Nos difficultés en arts plastiques

Février 1983
Nos difficultés en arts plastiques
 
 
L'ISOLEMENT
 
Initier les enfants à une autre démarche, quand on les voit 55 minutes par semaine, au sein d'une discipline peu valorisée, ça relève de la folie. Pourtant, ça marche... J'ai parfois l'impression que certains mômes ne découvrent ce qu'est le travail qu'en dessin !
 
 
L'ORGANISATION D'UNE COOPÉRATIVE EN DESSIN
 
C'est un de nos problèmes actuels dans nos modules. Au départ, il y a cette mise en commun du fric pour acheter un peu de matériel. Cette mise en commun sur une vingtaine de classes est commode mais elle ne permet pas une vie coopérative réelle car la gestion reste l'affaire de très peu d'individus. Tout au plus permet-elle aux élèves de mieux mesurer les problèmes de gaspillage, de responsabilité devant ce bien commun.
Il y a à nouveau vie collective quand on parle des travaux créés dans la classe, dans d'autres classes, quand on passe des contrats, quand on évalue. . . Mais là encore, 55 minutes parfois ne permettent rien d'approfondir, ça reste assez artificiel, ça ne donne aux gosses qu'une idée de ce qui peut se faire.
 
 
A PROPOS DE CLASSE HÉTÉROGÈNE
 
En dessin, il est évident que les réussites ne dépendent plus des critères habituels à la vie scolaire et on voit des élèves réputés en situation d'échec, réussir là et réussir publiquement, devant leurs pairs et c'est drôlement important pour eux. Et quand on cessera de créer une hiérarchie entre connaissance et éveil, le milieu hétérogène me semble devoir être le plus enrichissant. Pour le reste, dans sa situation d'échec, le gosse sera aussi paumé dans une structure homogène ou dans une structure hétérogène. Bien sûr , le gosse qui réussit aura tout à gagner dans une “bonne” classe, y compris le sentiment de l'élite et le mépris pour les paumés... y compris l'idée que seules comptent les valeurs qui rapportent... II se trouve que, devant le partage croissant et organisé de la clientèle enfantine entre école privée et collège public, dans mon coin, partage fatalement orienté vers une séparation des “bons” élèves dont les parents paient, d'avec les “mauvais” élèves affligés de parents peu motivés etlou pauvres etlou militants laïcs, j'ai choisi pour mes gosses ! Le passage à l'école apportera aux mômes quelques connaissances, une formation de l'individu avec un peu de chance, mais surtout l'expérience d'un milieu social. Et je crois bien que ce sera le plus important.
Je voudrais bien que les milieux éducatifs parents/écoles travaillent plus souvent ensemble. Mais le milieu enseignant dans son ensemble est loin d'être prêt à cela ; je n'ai pas de modalités originales à proposer pour un tel travail. Peut-être faudra-t-il attendre que les parents travaillent moins longtemps par semaine ? Je crois que les bonnes volontés ne manqueraient pas mais il est tellement difficile de faire coïncider les horaires...
 
 
L'IMAGE DE LA DISCIPLINE
 
- Dans l'esprit des parents : ils ont souvent le souvenir de cours de dessin d'un prodigieux ennui, avec le règne tout puissant et incontesté du dessin d'observation collectif à toutes les séances !...
De toutes façons, ils considèrent souvent cette discipline comme une activité d'agrément très secondaire.
- Dans l'esprit des collègues : même image !
- Dans l'esprit de l'administration : c'est une discipline qui compte un minimum de temps dans l'emploi du temps, comme la musique ; si elle n'est pas pourvue, ça ne fait pas un gros trou dans l'emploi du temps des gosses, donc ça ne crée pas de vagues. Un poste de dessin non pourvu ça fait des économies de budget discrètes, d'autant plus qu'il ne sera jamais compensé par un poste supplémentaire de surveillant, ce qui serait logique...
- Dans l'esprit des élèves: souvent, ils n'ont plus “touché" au dessin depuis le cours préparatoire ; ils n'imaginent pas que le dessin puisse encore être un langage pour eux. Ils ne mesurent leurs essais qu'à des créations d'adultes admirées dans des revues, sur des publicités. . . et ne croient pas à la valeur de ce qu'ils produisent.
- Très rares sont ceux qui pensent a priori que le dessin puisse être formateur de l'individu tout entier.
Et pourtant...
 
