L'Educateur n°13 - année 1974-1975

Mars 1975

Quelle réforme?

Mars 1975

En face du nouveau projet de réforme de l'enseignement qui soulève l'opposition unanime des syndicats enseignants, comment nous situer en mouvement pédagogique?

 

Freinet ou l'anti-amphi

Mars 1975

Au Brésil, à l'Université de Sao Paulo, Michel LAUNAY explique à R.UEBERSCHLAG son travail pour vivre la pédagogie Freinet à l'Université. 

Brésil

La réalisation d'un film d'animation

Mars 1975

Dans un C.M., la réalisation d'un film à partir d'un texte libre. 

Du pied français au pied du roi

Mars 1975

Un exemple de recherches au C.E. qui s'inscrit dans les disciplines d'éveil.

 

La mémoire des activités

Mars 1975

Le plan de travail: faut-il le donner tout de suite aux enfants? Faut-il laisser naître la conscience du besoin auquel il répond? C'est à ces questions que répond J. Le Gal, dans la perspective de l'autogestion.

Pour un chantier : "l'économie à l'école"

Mars 1975

Un exemple de fiche de travail et de réflexion réalisée à partir d'un événement apparemment banal.

Actualités de l'I.C.E.M.

Mars 1975

Les rubriques - habituelles avec notamment de nombreuses informations sur l'enseignement à l'étranger (rubrique F.I.M.E.M.) - et les nouvelles du chantier B.T. pour faciliter la collaboration de tout lecteur aux projets annoncés.

Le cours "Flash", le cours "Exposition"

Mars 1975

Deux techniques de travail en géographie.

Avec ceux que l'on rejette

Mars 1975

 

La présente année scolaire est la troisième depuis la création des classes de 4e et 3e aménagées. Dès la première année, l'expérience m'intéressant, j'ai pu juger des avantages et inconvénients de l'institution. En 71-72 j'avais une 4e, en 72-73 une 3e et une 4e, cette année une 3e. J'ai donc pris pour principe de suivre les élèves sur deux ans. J'ai pu faire équipe, les deux premières années avec une collègue en français et histoire-géographie, qui, bien que ne pratiquant pas les techniques Freinet, travaillait tout de même dans le même esprit. Cette année il nous manquait des professeurs à la rentrée. Comme la répartition se fait entre nous, en attendant la nomination des profs manquants, les 3e aménagées ont eu deux profs : anglais et maths. Pourquoi ? Personne n'en veut. Pourquoi ? Ils dérangent, ne sont pas dociles. Dans une classe «normale» (le terme est souvent employé) il se trouve toujours environ un tiers des élèves qui «comprennent», qui sont capables de vous recracher rapidement ce qu'ils viennent d'ingurgiter : on peut dormir tranquille, la conscience en paix. Mais quand aucun élève ne «comprend» ? Avoir des doutes sur la qualité de son enseignement ? Lèse-majesté ! Dans une classe «normale» il se trouve toujours une majorité d'élèves dociles, capables de supporter sans broncher les discours les plus ennuyeux ; des élèves capables de penser à autre chose quand le prof déblatère, de bons petits hypocrites. Dans une «aménagée» si ce n'est pas intéressant, on le fait savoir. C'est gênant, si on ne peut plus ronronner en paix !
 

 

Et pourtant c'est avec eux que je passe les meilleures heures ! Ayant un ou deux ans de «retard», ils ont un passé scolaire assez perturbé. Ajoutons-y dans la plupart des cas des difficultés d'origine familiale, des manques affectifs. Réussir avec eux est simple : il suffit d'être sincère et de leur apporter ce que leur refusent les autres : un peu de considération. S'ils savent qu'on est là pour les aider à résoudre leurs problèmes — et c'est inutile de le leur dire, ils s'en rendent vite compte — ils sont capables d'apporter beaucoup plus en retour, au moins dans le domaine de la chaleur humaine. Etant plus mûrs, ayant davantage l'expérience de l'échec et des difficultés, une pédagogie de la réussite a plus de chance de porter ses fruits que partout ailleurs.
 

