiers instits ou les premiers curés qui ont emmené les mômes en vacances en France dans les années 50. Une impression de savant bricolage (centrale électrique sur le torrent, aménagement simple des chambres) et tout ça à la bonne franquette car tout le monde a fait le maximum pour que matériellement tout soit parfait. 

La vie en collectivité : 

-Un conseil avait lieu chaque jour dans chacun des 7 groupes d'enfants avec l'animateur (trice)

- Les travaux des ateliers étaient présentés chaque soir à tout le monde avec explications et commentaires des enfants et des ados (8 à 18 ans)

-Un panneau « je critique, je propose, j'ai bien aimé » était affiché dans un lieu accessible à tous les enfants

- Un conseil d'adultes avait lieu chaque soir dans le réfectoire. Au cours de ce conseil du soir, nous avons contribué avec Denise à ce que le panneau soit pris en compte en conseil, que des délégués des groupes d'enfants participent au début du conseil et puissent prendre la parole et qu'un ordre du jour soit établi pour cerner les questions du jour à aborder afin que les débats finissent à un moment ou à un autre.

Le contenu des activités ou ateliers : 

Le principe était de proposer chaque matin et chaque après-midi des ateliers aux 7 groupes de jeunes, selon un roulement qui proposait (imposait ?) à tous de participer à chaque atelier, souvent à dominante d'expression, originaux, insolites, inventifs, parfois conventionnels. Un grand souvenir des ateliers d'arts plastiques, ainsi que de l'atelier d'éducation sexuelle, seule tribune ouverte pour que des ados s'informent et, parlent un peu de tout ça.. 

Quelques réflexions partagées avec des collègues sur les ateliers nous ont conduits à penser que la notion de projet permettrait de mener des activités à plus long terme, et que la notion de choix des ateliers pourrait apporter une plus grande motivation surtout chez les ados. 

Nos interventions, en tant qu'apport théorique 

Denise est intervenue auprès des enfants et des adultes sur le texte libre, auprès des adultes sur une approche « naturelle » de la lecture, j'ai parlé un peu de textes libres mathématiques que l'on pratique avec d'autres collègues à l'école.  On s'est bien gardé d'utiliser le mot méthode, et nous avons juste contribué à ouvrir le débat, sans perdre de vue que c'est la solution roumaine qui émergera. J'ai également mené un atelier de théâtre-burlesque, donc non verbal. 

Pour finir 

Une pensée particulière pour le 14 juillet très... « Vive la France » et pour l'Aérobic : coutume barbare qui consiste à réveiller sauvagement et à 7 h 30 du matin le français de base qui n'a pas fini de distiller la «suica» de la veille, pour s'adonner à de pénibles travaux de remise en forme para-abdominale.. Mais pour l'essentiel, les souvenirs sont magnifiques, en ciel étoilé, en chants qui réchauffent le cœur dans une tendre amitié. 

Merci pour tout et un conseil aux amis français : Allez-y » 

Jean-Pierre Geslin, Aizenay quelque part à l'autre bout sur la carte de l'Europe

Freinet et les techniques de vie de nos jours

Avril 2002


 

Freinet et les techniques de Vie

 de nos jours

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On parle généralement des “techniques Freinet” ou de la “pédagogie Freinet”. On veut insister par-là sur le fait qu’il fut un praticien et non un simple discoureur sur ce que les autres devaient faire, un théoricien normatif. Mais on escamote ainsi la nature scientifique de son travail et de ses méthodes, expérimentales et non empiriques. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a utilisé, non pas le mot « pratiques », mais le terme de « techniques », applications de “lois” scientifiques. Ce même terme qu’il a repris dans l’expression “technique de vie”, qui lui est spécifique, et qui caractérise son apport à l’éducation.

Techniques de vie,

finalités de l’éducation

 

C’est dans son livre “Essai de psychologie sensible” que Freinet développe son analyse des finalités de l’éducation. Il les relie au tâtonnement expérimental, leur processus d’élaboration. Depuis, divers travaux ont précisé ces notions. On peut résumer toutes ces observations initiées par Freinet en quelques phrases. 

Pour Freinet la vie des humains se manifeste par la recherche de pouvoirs permettant de travailler l’environnement pour l’adapter à leurs besoins et désirs, individuels et collectifs. Cela se fait spontanément par des expériences tâtonnées, qui peuvent mener à des impasses ou à des habitudes malsaines ou dangereuses, qu’il nomme techniques de vie ersatz.  La fonction des éducateurs est d’aider, de favoriser certaines expériences et, surtout, leur transformation en “techniques de vie” libératrices. 

La finalité de l’éducation c’est la culture de certaines techniques de vie. Celle-ci se réalise à l’occasion d’activités diverses, à condition qu’elles soient traitées, comme leurs résultats, de façon “expérimentale”. Cela suppose que les éducateurs s’efforcent de créer des situations susceptibles de favoriser des formes d’activités propres à cette culture. Ce qu’on peut essayer de préciser  

 

Pourquoi « techniques » ?

Pourquoi « de vie » ? 

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Pourquoi Freinet a-t-il choisi ces termes et que représentent-ils exactement ? Un de ses textes traite d’aller à bicyclette : il aurait pu utiliser savoir-faire, ou compétence, ou “brevet” qu’il emploie par ailleurs ! Mais tous ces termes expriment une potentialité, qui ne se manifeste que par décision volontaire. La technique de vie, elle, est une habitude lucide dans la façon de faire face à un besoin vital, dans la façon de résoudre un problème que la vie pose souvent, une conduite en quelque sorte automatique dans certaines circonstances. Certes, cela inclut des compétences, mais dans une conduite, non dans un travail, dans une production, comme les compétences professionnelles. Et, par définition, l’éducation c’est l’art d’apprendre à se conduire, et de le vivre. 

Freinet observe qu’on acquiert ces techniques très jeune (en fait, dès qu’on a des désirs ou des besoins à satisfaire) et qu’elles se cultivent, se renforcent, s’affinent, tout au long de la vie, par un usage répété, par “expérience”. Pour la vie, au double sens de finalité et de durée, et par la vie, au sens d’expérience, « expérientielle ». 

Mais celle-ci intervient aussi comme méthode, expérimentale. On retrouve là l’option scientifique de Freinet, cherchant des lois et non de nouvelles normes (qu’il taxe de fausse science). Pour lui, la pratique est en même temps une “technique”, application des acquis scientifiques antérieurs (qui fournissent des hypothèses) et le fondement de la science, par l’intégration des résultats de l’ “épreuve” que représente toute pratique, par leur traitement expérimental. 

Techniques de vie,

apprentissages,

activités éducatives 

C’est en forgeant qu’on devient forgeron, dit-on. C’est en conduisant des activités qu’on apprend à en conduire. Les résultats d’une activité sont nombreux, la culture de techniques de vie n’en est que l’un parmi d’autres. Cela demande éclaircissement. 

Prenons un exemple : des élèves préparent un voyage chez des correspondants; Quels sont les effets, les résultats possibles ? “Objectivement”, l'événement, le “fait” généralement considéré sera la réalité, la réalisation du voyage, ou non. Mais, pour chaque élève, qu’en résultera-t-il ? S’il a effectivement participé à la préparation, il aura acquis ou affiné diverses compétences ; par exemple, consulter un tableau d’horaires de trains, équilibrer un budget, préparer un dossier sur sa commune pour les correspondants, etc.  

Il aura été aussi marqué affectivement, ce qui colorera ses souvenirs et son expérience, donc ses apprentissages. 

 Et, si les éducateurs l’aident à élucider ce qui se fait et ce qu’il ressent, il aura cultivé plusieurs techniques de vie, transposables dans d’autres activités. Comment s’y prend-on pour organiser et réaliser un voyage, autrement qu’en payant pour être pris en charge, en consommateur impotent ? Comment gérer un budget, son temps, ou ses relations avec ses condisciples, ses correspondants, ses éducateurs, avec les différents services contactés ? Comment faire une enquête, vérifier des affirmations ? Comment choisir entre plusieurs possibilités d’actions, de plaisirs, de coûts, etc. ? Et on peut enrichir cette ébauche de liste. 

En constatant qu’après une épreuve élucidée on est amené à reconstruire ses représentations, ses “préjugés”, ses modèles de causalité et parfois sa vision du monde, ses jugements et ses perspectives. Par exemple, ses projets d’activités futures ou ses “vocations” professionnelles ou sociales. Et que le voyage lui-même n’est qu’un épisode, un prétexte, un support de culture générale. Ce qui compte c’est l’“expérience” acquise.  

A condition qu’on ait traité cette “expérience” particulière, verbalisé ses émotions, critiqué ses jugements, délimité la portée des slogans qu’on est amené à utiliser, bref qu’on soit passé de l’empirique à l’expérimental, à travers des tâtonnements opérationnels aussi bien qu’intellectuels. Sinon, on tombe vite dans l’activisme routinier, qui est aussi une technique de vie, mais “ersatz.”

Comment définir

les finalités de l’éducation ?

