La Brèche n°58-59, avril 1980

Avril 1980

 

 

 

La Brèche, bulletin du Secteur Second Degré de l'ICEM
1974 - 1984, dix numéros par an
Des réflexions, des témoignages de pratiques, des comptes-rendus de lectures, de débats, ......

 

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : une expérience de correspondance internationale

Avril 1980
UNE EXPERIENCE DE CORRESPONDANCE INTERNATIONALE
 
“ Enfin, sur la Hollande, quelque chose qui n'est pas plat” ( *)
Une classe de six élèves de 5e déficients auditifs dans un C.E.S. parisien, un groupe de langue française de six élèves entendants d'un collège néerlandais, de l'enthousiasme et de l'imagination de part et d'autre et voilà un échange de correspondance qui s'établit dans le cadre de la classe de français. En mars, visite des Hollandais à Paris. En novembre, les élèves parisiens parvenus en Je, sont accueillis à Hoogvliet {banlieue de Rotterdam} par l'école et les familles de leurs correspondants.
Au retour, les élèves ont monté une exposition sur la Hollande, comportant dessins, textes, photos, projections commentées, à laquelle ont assisté les parents, plusieurs classes d'entendants et tous les professeurs.
Le récit de ces trois filles et trois garçons - dont le handicap s'échelonne de la perte auditive moyenne: Michel, intégré au groupe en Je, à la surdité profonde : Dominique - laissent supposer ce qu'a pu leur apporter cette expérience : développement des facultés d'observation, de l'aptitude à rassembler une documentation et à l'ordonner, à s'exprimer par le texte et l'image, à parler en public, à réaliser une OEuvre collective.
Ils s'expriment dans un style simple, mais remarquablement clair, lorsqu'on sait qu'ils avaient en moyenne, à leur entrée en 6e, un niveau de langage de C.E.2.
M.D., père de Jean-Claude
 
NAISSANCE DE LA CORRESPONDANCE VUE PAR UN ELEVE
En 6e, notre professeur de français nous avait demandé si nous voulions faire de la correspondance avec une autre classe de 6e, en Normandie, à Douvres-la-Délivrande. Nous nous sommes entendus pour essayer et ça a marché du premier coup ! Nos correspondants sont même venus nous voir à Paris. Nous étions très contents et nous avons promis d'aller chez eux, à Douvres, l'année suivante. Hélas ! On n'a pas pu y aller, car leur professeur de français était en congé de maternité.
Alors, notre professeur nous a demandé si nous voulions refaire de la correspondance, en France, avec un autre collège. Mais moi je n'avais qu'une idée : faire de la correspondance INTERNATIONALE !... Notre professeur était tout à fait d'accord, à condition que ce soit avec un pays étranger francophone. Alors je demandai le Canada. Mes camarades furent d'accord, mais pas le professeur qui trouvait que c'était bien trop loin. On parla de la Belgique, de la Suisse...
Quelque temps après, notre prof vint nous apprendre qu'un groupe d'élèves hollandais apprenant le français, cherchait des correspondants français. “Vous n'aurez pas de correspondants francophones, dit-elle, mais tant pis, on se débrouillera !”.
Jean-Claude
 
NAISSANCE DE LA CORRESPONDANCE VUE PAR LE PROF
FAUX DEPART...
J'avais en effet adressé une demande à Robert Marois, responsable de la correspondance à la F.I.M.E.M. Il m'avait signalé la demande d'un collègue néerlandais (Dave Lusse, à Hoogvliet-Rotterdam) pour quelques-uns de ses élèves de dernière année. Ils avaient deux ans de plus que les miens, mais on démarra tout de même, mais sans aller bien loin, car en avril les Hollandais cessèrent de nous écrire. Nous étions déçus, mais pas trop, car mes élèves n'étaient pas mûrs pour une réception, ni surtout pour un voyage. Jean-Claude, pourtant instigateur de cette correspondance, et Fabrice, étaient très anxieux lorsqu'on abordait ce sujet, parlant de la nécessité d'aviser le corps diplomatique avant notre départ, une guerre pouvant toujours éclater...
Je jugeais donc l'expérience terminée et me voyais pour la deuxième fois, avec ces mêmes élèves, “lâchée” par mes correspondants, lorsque Dave débarqua au mois d'août pour me dire qu'il souhaitait reprendre la correspondance avec mes élèves, mais cette fois avec des plus jeunes, et pour deux ans.
 
