La paix, une idée neuve ?

Février 1994

Le Nouvel Educateur n°56, février 94                            éditorial
 
 
Nous ne sommes pas en mesure d'arrêter les industries de guerre, mais nous avons un grand pouvoir : celui de l'éducation, qui peut apporter un changement dans les mentalités.
 
Un vocabulaire guerrier est employé sans cesse dans la vie quotidienne. Telle chaîne commerciale se baptise « Atac ». Les reporters sportifs utilisent de plus en plus des métaphores guerrières. N'a‑t‑on pas récemment parlé de « guerre des écoles » ? La télévision, le cinéma n'hésitent pas à entretenir le bouillon de culture de l'agressivité. Non en relatant des informations sur les conflits du monde, ce qui est indispensable, mais en banalisant les scènes de violence dans les films, les « reality show »...
 
A la violence des mots, à la violence des images, des sons, des attitudes, des actes, opposons une éducation « positive » :
 
‑ en employant un vocabulaire et un ton pacifistes,
 
‑ en demandant, dans nos communes, la réforme des monuments aux morts en monuments à la paix. Quelques‑uns existent déjà. Un appel aux maires de France, rédigé par nos élèves un 8 mai, un 11 novembre, un 13 mai... les dates commémoratives ne manquent pas, et les élections municipales approchent...
 
‑ en apprenant à formuler les règles de vie, généralement traduites en termes d'interdits, en termes d'habitudes positives Il est permis de... il est recommandé... » plutôt qu' « il est interdit de... » ;
 
‑ en militant pour que le travail soit mieux partagé, qu'il soit avant tout celui des savoir‑faire, des compétences complémentaires ;
 
‑ et bien sûr en mettant en place, jour après jour, simplement, dans la classe, des techniques de vie coopérative induisant une éducation à la paix. C'est ce que nous avons développé dans ce numéro « spécial paix » du Nouvel Éducateur.
 
Nous avons le pouvoir de changer les systèmes de valeur par nos pratiques édu­catives. Nous avons le devoir d'en user dans une société sclérosée parce qu'agressive, oppressive, individualiste. Nous glisserons ainsi d'une fatalité guerrière à des habitudes nouvelles de solidarité.
 
Ces valeurs sont du domaine de la laïcité.
 
En éduquant à la laïcité, on éduque à la paix : loin d'être un « débat du Moyen Âge », c'est un horizon d'avenir pour le monde.
 

Nicole Bizieau

Présidente de l'ICEM