Le Nouvel Educateur n° 67

Mars 1995

 


Rendre le journal scolaire aux enfants (II)

Mars 1995

Dans le précédent dossier, paru dans le numéro 66 du Nouvel Educateur, nous avons redéfini le journal sco¬laire comme un vecteur privilégié de la communication de l'expression des enfants.
Les témoignages de cette seconde partie sont plus techniques, plus pédagogiques : à chacun de faire ses choix pour offrir cet outil aux enfants, qui en feront bon usage, dans les meilleures conditions.


Les effets pervers de la comparaison avec la presse adulte

Loin de nous toute réticence vis à vis de cette ouverture, toujours bé¬néfique si chacun conserve son identité et sa spécificité. Nous renvoyons le lecteur au fichier presse publié par les PEMF. Mais certains journaux scolaires, à vouloir trop imiter les journaux d'adultes, perdent toute valeur d'expression enfantine et de communication. Les enfants ne sont pas et ne seront pas, ce n'est pas le rôle de l'école, des journalistes. Ils n'en ont pas les moyens.
"Sans vouloir de mal à la presse d'information (et encore moins à ses journalistes qui se débattent comme ils peuvent), nous ne pouvons la donner aux enfants pour modèle exclusif de la communication écrite. Dès les années 30, Freinet critiquait Jean Nohain qui, pendant le mois de congé des professionnels, confiait la rédaction d'un des numéros de sa revue Benjamin aux jeunes lecteurs qui singeaient les articles qu'ils avaient lus précédemment. Faire fonctionner l'école comme une microsociété copiant la "grande", c'est partir du principe qu'elle est idéale et qu'il suffit d'y être les plus performants.
L'école préconnisée par Freinet n'est pas le lieu où l'on commence par apprendre des règles immuables, mais celle où l'on découvre par la pratique la valeur de l'expression et de la communication, le respect de l'autre et les conséquences que cela implique.
Autant la valeur du premier jet, jetée en vrac dans un journal-torchon révèle moins le respect de la spontanéité enfantine que le mépris pour ceux qui l'accueilleront, autant il me semble réducteur d'appliquer les schémas d'écriture d'une presse, dont je ne suis pas certain, si j'en juge par les exemples anciens, qu'elle ait fait, depuis le début du siècle, des progrès de qualité littéraire la posant comme modèle.
Cela me gêne que certaines classes croient nécessaire de systématiser le colonnes étroites pour singer le journal de papa. Cela m'exaspère de découvrir la contagion des titres calembours qui sont devenus la tarte … la crème du journaliste branché.
Je souhaite que les enfants apprennent des vrais journalistes que le respect des lecteurs passe avant celui du rédacteur en chef, et pas quelques ficelles appauvrissantes, considérant parfois le lecteur potentiel comme un débile. La seule vraie règle du journal scolaire est d'intégrer la diversité de tout ce que ses jeunes auteurs peuvent avoir envie de communiquer (enquêtes, débats, témoignages, poèmes, amusements...) sans passer par le carcan de rubriques stéréostypées, en rejetant toutes les routines, en un mot le conformisme envahissant de nos sociétés Gâtifiées".
M. Barré

Comment "lancer" le journal scolaire dans une classe ou une école ?

Le plus difficile est de commencer. Lorsque les enfants sont présents plusieurs années dans la classe, le journal scolaire est souvent une institution, et ils le reconduisent d'une année sur l'autre, n'imaginant même pas qu'on puisse s'en passer.
Par contre dans une classe de petits ou une classe d'enfants plus grands qui n'a pas encore pratiqué cette activité, c'est l'enseignant qui devra proposer l'activité et même "porter" les premiers numéros.
Mais bien vite les enfants se l'approprieront et la question fusera : " le prochain journal, c'est quand ?"

La gestion financière

Faut-il vendre le journal scolaire ?
S'il est sûr que le journal ne doit pas être avant tout une histoire d'argent, on peut considérer qu'il s'agit d'un travail vrai, qui mérite donc un vrai salaire. De plus l'édition d'un journal est une affaire financière, dans la mesure où elle entraîne des frais et peut, pourquoi pas, engendrer des bénéfices pour la coopérative de la classe ou de l'école.
Mais tout n'est pas si simple, et là comme ailleurs, la réponse dépend des conditions locales.
Si la vente ne pose pas de problème majeur, le journal ‚tant déclaré officiellement, alors il faut le vendre. La gestion financière sera un élément supplémentaire à gérer coopérativement, donc une source d'apprentissages mathématiques très riche. Beaucoup de classes décident par exemple que chaque enfant aura un numéro gratuit (pour éviter l'exclusion) et que le reste sera vendu.
Localement cependant, et notamment dans les quartiers défavorisés, la vente pose problème : il est alors courant que le journal soit distribué gratuitement. Il faut alors trouver les moyens de financement.

"Non, nous ne vendons plus notre journal ! La valeur du travail qu'il représente ne se mesure plus en francs, mais se traduit par sa reconnaissance comme une production de qualité par les familles et les autres classes du réseau.
La difficulté de vendre notre journal dans notre quartier déshérité pour assurer à grand peine son auto-finan¬ement nous a conduits à déposer un projet reçu favorablement et se traduisant par la prise en charge par la ZEP des frais de photocopie".
M. Hervé


Quels écrits ? Comment les choi¬sir ?

Les journaux de classe maternelle ou de CP proposent de nombreux textes, issus de l'expression des enfants, ces mêmes textes servant le plus souvent de support pour l'apprentissage du lire-écrire. L'illustration y tient généralement une place importante.
Dans les journaux des classes de petits, on écrit le plus souvent pour SE raconter.

"Le matin, au cours de l'entretien, je note rapidement les "histoires" racontées par les enfants. Plus tard, au cours des ateliers, ils ont la possibilité de les taper pour le journal à l'ordinateur ou de les écrire à l'imprimerie (je dois faire les modèles) : il y a généralement plus de volontaires que de place...
Les enfants sont petits, ils ne vont pas vite : je taperai moi-même celles qu'ils n'auront pu (faute de temps) saisir.
Pour l'instant, tout le monde peut tout mettre. Assez vite, je pense qu'il faudra apprendre à choisir, en fonction de critères à définir : intérêt pour les lecteurs (les parents), redites, sur-représentation des uns et sous- représentation des autres etc...
Avant le maquettage définif du journal, je me fais dicter par les enfants un texte, plus ou moins long selon que la semaine a été riche ou pas en évènements extraordinaires, sur "ce qui s'est passé à l'école, ce qu'on a fait qui peut intéresser les parents". Ceci pour donner un caractère informatif à notre publication."
C. Bizieau

Bien-sûr, si les textes y tiennent une place en général prépondérante, cela ne signifie pas qu'on n'y trouve jamais d'autre rubrique, comme dans les journaux d'enfants plus âgés.
Le contenu des journaux des classes de C.E et C.M est souvent beaucoup plus varié. On y trouve davantage le souci de dire, d'informer. On peut y trouver, l'importance de chaque ru¬brique étant fonction des choix de chaque classe :
- des textes d'enfants
- des poésies
- des compte-rendus de sorties
- des compte-rendus de lectures ou de recherches
- des recherches mathématiques
- des exposés
- des B.D
- des critiques de films ou d'émissions de télévision
- des "blagues"ou devinettes
- des recettes de cuisine
- ...
Les journaux sont très différents d'une classe à l'autre, certains ne contenant pratiquement que des textes d'enfants, d'autres proposant surtout des activités d'éveil, certains insistant sur l'information, d'autres sur l'expression.

Généralement, on y trouve des textes libres, des poésies, des enquêtes, des comptes-rendus d'activités, de lecture, des recettes, des jeux, des dessins... chacun donnant ce qu'il peut pour cette oeuvre collective.
Une page est cependant réservée aux textes provenant de Russie (correspondance)".
M. Hervé

Le choix se fera selon le fonctionnement adopté coopérativement.
Il est possible de décider au fur et à mesure des productions, de la vie de la classe, ce qui sera dans le journal. Un texte plait au groupe, une activité d'éveil ou un poème, une recherche de cuisine marquent la vie de la classe : on le met dans le journal.
Certaines classes préfèrent programmer à l'avance le contenu du prochain journal, soit en se donnant un thème, qui sera source d'écrits et de recherches pour le journal, soit en choisissant parmi les travaux déjà effectués ceux qui formeront le contenu du prochain numéro.
Quelque soit la forme de travail adoptée, le problème du choix se pose. Les lois sont alors élaborées coopérativement.
On peut décider que toute demande d'édition de son texte dans le journal par l'auteur doit être acceptée, sous réserve que ce texte soit éditable (terminé, compréhensible, correctement orthographié etc...).
On peut décider que chacun aura droit à un texte par numéro.
On peut décider de voter à la majorité absolue ou relative.
L'important est que cette organisation est évolutive : les lois ne sont pas votées une fois pour toutes, mais remises en cause si nécessaire, ce qui permet une évolution tendant à une amélioration du système. Les en¬fants apprennent là aussi le respect des individus et celui du groupe.
"Longtemps, les textes libres étaient présentés oralement et les textes élus étaient placés dans le journal. Mais deux aspects étaient gênants :
- le choix d'un texte en rapport avec la personnalité de l'auteur et sa po¬sition dans le groupe.
- les phénomènes de mode qui privilé¬giaient certains types de textes au détriment d'autres (mode de textes humoristiques, au détriment des textes poétiques, par exemple).
Nous avons donc éliminé la séance de vote, en laissant la possibilité à chacun de présenter ses textes orale¬ment ou par écrit en précisant que c'était pour le journal.
Notre journal bimestriel doit donc contenir au moins une production de chaque enfant".
F. Saint Luc
Il peut être utile, selon l'organisation adoptée par la classe, de prévoir des outils de gestion (tableaux muraux par exemple) qui se¬ront la mémoire, qui permettront de savoir en permanence où on en est et qui pourront de plus avoir un effet incitateur pour les enfants.