... ET VRAI DEMARRAGE
Dès la rentrée de septembre, je fis part de cette demande au Principal, qui me fit deux objections non dénuées de fondement. La première : “L'établissement néerlandais est un collège privé, catholique” (il porte le nom de Charles de Foucauld), n'était qu'une objection de principe, étant donnée la traditionnelle tolérance des Hollandais sur le plan spirituel et idéologique. La deuxième : “Pourquoi ne pas correspondre avec des Allemands, puisque nos élèves étudient cette langue ?” était plus gênante, car moi j'aurais bien voulu... ; mais mon collègue germaniste avait été très clair : son embarras serait grand de présenter des élèves ne parlant pas du tout l'allemand et articuJant si mal leur propre langue. Heureusement, les instructions officielles sur la correspondance internationale sont formelles : la langue maternelle d'une des deux classes peut être adoptée comme langue commune. Les échanges auraient donc lieu en français, et les deux établissements furent appariés par l'I.N.R.D.P. Dave revint en octobre, porteur du premier courrier et accompagné de son directeur et copain, Franz. Deux rendez-vous furent pris par les chefs d'établissements : une visite à Paris des élèves néerlandais fut fixée à mars, et notre voyage à Rotterdam au mois d'octobre suivant, pendant les congés scolaires.
 
LA CORRESPONDANCE
Les lettres individuelles sont rédigées en classe ou à la maison, avec l'autorisation des parents. Elles comportent essentiellement des récits de la vie en famille ou en vacances, l'expression des goûts dans le travail ou les loisirs. Les travaux collectifs sont essentiellement des études de milieu ; nous utilisons le film, la bande magnétique, la photographie ; nous échangeons des livres, des cartes, des plans sur nos régions respectives.
En ce qui concerne la lutte contre l'eau, les élèves ont posé des questions à partir de leur manuel de géographie (programme de 4e). D. Lusse est venu y répondre personnellement et nous a laissé tous les documents nécessaires à la préparation de la visite des moulins, des digues et des écluses. A l'occasion de la saint Nicolas, mes élèves ont reçu de menus cadeaux spécialement réalisés pour eux par leurs correspondants.
De notre côté, afin que les jeunes néerlandais se familiarisent avec la ville qu'ils devaient visiter, nous avons envoyé un dossier sur le musée du Louvre et un autre sur le Palais-Royal, tous deux très proches du collège. Nous avons confectionné un plan des monuments de Paris, que nous avons retrouvé avec plaisir sur le mur de la classe à Hoogvliet. Chaque élève envoya aussi une étude sur son quartier ou sa ville.
Simone BERTON
(*) Commentaire inscrit dans le Livre d'Or de notre exposition par un visiteur, élève de 3e du collège.

Dossier : Comment démarrer en Pédagogie Freinet : en français

Avril 1980
Les dossiers de LA BRÈCHE
COMMENT DEMARRER AU SECOND DEGRE
 
SOMMAIRE
En français:
Josette BEL, Claude CHARBONNIER, Roger FAVRY, Colette HOURTOLLE, Geneviève LE BESNERAIS, Janine LE HOUX, Janou LEMERY, Michel MELLAN, Mauricette RAYMOND, Michel VIBERT.
En musique:
Silence: on joue ! Anne-Marie REYJAL
Education physique et correspondance :
Alain DUQUENNE
Correspondance internationale :
“ Enfin sur la Hollande quelque chose qui n'est pas plat! ” Simone BERTON
En mathématique :
Dossier préparé par Jean-Claude REGNIER
En biologie :
Marie SAUVAGEOT
En physique au second cycle
Michel DAGOIS
Des chercheurs-trouveurs en L.E.P :
Apprendre la physique ou faire de la physique ?
Odile PUCHOIS
En audiovisuel
Georges BELLOT Gabriel BARRIER
En dessin et arts plastiques :
Janine POILLOT Mme GADIOU
 