 

Mais s'ils sont capables de donner beaucoup ils savent tout autant refuser et sont sans pitié pour les faibles, pour ceux qui s'affublent du masque de l'autorité. N'est-ce pas un comporte­ment des plus sains ? Hélas c'est intolérable car ça remet en cause trop de certitudes.
 

 

Si je dois porter un avis sur cette institution, je pense qu'elle a plus d'inconvénients que d'avantages. En effet, comme la majorité des profs est du genre «à ne pas déranger», les échecs s'aggravent au lieu de s'atténuer car dans notre système le prof reste toujours le plus fort, celui qui a le dernier mot grâce aux armes absolues que sont les notes et les conseils de classe. La vengeance se consomme en fin de trimestre ! Et surtout, l'effet psychologique est déplorable. Les élèves entre eux ne se ménagent pas et les «normaux» ne se gênent pas pour faire sentir aux «aménagés» que ce ne sont que des cloches. Il en résulte un manque excessif de confiance en soi qui apparaît dans les discussions-bilans : «Si on réussit, c'est parce que vous nous demandez moins.» C'est dificile de faire comprendre que l'on demande autre chose et qu'il n'y a pas hiérarchie de valeurs entre un enseignement fondé sur le psittacisme, le mimétisme et un enseignement fondé sur la créativité, la réflexion. Jusqu'au bout ces élèves doutent de leur capacité, ne croient pas au miracle. Ils se savent marqués du sceau de «faibles» d'inadaptés au système scolaire. Si pour un adulte ce peut être réconfortant de se sentir en marge, pour un adolescent à la recherche de sa personnalité, se sentir rejeté, savoir que l'on est considéré comme inférieur, c'est mutilant. Aussi, ayant vécu cette expérience — pourtant passionnante — je ne pense pas que la multiplication des niveaux, comme il est parfois envisagé, soit la meilleure solution, au contraire. Ce serait une solution de facilité qui est déjà bien trop répandue : les «rebelles» en classe de perfectionnement, en transition, en pratique, en aménagée, en S.E.S... Halte à la multiplication des ghettos ! Halte à l'humiliation ! Que l'école cesse d'être un centre de triage, qu'elle arrête d'écraser ceux qui ont le tort de ne pas la trouver à leur goût car ce sont bien souvent les plus riches personnalités que l'on meurtrit.


Education écologique

Mars 1975

 

Peindre?

Mars 1975

Actuellement, à l'École Moderne, une importante discussion est en train de rebondir au sujet de l'art enfantin. On entend, par exemple :

 
« Pourquoi privilégier le beau ? D'abord, le beau, qu'est-ce que c'est ? Il faudrait le définir. La part du maître, comment la pren­dre ? Est-ce que le maître ne cherche pas quelquefois à trouver son plaisir personnel ? Et alors ? Heureusement qu'il a des plaisirs à introduire dans sa classe... Mais est-ce qu'il ne serait pas plus simple et plus honnête de laisser les enfants libres ? Mais les enfants laissés libres, est-ce que ce ne sont pas des enfants abandonnés à leurs conditionnements ? L'art enfantin, à quoi ça sert ? L'art, c'est un truc de bourgeois. Moi, je n'ai pas de culture, je suis nulle, comment voulez-vous, etc., etc.»
 
Il est certain que ce ne sont pas là de minces problèmes. Ils ont pour nous de l'importance parce que l’École Moderne a toujours eu souci d'art et de création. Mais on ne peut se contenter de les saisir par un petit côté : il faut les prendre dans leur ensemble. Aussi, faisons l'effort de les regarder en face, une bonne fois pour toutes.
 
Il faut, pour commencer se poser la question : qu'est-ce que peindre ?
 
Bien que je sois un non-spécialiste, j'esquisse une réponse en essayant de cerner le maximum d'éléments.
 
c'est déposer d'une manière ou d'une autre, sur un support qui les retient, des pâtes fluides qui durcissent en séchant.
 