"Je tiens pour chaque période d'entre-deux vacances un tableau des écrits réalisés par les enfants. Notre journal ‚tant bimestriel, cette période correspond à peu près à la réalisation d'un journal.
Une quinzaine de jours avant la date de sortie prévue pour le journal, on établit coopérativement la grille du journal, étant bien entendu que chaque rubrique doit avoir au moins un article et que chaque enfant doit avoir au moins une production.
1. Le choix : chacun propose à la classe qui donne son avis et choisit.
2. Planning : on inscrit dans les ca¬siers respectifs ce qui a été décidé.
3. Rubriques pauvres : on cherche comment on pourrait les remplir. Cer¬tains enfants pourront même proposer d'écrire spécialement".
N. Bizieau

Certaines classes ou écoles décident du contenu du journal en conseil de classe (formel ou non). Quel contenu, qui fait quoi, et pour quand. Le tra¬vail est planifié, distribué.
D'autres fonctionnent avec un comité de rédaction, dont le rôle est impor¬tant, en particulier s'il s'agit d'un journal d'école.
"Le comité de rédaction est composé de deux élèves de chaque classe plus un adulte. Il est renouvelé par moi¬tié pour chaque numéro : sur les deux enfants, un a participé au comité de rédaction du numéro précédent, l'autre participera à celui du numéro suivant. Cela permet une initiation et une continuité. Ce Comité se réunit une fois par semaine pendant une heure.
Un planning permet de faire le point sur l'état des travaux et permet à chaque classe d'avoir une idée sur le contenu du journal.
Dès la parution d'un numéro, le pre¬mier comité de rédaction en fait la critique, tant sur la forme (présentation, illustrations, co¬quilles...) que sur le contenu (manque de..., trop de ...) afin de rectifier le tir pour le numéro sui¬vant.
Les C.R suivants sont avant tout des bilans des travaux réalisés par chaque classe. Les articles sont aussi critiqués pour un retour en classe.
Le dernier C.R décide de la pagina¬tion et détermine, le cas échéant, en fonction d'impératifs techniques, quels articles seront ou non retenus.
Le planning est un outil essentiel : il permet de faire le point, il est plus un outil de type bilan-incitatif que plan-carcan dont chaque rubrique devrait être remplie.
Bien évidemment, ce n'est ici que la simple description d'une expérience : notre Comité de Rédaction évoluera".
G. Mondémé

 

Correction et mise au point des écrits

Une chose est sûre et les enfants le comprennent bien : le texte du jour¬nal est ‚dit‚ pour des lecteurs exté¬rieurs à la classe, et il doit à ce titre être compréhensible du début à la fin, correctement orthographié. Il est donc nécessaire la plupart du temps de le retravailler. Il s'agit du respect du lecteur, à plus forte raison si le journal est vendu !
Là encore les pratiques sont diff‚érentes d'une classe à l'autre, d'une année à l'autre.
Certains proposent la mise au point du texte en groupe, d'autres une cor¬rection individuelle. Quoiqu'il en soit, l'auteur doit toujours rester maître de ses idées, de son écrit : il ne s'agit pas d'imposer un style ou un vocabulaire peut-être plus riches, mais uniformes, impersonnels.
"Au niveau collectif, nous en restons au simple toilettage orthographique et syntaxique du texte.
Ce travail peut être long et fasti¬dieux. Lorsque je trouve un certain type d'erreurs dans un texte, j'effectue un premier toilettage pour ne laisser que ce type d'erreurs (concordance des temps ou les adjec¬tifs, par exemple). Le texte est alors travaillé collectivement et sert de support à une nouvelle page du classeur de français".
F. Saint Luc
Quelquefois, des textes d'enfants ayant de très grosses difficultés ne sont pas éditables tels quels, il faut les réécrire entièrement. Ce peut être le travail (avec l'auteur) d'un camarade, d'un petit groupe, ou pourquoi pas, de toute la classe. Mais ce ne doit pas, sauf exception, être l'oeuvre de l'enseignant : nous voyons trop de ces journaux "d'enfants" en réalité entièrement ou presque réalisés par les adultes , où trône la mention, sous chaque écrit, "texte de ... réécrit par ...") ! Si l'on songe que souvent ces mêmes journaux sont saisis par l'adulte, photocopiés par lui-même (pour "gagner du temps"), il parait diffi¬cile d'imaginer dans ce cas que les enfants puissent s'en sentir auteurs et propriétaires.
"Quelquefois, ne pouvant comprendre le sens à cause d'une syntaxe et d'une orthographe plus qu'incertaines, nous ne voyons pas comment aider l'enfant à reformuler ses idées. Le texte est alors repris par la classe avec un jeu de ques¬tions-réponses, et plusieurs enfants proposent des formulations diffé¬rentes. C'est l'auteur qui donne son accord pour la version définitive".
F. Saint Luc

Pour la correction orthographique, de plus en plus nombreuses sont les classes qui utilisent un logiciel ap¬proprié. Il s'agit d'une avancée technologique non négligeable dont il serait dommage de priver les enfants, d'autant plus qu'elle exige aussi de leur part réflexion et compréhension. (Voir à ce sujet le Nouvel Educateur Nø57 de mars 94).

"Pour la fabrication de notre jour¬nal voici comment nous procédons :
- Pratique du texte libre (voir le Nouvel Educateur Nø 61 et 62 de sep¬tembre et octobre 94).
- Séance institutionnalisée de lec¬ture des textes libres (une fois par semaine).
- Choix, destination, moyens tech¬niques de reproduction et correction (individuelle ou collective) par l'auteur.
- Séance de mise au point indivi¬duelle ou collective.
- Texte corrigé recopié dans le ca¬hier de textes libres. Je donne le feu vert pour reproduction à l'ordinateur ou à l'imprimerie.
- Choix de la mise en page : place, police (taille), bordures par l'auteur.
- Dernière correction du maître.
- Tirage à la photocopieuse par le maître.
- Réalisation du sommaire par une équipe tournante.
- Agrafage et vérification.
- Distribution et partage des en¬vois."
M. Deschamps

Quel titre pour le journal ?

Le choix du titre peut paraître ano¬din, sans grande importance.
Il ne l'est pas car destiné à "tenir" plusieurs années (la déclaration of¬ficielle doit être refaite à chaque changement de titre). C'est sans doute pour cela que les plus de la moitié des journaux scolaires dispa-raissent au bout d'un an. Il doit ap¬partenir aux enfants, il est aussi un peu l'image de l'école à l'extérieur.
Les titres en vigueur sont très passe-partout (cf l'étude de D. Froissard. AL nø 25), et beaucoup de journaux reprennent des titres de la presse adulte : "journal, écho, info, flash, gazette, news, canard...". Par "modestie", et pour rappeler l'âge des rédacteurs, on fait précéder l'un de ces mots par "petit, le p'tit"...
Le titre sera donc choisi coopérati¬vement en fonction de tous ces élé¬ments, sans hâte.

Les techniques d'impression

De la lettre de plomb au traite¬ment de textes

Les outils les plus utilisés mainte¬nant sont sans contestation le trai¬tement de textes et la photocopieuse. L'un comme l'autre offrent des avan¬tages certains : pratiques, rapides, ce sont des outils irremplaçables, surtout si l'on tire à cent ou deux cents exemplaires. De plus les photo¬copieuses permettent bien souvent agrandissements ou réductions, ce qui rend de grands services pour la mise en pages.

"En C.M et maintenant en C.E, j'ai commencé à former quelques enfants à la P.A.O. Ce sont eux qui servent en¬suite de formateurs pour les autres. Ce temps de formation s'effectue soit pendant le temps d'ateliers, soit hors temps scolaire".
F. Saint Luc

De nombreuses classes n'ont pas pour autant abandonné l'imprimerie : en effet elle permet le tirage en cou¬leurs (le prix des photocopies cou¬leur est encore hélas trop élevé). Elle permet aussi un travail manuel coopératif intéressant, notamment pour les classes de petits.
L'imprimerie est souvent employée pour les textes courts, les poésies par exemple.
Mais si l'on tire un nombre d'exemplaires important, elle peut devenir fastidieuse.
Duplicateur à alcool, limographe et Gestetner ne seront cités ici que pour mémoire : ils sont maintenant peu utilisés et donnent des résultats approximatifs pour les textes. Par contre ils peuvent être utiles pour les illustrations (voir plus loin).
Il arrive également que des textes soient calligraphiés par les enfants. C'est un exercice intéressant dans la mesure où il s'agit alors d'un véri¬table exercice de "belle" écriture, dont le résultat doit être impec¬cable. Difficile...

"La première photocopieuse de l'école utilisant le papier ordinaire tra¬vaillait en format A4 et B3.
Pour des raisons de commodité évi¬dentes, mais avec le regret de perdre l'aspect très coloré du journal af¬fiche que nous produisions jusque là, le journal hebdo s'est trouvé ramené à un recto-verso de format B3. Il était affiché devant l'école, mais aussi dans la classe et envoyé à une dizaine de classes qui s'étaient ma¬nifestées par l'intermédiaire du r‚éseau télématique.
Cette étape a conduit les enfants à faire des recherches sur le graphisme (noir et blanc) et sur l'utilisation des couleurs pour obtenir des dégra¬dés lors de la photocopie. Imprime¬rie, traitement de texte et calligra¬phie sont restés les outils de l'écrit.
Tout comme pour l'affiche, le maquet¬tage était réalis‚ entièrement avec de la colle et des ciseaux, la photo¬copieuse intervenant seulement en¬suite pour la duplication du jour¬nal".
R. Beaumont

Mais la couleur...

