Dossier voyages échanges

Mars 1981
Les DOSSIERS de LA BRECHE
ECHANGES... VOYAGES.... VOYAGE-ECHANGE... VOYAGE ET CHANGE...
 
Voyager change
 
Sommaire
I - DU VOYAGE LINGUISTIQUE...
 
1. “Sheffield! Tout le monde descend !...” Christiane CAILLOT
Aller en Angleterre... sans faire un “voyage organisé”.
2. Grille pratique et documents pour organiser un voyage à l'étranger.
3. “Echanger avec des Français, se disent les Anglais, pourquoi ?” Robert MAROIS
Ou de la difficulté d'intéresser les Anglais à la langue française.
4. Un voyage sans échange... mais quels échanges et quels voyages! Karin HADDAD
5. Quand le voyage-échange permet de se faire enfin reconnaître... par les siens, Simone BERTON
Des enfants malentendants correspondent avec des non-francophones, vont les voir et rendent compte de leur expérience.
6. Parlera-t-on flamand ? Fernande LANDA, Liliane DARTHET, Françoise LAGIER
Une expérience originale à l'initiative d'une classe d'application de Bruges. Mais aider des Flamands à parler français n'est pas évident.
7. Etre accueilli à Amsterdam, à Heidelberg... par des amis parlant français, Geneviève LE BESNERAIS
 On peut aller à l'étranger dans un but géographique, économique mais en s'attachant toujours à créer et favoriser les contacts humains.
8. Un outil de voyage: l'espéranto,Jean-Claude BOURGEAT
Parler la langue universelle et se comprendre enfin. Pologne 1976
 
Il - RENSEIGNEMENTS PRATIQUES (pour l'étranger et pour la France).
 
III - ... AUX VOYAGES-ECHANGES EN FRANCE MEME (les formules sont multiples...)
 
1. Trois jours à la ferme, Janine LEHOUX, Bernard MULOCHER
Se déplacer pour mieux connaître... et se connaître.
2. Des Parisiens à la campagne,Simone BERTON
Week-end à Sainte-Maure de Touraine
3. Le groupe CLAPOTI à Paris,Agnès HEMMER, Alain DUQUENNE
Monter un spectacle peut conduire à voyager .
4. L'échange par la rencontre, Michel VIBERT
Comment naît l'idée du voyage...
5. Rendez-vous à Paris et ce qui s'en suivit, Marie SAUVAGEOT, Janine GUYON
Echange en trois étapes: une rencontre pour lancer la correspondance et plus tard le double voyage; les travaux {sciences naturelles, mais pas seulement), les joies, les angoisses aussi.
6. Deux fois quatre jours inoubliables,Geneviève LE BESNERAIS, Jacques BRUNET
Comment se développent l'esprit, le coeur, l'imagination : un enrichissement pour tous, élèves, professeurs et parents.
 
 
 
I. DU VOYAGE LINGUISTIQUE...
Photos K. HADDAD
 
Beaucoup, parmi les lecteurs, vont peut-être s'écrier, à la lecture de ce dossier; "Mais moi aussi, je... ". Certes, toute la richesse des classes Freinet ne tient pas dans un seul dossier. Déjà les Brèche no 35 et 4! avaient abordé cet aspect .fondamental de notre pédagogie. Voici aujourd'hui une vue panoramique assez large des expériences de nos camarades en ce domaine et, tandis que nous les lisons, ils ont déjà, eux ou d'autres, trouvé de nouveaux chemins qui restent encore à conter...
 
 
 “Sheffield, tout le monde descend !”
Voyage en apparence classique ; on va en Angleterre pour mieux connaître la langue, oui, mais avec le prqfesseur d'E.P.S. ; tiens ?
 
A côté de la fiche technique et des exemples de circulaires que je donne, je voudrais dire dans quel esprit nous faisons les échanges, comment et pourquoi j'en suis arrivée là, et les problèmes, et les plaisirs.
Mon premier correspondant à Sheffield avait été le correspondant de Jean Poitevin[1] . Il avait cherché, par l'intermédiaire de la correspondance internationale Freinet, quelqu'un en région parisienne et avait été dirigé vers moi. David avait, de par ses échanges précédents, une “organisation” de la correspondance et du voyage-échange dont j'ai bénéficié. Elèves et profs ont correspondu pendant une année, axant la correspondance sur la région, l'école, les fêtes. La correspondance était à la fois écrite et sonore, de classe à classe et, seulement au moment de l'échange, individuelle. Le problème, pour moi comme pour lui, était de faire participer au maximum les élèves qui, pour des raisons diverses, dont nous reparlerons, ne partaient pas. Ceux qui partaient jouaient (et jouent encore dans mes classes) le rôle d'émissaires : ils préparaient en classe avant le départ en groupes de deux ou trois (avec un ou deux camarades qui restaient) des questions, ou des pistes de recherche sur un sujet choisi par le groupe, et devaient rapporter des documents qui serviraient à faire un panneau ou un exposé.
La première année, l'appariement des élèves fut fait par lui, et le programme des visites fut axé sur une découverte de la famille, de l'école, et de la région, c'est-à-dire surtout sur la réalité vivante des pays visités. J'avais emmené des élèves de mes deux classes de 4e (28 au total) en période scolaire (avril 75) et un collègue d'E.P.S. m'accompagnait. David et ses élèves étaient venus dans une période de vacances pour lui, mais d'école pour nous (novembre 75). Nous avions obtenu un appariement officiel, et même une subvention. Tout a bien été, nous a donné envie de continuer de la même façon, ce qui fut fait l'année suivante (1976) avec un autre collègue d'E.P.S., mais... sans subvention. Raison officielle : vous l'avez déjà eue une fois ! Aucun problème avec mon administration, très favorable, ni avec la majorité (il y a toujours des grincheux) des collègues. Pour rassurer tout le monde sur “les programmes”, les élèves emportent en Angleterre un peu de travail pour les autres matières, et les profs - si besoin est, comme en math par exemple - nous donnent les corrigés ! Certains collègues utilisent ensuite en cours, et au même titre qu'un travail de rédaction, ou d'exposé, les comptes rendus des visites faites, ou les réactions devant une réalité différente.
 
Les ennuis commencèrent quand David obtint son changement pour Londres. Son école de Londres n'était pas... ce que nous pouvions espérer (!), nous avions emmené des 3e très sympas, mais... très indépendants et individualistes et l'échange fut dur pour tout le monde. Et puis, nous regrettions Sheffield et sa région, les charmes de la province ! Avec le copain d'E.P.S. qui m'accompagnait, nous sommes “montés” à Sheffield, et, en faisant du stop dans la région, nous avons été aiguillés - par notre chauffeur, père d'élève et très intéressé par le travail que nous faisions - sur une école de Sheffield qui serait sûrement favorable. Pur hasard donc... Sans grand espoir, j'ai envoyé une lettre au chef de département de langues de cette école, en précisant clairement ce que je voulais : échange avec des 5e, préparé avant par une correspondance sonore et écrite, et réalisé en période scolaire avec un groupe d'environ 25. J'expliquais bien entendu mes objectifs : meilleure compréhension entre les enfants de pays différents, langue vivante moyen réel de communication, entre autres.
Un mois après, je recevais une réponse, d'une autre école à laquelle ma lettre avait été transmise. Cela marchait! ! Le collègue qui me répondait prévoyait un changement, mais avait d'ores et déjà assuré un suivi au sein de son département, en la personne de ma correspondante actuelle ! Et cette fois-ci, c'est moi qui avais de l'expérience ; et qui en fis profiter ma correspondante. Et nous préparons en ce moment notre troisième échange.
 
S'il faut en passer aux difficultés, nous en avons dans la correspondance : le système anglais peut être encore plus rigide que le système français, et peut rendre difficiles et l'envoi de documents, et l'exploitation de ceux qu'ils reçoivent. Cela rend la préparation du voyage par l'ensemble de la classe assez difficile.
Un autre problème, c'est que je n'arrive jamais à emmener une classe entière (c'est pour cela que je demande toujours deux 5e) : il y a des problèmes de logement, d'argent parfois, des parents qui ne veulent pas laisser partir leur petit mignon... et des petits mignons qui ont peur de partir. J'ai beau leur dire que le niveau en anglais n'est pas un critère suffisant pour décider de la participation au voyage, certains “faibles” n'osent pas. Et pourtant que de “mariages” réussis entre “faibles !”.
 
Il arrive aussi, et régulièrement, qu'il y ait trop de demandes d'un côté ou d'un autre. L'année dernière, pour la première fois, j'ai tiré au sort (ce qui me paraît être la seule solution !). Et les deux élèves tirés au sort... ont donné leur place aux deux autres qui “avaient plus envie qu'eux !”... Allez comprendre...
 
J'insiste beaucoup sur un contact direct entre les familles et moi avant l'inscription, et je n'inscris pas un élève dont je ne connais pas la famille. Le contact se fait souvent au cours de la réunion d'explication en début d'année (un soir à 20 h 30), précédée d'une feuille d'explications. Cette réunion a aussi pour but de “rassurer” les parents, et également de situer bien clairement les responsabilités : ce ne sont plus des bébés, les accompagnateurs ne sont pas des parents, et les élèves doivent savoir prendre leurs responsabilités.
 
C'est évident, tout le monde le sait : oui, cela donne beaucoup de travail si on veut que tout tourne rond.
Ma correspondante est aussi “angoissée” (faut rien exagérer) que moi : elle veut que tout soit bien organisé d'avance pour avoir l'esprit clair. C'est indispensable d'avoir des méthodes de travail similaires. On se comprend mieux. Depuis deux ans, à ce travail supplémentaire, s'ajoute la menace rectorale d'avoir - en revenant - à remplacer ses cours. Alors, c'est la fin des échanges !
Il est déjà inadmissible que nous ne soyions pas remplacés. Il y a deux ans seule une action des parents - pourtant gênés par cette absence - nous a permis de partir quand même. La menace demeure cependant. Et cela ne m'a pas empêchée de trouver toujours des collègues pour m'accompagner. J'ai la chance d'avoir une équipe de copains avec moi, de gens toujours prêts à accueillir cinq élèves anglais qui me restent sur les bras prendant les heures de cours, ou à loger l'autre accompagnateur anglais. Et c'est la même chose pour ma correspondante. D'autre part, d'avoir à caser des élèves dans un autre cours, de prendre des élèves à un prof, de demander du travail pour le séjour, tout ceci force à parler aux autres, à animer un peu l'établissement! Moyennant quoi, on fait des “fiestas” : une avec les parents, tous les échangistes, l'administration et les collègues qui le veulent au collège (gâteaux et boissons apportés par les familles) ; une autre à la maison avec tous les copains du collège, des échangistes de la première heure (maintenant en fac) avec qui j'ai gardé de bons rapports (35 personnes dans l'appartement l'an dernier), et presque autant un mois avant chez ma correspondante. Et des invitations, aussi bien en Angleterre qu'en France, des gens qui soudain sont intéressés par l'étranger... Je précise que ma correspondante et moi avons chacune deux enfants du même âge (13 ans et 10 ans) qui apprécient beaucoup cette période un peu folle du dernier trimestre !
Et puis il y a des élèves qui correspondent encore, dont les petites sreurs correspondent, dont les parents correspondent. Et puis, il yale fait que l'échange est une “institution ” dans le collège, et que les parents et les élèves en redemandent, que nous abordons tous fièrement le sweat-shirt de l'école anglaise. Cela contribue à la vie de l'établissement, à la collaboration entre parents et profs, entre profs, entre élèves. Cela rend ces lieux, et l'apprentissage de l'anglais aussi, plus vivants! Dans les sketches, à tous niveaux, l'action se passe à Sheffield !...
 
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PROJET PEDAGOGIQUE D'ECHANGES INTERNATIONAUX INTEGRES [2]
 
I. IDEE GENERALE
Ouverture et développement de l'activité scolaire sur le milieu par :
. Une connaissance approfondie de l'environnement étranger non seulement pendant la période d'échange mais avant et après.
. Une participation ponctuelle des échangistes à des activités caractéristiques de la région concernée en liaison avec les programmes scolaires.
. Une étude et un approfondissement de la vie culturelle des deux communautés par des activités dirigées à la différence des échanges traditionnels.
. Un entraÎnement intensif à la pratique orale et écrite de la langue concernée.
. Une initiation à la vie collective en milieu étranger notamment grâce à l'étroite coopération entre parents et professeurs.
 
Il. LE PROJET
- préparation de l'échange en milieu scolaire ­
. Correspondance scolaire dès la sixième, échange de documents écrits, auditifs, visuels.
. Elaboration du programme d'activités de l'échange selon les possibilités et centres d'intérêts locaux. (voir annexe 1 a).
. Coopération entre les professeurs d'une même classe et élaboration d'un emploi du temps particulier à la période d'échange,
. Collaboration des responsables administratifs (directeurs, surveillants, etc) à la mise sur pied du programme.(voir annexe 1b)
- Développement de la coopération parents-professeurs
. Dès que t'appariement d'écoles est officiel, les parents sont invités à coopérer :
- à l'établissement des appariements individuels ;
- à l'élaboration du programme d'activités ;
- à l'accueil des échangistes ;
- à la surveillance des activités (transport, animation, cuisine, etc,). (voir annexe 2 a et b)
. Pendant le séjour proprement dit :
- ils sont en contact constant avec t'équipe d'animation, puisque l'échange est organisé sur un périmètre limité.
- Liaison avec les activités locales
. Contacts avec les chefs d'entreprises locales, lettres, visites, documentation, participation. Exemple : La liaison avec la corporation des Couteliers dans la région de York (Sheffield). Visites successives de professeurs et parents puis du groupe d'échangistes dans t'entreprise. Achats de produits déclassés à prix réduit. Participation d'anciens échangistes à l'entreprise en stages de formation. Prolongements : le chef d'entreprise a été invité en France par des industriels bordelais. D'où t'intérêt personnel et professionnel des contacts créés. Une démarche semblable est adoptée avec les responsables du Château Haut-8rion, des ostréiculteurs, le Théâtre en Miettes en France.
- Aspects culturels
. Organisation d'expositions, concerts, représentations avec l'aide des autorités locales
 . Enquêtes historiques dans le milieu.
. Recherches spécifiques (un village typique des environs, telle tradition orale etc.).
- Organisation pédagogique
. Idées générales : travail de groupe, découverte, conversations, recherches. (voir annexe 5).
. Encadrement constitué par des enseignants des deux pays aidés de parents et d'anciens échangistes déjà au courant de l'organisation. (voir annexe 3)
. Réunions d'encadrement pendant, mais aussi avant et après l'échange.
. Initiation à la vie collective par une période de trois ou quatre jours en camping au début de chaque programme.
Développement d'un esprit pionnier,
- Organisation financière
. Au centre de cette organisation se trouve l'idée de responsabilité collective coopérative. Il existe un Compte Coopératif alimenté par les fonds provenant :
- des familles,
- des subventions gouvernementales, départementales, municipales, privées (entreprises), scolaires (produits des fêtes de Noël et de fin d'année).
 
III - CONCLUSION
Il s'agit d'un projet extrêmement riche à la fois pour les individus et les milieux concernés.
Il poursuit le double but d'amener une meilleure connaissance vécue des deux cultures et de promouvoir d'autres échanges à d'autres niveaux (professionnels, familiaux etc.).
 
ANNEXE 1 a
En 5e très peu de choses pendant l'année, mais un grand pas au moment du voyage en Angleterre (fin de l'année : juin. juillet). D'une part toutes les activités ont été organisées dans un esprit pluridisciplinaire (visite historique de Bordeaux, découverte des landes en canoé-kayak, feu de la Saint-Jean etc.). Là on a approché de la véritable interdisciplinarité qui est bien plus qu'une simple concertation, un engagement inter personnel. Pour des gens habitués à vivre chacun dans leur petite boîte, c'est la quadrature du cercle. Mais ça vaut le coup, Surtout l'arrivée de ce groupe non prévu dans le train-train quotidien oblige les gens à se parler, il est extraordinaire de voir à quel point les adultes sont seuls dans un établissement scolaire, Malgré les apparences, les adolescents le sont souvent aussi, en dépit de l'entassement, on n'a rien à se dire. Parce qu'on n'a rien à faire ensemble, Tout est chacun pour soi”,
Et tout d'un coup, voilà que ça bouge. Il y a des élèves inconnus dans la classe, Une classe est absente en cours de biologie: ils sont partis visiter des parcs à huîtres avec leurs correspondants dans le bassin d'Arcachon ! Il paraît même que plusieurs professeurs de notre établissement vont partir ensemble pendant quinze jours avec nos élèves - qu 'allons-nous faire de leurs élèves, nous ?
 