Généralement, on s’en remet, pour ce faire, à la tradition, ou à une religion, ou à des “normes” décrétées par les “autorités” du moment. Il n’est pas possible, en la matière, de solliciter la “science”. Freinet se réfère au “bon sens”, exprimé par des anciens  (“les dits de Mathieu”). En prônant une culture “populaire” et non ce qui ne conviendrait qu’à des aristocrates, ou aux dominants du moment.

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 De nos jours, il est nécessaire de revoir la liste des techniques de vie correspondant aux besoins d’aujourd’hui. Comme il est difficile d’élire un sage parmi les plus vieux, on peut aménager la méthode de Freinet. En demandant, par exemple, à de nouveaux retraités, ce dont ils sont fiers et ce qu’ils regrettent. Pour définir ce qui, à une échéance irrémédiable, permettrait d’être sans regret, sans remords, sans ressentiment, et, éventuellement, satisfait de ce qu’on a fait. On constate alors que le “peuple” est beaucoup plus homogène maintenant qu’il y a un demi-siècle. 

Ce qui ne dispense pas d’établir cette liste pour savoir de quoi l’on parle. En particulier lorsqu’on traite des techniques “pédagogiques”. En effet, celles-ci n’ont de valeur que si elles « surprobabilisent » la culture des techniques de vie choisies ;  sinon leur choix ne peut être qu’arbitraire, si ce n’est sectaire. 

Complexité des conduites 

Freinet, déjà, insiste sur la complexité de la vie et de la façon de la vivre. Depuis, la “modélisation” de la complexité a connu d’importants développements. Par définition, toute réalité concrète, singulière, imbrique, “tisse”, une multitude de composants, de dynamiques, dont chacun et chacune ne sont que des cas particuliers de phénomènes généraux. Il en est de même avec les techniques de vie. 

Pour reprendre le même exemple, dans sa façon de préparer un voyage, chacun d’entre nous met en jeu sa façon de se documenter, de traiter avec les autres, de choisir ses préférences, de bâtir son projet, de piloter sa mise en oeuvre, etc. On a constaté que dans un groupe de 28 candidats au CAPES de physique on trouvait 27 façons de résoudre un problème de physique ! 

Cela explique que les anciens élèves de Freinet étaient très différents les uns des autres, même s’ils utilisaient des techniques de vie semblables. Ce qui illustre l’absurdité des normes en éducation ! Ou de la notion d’élève-type ou moyen ! Mais la valeur des règles... comme les élaborent, par exemple, les conseils d’élèves, pour vivre en groupe... ou en classe. 

En effet, ces techniques de vie s’acquièrent à travers chaque activité, et en particulier celles qui se déroulent en classe. La fonction des éducateurs est donc de créer les conditions nécessaires pour que puissent se réaliser des activités “éducatives”, susceptibles d’être utilisées pour cultiver des techniques de vie adaptées à la maturité des élèves, de s’intégrer à leur propre processus de développement.

Techniques de vie

et techniques pédagogiques

Les “techniques Freinet” ont été conçues pour cultiver les techniques de vie privilégiées par Freinet... mais dans le cadre des classes de Freinet. En effet, une technique pédagogique participe d’un ensemble, et c’est celui-ci, cette situation éducative, qui produit des effets, qui cultive plusieurs techniques de vie, mais qui, aussi, a d’autres effets qu’on ne peut pas négliger. Ainsi, le texte libre serait dangereux dans un système policier. Et j’ai connu des enseignants qui utilisaient les confidences des élèves pour se moquer d’eux… et suscitaient des haines tenaces, et des habitudes de dissimulation !

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 En fait, comme pour les gènes, une technique pédagogique ne cultive pas une technique de vie, mais plusieurs techniques pédagogiques se combinent pour créer une situation éducative qui, elle, engendre plusieurs effets, dont un ensemble de techniques de vie. 

Il n’y a pas de science édictant les finalités. Mais, pour les situations éducatives, les sciences de l’éducation peuvent préciser les causalités, et cerner les techniques de vie qu’elles contribuent à cultiver ; à la nuance près qu’en la matière, il n’est jamais possible de disposer d’informations sur tous les facteurs interagissant, et qu’en conséquence, on ne peut pas parler d’effets assurés, mais seulement de probabilités. L’éducateur ne peut que « surprobabiliser » un effet, et donc la culture de telles ou telles TV, par la façon dont il intervient dans une situation éducative. 

Freinet avait déjà cerné de nombreuses lois de l’éducation. Depuis, des progrès importants ont été faits, en dynamique de groupe comme en sciences cognitives, par exemple. Les recherches-actions en psychothérapie ont précisé les situations qui favorisent des Techniques de Vie pathologiques, avec l’importance des facteurs affectifs comme celle des formulations, des mises en mots ou en slogans. 

On peut définir maintenant les situations qui cultivent telle Technique de Vie, en remarquant que “plusieurs chemins mènent à Rome” ! Encore faut-il savoir quelles Techniques de Vie on veut contribuer à cultiver ! Il est difficile d’établir un itinéraire sans savoir où l’on veut aller !  

Projet éducatif et intervention 

La priorité est donc de préciser le projet éducatif, l’ensemble des techniques de vie qui nous paraissent possibles et souhaitables, mais aussi celles qui sont possibles mais à éviter (ersatz). Et ce pour un peuple regroupant tous ceux qui ne sont pas “aliénants” (ou exploitants) et qui se veulent non aliénés (exploités ou parasites).  

En considérant que la première Technique de Vie pour les “s’éduquants” comme pour les éducateurs est d’apprendre à se conduire d’une façon “expérimentale” ! Sinon on se contente d’imiter des modèles qu’on reproduit, ou on se reproduit soi-même par la routine. Et on constate vite que pour développer cette attitude expérimentale la seconde Technique de Vie est la coopération.  

En effet, la moindre expérience montre qu’on n’est jamais seul à intervenir dans une situation quelle qu’elle soit, même si les autres intervenants ne sont pas “visibles”. Tout est encadré par des institutions et leurs représentants : un enfant apprend vite qu’il ne peut pas se passer de ses parents et qu’il ne peut faire de son initiative que ce qu’ils tolèrent.  

En éducation, un éducateur doit composer avec une multitude d’autres (Alain qui voulait fermer l’école commençait par y introduire tous les cadres républicains !) Comme on ne peut pas régenter tous les autres intervenants, on ne peut que les considérer comme des “auteurs” et intervenir sur une situation qu’ils travaillent déjà, pour la modifier dans le sens de son projet. On n’est pas “créateur” mais “entrepreneur”. On ne décrète pas on co-opère. 

L’éducation  est inévitablement coopérative 

Une technique éducative est donc d’abord une intervention sur une situation déjà existante avec ses dynamismes, dont nous pouvons infléchir le cours et les résultats par nos apports. Pour être efficaces il est utile que nous distinguions les autres intervenants pour éventuellement coordonner nos actions avec les leurs, afin de passer d’une coopération de fait à une coopération volontaire et consciente. 

Comme les “s’éduquants” auront à agir dans des contextes coopératifs, la seconde Technique de Vie est la coopération qui s’imbrique avec l’attitude expérimentale. 

Et comme tout cela est presque impossible à vivre solitairement, de façon individualiste, il sera préférable de coopérer avec d’autres éducateurs au sein d’une coopérative de pairs, pour verbaliser, se réassurer, échanger, élaborer des techniques éducatives et les outils, surtout intellectuels, qui leur correspondent, et assimiler l’apport d’experts.. 

En profitant des réussites et erreurs de chacun, sans avoir à “essuyer tous les plâtres” et en évitant ainsi le stress et les abandons et désespérances des pionniers solitaires ou sectaires. 

Pour un groupe coopératif de travail sur les techniques de vie 

Etre éducateur revient donc à cultiver des conduites sélectionnées, et, pour ce faire, à maîtriser des outils d’analyse de situations « expérientielles », et des techniques d’intervention pour les transformer en situations éducatives; cela pendant toute la durée de nos interventions et de l’évolution des situations.  

En commençant, coopérativement, par définir les Techniques de Vie souhaitables de nos jours, puis en précisant comment on peut piloter leur culture, à travers des techniques éducatives scientifiquement validées et personnellement éprouvées. 

De quoi justifier un groupe de travail commençant par définir les Techniques de Vie souhaitables et recensant les apports des sciences de l’éducation pour réussir à les cultiver.

Jean  Roucaute,décembre 2001

Mel : jean.roucaute[arobase]free.fr

L'école de la république n'appartient pas aux "républicains"

Avril 2002

 

Le discours « républicaniste » sur l’école a le vent en poupe. Il se présente comme la planche de salut pour un système éducatif qui serait en pleine déliquescence avec des enfants violents, des parents absents, des enseignants démunis. Avec un opportunisme certain, il récupère le discours sécuritaire qui procède de la même logique réactionnaire. Comme par magie, le rétablissement de l’instruction civique suffirait à restaurer l’Autorité de l’école et des principales institutions.