Nous ne pouvons que constater que la couleur a presque disparu des jour¬naux scolaires... C'est là l'un des effets pervers de l'automatisation. Mais un journal sans couleur est tou¬jours un peu triste : est-il réelle¬ment un journal d'enfants ?
"Dans ma classe, on n'utilise que peu de couleurs pour le journal. A cela plusieurs raisons :
- l'imprimante et la photocopie, c'est plus simple et plus propre que la presse, plus rapide aussi.
- le nombre de tirages de notre jour¬nal (80 environ) rend difficile la tâche de faire 80 tirages en couleur propres.
- les techniques les plus utilisées, et en particulier le carton gravé ne supportent pas plus d'une trentaine de tirages.
Toutefois, parce qu'un journal entiè¬rement noir et blanc est un peu triste, et que de plus les critiques nous reviennent avec souvent la re¬marque qu'il n'y a pas de couleur, il nous arrive de faire
- quelques tirages imprimerie couleur
- quelques tirages photocopiés en rouge
- quelques tirages en linogravure
- quelques fonds tirés d'avance (technique du papier peint)
- des pochoirs
- des photocopies sur papier de cou¬leur, en particulier pour les couver¬tures.
De plus chaque numéro du journal que possède chaque enfant est colorié par ses soins (très souvent avec des feutres)".
M. Deschamps

Pour remplacer la couleur

Certaines classes éditent dans leurs journaux scolaires des illustrations en noir et blanc, après avoir fait des études de graphisme. Il s'agit d'une technique à part entière, très formatrice, accessible à tous les ni¬veaux, et notamment aux classes de petits. Pourquoi ne pas remplacer, par exemple, les exercices classiques de graphisme préparatoire à l'écriture, souvent fastidieux et sans objet pour l'enfant, par des re¬cherches de graphisme décoratif ?
Nous tirons un journal de classe de¬puis peu à la photocopieuse. Les en¬fants (CP-CE) ont remarqué que leurs dessins, faits à l'origine en cou¬leur, n'étaient "pas terribles" en noir et blanc.
Le besoin d'une autre technique appa¬raît alors pour obtenir de plus belles illustrations.
"Il faut essayer de dessiner en noir et blanc". Les premières tentatives se soldent par un constat de pau¬vreté. On manque d'idées. Je polyco¬pie des feuilles avec des formes ré¬gulières (cercles, carrés, rec¬tangles...) et d'autres irrégulières, plus ou moins grandes.
Chaque enfant cherche une manière de remplir ces surfaces, toujours en noir et blanc.
Critiques, remarques sur chaque re¬cherche : certains ont tenu compte de la forme imposée, d'autres non. On conclut que la forme à remplir guide tout de même la manière de la rem¬plir.
Toutes ces recherches constituent un fichier d'idées.
Retour au dessin : on dessine ce qu'on veut et on le "colorie" en noir et blanc.
Tous les enfants ont fait d'énormes progrès et sont contents de leur pro¬duction. Aucun d'entre eux n'a été bloqué quant aux trouvailles de rem¬plissage, ce qui n'était pas le cas lors de la première tentative.
Lors de la réalisation de la maquette du numéro suivant, les illustrations se font sans problème et le résultat en est esthétiquement bien meil¬leur..."(Voir Créations nø39 de mars 88).
N. Bizieau

Des techniques de reprographie en couleur

Si le nombre d'exemplaires n'est pas trop important, on peut, et ce n'est assurément pas du temps perdu, tirer artisanalement des illustrations en couleur.
Nous vous proposons ci-dessous quelques techniques simples, à la portée de tous. Il est évident que nous ne pouvons en décrire ici que les principes : à chacun d'essayer avant de lancer l'activité.

La sérigraphie
Sur un cadre entoilé de voilage so¬lide (nylon), effectuer un dessin au drawing-gum (assez épais). Après sé¬chage, enduire la totalité du cadre avec un vernis obturateur. Après sé¬chage de nouveau, éliminer le dra¬wing-gum à l'aide d'une gomme en crêpe (récupération possible chez un cordonnier). On obtient alors un po¬choir. L'illustration peut se faire à l'encre à sérigraphie ou à la gouache, avec une raclette à sérigra¬phie ou à l'éponge pour les plus pe¬tits. Il est possible, en préparant plusieurs cadres, de produire des dessins en plusieurs couleurs.
D'autres techniques de sérigraphie existent (exposition aux rayons U.V par exemple) mais nous avons volon¬tairement choisi la plus simple.

Avec l'encre d'imprimerie

Tous les supports "mous" pouvant être creusés, tous les supports présentant des reliefs peuvent servir aux illus¬trations. Citons :
- le polystyrène fin (dessin creusé au crayon à papier)
- le balsa
- le plâtre (creusé avec un clou ou un poinçon)
- le carton découpé-collé
- le papier de tapisserie en relief
- tous éléments coll‚s (laine, allu¬mettes, ficelle...)
- la colle blanche "à bois"
- la linogravure (pour les plus grands)
- ... et tout ce qu'on découvrira
Le principe en est toujours le même : passer de l'encre d'imprimerie sur la maquette, poser la feuille dessus, frotter avec la main ou avec un rou¬leau propre. Il est utile d'utiliser un cache en carton avec une fenêtre pour la plage à illustrer pour proté¬ger le restant de la page.

D'autres techniques

Citons encore pour mémoire les po¬choirs, la "patatogravure", les sten¬cils à limographe ou Gestetner, l'encre vaporisée (avec des caches successifs), et toutes les techniques qui permettent de préparer rapidement des fonds (on peut alors photocopier après).

Toutes les semaines, nous expérimen¬tons avec les enfants une nouvelle technique d'illustration. Un exemple est affiché, sur un panneau réservé à cet effet.
Ce panneau est la mémoire des en¬fants, leur catalogue : ainsi pro¬gressivement leur possibilité de choix s'élargit. Les techniques d'illustration du journal sont de plus en plus variées...
C. Brunon

Le journal au Col¬lège et au lycée

Editer un journal scolaire au collège ou au lycée présente d'autres diffi¬cultés spécifiques, qui n'empêchent cependant pas la mise en place de cette activité lorsque les profes¬seurs le désirent.
Difficultés dues à l'âge des élèves tout d'abord. Non qu'ils n'aient en¬vie de s'exprimer, bien au contraire, mais il faudra rester vigilant quant à la nature des écrits qui peuvent franchir les limites de l'établissement.
Rappelons à cet effet que la publica¬tion d'un journal était soumise à l'autorisation préalable du Chef d'établissement et qu'il pouvait exercer une censure, jusqu'à ce que la loi d'orientation (Loi nø 89-486 du 10 juillet 1989) ait précisé :
"Dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutra¬lité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement...".
Mais à ce jour les circulaires d'application ne sont toujours pas publiées.

Un journal scolaire peut être réalisé dans le cadre des heures de cours en lycée ou en collège. Nombreux en sont les exemples.
Mais il arrive que dans certains éta¬blissements, les conditions rendent difficile sinon impossible la pra-tique du journal scolaire dans le cadre des heures de cours : nombre insuffisant de professeurs intéres-sés, conditions matérielles diffi¬ciles ou toute autre raison... Faut-il pour autant se résoudre à ne pas offrir ce vecteur d'expression à des adolescents qui en ont pourtant tant besoin, au risque de les voir s'exprimer d'une toute autre manière, moins recommandable ?
Le journal peut alors être produit dans le cadre des clubs, comme le montre le témoignage ci-dessous.
Le journal "l'écho des cartables" est produit en club, de 13 h à 14 h trois jours par semaine. Cinq professeurs sont volontaires. Vingt quatre élèves de la 6ème à la 3ème participent cette année.
Les grands parrainent et aident les plus jeunes. Les articles sont conçus soit en classe, soit en club.
Pas facile en collège ! Mais nous y tenons, à notre journal, car c'est le club qui permet un compagnonnage pro¬fesseurs-élèves et une autre approche des relations avec des élèves volon¬taires et curieux de vivre cette ex¬périence.
Le but est de développer l'expression et l'autonomie des élèves. Chacun posséde un dossier plastique et sa disquette et a accès à l'un des douze ordinateurs. Un bureau de coopérative élèves existe. Cette année, les délé¬gués au Conseil d'Etablissement du collège sont tous issus des clubs communication... Ce n'est pas un ha¬sard.
Le journal est envoyé à un réseau ICEM, FAX, AFFICHE et RVC (vidéo). Nous avons soixante abonnés et tirons à cent ou cent vingt exemplaires. Une classe d'Uruguay vient en décembre : elle nous a connus grâce à notre journal. Une classe de troisième fera le voyage échange...
Jusqu'où peut mener un journal de collège !"
A. Bellot

Le Nouvel Educateur publiera prochai¬nement un dossier sur le journal sco¬laire au second degré.

 

Quels apprentis¬sages ?