Les cinq ou six profs, eux, chantent ensemble dans le long trajet en car charroient ensemble les valises cassées, remontent le moral du petit Jacques qui a le mal du pays, se font inviter à la surpnse party chez les Smith et trouvent le moyen d'enseigner, d'apprendre, - et même de corriger des comptes rendus en des lieux, des moments, des postures inattendues...
 
Une idée farfelue naît dans le compartiment du retour, de ces idées qu'on a quand on est bien fatigué et qu'on se sent bien : Si on prenait une classe ensemble l'an prochain ? ”.
 
ANNEXE 1 b

Date
matin
Après-midi
mercredi 28 mai 80             
 
Arrivée en ,fin de soirée.
jeudi 29 mai.
A l'école
Départ 13 h 15. Visite des halles de Rungis
Vendredi 30 mai    
Pour les Anglais seuls
Visite des maternelles de Meudon la Ferté
Départ 13 h 15 à pied.
Visite d'un atelier de poterie à Chaville
samedi    31 mai
 
week-end en famille
Dimanche 1er juin
Lundi 2 juin
Pour les Anglais seuls
Départ 8 h 30
vIslte du quartIer des Halles à Paris
Le groupe français part à 13 h 15 du C.E.S. et rejoint les Anglals à la Tour Eiffel
Promenade en bateaux mouches.
Retour vers 16h30
Mardi 3 juin
A l'école : “ match internatlonal”
Filles: handball. Garçons : foot à 5
Départ 13 h 15 à pied.
Visite de la base aérienne de Villacoublay
Mercredi 4 juin
Pour les Anglais seuls.
8-9 h 30 à l'école. 10 h : visite d'une boulangerie
Après-midi libre
jeudi 5 juin
Départ 8 h 30: Excursion d'une journée à Fontainebleau.
10 h : Visite du château. Pique-nique et marche dans la forêt
Vendredi 6 juin
A l'école
Départ 13 h 15 à pied
Visite de l'usine coca-cola
Samedi 7 juin
Départ des Anglais assez tôt le matin.
 

 
ANNEXE 2 a

Name of pupil :
Nom de l'élève :
 
 
 
Date of birth :
Date de naissance :
 
 
Attach photo if possible
Si possible fixer une photo
Height :
Taille :
weight :
poids :
colour of hair :
couleur des cheveux :
colour qf eyes
couleur des yeux
:
Address :
Adresse :
 
 
 
Téléphone number :
Numéro de téléphone :
 
 
 
Father's occupation :
Profession du père :
 
 
 

 
A la fin de l'année scolaire dernière, dans une bonne troisième, nous sommes arrivés à un échange intéressant à l'aide du questionnaire ci-dessous, que j'avais préparé après une lecture rapide des documents les plus importants.
Some suggestions for selective reading and summary.
1. What kind of material are you studying ?
2. Who produced it ?
3. What sort of readers was it intended for ?
4. What information did you find on :
a) geographical situation and background, climate ;
b) historical background, origin of the name of the town or village ;
c) size of the village or town, population, type of housing ;
d) economy : (where do people work ? main industries ? agriculture ? transport ? trade ? etc.) ;
e) education ;
f) culture, folklore ;
g) entertainments ;
h) local curiosities ;
i) monuments ;
j)
k)
I)
m)
n)
o)
p)
5. Can you say what people's main problems are ?
What are their main causes of satisfaction with their environ ment and way of life.
6. On what points does life seem to differ most from ours in France ?
7. What points did you find most surprising or unexpected ?
8. What points would you like to get more information on ?
9~ Any other comments.
Les rubriques j à p de la question 4, restées vierges, étaient destinées à recevoir les thèmes découverts par les élèves eux-mêmes et auxquels je n'aurais pas pensé. Aucune suggestion nouvelle n'a malheureusement été faite. D'où, peut-être une idée pour la prochaine occasion: omettre délibérément un aspect évident afin de donner l'habitude de chercher au-delà de ce qu'a pu suggérer le prof (?).
Les élèves ont ignoré totalement les questions 1 à 3, ce qui n'est pas surprenant, même si on peut le regretter. L'échange a surtout porté sur les points 4-a, 4-b et 4-c : intrigués par la différence de population de la région entre le XVllle siècle “<quelques villages”) et l'époque actuelle (plusieurs centaines de milliers d'habitants) les élèves ont voulu en savoir plus. Je n'ai pas eu le réflexe de leur proposer une recherche mais, répondant à leurs questions, j'ai improvisé un topo sur la révolution industrielle et ses conséquences démographiques.
J'ai réutilisé cette année la même technique; les documents reçus ont ensuite été exposés, avec l'aide précieuse de la documentaliste.
 
 
Un voyage sans échange,
mais quels échanges et quels voyages !
(Photo K. HADDAD)
 
Pour un professeur de langue, le voyage à l'étranger, dans le pays où se parle, où se vit la langue qu'il enseigne apparaît comme une évidence, une nécessité même, dans la mesure où il est convaincu par l'expérience que seul un contact vivant donne à ce que l'on apprend la dimension du plaisir à l'effort. Certes il y a la correspondance qui, à elle seule, peut faciliter, et facilite souvent d'une manière spectaculaire, l'apprentissage de la langue, surtout si elle se déroule aussi à l'aide de bandes magnétiques. Mais rien sur le plan affectif - qui est celui de la vraie mémoire - ne remplace le “voyage”, avec toutes ses connotations personnelles et mythiques : aller au-delà du connu, sortir de chez soi ou de soi, vivre ailleurs et découvrir autre chose, mais quoi ? C'est ça qui fait la différence et qui se retrouvera toujours plus tard comme ce qui était important et qui a déclenché le véritable intérêt pour la connaissance de soi, des autres, dans ce langage-Ià.
 
Faire un voyage est chose relativement aisée quand on bénéficie par exemple d'un jumelage établi de longue date avec une ville du pays que l'on désire visiter. Les comités de jumelage sont en général tout à fait disposés à subvenir aux frais de voyage et l'hébergement est basé sur les échanges de famille à famille. Il est également possible de le faire à moindres frais, quand deux établissements seuls sont jumelés et selon des principes analogues d'échange pour l'hébergement. Mais que faire quand ni l'une, ni l'autre de ces conditions n'est remplie ?
 
C'est la question qui s'est posée à moi et à mes élèves l'année dernière. D'une part la correspondance très sporadique avec une classe de jeunes allemands très accaparés par leurs problèmes d'avenir - ils devaient à 15 ans se choisir une formation professionnelle définitive - et d'autre part l'inexistence d'un quelconque contact avec une ville ou un établissement scolaire en Allemagne, interdisait toute possibilité de véritable échange. Il fallut donc chercher une autre solution. Nous nous mîmes donc d'accord, les élèves et moi, d'essayer d'aller voir de quoi pouvait avoir l'air “Vater Rhein”, dont parlaient certains prospectus Autres avantages: la possibilité d'y prendre le petit déjeuner et le dîner, et d'y rencontrer plein de gens.
Tous ces préparatifs nous occupèrent de façons très diverses et aiguisèrent chez tous, l'intérêt pour le pays et sa langue. On improvisa des situations de la vie quotidienne qui nous seraient utiles : chez le boulanger, chez le charcutier, au café, chez le marchand de cadeaux, dans le bus, etc., tous les sujets qui, sans cela, paraissent un peu forcés, étaient ici abordés avec un plaisir manifeste, car on en aurait besoin. Ils travaillèrent même pendant quelques heures sur des diapos montrant les rues et la circulation dans une ville allemande, comme s'il s'agissait là du sujet le plus passionnant du moment! Ils furent en tous cas, et c'est là aussi un des mérites, et non des moindres, - d'un tel projet - le révélateur de personnalités insoupçonnées jusque-là : tiens ? Françoise se révélait capable de rédiger si proprement un plan de travail ?
Franck se révélait excellent camarade, Jean-Jacques un organisateur scrupuleux et même Lionel, jusque-là si réfractaire à tout ce qui touchait à cette langue barbare, s'intéressait et participait !
Deux trimestres d'une activité débordante et, je crois, jamais forcée, riche et passionnante de découvertes et de travail, c'est un bilan déjà très positif. Mais s'y ajouteront encore toutes les richesses de ces cinq jours passés à découvrir “de visu”, donc à s'étonner encore que tout ce que l'on avait choisi de découvrir existait vraiment ; que les mots que l'on avait choisi d'apprendre étaient vraiment compris et qu'on en comprenait aussi et peut-être bien plus qu'on croyait en savoir; que les contacts étaient plus faciles qu'on ne pensait; que le pain et la charcuterie tous les soirs et tous les matins, ça passait une fois, deux fois, mais durant cinq jours... ! Que la piscine à vagues, il devrait en exister aussi chez nous, car c'est très chouette et tonique ; qu'on s'amuse aussi bien entre jeunes là-bas que chez nous, et que ceux avec qui on sympathise, ont aussi envie que nous de continuer par correspondance le dialogue, même si c'est difficile ; que le Rhin, c'est vraiment un très beau fleuve, très grand et majestueux, coulant entre des berges très belles, et que c'est pas mal de naviguer dessus; et que finalement bien des choses sont comme “chez nous”, très simples et agréables, ou difficiles à comprendre et parfois décevantes, mais jamais indifférentes.
Toutes nos impressions furent mises en commun dans l'exposition. Photos, diapos, cartes postales, billets de train et de bus, entrées de musées ou de monuments, cartes d'auberges de jeunesse, lettres, souvenirs divers, enregistrements servirent à donner un aperçu divers et coloré de notre périple. Une dernière occasion avant la dispersion - une 3e - de se retrouver, de s'accepter plus généreusement à travers tout ce que l'on avait vécu d'exceptionnel cette fois, de faire un bilan plus conscient de ses propres possibilités. Et pour moi, la confirmation des vertus d'un travail en profondeur, mené en groupe, dans le but commun de créer quelque chose ensemble et de le vivre aussi pleinement que possible, pour former chacun d'entre nous à la conscience de ses vrais talents et au plaisir de les exercer sans jugement et à sa mesure, et pour nous rendre plus attentifs aux autres tendus vers le même effort. C'est ça aussi, le VRAI VOYAGE.
K. HADDAD
 
Quand le voyage-échange permet de se faire,
enfin, reconnaÎtre! - par les siens !
 
ET SI L'ON EST SOURD ?
Cela n'a pas arrêté Simone Berton et sa classe de Je DA (déficients auditifs) qui ont fait échange avec un groupe de collégiens entendants de Rotterdam.
 
“ Dans le cas de Jean~Claude, Alain, Dominique et les autres, différents facteurs ont favorisé le développement de ces échanges. En premier lieu, les adolescents eux-mêmes. Si leur degré de surdité est très varié, allant de la surdité légère à la surdité profonde, aucun ne souffre de handicap associé ni de troubles sérieux du comportement. Et surtout tous, malgré leur grande appréhension, souhaitent fortement s'intégrer au monde des entendants.
Le second facteur est celui du milieu familial, pour chacun d'eux très aidant. Dès que le projet de voyage-échange a été ébauché, leurs parents m'ont dit leur satisfaction de voir pratiquer une pédagogie ouverte sur la vie et ont soutenu leurs enfants lorsqu'ils sentaient faiblir leur courage.
Enfin, l'intérêt que les adultes leur ont porté pendant ces échanges les a aidés à comprendre que la correspondance hors-frontières qu'ils avaient eux-mêmes souhaitée un peu comme une évasion, sans trop d'engagement personnel, pouvait être vécue comme une riche expérience de travail et d'amité.
 
L' exposition
Cette exposition, je n'y avais pas songé ! C'est une collègue du C.E.S. “normal” qui me la suggéra, en me faisant remarquer que c'était toujours aux handicapés d'aller vers le monde normal, s'ils voulaient être reconnus, et non d'attendre qu'on leur tende la main... Comme elle avait raison ! J'ai mis des années à admettre ça !
Une demande - bien timide - d'un élève, Alain, me décida à me lancer, tous ses camarades étant d'accord. On emporta donc caméra, appareils photographiques et magnétophone. Tout ce matériel nous appartenait. La pellicule fut achetée avec le produit de la vente du journal.
L'expo fut basée uniquement sur ce que nous avions vu, et non sur la totalité des Pays-Bas. Elle eut ainsi un caractère authentique et vivant. Les grands thèmes qui ressortirent furent :
 

PAYS-BAS MODERNES
- La lutte contre l'eau (Heringsflietdijk, la plus grande
digue du monde).
- Rotterdam: le port.
Maquette animée - photos - diapos-photos ou dessinées
sur deux écrans - film.
Diapos - film - plan avec photos.
HISTOIRE
- Les vieilles villes: Gouda, Amsterdam, Delfshaven.
- L'étain et les colonies: Surinam.
- Delft: la porcelaine.
- Traditions populaires.
Fondation de New-York.
Photos - diapos.
Objets - photos - cartes - tableaux anciens.
Objets - tableaux - reproductions.
Reproductions - cartes.
TRADITIONS PERPETUEES
- Les fleurs.
- La cuisine.
- Le pompage de l'eau: moulins et pompes.
Fleurs vraies - photos.
Photos - emballages - pêche du hareng - fromages - vrais
harengs saurs !
Une maquette de moulin et son fonctionnement - un
moulin en modèle réduit - photos - diapos.
LINGUISTIQUE
- Correspondance en trois langues (français, anglais,
allemi:lnd). Recherche de mots ayant une étymologie
néerlandaise.
- Les prénoms féminins en Hollande.
 
Panneau.
Photos.
VIE SOCIALE
- Notre voyage - les correspondants et leurs familles -
les maisons - leur collège - les bateaux.
- La monnaie.
Furent montrés de façon sérieuse et humoristique.
Des copies de b{llets - des pièces - le cours des changes.

 
 
Je ne fus autorisée à inviter aucune personne “extérieure à l'établissement”. Seuls, les parents purent venir, mais pas les frères ou les sœurs. L'équipe thérapeutique et les orthophonistes furent autorisés. La psychologue me glissa dans l'oreille que l'expo était “drôlement bien” et même “pas emmerdante”. Je crois qu'elle résumait ainsi l'impression des visiteurs jeunes et adultes : ils avaient été frappés par la quantité d'informations, d'illustrations, et par la variété des techniques, mais aussi par le ton alternativement “film documentaire” et “souvenirs de vacances”. Depuis ce jour-là, des déficients auditifs ne sont plus perçus comme des semi-débiles et deux collègues de français s'intéressent réellement à eux.
 
Parlera-t-on flamand ?
 
Cet échange avec une classe d'application de l'Ecole Normale de Bruges. à l'initiative de Liliane Darthet. qui avait en charge la formation des profs de français s'étala sur toute une année : visite des enseignants en formation à Bagnolet - correspondance enseignants-élèves. puis élèves-élèves et enfin voyage-échange. Cette entreprise pouvait paraître risquée à cause du problème de langue. car à Bruges. les élèves parlent flamand. le français n'est qu'une langue seconde. Mais justement, c'était le but de l'échange. ils allaient, comme l'explique Liliane, apprendre le français à travers les lettres de leurs correspondants.
 
“En 2e O, nous avions supprimé le manuel. Tout nous venait de la correspondance, de la rédaction, de la préparation des sujets, de l'analyse des réponses, tout. Ainsi la description détaillée que chaque correspondant de Bagnolet avait faite de soi ou d'un copain, nous permet de décrire le portrait de Margaretha Van Eyck, fait par son mari, préparant ainsi la visite que nous comptons faire au musée communal, lorsque la 5e B viendra nous visiter”.
 
