L’art de la FRESQUE entre au lycée

Novembre 2005
 

Créations n°119 - Projet de classe - novembre 2005

Lycée Chrétien de Troyes,Troyes (Aube) - Enseignantes : Dominique Sabroux (Histoire-géographie), Marie-Noëlle Lemarchand (biologie), Martine Florent (Éducation physique - Intervenant : Jean-Jacques Jolinon, fresquiste

  

 

L’art de la FRESQUE entre au lycée

 Un projet d’équipe porteur d’ouvertures multiples

 

Une expérience décisive

En mai 1999 : nous avons pratiqué l’Europe à notre échelle, en apprenant à vivre avec une classe italienne et une classe allemande. Les 27 élèves d’une classe de seconde allaient, pendant 15 jours, être immergés au Centre de culture européenne de Saint Jean d'Angély, dans un bain culturel, artistique et historique. Il s’agissait de mettre en évidence les racines communes de nos trois pays, à l’époque médiévale. Parmi les différentes activités, les élèves ont été initiés par Jean-Jacques Jolinon à l’art de la fresque. Ils ont réalisé avec beaucoup d’enthousiasme une fresque reproduisant l’arche de Noé de l’église romane de Saint Savin (patrimoine mondial de l’UNESCO), et une fresque pour le lycée représentant quelques scènes de la Tapisserie de Bayeux.

Un projet de fresque sur les murs de la ville

Il est né de cette première expérience. Nous avons exposé nos intentions à la Municipalité de Troyes, qui ne nous a pas découragés et nous a proposé de revenir avec un projet structuré.
Les élèves avaient jeté leur dévolu sur un mur bordant un hôtel Renaissance, l’hôtel Juvénal des Ursins.
Nous trouvions, certes, ce mur séduisant, mais un projet, ici, au coeur même de notre ville, nous semblait un rêve inaccessible.
C’est alors que M.Gilet, président du Centre d’Etudes médiévales, organisateur du mois médiéval à Troyes, nous apprit l’existence d’un tableau au Musée National du Moyen-Âge des Thermes de Cluny, représentant la famille Juvénal des Ursins, dont une copie se trouvait dans l’Aube, dans le village de Trainel.
Notre rêve allait s’incarner en Jean, Guillaume, Jeanne, Eudes, les prestigieux propriétaires de l’hôtel bordant « notre » mur.

A la rencontre de l’histoire locale

Non seulement nous allions pouvoir « fresquer », mais en plus, les troyens et les touristes allaient pouvoir en profiter, et surtout nous allions en savoir plus sur ce bel édifice, et sur quelques uns de nos illustres ancêtres, qui allaient nous révéler, c’était sûr, un peu de l’histoire locale, un peu de notre histoire...
Les responsables et les élus, que nous rencontrâmes ensuite, en mars, avec Jean-Jacques Jolinon, furent séduits par le projet. Ils nous accordèrent leur confiance, ainsi que l’assurance de nous aider à réaliser ce projet par la mise en place d’un support capable de recevoir des enduits de chaux.

Un calendrier pour organiser le travail

Fresque vient de a fresco : peindre sur un enduit frais, enduit constitué de chaux éteinte et de sable. Les couleurs appliquées sont des pigments naturels compatibles avec la chaux, simplement délayés dans de l’eau pure. Ainsi, on ne peut appeler Fresque toutes sortes de peintures murales, comme celles réalisées à la détrempe, à la tempera, à l’huile, à l’encaustique, à l’acrylique…

Préparation des enduits sable/chaux

Les impératifs de cette technique sont multiples :

- la palette de couleurs est réduite car la chaux n’admet que les pigments de terre naturelle et « mange » tout autre pigment.
- chaque journée de fresque est déterminée par l’état d’avancement de séchage de l’enduit chaque jour préalablement posé, ce qui limite à quelques heures le temps d’exécution de l’empreinte puis de la pose de la couleur.
- les formes doivent donc être simplifiées à l’extrême, épurées.

Quant à nous, il ne nous restait plus qu’à :
- nous entraîner à peindre le tableau, à l’aquarelle pour tester les effets de transparence, les zones ombrées, les “ réserves ”; chacun devant posséder « son » personnage sur le bout des doigts,
- mettre sur pied des équipes roulantes,
- élaborer un document d’information destiné à l’administration, aux CPE, aux enseignants de la classe, aux parents, aux commerçants de la rue Champeaux,
- veiller à ce que nos élèves soient assurés même sur un échafaudage,
- rédiger des autorisations parentales,
- rassembler le matériel : la mairie, en nous fournissant l’échafaudage, l’eau et l’électricité nous aida beaucoup...
- commander les pinceaux en poils d’oreilles de boeuf, les platoirs de lissage, ainsi que les pigments de terres d’ocre et de Sienne,
- rassembler les matériaux : la chaux bien sûr, mais aussi le sable, du sable sec mais lavé et surtout silicieux et non calcaire.

Un enthousiasme contagieux

Que dire de ces 6 jours quasiment hors du temps, où une bande de jeunes dépoussiéra le vieil hôtel Juvénal et y installa son matériel , sous le regard interloqué, puis souvent amusé, des passants…
Que dire de leur entrain à mélanger le sable, l’eau et la chaux, transporter des sacs, des seaux, des planches, nettoyer et ranger méthodiquement les outils...
Que dire de ce rythme tantôt frénétique, tantôt stoppé pour laisser à la chaux le temps d’incruster l’enduit sur son support...
Que dire de ces instants sacrés de rencontres avec les Troyens de souche, d’adoption ou d’occasion, qui souvent s’émerveillaient à voix haute et se racontaient, spontanément...

Les élèves, redécouvrant la tradition orale, colportaient ce qu’on leur avait dit, répondaient aux questions sur la technique de la fresque, parlaient de ce que notre enquête, menée sur la 

Chantier collectif à l’Université technologique de Troyes

piste des Jouvenel/Juvénal nous avait appris, de Troyes à Paris en passant par Poitiers.

 Nous avons vu des élèves perdre cette passivité que l’on déplore souvent en classe. Ils se sont révélés courageux, volubiles, à la fois désireux de partager ce qu’ils faisaient, et à l’écoute de ce que tel ou tel, âgé le plus souvent, allait leur apprendre, mais aussi silencieux, très concentrés, quand leur tour venait de poser, lisser, strier l’enduit, déposer des pigments.

Un projet dans la durée

Ouverture des ateliers « fresque » aux écoles maternelles

Depuis 1999, un parcours culturel et artistique pour une trentaine de lycéens de chaque année scolaire se poursuit au lycée Chrétien de Troyes.
Voici quelques jalons de ce parcours :
- en 2001 : réalisation, pour le nouveau Centre d’Etudes Médiévales de Champagne-Ardenne, d’une immense Danse Macabre.
- en 2002 : réalisation en fresque de 250 cartes à jouer sur des briques plâtrières.
- en 2003 : création de l’association « Les Passeurs de Fresques » et réalisation d’une exposition « L’art de la fresque » à l’Université de Technologie de Troyes, et d’une fresque monumentale lors d’un chantier d’une semaine. (voir le site www.utt.fr/fresque).
- 2003-2005 : nombreux ateliers « fresque sur briques » dans divers lieux. La Danse Macabre est installée dans l’église de Lirey.
- Juillet 2005 : organisation d’un stage d’initiation à la fresque à l’Institut Universitaire des Métiers du Patrimoine, conduit par Jean-Jacques Jolinon.

Préparation d’un « raccord d’enduits ».

La Danse macabre réalisée sur 170 briques

sommaire Créations "Projet de classe" 

fresque