 Profitant de vents porteurs dans une société déboussolée, il tente de pousser son avantage en jetant le discrédit sur ceux qu’il surnomme ironiquement les «pédagogos», voire les «pédagogols». Ces derniers, empêtrés dans leurs manies procédurales, seraient parmi les principaux acteurs de cette dégénérescence. Il conviendrait donc d’expulser « la pédagogie du vide » (1) qui néglige les contenus au profit de la méthode. Pire, les «pédagogos» seraient accusés d’entretenir dans l’inculture et l’anomie des «hordes de sauvageons» en puissance. Ils seraient même responsables de l’entrée des valeurs libérales dans l’école. Rappelons déjà  que les chantres de la Tradition tant regrettée n'ont jamais cessé d'être majoritaires dans les écoles.

 

Les apprentissages impartis à l’école relèveraient donc d’une dichotomie caricaturale et chaque enseignant serait sommé de choisir son camp (mémoire ou réflexion, cognitif contre ou affectif, savoirs fondamentaux  ou savoirs sociaux).

 

Si notre sympathie va assurément   aux pédagogues qui, eux au moins, ont le souci de l’enfant réel, nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans ce débat réducteur. Car, pédagogues et républicains, voyant en l’école son propre recours, « en viennent à oublier l’essentiel : les inégalités sociales. » (2)

 

Praticiens et militants de la pédagogie Freinet, résolument hostiles aux nostalgiques de l’école dualiste de la 3ème république, nous ne nous sommes jamais bercés d’illusions pédagogiques. Comme jadis Célestin Freinet, nous ne comprenons toujours pas que des collègues « fassent de la pédagogie nouvelle, sans se soucier des parties décisives qui se jouent à la porte de l’école mais nous ne comprenons pas davantage les éducateurs qui se passionnent activement pour l’action militante et restent dans leur classe de paisibles conservateurs. » (3) En l’occurrence, les paisibles conservateurs d’hier sont devenus bien vindicatifs !

 

Nous ne pouvons nous satisfaire des inégalités criantes engendrées par notre société libérale et nous inscrivons notre démarche militante dans un mouvement social plus large qui vise le changement.

 

Un souci de la réussite de tous, et pas seulement celle des enfants qui sont proches de la culture de l’Ecole,   doit s’appuyer aujourd’hui, plus encore qu’hier, sur la culture première et la vie des enfants. Alors, avec eux, pas à pas, dans une atmosphère coopérative qui laisse toute leur place à l’expression, à la communication et au tâtonnement expérimental, se construisent des passerelles vers d’autres cultures, vers la Culture. Cela demande de l’exigence mais aussi un sens de l’écoute et de l’accompagnement pédagogique. L’acquisition des connaissances est d’autant plus efficace et dynamique qu’elle prend corps dans des groupes vivants et qu’elle a un sens pour les enfants. A ce compte, celles-ci vont bien souvent bien au-delà des programmes sur lesquels se crispent les tenants de la tradition.

 

Aussi, forts de pratiques qui continuent de faire leurs preuves au quotidien, nous pouvons lancer à ces Messieurs les « Républicains » :

 

«Descendez de votre estrade, de votre chaire, venez dans nos écoles, dans nos classes, à la rencontre d’enfants bien réels et vous constaterez déjà que, même dans des quartiers dits sensibles, des pratiques coopératives, cohérentes sont génératrices de sérénité. Vous verrez qu’en construisant la loi au quotidien avec les enfants, ceux-ci sont mieux à même d’en mesurer les tenants et aboutissants et de la respecter. D’ailleurs, dans la lutte contre la violence à l’école, on se tourne régulièrement vers nos pratiques… Pour autant, nous ne sommes pas prêts à assumer le rôle de pompiers sociaux que d’aucuns aimeraient nous voir jouer à bon compte. Nous sommes dans une démarche de transformation et non de simple pacification scolaire et sociale qui ne règlerait rien sur le fond.

 

Ouvrez les yeux et vous verrez que l’Ecole que vous voulez réhabiliter, enferrée dans son fameux élitisme, n’a jamais engendré autre chose qu’arrogance d’un côté et rancœur ou sentiment d’exclusion de l’autre, ingrédients fondamentaux d’une société à plusieurs vitesses. Une société où le mythe de l’égalité des chances constitue une imposture dès lors qu’on reste aveugle aux déterminants sociaux et économiques mais aussi aux perspectives réellement offertes aux enfants. En la matière, la réhabilitation des bourses pour les enfants des milieux défavorisés, sans en nier le bien-fondé, ne peut qu’influer à la marge, comme autrefois.

 

Ouvrez les yeux et vous verrez que l’école archaïque que vous prônez, figée dans ses certitudes et l’inertie bureaucratique, conduit avec sa logique de compétition à faire perdre le sens du vivre ensemble et du bien commun. A son corps défendant, elle fait le lit de l’école libérale par l’inadaptation de ses réponses aux défis sociaux actuels. Quoi que vous en disiez «le système éducatif vit encore dans le mythe constamment réaffirmé d'une dynamique de transmission des connaissances qui se ferait par le seul canal de fonctions intellectuelles supérieures (à l'exclusion des émotions et des personnalités individuelles, des cultures et des croyances collectives, etc.) entre un diffuseur abstrait (l'enseignant) et un récepteur abstrait (l'élève). La réalité ne s'accorde pas avec cette théorie et il semble peu efficace de vouloir l'y faire entrer à tout prix en s'arc-boutant sur des

pratiques pédagogiques traditionnelles [...] »  (4)

 

Comme par hasard, c’est vous que l’on retrouve encore dans l’opération de dénigrement des nouveaux programmes de l’école primaire. Si nous condamnons dans ceux-ci la régression que constitue le seul recours aux comportements alphabétiques pour l’apprentissage de la lecture ; pour nous, ces programmes représentent malgré tout une avancée en ce qu’ils donnent plus de place aux apprentissages en contexte qui font sens pour les enfants. Ils ne vont même pas assez loin en laissant une part encore trop belle aux programmations sclérosantes que vous aimez tant.

 

Et puis, quand vous prônez un retour aux filières, nous militons activement pour une éducation polytechnique pour tous. Dans une société complexe, il devient indispensable de développer au maximum toutes les formes d’intelligence et non, la seule intelligence logico-verbale que vous vénérez tant. Nos pratiques, en cherchant à appréhender dans leur globalité les enfants et les groupes dans lesquels ils évoluent, sont mieux à même de relever ce défi.

 

Nos désaccords sont donc profonds, nos logiques sont opposées. »

 

 

La pédagogie Freinet n’est pas soluble dans le pédagogisme : nous revendiquons avec force une école populaire, dans un service publique d’éducation de qualité qui soit capable de dialogue avec les enfants, les jeunes et leurs familles, et en particulier celles et ceux qui en sont les plus distants culturellement. Pour nous c’est cela la véritable école de la République, mais une République à refonder, dont l’école, en prise avec la réalité sociale, prépare activement à l’exercice de la démocratie participative, une école qui tourne le dos au SMIC éducatif de savoirs prétendument forts vers lequel certains voudraient renvoyer les enfants d'aujourd'hui. Une école qui ne prétende plus faire ou penser pour mais qui avance avec.

 

Pour l’ICEM – Pédagogie Freinet,

Catherine Chabrun, Pierrick Descottes, Laurent Ott, Joël Blanchard 

(1) «La pédagogie du vide» H. Boillot et Michel Le Du, PUF 1993

(2) «Le ghetto des discours sur l’école» P. Encrenaz et E. Hassenteufel, dans Libération,10 février 2001

(3) Extrait des Perspectives de l’Education Populaire, dans L’éducateur, novembre 1978

(4) Laurent Mucchielli, Le Monde diplomatique, février 2002

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La première gorgée d'école

Avril 2002

 

Il est 7 h 30, comme tous les matins.

 

Les premiers rayons affleurent au sommet du Puech. Juste en face de la fenêtre que je viens d’ouvrir.

Le Puech, c’est une petite colline bien boisée, bien ronde. Toute agréable de rondeurs. Un téton, au matin, que le soleil rhabille. Faut dire que ma fenêtre est un peu voyeuse. Conçue pour être vue, mais aussi pour bien voir. Vestige d’une espèce en voie de disparition : la fenêtre d’instit-qui-habite-l’école. La classe unique en bas, le logement au-dessus.

Donc, à 7 h 30, au premier étage de l’école, ma fenêtre est ouverte.

Le Puech, je le connais par cœur. C’est la vue grand écran sur le village, quand on y monte avec fusain, feutre ou crayon à papier. Juste pour dessiner. Et puis au loin, les dents bleuies des Pyrénées, en toute majesté. Le Puech, c’est parfois notre parcours d’orientation, bataillant aux boussoles, parmi les châtaigniers, les chênes et les genévriers. C’est aussi notre géographie, d’où l’on peut voir d’en haut l’imbrication complice entre des hommes et un pays. Avec dame Garonne, en guise de jalon. Le Puech, c’est l’inévitable Vierge du sommet, avec les palombières à quelques pas de là. C’est enfin les rigolades du retour, pour les dégringoleurs de pente. Cueillettes, dessins, cartographies et autres trouvailles ne sont pas assurés d’arriver jusqu’en bas. Jusqu’à la classe.