Quant aux Français, plusieurs ont rapporté des listes de mots bilingues qu'ils ont complétées ensuite avec leur prof d'allemand... et les lumières det frères et sceurs fa(sant de l'anglais. Un journal fut ég~lement élaboré en commun pendant le séjour en Belgique, les élèves suivant les cours que certains pràfêsseurs avaient accepté de faire en français (biologie - histoire... et français).
“ L'atelier de français. Ils apprennent à l'aide d'écouteurs qui sont dans la table d'école. l-e prof a un grand tableau sur lequel il y a plein de boutons et de chiffres, reliés aux tables. Ils illustrent un classeur avec des images correspondant aux textes employés. Ils restent plusieurs jours sur un texte. D'abord, ils observent l'orthographe, puis, à l'aide des écouteurs, ils posent des questions et font ainsi des exercices oraux. Puis ils reviennent tous seuls surleur texte... Il y a de la douce musique quand ils font des “interros”. Je trouve que c'est un bon système pour apprendre”.
Rose
Baser l'enseignement du français sur la correspondance présentait un autre écueil: les postes font parfois grève : “alors a commencé la chasse aux automobilistes sur Bagnolet. Le bureau pédagogique de l'ambassade de France à Gand nous a dépannés, le B.E.L.C., une phonéticienne de Saint-Cloud, l'amie d'une amie de... ”.
Cela développe l'imagination et l'esprit d'initiative, certainement, mais même en temps normal, la lenteur des échanges, compliquée parfois par la fraîcheur des enthousiasmes, peut être mortelle pour une correspondance. C'est ce qu'évoque Françoise Lagier dans un bilan rapide.
“ - Je ne suis pas arrivée à donner en horaire une place prépondérante à la correspondance (de 1 heure par semaine à 1 h par quinzaine).
- L'exploitation des travaux collectifs de votre classe était reportée - ou traînait un peu - ou était insuffisante (sur la somme des textes libres de vos journaux, peu restent en souvenir précis). A propos de vos envois de journaux, il me semble qu'en joindre au moins huit exemplaires rendrait l'utilisation plus facile. J'aurais dû afficher plus ces textes, mais je n'avais pas confiance en le regard des profs défilant dans cette classe.
- Avec les différences de cultures et de milieux sociaux encore plus évidentes aux élèves après le voyage en avril, j'espérais un intérêt ici pour se renseigner sur le monde musulman : B.T. à leur disposition... ils les ont vues, mais jamais lues - de l'incitation, j'aurais dû passer à l'utilisation. Le manque de pont possible avec le cours d'histoire lorsque le prof n'est pas du tout collaborateur, c'est ça aussi les difficultés et les limites d'une correspondance !
- La part d'acquisition d'un travail autonome et personnel grâce à la correspondance a été faible dans cette classe qui continuait à attendre de moi les ordres au travail. Dans l'élaboration commune des plans de travail de quinzaine, mes élèves n'ont jamais acquis le réflexe : tel jour pour la correspondançe. Par contre, plusieurs me demandaient si je recevais vos paquets (transitant par le directeur qui les a parfois ouverts...), s'ils avaient des lettres...
 
- Car le contact, le voyage, c'est primordial! Je crois de plus en plus en la nécessité d'un premier voyage dès le premier trimestre, et non aux voyages “récompenses” de fin d'année et je souhaiterais qu'ils se déroulent avec plus d'échanges de travail, de choses faites ensemble”. Le voyage, outil de rupture privilégié, donne aux participants l'occasion d'être eux-mêmes :... et d'en mesurer les conséquences :
"Pendant le voyage, on ne faisait que manger ! Nous avions tous tout plein de casse-croûtes, Jean-Philippe avait une boÎte de 24 portions de Vache qui rit... Nos places étaient louées sur deux compartiments et demi, mais on s'était mis tous les garçons ensemble. Quand il y avait un tunnel, on cognait sa tête contre celle du voisin.
A un moment, il y a eu aussi une bataille à l'eau : partout des papiers, des gâteaux émiettés, des traces de pas sur les sièges, aussi, il a fallu nettoyer, tout le monde nous donnait des kleenex, on a utilisé les serviettes en papier des toilettes.
Arrivés à Bruxelles, pas de train ,. celui que Paris nous avait désigné ne roulait pas le samedi ! Il a fallu attendre et on en a profité pour changer notre argent ; le change nous inquiétait, il nous semblait toujours qu'on y perdait.
Enfin le train pour Bruges, on allait voir les correspondants !".                                                                                                            Ralph
Occasion pour les élèves, de rencontrer d'autres adultes, dans d'autres milieux, lorsque par exemple l'hébergement d'élève à élève ne fonctionne pas. Ce fut, pour les petits “poulbots” de Bagnolet... et ceux qui les ont reçus... une importante ouverture sur le monde !
Les correspondants brugeois nous ont accueillis d'une façon charmante. Il y avait un tas de monde à la gare.
Nous avons posé les valises dans une camionnette qui les déposerait à l'école, tandis que nous, nous fîmes le trajet à pied et ce n'était qu'un début ; arrivés à l'école, nous étions épuisés, mais nous sommes entrés dans une classe où le couvert était mis, avec un gâteau au bord de chaque assiette, ainsi qu'un plat au milieu de chaque table, contenant de la viande froide et des salades.
Avant de dÎner, nous nous sommes présentés à tour de rôle, les correspondants faisant de même, de façon à faire connaissance. Le dîner terminé, quelques Brugeois emmenèrent leur correspondant pour les loger comme prévu, les autres logèrent chez des personnes étrangères à la classe de D2, mais voulant bien nous accepter.
Et l'on se quitta, pour se revoir le lendemain, dimanche, en allant à la plage, par le train".
Florence
"Macopine, Isabelle et moi, nous étions très bien installées et les gens étaient très gentils; dès le premier soir, ous avons discuté avec eux. Vraiment, ils nous prenaient pour leurs enfants !
Je trouve que les Belges sont très accueillants".                                                                                                                      Valérie
 
Etre accueilli à Amsterdam, à Heidelberg...
par des amis parlant français
 
Pourquoi pas des voyages-échange à l'étranger à but non linguistique, mais géographique, économique... ? Ce fut le cas pour certains de mes collègues et moi-même avec une 2d AB, une année à Amsterdam et une autre à Heidelberg (R.F.A.).
 
Le premier voyage fut préparé par un gros dossier de mon collègue d'histoire-géographie et - malheureusement - trop peu de correspondance avec les élèves hollandais qui étudiaient le français [3] . Surtout il n'y eut pas de voyage-retour, les Hollandais n'étant pas disponibles pour venir à Paris. Un certain nombre d'entre eux participa aux excursions dans “notre” car et reçurent des jeunes Français dans leur famille. Les autres Français furent hébergés, certains dans un appartement prêté par un professeur en voyage (nous avions amené sacs de couchage et matelas pneumatiques) et les autres dans une péniche, logement habituel d'un autre enseignant : des toilettes pittoresques, un chat annoncé, mais qu'on n'aperçut que le deuxième jour, une planche sans rambarde, et glissante de surcroît, comme unique accès, laissèrent des souvenirs impérissables aux élèves et profs qui y logèrent. Les visites elles-mêmes, préparées par le collègue avec qui je correspondais, nous donnèrent, en un temps record, un aperçu des traits les plus originaux de ce pays.
 
Le second voyage fut décidé très rapidement (après Pâques pour juin). J'avais eu dans ma classe durant le premier trimestre, une jeune Allemande - que je logeais également, ce qui avait créé des liens plus étroits. Elle était repartie dans son lycée, où l'on étudiait le français de façon intensive dans certaines sections. Sur ma proposition, elle accepta de nous servir de relais (ainsi que sa mère) auprès de ses professeurs, de ses camarades et de leur famille et l'organisation du voyage reposa en grande partie sur elles deux. Il n'y avait pas eu de correspondance préalable et, s'il y eut cette fois échange, puisque dix-sept Allemands passèrent six jours dans les familles françaises et repartirent en car avec nous, les relations restèrent assez superficielles, m'a-t-il semblé, les jeunes Allemands étant plus mûrs et plus indépendants que nos élèves (peu portés à l'initiative, il faut le dire !). Mais cela même fut une expérience pour eux ; et ils purent apprécier l'hospitalité germanique.
Surtout la remontée du Rhin à travers le Massif Schisteux Rhénan et le cachet de la vieille ville universitaire d'Heidelberg ne les laissa pas indifférents.
De toute manière, il était trop tard dans l'année pour tirer un profit directement scolaire de ces journées.
 
C'est précisément pour en montrer les lacunes, aussi bien que les richesses, que j'ai évoqué brièvement ces expériences, afin que d'autres désirent et osent s'y lancer à leur tour .
 
Un outil de voyage : l'espéranto
 
MAIS QUI DONC PARLE DU VOYAGE D'ABORD ? Le prof?
Comment en donner le goût à nos élèves si nous ne sommes pas nous-mêmes persuadés de l'importance de la communication par-dessus les frontières, les races, les langues, persuadés de l'importance des contacts directs, vécus et décidés à nous donner les moyens de les établir.
 
A propos des événements de Pologne
Quand la radio nous parle sans arrêt de la Pologne et des événements qui s'y déroulent, il est bon nombre de camarades de l'I.C.E.M. qui ressentent profondément cette actualité: ceux d'entre nous qui ont participé en 1976 à la R.I.D.E.F. (Rencontre Internationale des Educateurs Freinet) qui s'est déroulée à PLOCK. Le temps qui passe n'a pas entamé l'amitié qui s'est nouée alors et les relations personnelles se poursuivent encore, ainsi que les échanges coopératifs.
Il faut dire que l'ESPERANTO a joué cette année-Ià un rôle essentiel, et que ce fait n'est pas étranger à la réussite de cette R.I.D.E.F. polonaise et surtout à son exploitation ultérieure.
Plus que de longs discours, la relation de ce voyage peut illustrer les possibilités de contacts qui s'ouvrent à un espérantiste, mais...
Commençons par le commencement !
La R.I.D.E.F. en Pologne étant décidée, plus que partout ailleurs se posait le problème linguistique : le français et le polonais ne pouvaient suffire, l'anglais était hors de question dans un pays de l'Est, les polonais refusaient le russe (qu'aucun “occidental” ne pratiquait)... L'espéranto apparut comme la seule solution rationnelle : bien implanté dans le pays de son fondateur Zamenhof né en 1859 à Bialystok, il convenait surtout par son caractère de neutralité et sa relative simplicité : son étude fut donc recommandée aux futurs Ridéfois.
Une aventure qui débute de façon studieuse...
Nous voici donc sept copains du groupe départemental I.C.E.M. à nous lancer dans l'étude collective de l'espéranto, sous la direction bienveillante de Léo Lentaigne, responsable des cours gratuits par correspondance. A nos devoirs et textes libres nous ajoutions une correspondance naturelle avec les camarades du 64, qui fut terriblement efficace, et pas triste du tout !
Passé trois mois, nous avions des corres à l'étranger et au bout de six mois nous participions à un congrès espérantiste à Agen. Ça partait bien !
 
Où l'auteur se livre à des tests en Scandinavie...
A l'issue de cette année scolaire, et à l'occasion d'un voyage au Cap Nord, je décidai de tester les réelles possibilités offertes par l'usage de l'espéranto. J'eus recours aux différents services du mouvement espérantiste :
- Service de correspondance internationale: il me procura deux correspondants au Danemark et en Finlande qui nous ont reçus pendant plus d'une semaine au cours du voyage,
- Les annuaires des délégués, qui regroupent les adresses de sortes de “consuls” espérantistes du monde entier, qui se mettent à notre disposition pour des questions bien précises. J'ai pu avoir ainsi par exemple :
- La liste des banques acceptant les “eurochèques” en Laponie.
- Les horaires et les tarifs des différents bacs de Norvège.
- La possibilité d'avoir au téléphone, à Stockholm ou à Helsinski, une personne me comprenant parfaitement et prête à me rendre service.
Enfin, bref, les essais étaient concluants, et ça marchait même mieux que prévu !
Où l'on prépare fébrilement la R.I.D.E.F. en Pologne...
Grâce à nos contacts directs avec les Polonais et aux qualités d'organisation de J. et L. Marin, nous avons pu mettre sur pied divers ateliers, ébaucher des plans de travail et échanger les premiers documents. Le désir de tous les participants d'“aller au fond des choses” et de rencontrer vraiment les Polonais, de partager leur vie quotidienne nous a amenés à créer un service d'accueil réciproque (RECIPROKA GASTIGADO) qui a connu un grand succès.
Le principe en était simple: mettre en contact les ridefois avec des familles polonaises qui acceptaient de les recevoir avant ou après la R.I.D.E.F., les visiteurs s'engageant en général à la réciprocité. Nous avions tant de familles espérantistes polonaises que nous aurions pu faire accueillir le double de ridéfois !
 
Sur le chemin des écoliers...
Les routes qui nous menèrent en Pologne furent souvent variées et tortueuses: comment ne pas faire un détour pour rendre visite à un ami ? Et, par la faute de l'espéranto, des amis, nous en avions en Suisse, en Autriche, en Hongrie... aussi avons-nous planté la tente dans tous ces pays avant d'arriver au centre de la Pologne! Un souvenir parmi les autres me vient: il fut l'un des plus touchants d'un voyage pourtant particulièrement riche.
 
A la redécouverte d'une véritable hospitalité
Mon fils correspondait avec un petit Hongrois, Miklos, qui apprenait l'espéranto à l'école.
La joie de le voir nous fit faire le détour, et notre seul regret fut de n'avoir qu'un visa de transit qui limita notre rencontre à moins de 48 heures...
Imaginez un petit village perdu dans la campagne, du côté du lac Balaton et où la vie semblerait s'être arrêtée à l'époque de “Jacquou le Croquant”. Imaginez... l'étonnement des gens à la rencontre d'une voiture venant de France, la difficulté pour trouver la ferme un peu à l'écart, la stupeur de ces gens lisant le nom de l'un d'entre eux sur mon carnet d'adresses !
Miklos, le seul à parler espéranto dans la famille, était absent, aussi nous avons dû nous débrouiller par gestes, par mimiques souriantes avec les parents qui nous ont spontanément ouvert leur maison.
Une ferme modeste, sans le confort qui nous semble indispensable, mais quelle chaleur dans l'accueil, quel sens de l'hospitalité ! “J'ai peu, mais c'est pour toi” semblait être l'unique préoccupation de nos amis. Et, il a été dur de résister à la dégustation répétée du petit vin blanc familial, tiré d'un unique tonneau dans un petit chaÎ à l'écart, où l'on boit tous dans le même verre, toujours le même, comme on le fait ici dans nos fermes gasconnes.
les éclats de rire et les vigoureuses tapes dans le dos remplaçaient les mots qui nous faisaient défaut aux uns et aux autres ! Tout en partageant le lard fumé et le confit de canard (on ne consomme que la production “maison”), j'essayais par gestes d'expliquer que nous avions vu un magnifique lièvre, et, au bout de cinq minutes le père se lève, fait signe qu'il a compris, sort... et ramène... un escargot ! Quel gachis de ne pouvoir se comprendre directement !
Heureusement, le fils revint, et avec lui l'instituteur qui lui donne aussi les cours d'espéranto : ce fut alors un déluge de mots, comme si toutes les émotions retenues de part et d'autre, trouvaient enfin la possibilité de se libérer. Nous n'en finissions jamais et le repas frugal s'éternisa bien tard dans la nuit...
Le lendemain il fallut visiter le village, la coopérative, passer dire un mot dans toutes les maisons amies.
Partout on nous couvrit de cadeaux, particulièrement de broderies familiales traditionnelles qui demandent des dizaines d'heures de travail. Impossible de leur refuser quoi que ce soit, tant l'offre était sincère et généreuse ! Il a fallu apprendre à se méfier des rasades répétées de vodka pour ne rien perdre de ces précieux moments !
Combien nous sommes nous alors sentis ridicules, avec tous nos gadgets “civilisés” et nos habitudes de cadeaux passe-partout.
 
Un point particulier montre combien la barrière des langues peut être absurde et cruelle : laslo, l'instituteur avait une sceur qui a émigré en France vers l'âge de sept ans. Depuis, elle vit à Marseille, y a grandi, s'est mariée, s'est intégrée... et ne parlant plus que le français, a oublié sa langue maternelle. laslo ne comprenant pas le français, ils en sont réduits à ne pouvoir s'écrire qu'une ou deux fois par an, en passant par les services de traducteurs, ce qui pose de sérieux problèmes. Si un jour ils arrivent à se rencontrer (ce qui est hautement improbable, vu leur situation à tous les deux), ils ne pourront même pas se comprendre !
 
