L'art, tremplin à la communication

Octobre 2001

CréAtions 98 - L'autre, image de soi - publié en septembre-octobre 2001

Classe de CLIS A auditifs, Ecole les Chanterelles, Saint Antoine de Ginestières, 06200 Nice ; Enseignante, Cathy Reypens

 

L'art, tremplin à la communication  

Cette classe de Clis A accueille, à temps partiel, trois élèves, déficients auditifs et présentant également des troubles associés. Un autre élève se joindra à eux en cours d’année.
Une accumulation de techniques, en elle-même, peut apparaitre comme une succession de recettes inintéressantes. Si elle s’arrêtait au niveau de la production, elle irait à l’encontre du sens et de l’idée même des arts plastiques comme expression. Mais là, les techniques sont utilisées comme moyen de déblocage, de mise ou d’entrée en confiance permettant à des enfants peu enclins à s’exprimer, d’oser pratiquer les arts plastiques et d’accéder au plaisir créateur.
 

Première étape : utiliser des déclencheurs techniques

Le papier déchiré

Hormis les productions de l’année précédente auxquelles les enfants tiennent vraiment, on décroche toutes les autres, qui deviendront le matériau de base d’un autoportrait. Il s’agit de se représenter, au moyen de papier de récupération avec une contrainte : ne pas utiliser de ciseaux. Celle-ci vise essentiellement la manipulation directe, le côté kinesthésique de la réalisation.
Les enfants n’osent pas, ne comprennent pas tout de suite, car on leur pose d’emblée deux problèmes: détruire des productions (côté sacré de l’œuvre qui porte aussi son quota d’affectif et d’histoire), et déchirer (geste interdit la plupart du temps). Pour eux, c’est casser, c’est détruire. Il leur est difficile d’imaginer qu'un produit fini puisse redevenir matériau. Il aurait été possible également d’écarter la première difficulté en fournissant aux enfants des papiers récupérés. Mais la démarche qui consiste à récupérer une partie d’œuvre pourra être réinvestie lorsqu’il s’agira de “ sauver ” un dessin jeté par un enfant et dans lequel des fragments, un détail, pourront constituer le départ d’une nouvelle production.
Il faut que l’enseignante déchire la première production, aille chercher une couleur intéressante au milieu de la grande feuille, et montre que ce morceau est pertinent pour figurer une bouche, un œil, des cheveux. La tension tombe rapidement, les enfants essaient à leur tour. Mais la tentation de découper revient souvent, tout comme l’envie de dessiner avant de recouvrir avec des morceaux de couleur, ou bien de tracer les formes avant de les déchirer. Finalement les craintes disparaissent, au fil de l'avancement de la production, et l’on apprend à observer, chercher, repérer des détails de compositions pour créer autre chose, à s’attarder sur la couleur mais aussi sur les effets de matière, à agir directement sur le papier, à faire revivre.
Dans le même temps, l’enseignante observe les comportements, qui évoluent. Il s’agit de :
- modifier son attitude par rapport au fait de déchirer : crainte, aisance, frénésie ;
- rechercher vraiment des fragments adaptés ou prendre ceux qui sont au plus près ;
- chercher une harmonie des couleurs, une composition ou pas ;
- respecter la consigne d’autoportrait ou pas ;
- se valoriser ou se dévaloriser dans sa représentation ?

 Cette séance soulève le problème de tri et de rangement des morceaux non utilisés, d’où la création de boîtes de rangement par couleur. Il est proposé aux élèves de rapporter de chez eux toutes sortes de papiers pour élargir la collection. Il est important que ces matériaux soient vraiment récupérés par les enfants : dans leur quête de nouveaux papiers, ils sont amenés à mieux regarder ce qui les entoure, faire attention aux emballages qu’ils jettent d’ordinaire et dans lesquels ils trouvent finalement des trésors. Le côté affectif de ces trouvailles venant de la maison n’est pas négligeable non plus pour ces enfants, surtout si la famille joue le jeu ! 