L'éducation civique
25 enfants dans une classe, qui ont envie de communiquer avec l'extérieur... La plupart a bien des choses à dire, à écrire, à communi¬quer. Comment s'organiser ? Si seul l'adulte détient le pouvoir de dis¬tribution de la parole, de choix, d'organisation de la communication, ce besoin disparaîtra progressive¬ment. La pratique du journal scolaire implique une organisation du travail par les enfants eux-même, elle les entraîne progressivement à construire des lois. C'est l'apprentissage de la vie coopérative.
"Le journal scolaire est un travail d'équipe qui prépare pratiquement à la coopération sociale des enfants. A toutes les étapes de son processus, il suppose la coopération scolaire".
C. Freinet
Le journal scolaire est un outil d'éducation civique du citoyen … part entière qu'est l'enfant (voir le pa¬ragraphe "droits des enfants). En ef¬fet, en tant que producteur d'écrit, il comprendra par la pratique qu'un journal peut mentir et/ou présenter une information sous différents angles. Il comprendra la puissance de l'écrit et des médias en général (il existe aussi des journaux vidéo ou sonores). Son sens critique sera dé¬veloppé : une information ne sera plus considérée comme vraie pour la seule raison qu'elle est imprimée.
La langue (parlée et écrite).
Les lois de la communication nécessi¬tent la production de textes, qu'ils soient d'expression, de narration, d'information, descriptifs, etc... lisibles et compréhensibles par le lecteur, syntaxe et orthographe res¬pectés.
Il n'est pas question d'éditer des premiers jets comme nous l'avons tous, hélas, constaté dans certains journaux scolaires, heureusement de plus en plus rares : textes mal or¬thographiés, incomplets, souvent même mal calligraphiés. Le résultat va alors à l'encontre des buts recher¬chés, les enfants pouvant penser que les écrits peuvent rester approxima¬tifs, et les parents constatant le manque de rigueur dans le travail ef¬fectué. Non, les enfants doivent sa¬voir que le respect du lecteur et l'efficacité de la communication né¬cessitent la mise au point d'un écrit avant sa diffusion, fut-ce à des ca¬marades.
Bien-sûr cette mise au point ne doit pas aboutir à la dénaturation de l'écrit, à sa confiscation à l'auteur, qui doit quoiqu'il en soit rester le propriétaire et le maître de son expression.
"L'édition de notre journal scolaire a demandé un travail sur la forme des textes, pour répondre à certains be¬soins : nous avons travaillé diffé¬rents types d'écrits pendant les séances d'expression écrite. Deux exemples : nous avons analysé des pe¬tites annonces ; cette étude a été le point de départ de créations fantai¬sistes pour les enfants ; pour les recettes de cuisine, nous avons dégagé à travers les recettes humoris¬tiques proposées par les enfants, trois possibilités : l'emploi du pré¬sent sous trois modes différents (indicatif, infinitif, impératif) ...".
F. Saint Luc

L'apprentissage de la lecture et de l'écriture étant intimement liés, l'édition d'un journal par les en¬fants les entraînera inévitablement non seulement dans un bain d'écriture, mais inévitablement aussi dans un bain de lecture. Sa motiva¬tion à l'écrit développant sa curio¬sité,l'enfant lira les journaux des autres classes, bien-sûr, mais s'intéressera progressivement à d'autres journaux (pour adultes ou pour enfants), à d'autres écrits do¬cumentaires ou de fiction.
Bref, le journal scolaire est une ac¬tivité privilégiée qui peut modifier la relation à l'écrit.
L'éveil de l'esprit critique
Les journaux scolaires sont souvent destinés non seulement à l'entourage immédiat de l'école, mais aussi à d'autres lecteurs de même âge, par l'organisation de circuits d'échanges de journaux. Il est évident que seuls les retours réguliers (et non systé¬matiques) peuvent maintenir l'intérêt. Que pensent les enfants des autres écoles de notre journal ?
Répondre à la réception d'un journal est difficile : une aide technique et méthodologique à la lecture et à la critique s'avère nécessaire. On peut alors proposer aux enfants des fiches de lecture.
Ces critiques sont quelquefois source de correspondance entre les enfants, les uns répondant aux critiques ou aux questions des autres.
Voir fiches de lecture Ai¬zenay

En conclusion

La culture des enfants et des adoles¬cents évolue, les moyens et outils techniques évoluent également. Seule l'école paraît encore quelquefois vouloir rester figée.
En 1921, Januz Korczak revendiquait déjà le droit à l'expression. Dès la première page de "la gazette sco¬laire", il n'hésite pas à plaider :
"je suis convaincu de la nécessité d'une presse dont les collaborateurs seraient les jeunes eux-mêmes ; d'une presse qui se ferait l'écho des pro¬blèmes qui leur paraissent importants et qui les intéressent vraiment... Une gazette scolaire leur donne cette possibilité".
Les textes officiels existent au¬jourd'hui, qui affirment la liberté d'expression et de communication des enfants. A nous de mettre en place les conditions de l'organisation par eux et pour eux de l'un des supports privilégiés de cette communication : le journal scolaire. Donnons leur les techniques, les outils qui leur per¬mettront de produire leur journal, c'est à dire un journal d'enfants et non une pôle imitation des produc¬tions adultes.
Apprenons-leur l'exigence avec eux-même, pour le respect du lecteur.
Rendons-leur au moins partiellement la couleur :
"La vie d'enfant est trop courte pour publier triste !"
M. Barré

Et surtout ne les dépossédons pas de leur vecteur de communication parce qu'un nouvel outil, logiciel ou autre, trop performant, n'est pas à leur portée : après tout, les ciseaux et la colle, même s'ils paraissent moins nobles, sont aussi de bons ou¬tils pour une mise en page, parce qu'ils sont ceux des enfants.
Tout évolue en permanence, et la re¬cherche de la meilleure formule sera, là comme ailleurs et comme toujours en pédagogie Freinet, à chercher et à trouver avec les enfants.

*
***

Dossier coordonné par C. Bizieau, à partir des écrits de :
- pour la partie I de : M. Barré, Y. Tournaire, S. Brivet, OCCE (Animation-Education), F. Saint Luc, D. Le Bars, J.M Fouquer, R. Beaumont, A. Lafosse, J.J Carrier, J.P Radix, J. Le Gal, J. Blanchard.
- pour la partie II de : M. Barré, M. Hervé, G. Mondémé, F. Saint Luc, N. Bizieau, M. Deschamps, N. Bizieau, R. Beaumont, C. Brunon, A. Bellot, G. Schlemminger, Y Tournaire

Nous remercions tous les collègues de l'ICEM qui ont envoyé les journaux scolaires de leur classe, de la ma¬ternelle à l'université:
- Les Pionniers Ecole Freinet de 06 Vence
- L'écho des Cartables Collège "Lou Vignarès" 84270 Védène
- Le Bon Vent de Ragon Ecole de Ragon 44400 Reze
- Mini PJ Ecole Le Pojot 07410 St Fé¬licien
- Parenthèse Journal des Parents de St Félicien
- Le Polisson Joyeux Ecole Le Pojot 07410 St Félicien
- Planet Miage, Seltsam, Der Journa¬list, Pas comme les autres : journaux d'université et de lycées (envois de G. Schlemminger)
- Soleil et Les Curieux Ecole M. Cu¬rie 89400 Cheny
- Lou Souleou et Le Robot Rigolo Ecole F. Mistral 83210 Sollies-Pont
- Le Dragon Sacré Ecole Publique Re¬groupement des Houlettes
- Le Journal en chocolat et l'Ecureuil à lunettes Ecole de Lon¬guerue 76750
- L'épi Ecole de Chauriat 63117 Chau¬riat
- Le Journaliste … Roulettes Ecole 07360 Dunière- St Fortunat
- Le p'tit Journal des Grands enfants Ecole Simone Signoret 69 St Priest
- Le Poussin Bleu Ecole Michelet 02200 Soissons
- Le Petit Astérix Ecole E Michelet Le Braden 29000 Quimper
- Creac'h Gwen Ecole Publique La Ré¬sidence Prat-Maria 29000 Quimper
- Cliquetis, notre mini journal et Mosaïques 24230 St Antoine de Breuilh
- Les Copains 32160 Plaisance du Gers
- Tri Der 56310 Ecole de Saint Yves Bubry
- Bernica Potins Ecole du Bernica 97435 St Gilles les Hauts
- La tête de canard Ecole Gambetta 59190 Morbecque
- Journaux affiches du Collège de Chazay d'Azergues(69380), du K.A.M Mortsel (près d'Anvers) et du Collège de Vergt (24200 Sarlat)
- Je sais tout ! Ecole Publique 76640 Hattenville
- Pomme d'or Ecole 76640 Clipponville
- La Mouette Rieuse Ecole C. Aveline 56 Langle en Séné

 

On va partir, nous aussi, beaucoup plus loin...