FRANCAIS

Démarrer quoi, pourquoi et comment ?
Au cours de nos rencontres, stages, congrès, ces questions se posent de plus en plus. En effet, pratiquer la pédagogie Freinet au second degré n'est plus une nouveauté, l'apanage de quelques isolés. De plus en plus de camarades du second degré se réclament du mouvement, utilisent les outils C.E.L. Cela peut sembler un paradoxe dans l'enseignement morcelé, programmé, dévitalisé du second degré. Ce dossier a pour but d'aider tous ceux qui le souhaitent à pratiquer des méthodes modernes qui se veulent distinctes de la Rénovation Pédagogique, dans la mesure où elles ne sont pas seulement un apport de techniques différentes, mais où elles visent à modifier en profondeur les fondements de l'éducation. Ce dossier se voudrait en particulier une aide à tous ceux qui souhaitent changer le fonctionnement de leur classe et inverser la démarche habituelle de l'enseignement (du professeur vers les élèves) pour promouvoir une autre relation dans laquelle les adolescents sont associés à l'organisation du travail, à la définition du savoir, et où l'enseignant, présent et vigilant, essaie d'être à la fois celui qui écoute, propose, aide à se construire et à se dépasser.
Ce dossier a également pour but de démystifier l'image auréolée du pédago Freinet voué à sa pédagogie 24 h sur 24, et de montrer maintes faces, maints degrés d'implication, dans la pédagogie Freinet. De montrer aussi parfois que la pédagogie Freinet peut permettre en plus, de vivre l'acte éducatif avec un certain plaisir. Plus accessible que l'équipe pédagogique qu'il n'est jamais aisé de constituer, le groupe d'enseignants Freinet (groupe géographique ou chantier) auquel on appartient permet les échanges, le partage de l'insécurité et les interrogations, la formulation du début de ses propres réponses.
 
PRATIQUER LA PEDAGOGIE FREINET, C'EST QUOI ?
I) Quelle que soit la discipline enseignée, travailler en pédagogie Freinet, c'est d'abord établir une autre relation avec les élèves. Une évidence ? Oui, mais pas si simple. On peut pratiquer toutes les techniques Freinet sans creuser de brèche véritable si la relation pédagogique n'évolue pas ; inversement, un enseignant aux techniques traditionnelles peut faire évoluer profondément les élèves s'il établit une autre relation pédagogique[1]. Il s'agit en fait de secouer un schéma qui est le fondement de l'enseignement officiel : celui du POUVOIR du maître. Si les élèves ont un réel droit de parole et de critique en ce qui concerne l'organisation, le contenu et l'évaluation du travail, si l'enseignant n'est pas le seul à décider, alors, la vie de la classe peut évoluer d'elle-même, et les techniques proposées viennent simplement aider cette évolution interne. Il ne suffit pas, et on ne le répétera jamais assez, d'instituer autoritairement une structure différente de travail pour que la vie de la classe évolue, car la structure ne suffit pas à faire évoluer les mentalités.
 
Remettre en question son pouvoir d'enseignant sous-entend un changement de mentalité de renseignant qui accepte de reconnaître devant les élèves que, non seulement il ne détient pas le pouvoir à lui seul, mais qu'eux peuvent lui apporter des points de vue intéressants, des enrichissements.
Cependant les premières difficultés en démarrant la pédagogie Freinet c'est de faire naître un climat de confiance, d'amener les élèves progressivement à ne plus subir, position bien confortable pour certains, à ne pas toujours douter de leurs possibilités, à partager avec les autres leurs richesses. C'est une démarche lente qui ne doit pas être insécurisante pour les élèves, et c'est difficile au début car elle peut apparaître à certains comme une démission de la part de l'enseignant.
 
Mais remettre en question le pouvoir de l'enseignant ne signifie pas adopter une attitude démagogique qui consisterait à “donner le pouvoir aux enfants”. L'enseignant est un membre à part entière du groupe et son statut institutionnel lui confère un rôle privilégié. A lui de maintenir à ce rôle son aspect “aidant” et de le dépouiller de son pouvoir répressif (cf. Dossier Part du maître, La Brèche n° 33-34).
 
