Créations n° 117 - Ecole en fêtes Publication mai-juin 2005 Edito |
La fête pas le show
Les enfants d’Aizenay nous montrent le contraire. Dans leur « fête du livre » qui se reproduit chaque année, ils transforment l’espace et le temps avec les adultes qui les accompagnent. Et les murs parlent, enchantent notre regard. On découvre les livres-matières créés pour l’occasion qui rivalisent d’originalité et de beauté. On organise des spectacles de toutes formes mais toutes garantes d’humanité. On discute avec des artistes. La création est en fête. A l’heure où les médias diffusent à longueur de temps des émissions fades et abrutissantes à destination des enfants et où les jeux numériques s’imposent, des auteurs et illustrateurs qui se succèdent chaque année à l’école invitent les enfants au rêve, à la poésie et conduisent leurs regards vers une culture authentique. A l’heure où la lecture est menacée par ceux-là même qui prétendent venir à son secours, voir les orientations rétrogrades du ministère; à l’heure où les pouvoirs politiques et économiques organisent la misère culturelle, la fête du livre d’Aizenay nous rappelle la richesse du livre-jeunesse. Les enseignants d’Aizenay ont d’abord donné à la BCD une place centrale dans l’école créant des habitudes à l’opposé de la pratique des manuels qui, en les morcellant, appauvrissent les textes et stérilisent l’imaginaire, et pas seulement celui des enfants. Chacun s’y retrouve pour différents investissements mais d’abord, les enfants y choisissent les livres dont ils feront partager peut-être la lecture aux autres, dans un moment de classe ou pendant la fête du livre, une semaine folle, pleine de moments de partage entre enfants, parents et enseignants. Il est clair pour nous qu’organiser une fête du livre dans une école est la preuve que le livre singulier est vecteur d’apprentissages, de pédagogie, de réussite et de fête. Loin de la « Star académie » et des autres émissions « destinées à la jeunesse » qui prônent la compétition et fabriquent des stars stéréotypées, il faut proposer aux enfants une autre entrée dans la musique et la composition. A l’école d’Aizenay tous les enfants sont poètes, chanteurs et musiciens. Et ensemble, pour un moment de partage, ils s’unissent et coopèrent organisant un spectacle musical original, cette année la « fête de l’arbre » ou « vibr’arbre ». Dans une autre école à Rennes, faire un film incite à la fête permanente car ici aussi, il est question de création, de coopération et de réussite. Pendant ce temps Annik Sterkendries conçoit sa pratique artistique comme la fête du langage à laquelle elle fait participer les gens dans la rue ou les enfants lorsqu’elle intervient dans les écoles. Nous adultes, enseignants associés aux parents, nous devons mettre en place des situations d’apprentissage qui contrent l’individualisme, les concours où le livre devient secondaire, la culture au rabais des fêtes commerciales, des situations qui contrent l’invasion des médias qui veulent nous faire adhérer avec leurs moyens phénoménaux au superficiel, au jetable, à l’uniformité. Nous devons au contraire offrir aux enfants des espaces de création, d’échanges, de coopération pour qu’ils les fassent vivre tant ils donnent à l’expression du monde le visage du plaisir d’être vivant, d’avoir les yeux ouverts et avides, et l’ envie de partager.
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Revue en ligne CréAtions n° 188 "Bibliothèque de choses" École publique Louis Buton, Aizenay (Vendée) |
Bibliothèque de « choses »
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CréAtions N° 117 - Ecole en fêtes |
Sauvons l’arbre qui murmure
Les chansons et la musique ont été inventées avec l’aide d’Anne Laure, qui était notre prof de musique. Nous avons débattu pour choisir le titre, et inventé l’affiche du film. Le film dure 45 minutes et le making-off 40. Il a été réalisé par deux classes : les papillons CP-CE1 et les plantes CE2-CM1. Nous avons accueilli les parents et les familles (200 personnes) comme si c’était une vraie séance de cinéma : des tickets, des ouvreuses et des ouvreurs costumés, un entracte avec des gâteaux et de la boisson. A la fin des séances, nous avons répondu aux questions et chanté les chansons du film. Nous sommes tous repartis avec une cassette et le livre du film.