Mars 1995
L'enfant déjoue les routines. Et le maître, sensibilisé à l'enfant ap­prend, s'il l'écoute par plaisir, que tous les enfants cherchent à vivre, à communiquer, à raconter, à s'exalter, à conquérir, à dominer et à trouver leur équilibre.
Si la maître accède au passage de l'évènement dans la classe, sait re­pérer le déclenchement, l'amplifier et orienter le processus de curio­sité, d'étonnement, alors, par tous les chemins détournés de la connais­sance, la classe deviendra chantier, "fourmilière des intelligences... ruche où toutes les imaginations, ces abeilles dorées, arrivent avec leur miel" (Victor Hugo. Notre Dame de Pa­ris).
En recevant le texte de Michel Bar­rios, nous avons eu envie de vous le faire partager, convaincus que la pé­dagogie est toujours à réinventer, qu'on n'applique jamais des tech­niques comme les autres, que tous les stages, toutes les stratégies élabo­rées scientifiquement ne suppléeront jamais l'intuition fulgurante du com­pagnonnage attentif.
J. Lèmery
 
 
 
Vendredi 29 janvier, 10 H 30.
Un fax déboule dans la ruche.
Trois pages, illustrées : on est en classe de neige, on skie comme des fous, c'est super, on vous raconte...
Flottement, soudain. La ruche a des ratés. Des yeux qui s'alvéolent, des silences d'insectes. Incongrus.
Et Mohamed qui démarre. "Les vaches, ils ont du pot. Qu'est-ce qu'y doi­vent s'éclater !"
Didier ouvre un menton long comme un tire-fesse. Les veinards...
Un ange passe, le dard en berne.
Ils me regardent.
Et je perçois l'envie de miel, tan­gible. Evidente.
"Ouais, c'est super, le ski. On n'ira pas, nous. Hein, maître, on peut pas y aller ?"
La ruche débourdonne, les ailes anky­losées. Je les sens prêts à essaimer. Vers des fleurs impossibles.
La reine. Orienter le vol. Redonner l'espace. La force de voler... Allez, les momes, on va partir, nous aussi.
Beaucoup plus loin.
Les yeux qui s'écarquillent. Choisis­sez sur la carte.
Classe de mer, dans des îles loin­taines. On va partir jusqu'au bout de nos têtes.
Choisissez dans le bleu. Bahamas, Ta­hiti, Iles Marquises... Où voulez-vous aller ?
Va pour Tahiti.
Les regards se défroncent, et défri­pent les ailes.
On part.
Il est 10 H 45 chez les gens raison­nables, ce vendredi de fin jan­vier.
On part. Dans le délire. On invente un voyage, des parents qui sa­luent dans un aéroport. On invente notre île, où le mot "neige" n'est même pas dans le dictionnaire. Où l'on fait classe le matin, sous un immense toit de paille. Où l'on grille le soir de bizarres poissons, qu'on a pêchés l'après-midi. Où l'on fait de la voile et du bowling-noix de coco. On donne des détails, des lieux, des dates, des menus, on parle tahitien. On écrit notre journal de bord, dans l'ivresse totale.
Et on le faxe en métropole, depuis la plage aux coquillages...
Il y a eu des incrédules. Des cher­cheurs d'erreurs, des demandeurs de précisions...
Alors, fax aux agences de voyages. Prix, distance, durée, ac­cueil... Prospectus. Livres. Lettre à la Mai­son de Tahiti, à Pa­ris.
Planisphère, c'est quoi les D.O.M-T.O.M...
Un peu plus tard, au "quoi de neuf", des noix de coco, des col­liers, des timbres...
Un fax pour de vrai envoyé à Tahiti. Et la réponse nous parvient, datée deux heures avant l'envoi...
IA ORANA, bonjour...
On va faire une expo sur notre sé­jour. Objets, livres, photos, et des récits plus vrais que vrais.
On a peint notre île, calculé le prix du voyage, visité les îles sous le vent. On va saluer Gauguin, dire bon­jour à Jacques Brel.
Et danser, danser...
En atelier d'écriture, Florence a in­venté la boite à voyages...
On rejoue notre aventure pour la fil­mer aux incrédules.
Scène 1, l'avion.
Déjà décrite. Ca tangue fort au-des­sus du Pacifique. On n'est pas au bout...
Voilà où nous sommes.
Bien le bonjour des îles...
 
 
La baignade
Je vais vous parler de la baignade. Sur la plage sont plantés des cocotiers. La mer est très bleue et on voit le fond. Elle est belle et peu salée. On saute dans l'eau. Les garçons s'amusent bien avec les filles et se jettent du haut des cocotiers. Les filles sont habillées de jupes bananes et de colliers de fleurs ; les garçons en short, chemise fleurie, colliers de fleurs.
C'est vraiment super !
 
La visite au village
Nous avons visité le village : Habadourou.
Les maisons sont faites en paille. Devant chacune, il y a un chemin qui conduit à la plage. Au milieu du village, il y a une grande sculpture qui représente le chef. Au début, ils nous faisaient des grimaces, maintenant ils sont gais.
On s'amuse super bien.
 
 
La balade en mer
Dimanche 24, nous avons fait une balade en mer. Nous avons loué un catamaran pour une demi-journée. Notre départ a eu lieu au bord d'une plage. On a rencontré des dauphins qui tournaient autour du bateau. En les regardant, nous avons failli percuter les rochers de l'île du Grand Coeur.
 
Matahitiques
Comme vous n'avez pas l'air de nous croire, on vous donne quelques précisions :
Tahiti se trouve dans l'Océan Pacifique en Polynésie. C'est un territoire d'Outre-mer à 15640 kms de Muret. Papeete est la plus grande ville de Tahiti. Elle fait partie des Iles de la Société. Le voyage dure 21 H 15, avec une escale à Los Angeles (USA). Le prix est de 7200 F par personne, pour l'aller.
Voilà comment on peut payer :
1/5 payé par le Conseil Régional, 1/4 par le Conseil Général, 1/3 par la Mairie, 1/10 payé par les familles.
Le reste est payé par le Ministère.
Combien paie le Ministère ? (Nous sommes 28 élèves et le Maître n'a pas payé).
 
Jeudi 11 février, à 9 H 45, nous avons envoyé un fax à Tahiti. On a reçu la réponse le même jour à 7 H 45.
Qu'est-ce qui vous étonne ?
 

 

 
De la part des 29 filles et garçons du C.M 2 de l'école Elida Hu­gon de Muret près de toulouse (31) et de leur maître Michel Bar­rios
 



 

 

Un outil d'orthographe

Mars 1995

Nous retrouvons ces mêmes enfants en situation d'apprentissage quotidien de l'orthographe selon une méthodolo­gie ouverte et ajus­table mise au point par Jean Le Gal, militant de l'ICEM-Pédagogie Freinet, professeur à l' I.U.F.M de Laval. Sa recherche a fait l'objet d'une thèse de 3ème Cycle en Sciences de l'Education, montrant que des enfants de classe de perfectionne­ment peuvent être eux aussi, avec leur maître, des enfants cher­cheurs à la quête d'outils techniques plus efficaces.

 
 