C’est le Puech que je vois en ouvrant ma fenêtre.

Une cloche placide annonce la demie. L’église, au pied du mamelon. C’est un bout de l’Histoire. Nous avons exploré, la semaine dernière, les rares traces de la commanderie des Templiers, dont l’église était la chapelle. Imaginant l’ancien château, supputant, comparant, vieux plans et plan cadastral. XII° siècle, on examine le Moyen Age de près. On y marche dessus, on le mesure, on l’analyse, on le revit. Faudra d’ailleurs y retourner, cette semaine. Prendre les photos des vestiges qu’on a repérés, pour l’album. On avait oublié l’appareil, la dernière fois… Il n’est pas sûr que nous aurons le temps, cette semaine.

Ma fenêtre est une baie, bien plus large que sa taille.

Doucement, bonhomme, il n’est que 7 h 35 et tu ne sais pas encore ce que sera ce lundi, dans ta classe…

Plus près, le court de tennis. Adossé aux maisons de l’entour du clocher. Tennis, un groupe à chaque récré, deux contre deux, le court n’est qu’à 60 mètres de l’école. Mais ils sont 27, cette année, le tour ne revient pas assez vite. Alors il y a ce projet, dans la cour. Un jeu qu’ils ont inventé, tennis-ball. Deux équipes de quatre avec une balle en mousse. Et on tourne comme au volley-ball. Ca double le nombre de participants. Bon, faut prévoir une équipe de mesureurs et de surfaceurs pour partager la cour… Plan, dessin, traçage, règles du jeu pour les corres…

Entre le tennis et l’école, une pelouse. Bichonnée par l’employé municipal. Plantée de quelques conifères et de buissons taillés, propice en septembre à la pousse des champignons. Tous plus toxiques les uns que les autres, mais si beaux lors de l’exposition sous le préau…

7 h 45. De l’autre côté de la route, mes anciens élèves attendent le bus pour le collège. A quelques mètres du vieux portail qui enferme la cour. On s’est dit bonjour par la fenêtre. Cette cour qu’ils connaissent bien, mi-goudronnée, mi-pelousée, deux poiriers, un prunier et le bac à sable qu’ils avaient transformé en piscine, à chaque fin juin. Ils ne vont plus la reconnaître, bientôt. On y a suspendu nichoirs et morceaux de gras, cet hiver. On espère bientôt avoir des couvées de mésanges… Et puis ce projet en cours, peindre des jeux sur le goudron, marelle, escargot et autres… Pas n’importe où ni n’importe comment. Va falloir mesurer, dessiner à l’échelle, raconter pourquoi…

Et puis Roki, le chien de l’école, qui depuis un quart d’heure accueille les premiers arrivants. De 7 h 30 à plus de 18 h. Presque 11 h dans l’enceinte de l’école. Eh oui, c’est pas plus rose en rural que dans la banlieusade, pour certains mômes de 8 à 10 ans. Pourquoi les obliger alors aux manuels, quand les savoirs s’étalent autour de nous ?

Ma fenêtre est ouverte et la classe commence dans un peu plus d’une heure. J’y serai bien avant, juste un escalier à descendre.

Et mon « travail d’instit » se déploie sous mes yeux, dans le soleil naissant de ma fenêtre ouverte.

Je me souviens du temps où les préparations étaient le principal de mon « travail d’instit ». Conditionné, j’étais. IUFM, inspecteurs, conférences ou autres CPC. C’était du temps où ma fenêtre était fermée.

Ma première gorgée d’école, je l’ai bue en ouvrant les battants.

 


Les ateliers manuels et techniques dans la classe

Avril 2002

 

Les ateliers manuels
et techniques dans la classe ?

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Les classes Freinet se reconnaissaient autrefois au premier coup d'œil : des coins partout pour fabriquer, créer, expérimenter.

Aujourd'hui, la création manuelle et technique est intégrée dans des projets et donne moins lieu à des ateliers installés, fixes, en accès libre.

La création manuelle et technique est pourtant l'activité privilégiée pour croiser coopération, expression, tâtonnement expérimental et travail individualisé. C'est aussi le domaine où chaque enfant peut trouver sa place dans la classe.

De la même façon, l’imprimerie a souvent déserté nos classes, remplacée par les ordinateurs et les logiciels de PAO, alors qu’elle était, à la fois, un formidable moyen pour permettre aux enfants d’entrer dans les savoirs par des portes multiples, et le meilleur vecteur d’organisation coopérative du travail. Interrogations et pratiques se croisent et se répondent dans ce dossier.


Quelle place pour les ateliers manuels et techniques dans la classe ?
L’arrivée dans nos classes de matériels de plus en plus performants, permettant de réaliser journaux, sites web, montages électriques ou robotiques de plus en plus sophistiqués, ne nous a t’elle pas conduits à laisser de côtés des activités plus riches de sens, plus favorables à l’organisation coopérative ; phénomène accentué par l’explosion du nombre d’activités à mener en classe qui laissent souvent peu de place à des travaux ou des aménagements grands consommateurs de temps et d’espace ?

Nous avons toujours eu, en Pédagogie Freinet, une approche originale de la création manuelle et technique par rapport aux instructions officielles.

L'éclatement des nouveaux programmes nous montre que cette activité est transversale par excellence et qu'elle touche de nombreux domaines (sciences, arts plastiques, mathématique, maîtrise de la langue...).

Ce qui en fait une activité importante à nos yeux est qu'elle prend en compte les quatre grands axes de notre pédagogie centrée sur l'enfant. L'organisation d'ateliers de création manuelle et technique permet aux enfants par le tâtonnement expérimental d'émettre, de vérifier et de modifier leurs propres hypothèses, menant à la construction de savoirs personnalisés.

Ces ateliers sont l'objet d'une organisation coopérative pour la gestion du matériel, de travail, la répartition des responsabilités et l'élaboration de règles.

Ils favorisent l'expression et la communication vers les autres.

Enfin, ils permettent la responsabilisation, l'autonomie, la socialisation dans le cadre d'un travail individualisé où chacun peut rester maître de son projet en interaction avec ses pairs et les adultes.

Chaque enfant, grâce à ces ateliers peut trouver sa place dans la classe par la diversité de l'offre et par la prise en compte par le maître et le groupe de toutes les formes d'intelligence.

Denis Demarcy
Patrick Carpentier

L'imagination est plus importante que la connaissance.

Albert Einstein

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Comprendre, c'est inventer ou reconstruire par réinvention. Et il faudra bien se plier à de telles nécessités si l'on veut dans l'avenir façonner des individus capables de production ou de création et non pas seulement de répétition. 

Jean Piaget


Le travail à l’imprimerie scolaire a-t-il encore un sens à l’école ?


Nous avons peut-être trop tendance, même au sein de l'ICEM, à trop intellectualiser la relation au savoir et aux apprentissages. Comment des enfants, divers par leur origine, socio-culturelle, leurs compétences, leurs centres d'intérêt, peuvent-ils se retrouver dans une école où toute relation avec les apprentissages ne passe plus que par une phase intellectuelle ? L’imprimerie a longtemps été la pierre angulaire d’une pédagogie qui se voulait matérialiste ; son abandon au profit des ordinateurs ne signifie-t-il pas la fin d’une éducation qui associait le geste et la parole ? 

La salle de classe Freinet perd son aspect d’atelier

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Actuellement, dans beaucoup de classes Freinet, l’imprimerie a perdu son importance didactique. Elle n’est plus le centre organisateur de la coopération en classe. Pour les enfants, ainsi que pour la plupart d’entre nous, la composition manuelle du texte libre est un modèle dépassé. Dans certaines écoles, ainsi que dans des régions entières, les imprimeries ne s’utilisent plus depuis déjà des années.

Les casses et les presses à bras ont été rejetées et remplacées par une nouvelle génération d’équipements bureautiques. La classe freinet a perdu son identité d’atelier : l’unité évidente entre l’expression libre et la main pensante. Même pour l’acquisition du langage écrit, les cadres de composition et les rouleaux encreurs ne sont plus utilisés : trop de travail !

Pourtant, il existe depuis peu de temps, de la part de la didactique du langage écrit, une étonnante discussion qui se mène sans rapport à la pédagogie Freinet. L’argument principal est la nécessité de former tôt, dès le début de la scolarisation, une conscience du langage écrit. Cette discussion actuelle réclame à grands cris diverses possibilités de pouvoir « prendre le langage dans les mains » : examiner l’inventaire des lettres, découvrir les limites des mots, tourner les lettres et les inverser, épeler les mots de droite à gauche identifier les voyelles qui apparaissent souvent, etc. Autrement dit : si l’imprimerie n’existait pas encore comme moyen de travail, il faudrait l’inventer maintenant. Au moins en début de scolarisation, le travail avec l’imprimerie manuelle paraît avoir de nouveau un sens, si l’on prend au sérieux cette discussion didactique. 

