Comment envisager l’éducation sinon comme objet d’étude à revisiter sans cesse, pour considérer la complexité du monde, ses réalités et ses fantasmes ? Si l’espoir d’une vitalité intacte existe, c’est la jeunesse qui le porte et c’est à nous,enseignants et militants pédagogiques pour une école populaire,qu’il revient de le préserver,déjouant ainsi les discours mensongers annonciateurs de fatalités toute stratégiques, à la botte d’un ordre économique tout-puissant.
Comment, alors, faire s’exprimer la vie où réside la complexité (« première loi » de l’Essai de psychologie sensible de Freinet), sinon en s’appuyant sur les principes fondamentaux de la pédagogie Freinet : expression, coopération et individualisation, tâtonnement expérimental, matérialisme pédagogique ?
Depuis longtemps, les activités de formation et d’éducation que propose le système éducatif ont pour visée première la recherche d’une adaptation du plus grand nombre à son environnement immédiat. Il s’agit de former des adultes rentables et soumis, autonomes mais dociles (en excluant les individus non-conformes), et sans aucun respect des capacités et de l’intelligence créatrice des individus. L’ICEM veut au contraire aider les jeunes à devenir capables de réfléchir sur le monde en réfléchissant sur eux-mêmes.
Le chemin qui conduit l’enfant à l’adulte à venir est différent pour chacun ; on ne peut le planifier en dehors de l’intéressé lui-même, ni le calquer sur les seules Instructions Officielles. Simplifier ne permet pas d’apprendre mieux. Les disciplines figées dans un emploi du temps programmé ne permettent pas d’appréhender la globalité des connaissances. Et laisser l’« enfant » à la porte de l’école pour n’accueillir que l’« élève » est en contradiction avec la volonté affichée de la réussite pour tous. Les praticiens-chercheurs de l’ICEM oeuvrent pour une école qui favorise la confrontation avec les situations de la vie réelle et créent les outils pour aider à en appréhender la complexité. Les enfants, les adolescents apprennent à négocier avec l’incertitude, à gérer le temps, à s’auto-organiser et deviennent auteurs de
leurs apprentissages.
« Appréhender la complexité du monde : cohérences de la pédagogie Freinet » :le thème du congrès 2005 de l’ICEM est un défi que nous voulons relever. Il s’agit pour nous de montrer que, au regard des outils actuels des sciences de l’éducation, nos pratiques permettent aux enfants de s’impliquer dans la construction du monde de demain, le leur, plus juste et plus humain. Elles ne laissent pas sur le bord de la route les enfants écartés par un système éducatif à courte vue.
Ce congrès, dans la continuité des précédents, est marqué par l’ouverture à une coopération avec des chercheurs. En élaborant une méthodologie qui permette de confronter précisément nos travaux à ceux du monde de la recherche éducative, nous pourrons définir des champs de travail avec la perspective d’une analyse plus fine de nos pratiques pédagogiques. Nous en attendons bien sûr un bénéfice dans notre exercice quotidien et sa compréhension, pour le mouvement Freinet lui-même et pour tous ceux que notre réflexion et nos pratiques intéressent.