Reprenons cette phrase, ligne par ligne.
 
c'est déposer d'une manière ou d'une autre.
Ce peut être : Appliquer par pinceau fin, par brosse étroite, par brosse large, par doigt, main, pied, tampon, tissu, ouate, patate...
Ce peut être : lancer, projeter, couler, pulvériser, glisser, caresser, frotter, par gestes violents, par touches délicates et minutieuses, par brutalité, par tendresse...
Ce peut être : en couche mince, en couche épaisse, en points, en taches, en larges surfaces, en lignes fines, en traits, en rubans, en relief, en creux.
Ce peut être : seul dans la solitude d'une chambre, d'un atelier ou d'un paysage, dans le silence, la musique ou le vacarme, l'agitation d'une classe ou à deux, à cinq, à dix sur un seul ou plusieurs supports.
Ce peut être : par juxtaposition, superposition, fusion, mélange...tout d'un jet ou par interminables reprises, par crises fulgurantes ou continuité calme, par inspiration, par reproduction, par hasard, par réaction.
Ce peut être : par geste, par danse, par quasi immobilité. sur un support qui les retient.
Ce peut être : sur un support de papier lisse, de papier à grain, de carton, de bois, de contre-plaqué, de toile, de jute, de soie, de plastique, de béton, de ciment, de plâtre...
Ce peut être : sur format minuscule, sur 50 x 65, sur 100 x 60, sur 225 x 130, sur un are, sur une pellicule de diapositive, sur pellicule de cinéma que la magie technique transformera, œuvre en latence qui ne se délivre que par transmutation.
Ce peut être : sur des objets que l'on passera au four à plus de mille degrés.
Ce peut être : sur des volumes, murs, statues, poteries ; sur mille objets, supports neutres et prétextes à valorisation de la peinture ou, au -contraire en complément délicat et modeste de la forme.
 
des pâtes fluides
Ce peut être : des encres, des pâtes, des plastiques, des terres, des oxydes, des vernis, des matières que l'on additionne de térébenthine ou de médium, des matières mates, des matières qui accrochent la lumière...
 
qui durcissent en séchant.
Et fixent alors parfois définitivement l’œuvre Mais souvent des reprises, des repentirs sont possibles. Les couleurs peuvent perdre leur brillance ou leur tonalité même avec le temps. Bien sûr, nous n'avons pas fait !e tour des moyens de la peinture. Mais l'essentiel y est. L'inventaire est suffisamment détaillé pour que l'on saisisse la suite. Évidemment il est ennuyeux. Mais puisque nous avons décidé de regarder la peinture en face, n'hésitons pas à aller jusqu'au bout de l'ennui.
Maintenant, il faut se poser une seconde question :
 
Pourquoi peindre ?
Je pense à cette opinion de Freud : il n'y a pas de zone érogène fixe : toute partie du corps humain peut devenir zone érogène. Presque toujours pour des raisons impossibles à maîtriser et qui ont leur source dans l'enfance.
 
Eh bien, pour la peinture c'est la même chose ; les sources du plaisir le plus intense sont parfois les plus imprévues. Il peut se situer même à l'occasion du moindre élément de l'acte de peindre. C'est pour cela que la liste avait besoin d'être longue. Pour que l'on comprenne qu'il n'y a pas d'élément supérieur ou insignifiant. Tout peut prendre une importance égale. Et cela a énormément d'importance sur le plan pédagogique.
Mais s'il faut savoir que les points d'ancrages du plaisir peuvent être diversifiés à l'infini, il peut être lui-même de diverse nature : pulsionnel ou sensuel, intellectuel, relationnel, économique, plastique, politique, psychologique...
 
Tenez, j'écoutais des émissions sur les impressionnistes :
 
La peinture de Renoir est sensuelle.
 
«S'il n'y avait pas eu de tétons, je n'aurais jamais peint de figure. »
«Je ne peins pas brutalement. Je caresse, je pelote un tableau.» «Quand j'ai peint une fesse et que j'ai envie de taper dessus, c'est qu'elle est terminée.»
 
Ça c'est Renoir. Mais il faudrait écouter bien d'autres peintres pour savoir combien sont multiples les raisons que l'on a d'entrer en peinture. Cézanne et sa petite sensation, Lautrec et le mouvement, La Tour et la nuit...
 