Avons-nous banni trop tôt les casses et les presses à bras de l’enseignement ?

Au moins à l’école primaire, ne devrait-elle pas conserver son caractère d’atelier ? 

Sommes-nous tombés dans la tentative d’habituer trop tôt les enfants au travail bureautique ?

La privation de l’atelier d’imprimerie trompe la main de l’enfant

La salle de classe comme bureau : voici la tentative la plus raffinée de l’école, jusqu’à présent, pour apprendre aux enfants à penser sans les mains. Dans certains endroits, donner la parole aux enfants ne signifie plus que mettre à leur disposition des stations de commandes digitales, à travers lesquelles il leur est permis de communiquer. Loris Malaguzzi objecte que l’enfant a cent langages et cent mains, mais que « l’école et l’environnement lui ont séparé depuis longtemps la tête du corps – 99 mains sont volées ». On sait (et on le trouve souvent dans les écrits d’Elise et Célestin Freinet) que le vieille « école du livre », cérébrale, n’a pas accordé l’espace nécessaire suffisant au développement de la « formation de la main ». Alors faut-il que les enseignants Freinet, pionniers dans la création des coopératives pédagogiques, soient en tête de ligne dans la programmation du cerveau et trompent la main de l’enfant. Pourtant la main est, avec le langage, l’organe le plus important pour l’expression libre.

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Ne privons-nous pas l’enfant, en supprimant un travail « fatigant » de possibilités d’expressions variées ? 

Pourquoi cela ne nous rend-il pas méfiants, que l’enseignement par le livre, d’hier, n’ait été qu’échangé par des logiciels aujourd’hui ? Une erreur historique ne se répéterait-elle pas ainsi ?

Les enfants démystifient l’ordinateur

Le temps de reconnaître notre erreur s’écoule ; chaque mois, on jette des imprimeries scolaires. Une étude récente, réalisée auprès d’enseignantes et d’enseignants sur les perspectives de l’imprimerie scolaire, a révélé des résultats inattendus et surprenants, concernant les pour et les contre des ateliers d’imprimerie, et qui avaient été ignorés jusqu’à présent. Des enfants, qui sur un long espace de temps, avaient appris à apprécier l’imprimerie comme moyen d’expression, refusaient énergiquement l’idée d’échanger les possibilités de l’imprimerie contre les nouveaux médias. Ils voulaient conserver les presses à bras. Apparemment les enfants et les adolescents développent facilement une sensibilité pour déceler la magie trompeuse du logiciel, alors que nous adultes y succombons si vite, de nos jours. Ils vont bientôt deviner les particularités des modes de travail digitaux et découvrir les pièges des nouvelles structures de la communication :  

-Le piège de l’amusement : les nouveaux médias promettent une facilité, un plaisir et une distraction ludique, comme si apprendre n’était plus supportable qu’en tant qu’activité amusante. L’apprentissage en atelier se base en première ligne sur une pédagogie du travail qui ne veut renoncer, ni à l’effort, ni à la peine, ni même à l’épuisement.

-Le piège de la rapidité : les programmes, par exemple dans le domaine du graphisme, offrent un gain de temps et promettent le chemin le plus court, alors que le travail en atelier se définit justement par le fait que l’on peut ralentir les processus d’apprentissage ; des discussions peuvent surgir pendant le processus d’organisation, elles prennent du temps, mais elles permettent à chacun d’approfondir, de grandir. 

-Le piège de la perfection : les nouveaux médias proposent toujours des résultats parfaits, chaque fois plus raffinés et toujours propres. Le travail en atelier conserve une certaine note personnelle, la petite erreur, la « trace biographique », la différence obstinée. C’est l’esthétique de l’imparfait qui fait l’attrait du travail en atelier. 

-Le piège des services : les nouveaux médias mettent à disposition une sur-offre de choix, de fonctions et d’ordres. Même les programmes les plus simples proposent des centaines de polices (le dernier cri étant sa propre écriture, proposée par un producteur de logiciel de Düsseldorf). Ils proposent des milliers de couleur dont les gradations sont à peine perceptibles par l’œil humain. L’atelier d’imprimerie ne peut pas offrir cela – il ne l’a jamais pu et ne le veut pas non plus. 

Avons-nous suffisamment de résistance esthétique, de conscience et de sensibilité politiques pour reconnaître les intérêts de l’industrie du jouet et du matériel d’enseignement, des trusts de rattrapage et  des secteurs de publicité et ainsi, éviter leurs pièges ? Ou bien s’agit-il de tout autre chose : ignorerions-nous complètement l’imprimerie scolaire, tout simplement parce que cela donne moins de travail ?

Herbert Hagstedt

Mouvement Freinet allemand 

Ce texte, présenté lors de la Rencontre internationale des Educateurs Freinet (RIDEF) d’Ysper en Autriche (juillet 2000), a été publié dans la Multilettre de la Fédération Internationale des Mouvements d’Ecole Moderne.


L'imprimerie est-elle ringarde ?  

Telle est la question qu'un co-lisiter de la liste Freinet se posait, nous posait. Si les nouvelles technologies envahissent peu à peu l'école, la question se pose toujours aujourd'hui, peut-être même de manière plus forte, de la place de l'imprimerie dans les techniques Freinet. L'imprimerie n'a peut-être plus la même fonction que du temps où nous n'avions pas d'ordinateurs, de matériel de reproduction de qualité et d'un coût relativement peu élevé. On peut cependant s'interroger sur la place de l'imprimerie, comme sur celle de la création manuelle et technique dans une société de l'image et des technologies de la communication.  

Nous avons peut-être trop tendance, même au sein de l'ICEM, à trop intellectualiser la relation au savoir et aux apprentissages. Comment des enfants, divers par leur origine, socio-culturelle, leurs compétences, leurs centres d'intérêt, peuvent-ils se retrouver dans une école où toute relation avec les apprentissages ne passe plus que par une phase intellectuelle ? Comment des enfants, qui ont des difficultés à entrer dans l'abstraction, peuvent-ils trouver leur place dans un univers scolastique totalement intellectualisé ? 

Il ne s'agit pas de dire qu'on ne doit pas essayer de les aider à accéder à un stade d'abstraction plus élaboré. Il s'agit plutôt de permettre à chacun de pouvoir exister dans la classe, avec ses compétences, de quelque ordre qu'elle puisse être.
En un mot, replacer l'enfant au centre du système. 

Dans ma classe (un CP d'adaptation) j'utilisais la PAO, les nouvelles technologies, Internet conjointement avec l'imprimerie. Qu'ai-je observé avec les enfants qui utilisaient l'imprimerie ? Tout d'abord un attrait, un intérêt suscité par la technique elle même et par les résultats obtenus, par le fonctionnement induit. Même si au premier abord, l'imprimerie, semble nécessiter un temps de travail plus long, plus important, le texte qui sort en est magnifié (par les illustrations en technique d'impression, les tirages couleur...).

Elle permet l'élaboration d'une coopération par la nécessaire organisation des tirages, de l'utilisation et de la « maintenance » du matériel.  

Les théories de Leroy-Gourhan (« Le geste et la parole ») montrent l'importance de la fonction kinesthésique dans le développement de l'intelligence, et je me dis que cette fonction dans l'éducation est fortement minorée dans notre société. Parce que nombre des enfants de la classe avaient besoin de passer par une phase de manipulation, l'imprimerie me semble un indispensable complément des nouvelles technologies. Composer son texte, passer par une manipulation matériellement palpable des mots, des lettres, des lignes et des phrases facilite la construction des représentations, la fixation par une mémoire « physique » d'un certain fonctionnement de l'écrit. 

Donc, non ! L'imprimerie n'est pas « ringarde » . 

Patrick Carpentier, Maître E, GD 80


Question du temps
Gestion du temps

Informatique, cours de langues, décloisonnement, intervenants en tout genre, le temps de l’élève se morcelle de plus en plus. Quelle place reste t’il alors pour les activités dans lesquelles les enfants peuvent expérimenter, tâtonner, gérer leurs propres projets ?
Denis Demarcy (cycle 3 de l’Ecole de Bonnay dans la Somme) répond sur ce sujet à Patrick Carpentier du Nouvel Éducateur (NE).

NE : Denis, tu as moins d'ateliers de créations manuelles et techniques dans ta classe. 

Denis : C'est vrai. J'en ai eu jusqu'à une dizaine, sans compter l'imprimerie qui me prenait tout le couloir avec huit casses et deux presses. Le problème, c'est le temps. Par exemple, nous avions un journal quotidien depuis 1987. Nous avons dû l'arrêter pour en faire un hebdomadaire : nous n'étions plus assez souvent en classe !

NE : Pourquoi ce manque de temps ? Quelles sont vos nouvelles activités ? 

Denis : Des activités régulières (et très intéressantes) sont venues occuper plusieurs plages de notre emploi du temps : les cours de langue, les ateliers décloisonnés (un des volets de notre Projet d'école), l'activité piscine. 

NE : Les cours de langue, c'est juste deux fois quarante cinq minutes ? 