Depuis notre visite, nous essayons de servir de relais, d'une manière un peu moins anonyme que de simples traducteurs.
Certes, nous n'avons rien visité de la Hongrie, mais, grâce à l'espéranto nous avons pu rencontrer intimement ses habitants, et nous gardons de ce pays un souvenir indélébile qui fait paraître bien fades les impressions touristiques traditionnelles.
Des inconvénients d'une organisation trop parfaite...
Véritable affaire d'état, la R.I.D.E.F. était très officielle, et nous étions nantis de tout un groupe de conseillers, de traducteurs, qui s'ingéniaient à nous faire suivre les plans prévus par l'organisation locale. Si cela nous ouvrait bien des portes, bien souvent toute initiative visant à s'évader de ce cadre rigide était condamnée à l'avance.
 
Heureusement les relations directes établies avec nos amis espérantistes militants “de base” des groupes Freinet en Pologne nous permirent d'aborder librement quelques thèmes “sauvages” non prévus initialement.
 
Loin des autoroutes officielles, c'est encore pendant nos séjours privés dans les diverses familles que nous avons pu suivre les petits sentiers permettant de découvrir les réalités de la vie quotidienne dans ce pays. Nous étions sortis ébranlés d'une nuit de discussion avec des amis de Gdansk, sceptiques même, sur bien des points abordés, tant ils semblaient aller à contre courant de la version présentée lors de la R.I.D.E.F. ... Les événements actuels nous montrent que ces théories étaient bien fondées et que l'espéranto, en nous donnant la possibilité de contacts directs et variés avec les gens du peuple, nous avait permis de découvrir sa réalité profonde.
Jean-Claude BOURGEAT
 
Il. RENSEIGNEMENTS PRATIQUES (pour l'étranger et pour la France) [4] à actualiser !!!
 
A. Textes officiels
le texte de base régissant les voyages et sorties éducatives est la circulaire 76260 du 20 août 1976, {vol. V, section 554).
 
Sur les appariements d'écoles avec l'étranger, circulaire 76353 du 19 octobre 1976, {vol. V, section 557-0).
 
Ce texte prévoit les conditions à remplir pour une très éventuelle subvention, ainsi que pour une aide aux boursiers participants.
 
B. Service “correspondance internationale” de la F.I.M.E.M. {Fédération Internationale des Mouvements d'Ecole Moderne) :
Annie BOURDON - Ecole Maternelle Paul-langevin - Rue Paul langevin - 93260 lES lilAS.
 
Voyages en Grande-Bretagne
Il arrive que les petites gares soient mal informées des conditions d'horaires et des possibilités de réduction; on économisera beaucoup de temps et d'efforts en écrivant directement aux Chemins de Fer Britanniques, 12 Boulevard de la Madeleine - 75009 PARIS.
 
C. Organiser un voyage-échange en France
Organisation technique
Par la S.N.C.F. {trois jours maximum).
- Déposer la demande près de l'administration {feuille spéciale) :
- 40 jours avant la date prévue pour un voyage de trois jours,
- 15 jours avant pour un voyage de moins de trois jours.
- Réserver les places à la S.N.C.F. 30 jours avant la date fixée.
- Déposer le billet avec tous les noms et les dates de naissance au moins 24 heures avant la date fixée.
 
Tarif avantageux pour un groupe-classe : plus de dix enfants.
- 75% de réduction pour les 10 à 14 ans.
- Demi-tarif pour les moins de 10 ans {cumulable avec les 75 %),
- 1 accompagnateur pour 10.
les compartiments sont réservés dans chaque train emprunté.
le groupe est annoncé dans les gares de changement. (lors d'un passage à Tours, nous avons visité le centre de triage alors que rien n'était prévu).
 
Par le car: revient beaucoup plus cher pour un groupe réduit. Est beaucoup plus fatigant. Voir les Compagnies locales ayant l'autorisation de transporter des enfants {autorisation à remplir).
 
Organisation pédagogique:
- Préparation minutieuse ABSOlUMENT indispensable :
. Emploj du temps minuté.
. Accueil dans les familles.
. Activités à organiser en coopérative avec les enfants.
. Veiller particulièrement aux premiers instants communs.
- Informer les collègues, surtout dans le second degré; les inviter à participer éventuellement.
- Présenter les maîtres au chef d'établissement dès leur arrivée; l'inviter à une séance de travail en commun,éventuellement.
 
Photo K. HADDAD .
III. ... AUX VOYAGES-ECHANGES
EN FRANCE MEME (les formules sont multiples)
Les trois jours à la ferme
Puisqu'il est question du savoir, allons à sa rencontre, partons trois jours à la ferme !
Nous y rencontrerons ces gens qu'on appelle les paysans... et peut-être aussi le vrai visage de nos élèves.
 
CLASSE: 3e, EN HISTOIRE-GEOGRAPHIE
Plan :
1. Les objectifs - point de départ.
2. Préparation matérielle.
3. Préparation “ pédagogique ”.
4. “ Les trois jours”.
5. L'exploitation .
6. Bilan.
7. Fiche: “Trois jours à la ferme”.
8. Documents.
 
1. Les objectifs - point de départ :
Au point de départ de l'expérience, une demande de la classe de 3e (32 élèves) de “FAIRE” quelque chose ensemble. L'idée d'une randonnée de plusieurs jours, avait été retenue, à la fin du premier trimestre. A la fin du second trimestre, rien n'était réellement démarré, nous en étions toujours au même point. A ce moment, je propose, dans le cadre du “programme” de géographie d'aller passer quelques jours dans des fermes, et ce, pour plusieurs raisons :
a) La méconnaissance du monde des agriculteurs, pourtant si proche: (sur 32 élèves, deux élèves filles d'agriculteurs). Cette méconnaissance se traduit par tout un tas d'a priori.
b) La lecture d'un article de La Brèche, intitulé “Trois jours à la ferme” de P. Guibourdenche, n° 15.
c) Histoire de se sécuriser (ainsi que les parents) : l'étude de l'agriculture en France, est au programme de géographie de 3e.
Cette proposition n'a pas rencontré d'objections de la part de la classe, ce fut d'une part, l'enthousiasme et d'autre part, l'impatience: (une seule élève, fille d'agriculteur, n'était pas enthousiaste, après l'expérience, elle aurait regretté de ne pas être venue).
Le premier problème était de trouver un nombre important d'exploitations agricoles, pouvant accueillir des élèves, plusieurs jours. Il fallait ensuite voir si ces agriculteurs pouvaient faire participer les élèves, à certains travaux, ce qui nous semblait très important et répondait à la demande des élèves.
 
Dans la pratique, ce problème fut vite surmonté par un groupe d'élèves, et principalement, une fille d'agriculteur, qui a réussi à trouver six fermes, pouvant nous accueillir .
 
Voilà pour le point de départ, quant aux objectifs, ils se sont mis en place, au fur et à mesure de la préparation :
1. Faire une étude précise d'une exploitation agricole (organisation, gestion, travaux, rapports avec l'extérieur, etc.).
2. Participer à des travaux, même secondaires.
3. Approcher quelque peu les problèmes des agriculteurs, en France (dans notre région), en 1980.
4. Rencontrer des gens que nous ignorions.
 
2. Préparation matérielle :
a) La première démarche a consisté à prendre contact avec les agriculteurs qui avaient accepté de recevoir les élèves. Il s'agissait d'une part, d'expliquer notre conception de ce séjour et d'autre part, de tenter de les sécuriser, car beaucoup se demandaient s'ils seraient en mesure de satisfaire la curiosité des élèves et tous semblaient soulagés de savoir que les professeurs passeraient tous les jours, à midi, dans chaque ferme, pour faire un peu le point du vécu.
 
b) Les dates prévues, les fermes choisies, nous avons ensuite, parlé de notre projet, au chef d'établissement qui n'a pas tout de suite compris nos objectifs. Ces réticences venaient sans doute de la crainte d'un surcroît de travail, pour lui. Nous n'avons obtenu l'autorisation que lorsqu'il a appris que tout avait été préparé et que nous n'avions besoin que de son accord. Un dossier comprenant la liste des fermes, avec le groupe d'élèves attachés à chaque ferme, le questionnaire-enquête, à remplir, avait été remis au principal et au directeur-adjoint.
 
c) S'est posé le problème des assurances. Chaque famille sauf une, avait signé l'autorisation de sortie, pour les trois jours. Tous les élèves étaient bien assurés pour l'école. Mais aucune assurance, pas même la M.A.I.F. ne pouvait assurer ces élèves de moins de 16 ans, s'ils étaient victimes d'un accident “en travaillant”“ blessure avec un outil ”. Les assurances des agriculteurs ne pouvaient également couvrir ces risques. Nous avons pris une assurance M.A.I.F., couvrant les risques, mais uniquement dans le cadre d'une enquête à la ferme et non pas de travail. Ce problème des assurances est un point épineux, pour ce genre de sortie. Rien n'est arrivé, mais nous étions conscients que nous prenions des risques et les agriculteurs avaient accepté eux aussi ces risques.
 
d) La préparation matérielle :
Les déplacements s'effectuant à bicyclette, pas de problème de transport. En ce qui concerne l'hébergement, la solution camping ayant été retenue, il a suffi de rassembler le matériel nécessaire: tentes, sacs de couchage, provenant des élèves du Foyer, des professeurs.
 
Le matériel de cuisine a été prêté par le collège. Le repas du midi était préparé par la cantine du collège; les professeurs se chargeaient d'aller le chercher tous les midis et de le porter dans les six fermes. Les repas du matin et du soir étaient pris en charge par la collectivité : élèves et professeurs: menus élaborés, en commun ; courses faites par les professeurs, élaboration du tableau des charges, avant de partir (cuisine, vaisselle).
 
• L'argent, pour l'achat de nourriture, pellicules etc. ayant été avancé, par les professeurs. Les élèves paieront 20 F (prix de revient) pour deux petits déjeuners, deux diners et deux goûters (et les menus étaient copieux).
 
• Les dépenses pédagogiques étaient prises en charge par le F.S.E. (foyer).
 
3. La préparation pédagogique :
- Etude d'un dossier de presse, sur l'agriculture.
- Préparation d'un questionnaire, par les élèves.
- Préparation d'un questionnaire, par le professeur .
- Projets des élèves.
 
a) Dossier sur l'agriculture :
Il s'agissait pour la classe d'avoir une première approche de certaines questions concernant l'agriculture. Ce dossier était composé d'articles de journaux, extraits de livres, revues, statistiques, abordant un certain nombre de problèmes.
Voici quelques titres :
La coopération, dossier Doc. française.
Les chambres d'agriculture, article de l' Agriculture Sarthoise.
Profession paysanne, article de l'Humanité Dimanche.
Les vacances, c'est bon pour les autres, article du Nouvel Observateur .
Vivre à Croussac, article du Nouvel Observateur .
Le gâchis paysan, article du Matin.
La route du bifteck, de Pourquoi.
365 jours par an, de l'Humanité.
Les G.A.E.C., de père en fils, d'Ouest France, etc.
Les références précises ou le dossier peuvent être envoyés. Ce dossier a été étudié, par groupe de deux élèves, chargés de présenter, à la classe, un document et d'en faire une synthèse sur un stencil. L'ensemble des comptes rendus a formé un document d'une vingtaine de pages, qui a permis à tous les élèves, d'avoir quelques idées sur les problèmes des paysans et aussi de préparer leurs projets.
 
b) Préparation d'un questionnaire :
La première phase a été l'élaboration d'un questionnaire, par un groupe d'élèves. Ces premiers questionnaires étaient révélateurs de la méconnaissance de ce qu'est une exploitation agricole. Aussi dans une deuxième phase, après discussion avec le groupe et la classe, j'ai préparé un dossier-questionnaire très détaillé, permettant de mener une étude comparative des six exploitations.
Questionnaire très technique, constituant une partie du travail, pendant les trois jours, et surtout une synthèse rapide...
 
c) Projets des élèves :
Par groupe, les élèves devaient présenter un projet d'étude ou de reportage (utilisant tous les moyens mis à leur disposition). Parmi les projets retenus... un reportage photo, la femme dans l'exploitation, le G.A.E.C. ...
Dans la préparation pédagogique, il faut inclure les discussions préalables avec les agriculteurs, afin de définir ce que voulaient les élèves, ce qu'ils pouvaient faire et ce, en fonction de leurs disponibilités...
 
Annexe :
2 magnétos-cassettes.
3 appareils photos.
7 cartes topographiques au 1 150 000.
7 photos aériennes I.G.N. au 1130 000, avec stéréoscopes papiers, etc.
 
4. Les trois jours :
a) Le vécu des élèves à la ferme :
Chaque groupe avait le numéro de téléphone de la “ferme-quartier général” Départs du camp vers les fermes, échelonnés de 8 heures à 8 heures 30. De même pour le retour vers 17 heures à 17 heures 30.
 
Les agriculteurs ayant accepté de décaler leurs horaires, tous les groupes ont pu assister à la traite, certains ont participé en préparant la nourriture pour les bêtes. En aucun cas, ils ne pouvaient être actifs pendant la traite : risque d'accident, animaux perturbés.
Tous les élèves ont travaillé à l'entretien des bâtiments : poulaillers, porcheries, étables.
 
Deux groupes ont installé les systèmes d'arrosage. Les petits travaux ont été très variés suivant les exploitations.
Dans certaines, les élèves ont donné un coup de main pour le jardin, ou pour la cuisine. A part, un groupe qui a eu l'impression de perdre son temps, tous ont été sensibles à l'accueil très chaleureux des agriculteurs, à leur écoute, ainsi une grande attention pour répondre aux questionnaires.
 
Climat, en général, très détendu, entre deux coups de fourche ou de binette, de bonnes parties de plaisir entre les élèves, entre les élèves et les agriculteurs.
 
Après ces trois jours, impression partagée par tous les participants: c'était trop court, et cependant très fatigant :
- les élèves étaient réellement fatigués, peu habitués aux efforts physiques,
- les agriculteurs aussi, car la présence des élèves perturbaient leur rythme de travail.
 
b) Le vécu des élèves au camp :
- Peu de vie collective, pour plusieurs raisons: fatigue, le soir au retour et mauvais temps, expliquent sans doute les îlots de copains, copines, sous les tentes.
Pas de problème cependant pour assumer les responsabilités de vaisselle-cuisine.
- Les bilans collectifs prévus à chaque fin de journée ont été plutôt négatifs :
. Les groupes ne manifestaient pas le besoin de faire connaître aux autres leur vécu, ni de connaître celui des autres.
. Pas de volonté de réflexion sur ce vécu, ni de prolongement de recherches (consultation de documents, de cartes, de graphiques).
. On était au camp, pour se détendre (partie de ballon) et non pas pour travailler .
- Un point noir: trois élèves n'ont pas respecté la consigne de se coucher avant 23 heures 30. Ils étaient partis se promener sans avertir personne.
Sanction infligée par le professeur responsable: assurer toutes les corvées de rangement du camp, le lendemain matin.
 
c) Le vécu des professeurs, pendant les trois jours :
- Les professeurs étaient présents, au camp, quand les élèves y étaient et partagaient les tâches, répondaient aux questions, dépannaient en cas de problème matériel, infirmerie, etc.
- Pendant la journée, ils assuraient le ravitaillement de chaque groupe. A midi: prendre les repas au collège, et faire la tournée des fermes, ce qui permettait de rencontrer les élèves-agriculteurs, et de suivre l'évolution de l'expérience: relations-travail.
- Pendant la journée également, ils se chargeaient des courses urgentes: cassettes-diapo.
- Le temps libre a pratiquement été consacré aux relations avec les agriculteurs qui avaient prêté leur champ pour le camping: visite de l'exploitation, la traite, discussion sur les problèmes de l'agriculture.
- Nous aurions pu “tourner” et partager notre temps dans les différentes exploitations, mais nous avons préféré laisser les élèves seuls avec les agriculteurs.
Si ces trois jours ont été physiquement épuisants, ils ont été aussi très enrichissants pour nous au niveau des relations que nous avons pu avoir avec d'une part, les élèves, hors cadre scolaire et avec les agriculteurs qui appréciaient d'être écoutés.
 