De plus, l'enseignant dispose d'une expérience et d'une somme d'informations que ne possèdent pas les élèves. Les “leurrer” sur le “pouvoir” qu'on leur donne alors qu'on sait que soi-même, on n'est pas totalement libre (horaires/programmes, poids de la hiérarchie, des collègues, des parents) et qu'eux aussi auront à subir un certain nombre de contraintes (examens, passage dans la classe supérieure, etc.) s'apparente à une certaine forme de malhonnêteté.
Tout commence peut-être par cette prise de conscience qu'il faut les amener à faire : nous avons un horaire, des programmes, un environnement, mais il nous reste une marge de liberté suffisante pour faire en sorte que le temps passé ensemble soit un temps où on ne s'ennuie pas, où on peut même prendre plaisir à travailler en commun. “C'est relax, mais on bosse quand même”, selon les mots d'une élève de seconde. Et la discipline, direz-vous ? Si on ne punit pas, “ils” n'obéissent plus, “ils” chahutent. Non : le chahut est une forme de provocation contre l'ordre. Si les élèves prennent collectivement les décisions, ils les appliqueront. Et le dialogue est souvent une réponse plus positive que la sanction...
 
II) Pratiquer la pédagogie Freinet, c'est aussi évoluer vers une organisation coopérative de la classe, c'est-à-dire une prise en charge collective du travail et de son évaluation. Cette organisation repose sur des outils la concrétisant : plans de travail individuels, collectifs, etc. Tous les projets de travaux doivent être inclus dans une grille horaire, dans un contrat de travail. A un certain moment, il faut bien arriver à planifier quand, par qui se font les travaux, pour quelle date. Planifier, organiser, c'est aussi aider les élèves qui, surtout au début, ont besoin de cadres pour se repérer, et vivent très mal l'incertitude.
Supprimer les heures traditionnelles ne veut pas dire improviser à chaque heure, mais structurer ces heures l'avance, en tenant compte des élèves et du professeur.
 
III) Pratiquer la pédagogie Freinet c'est enfin avoir recours à des techniques permettant la libre recherche expérimentale, l'expression libre, le respect des rythmes individuels d'acquisition.
 
Ces a priori énoncés, la pédagogie Freinet au second degré peut être appliquée avec bien des degrés d'implication, selon les conditions matérielles, l'environnement, la position de l'administration, l'individu lui-même, avec ses propres limites selon qu'on est seul ou qu'on peut travailler en équipe Pédagogie de rupture, la pédagogie Freinet ne se définit pas par référence à des canons absolus et immuables : elle se définit en chaque lieu où elle est mise en œuvre, par référence à ce qu'il est objectivement possible de faire en lieu et ce qui y a été fait.
 
DEMARRER EN FRANÇAIS...
Partons d'un horaire de cinq heures, morcelé traditionnellement en : dictée-grammaire-rédaction-lecture expliquée etc.
La première amélioration peut se faire au niveau des “vœux” concernant le service d'enseignement à venir.
- Demander au moins deux heures consécutives dans semaine.
- Essayer d'obtenir que les élèves aient leur salle ou aient cours avec vous toujours dans la même salle.
 
Ne pas se lâcher des deux mains en même temps est le seul conseil qu'on peut se permettre de donner ici... (A moins d'avoir une solide résistance, de bonnes conditions matérielles et plein d'outils...).
 
On peut d'abord prélever une heure hebdomadaire, puis deux et ainsi de suite, pour l'une ou plusieurs des activités suivantes : lecture et travail sur documentation : la classe choisit un ou deux thèmes généraux l'intéressant (exemple : condition de la femme - choisir un métier - l'argent - recherche scientifique etc.).
Autour de ce thème, on cherche des titres de livres, de la documentation. Il est préférable de choisir au début des documents assez simples (pour que les élèves ne perdent pas trop de temps à dépouiller les documents) et pas trop nombreux ; les premiers travaux doivent être “réussis” pour ne pas décourager les élèves.
 
Les élèves travaillent en groupe (quatre maximum) sur divers aspects du sujet. Il est souhaitable d'aider chaque groupe lui donnant une fiche de travail qui lui permettra de répartir son travail dans le temps, de le cerner. Chaque groupe choisira son mode de communication à la classe (panneau - dossier - montage audiovisuel - sketch - graphe - court exposé oral - réponses aux questions (interview) etc.). Cette mise en commun est essentielle pour des raisons que nous exprimerons plus loin. Les travaux peuvent être le support d'un travail plus individualisé - en fonction des lacunes de chacun - sur l'orthographe, l'expression écrite, le classement des idées, etc. La pédagogie Freinet n'est pas incompatible avec les exigences d'acquisitions définies par le programme, mais elle permet de les faire autrement (voir fiche 3 = démarche originale à partir de textes classiques).
 