Denis : Nous avons un professeur du collège qui vient. Alors si je veux faire du lien avec la vie de classe, si je veux vraiment coopérer avec cet intervenant, ça prend un peu de temps supplémentaire. Nous faisons chaque jour de petites séquences de révision du cours de langue précédent sous forme de jeu et nous préparons des sketchs pour le cours suivant, une surprise pour le professeur.

Le jeudi matin est pris par les ateliers décloisonnés où chaque maître utilise sa compétence.

Enfin le créneau piscine nous prend 2 heures le mardi matin. En tout c'est presque une journée et demie sur l'emploi du temps. Alors quand on ne travaille pas le samedi matin, la semaine passe très vite ! 

NE : Mais il reste encore du temps… 

 

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Denis : Oui, mais je crois que je dois mieux m'organiser pour profiter du temps qu'il me reste en classe avec mes élèves. La pression extérieure de l'IEN, des I.O., des parents, des médias et les « comptes à rendre » aux parents, aux collègues (par le livret scolaire) ont tendance à trop nous fixer sur la recherche d'acquisition de nouvelles compétences, sur la recherche de moyens efficaces pour une acquisition rapide de ces compétences. On est poussé à chercher la performance. 

NE : Comment s'y prendre autrement ? 

Denis : Les enfants ont besoin dans la classe, entre les activités collectives, d'ateliers de « respiration », d'ateliers libres où ils peuvent aller à leur rythme, sans le maître derrière leur dos. Ce sont des ateliers où ils peuvent gérer leurs propres projets, où ils peuvent se construire, se servir de compétences acquises ou en voie d'acquisition pour tâtonner, expérimenter. 

NE : Et tu penses que ces ateliers disparaissent des classes ? 

Denis : Par manque de temps mais aussi par manque de place. Il a fallu au cours des années trouver de la place pour la B.C.D., le matériel informatique et bien souvent la taille des classes n'a pas changé depuis Jules Ferry ! 

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NE : Quels étaient tes ateliers ? 

Denis : J'avais auparavant des ateliers bois, mosaïques, cuir, lattes de bois, créations mathématiques, techno, linogravure, monotype et imprimerie. Les outils existent toujours mais le manque de temps, le manque de place, l'organisation de la classe, les problèmes de rangement, la relation avec la femme de ménage, les ont fait peu à peu disparaître. L'organisation de notre RPI y est aussi pour beaucoup. 

NE : En quoi l'organisation du RPI a eu des répercutions sur la vie de ta classe ? 

Denis : J'avais depuis 1984, quatre cours. Il est extrêmement intéressant dans une telle classe d'avoir des ateliers tampons entre les activités. Cela permet une bonne gestion du temps pour les élèves et le maître.

Depuis quelques années la composition de ma classe change. J'ai parfois tout le cycle 3, parfois 2 cours et certaines fois un seul niveau. Je passe alors beaucoup de temps à rendre les élèves autonomes et j'ai remarqué qu'un trop large éventail de propositions d'ateliers a souvent été un handicap pour ces élèves que je ne gardais qu'un an. Un déséquilibre se produisait dans la classe, les enfants privilégiant ces ateliers mais en voulant tout faire, en papillonnant. Ils ne comprenaient pas l'articulation avec les moments collectifs et n'auraient voulu passer leur temps que dans ces ateliers qui devenaient « occupationnel » et se coupaient de tout objectif de coopération. Alors que dans ma classe à plusieurs cours ils engendraient naturellement de la coopération entre les différents niveaux. 

NE : Comment as-tu remédié à cela ? 

Denis : J'ai commencé à proposer moins d'ateliers et je les ai davantage relié aux besoins de la classe.

J'ai aussi opté pour des ateliers qui proposent des activités courtes. 

NE : Quels sont tes ateliers actuellement ?  

Denis : J'ai un atelier techno avec légos, capsellas, mécanos, matériel électrique, un atelier « jeux », un atelier créations géométriques, un atelier dessin et un atelier informatique. Les enfants ayant moins de temps dans la classe, ces ateliers libres ont glissé vers le temps d'accueil, les temps libres avant et après la cantine surtout les temps de récréation. Ce sont les enfants eux-mêmes qui sont allés vers ces ateliers spontanément à ces moments là. Ce qui m'a montré que le besoin d'effectuer des activités libres, sans contraintes, de manière désintéressée (et non en vue d'une compétence déjà ciblée) était très présent et très fort chez les enfants. 

NE : Ces ateliers te donnent-ils satisfaction ? 

Denis : Ils sont intéressants parce qu'ils impliquent une coopération entre les enfants mais je souhaite, grâce aux fichiers FTC et CTC dans la classe, redonner leur places à des ateliers de création manuelle et technique. 

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NE : Quels avantages pédagogiques y trouves-tu ? 

Denis : La création manuelle et technique est souvent mise à contribution pour un projet. Son rôle y est alors précisément défini. Exemple, dans un projet de défilé carnavalesque, on doit construire des chapeaux. C'est un projet collectif.  

Ce qui me semble très intéressant dans les ateliers libres de création manuelle et technique c'est que n'importe quel enfant de la classe peut se lancer dans son projet propre puisqu'il va présenter son projet, chercher de l'aide, négocier éventuellement des achats, se servir des compétences du groupe pour arriver à produire son objet. 

Les projets de classe sont souvent très intellectualisés et des enfants en difficulté, loin de ces enjeux risquent de ne pas participer. Avec les ateliers ouverts, des enfants en difficulté dans d'autres disciplines peuvent y réussir, prendre confiance en eux et entamer des processus de socialisation dans le groupe où ils vont trouver leur place. Donner sa place à chacun c'est un des axes importants de notre pédagogie populaire. N'oublions pas la spécificité de la Pédagogie Freinet, la pédagogie matérialiste. Toutes les formes d'intelligence doivent trouver leur place dans l'école. Notre richesse c'est d'offrir une grande diversité de moyen dans nos classes pour permettre à chacun de s'épanouir. 

Maurice Choquet 

Toute une génération d'écoliers a fréquenté la classe de Maurice Choquet, instituteur à Allonville de 1954 à 1977. Une collection de plusieurs centaines d'œuvres émane d'une pédagogie originale qui avait placé la création artistique au cœur de l'enseignement élémentaire. 

Présentes dans la mémoire de ses anciens élèves qui les ont réalisées et de ceux qui les ont un jour découvertes, ces œuvres, qu'il caressait de ses mains robustes, témoignent aujourd'hui de la passion d'un maître pour son métier. Voir l'objet, « l'œuvre », sortir en quelque sorte de l'informe, par une alchimie à laquelle le maître et l'élève avaient contribué, les élevant au-dessus d'eux-mêmes sans que l'on puisse identifier la part de chacun, était un moment d'émotion contenue et fierté partagée. Sublimer les capacités de l'élève, Maurice Choquet s'en était fait une philosophie. Tout ce que le village proposait comme matériau était utilisé, jusqu'aux objets de récupération : terre, charbon, craie, sable, tôles ondulées ou plates, affiches déchirées, goudron, carton, bouchons, toiles, plumes, poils, crin, on faisait flèche de tout bois. Il embrasait l'imagination en s'appuyant sur le tréfonds d'une culture rurale authentique, l'avivait par des images palpables de la vie quotidienne. Il rendait ainsi accessible l'abstrait et les sentiments les plus subtils. La création artistique devenait ainsi la voie de la connaissance, les élèves la percevant avec beaucoup plus de réalité et de force que dans une leçon ordinaire. Il pensait sans aucun doute que la beauté servait la pensée. 

J. M . Gaudefroy


Création manuelle et technique
en lattes de bois

Promouvoir une « pédagogie du concret », responsabilisante et donnant du sens à la recherche, en proposant aux enfants une activité technique simple, facile à mettre en place, même lorsque les conditions matérielles sont limitées, telle est l’idée lancée par le secteur « création manuelle et technique » de l’ICEM et expérimentée par de nombreux collègues.

«Autrefois, l’école était essentiellement rurale et il lui revenait de communiquer le sens de l’abstraction. » constatait Pierre-Gilles de Gennes, interpellé à Europe 1 sur la créativité des Français. «La situation étant aujourd’hui inversée, il lui faudrait redonner le goût du concret. » 

Et, peut-on ajouter, avec la standardisation des modes de vie, l’omniprésence de la télé, des jeux vidéo et des mondes virtuels, autant aux jeunes ruraux qu’aux jeunes urbains. 

Or, l’espace disponible pour la simple fabrication manuelle, si indispensable au développement et à l’équilibre de chacun est aujourd’hui, y compris dans le secondaire, réduit quasiment à rien au niveau des programmes.

L’expérience le prouve pourtant constamment, les enfants, individuellement comme en groupes, sont parfaitement capables de construire ou de créer dans le domaine manuel et technique autant que dans un autre. Il suffit de leur en donner le goût, l’occasion et les moyens.