Une classe qui écrit, qui parle, qui diffuse. Qui bourdonne. Et l'éternel problème de la maîtrise orthogra­phique. Un problème que la diversité rend plus aigu dans ces écrits tous azimuths. Comment progresser en or­thographe quand on est pris par d'autres intérêts, d'autres appren­tissages. Quand on est d'âge et de niveaux diffé­rents... Je sais bien qu'en forgeant on devient forgeron. C'est pour ça qu'on a tant de fers au feu, en classe. Mais les enclumes sont si dissemblables, les marteaux si hésitants, si étourdis, parfois... Qui n'a jamais pesté contre les "fautes" qui revien­nent, celles dont on sait que l'enfant sait, ou qu'il devrait sa­voir, et qu'il est sans ex­cuse d'oublier encore le "s" du plu­riel ou l'accord du verbe être, le "e" du féminin ou les terminaisons de l'imparfait... A quoi ça sert qu'on se décarcasse, nom de Bled !
Bien-sûr, il y a les fichiers, ceux de P.E.M.F, ceux que j'ai em­pruntés aux copains, ceux que j'ai fabri­qués... Mais ce ne sont que des bé­quilles, quelquefois des étais. Sou­vent des placebos. Et les erreurs re­viennent, narquoises, collantes, se moquant des fi­chiers comme de mes désespoirs. Ou de mes fureurs. Malgré leçons, dictées, conjugaison, correc­tion individuelle, correction collec­tive. Autant de traces dans le sable que je croyais sillons. Et que le vent d'Autan efface à tous les coups. Ou presque.
C'est compliqué, l'orthographe, en­nuyeux, bouffeur de temps. Il me fal­lait donc un outil simple, rapide, motivant. Et beaucoup plus effi­cace...
Je suis tombé un jour sur le travail de Jean Le Gal, qui m'a paru bigre­ment novateur. Et je m'en suis large­ment inspiré, avec quelques adapta­tions pour intégrer cet outil dans ma classe.
Quelques idées simples ont guidé la démarche :
1. Le code orthographique est géné­ral, mais l'orthographe est in­time. Et chaque enfant fait ses propres "fautes". S'il fait la même qu'un autre enfant, il n'est pas sûr que ce soit pour les mêmes raisons. Donc un outil personnalisé.
2. Le code orthographique n'est qu'une convention, pas toujours lo­gique ni explicable. Donc pas ou peu d'explications. Il faut un outil d'imprégnation.
3. L'imprégnation c'est comme l'homéopathie : petites doses, sou­vent répétées. Donc courtes séquences fré­quentes.
4. L'orthographe, à mon sens, passe par les yeux, par les oreilles et par la main. On la fait trop passer par la cervelle. Je crois à l'orthographe corporelle. Donc un outil simple.
5. Et enfin, ce qui est ennuyeux a tendance à être évacué. La brièveté élimine l'ennui. Donc un outil ra­pide.
A partir de ces quelques idées simples, voilà comment se passe l'orthographe dans ma classe, sur les bases données par Jean Le Gal.
J'ai toujours dans ma poche un bloc de papier auto-collant (style post-it 7 sur 7). Chaque fois qu'un enfant fait une faute d'orthographe dans un écrit quelconque (je dis bien tous les écrits, texte libre, lettre, ex­posé, recherche, compte-rendu, télé­matique etc...), j'écris le mot ou l'expression juste sur un post-it, avec le nom de l'enfant dans un coin. Quelques secondes d'explications suf­fisent si c'est une faute d'accord, rien si c'est un mot d'usage. L'enfant corrige son erreur, puis va coller le post-it dans un coin ré­servé sur le mur de la classe. C'est très rapide et le mot est "mis en ré­serve". Très souvent, il s'agit de bouts de phrases (nous sommes allés, c'est toi qui ar­rives, vous avez joué...). A la fin de la semaine, chacun récupère ses post-it dans la collection pour ajouter les mots sur sa feuille d'apprentissage.
La feuille d'apprentissage :
Chaque mot ou expression est inscrit sur une ligne, avec un nu­méro. Consigne stricte : il ne doit pas y avoir de faute sur cette feuille. Pour ceux qui ont du mal, c'est moi qui écris. Je contrôle rapidement toutes les feuilles. Il faut cinq mi­nutes, chaque enfant ayant entre trois et dix lignes à transcrire.
L'apprentissage :
Fréquence : tous les deux jours, deux fois par jour.
Durée : quatre minutes, chrono en main (il y a un responsable du temps en classe).
Consignes :
1. on lit le mot les yeux ouverts.
2. on lit le mot les yeux fermés.
3. on écrit le mot les yeux ouverts.
4. on écrit le mot les yeux fermés.
Au début, ça les fait rire d'écrire les yeux fermés, mais ça passe vite !
Liberté : on apprend le nombre de mots qu'on veut.
On démarre et on arrête ensemble, au signal du contrôleur. Il n'y a aucun commentaire, sauf rappel des quatre consignes. Le respon­sable orthographe distribue les feuilles d'apprentissage au début et les ra­masse à la fin. Au bout de trois ap­prentissages (il tient le compte sur une feuille qui reste dans la cor­beille-orthographe) il annonce : TEST.
Chacun prend alors la feuille du voi­sin et ils se dictent mutuel­lement. Chacun arrête son dicteur quand il le désire. Je contrôle rapidement. Mots erronés barrés. On ne corrige pas. L'enfant ins­crit une croix dans la colonne 1 de sa feuille d'apprentissage, en face de chaque mot juste. Contrôle du maître et pointage des en­fants sont très ra­pides. Quand l'enfant a trois croix en face d'un mot (trois tests réus­sis), il raie ce mot au surligneur. Ce mot sort du champ d'apprentissage. Les progrès sont visibles sur la feuille. Périodiquement, tous les deux mois environ, les mots rayés sont soumis à un test-mémoire. S'il y a erreur à nouveau, il est rajouté à la liste.
La numérotation a plusieurs utilités :
- chaque enfant, sur le bilan hebdo­madaire vu par les parents, indique le nombre d'expressions acquises. C'est toujours un nombre plus grand que la fois d'avant...
- Chaque enfant calcule son effica­cité (nombre de mots acquis par rap­port au nombre de mots à apprendre). Selon les cas, ce calcul peut servir à moduler l'apprentissage : dans ma classe, après dis­cussion, les 20, 30% ont une minute d'apprentissage de plus qu'ils peuvent ou non utiliser. Les 80% ont le droit de ne plus ap­prendre. Jusqu'à ce que les mots s'ajoutant, le pourcentage baisse...
- La numérotation sert à visualiser les progrès, matérialisés par un trait qui ne peut que s'allonger sur le tableau d'ensemble, en face de chaque nom, au fur et à mesure des réus­sites.
Constatations
après plusieurs années d'utilisation
Cet outil ne tient compte que des réussites. Un échec, c'est seu­lement une future réussite. J'ai vu des en­fants s'acharner sur une erreur te­nace, en faire une affaire person­nelle jusqu'à la maîtri­ser et la rayer d'un trait victorieux.
Nous faisons entre quarante minutes et une heure d'orthographe par se­maine sans aucune lassitude, sans presque s'en apercevoir (avec deux tests en moyenne par semaine).
Les "mauvais" en orthographe côtoient les meilleurs, les dépassant parfois dans le nombre de réussites.
Chaque enfant a ses fautes-leitmotiv, un profil d'erreur, ce qui permet de l'aider à ajuster son travail indivi­duel par ailleurs (plan de travail).
Le fait d'utiliser des bouts de phrase contenant l'erreur évite une orthographe pointilliste, trop sèche.
Je crois que la main, comme l'oeil, a une mémoire. je ne saurais l'expliquer, mais l'imprégnation est réelle : une lacune dans les accords du pluriel, par exemple, se retrouve sous de multiples formes et l'enfant, peu à peu, extrapole sur des formes jusqu'alors inconnues de lui. Les ac­cords s'ajustent au long de l'apprentissage empiriquement, pour­rait-on dire.
Le réinvestissement n'est pas immé­diat, mais il est très réel si on a la chance d'avoir les enfants long­temps.
La feuille d'apprentissage permet un constat toujours positif des progrès réalisés. Chez moi, elle suit les en­fants l'année sui­vante.
On retrouve sur chaque feuille, à plus ou moins longue échéance, tout ce qui doit être "traité" en ortho­graphe, vocabulaire, conju­gaison. Sans trimer sur des leçons ou des exercices aussi stériles qu'ennuyeux. Et quelle satisfaction de rayer une erreur surmontée : on grandit à chaque fois...
Cet outil, qui à priori paraît contraignant, nous laisse en réa­lité, aux enfants et à moi, une liberté nouvelle. En ne s'embarrassant pas des cailloux sur la route de l'écrit. On met les cailloux en tas sur le bord du chemin, on les concasse petit à petit, sans nous perturber les es­sieux...
A remarquer toutefois que cet outil est avide d'écrit, de produc­tion, d'expression. Il s'en nourrit. Je crois que ça ne marcherait pas dans les endroits où l'on écrit sur com­mande. Pour faire la chasse aux fautes, il faut qu'il y ait des grands espaces d'écriture.
On ne chasse pas dans les réserves...
M. Barrios
31260 Salies du Salat
 

 

Coopération et organisation pédagogique des conditions d'apprentissage (II)

Mars 1995

Dans le numéro du Nouvel Educateur de février 1994 nous avons publié la première partie de ce texte de Marc Bru. Etaient développés la variabilité inter et intra-individuelle chez les apprenants, les variables dans l'organisation des conditions d'apprentissage relatives aux contenus et aux processus pédagogiques. Nous proposons ci-dessous la suite de cette réflexion.

 
Les variables relatives au dispositif pédagogique
 
Lieux et espaces d'enseignement-apprentissage
.../... Les classes ou salles de cours sont les lieux les plus habituels où se retrouvent enseignants et apprenants.../... Par l'organisation de séquences décloisonnées, ou par la mise en place d'ateliers de travail autonome certains établissements parviennent à élargir le champ des possibilités. Les activités organisées à l'extérieur (classes découverte, enquêtes, visites...) réalisent aussi de nouvelles conditions d'appropriation de connaissances. Ajoutons enfin que l'aménagement matériel de la classe (affichages, mobilier...) n'est pas forcément immuable.../...
Le regroupement des élèves
.../... Le degré d'hetérogénéité, la taille du groupe, le statut sociométrique de ses membres... sont des dimensions sur lesquelles l'enseignant peut agir afin de réaliser des situations d'apprentissage diversifiées.
L'organisation temporelle
L'enseignant est amené à adopter une répartition des activités dans le temps ; il peut s'agir d'un choix initial définif (dans ce cas la référence est, pour toute l'année, une répartition réglée à l'avance dans ses moindres détails) ou bien du choix d'une répartition temporelle adaptable.
Pour une classe ou un groupe, les variations envisageables se rapportent à deux aspects principaux de la gestion temporelle :
- la durée de chaque activité
- l'ordre chronologique et le rythme des activités.
Les matériels et les supports didactiques
.../... Le cas extrême d'absence de diversification pour cette variable peut être représenté par la référence exclusive à un manuel (une "méthode").
Partant de ce schéma on imagine l'étendue de l'éventail des possibles : si pour chacune des 11 variables examinées existent plusieurs modalités (il est facile d'en concevoir 4 ou 5 par variable) les combinaisons différentes sont très nombreuses ; si l'on envisage formellement la variabilité potentielle on assiste à une véritable explosion combinatoire.
Pour organiser les conditions d'apprentissage, l'enseignant fait des choix plus ou moins explicites. Il ne peut pas y échapper, le passage à l'action rend ces choix nécessaires. Il s'agit pour lui de réduire la variabilité potentielle pour organiser la variété réalisée. Se pose alors la question des critères de réduction. Une pédagogie fondée sur la coopération est parmi d'autres, une façon de réduire les possibles.
 
La coopération : une entrée par le choix des processus pédagogiques
 
.../... Situer l'enseignement et l'apprentissage dans les rapports sociaux de coopération c'est effectuer de façon prioritaire une sélection parmi les possibilités d'organisation des processus pédagogiques :
- les initiatives sont partagées entre enseignants et apprenants.../... Les élèves ne sont pas des exécutants.
- les initiatives sont aussi généralement partagées et négociées entre les apprenants.
- la dynamique de l'activité à l'école vient prioritairement des apprenants qui, placés en situation de projet personnel et collectif donnent sens à ce qu'ils font. Est écartée ou du moins peu fréquente la modalité impositive avec menace de sanction sur des critères relevant de façon exclusive de l'autorité magistrale.../...
La coopération crée un ensemble particulier de conditions d'apprentissage en agissant comme réducteur de la variabilité potentielle et organisateur de la variété réalisée. Ces conditions d'apprentissage en valent bien d'autres, établies à partir d'autres démarches sélectives ; il y a même lieu de penser qu'elles leur sont parfois supérieures.
On peut trouver dans la littérature scientifique plusieurs arguments en faveur de la coopération :
- reprenant de manière synthétique les travaux de psychologie sociale sur la comparaison entre conditions de coopération et conditions de compétition, J.M Monteil (1) rappelle qu'il semble avéré "que la coopération produit de meilleurs résultats sur les performances à une tâche que la compétition"..."contrairement aux structures de classes scolaires dites compétitives, la caractéristique essentielle de l'apprentissage coopératif tient au fait que le succès d'un élève contribue au succès de l'ensemble du groupe".
- lorsque la coopération crée "les conditions d'une interdépendance positive incluant la responsabilité individuelle" les activités cognitives se trouvent stimulées ; ces conditions fournissent à l'apprenant l'occasion de confronter ses points de vue à ceux de ses pairs (conflit socio-cognitif).
- l'interdépendance fonctionnelle des buts fait qu'en situation de coopération, "les élèves organisent cognitivement le matériel à apprendre de manière plus élaborée que lorsqu'ils sont amenés à le faire pour leur seul bénéfice".
 