La difficulté, c'est qu'en peinture aussi, il n'y a pas de zones types de plaisir. Chacun a à les découvrir pour soi. Et si la vie, par indigence ou malchance, ne permet pas d'y entrer, il y a un manque à gagner, une frustration formidable au niveau de l'individu et des groupes sociaux.
 
On ne le sait pas toujours, ce dont on est privé. Et on peut vivre une vie entière en passant à côté, sans même le savoir. Ce que n'ont pas fait les naïfs yougoslaves ou haïtiens. C'étaient des paysans vivant dans des bourgades reculées et qui peu à peu se sont laissés contaminer. Des paysans !
 
Mais, au sujet de la peinture, il y a une oppression culturelle, une caste qui dicte les lois du plaisir — hors de ce chemin, point de salut — et qui intrigue pour faire de ses lois les seules véritables sous peine d'insuffisance, d'inculture, d'infériorité. On pourrait déjà, à ce propos, entrevoir ce que pourrait être la position du pédagogue. Mais nous n'avons pas encore achevé de faire le tour. Il nous faut maintenant faire un second inventaire.
 
Essayons d'énumérer très rapidement quelques lieux du plaisir. Il ne s'agit pas, bien entendu, de tout expliquer, mais d'essayer de saisir, à nous tous, ce phénomène de la peinture afin d'en mieux considérer notre pratique et, au besoin de la reconsidérer. Et même d'en tirer des conclusions au niveau des productions de notre coopérative (et peut-être de s'interroger aussi profondé­ment à d'autres niveaux : graphismes, chant, parole, maths..,).On pourrait une fois de plus poser sur ce simple phénomène de la trace (mou sur dur) la grille à cinq trous qui nous délivrerait de belles conclusions.
 
Non, auparavant, je veux chanter un autre couplet. Soudain, nous nous trouvons en situation de peindre. Aussitôt, se met à s'agiter en nous toute une foule d'êtres divers qui se bousculent, s'empoignent, jouent des coudes, se faufilent pour triompher et prendre la première place qu'il leur faudra peut-être céder provisoirement ou définitivement à plus fort, venu de plus loin.
 
Quels sont ces personnages qui luttent ainsi en nous pour s'introduire dans notre bras et manipuler le pinceau. Qui gagnera : le géomètre, l'intellectuel, le tridimensionnel, le visuel, l'anal, le génital, l'expérimentaliste, le masochiste, le dominateur, l'économique, le postérioriste, le figuratif volontaire, le sensuel, le fraternel, le relationnel, le danseur, le politique, le majestueux, le noble, l'équilibré, l'harmonieux, l'historien ?
 
Et là-bas au fond, ce cochon qui sommeille va-t-il pouvoir se réveiller et savoir qu'il peut lui aussi prétendre au premier rang ?Et ce religieux qui dort lui aussi va-t-il se lever et se mettre en marche ?
 
Quelles circonstances vont permettre au meilleur de soi, au plus important de soi de gagner sans que l'être en soit déséquilibré mais bien au contraire pour qu'il trouve enfin son équilibre véritable et s'introduise dans le plein chemin des lignes de force qu'il porte en lui depuis l'enfance.
Après cette expulsion, reprenons notre grille à cinq trous : rappelons le postulat : l'être humain utilise les éléments qu'il trouve dans la nature de cinq manières principales : l'étude objective, l'étude subjective, la survie, la communication, la projection.
 
Voyons rapidement ce que cela donne pour la trace colorée :
 
ETUDE OBJECTIVE
 
Expérimentation pour savoir les lois de combinaison des couleurs ; bleu + rouge = violet. Comment obtenir les tons chauds, les harmonies froides, les tons rompus, le gris bleuté, le gris vert ? Et l'équilibre des couleurs (beaucoup, moyen, peu) ? Qu'est-ce que ça donne si... ? Et si...? C'est tout un aspect de l'activité du peintre que l'on pourrait mettre en relief en citant des centaines d'exemples et qui porte sur la matière, sur les dimensions, sur les formes représentées... Et qui sont aussi le fait du chimiste qui donne à essayer de nouveaux matériaux. Bref, c'est toute une attitude d'analyse objective, d'expérimen­tation, de recherche, qui est le fait dominant ou accessoire de tout celui qui se mêle de peinture.
 