d) Le vécu des agriculteurs :
Nous avions organisé une veillée avec les agriculteurs, le deuxième soir, à la ferme quartier général.
Nos objectifs étaient :
- La mise en commun du vécu dans chaque exploitation et pour faire naître des discussions sur le travail à la ferme en 1980, les problèmes de l'agriculture en 1980.
- La rencontre hors horaires travail pour mieux se connaître en mangeant des crêpes préparées par les élèves et en buvant du cidre offert par un fermier .
La soirée ne s'est pas déroulée comme prévu: le groupement dans un grenier, “non-insonorisé”, la fatigue des élèves explique sans doute ce qui s'est passé :
- très mauvaise écoute des élèves qui ont vite “décroché”.
- Et la discussion s'est engagée entre les agriculteurs qui profitaient de cette occasion pour se parler de leurs problèmes.
Après le préambule, où tous (quatre familles sur six étaient présentes) ont reconnu être satisfaits de l'expérience: sérieux et curiosité des élèves. Plaisir de faire connaître à des jeunes, leur travail.
Obligation pour eux de “réfléchir” à l'organisation de leur exploitation.
Les problèmes qu'ils rencontraient dans leur vie de tous les jours sont vite apparus, leurs divergences aussi en ce qui concerne la politique actuelle de l'agriculture.
• Problème des agriculteurs qui débutent : investissements.
• Problème de la spécialisation en agriculture.
Les professeurs ainsi que le directeur adjoint, présents à la réunion ont pu aborder avec les agriculteurs, l'intérêt pédagogique de cette expérience. Tous ont reconnu sa valeur: un savoir qu'on s'approprie par le vécu, une approche de l'agriculture par le travail concret et le contact direct avec la réalité du monde paysan: “l'école se fait ailleurs, qu'entre quatre murs”.
Il était important pour nous qu'ils adhèrent à notre projet afin d'en parler autour d'eux et de favoriser une meilleure compréhension de notre démarche.
 
f) Problèmes rencontrés, pendant les trois jours : [5]
- Le travail des élèves, sur l'exploitation s'est limité à des travaux très simples: cf. le problème des assurances, et ce en accord avec les agriculteurs.
Transport de tuyaux d'arrosage, nettoyage d'étables, des poulaillers, etc. Selon les groupes, ces travaux ont été plus ou moins appréciés (certains avaient cru pouvoir faire les foins, conduire le cheval). En fait, tous étaient heureux de faire quelque chose et surtout, ils ont pris conscience de la difficulté du travail de l'agriculteur dû à la grande mécanisation.
- L'exploitation du questionnaire : elle n'a pas été possible pendant les trois jours, malgré ce qui avait été prévu et ce, pour plusieurs raisons :
. la pluie, qui nous interdisait de nous réunir à l'extérieur. Le camping n'ayant pas prévu de lieu de réunion possible,
. la fatigue physique des élèves et leur démobilisation intellectuelle. Ils étaient prêts à raconter leur journée, mais pas du tout pour essayer de réfléchir (ils avaient raison).
- Le camping : peu de problèmes dans les relations professeurs-élèves (cf. le point noir déjà cité), pour les relations des élèves entre eux et les couples existants dans la classe, un accord avait été défini... Les professeurs, ne leur permettant pas ce que leurs parents leur refusaient (c'est sûrement répressif, mais nous n'avions pas trouvé autre chose).
 
 
- Le choix des agriculteurs (chez qui aller ?). C'est un problème délicat et important. Le premier point, c'est la disponibilité, en temps. Après discussions, il n'y a pas eu de véritables problèmes.
- Le problème de l'accueil: pour un groupe, les élèves ont eu l'impression d'avoir "été utilisés pour faire un boulot peu intéressant, mais surtout la non-collaboration de l'agriculteur pour remplir le questionnaire et discuter de leur projet les a profondément déçus. Surtout quand ils ont pu comparer avec le travail de ce qui se passait dans les autres groupes.
- Ce qu'on peut améliorer :
• allonger l'expérience dans le temps,
• prévoir la capacité d'accueil, d'une manière plus grande, pour faire un lieu de rencontre-discussions (si le temps est mauvais),
• prévoir aussi une préparation moins {troisième trimestre à éviter).précipitée
 
5. L'exploitation en classe :
1. Il restait deux semaines avant la sortie pour exploiter ce travail en classe d'où la nécessité de bloquer les heures français-histoire-géographie.
Deux fois par semaine, nous avons pu être deux professeurs en classe, en même temps (bénévolat de chaque professeur qui avait un trou) ; d'où une plus grande disponibilité pour l'organisation des travaux de groupe.
Chaque groupe a fait la synthèse de son questionnaire, et a présenté son travail :
- en une plaquette : textes polycopiés, à la machine à alcool.
- sur un panneau avec schémas : cartes photos prises par les élèves.
Chaque groupe a ensuite dû respecter son contrat : réaliser le projet personnel du groupe :
- deux montages audiovisuels humoristiques,
- l'enquête sur la femme à la ferme.
 
Difficultés rencontrées :
- Le manque de temps n'a pas permis une présentation à la classe des travaux réalisés alors qu'il avait été prévu d'aborder collectivement : les types d'exploitation, etc.
- La dispersion de certains élèves qui n'étaient plus motivés pour approfondir leurs travaux. Si quelques élèves n'avaient pas accepté de prendre en charge en dehors des heures de cours le tirage des polycopiés, la mise au point des panneaux, l'exploitation n'aurait pas été terminée.
D'où nécessité de choisir une autre date.
 
2. Rencontre avec les parents, les agriculteurs, les élèves, les professeurs, les administrateurs: la veille de la sortie, une soirée organisée, pour tous les participants de l'expérience.
 
Objectifs :
- Montrer aux agriculteurs la suite des travaux commencés à l'exploitation, leur offrir la plaquette sur leur ferme.
- Démontrer aux parents et à l'administration que nous n'étions pas seulement partis passer trois jours de vacances et que l'étude du milieu peut et doit s'appréhender dans le milieu.
 
Déroulement :
- De très nombreux parents, quatre familles d'agriculteurs circulent dans la salle où sont exposés les travaux.
- Rapide discours des professeurs qui rappellent aux parents les raisons de cette expérience et son déroulement.
- Remerciements adressés aux agriculteurs.
- Chaque groupe a ensuite parlé de son travail à la ferme et en classe.
 
- Discussion très animée entre les agriculteurs et les parents sur l'intérêt pédagogique de ces trois jours et sur ce qu'est l'agriculture aujourd'hui.
Intervention du principal qui avant l'expérience, était plutôt sceptique, pour dire sa conviction de l'utilité de ces trois jours.
- Présentation des montages audiovisuels.
- Entracte : buvette et gâteaux préparés par les élèves, à la maison. Ambiance très animée : “Tout le monde, il a l'air content d'être là, on cause de l'école dans les champs”.
- Un groupe d'élèves présente deux actes des “Justes” de Camus.
On se quitte heureux de s'être rencontrés.
 
6. Bilan
Comme diraient certains, il est “globalement positif” :
- une meilleure connaissance du monde agricole pour les élèves, les professeurs.
~ Une adhésion et une participation active à cette expérience de la part des élèves.
- L'impression d'avoir appris quelque chose.
- Une meilleure connaissance de l'école (ce qu'elle est) par les agriculteurs.
- Maintien de contacts avec les agriculteurs...
- Adhésion des agriculteurs et de certains parents à cette expérience-réflexion : “si on pouvait faire cela tout le temps”.
Janine LEHOUX - Bernard MULOCHER

Des parisiens à la campagne
JUIN 1979 :
WEEK-END A SAINTE-MAURE DE TOURAINE
 
Au début de l'année scolaire 77-78, je pris contact avec nos amis de Sainte-Maure de Touraine, pour établir une correspondance de classe à classe, en 6e. C'était une envie que j'avais, moi, depuis longtemps, mais je ne fus guère suivie par mes élèves ! Il faut dire à leur décharge, d'abord qu'ils ne m'avaient rien demandé..., ensuite qu'ils s'étaient
intéressés d'eux-mêmes au problème de la cécité et qu'ils entretenaient alors une correspondance et des échanges très riches avec l'Institut Braille de Saint-Mandé, dans la très proche banlieue parisienne.
 
La correspondance, cette année-Ià, fut donc surtout faite d'échanges, assez espacés, de journaux scolaires, de dossiers, de dessins, de poteries... poteries que j'allai chercher moi-même à Sainte-Maure, un jour de vacances, pour garder le contact, et faire connaissance avec les correspondants.
Toutefois, deux de mes élèves, “les deux Isabelle”, établirent d'emblée, avec Annie et Sonia à Sainte-Maure, une correspondance individuelle suivie qui se mua, l'année suivante, en amitié, puisque familles et enfants se rendirent visite.
 
La fidélité et même, la ténacité, de ces quatre petites, en particulier celle de Sonia et d'Isabelle P., entraînèrent peu à peu les deux classes et, en 5e, d'autres liens se nouèrent et les envois furent plus fréquents. En mai, Isabelle P. nous apprenait triomphalement que “Sonia avait écrit qu'on allait être invités !”. Ce qui fut fait...
Accompagnés par une collègue d'E.P .S. qui sympathisait avec cette classe et que l'aventure intéressait, nous partîmes pour un week-end en Touraine. Les réticences des “petits 6e” étaient loin : c'étaient des 5e, plus mûrs, pleins de curiosité, que nous emmenions.
Leur attente ne fut pas déçue : voici leurs impressions, leurs souvenirs, tels qu'ils ont été rédigés, à notre retour, pour leur journal de classe.
 
IMPRESSIONS, SOUVENIRS... DES ELEVES DE 5e RACONTENT ...
La ferme d'Edouard
En arrivant à Sainte-Maure*, nous nous sommes séparés et chacun a été dans la famille de son correspondant. Edouard m'avait choisi, on fait connaissance dans sa maison de Saint-Epain.
Saint-Epain, c'est un petit village tranquille où il y a une vingtaine de maisons, il n 'y a pas beaucoup de voitures. Les gens préservent la nature, et la verdure pousse librement. Le père d'Edouard n'est pas agriculteur mais il élève des lapins, il s'occupe d'un grand potager. Il reconstruit aussi une vieille étable qu'il transforme en quatre chambres avec salle de bains. Ce seront les chambres d'amis car il n 'y a plus de place dans la maison.
Frédéric
Photo S. BERTON
* Sainte-Maure de Touraine se trouve à 34 kilomètres de Tours, il y a 4 000 habitants environ.
 
J'ai été très heureux d'être accueilli par une gentille famille, dans une très grande maison, à la campagne. Je me suis bien amusé avec mon correspondant, Yannick, mais j'ai aussi beaucoup sympathisé avec sa sœur
Muriel.
Je suis pressé de retourner à Sainte-Maure : j'irai bientôt car je suis invité pour les grandes vacances",
A midi environ, on fait un pique-nique au stade, assis sur des bancs rouges. Isabelle fait des photos...
A 2 h 30, nous partons en voiture pour aller à la fête de l'école. Je vois plein d'amies très gentilles, je leur parle, je n'ai plus peur! Je suis content !
 
• LA FETE ANNUELLE AU COLLEGE DE SAINTE-MAURE
 
Les vieux métiers...
C'est la vieille boulangerie qui m'a plu. J'ai vu comment on faisait les biscuits sur une plaque de bois et, à la sortie du four, nous en avons mangé. Le pain était moins cher en 1900 que maintenant.
Charles-Henri
A la fête du collège, l'exposition m'a beaucoup intéressé. Ce qui était passionnant, c'était de voir des personnes qui fabriquaient des choses comme autrefois: des cordes de chanvre, de la poterie, du tissu et de la dentelle. Cela m'a plu aussi de voir les vieux outils et comment le bourrelier, le sabotier les utilisaient.
Francis
Je me suis beaucoup intéressé à l'exposition sur la vie rurale en 1900, car je n'avais jamais vu faire les artisans d'autrefois : la repasseuse, le bourrelier. Cela m'a plu de voir faire le boulanger, comment il fait la pâte pour le pain et les biscuits. La maison tourangelle avec ses vieux meubles, la vieille épicerie avec ses cartes postales, ses boutons et ses boîtes anciennes m'ont intéressé aussi.
Les maisons troglodytiques où l'on met les bouteilles de vin et le fromage m'ont étonné. La fermière nous a montré comment elle fait ses fromages de chèvre.
Stéphane
 
Dans la campagne de Sainte-Maure, autrefois, il y avait beaucoup de fermes. Les agriculteurs pratiquaient la polyculture. Ils travaillaient beaucoup avec les mains: c'était un métier dur. L .agriculteur prenait une charrue et l'attachait au joug sur le cou du cheval, le cheval la tirait, il labourait la terre pour l'aérer.
Frédéric
La fête...
J'ai fait de la poterie avec Isabelle et Yannick est venu en faire aussi. J'ai acheté un pot de toutes les couleurs, il n'était vraiment pas cher...
J'ai lancé des anneaux pour attraper un canard : c'est très drôle. J'ai gagné trois canards. Je dis à Muriel : “ Comment je vais faire avec ces trois canards ?
- Tu ne peux pas les emporter à Paris, je vais les donner à ma grand-mère.
- Parfait Muriel, mais je voudrais rapporter un caneton.
- D'accord, il yen a chez ma grand-mère, allons en chercher un”.
Nous l'avons rapporté par le train !
Olivier
 
• ELEVAGE DE CHEVRES, FABRICATION DU FROMAGE SONT D'IMPORTANTES RESSOURCES ECONOMIQUES DE SAINTE-MAURE
Reportage extrait du journal “Pensées des 4e D”
 
Les fromages de Sainte-Maure
Elevage de chèvres
A Draché, un petit village près de Sainte-Maure, nous avons visité un élevage de chèvres moderne. L'étable est un hangar de ciment et parpaings ; le toit est en plastique pour retenir la chaleur ; il y a des lucarnes qu'on ouvre seulement en été, car les chèvres n' aiment pas la chaleur ni le froid, elles préfèrent l' air tiède. En hiver, les chèvres ne mangent que du foin. Les chevreaux mâles qui sont inutiles (car ils ne donnent pas de lait} sont tués.
L'éleveur me dit : “Deux fois par jour matin et soir, on prend du lait pour faire les fromages”.
 
L'élevage naturel des chèvres
Il y a un mâle, le bouc, pour plusieurs dizaines de femelles. Fin août, début septembre, le mâle féconde la femelle avec son sperme contenant les spermatozoïdes. La période de gestation est de cinq mois. Les chevreaux naissent donc en janvier-février. On garde toutes les jeunes femelles. On tue les jeunes mâles à trois semaines pour utiliser leur viande et leur peau.
Frédéric
Les habitudes des chèvres
On coupe les cornes à trois mois autrement les chèvres se déchirent les mamelles. Les chèvres sont très difficiles. mais elles sont plus intelligentes que la vache. En hiver elles mangent beaucoup de matières sèches. Pendant la chaleur elles sortent, mais pas quand il pleut, ou quand il fait froid. Elles sont très nerveuses quand il y a de l'orage et, quand il pleut, ça les gêne beaucoup. La chèvre ne se salit pas, elle est toujours très propre. Ils laissent les petits avec les autres, ainsi ils ne s'ennuient pas : ils font comme les chats, ils jouent ensemble.
Jean-Philippe
Et enfin : la fermière nous emmène dans la salle où elle fait son fromage. Elle me donne de la crème que je trouve très bonne... j'en remange !
Avant de partir, je lui achète deux fromages en forme de rouleau et un fromage rond.
Olivier
• Y RETOURNERONS-NOUS ?
J'ai envie de retourner à Sainte-Maure pour revoir la famille qui m'a reçu. J'aimerais mieux vivre là-bas qu'à Paris.
Tous les élèves tourangeaux ont été très gentils et ils m'ont aidé à découvrir l'exposition sur 1900.
Frédéric
Ce que j'ai préféré à Sainte-Maure, c'était les maisons troglodytiques; j'aimerais en habiter une. Je voudrais apprendre avec les Tourangeaux, les vieux métiers d'autrefois, pour mon plaisir, pour décorer ma maison comme au bon vieux temps ; mais je serais un agriculteur avec des outils modernes.
Jean-Philippe
Ce qui m'a plu, ce sont les "biquets” de l'élevage etj'ai été étonnée de voir les grottes naturelles dans lesquelles on peut habiter. J'ai aimé les jolis paysages.
Isabelle F.
Cela m'a fait plaisir de rencontrer Sonia, ma correspondante, avec qui j'ai correspondu pendant la 6e et la 5e. L'exposition au collège m'a intéressée, ainsi que l'élevage de chèvres et la fabrication du fromage. Mais surtout, j'étais heureuse d'être à la campagne.
Isabelle P.
LE PAYSAN DU XIXe SIECLE
Il a beaucoup de travail,
A tous les mois de l.année :
Il laboure jachères, il dépique seigle,
Il coupe bouchures. il serre javelles.
Il prépare claies neuves,
Il attaque pelote de fumier,
Il met en ordre les prés :
Il fait les plus terribles besognes.
Il se lève tôt
Et se couche tard.
Il fauche les blés,
Dresse moyettes,
Il faut qu'il se dépêche, il serait en retard !
Il a beaucoup de travail :
Il coupe,
Il sarcle,
Il panse,
Il bat.
Sonia, 5e
Sainte- Maure
Photo "J'ai fait de la poterie avec Isabelle et Yannick!!"
S. BERTON
 
Le groupe CLAPOTI à Paris [6]
Agnès HEMMER
Alain DUQUENNE
Professeurs d'éducation physique
au C.E.S. d'Hayange-Konacker
Hayange, le 5 mai 1979
à Monsieur le Recteur
de l'académie de Nancy-Metz
 
Objet : Compte rendu du voyage organisé par le groupe Mime-folklore du C.E.S. Konacker.
 