Le problème, tel qu’il nous apparaît aujourd’hui se résume donc à essayer de promouvoir une pédagogie du concret technique :

-recentrée sur des productions en vraie grandeur,

-responsabilisant par une démarche de projets décidés, pris en charge et gérés de façon coopérative,

-donnant goût et sens de la recherche à travers un tâtonnement expérimental décomplexé,

-développant l’esprit d’initiative individuel et collectif en privilégiant les situations d’exploration et de créativité. 

En Septembre 86 déjà, la présente  revue évoquait une technique qui fut ensuite expérimentée à différents niveaux par nombre de camarades.

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Une technique simplissime... 

Une technique qui, d’abord, ne nécessite pas d’interminables apprentissages pour le maniement de tel ou tel outil. Pour ne déboucher au bout du compte qu’à la fabrication par tous, à l’identique, du modèle imposé par le professeur ! 

On a simplement à mesurer (mètre), scier des lattes à 45° ou 90° avec une boîte à onglets, à parfois les percer (vrille), les assembler (équerre) et coller (colle à bois, pinceaux et serre-joints), les poncer (cale à poncer et papier de verre) et les cirer. Ici et là un peu de quincaillerie (crochets, charnières, pitons… ) et c’est bien tout. 

… mais quasi universelle 

Une technique surtout qui permette pratiquement tout projet de fabrication qui puisse vous passer par la tête. 

A condition de rester dans le cadre d’un objet en bois et de ne pas dépasser certain volume tout, ou à peu près, est envisageable. 

Aussi bien le jouet que l’objet utilitaire : ustensile de cuisine ou de bureau par exemple. Voire décoratif : cadres, mobiles ou stabiles. Aussi bien les boucles d’oreilles que le garde-manger à fromages, la boîte à crayons, la corbeille à fruits, le dérouleur à papier W.C. ou la cage à grillon. Au gré de l’humeur, du goût, du plaisir ou du besoin de chacun. 

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Un objet original que les parents n’achètent pas pour faire plaisir ou aider l’établissement. Qu’ils désirent d’abord, bien sûr, parce que c’est l’ouvrage propre à leur gosse, mais aussi parce qu’il trouvera sa place dans la maison, vu qu’il est aussi fonctionnel qu’esthétique ! 

Nettement plus que le tableau de nouilles collées en primaire ou le cadre à photo en plastique au collège !           

Une technique qui permette d’acquérir confiance en soi autant qu’en ses copains ! 

Un exemple de réalisation collective en avait été donné avec le projet ‘’maison de poupées‘’ également présenté sur FR3. 

De multiples autres en sont en tous cas disponibles dans le fichier que l’on peut se procurer auprès du secteur ‘’Création Manuelle et Technique’’ de l’I.C.E.M. ou télécharger à partir du site internet du secteur.

 

Contraintes et créativité 

Au début ma position fut plus « directive » qu’elle ne le devint sur la fin. En ce sens que les premières projets sont autant sur « sujet » que sur « matériau » imposés ! 

Mes élèves du Collège Barbey, quartier de la gare à Bordeaux, comme mes premiers collégiens de Vergt, en Dordogne, se virent en effet uniquement proposer de réaliser des dessous de plats, uniquement avec du carrelet de 14 (autrement dit de la latte à section carrée de 14 mm). 

Ce qui n’empêcha nullement les enfants de prendre plaisir à pareille réalisation. Et c’est vrai que je dois avoir, dans trois classeurs, conservé près de mille dessins, tous différents, desdits dessous de plats.

Difficile de ce fait d’imaginer les hésitations à n’en plus finir lorsque j’en suis venu à dire : « Vous disposez de cette soixantaine de lattes diverses pour créer l’objet de votre choix » L’angoisse de la page blanche, pourrait-on dire ! 

Mais les choses se présentent parfois différemment : témoin Nathalie et sa moto. 

En début d’année ils avaient donc à peu près un mois pour décider de l’objet que chacun entendait dessiner avant fabrication. Chaque semaine je leur rappelais la chose.

« - Alors, qu’est-ce que tu as choisi de fabriquer ?

Une moto. 

-En lattes de bois ? Ca ne va pas être évident, tu sais : pas facile à dessiner et le résultat risque de ne pas être terrible 

Bouderie prolongée. La semaine suivante : 

«Alors qu’est-ce que tu décides ?

- Une moto.

- Si tu veux, mais je t’aurai prévenue : ça risque d’être long et décevant. Tu n’as vraiment pas envie de faire autre chose ? 

Bouderie renforcée.

« Alors ?         

Une moto ! » 

En fait, je n’aurais jamais cru que l’on puisse réaliser une moto aussi chouette avec des lattes de bois. J’ai dû finalement le reconnaître et même la féliciter pour son entêtement. 

Une copie de ladite moto fut même réalisée pour voisiner, dans le garage de la maison de poupée avec un vieux tacot, lui-même assez réussi. 

Autre réalisation remarquable, celle de Lionel, infirme moteur cérébral en fauteuil roulant qui dessina un petit billard japonais, avec billes qui, une fois propulsées par tirette reliée à un élastique, après avoir emprunté une des quatre ouvertures rondes, descendaient la pente ménagée en dessous. Et pouvaient être récupérées dans la gouttière ménagée en bas, à l’avant. 

Il fut bien sûr aidé pour la fabrication par deux fidèles camarades et put partir avec, sur les genoux, son étonnante réalisation. 

En fait, outre ceux des dessous de plat, c’est une douzaine de classeurs de dessins d’objets divers, tous différents eux aussi, imaginés par les jeunes, que j’ai conservés.

 

L’esprit gestionnaire  

Autre chose que cette technique peut apprendre : le sens de la valeur des choses. Par exemple le réflexe, lorsqu’on a besoin de 15 cm de latte de tel type, plutôt que se précipiter sur une latte neuve, d’aller d’abord voir s’il n’en reste pas un bout provenant d’une déjà entamée. Donc prendre l’habitude de ranger ces lattes par catégories. 

Apprendre à calculer le coût d’un objet : par exemple 15 cm de telle latte vendue telle somme les 180 cm plus telle longueur de telle autre, vendue elle à tel prix. Plus 20% pour la colle et l’amortissement de l’outillage. Excellent pour apprendre la règle de trois ! 

Total doublé pour en tirer bénéfice pour d’autres projets de la coopé si, ce n’est pas son inventeur qui achète ce qu’il a fabriqué. 

« Mais comment diable, ai-je aussi parfois entendu, peut-on s’occuper en même temps de tant d’enfants poursuivant des activités si délibérément diverses? » 

J’avoue éprouver quant à moi la même perplexité à l’idée d’une même réalisation voulue au même rythme pour chaque élève alors que certains ont pu être absents une fois, d’autres deux, d’autres trois… et bien sûr jamais en même temps ! 

Ce qui est certain c’est qu’avec tant de lattes différentes et tant d’objets en chantier non moins différents, il nous fallait veiller au grain pour ne pas nous retrouver en manque de telle ou telle latte. Une fois par semaine, parfois deux, il me fallait me rendre au magasin de bricolage le plus proche pour réapprovisionner l’atelier.

 

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Une technique adaptable à l’école primaire            

Cette technique, des camarades du Mouvement Freinet l’ont expérimenté avec des enfants plus jeunes. Les premiers en classe unique : Daniel Cheville d’abord, ‘’cheville’’ ouvrière (!) des fiches éditées par le secteur Création Manuelle et Technique de l’I.C.E.M.  

« Les lattes de bois ont bien marché dans ma classe. Deux raisons principales : fabrication simple et rapide, motivation pour préparer une visite chez les correspondants qui étaient venus avec des cadeaux. » 

Christine Charles ensuite : « L’atelier lattes est coopératif par excellence. Les plus habiles y forment les non initiés. La classe unique permet en outre une réelle coopération entre tranches d’âge. Si certaines réalisations demeurent individuelles d’autres sont l’occasion d’un véritable travail d’équipe. 

« Un village a ainsi été entièrement réalisé, du plan à la finition - ponçage au papier de verre – par un CP et une CM2 sans aucun heurt ni prise de pouvoir. La fille de CM2, maintenant au collège, ne manque pas de montrer cette réalisation aux visiteurs de passage sans jamais oublier de présenter son collaborateur, maintenant au CM1, qui a fait depuis quelques restaurations. 

« Les objets créés : voitures, locomotives, bulldozers, petits véhicules de toutes sortes, maisonnettes, mobilier, dessous de plat, boîtes, jeux de société… sont des supports importants pour des jeux libres.  

« Les réalisations ont été offertes aux correspondants ou aux parents, certaines ont été fabriquées dans un but utilitaire, boîtes de rangement par exemple. 

« Mon rôle d’enseignante, n’intervenant ensuite qu’à la demande, aura été d’amener le matériel et de proposer des exemples de ce qui pouvait être réalisé. » 

Serge Durrieux les proposa à ses CE2 : « Avec des enfants de 8 à 9 ans, je m’attendais à des difficultés. Ma surprise a été de voir une grande variété d’objets conçus et fabriqués par les enfants : plusieurs modèles de voitures, de camions, d’autobus, de tracteurs, de motos, de scooters mais aussi une armoire de poupée, des boîtes à bijoux ou des coffrets de rangement de cassettes. 