Annie DHENIN
 69 Châtillon d'Azergues



Collège
La documentation dans ma classe
et a quoi elle sert... en dessin
 
Cette documentation s'est constituée d'année en année, suivant des demandes, des besoins. J'en ai plusieurs fois modifié la présentation, pour plus de facilité d'utilisation, pour moins de risques de détérioration. Les élèves m'ont beaucoup aidée et conseillée ; ils continuent journellement à ranger, trier...
 
Elle est loin d'être satisfaisante, aussi, sans cesse met-on sur pied de nouveaux systèmes de rangement.
Je crois que, au départ, ce qui m'a incitée à l'élargir, ce sont les besoins des élèves.
Pas uniquement leurs demandes formulées, mais plutôt pour moi cette nécessité de leur montrer des documents susceptibles d'élargir leur éventail de connaissances, de leur ouvrir l'esprit vers d'autres modes de vie et de création.
Sans arrêt, j'ai besoin de nouveaux documents ou de nouveaux dossiers. Aussi, c'est une documentation avant tout très utilisée, et non figée ; elle est en constante évolution.
 
Actuellement voici de quoi elle se compose :
• Dans 3 cartons (à la disposition permanente des élèves : ce sont les seuls documents que je laisse constamment dans la classe) :
- 1 carton paysage : photos “de la réalité” prises dans des magazines, collées sur des fiches cartonnées d'environ 24 x 32 cm, fiches classées par grands thèmes : mer, montagne, campagne, ville...
- 1 carton animaux : même présentation, même provenance, fiches classées par ordre alphabétique, le choix est grand.
- 1 carton personnages : même présentation, même provenance, fiches classées par thèmes : visages, personnages entiers, nus, mains, pieds, chaussures, yeux...
Pour d'autres documents d'observation, il y a quelques livres sur champignons, insectes, coquillages, livres de sciences nat. ainsi que l'ancien système (qui précéda les cartons) des grandes feuilles de carton avec de nombreux collages­
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• Dans un placard (liste affichée, les élèves me les demandent)
- dossiers : sur différents thèmes, dans des chemises cartonnées ; sur chaque chemise, le titre et une indication sur l'utilisation du dossier : football, cyclisme, rugby, voiture (2 dossiers) , vedettes, camions, skate, gymnastique, basket, judo, aviation, navigation, moto, trains, engins divers, végétaux, espace. .. j' en oublie !
- il y a quelques catalogues, à part, sur camions américains, danse, ski, motos, montagne. . .
 
Tous ces documents sont très demandés ; chaque élève les range, ou rend le dossier à la fin de chaque cours, même si le travail n'est pas terminé.
Il le reprend si besoin est au cours suivant : d'où la nécessité de classer souvent (des aides viennent aux récréations). Quelques égarements dans paysages, animaux, personnages, voitures, ce qui n'arrange pas les travaux en cours.
 
Parfois des détournements (dans les dossiers camions, motos. . . en particulier) ; difficile à contrôler surtout que chaque dossier peut être, parfois, utilisé par 5 ou 6 élèves par jour .
 
L'utilité de ces documents :
- source d'observation essentiellement
- ceux qui ne savent pas comment s'y prendre me demandent ; dès que je suis libre, je leur explique une méthode simple, globale, d'observation, en décomposant devant eux la photo (grandes lignes, proportions principales. . . ), et en dessinant sur un brouillon. Je préviens, pour d'autres élèves éventuellement intéressés, que j'explique telle moto, tel paysage...
- ces demandes sont très importantes au 1er trimestre surtout ; au 3e trimestre, moins de demandes, ils savent souvent comment s'y prendre, et les travaux sont différents : travail de l'imaginaire principalement ;
- mon aide c'est alors de faire évoluer et évaluer l'ébauche ou le dessin plus élaboré : je prends le modèle ou la réalisation, et recule de 2 ou 3 mètres ; si l'élève ne voit pas les fautes, je lui fais comparer des proportions, des directions...
- grande utilité aussi pour faire comprendre la perspective des formes et des couleurs, pour des travaux plus aboutis (recherche des couleurs, valeurs...) ; mais mon aide est souvent additionnée d'autres fiches
- ils me servent aussi lors de travaux imaginaires ou de mémoire ; ex: une élève dessine un œil au milieu d'un ciel, un autre dessine un arbre qui rappelle étrangement celui que ferait un enfant de primaire : j'essaie de leur apporter des documents “réels” leur permettant d'enrichir leur vocabulaire de formes afin de dépasser dans un 2e temps, s'ils le désirent, la réalité.
- d'autres exemples : un élève fait une bande dessinée et ne sait pas faire une main dans une certaine position : souvent on fait poser un copain ; on cherche aussi dans des “Redoute”, “3 Suisses”...
 