ETUDE SUBJECTIVE
 
de ses plaisirs propres.

 

Cette fois, le sujet est à l'intérieur de ce qu'il fait. Il participe, il est la peinture, le support. Il va dans le sens de son plaisir sensuel.
 
Et entre parenthèses, cela lui permet de se reconnaître différent et particulier. Par opposition au plaisir différent des autres, il se reconnaît pour un tempérament, pour une personnalité. Il existe. Mais s'il est aussi pédagogue, peut-il permettre aux autres d'exister différemment, s'il est trop mené par son plaisir ?

LA SURVIE
 
Survie morale pour celui qui réussit à s'accrocher à la vie, à se rééquilibrer par ce moyen. Mais survie physique aussi pour le peintre de métier, le décorateur, l'artiste, le marchand de tableau, le professeur.
 
LA COMMUNICATION
 
Parfois le peintre semble dire :
- Écoutez ce que je peins. Voilà ce que je veux vous dire. Regardez-le, sachez le voir. Je vous dessille les yeux. Voilà: osez regarder la vérité en face. Vous n'échapperez pas à ce que je veux vous dire. Je vous prends par les artifices de nos plaisirs sensuels, intellectuels, mais il y a au-delà quelque chose que vous devez entendre. Entendez ce que je crie, ce qui est intolérable. Et il faut qu'à partir de là vous changiez, vous réagissiez.
 
Mais cela se joue parfois sur un tout autre registre :
 
- Il y a des choses que je ne veux dire qu'à vous. Mais seul saura ce que j'ai à dire celui qui aura la patience de cheminer jusqu'à la clarté de mon message.
- Qu'est-ce que je porte en moi ? Je voudrais bien savoir ce que ça signifie, toujours ce rouge auquel je reviens malgré moi. Ces éclatements, ce rouge structuré de noir, est-ce l'incendie de ma maison quand j'avais huit ans ? 
-Oh ! Moi, je ne cherche pas à savoir pourquoi des figures religieuses apparaissent en filigrane dans tout ce que je fais maintenant. Je sais qu'actuellement je ne peux en sortir et qu'il faut d'abord que je les épuise.
 
Certains peintres peignent pour se délivrer des accidents, des traumatismes d'une enfance mal surmontée. Il faut qu'ils rattrapent, par le miracle de la symbolisation, des blessures toujours présentes et ténébrantes pour compenser, pour atténuer, pour user, pour éteindre.
 
Mais ce n'est pas seulement l'enfance. J'ai subi une intervention chirurgicale très grave à 25 ans et depuis tu disais bien que mes recherches de vernis étaient viscérales. Mais je vais aller plus près encore puisque, maintenant, je peins des entrailles de moteur de moto. Et sais-tu ce que j'ai en projet aussitôt après ; de peindre de véritables viscères. Tu vois, peu à peu, je m'en approche de ce problème qui me hante et que je veux détacher de moi.
 
Moi, je peins des visages parce que j'aime savoir ce qu'il y a derrière le masque que portent les gens. Je peins au départ des figures neutres et puis soudain voilà que montent des visages qui me font penser à des personnes que je connais et qui m'intriguent. Ma peinture est psychologique. Mais elle est surtout agressive car je veux démasquer les gens : je veux savoir ce qu'ils sont dans leur vérité. Sans doute parce que moi aussi j'ai une forte façade. Je ne me livre pas. Et je connais parfaitement tous leurs subterfuges.
 
Il est inutile d'insister. Sur ce point comme sur les autres, on pourrait écrire des pages et des pages. Mais la quantité d'éléments examinés n'est-elle pas suffisante pour qu'on puisse clairement poser le problème de la peinture à l'école : comment mettre chaque enfant au contact de son terrain particulier de jouissance profonde ? Et non seulement chaque enfant mais chaque adolescent, chaque adulte, chaque retraité, chaque paysan, chaque ouvrier...
 
Il faut maintenant que notre philosophie de la peinture devienne active. Nous essaierons d'y réfléchir la prochaine fois.

 

 

RIDEF 1975 en Algérie

Mars 1975