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Ecole en fêtes- CréAtions N°117
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La boîte à mots
Fanny Carré
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CréAtions N°117 - Ecole en fêtes Organisée par Bibliobulle et le groupe scolaire Louis Buton, Aizenay (Vendée). Texte de Danielle Maltret. |
La Fête du livre d’Aizenay Un formidable déclencheur d’activités créatrices pour les élèves des écoles
La grande fresque qui habille tout le fond de la salle reprend les personnages de livres de Bruno Heitz, conteur illustrateur invité de cette fête. Au centre de ce lieu, une sculpture suspendue, œuvre de Sophie Tellier, parente d’élève de l’école, évoque le papier et la communication par l’écrit.
Le plaisir de lire, de conter, de montrer, d’exposer, d’expliquer et d’échanger, émerge en tout point de ce lieu chaleureux et convivial. Des coins lecture accueillants et confortables sont aménagés pour les plus jeunes. Dans une petite pièce obscure et mystérieuse ont lieu les représentations de kamishibaï. Pour les besoins de la photographie, des enfants ont conté en plein air un "récit cousu main" avec autant de sérieux que de conviction.
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CréAtions N°117 - Ecole en fêtes au cycle 3 de l'Ecole Freinet de Vence (Alpes Maritimes) - Enseignante: Carmen Montès |
Dessin libre (aux feutres, sur papier)
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CréAtions N°117 - Ecole en fêtes
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Annick Sterkendries, "Chercheuse de rêves"
"Laisse passer le vent sans rien lui demander, son sens est seulement d'être le vent qui passe". Odes de Ricardo Reis (Fernando Pessoa).
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RECUPERATION - CréAtions N°117 |
"On veut faire art plastique!"
Des catalogues de papier peint pour créer
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Carnet n° 5 Carnets d'écoliers…
La fin de l'année approche, et avec elle un point d'orgue sur notre superbe voyage dans nos carnets. Au-delà des considérations pédagogiques ou théoriques sur la création à l'école, nous vous proposons, pour ces dernières pages, un patchwork de ce qui s'est passé dans la classe.
Des boîtes à bidules
Puisqu'il était souvent question de collages à partir d'éléments de récupération, et que nous avions demandé aux enfants de tout garder : essais à l'encre, morceaux de dessins ratés, photos mal développées, il fallait pouvoir stocker ailleurs que dans les casiers cette foultitude de petits trésors. C'est ainsi que sont apparues les "boîtes à bidules" (appellations trouvées par les enfants), boîtes à chaussures ou bien encore jolies boîtes en bois… Elles sont venues coloniser les coins libres de la classe. Ainsi, à chaque instant où les enfants travaillaient sur leurs projets, ils avaient le loisir de venir piocher des éléments dans leurs « boîtes à bidules ».
Apprentissage de la "cuisine"
Un appareil photo numérique dans la classe, c'est bien. Mais un labo photo argentique, c'est mieux. Les enfants ont pu non seulement découvrir les principes de la photo argentique en noir et blanc, mais aussi du potentiel créatif que pouvait amener le travail en laboratoire. Après la maîtrise des techniques élémentaires de tirage (agrandissement, mise au point, bandes d'essais pour déterminer les temps d'exposition), les enfants ont vite exploré les techniques traditionnelles pour s'échapper ailleurs : superpositions de négatifs, révélateur passé au pinceau sur des parties du papier (on peut même écrire son nom…). J'avais même proposé un atelier Colorvir, sortes de coffrets où, à partir de bains colorants différents, on arrive à coloriser certaines parties des photos noir et blanc. Ce travail se fait en pleine lumière, c’est le gros avantage.
La prise de vue
Des sorties prise de vue dans le quartier ont révélé la difficulté pour les enfants de savoir quoi photographier. Une fois l'appareil en mains, que peut-on photographier ? C'est la crise de la page blanche. Nous serons obligés, pour donner du sens à nos sorties prise de vue, de nous imposer des thèmes (façades, caniveaux, chaussures…).
Transformation
La photo numérique a aussi apporté son lot d'expériences. Au-delà des essais de filtres que l'on trouve sur beaucoup de logiciels de retouches d'images (trucs un peu faciles), nous avons pu nous lancer dans la création de romans-photos. Un format A4, créer une histoire courte, la séquencer sur 4 à 8 vignettes, écrire des dialogues, être attentif lors de la prise de vue pour intégrer plans larges, plans moyens et plans serrés… Un joli travail par groupes qui nécessitera la coopération de tous pour l'écriture et la réalisation des romans-photos, mais aussi pour la planification de l'utilisation des appareils photo ou des ordinateurs.