Suite à votre demande, nous vous faisons parvenir un compte rendu du voyage à Paris du groupe Danse-mime du foyer socio-éducatif de notre C.E.S. Nous avons demandé aux 62 enfants qui ont participé au voyage de nous communiquer leurs impressions sur le voyage. Nous vous présentons donc, un compte rendu constitué par une juxtaposition des différentes réflexions des enfants.
 
Le voyage en car était bien, pour aller jusqu'à Paris, vers le milieu du voyage, nous nous sommes arrêtés à un restaurant pour pouvoir faire nos besoins et aussi, pour nous rafraÎchir la bouche en buvant quelque chose (Irène 13 ans).
L'animation dans le bus était bien (Brigitte 13 ans). Quand nous sommes arrivés à Verrières-Ie-Buisson, nous avons eu un accueil chaleureux de la part de Karine, la prof de Verrières, qui était super sympa. La bouffe à midi n'était pas dégueulasse malgré la mayonnaise et le poulet. L'après-midi, pour le spectacle, la salle était formidable (loges, sono, scène, salle, etc. ), mais malheureusement les spectateurs n'étaient pas nombreux ( sept pelés et un tondu ). D'un côté, ce n'était pas mal, comme cela nous avons pu répéter dans de bonnes conditions (Valérie 15 ans). Ensuite nous avons vu la tour Montparnasse que nous avons trouvé très haute, puis nous avons visité la Tour Eiffel dans les quatre coins, le Nord, le Sud, t'Est, t'Ouest (Irène 13 ans). La Tour Eiffel, bon, rien à signaler, c'est la Tour Eiffel. Ensuite le métro, c'était vraiment génial, pour aller jusqu'au restau U. (Valérie 15 ans). Après le métro qu'on ne trouve pas partout, la promenade en bateau mouche, avec le tout Paris illuminé, après les Champs-Elysées, que j'aurais bien voulu faire à pied. Après toutes ces aventures, la nuit s'est passée plus ou moins dans la gaÎté (Sylvie 14 ans).
 
Dimanche à 7 heures, petit déjeuner, très bon, servi dans un endroit tout à fait charmant, en effet j'ai trouvé que Chavenay était très bien, puis nous arrivons à Versailles, les jardins étaient très beaux, surtout sous le soleil, mais la visite du château en lui-même m'a assez déçu, à part la chambre de Louis XIV qui était magnifique. Puis le déjeuner dans le restau U était potable en comparaison avec celui du samedi soir, malgré le nombre incroyable de personnes qui faisaient la queue (Jean-Marc 13 ans). L'après-midi, le parc de Thoiry était trop éloigné, et il m'a donné l'impression que les animaux n'étaient pas naturels, à côté des reportages ça m'a déçu, la promenade pédestre dans Thoiry était très complète et intéressante ( Laurence 14 ans). Après deux heures de route pour aller manger (30 kilomètres), nous arrivons à un poil près pour être à l'heure au dîner, toujours la même queue, mais comme à midi, le repas n'était pas trop moche, j'ai tout mangé. Le soir la traversée de Paris était extra, puis il ya eu une petite fête, à mon avis c'était pas génial, mais c'est parce que tout le monde était crevé (Valérie 15 ans).
Le lundi matin, nous étions obligés de nous lever à 6 heures 30, car nous devions nettoyer la salle où nous avions couché, pour la rendre telle que nous l'avions prise (Irène 14 ans). Puis nous sommes allés au C.E.S. de Ris Orangis pour faire le spectacle. Ça a plu au collégiens qui étaient très sympas, d'une toute autre mentalité que nous, mais dont le genre m'a plu. La seule chose queje regrette de ce C.E.S., c'est la nourriture (Marie-Rose 14 ans). Au C.E.S. on s'est fait des copains parisiens très chouettes, nous avons mangé à la cantine avec eux (Irène 13 ans). L'après-midi, nous nous sommes rendus à t'aéroport d'Orly pour voir les avions décoller et atterrir, nous nous sommes promenés tout l'après-midi dans les galeries de l'aéroport (Véronique 13 ans).
J'ai beaucoup aimé ce voyage, car on était entre copains, l'ambiance était bonne, on connaÎt ainsi d'autres villes, d'autres, d'autres monuments. Surtout on pouvait communiquer avec d'autres jeunes, par exemple pour savoir ce qu'ils pensaient de notre spectacle. C'est ainsi que certains d'entre eux m'ont dit qu'ils t'ont apprécié car il n'y en a pas souvent dans le même genre (Marie-Rose 14 ans).
 
 
Naissance du groupe “CLAPOTI” 1977-1978
Les activités Mime et Danse permettaient aux enfants de créer et d'exprimer leurs créations, mais cela restait entre nous, et les enfants ont assez vite éprouvé le besoin de montrer leurs créations à l'extérieur, d'où l'idée de monter un petit spectacle qui pouvait être présenté dans un foyer de personnes âgées et une M.J.C. (les enfants ayant refusé de présenter leur spectacle a l'intérieur du collège par peur des quolibets et critiques de leurs camarades).
Au début de l'année scolaire 77-78, il y avait peu d'élèves qui participaient au mime, une dizaine, une petite vingtaine d'élèves participaient à la danse. Mais la préparation du spectacle a dynamisé le groupe, qui a cherché à s'organiser, qui a voulu se trouver une identité et c'est le nom de “CLAPOTI” qui a reçu le maximum de suffrages.
 
Commentaires des enseignants
Les dominantes de ce voyage restent : dépaysement et communication avec d'autres jeunes. En effet, partout où nous allions (salle de spectacle, restaurant universitaire), les enfants avaient une très grande facilité à discuter avec les jeunes qui se trouvaient là.
 
Après la déception du premier spectacle, une dizaine de spectateurs, malgré une vingtaine d'affiches faites par les enfants et disposées dans tout Verrières depuis trois semaines, le deuxième spectacle a été un succès, 300 élèves du C.E.S. de Ris Orangis ont pu assister au spectacle. Dans le premier cas, le principal avait refusé que les élèves quittent les cours pour ce spectacle, dans le deuxième cas, les élèves avaient été libérés.
 
Le principal handicap pour la réalisation de ce voyage aura été le problème financier. Le coût du voyage a été de 8 000 F, il a été entièrement financé par les enfants. Soit par un travail collectif (spectacles, vente d'une mascotte réalisée par les enfants, marché aux puces de jouets, vente de gâteaux), soit par la participation des familles, nous avons demandé 80 F pour chaque enfant ce qui nous paraît un maximum compte tenu des conditions socio-économiques des familles. Tous sont des enfants d'ouvriers sidérurgistes émigrés. Il est regrettable que nous ne puissions être subventionnés pour ce genre d'entreprise. A noter toutefois, que le bilan du voyage présente un déficit de 1 000 F que les enfants ont accepté de combler en poursuivant le travail collectif durant le troisième trimestre, et en multipliant les spectacles que nous devons encore donner dans la région.
 
Le bilan est pour nous très positif, pour les enfants également. Tous sans exception souhaitent pouvoir recommencer l'an prochain, et d'autres élèves voudraient pouvoir faire partie du groupe de spectacle.
 
L'échange par la rencontre
 
Depuis que j'essaie de vivre la pédagogie Freinet dans mes classes avec mes élèves, la communication est devenue au fil des années, une technique de vie que j'ai toujours essayé de privilégier.
 
Le groupe classe qui vit (et parfois aussi celui qui ne vit pas et que la correspondance réveille parce qu'elle sollicite, interroge) a rapidement besoin d'échos à sa propre vie. (Rapidement ne signifie pas quelques jours, mais peut, comme cette année, pour une classe de 6e, signifier deux mois, le temps que le besoin naisse, devienne vital).
 
Tout d'abord, il les trouve en lui-même dans toutes les relations qui naissent entre les éléments du groupe et les autres qui partagent jeur lieu de vie (autres élèves d'autres classes, parents attentifs qui apportent leur point de vue, leurs expériences quand on les sollicite). Cela peut être aussi l'écho statique des documents (Gerbes, B.T., textes d'auteurs, documents des médias...) qui peuvent apporter une ouverture, mais sont souvent choisis en raison de leur apport explicatif ou enrichissant, mais qui ne parlent pas, qui ne répondent pas, sauf quand, après une lettre à un organisme ou à un individu, on reçoit de nouvelles idées.
 
Puis vient le moment du besoin d'un écho vivant, venu d'un groupe identique par sa forme de vie. Ainsi s'établit la correspondance et ses multiples liens, ses joies à la réception des colis, ses alarmes quand la réponse tarde, ses échecs quand le contact n'arrive pas à se faire.
 
On s'envoie des photos, on parle de sa vie, on essaie de se définir, de faire vivre aux autres une réalité différente. On s'interroge. Et peu à peu on en arrive toujours à une conclusion-question simple : ce serait bien si on pouvait les voir !
 Voilà l'idée d'une rencontre lancée. Mais se voir pourquoi ? Et quand ? Et comment ? Et pour quoi ? J'avoue franchement que la réponse au pourquoi est toujours la première et souvent pendant un long temps la seule ; elle se résume (avec une certaine évidence de la part des enfants) tout simplement à un besoin affectif où se mêlent la curiosité que l'on a de l'autre, l'espoir de créer autre chose qu'un échange de lettres, surtout lorsque par l'échange des textes est née une certaine affinité de goûts ou d'idées.
 
Quand le projet de rencontre est lancé, la correspondance prend une autre dimension, les échanges sont teintés d'autre chose ; il ya là rapidement plus de curiosité, plus d'intimité, quelquefois aussi un peu de crainte (pensez donc! se rendre à... vivre avec... chez d'autres gens... partir deux jours... par le train !). (Quand il s'agit d'un voyage à l'étranger les questions sont encore plus angoissantes et les relations qu'il faut mettre en ceuvre pour débloquer de petits problèmes très personnels (énurésie par exemple) sont à ce moment bien au-delà des relations habituelles maître-élève !).
Tout de suite, bien sûr, des questions se posent précises et urgentes: quand irons-nous ? Pourront-ils nous recevoir ?
 Comment ? Que ferons-nous quand ils seront là ? Toute la vie, ou du moins une grande partie de la vie du groupe, se trouve du même coup fortement marquée, parce que ce n'est que d'une organisation coopérative que vont pouvoir sortir les solutions ! Le choix des dates n'est pas facile (irons-nous d'abord ?). Quand le choix s'est fait (en fonction des nombreux paramètres que tout le monde connaît (disponibilité, possibilité d'accompagnement par un collègue ou un parent, questions administratives de remplacement, distance, durée, etc.), la machine se met en route (quand c'est possible, il faut intégrer ces échanges au cours normal de l'année pour qu'ils soient vraiment des moments de vie du groupe).
 
A partir de ce moment, on construit et on est tous embarqués et c'est la vie, une vraie vie de projets.,.
 
CAR TOUT DANS UN ECHANGE EST ENRICHISSEMENT !
 
- Enrichissement au niveau de l'humain par la découverte de l'autre, cet autre qui est là, avec lequel on a correspondu, et qui se révèle semblable ou différent... surprise, inquiétude...
- Enrichissement pendant toute cette préparation matérielle qui pose tant de questions sur la vie, les moyens d'existence, les possibilités d'accueil, les lieux de vie, les modes de vie, les contacts avec d'autres adultes, le voyage et les moyens de le faire à notre niveau, parce que c'est notre affaire et que nous allons ceuvrer pour que cela reste notre affaire d'un bout à l'autre... .
 
- Enrichissement au moment de la rencontre mais aussi après la rencontre avec toute la moisson d'expériences, de souvenirs, d'images et le projet de voyage retour et la préparation de l'accueil des autres, avec toute la réflexion sur tout ce que l'on a vu et vécu...
- enrichissement, même dans l'échec apparent d'une rencontre entre gens des villes et gens des champs qui ne se comprenaient guère au début...
L'échange n'est pas prémédité {je veux dire qu'il n'est pas nécessairement décidé au début de la correspondance et qu'il n'est pas à mon sens le but ultime d'une correspondance, qui peut bien vivre et être très riche sans lui).
 
Notre regret l'an dernier aura été de ne pas avoir pu rencontrer nos camarades de Gros Morne (nous le savions pourtant bien sûr !), pas plus que nous ne pourrons cette année voir et toucher nos camarades de Rio, mais nous irons peut-être à Paris, à Strasbourg, à Hayange et chez nos correspondants anglais, c'est déjà une belle panoplie !
Danse à Chenôve
P .S. Il n'y a pas de recette, chacun “se tâtonne” son mode d'échange, c'est à mon avis une excellente technique de vie.
M. V/BERT
 
Rendez-vous à Paris !... Et ce qui s'en suivit
 
C'est de cette façon que la classe de Janine Guyon {Saint-Quentin - 02) et celle de Marie Sauvageot (Marsannay - 21) ont eu un premier contact.
 
“A la gare de Lyon, j'ai vu pour la première fois ma correspondante. Je l'ai trouvée très belle et très sympathique. Ensuite, nous avons bavardé pour savoir comment elle me logerait, moi et mon camarade...
Frédéric”.
 
On s'est vu, on sait à qui on écrit, c'est déjà plus facile :
“ Chers amis,
Je vais vous raconter ce qu'on a fait samedi matin. Pendant deux heures, nous sommes allés avec la 6e D dans la salle polyvalente, avec nos profs de français et deT.M. Nous avons manipulé des marottes que les comédiens qui avaient joué la pièce “Apprendre à frissonner” avaient amenées. On a joué des sketches. Nous les avons bien regardées, pour confectionner les nôtres. Je vous dessine la mienne. A bientôt”.
Voici le calendrier de cet échange :
20 avril 78 : Rencontre à Paris.
4-5-6 mai 78 : Saint-Quentin va à Marsannay.
12 à 15 octobre 78 : Marsannay va à Saint-Quentin.
 
Cela suppose une certaine stabilité des profs; cependant, si la première rencontre se fait au premier trimestre,
les trois déplacements sont possibles dans une même année. Les voyages sont financés par les élèves, mais, s'ils ont moins de 14 ans, la S.N.C.F. offre 75 % de réduction sous condition que le voyage n'excède pas trois jours. On peut proposer aux élèves des paiements échelonnés, sous forme de cotisation au mois ou à la semaine, cela facilite souvent les choses et fixe l'intérêt.
 
Sans étouffer pour autant la spontanéité, l'organisation d'un voyage demande beaucoup de précisions: accords réels et sûrs pour les divers contacts, visites, déplacements, niais aussi un planning à la fois précis, souple et riche concernant les activités coopératives :
 
 “Samedi matin - 9 heures au lycée.
Nous proposions trois groupes de travail :
- En laboratoire de sciences naturelles, observation des animaux pêchés la veille, croquis. Ceci intéresse particulièrement les enfants de Marsannay, l'aquarium marin y étant inexistant, mais le groupe est constitué d'enfants des deux centres.
- Un groupe expression corporelle, jeux poétiques. Des recherches de rythme, de l'expression spontanée.
- Un groupe “messages codés” : les élèves de Saint-Ouentin initient leurs camarades de Marsannay à l'exploitation d'une grille permettant de manipuler des codes. Les élèves sont très intéressés au départ, les échanges se multiplient, des petits groupes évoluent vers la création d'autres “jeux de mots” plus littéraires.
 