• fiches techniques et incitatrices (dans un carton, en permanence sur ma table : les élèves se servent) : fiches cartonnées (carton de lait) où je colle des fiches que je fabrique :
- visage de face, œil, comment écrire/des mots/ des phrases, cartes, transferts, mouvements, perspectives, encres, villes/villages, maisons, collages, mobiles ;
- et de nombreuses autres dont je ne me sers plus. . . elles ne correspondent plus à ma façon d'enseigner à l'heure actuelle avec mes conditions de travail ; il me faudrait les retravailler
- fiches sur l'imaginaire : pistes, questions en rapport avec des dessins d'élèves découpés dans “Art Enfantin”.
- pistes à partir de cartes postales (peintures d'adultes),
- ces fiches sont inégalement utilisées -par périodes, cela dépend aussi de ma façon de les mettre en valeur
- elles servent à guider un travail, à aider en attendant que j'arrive ; en général, elles ne se suffisent pas à elles-mêmes.
 
Lors des divers échanges de fiches que nous avons réalisés dans le secteur A.E., je me suis aperçue qu'à chaque personne pratiquement correspondaient des fiches ; j'ai difficilement pu réinvestir dans ma classe des fiches des copains ; sans doute parce qu'elles ne correspondaient pas à mes démarches pédagogiques, elles-mêmes dépendantes de mon lieu d'implantation, de mes conditions de travail, de mon passé, de mon vécu immédiat, et sans doute, parce que je ne les “sentais” pas.
 
Je crois que, lorsque l'on crée une fiche, celle-ci est le résultat de tout un cheminement personnel, et d'un besoin ; ce qui expliquerait aussi en partie que, régulièrement, sans que je m'en aperçoive, j'abandonne certaines fiches, pourtant très utilisées à un certain moment.
 
Et je sais aussi que certaines de mes fiches n'ont pas rendu grand service, voire pas du tout, aux copains,
 
• Dossiers techniques, thèmes
grandes pochettes cartonnées (chemises ou cartons à dessin) contenant des anciens travaux d'élèves, des reproductions d'adultes, des essais de techniques que j'ai faits : art optique, paysages, impressions, valeurs, croquis, encres, peintures, linogravure...
Je m'en sers pour suggérer des idées de travail, des idées de thèmes... mais surtout, pour permettre une meilleure compréhension :
- de l'interprétation d'un thème, d'un sentiment, d'une interprétation colorée
- de l'interprétation de la réalité
- le rendu d'une matière
- des styles relatifs à la personnalité
Ces dossiers ne sont pas à la disposition permanente des élèves ; je leur donne selon les besoins.
 
• Documents très divers
- collés sur des fiches et classés par ordre alphabétique dans un carton (pratiquement chaque lettre a 1 ou plusieurs fiches - parfois une dizaine)
- photos de la réalité, portions de photos (ex: champ labouré), affiches, recherches d'artisans, d'artistes, photos à thèmes insolites, architecture...
- ces documents sont constitués de tout ce que je récupère qui me plaît ou qui me semble intéressant, ou tout ce dont j'ai besoin journellement pour mes élèves ; les sources sont diverses : magazines, journaux, revues scientifiques, artistiques, artisanales, prospectus divers récupérés à droite ou à gauche...
- l'utilisation de ces fiches : essentiellement suggestives mais aussi, ouverture sur autre chose (ex: les modèles de tapisserie réalisés par des artistes - ou les sculptures). Là aussi je ne mets pas ces fiches à la disposition des élèves : ils sont à la mienne, pour appuyer un conseil ; selon l'utilisation, les élèves me les redemandent. Il arrive (rarement) que je laisse le carton entier à un élève qui ne sait pas quoi faire en lui mentionnant que ce n'est pas à copier .
 