L'émergence des projets individuels
Au fil de l'année, les idées et projets individuels ont explosé, signe que les cadres et les techniques, c'est bien, mais se fixer ses propres règles du jeu, c'est nettement mieux. Notre travail d'adulte s'est petit à petit transformé, et nous avons passé de plus en plus de temps à accompagner, conseiller les enfants dans leurs propres projets de mise en espace de leurs textes. On pourrait parler à propos de nos carnets d'écoliers de "pages libres".
A titre d'exemples :
- Mélanie et sa salade de mots, en clin d'œil à Arcimboldo, qu'elle découvrira après avoir réalisé sa planche.
- Geanina et sa composition autour d'une photo et d'un négatif.
- Lucien et son poème sur la fleur.
- Emmanuelle et son histoire de souris.
- Pauline qui mettra en scène son poème « lointain » à partir d'acrylique sur un CD
- Et encore la sortie cinéma de Guillaume, Le travail calligraphique de Louisa qui écrit un conte dans un carrosse, le texte de Maxence écrit à partir de néologismes, une sortie canoë de Pauline…
L'importance des collages
Lors de la mise en espace de leurs textes, les enfants sont souvent confrontés à des espaces blancs, inoccupés. C'est encore leur "boîtes à bidules", ou bien encore les caisses remplies de magazines et matériaux divers qui leur servent pour trouver de la matière à coller.
Petit à petit, les matières se superposent aux textes, aux dessins, pour former des compositions originales.Certains iront même jusqu'à imprimer leurs textes sur du papier calque et jouer de la superposition entre illustration et texte.
La mise en forme
Il avait fallu anticiper sur le produit fini. Trouver un format commun pour tous (pour éviter l'explosion de problèmes liés à la mise en page, à la reliure, à l'homogénéité des productions pour chaque enfant). Nous avions trouvé des cartons à dessin façon naturel. Chaque enfant avait reçu un carton. Il ne leur restera plus qu'à le personnaliser en fin d'année, puis à relier, sous forme d'accordéon, toutes leurs planches. Deux avantages à cela, les carnets pourront être feuilletés comme un livre ou un album, ils pourront également être dépliés pour être exposés.
Ce que nous n'aurons pas pu vous montrer
Pascale Delarge, l'artiste qui nous a accompagnés tout au long de ce projet, animait un atelier à l'IUFM. Nous avons pu organiser deux journées de rencontres entre les stagiaires de l'IUFM et les enfants de la classe : échanges de pratiques autour des carnets, travaux en commun, grands et moins grands réunis pour partager autour d'une même activité.
Au final, une magnifique exposition commune dans la galerie du "Préau des Arts", située à l'IUFM de Lorraine… Exposition, vernissage, rencontre avec la presse, la consécration quoi !
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Ecole en fêtes - CréAtions N°117 Ecole Louis Buton Aizenay (Vendée) |
Vibr’arbre
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Créations n° 117 - Ecole en fêtes Publication mai-juin 2005 |
Bibliographie - Pli non urgent (les petits papiers), Bruno Heitz, éditions Mango - Monsieur Buvard (les petits papiers), Bruno Heitz, éditions Mango - Jojo (toute la série) Bruno Heitz, éditions Mango - Étoile, le petit cirque, Rascal et Peter Elliot, Éd. Delcourt jeunesse, 2005. - Eva ou le pays des fleurs, Rascal et Louis Joos, Éd. Pastel. - Le petit Chaperon Rouge, Rascal, Éd. Pastel, L’école des loisirs, 2003. - Zig-Zag, Rascal, Éd. Pastel, L’école des loisirs, 2003 - L’idée de Nature dans l’art contemporain, Colette Garraud, Éd. Flammarion, 1994. - Mythologie des arbres, Jacques Brosse, Petite bibliothèque Payot, Éd. Payot et Rivages, 1993 - Pouvoirs du papier, Les Cahiers de médiologie N°4, Éd. Gallimard, 1997. - Citrouille, revue des librairies sorcières, Éd ALSJ La Luciole Angers, www.citrouille.net. - Respirer l’ombre, Giuseppe Penone, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, 2000. « la peau du bois est une peau de lumière…. La peau du bois nous accompagne ; elle est l’histoire de l’homme, elle se développe seulement là où l’homme peut exister. - Vibr’arbre, CD audio, édition MNC, coopérative Louis Buton BP 12 85190 Aizenay - Jean-Luc Olivier, www.artek.fr, sculpteur - Michel Nys, www.musicamots.com, auteur compositeur - Annick Sterkendries, http://www.art-insitu.com
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