La coopération

Février 1993

" Pourquoi, à l'école, habituer et former les enfants à la coopération quand c'est la jungle à l'extérieur ? »

 
Combien de fois avons‑nous entendu ce reproche à peine voilé ? Combien de fois nous a‑t‑il troublé, interrogé ?
 
Bien‑sûr nous savons ce que la coopération apporte pour les apprentissages. Edmond Lèmery dans un récent numéro du Nouvel Educateur a montré que la coopération porte en elle tous les éléments d'un conflit socio‑cognitif efficace parce qu'exempt d'agressivité et de compétition.
 
Nous sentons, ressentons, pressentons ce qu'elle apporte aux enfants sur le plan des rapports humains.
 
Nous observons le rôle du groupe qui permet l'expression et l'affirmation des personnalités.
 
Mais il faut tordre le cou à ce procès d'intention injustifié, à cette critique sournoise.
 
Non, la coopération n'est pas un bain fusionnel heureux qui désarmerait les enfants lorsqu'ils sont au dehors, lorsqu'ils sont dans la " jungle " de la société actuelle. Si l'adulte, le MAITRE abandonne volontairement son rôle omniprésent, omniscient et omnipotent, ce n'est pas sans conséquence.
 
Si la coopération et l'esprit coopératif sont bien liés au devoir de respecter l'autre, de le traiter comme son « égal », de ne pas le dominer, l'exploiter, ils impliquent réciproquement les mêmes exigences par rapport à soi.
 
La coopération, c'est donc aussi la volonté d'être respecté, d'être l'égal des autres, le refus de la soumission et de l'exploitation.
 
La coopération, c'est aussi l'exigence du respect de ses droits, vis‑à‑vis des autres comme vis‑à‑vis de l'autorité. Coopérer, c'est rappeler la règle quand c'est nécessaire et exiger la même pour tous.
 
La coopération, c'est l'apprentissage du conflit socio‑cognitif, mais c'est aussi l'apprentissage du conflit social.
 
Coopérer, c'est prendre conscience de la «  valeur » de l'autre et de la sienne c'est respecter les droits des autres mais aussi faire respecter les siens. La coopération, c'est donc «  apprendre à dé‑battre, à ne pas se laisser faire, à se battre ».
 
La coopération permet à chaque enfant de cultiver son esprit critique, et, progressivement de prendre conscience de ses droits et d'exercer sa responsabilité.
 
Et ce n'est pas si mal pour affronter le monde.
 
Jany Gibert
Responsable du secteur Français de l'ICEM