• Collection BT Art
Elles me servent journellement pour suggérer, expliquer la façon d'organiser une surface, aborder un portrait. . . Je connais tous ces documents et les sors selon les besoins. Vraiment très utiles ; ces BT intéressent parfois des élèves désœuvrés ; en plus beaucoup d'élèves connaissent des BT pour en avoir utilisé en primaire ou à la bibliothèque. Aussi leur intérêt est plus vif .
 
• Collection des n° de la revue “Art enfantin et Créations”
Les numéros de Créations intéressent davantage ; en ce moment beaucoup d'élèves se servent des gerbes ados ; le n° sur les vans est souvent demandé ; je connais pas mal de dessins, peintures, sculptures qui y ont été publiés et les ressors fort souvent.
 
• Pour l'art adulte
J'ai de nombreux livres (les 3/4 m'appartiennent) sur Op' Art, surréalisme, fantastique, publicité, dessins humoristiques, Magritte, Matisse, Mondrian peintres naïfs, Soulage. . . Nombreuse liste finalement; c'est maintenant que je m'en aperçois.
Ces documents-là ne sont pas à la disposition des élèves, mais ils sont souvent consultés car j'essaie le plus possible de les faire connaître et apprécier.
 
• Classeur contenant des diapositives
Ces diapositives sont en grande partie des travaux d'élèves (travaux d'anciens élèves que j'ai photographiés; quelques-uns des élèves d'Annie Dhénin ; d'autres provenant d'une exposition de dessins de mon académie) et quelques diapositives de travaux d'adultes ; elles sont classées dans des pochettes en plastique transparent.
Les techniques sont regroupées ; en tout, environ 150 diapos. Les pochettes plastique se retirent du classeur et se posent sur une “boîte lumineuse" (caissette en bois contenant un petit néon et une plaque de verre opaque : idée piquée à Annie François !).
Les élèves apprécient assez ce système, et souvent, se passent le temps de cette façon.
Elles me servent surtout pour faire enrichir des travaux.
Voici donc en gros ce qui me sert de documentation ; cette documentation est toujours en évolution et finalement, me paraît toujours aussi incomplète, car bien des documents m'apparaissent inutiles et je trouve toujours la nécessité de chercher d'autres pistes ailleurs (ceci me rappelle qu'il y a 2 énormes pochettes de reproduction de toutes sortes, et dont j'ai oublié de me servir cette année !! )
 
Dernièrement j'ai commencé à constituer un énorme classeur (parce que récupéré !) de dessins humoristiques, satiriques, syndicaux, politiques, que je récupère dans des revues ou journaux (le Monde - du dimanche surtout - qu'une copine me donne).
 
Bien des fiches me sont indispensables aujourd'hui et ne me serviront plus l'an prochain. Ce qui me permettra d'aller plus loin.
 
Des copines à qui dernièrement j'ai parlé de cette documentation, semblaient impressionnées par le volume. A la voir elle ne doit vraiment pas impressionner - ou alors je ne m'en aperçois pas.
 
Pour la constituer, c'est un peu pareil : cela s'est fait simplement au fil des demandes et de mes besoins pédagogiques. Il y a deux ans j'ai tout transformé l'utilisation des documents d'observation des élèves : ce sont eux qui ont fait les 3/4 du travail en coupant et collant ; une amie nouvellement en retraite s'est proposée pour dépouiller des n° anciens de l'Unesco, 100 idées.
 
Quant au prix de revient, sauf mes livres d'art et les 6 ou 7 achetés avec un reste (coopérative dessin), tout est récupération : documents, supports, vieilles chemises récupérées par les parents dans leur administration... Il est question que la CEL publie des reproductions d'art (posters) : intéressant.
Je ne sais pas comment vous exploitez votre documentation - outil précieux ?
 
Janine POILLOT
Côte-d'Or.