« Ma seconde surprise a été de voir que tous les projets ont abouti, grâce, il est vrai à beaucoup d’aide de ma part mais aussi de l’entraide de ceux qui avaient acquis des savoir-faire. Magie de voir leur esquisse sur papier se transformer petit à petit en un objet qui est beau et qui fonctionne. 

« C’est vraiment une activité complète et très riche de recherche, de création et de réalisation technique faisant appel à de multiples savoir-faire : imaginer un objet en volume, copier un modèle, mesurer, découper, poncer, coller, assembler, calculer (le prix de revient par exemple) mais aussi : s’entraider, expliquer, guider… »

                       

Voire en maternelle ! 

C’est Dominique Marchal qui est allée le plus loin en le proposant en atelier à ses élèves de moyenne section ! 

« On croit trop souvent les petits incapables de trop de choses. Bien à tort la plupart du temps : il suffit de leur faire confiance ! » écrivait-elle. 

Elle a, bien sûr, bien préparé le travail des enfants en mettant d’abord à leur disposition une série de morceaux de différents types de lattes préalablement coupés par elle. Des chûtes récupérées d’autres réalisations auraient aussi pu faire l’affaire. 

Elle a distribué, comme déclencheur, des photocopies du recto d’une fiche élaborée avec Daniel Cheville sur de mutiples automobiles imaginables à partir de semblables chûtes. Qui servit aussi de logo illustratif pour désigner l’atelier. 

Les roues font souvent problème : diverses solutions ont été envisagées au niveau de leur fabrication ou de leur fixation. Elles ont d’ailleurs été montrées dans des fiches SBTJ. Dominique s’en tira en les simulant à l’aide de quarts de rond ou de diverses sortes de rondelles. 

Ses élèves n’ont pas eu à percer ou à couper. Simplement à assembler des chûtes de lattes pour figurer corps du véhicule, cabine, roues, etc… avant de proposer un projet non collé à la maîtresse. Il leur fallait donc, pour réaliser ce qu’ils avaient en tête, choisir d’abord les morceaux, réfléchir, essayer, les bouger pour tester où et comment les coller… 

Certains ont même proposé des objets non prévus sur la feuille « déclencheur » : camions, bus, tanks, bateaux …

Ils ont eu ensuite à poncer tous les morceaux à la main, ce qu’ils faisaient avec sérieux et application. Ils ponçaient debout, ils ponçaient assis mais toujours dans la bonne humeur. Parfois pourtant ça ne marchait pas : encore fallait il utiliser le bon côté du papier ! Et frotter dur : « faut que ce soit bien lisse pour qu’on puisse coller ! » 

Ils avaient d’abord tendance à ne pas mettre assez de colle, puis trop. Ce qui les obligeait à enlever ce qui débordait avec un chiffon. On mettait de la colle partout … même sur les doigts. Heureusement ce n’était que de la colle blanche, de la colle à bois. Parfaitement sans danger même si indiqué ‘’à prise rapide’’. 

Ici le serrage n’était pas indispensable : on posait un morceau sur l’autre, on appuyait un petit moment après avoir essuyé la colle ayant débordé. Mais il s’avérait dur d’attendre que ce soit sec. 

Les objets sont restés à l’école pour l’expo de fin d’année. Les enfants ont plaisir à les montrer.                                                

Alex LAFOSSE

Secteur création manuelle et technique

Site de téléchargement des fiches (réservé aux adhérents du site)

https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/22435

https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/23721

Aline et Marie France, collégiennes à Vergt ont présenté cet atelier, cette année là sur FR3 Limoges.

 

Marie-France : « Pour fabriquer des objets en lattes, il faut d’abord, bien sûr, des lattes. On en trouve de très nombreuses sortes dans les magasins de bricolage : des rondes, grandes ou petites, des ½ rondes, des ¼ de rond, des carrées de diverses sections, des rectangulaires plates ou épaisses.

Aline : « On en trouve aussi de, disons : « biscornues » parmi lesquelles une qui sert assez souvent : la « langue de chat » ou latte à 2 bords ronds.

Marie France : « La première des choses est sans doute de dessiner ce qu’on a en tête de faire

Aline : « Pour couper ces lattes, il faudra une boîte de coupe et une scie à dos (gros plans)

Marie France : « Pour les assembler vous utiliserez une colle blanche appelée aussi colle vinylique, vendue en différents pots dans les magasins de bricolage.

Aline : « Attention : il faudra enlever soigneusement les bavures de colle avant de laisser sécher les assemblages, maintenus le temps du séchage entre des élastiques ou des serre-joints.

Marie-France : « Mais attention aussi à ne pas blesser le bois avec le métal des serre-joints : interposer des cales en bois ou du carton épais »

Plus de postes d'enseignants, moins d'élèves par classe... Pour quelles pratiques pédagogiques

Avril 2002

 

Plus de postes d’enseignants, moins d’élèves par classe...

Pour quelles pratiques pédagogiques ?

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Le mouvement de grève du département de la Loire-Atlantique a connu une ampleur jamais vue : 70% de grévistes sur plusieurs semaines - écoles occupées par les parents - manifestations de 10000 personnes - 5 semaines de grève...

Les réactions engendrées ont été aussi (malheureusement) rarement vues : violence policière face aux actions pacifiques et mépris des “ politiques ”. Il ne s’agit pas du premier mouvement de cette nature... ni du dernier d’ailleurs !

Les revendications, cette fois-ci, se sont axées autour de 500 postes supplémentaires d’instituteurs et professeurs d’école dans le département, afin d’assurer le service public normal de remplacements, formation continue, accueil des enfants de deux ans, prise en charge des enfants en difficultés (ZEP, spécialisé). La situation était devenue catastrophique et plaçait le département comme le dernier de France en rapport postes/élèves.

 

Le bilan actuel de ce mouvement est une obtention de 54 postes pour la rentrée 2002 et un plan de “ rattrapage/maintien ” de 420 postes sur 3 ans, tout à fait dérisoire au regard des augmentations d’effectifs prévues. Nous retiendrons également un fonctionnement encourageant en A.G. souveraine et intersyndicale tout au long du mouvement, ce qui en fit certainement la  force.

 

Les militants du groupe Départemental de l’ICEM se sont associés pleinement à ce mouvement de grève en s’investissant dès le début dans les diverses actions menées. Rappelons que la surcharge des effectifs et le mot d’ordre de 25 élèves par classe étaient déjà d’actualité... en 1957 au congrès de l’ICEM-pédagogie Freinet, à Nantes d'ailleurs (curieuse coïncidence !).

 

Diminuer le nombre d'élèves est bien une nécessité pour permettre à chaque enfant de réussir à l'école et de développer sa personnalité, mais cela ne peut suffire.

On ne peut vivre (ou regarder) un mouvement de cette ampleur sans relancer le débat qui doit permettre aux questions de fond d’être posées. En effet, après avoir su mobiliser autour de ces revendications légitimes en terme de moyens, il nous appartient de montrer autant d'audace dans nos pratiques pédagogiques.

En tant que mouvement pédagogique, l'ICEM appelle les enseignants à inscrire leur démarche dans une dynamique de changement de l'école. Celle-ci passe nécessairement par :

-une réflexion critique sur les pratiques pédagogiques,

-un véritable travail en équipe,

-davantage de citoyenneté participative à l'école,

-une prise en compte de l’expression personnelle de l'enfant,

-l’organisation coopérative de la classe, de l’école...

 

Des pratiques, des organisations existent... osons nous mobiliser là aussi pour les faire vivre et faire que la diminution du nombre d’élèves par classe soit un véritable levier pour amener la réussite de tous les enfants à l’école.

 

François Le Ménahèze,

éditorial inspiré du texte de l’I.D.E.M. 44 paru durant ce mouvement

 

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« Il y a dans l'outil, dans son usage,

dans le travail qu'il soutient,

l'élément essentiel des apprentissages

dont va dépendre la valeur de l'éducation. »

C.Freinet

Célestin Freinet, par son pragmatisme, son matérialisme pédagogique a toujours cherché et introduit des outils dans la classe, conçus pour aider l'enfant à se libérer de la contrainte et de la tutelle de l'adulte.

Fichiers, revues documentaires... permettent l'accès à l'autonomie. 

L'introduction de ces outils dans la classe induit la mise en place d'une organisation coopérative du travail. C'est dans le cadre d'une communauté d'apprenants que l'enfant peut suivre son cheminement personnel d'apprentissage. 

Les sujets abordés sont souvent issus de la vie des classes et répondent aux préoccupations des enfants. 

C'est dans ce souci que les chantiers de productions de l'ICEM conçoivent  en permanence de manière coopérative, de nouveaux outils répondant aux besoins d'une pédagogie populaire aujourd'hui. 

Annie Troncy, Jean-Claude Saporito, Martine Buton, Xavier Gaillon, Thierry  Focquenoey pour les chantiers de production de l'ICEM, réunis au Salon de Nantes.