L’encre soufflée

Ce travail est issu de l’utilisation du fichier de techniques d’arts plastiques édité par PEMF. Sur un fond aux craies grasses, on dépose de l’encre noire que l’on dirige à l’aide d’une paille en soufflant. De grandes incertitudes dans le devenir de ces coulées qui se divisent ou pas, partent dans tous les sens, ne sont pas pour déplaire aux enfants. Ils peuvent être tentés de diriger les traces ou combiner les gestes, souffler et faire couler. Ainsi ils expérimentent l’imprévu et l’aléatoire.

Le papier tressé

Chaque enfant a une feuille A4 qu’il couvre de couleurs et de formes, sans figuration. Il découpe celle-ci en lamelles verticales numérotées au dos pour pouvoir reconstituer l’original sans trop de problèmes. Il découpe ensuite une feuille légèrement plus grande de couleur unie de la même manière, mais dans sa largeur. Les bandes unies sont collées par leur extrémité gauche sur une feuille support, horizontalement, les bandes dessin par leur extrémité supérieure en haut de la feuille support, en respectant l’ordre. L’élève doit ensuite tresser. Ce travail relativement laborieux, nécessitant dextérité et patience, lui permet de redécouvrir son dessin original à travers les entrelaçages, une fois sa production terminée. Il peut alors soit laisser des franges, soit encadrer avec d’autres bandes de papier.
Là aussi il s’agit de manipuler le papier, montrer une autre utilisation pour un autre effet. Le dessin peut être une production “ ratée ” ou moyennement intéressante dans un premier temps, mais que l’on revalorise.

Les traces

Il s’agit en fait d’une étape intermédiaire sur le parcours des cartes à gratter. Les enfants préparent les supports : papiers recouverts de zones aux couleurs vives au moyen de craies grasses (pas de figuratif). Lorsqu’ils les enduisent de gouache noire, des traces intéressantes apparaissent selon le geste du scripteur. Laisser les enfants expérimenter tout ce qui est à leur portée est source de ravissement : comme tester les rouleaux presque secs qui ne couvrent pas toute la couleur, les roues de voitures plastiques, les bâtons, les cartes téléphoniques découpées aux ciseaux crantés, les éponges de différentes textures, le chiffon, les fourchettes, les brosses à dents, les spatules, etc.
L’intérêt de ces traces réside dans le fait qu’elles sont vraiment mises en valeur par le contraste de couleurs. Les enfants les remarquent, les expérimentent, peuvent ensuite établir une fiche outil pour mieux réinvestir les différentes techniques découvertes.

 

Les cartes à gratter

Lorsque le papier est entièrement recouvert de gouache (ici, noire) celle-ci peut être gravée. Selon l’outil il faut doser sa force pour préserver la couleur de fond. Les couleurs réapparaissent, le même trait change de couleur au fur et à mesure du tracé, et ce côté “ magique ” plaît énormément aux enfants. Des outils tels que les cartes téléphoniques ou les fourchettes peuvent être utilisées pour une expression plus abstraite.
Encore une fois, un dessin “ raté ” peut être repris, recolorié aux craies grasses et recouvert de gouache.

Peinture au rouleau

Les enfants expérimentent la peinture au rouleau en appliquant plusieurs couleurs sur cet outil. Ils obtiennent ainsi des dégradés et mélanges intéressants. Dans un premier temps, période de l’année oblige, ils dessinent des galettes des rois et des couronnes. Les productions étant plus ou moins réussies, il est décidé de reprendre, découper, et réutiliser les fragments de couleur. C’est ainsi que sont apparus rois et reines.

Composition sur carton

Une composition libre est proposée à partir d’un morceau de carton tout ou partiellement dépourvu de sa couche supérieure de papier, laissant apparaître alors des ondulations. Les enfants choisissent de petites chutes de papiers de couleur qu’ils disposent à leur gré. Ils superposent plusieurs papiers, font des boules ou des formes allongées … La simplicité de la tâche laisse apparaître l’organisation, le choix des couleurs, le volume et donne un effet très appréciable au vu du peu de matériel utilisé !

 

 

 

 

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