A 11 h 30 environ, les élèves réintègrent leurs foyers d'accueil. L'après-midi est laissée libre à l'initiative de chaque famille.
D'après le témoignage des élèves, beaucoup d'entre eux se sont retrouvés à la Foire, d'autres ont visité certains lieux célèbres dans la région, d'autres sont allés aux châtaignes... Tous ont gardé un souvenir très chaleureux de ce moment, parlant de leurs contacts avec la famille de leur correspondant, de leurs jeux, de leurs promenades, comme d'un moment privilégié du voyage ”.
Le voyage, même en France, c'est la découverte :
“ Depuis Bagnolet, le métro est direct jusqu'à Opéra .
C'est là que se trouve le C.E.S. Molière, celui de nos correspondants malentendants. En allant vers le C.E.S., nous avons remarqué de nombreux policiers sur le trottoir, ils étaient devant les banques et les bijouteries qui sont nombreuses en cet endroit. Beaucoup de noms étaient écrits en japonais dans les vitrines. Le C.E.S. est dans une ancienne maison bourgeoise. Les portes sont ornées de boiseries, on dirait des salons. . . ”.
 
 “ L'arrivée au Tréport est extraordinaire pour beaucoup d'enfants de Marsannay qui n'avaient jamais vu la mer, pour certains enfants de Saint-Ouentin aussi. Beaucoup ont découvert la Mer du Nord, y compris un professeur.
Les heures furent courtes, du pique-nique sur la plage à la recherche d'animaux marins, à la découverte de la marée, pantalons retroussés jusqu'au genou, vers le port, les falaises... Il faJlut rentrer et personne ne le souhaitait”.
“ Pour beaucoup à Marsannay, c'était le premier contact avec les vignes”.
Le voyage, c'est toujours la joie :
“La soirée à la M.J.C. de Chenove. Le vendredi 5 mai, nous sommes allés à la M.J.C. de Chenove avec les “corres” de Saint-Ouentin. Nous arrivions en petits groupes. Aussitôt arrivés dans la salle, nous disposions nos gâteaux, nos boissons et après, les filles allaient se déguiser dans le vestiaire. Nous en sommes sortis avec des habits assez drôles. Ce qui était magnifique, c'était un garçon déguisé en fille, et cette fille habillée comme une arabe. La musique nous faisait danser très longtemps. J'ai dansé avec Anna, avec un garçon et avec le correspondant de Valérie qui était d'ailleurs sympathique. Des garçons faisaient les chefs d'orchestre. Cette soirée s'est très bien passée et les correspondants étaient contents. J'aimerais que ça se renouvelle. Et pour les profs, est-ce aussi la joie ? ”,
Le vendredi soir était prévue une grande soirée, avec les enfants de Saint-Ouentin, de Marsannay et les professeurs des deux C.E.S.
Les familles de Marsannay avaient préparé un buffet, des boissons, et nous avons pu utiliser la salle des fêtes de la M.J.C. de Chenove.
Cette soirée a été vraiment une réussite, et nous a permis de voir sortir de l'ombre beaucoup de nos enfants que nous croyions éteints. Un tout petit nombre est resté sur sa réserve (2) .
Le dernier repas a été pris dans les familles, et chacun a été raccompagné à la gare par “son ” chauffeur .
Tous les enfants étaient émus.
Nous avons été frappés par l'accueil de nos correspondants, aussi bien les enfants que les professeurs. Dans le train, nous avons appris que plusieurs d'entre eux étaient invités pour les vacances; tous avaient des provisions pour la route et il y avait beaucoup de cadeaux.
Nous n'avons eu aucun problème, à aucun niveau, sûrement grâce à l'organisation rigoureuse de nos collègues de Marsannay. A Saint-Ouentin, les parents nous attendaient et chacun ayant beaucoup à raconter, la dispersion s'est faite rapidement.
 
Il est difficile de faire passer dans un compte rendu, le plaisir et la chaleur que chacun a trouvés pendant ces trois jours. Nous n'avons pas non plus parlé de l'accueil des professeurs par leurs collègues, peut-être parce que nous en gardons un souvenir de contacts humains beaucoup plus riches qu'un simple échange scolaire”.
Car c'est bien la demande affective qui domine, ainsi qu'en témoigne cette lettre arrivée un jour sur le bureau d'un professeur:
 
Monsieur Jean-Yves
J'aimerais correspondre avec un garçon de 15 ou 16 ans aimant :
- les Bee Gees
- le disco
- Patrick juvet
- la moto
J'ai 15 ans, je suis brune aux yeux bleus verts.
J'ai deux frères de 8 et 10 ans. Mon père est Boulanger. J'aimerais la phot du garçon qui voudrait correspondre avec moi et son adresse
Voici la mienne :
...:...
Merci et j'espère avoir une réponse très rapidement.
 
Mais cette “fragilité affective” génère aussi beaucoup d'angoisses, de refus, de replis, de fuites :
“... les élèves étaient cependant un peu angoissés; un rapide sondage nous a permis de savoir que plus de la moitié n'avaient jamais dormi ailleurs qu'auprès de leurs parents...”.
“C'est parce que beaucoup d'enfants insistaient sur les émotions vécues au cours du' voyage que je leur proposai
 
 “Aujourd'hui ma classe part pour la Belgique. Vers douze heures moins le quart, j'arrive avec un cadeau pour mon correspondant. Mon professeur le lui remettra, car, moi, je ne pars pas. Je vois mes camarades tout joyeux et je suis heureuse pour eux, puis je reviens chez moi.
Ça y est, pensais-je, j'aurais dû me cacher dans une valise, comme cela je serais partie aussi ?
Pendant la semaine du voyage, je les vois se promenant avec nos correspondants et j'attends avec impatience leur retour. Enfin, lundi! Tous sont contents, tout s'est passé, comme c'était prévu, Ils me racontent. Et mon correspondant m'a répondu !” de les écrire. J'ai été frappée de l'importance accordée à leur peur de partir : “J'ai peur de ne pas être logée...”.
“Je ne savais pas où j'allais loger. Je me cramponnais à C. qui, elle aussi, avait très peur. Arrivée devant mon correspondant, je tremblais de peur : Je n'arrivais plus à parler, j'avais envie de pleurer”.
“Ma correspondante vient me chercher et m'apprend que je ne suis pas avec C. mais avec J., seule. Désespérée, je la suis.”.
“ Florencè vient vers moi et me dit : “Je peux t'accueillir quand même. Je suis affolée, moi qui croyais être avec une copine, je vais être toute seule. J'ai très peur”.
 
 “J'avais peur qu'on ne me reçoive pas ! Quand on est arrivé à la gare de Saint-Quentin, j'étais désarmé.
J'aperçus mon correspondant, j'étais sûr qu'il me prenait dans sa famille. Quand son regard se leva, je restai figé”.
“Soudain, j'ai appris chez qui j'étais. Mon creur s'est resserré. Je n'osais plus avancer. Sur le coup, j'ai pensé à leurs coutumes. J'avais presque les larmes aux yeux et j'étais très angoissée”. (Reçue par une petite fille musulmane traditionnelle, le vendredi, au bord de la mer , elle avait manifesté le désir de changer de famille. Nous pensions à un caprice. Le dimanche matin, elle manifesta cependant de la tristesse au moment de rentrer : les contacts avaient été positifs).
“Le soir, au lycée, il y a réception, et, pour comble, je ne sais pas danser”.
“Je fais la connaissance des parents. Ils m'ont l'air sévère. Avant de m'endormir, je me dis que je regrette d'être parti, ces trois jours vont mal se passer. Vivement dimanche !”.
“Voici le dîner en famille. Je me contente de répondre aux questions. Dehors, je me sens détendu, plus libre. A la maison, j'ai trop peur de mal faire ”.
“J'ai dans ma valise une boîte de chocolats. Pourvu qu'ils ne fondent pas. A qui faudra-t-illes offrir ? A C. ou à une autre famille ? Qui va me loger ?..”.
En somme leur “peur” se situe au niveau d'un manque d'habitude, mais cela vient de si loin, de la vie des familles, de l'environnement, qu'un simple raisonnement a bien peu de poids devant des appréhensions, confuses peut-être, mais tenaces... jusqu'à ce que l'expérience les annule : Martine.
 
Deux fois quatre jours inoubliables
 
Nous allons tenter d'analyser ici - avec quelques mois de recul - ce qu'a pu être l'apport du voyage-échange de deux fois quatre jours qui amena des 2d A de Montmorency (95) à Bordeaux-Bastide, puis des 2d C de Bordeaux-Bastide à Montmorency, juste avant et juste après les vacances de Pâques 1980 (vacances décalées de huit jours d'une des académies concernées à l'autre).
 
L'objectif que nous nous proposions [7] - nous, les deux professeurs de français de Bordeaux et de Montmorency, le professeur d'histoire-géographie de Montmorency et les professeurs de math et de physique de Bordeaux - et dont nous avons parlé aux parents dès la réunion du premier trimestre, était double, scolaire d'une part, relationnel de l'autre.
 
1. Acquisition de connaissances, appréhension de nouvelles réalités.
Le séjour à Bordeaux devait comporter une visite au journal Sud-Ouest dont les installations récemment rénovées sont à la pointe du progrès et le séjour à Paris une visite au Matin de Paris et à La Croix, l'une et les autres préparées par les enseignants. Les visites elles-mêmes furent fort intéressantes, même si la conjoncture à Paris voulut que la presse fût en grève !
Mais la préparation et l'élargissement aux problèmes de la presse écrite en France furent insuffisants. D'une façon générale, voyage et visites ont un tel impact que l'on a vraiment intérêt à les préparer et à les exploiter ensuite le plus possible afin que le bénéfice en soit multiplié. Souvent d'ailleurs, il s'agit d'exploiter l'imprévu : la dune du Pyla et son aspect grandiose, découverts sous le soleil fin mars, furent un tel éblouissement pour les jeunes Parisiens que leur professeur d'histoire-géographie les passionna au retour, en leur parlant de “la vie des dunes” à travers les années et les siècles... En revanche, le travail de la vigne, la fabrication du vin et l'évolution du vignoble ne furent pas approfondis ni avant, ni après le voyage, faute de temps.
Mais l'histoire du port et de la ville de Bordeaux, la visite du Musée Guimet à Paris commentée par une remarquable conférencière, certaines salles du Palais de la Découverte en compagnie du professeur de physique et chimie .de Montmorency [8] furent source de connaissance et d'enrichissement certains.
 
Et puis rien ne remplace le contact direct avec une réalité - qu'il s'agisse du travail des ouvriers de l'Hôtel de la Monnaie de Bordeaux, des piquets de grève du Journal La Croix, de la frénésie des agents de change de la Bourse - ou de l'abrutissement des usagers du métro :
 
      Mauvais
      Etouffant
  u T ile
      Racisme
Aut O matisme
 
Voilà le métro tel qu'il est, témoin sombre et sordide de drames, de suicides, de combats... Trou couvert d'affiches publicitaires, où se déversent par milliers, chaque jour, des gens aux yeux fatigués...
Aline et Cathy (Journal Le Pont, juin 1980 - classe de 2d C).
Rupture donc et, en même temps, continuité avec la vie scolaire: les deux aspects nous semblent essentiels dans ce genre d'expérience: Maud en fut très consciente :
 "II y eut, certes, au départ, cette peur de l'inconnu, car le fait de rencontrer une trentaine de personnes avec qui on est censé partager et communiquer, est très rare, hormis pendant les vacances, dans le contexte actuel. Mais à la suite de cette sorte de fusion, il règnait une entente à l'unisson, car nous avions à ce moment les mêmes buts : être et rendre les gens heureux autour de nous. Et du fait justement que nous ayons tous eu ce but, nous en étions stimulés, motivés et prêts à mieux nous extérioriser. En classe l'habitude, le programme scolaire strict, la conjoncture actuelle ne nous poussent pas assez à sortir le meilleur ou le pire de nous-mêmes. Il y a également cette formidable question de temps : en six jours en tout, nous devions nous démener à faire parfois ce que nous ne faisions même pas en trois mois !
Tout ce contexte a fait qu'il y a eu dynamique de groupe par laquelle certains ont puisé en eux de formidables ressources d'énergie qui ne demandaient qu'à exploser - et non à imploser COf!1me auparavant”.
 
En réécoutant les bilans enregistrés, en lisant les comptes rendus, on a l'impression que ce fut l'aventure - une aventure bien simple en vérité, et à la portée de tous, ou presque.
A noter: la date adoptée - autour de Pâques - nous a semblé favorable, car assez loin de la fin d'année pour que le voyage soit bien inséré dans le travail scolaire ; assez loin aussi du début pour qu'il soit préparé par des échanges, collectifs et individuels. En particulier, l'arrivée à Bordeaux, avec une heure et demie de retard, des Montmorencéens très excités par le trajet et accueillis chacun à bras ouverts, en quelques minutes par leur correspondant, ne fut si réussie que parce que l'accueil avait été minutieusement prévu en fonction des correspondances individuelles déjà amorcées et des possibilités d'hébergement des uns et des autres [9]
 
"Les lycéens de François Mauriac et de Montmorency à Sud-Ouest”.
Photo. Sud-Ouest
 
2. Apprentissage de la vie en commun et des responsabilités, à travers l'organisation de l'échange.
 
Une telle entreprise n'atteindrait pas les objectifs souhaités si elle ne reposait que sur quelques “enseignants dévoués”. Une fois qu'ils ont donné l'impulsion, la prise en charge se fait progressivement, au cours de séances de coopérative avec toute la classe et l'équipe des enseignants. A mesure que la date de la première rencontre approche, l'inquiétude aidant, les tâches se précisent, ainsi que le détail de l'organisation :
- Qui cherche des adresses de caves à visiter ?
- Qui prépare les diverses visites à Bordeaux ? Qui se documente sur le vieux quartier ? Le quartier moderne? Les musées ?
- Qui héberge qui ? ... Qui récapitule la liste des hébergements ?
- Quelles familles acceptent de ramener des élèves en voiture à minuit après la visite du journal et la mise en marche des rotatives ?
Certes on y passe du temps, cela empiète sur l'horaire de français, de math ou de physique; quelques heures supplémentaires sont parfois nécessaires. Mais la contre-partie est largement positive.
 
Certains élèves, jusque-Ià très discrets, révèlent des talents d'organisateurs :
((Ceux qui se sont occupés de la visite du quartier Mériadeck, c'était la première fois qu'ils prenaient autant de responsabilités”. (Véronique). Ils avaient même poussé le sérieux jusqu'à consacrer tout un samedi après-midi à repérer l'itinéraire.
 
les initiatives se multiplient: comment trouver de l'argent et faire baisser le prix du voyage à Paris ? “ Nous allons vendre le journal de classe en expliquant qu'il nous sert aussi à financer partiellement le voyage” (Et bientôt ce fut même à qui vendrait le plus cher ses journaux...).
 
 ((Nous allons organiser un bal... Ne vous en faites pas, nous nous occupons de tout”... J'avoue que, sur le moment, je fus un peu inquiet et sceptique... J'avais tort: ce fut la révélation d'une équipe de garçons, jusque-Ià en difficulté scolaire et un peu en marge de la classe. Nous les avons pris au mot et ne nous sommes occupés de rien: recherche d'une salle municipale, autorisation de la mairje, installation d'une sono, publicité... Tout fut pris en charge par cette équipe.
 
Cela ne va pas sans maladresses, ni sans frictions, ni sans crises : le groupe évolue, fait l'apprentissage de la vie et de ses contraintes. C'est ainsi qu'une publicité excessive pour le bal (annonce dans le journal local) provoqua la venue de jeunes perturbateurs qu'il fallut expulser. Par ailleurs, la Société des Auteurs et Compositeurs de Musique - dont les élèves apprirent du même coup l'existence - nous infligea une amende, justifiée, pour absence de déclaration - amende réduite au minimum après une visite de l'adulte responsable.
 