N'écartons pas les problèmes
 
Après la présentation qui vient d'en être faite, nul ne doute de la pertinence de la coopération à l'école :
- le choix initial de modalités particulières (la coopération) sur les variables de processus pédagogique fonctionne explicitement comme réducteur-organisateur des modalités sur les autres variables ;
- les conditions d'apprentissage qui en sont issues prennent des configurations dont l'intérêt est conforté par les acquis des sciences humaines, en particulier de la psychologie sociale cognitive.
Tout est pour le mieux ; il resterait à développer la pédagogie coopérative pour le plus grand bien des écoliers.
Quelques questions méritent cependant d'être posées ; non pour attaquer cette fois la coopération mais pour prévenir toute dérive vers le formalisme ou, pire encore, vers le dogmatisme.
Je terminerai mon propos par ces questions auxquelles je n'apporterai pas de réponse, d'abord parce que je ne les possède pas, ensuite parce qu'elles relèvent d'une démarche qui appartient aux acteurs, à chaque praticien.
Si le choix de la coopération est exclusif des autres possibilités d'organisation des conditions d'apprentissage, tout un ensemble de variations est abandonné.../... Ne peut-on penser que des configurations issues d'autres choix que celui de la coopération sont, en certains cas, tout aussi pertinentes pour l'apprentissage ? Parce qu'il multiplie les possibilités de variation, l'éclectisme n'est-il pas aussi recevable que la fidélité à un seul principe organisateur ?
D'ailleurs, quel praticien soutiendrait que point par point, et sur toute la durée de sa présence auprès des élèves, il organise les conditions d'apprentissage en parfaite cohérence avec le choix initial de la coopération ?
L'enseignant agit en situation d'interaction fortement contextualisée, au point que les modalités de son action ne sont pas toujours décidées à priori mais construites dans une dynamique interactive.../... Sa démarche organisatrice des conditions d'apprentissage s'inscrit dans un réseau de tensions entre cohérence interne de l'action, cohérence externe et cohérence séquentielle :
- la cohérence interne suppose l'absence de contradictions entre les différentes modalités d'action simultanées de l'enseignant (son profil d'action en un temps "t") qui a choisi la coopération.
- la cohérence externe renvoie à la recherche d'adéquation entre les modalités d'action pédagogique et les réactions des élèves (qui peuvent ne pas réagir comme on pouvait s'y attendre aux conditions créées par la coopération) ou les contraintes et les ressources du lieu et du moment.
- la cohérence séquentielle tient aux enchaînements des différentes modalités d'action pédagogique dans le temps (d'une séquence à l'autre, d'un jour à l'autre, beaucoup de choses changent au point que l'ordre prévu initialement est remis en cause...).
L'enseignant est améné à chercher à se sortir d'affaire à l'intérieur de ce réseau de tensions inévitables ; l'idéalisation d'une pédagogie fondée sur la coopération est fort utile : elle donne un point de mire ; mais elle est tout aussi dangereuse car elle conduit au refus dogmatique des contradictions pourtant présentes et riches de potentialités.
Marc Bru
 
(1) J.M Monteil Comparaison sociale, coopération, compétition. In J. Houssaye La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd'hui, Paris, ESF, 1993
 

 

Lecture : des fichiers pour les CM et le collège

Mars 1995

LECTURE :

DES FICHIERS POUR LES CM
DES OUTILS DE REMEDIATION POUR LE COLLEGE
 
 
La lecture est recherche de sens.
D'autre part, il n'y a pas un seul mais plusieurs types d'écrits.
Il est donc indispensable que l'enfant soit confronté à ces différents
types de textes afin qu'il apprenne à adapter sa stratégie de lecture
en fonction de la nature du message écrit.
 
Abordées dès les premiers apprentissages (cf. les fichiers de lecture
niveaux 0, A et B précédents), ces démarches doivent être
approfondies dans la perspective de l'entrée prochaine au collège.
Les exigences de l'école étant de savoir
      - saisir l'essentiel d'un texte,
      - prélever des informations ponctuelles,
      - accéder à une compréhension fine d'un écrit.
C'est ce que nous proposons dans les fichiers de lecture C et D.
 
Pour être sûr que ces outils répondraient bien aux nécessités de la
transition entre école élémentaire et collège, leur mise au point a été
confiée à une équipe constituée d'enseignants du primaire et du
secondaire de l'ICEM (*), et leur expérimentation s'est faite dans des
classes de CM et de collège.
                                                    (*) ICEM : Institut coopératif de l'Ecole moderne - pédagogie Freinet 
 
Nos intentions pédagogiques
 
Remarque préalable :
Il convient tout d'abord de définir la place de ces fichiers dans l'ensemble des situations de lecture proposées aux enfants.
 
Dans une classe vivante, ouverte sur son environnement, les situations de communication et de lecture sont permanentes.
Citons : diverses formes possibles de correspondance (lettres, télématique, télécopie,etc.) ; lecture recherche documentaire (BCD et/ou coin doc. de la classe) ; lecture de la presse ; lecture-action : recettes de cuisine, fiche techno. et notices diverses ; lecture de cartes, schémas, tableaux ; lecture de romans (individuelle ou en groupe), de textes littéraires, de poésies, etc.
 
Comme on le voit, le fichier n'est pas l'outil unique ! Mais on notera qu'il permet justement des entraînements bien utiles pour aborder dans de bonnes conditions les lectures en situation.
 
Objectifs des fichiers
 
Premier objectif visé
apprendre en devenant autonome. Car l'autonomie ne se décrète pas ! C'est une conquête progressive qui sera ou non favorisée par les formes d'organisation de la classe et par les outils pédagogiques mis à la disposition des enfants.
Ces fichiers de lecture sont conçus pour être utilisés lors des moments de travail individualisé ou de groupes et dans le cadre d'ateliers de lecture (voir description p...).
 
Deuxième objectif
 donner à l'enfant la possibilité de s'exercer à diverses techniques de lecture.
Ce qui lui permettra :
- d'adapter ses stratégies personnelles aux supports d'écrits qu'il rencontrera et à ses projets ;
- de structurer ses propres capacités à agir, expliquer, raconter, déduire, comparer, critiquer...
 
Ces fichiers utilisent donc, d'une part, des supports de lecture que l'on rencontre dans la vie de tous les jours : dépliants publicitaires, fiches techniques, divers courriers, pages de magazines, textes documentaires, tableaux ... tous types d'écrits sociaux.
On trouvera d'autre part, de nombreux extraits empruntés à la littérature de jeunesse et à divers textes littéraires : romans, contes, textes poétiques...
 
Le lecteur abordera, de ce fait, les deux types de lecture qui seront les plus fréquemment utilisés au collège : la lecture intégrale et la lecture recherche.
 
A partir de ces supports très diversifiés, les fichiers C et D développent ainsi des compétences indispensables à l'élève de CM. Compétences présentée dans le tableau ci-dessous :
 
Objectifs
Des fichiers qui permettent…
Mise en oeuvre
de formuler des hypothèses de sens
- par rapprochement de textes voisins,
- par mise en relation de notions semblables,
- par choix de mots-clés,
- par l’adaptation.
- remettre un texte en ordre,
- repérer un intrus ou une idée inutile,
- mettre ensemble des éléments semblables.
d’analyser un texte, de synthétiser une idée
- par repérage des indices graphiques, lexicaux, sémantiques,
- par comparaison,
- par sélection.
- lire des données,
- repérer, trier, utiliser une information,
- vérifier si une idée émise est exacte,
- deviner le sens d’un mot inconnu.
d’anticiper par un raisonnement par inférences
- par choix de mots-clés,
- par l’adaptation aux diverses formes d’écrits.
- coder ou décoder un texte,
- choisir un mot-clé,
- déchiffrer une image,
- lire rapidement un tableau,
- mettre en relation texte et symbole.
 
d’apprendre à imaginer
- par transformation du discours en images mentales (création, production).
 -inventer d’autres textes.
 
 
Description des fichiers
 
Travail individualisé et autonomie
 
Pour favoriser l'autonomie nous avons prévu un dispositif de gestion à la disposition des enfants et de l'adulte. Les deux fichiers sont présentés suivant le même schéma :
 
1. Un tableau récapitulatif compétences/types d'écrits.
Il permet de s'orienter à l'intérieur de chaque fichier.
Il peut servir de référent à l'enfant qui prend ainsi en compte ses apprentissages de façon active et raisonnée.
Il permet un choix dans les supports de lecture, les techniques à mettre en oeuvre, les compétences à acquérir.
Il offre à l'enseignant la possibilité de diriger tel enfant vers telle fiche en fonction de ses difficultés. Ces fichiers peuvent donc être aussi utilisés comme outil de remédiation (Ils sont
d'ailleurs souvent employés dans ce but au collège).
 
2. Des grilles "plan de travail" pour chaque enfant.
Elles permettent à celui-ci de consigner facilement et rapidement ses réponses. Ceci évite un travail écrit souvent trop important (ne nous trompons pas d'objectifs : il s'agit de fichiers de lecture !). Elles aident l'enfant à se repérer : en sachant sur quelles fiches il a déjà travaillé et lesquelles restent à faire.
 
