Le Nouvel Educateur n° 43

Novembre 1992

 


Une semaine d'étude de la langue

Novembre 1992

De la boîte de conserve au jardinage

Novembre 1992

Communication télématique à l'école

Novembre 1992

Une classe Freinet au lycée

Novembre 1992

Ecriture-lecture : petit détour fantasque par la littérature d'Italo Calvino

Novembre 1992
Ecriture‑lecture : petit détour fantasque par la littérature d’Italo calvino
 
Voici pour les lecteurs du Nouvel Educateur qui se sentent de plus en plus concernés par le problème de l'écriture‑lecture, un petit détour fantasque par la littérature pleine d'humanité souriante et distanciée d'Italo Calvino,
 
Incitations à la réflexion
 
Celui qui ne connaît pas son passionnant roman intitulé «Si par une nuit d’hiver un voyageur » se prive d'un grand moment de détente, de bonheur et de pistes de réflexion tout à fait riches sur les comportements des différents lecteurs,
 
Ces pistes sont en marge de toute arrière pensée didactique et, par cela même, encore plus séduisantes, plus dérangeantes dans leur approche naturelle.
 
Bien sûr le lecteur court le risque espéré (?), comme dans toute lecture de roman, d'être distrait de sa condition et de réveiller en lui des chemins et des espaces de liberté souvent enfouis sous les habitudes et les préjugés.
 
Toute situation irréaliste du roman est développée par l'auteur d'une façon implacablement réaliste et implacablement logique, Italo Calvino construit des réseaux à entrées multiples et ses histoires à tiroirs sont d'une subtilité extrême. Sa fantaisie, son imagination, cette « mécanique du charme » ‑ (au sens fort du XVIIe siècle) ‑ analysée par Roland Barthes au cours d'un entretien à France-Culture ‑ séduiront le lecteur disponible. Devenu le principal personnage du roman, après être entré dans le tout petit monde des éditeurs, des imprimeurs, des universitaires, des traducteurs, des nègres, des plagiaires, des archivistes, des bibliothécaires, des ordinateurs..., le lecteur averti et pédagogue en attente, se retrouvera, au dernier chapitre, à une table d'une bibliothèque autour de laquelle sept lecteurs partagent leurs démarches d'entrées et de rapports avec la lecture.
 
Gageons que ces quelques extraits sont déjà riches d'incitations à réflexion :
 
‑ « Quand un livre m'intéresse vraiment, je n'arrive pas à le suivre pendant plus de quelques lignes sans que mon esprit, pour avoir capté une idée que le texte lui propose, on un sentiment, on une interrogation, on une image, prenne la tangente et rebondisse de pensée en pensée, d'image en image. »
 
‑ « La lecture est une opération discontinue, fragmentaire […] Dans l'espace étale de l'écriture, l'attention du lecteur distingue des segments minimaux, des rapprochements de mots, des métaphores, des noyaux syntaxiques, des transitions logiques, des particularités lexicales, qui se révèlent porteurs d'un sens extrêmement concentré [...] Je relis et je relis, cherchant chaque fois entre les plis des phrases la preuve d'une découverte nouvelle. »
 
« J'éprouve moi aussi le besoin de relire les livres que j'ai déjà lus, mais à chaque relecture, il me semble lire pour la première fois un livre nouveau. Est‑ce moi qui continue à changer et qui vois des choses nouvelles dont je ne m'étais d'abord pas aperçu ? On bien la lecture est‑elle une construction qui prend forme en rassemblant un grand nombre de variables, et ne peut se répéter deux fois selon le même dessin ? "
 
‑ « Si vous voulez insister sur la subjectivité de la lecture, je peux être d'accord avec vous, mais non dans le sens centrifuge que vous attribuez à la chose. Chaque nouveau livre que je lis vient s'insérer dans le livre complexe unitaire, qui forme la somme de mes lectures. »
 
- « Pour moi aussi tous les livres aboutissent à un unique livre, mais il s'agit d’un livre situé loin dans le passé et qui émerge à peine de mes souvenirs. Dans mes lectures, je ne fais que rechercher ce livre lu dans mon enfance mais ce dont je me souviens est trop peu pour que je puisse le retrouver. »
 
- « Le moment le plus important à mes yeux c'est celui qui précède la lecture. Parfois le titre suffit pour allumer en moi le désir d'un livre qui peut‑être n'existe pas, "
 
- « Pour moi au contraire, c’est la fin qui compte, mais la fin véritable, ultime, cachée dans l’obscurité, le point d’arrivée ou le livre veut vous conduire. »
 
Gourmandises de lecture
 
A la parution de ce roman qui m'avait fait m'évader de mes fiches de travail autonome rigoureusement élaborées, j’avais proposé à toutes mes classes de collégiens de prévoir, pour certains romans, une petite communication de cinq minutes maximum où chaque lecteur se laisserait porter par la piste qui l'aurait le plus touché, le plus ému, le plus révolte, le plus interpellé.
 