On voit, à travers cet exemple, la difficulté du rôle des adultes qui doivent éviter à la fois le dirigisme et le laisser-faire, faire confiance tout en restant vigilants, mettre en garde quand il le faut, redéfinir constamment leur rôle, calcu.ler les risques. D'où les nombreuses discussions entre les membres de l'équipe adulte, entre les deux équipes adultes (par lettres, téléphone, voire rencontres préalables) et surtout avec les deux classes : la correspondance prend vite une autre dimension.
 
Puis, parfois, sur place la contrainte des rendez-vous pris, des horaires, des lieux, oblige à courcircuiter la concertation qui était prévue, à imposer une décision sans explication suffisante: c'est ainsi que la constitution des petits groupes pour les visites dans Bordeaux et, plus encore, dans Paris a déçu certains...
Il s'amorce par la suite une réflexion sur les difficultés d'une organisation coopérative, sur la notion même de responsabilité :
Monique ; "C'est un bien grand mot "responsabilité"... Chaque élève est capable de prendre des responsabilités... Je n'apprécie pas ce mot qui rabaisse les autres. Véronique; Je suis d'accord, mais je ne conçois pas la responsabilité hors du plaisir. Tout ce que je fais, c'est parce que ça me fait plaisir. Sinon je ne le fais pas.
Et il est vrai que Véronique prenait tant de plaisir à organiser qu'elle ne laissait pas toujours les autres prendre leur part...
 
Du côté montmorencéen, une équipe a créé et monté de toutes pièces un spectacle très drôle qui a compté pour une bonne part dans le succès du voyage à Paris [10].
 
Les conséquences d'une telle expérience sur les comportements collectifs et individuels - et par suite sur le travail scolaire - sont difficilement mesurables, mais sensibles. Je précise qu'il s'agissait, de part et d'autre, de classes très moyennes avec une forte proportion d'élèves timides.
 
Trois élèves de Montmorency, pour des raisons diverses, n'étaient pas venus à Bordeaux, mais se sont trouvés intégrés à l'accueil des Bordelais à Montmorency: préparation du goûter pour les unes, jeu - et grand succès de comique - dans la pièce de théâtre pour le troisième. Celui-ci avait, depuis le début de l'année, une attitude assez désinvolte qui indisposait élèves et surtout professeurs: son comportement changea dans les semaines qui suivirent de façon assez nette pour que le conseil de classe accepte en fin d'année de lui donner sa chance en 1ère (il était trop âgé pour redoubler). Deux autres élèves doivent certainement au voyage et à la pièce de théâtre d'avoir trouvé ou retrouvé un certain équilibre. L'une, un peu marginale par sa tenue vestimentaire “rétro” et ses prises de parole peu adaptées, a été “l'âme” de l'équipe théâtrale et cette activité dont la réussite fut chaleureusement applaudie, lui permit de prendre sa place dans la classe et surtout de trouver une certaine stabilité personnelle. Pour l'autre fille, ce furent le théâtre, mais également une expérience sentimentale (achevée par une rupture) qui permirent une maturation certaine et, par la suite, de meilleures relations avec ses parents et aussi plus de sérieux dans le travail scolaire et un passage de justesse en 1 ère.
 
En ce qui concerne les Bordelais, l'équipe organisatrice du bal, valorisée aux yeux des camarades et des enseignants, a terminé l'année moins mal qu'il n'était prévu... Et ce n'est pas un hasard si, l'année suivante, alors que la classe a été disloquée par suite des orientations, on retrouve au bureau du Foyer Coopératif de l'Etablissement quelques élèves parmi les plus dynamiques dans l'organisation du voyage.
 
Enfin, c'est à Francis, jusque là très timide, un peu lourd, aux résultats scolaires médiocres, que nous devons le bilan plein d'enthousiasme et de finesse que nous reproduisons à la fin de cet article.
 
3. Nouvelles relations
Les citations déjà faites permettent de voir que l'apport le plus marquant de ce double voyage fut certainement les nouvelles relations créées entre élèves et avec les adultes.
Nouvelles relations entre élèves
En quelques jours, c'est une expérience de vie très dense: on passe brusquement de la timidité des premiers contacts, à la curiosité, à la découverte d'autrui.
C'est la surprise devant un accent bizarre, des habitudes différentes. Cette reconnaissance de l'autre est évidemment facilitée par l'hébergement et les djscussions autour de la table familiale, le contact avec les frères et sœurs... D'où la prise de conscience discrète de milieux sociaux différents.
 
La surprise fait rapidement place à la sympathie et à l'amitié: “à la morosité scolaire succédait une joyeuse et franche camaraderie ”. L'évolution se précipite grâce aux visites, aux jeux collectifs, au pique-nique, le tout culminant lors de la dernière soirée :
 
"II n'existe pas de mots pour la décrire; la joie, l'amitié... l'amour aussi se sont retrouvés pour danser ensemble sur des rythmes endiablés. Les tables pliaient sous les gâteaux et les bouteilles. Ces trois heures ont passé si vite que l'on n'a pas eu le temps d'exprimer tout notre bonheur. La sueur perlait sur nos fronts, le bonheur brillait dans nos yeux ".
 
Conséquence inattendue: on découvre des correspondants lointains mais aussi des camarades tout proches et pourtant inconnus :
" Après le départ des Parisiens, certains élèves de la classe se sont réunis dans un café. C'est la première fois qu'on fait ça! C'est grâce aux Parisiens que nous avons pu nous connaÎtre un peu mieux en dehors de la classe" (Monique).
"Même à t'intérieur de la classe, cela va permettre aux élèves d'être plus unis" (Agnès).
 
Nouvelles relations avec les parents.
Il est important d'associer les parents à l'entreprise, aux .divers stades de sa réalisation: lettres circulaires faisant régulèrement le point sur les projets, questionnaires... mais aussi réunions préparatoires et réunions bilans, si c'est possible, en essayant de donner un reflet de nos activités (exposition, diapositives, écoute du bilan enregistré par les classes...). A Bordeaux les parents, tout en appréciant vivement nos échanges, se sentirent frustrés d'y avoir, en définitive, assez peu participé, à part quelques bien rapides soirées.
 
En fait, ils sont pour une part très importante dans la réussite de l'échange : ((Ils se sont mis en quatre pour me faire plaisir; j'étais très à l'aise... Nous avons fait Paris by night dès le premier soir... Nous avons eu des discussions avec le père de notre correspondant sur les textes des deux journaux de classe (sur la peine de mort, sur les femmes, et bien d'autres sujets...). Dès le premier soir, nous avons visité MQntmorency et ses alentours. Nous avons même refusé certaines visites car le temps manquait...)).
 
A Montmorency comme à Bordeaux, nous avons été étonnés par la qualité de l'accueil, par des initiatives et une participation qui dépassaient de loin ce que nous espérions: promenades non prévues, confection de patisseries pour la soirée, transports tardifs...
D'où, ici encore, une meilleure connaissance des uns et des autres bien vue par Francis : "Je découvris un père qui s'est montré sympathique et compréhensif - chose que je savais déjà, mais qui ne me paraissait pas aussi exceptionnelle et qui, maintenant, s'avère une exception, si l'on en croÎt les échos que j'ai reçus d'autres famille").
 
Et des témoignages de parents comme celui-ci :
"Nous pensons qu'un tel échange permet aux enfants de s'épanouir, en connaissant mieux leurs camarades de classe, d'autres adolescents et en ayant une autre approche de leurs professeur (...) Un seul regret, l'absence de certains enfants de Montmorency; les enfants privés d'((échangiste)) ont été un peu déçus et se sont sentis un peu frustrés. Aussi pensons-nous qu'il faut vraiment insister auprès des parents pour qu'ils fassent participer leurs enfants au voyage, car apprendre à recevoir ou à être reçu, cela est important dans la vie " (M. et Mme G.).
 
Ces réactions sont rarement explicitées, mais nous garderons longtemps le souvenir de notre retour tardif en gare de Bordeaux: immense ovation des élèves, amplifiée par l'écho de la marquise - et regard brillant des parents venus tous nous accueillir.
Nouvelles relations aussi entre professeurs et entre professeurs et élèves.
Nous ne reviendrons pas sur les liens qui se créent par la nécessité de se concerter à chaque étape, de la préparation de l'échange, ni sur,la confiance réciproque qu'exigent les responsabilités partagées d'une entreprise où tout n'est évidemment pas prévisible. On est loin du cloisonnement entre disciplines, du découpage horaire des cours! Professeurs et élèves viveht enfin ensemble : la marche à travers la ville, l'escalade de la dune du Pyla, l'imprévu aussi auquel il faut faire face (élèves pris en traîtres par les vins bordelais, traversée de Paris à pied, avec les bagages faute de métro)... et les chants, les danses, les jeux: dans le car, chants lancés et accompagnés à la guitare par le professeur d'histoire-géographie; partie de rugby endiablée sur la plage d'Arcachon : "roulant dans le sable, se mordant les mollets, les jeunes joueurs de rugby n'ont pas hésité à plaquer M.M. et M.B. Pendant ce match, les profs n'existaient plus; ils étaient devenus de jeunes enfants à qui on ne faisait aucun cadeau... Nous remarquâmes avec étonnement qu'ils étaient eux aussi de bons vivants et de joyeux lurons et qu'ils avaient laissé leur image de professeurs accrochée aux porte-manteaux du lycée.
Mon souhait le plus cher est que cette entente entre élèves et profs, se prolonge jusqu'à la fin de l'année".
 
CONCLUSION
 
Et voilà la conclusion de ce même élève sur les deux voyages :
" Ma conclusion sera brève; Ils ont été bénéfiques à tousje pense - aussi bien aux profs qu'aux élèves - nous aidant à nous connaÎtre mieux. D'autre part la rencontre des Bordelais et les visites nous ont fait découvrir d'autres visages, un accent enchanteur qui vient du pays du soleil, d'autres paysages, différents des nôtres, plus beaux que la grisaille parisienne. Bordeaux, la région du bon vin, nous a réappris à rire et à chanter, chose que, depuis le début de l'année, nous avions oublié de faire, pour la plupart d'entre nous".
Autre conclusion, plus émue :
 
"Jeudi; j'ai la gorge serrée d'émotion le soir; c'est assez intenable; penser qu'on ne se reverra plus! c'est horrible... Evidemment, on a vécu une super expérience ensemble, mais c'était trop court.
 
Il n'y a pas de mots pour exprimer tout ce que j'ai ressenti durant ces trois jours; j' en ai appris énormément sur les autres, la vie, la toièrance...".
On dit que les jeunes ne sont plus capables de curiosité, d'enthousiasme - et c'est souvent vrai. Mais, si on leur propose un échange avec d'autres jeunes - inséré dans la vie réelle, familiale, urbaine, scolaire -, si on leur donne leur place dans l'organisation de cette expérience, ils déploient des capacités d'initiative imprévues et se révèlent plus imaginatifs, plus"actifs, plus sensibles cent fois qu'on ne le soupçonnait.
*
 
Plus en rencontre de personnes, plus on accroît son expérience personnelle, sa connaissance de soi, des autres, plus on peut s'exprimer sur divers sujets, plus on peut former son opinion. Ces voyages m'ont permis, pour ma part, de découvrir d'abord une classe, celle de Il A, qui s'est avérée très homogène; certains qui, sur le plan scolaire, se montraient réservés, voire timides, se sont découverts très ouverts, très gais; d'autres sont restés les mêmes, ce qui est bien dommage; le point commun entre tous les élèves de la classe fut la joie à l'arrivée à Bordeaux, joie qui n'a d'ailleurs pas cessé durant les deux échanges, malgré la fatigue et certains problèmes sentimentaux: la joie fut l'emblème de ces échanges.
Je pense que cette joie, cette entente mutuelle entre les deux classes fut en majeure partie due au fait que personne ne s'est considéré comme élève de Il C ou de Il A; aucune distinction ne s'est fait sentir; la joie fut due aussi à l'enjouement bordelais, à leur gaîté naturelle, qui facilita beaucoup les choses, gaîté que l'on retrouve moins chez les “ Parisiens ” - ce qui me fut vivement reproché par mon correspondant, qui ne comprenait pas les mines indifférentes des Parisiens à leur égard. Gaîté bordelaise dueje pense au climat chaud et à l'accent qui représentait un midi de la France que personnellement j'adore.
La joie vint aussi de la pièce de théâtre qui, quoique montée très brièvement, fut la source d'une joie inqualifiable: il ne fut pour le groupe plus grand bonheur que d'entendre les deux classes, ainsi que les professeurs, unis dans un même rire. Et les quelques fausses notes ne firent qu'engendrer d'autres exclamations. Cette expérience fut pour moi la source d'un énorme trac, mais aussi celle d'un grand divertissement ; je jouais pour la première fois: pour une première, ce fut exceptionnel.
 
Du côté des professeurs, j'ai eu l'occasion de faire aussi quelques découvertes, en trouvant un monsieur très sympathique et imbattable sur une piste de danse, une Mme Le Besnerais très enjouée dans un rôle de mère consolatrice envers les amis - trop grands amis - des caves, et dans un rôle d'hôtesse très sympathique et très souple sur les horaires; Mme Paccalin, sans blouse blanche, fu.t un guide très apprécié, au Palais de la Découverte. Tout ceci je pense a contribué par la suite à un meilleur contact professeurs-élèves.
Malgré un large côté positif, certains points noirs se sont fait sentir, ne serait-ce que la grande disparité des élèves durant le voyage à Paris: trop de petits groupes très peu équilibrés se sont dispersés; il y eut trop peu d'occasions de se réunir. A regretter également la grande concentration d'activités en si peu de temps - ce qui fut une occasion de fatigue et de maux de pieds.
Sur le plan personnel, cet échange m'a permis la découverte de plus d'amis, aussi bien Bordelais que Montmorencéens, certains m'ayant témoigné une grande admiration pour mes - très pauvres - talents de pianiste; d'autres m'ont congratulé pour une hospitalité tout à fait naturelle, qui n'en attendait pas autant en retour. .
Quelques idylles se sont malheureusement formées, malheureusement, car je pense que, pour un séjour de sicourte durée, il n'est pas nécessaire de former des couples, qui d'ailleurs se sont soldés par quelques échecs cuisants, ajoutant un peu de tristesse à la mélancolie générale qui s'empara de nous lorsque nous quittâmes Bordeaux. Mélancolie que nous retrouvâmes au départ des Bordelais; la charmante speakerine de la gare nous “ tortura ” en nous annonçant, minute par minute, le compte à rebours du départ; le départ très lent du train fut encore pire pour ce~tains qui regrettaient vraiment cette sympathique classe bordelaise qui anima, pendant quelques jours, la triste vie parisienne et donna un ton original au début du troisième trimestre: chacun, regrette et regrettera longt~mps cet échange. Mais ceci n'est, je pense, que le commencement d'une grande union, prouvant une fois de plus que l'amitié est sans frontières, car, lorsqu'on a vraiment aimé une région, une classe, les kilomètres ne comptent plus. Et, si la découverte d'une nouvelle région fut pour moi agréable, je pense que la connaissance de nouvelles personnes fut très enrichissante : il y a en effet longtemps que je n'avais vu tant de gens souriants, agréables et accueillants.
Francis, 7 mai 1980

 


[1]Cf. La Brèche n 41.
[2] Voir Il Renseignements pratiques
 
[3]J'étais entrée en relation avec leur professeur par l'intermédiaire du service de correspondance internationale de la F.I.M.E.M.
voir Il. Renseignements pratiques.
[4]Voir aussi La Brèche n° 35 et 41.
[5] Note de la scanneuse : il n'y a pas de e) dans l'original !
[6] Cf. La Brèchen° 61 Comment nous avons démarré un groupe d'expression dont voici quelques lignes :
 
[7]  Cf. Projet de P.A.C.T.E. présenté à Bordeaux le 20 novembre 1979.
Cf. Lettre à M. le Recteur de l' Académie de Versailles, sous couvert de M. Le Proviseur du Lycée de Montmorency, le 6 février 1980
[8]Plusieurs professeurs de Montmorency autres que les deux qui prirent l'initiative du voyage-échange participèrent aux visites à Paris
[9]L'arrivée est en effet toujours un moment délicat et il faut tenter d'éviter les déceptions de la première rencontre
[10] Cf. La Brèche n° 58-59 avril-mai 1980