3. Une grille "correction" (en deux exemplaires pour faciliter les manipulations) : elle est utilisable par l'élève (choix d'une démarche d'autocorrection) et/ou par l'adulte.
 
4. Un système d'aide.
Ce système a pour but de permettre à l'enfant de surmonter une difficulté ponctuelle (mot difficile, problème de compréhension d'une consigne, etc.).
Il se présente sous deux formes :
- soit sous forme de note en bas de fiche,
- soit sous forme d'un renvoi à une fiche spéciale "aide" se trouvant en fin de fichier. L'aide possible étant signalée sur la fiche de travail par un logo (joker). C'est délibérément que sont employés ces deux systèmes d'aide, pour habituer les lecteurs aux notes de bas de pages et aux lexiques.
 
Cependant, et pour encourager aussi l'usage des dictionnaires (outil d'autonomie par excellence), ce dispositif d'aide demeure léger.
 
Divers types d'écrits
 
"A partir du cycle III, on augmente progressivement les exigences tant du côté des types de textes concernés que de celui des connaissances évoquées par le texte."
                                                                La maîtrise de la langue à l'école
                                                                (Ministère de l'Education nationale,
                                                                co-édition CNDP/Savoir Lire)
 
Il s'agit de permettre l'accès à des lectures toujours plus diversifiées et plus élaborées. Avec comme souci d'élargir ainsi le champ des compétences des enfants.
 
Divers types d'écrits sont ainsi proposés :
 
- écrits narratifs et descriptifs : récits relatant des expériences réelles ou du domaine de l'imaginaire (contes),
- écrits codés divers : plans, cartes, schémas, souvent en relation avec des textes scientifiques et techniques,
- écrits prescriptifs : modes d'emploi, consignes diverses, 
- écrits argumentatifs : incitant à la réflexion sur divers problèmes moraux, de société ...
- écrits documentaires : quelques fiches seulement car nous proposons par ailleurs des outils entièrement consacrés à la lecture recherche documentaire,  
- textes poétiques, d'humour...
 
Pour chacun de ces types de textes, le fichier propose des activités qui mettent en jeux les diverses compétences que l'on souhaite développer :
- formuler des hypothèses de sens,
- analyser un texte,
- anticiper
- imaginer
 (voir tableau ci-dessus). 
 
Remarque : une activité intéressant pour les enfants consiste à rassembler d'authentiques écrits sociaux afin de créer à leur tour des fiches pour leurs camarades. Celles-ci viendront enrichir le fichier de base.
 
Utilisation des fichiers
 
les ateliers de lecture en CM
 
L'emploi de ces fichiers s'inscrit parfaitement dans une organisation de classe en ateliers, où un groupe réduit d'enfant les utilisera, à des niveaux et à des rythmes personnels.
 
"L'atelier fichier" est proposé parmi plusieurs autres ateliers de lecture-écriture, dans une plage prévue à cet effet dans la journée.
Suivant le type d'organisation de la classe, l'accès aux ateliers se fera sous forme de passage par roulement d'équipes constituées au préalable ou sera géré en réunion coopérative, les enfants ayant d'autre part un contrat de travail personnel (voir encadré ci-dessous).
 
Les divers ateliers souvent cités par les enseignants des CM sont les suivants :
- coin fichiers,
- coin bibliothèque (lecture libre : album, roman, poésie, etc.),
- coin écoute/lecture avec livres-cassettes : contes, poésies, documentaires (1),
- lecture recherche documentaire avec fiche-guide (supports : BTJ, BT, albums et sources diverses),
- préparation d'une revue de presse (outils : journaux et fichier Presse des PEMF),
- coin ordinateur : saisie informatique de textes pour la création d'albums, pour le journal scolaire, etc.
 
Les enfants en difficulté de lecture, ou qui ne seraient pas familiarisés avec le travail individualisé, pourront utiliser d'abord les fichiers précédents de la gamme des fichiers de lecture PEMF.
 
Un exemple d'organisation du travail individualisé en CM1 CM2
Classe d'Eric Joffre, école publique de Satillieu (07).
 
tous les débuts d'après-midi, travail individualisé dans les matières suivantes :
poésie : choisir une poésie, la copier et l'illustrer
bibliothèque : noter les références du livre lu, écrire quelques lignes à son sujet
texte libre : écrire un texte à partir d'une expérience personnelle ou d'une fiche d'incitation
lecture : à l'aide des fichiers PEMF
orthographe, conjugaison : correction individuelle de la dictée et/ou fichiers auto-correctifs PEMF
(voir ci-contre la fiche-bilan).
 
La rubrique "ateliers" correspond à des plages décloisonnées se déroulant les lundis et jeudis après-midi pendant une heure (les enfants du CE2 au CM2 sont répartis en trois groupes qui changent d'activité chaque semaine).
 
Les fichiers au collège
C. Mazurie, professeur de collège, nous explique les diverses forme d'utilisation possibles du fichier D. (1)
 
Ce fichier est modulable selon les conditions matérielles, le niveau des élèves et le projet pédagogique de l’enseignant. De l’utilisation collective guidée par l’enseignant au choix personnalisé avec autocorrection, cet outil permet l’accès progressif à une autonomie dans le travail. Voici quelques exemples :
- Pour la classe entière, le professeur choisit une fiche selon l’objectif de lecture qu’il se donne (recherche rapide d’informations, lecture de tableaux, mise en relation de deux ensembles, etc.). Il est aidé dans son choix par le tableau « compétences/types d’écrits » accompagnant le fichier. Il fait travailler la classe entière en recherche/confrontation d’hypothèses. Cette activité est utile pour sensibiliser les enfants à une compétence de lecture particulière, ou tout simplement pour initier la classe au fonctionnement du fichier, en début d’année.
- Avec un groupe, en atelier, le professeur choisit des fiches qui font travailler le même type d’écrits (par exemple, les écrits argumentatifs ou les récits) ; cette activité peut offrir un mode de remédiation, puisqu’il s’agit de retravailler d’une autre façon la même compétence. On peut l’envisager dans le cadre des heures de soutien ou d’heures d’action lecture, ou même dans le cadre d’apprentissages méthodologiques interdisciplinaires.
 
- En travail individualisé ou personnalisé, pendant un heure consacrée à ce type de travail, chaque enfant a son propre plan de travail, qui peut comporter de l’orthographe (voir fichiers pemf), de la conjugaison, de la lecture et/ou de l’écriture. On peut donner à la classe une sorte de contrat de travail, modulable selon les forces de chaque individu. L’essentiel est que chacun puisse organiser son travail comme il l’entend, le corriger tout seul, et l’évaluer pour adapter le plan de travail suivant à son évolution.
 
- On peut enfin proposer aux enfants de fabriquer d’autres fiches sur le même modèle, ce qui est à la fois activité de lecture et d’écriture.
 
L’avantage essentiel d’un fichier comme celui-ci, c’est sa grande souplesse d’utilisation. Visant surtout, au collège, les classes de 6ème et 5ème, il est encore utilisé au-delà, dans des groupes de remise à niveau.  
 
 
 
(1) De nombreux professeurs utilisent aussi le fichier C, voire le B2, avec leurs élèves en difficulté de lecture.
 
Dossier préparé par JC Saporito
Documents utilisés : Chantier-Outils et Secteur second degré de l'ICEM.
 

 

En route vers un monde virtuel

Mars 1995

Au début était la Terre...

La Terre, plate puis ronde, le jour où les scientifiques le découvrirent et où les religieux le permirent.
Puis les communications offrirent à l'homme les échanges et la connaissance de son monde en renforçant ses racines et en enrichissant sa mémoire.
Demain mais aujourd'hui déjà, un monde d'écrans, un monde à l'écran, un monde écran ? Il suffira bientôt, il suffit déjà d'établir quelque connexion pour avoir accès au monde ...mais à un monde de plus en plus souvent virtuel.
Images virtuelles, Internet, war game, guerre du Golfe, mêmes valeurs ?
Et déjà, images de synthèse créatrices d'un monde de violence, de rêve, d'horreur ou de plaisir... d'un monde qui n'aura que peu à voir avec Le monde, le vrai, celui dans lequel on naît, on vit, on rit ou on pleure, on aime aussi.
Chaque avancée scientifique ou technique a toujours généré des inquiétudes quant aux dérives possibles. Le danger n'est pas inhérent à l'objet, mais à l'homme qui risque d'aliéner sa mémoire, son passé au profit du Nouveau.
L'un des principes de la Pédagogie Freinet est de baser ses pratiques sur la vie, à laquelle on ouvre les portes de la classe pour y ancrer les apprentissages. A la suite de C. Freinet, nous intégrons les technologies nouvelles.
Il a introduit l'imprimerie à l'école, pour valoriser l'expression des enfants, puis le cinéma, le magnétophone. Nous leur offrons aujourd'hui la vidéo et l'ordinateur,le minitel la télécopie et leurs réseaux de communication...
Il s'agit non seulement d'apprendre à utiliser l'objet mais de mieux le connaître et ainsi de le démystifier en le considérant simplement comme un outil parmi les outils.
 
Face à un avenir plus qu'inquiétant, nous devons "entrer en résistance" et ne pas oublier les "fondamentaux" : ouvrir sur la vie par la connaissance du milieu, permettre l'accès à l' expression libre, organiser l'apprentissage de l'autonomie... former l'esprit critique et permettre sa mise en oeuvre, seuls garde-fous face à toute confiscation de la raison.
 
                                Nicole Bizieau
                                présidente de l'ICEM 
                                février 95.