A titre d'exemples, en cinquième, à propos de « L enfant qui disait n'importe quoi » d’André Dhôtel, un adolescent avait emprunté la piste du « regard », alors qu'un autre avait choisi «  le style » de l'auteur, Dans « L’enfant » de Vallès, les grilles d'approches des élèves ont été multiples : la conquête de la liberté, la recherche du bonheur, le langage des vêtements, le souvenir de l'enfance et de l'adolescence, la difficulté de grandir, les parents, la délivrance, la découverte et les apports de la lecture.
 
Toutes ces pistes confrontées, soutenues d'extraits mémorisés, lancés au moment choisi, d'une place choisie dans l'espace‑classe, ont créé des moments forts. Les adolescents ont imaginé beaucoup de variantes personnalisées de cette communication et, dans les pages memento de leur classeur de français, ils avaient décidé d'intituler ces feuillets : « Gourmandises de lecture » !
 
Quant au dernier chapitre de « Si par une nuit d'hiver un voyageur », il fut, après lecture, riche d'échanges dans les groupes de la classe de troisième et le miroir infini de démarches individuelles.
 
Quelles que soient les attentes du lecteur de ce livre, il est vraisemblable que, par le truchement du roman, s'établisse assez de complicité entre lui et Italo Calvino pour qu'il découvre une multitude de pistes... « parce qu'écrire, c'est toujours cacher quelque chose de façon qu'après on le découvre. »
 
Janou Lèmery
 
« Si par une nuit dhiver un voyageur » d'Italo Calvino Collection Points, Editions du Seuil.
 

 

 

Fichiers de lecture, apprentissage et autonomie

Novembre 1992

 



La pédagogie Freinet n'a pas de frontières

Novembre 1992
Roumanie: l'ICEM se mobilise et réagit pour une aide pédagogique et matérielle.

 

Russie : un stage très suivi vient d'être réalisé.

 

Bulgarie : des camarades apportent leurs compétences à la réflexion pédagogique.

 

Rencontre internationale des enseignants Freinet (RIDEF 92) : plus de trente pays représentés à la rencontre de juillet à Poitiers.

 

Sénégal : des clubs Freinet se créent un peu partout et une formation se met en place.

 

Chine : des documents sont envoyés pour une information qui sera suivie d'effet.

 

Guerre du Golfe : l'ICEM s'adresse par télégramme aux chefs d'État pour réclamer la paix avant tout.

 

Et Sarajevo ? Et les Somalies ?

 

Que pouvonsnous faire pour ces enfants de Sarajevo qui sont aujourd'hui sous les bombes et qui vivent dans les conditions les plus atroces ?

 

Qu'allonsnous faire, nous, en tant qu'éducateurs pour arrêter le massacre des Somaliens ?

 

Quels sont les moyens dont nous disposons pour que cessent des situations aussi inhumaines ? Comment réaliser une éducation humaniste à l'échelle mondiale car c'est bien de l'éducation de l'humanité dont il est question ?

 

Si nous ne pouvons, aujourd'hui, troquer nos bâtons de craie contre des bazookas d'intimidation capables de ramener à la paix les belligérants et si, aujourd'hui, de la place que nous occupons, nous ne pouvons hélas pas grand chose dans les chocs qui nous dépassent, nous avons la possibilité cependant de faire, ici et maintenant, avec et pour les enfants qui seront les hommes de demain, une école pour former des hommes à l'esprit libre et tolérant pour que disparaissent enfin les Bogota, les Somalies et les Sarajevo,

 

Les questions sont posées, elles méritent qu'on s'y arrête et que l'on oeuvre pour qu'une véritable éducation à la Paix puisse être efficiente.

 

André Mathieu

Comité directeur de l'ICEM