Un écueil à éviter cependant dans cette démarche vers l'expression à partir d'une documentation, c'est l'exploitation thématique trop systématique qui enfante un monstre qu'on ne peut plus maîtriser. Il ne s'agit pas en effet de rejoindreles anciens “centres d'intérêts”, prétextes à toutes les extrapolations rentables pour “ récupérer” la créativité. Ces thèmes, choisis par les adolescents, ne doivent être qu'un éveil, des brèches qui donneront un jour envie d'aller plus loin, plutôt que d'engranger tout, tout de suite, pour boucher des heures et créer du travail.
Evolution et extension de ce travail de groupes : les élèves aiment généralement cette forme de travail. Les thèmes se multiplient rapidement. On en arrive assez vite au travail en ateliers proprement dit, c'est-à-dire que chaque groupe (quatre maximum) choisit un travail différent (un livre, une enquête, une recherche, .etc.). Ce serait en gros ce que la rénovation pédagogique appellerait le travail autonome ou indépendant, si nous n'insistions pas sur la communication des travaux à la classe, et sur le brassage des élèves de différents niveaux - qui se fait naturellement par le libre choix des groupes - pour éviter le creusement de l'écart entre les “bons” et les “mauvais”.
 
Enfin, le bilan des travaux, leur évaluation peut permettre l'instauration de réunions de coopérative, qui permettent si le droit à la parole est respecté et la critique acceptée, d'aller plus loin. Notons cependant que le travail en ateliers est souvent l'étape finale, car elle suppose aussi que le groupe ait accepté les différences (pour les classes de 6e ; ce n'est pas toujours aisé de faire comprendre qu'on ne fait pas tous la même chose en même temps). Elle suppose aussi que le groupe ait aboli la notion de “rentable” : ceux qui font des exercices de grammaire travaillent plus que ceux qui préparent un sketch.
 
Quelques remarques sur la pratique de la lecture
Au premier cycle, les programmes sont plus souples, ne sont pas sanctionnés par un examen. Les objectifs concernant la pratique de la lecture peuvent être :
1) Faire aimer lire : c'est pourquoi, au début, il n'est peut-être pas indispensable d'accompagner la lecture d'un travail écrit. On peut envisager simplement une présentation orale du livre aux camarades : résumé court, intérêt que présente le livre. La diversité des livres présentés peut leur permettre de mieux se connaître et de savoir mieux choisir leurs livres.
2) Donner aux adolescents un esprit de synthèse leur permettant d'aborder mieux armés le deuxième cycle et de conserver un esprit critique, quelle que soit l'orientation à l'issue de la 3e.
C'est pourquoi lire un livre entier, et à travers un questionnaire portant sur l'ensemble du livre, est préférable à l'usage de morceaux choisis.
 
Autres pistes possibles
- Une heure de temps à autre où chacun fait le point de ses lectures, parle d'un ouvrage qui l'a intéressé (fiche de lecture - voir dossier pédagogique n° 87.
- En début de trimestre, présentation sommaire (thème, intérêts) de quelques ouvrages en fonction du choix de la classe; on peut étudier plus à fond deux ou trois de ces ouvrages en lecture suivie; les heures en classe étant l'occasion de débats, d'échanges (voir dossier pédagogique : Incitation à la lecture au second degré n° 81 ).
La liberté de choix doit être respectée. Partir des goûts, des centres d'intérêts des adolescents est le meilleur moyen de donner le plaisir de la lecture, de respecter leur culture. Et quand ils lisent Guy des Cars ou Barbara Cartland ? La première étape est sans doute de les aider à mieux lire ces romans, à acquérir un esprit critique, avant de leur donner envie de lire autre chose (et pas forcément du Stendhal ou autre classique “culturel”).
Mais on peut assez rapidement, comme palier transitoire, leur proposer un roman que l'on sent fait pour eux, en fonction d'observations psychologiques quotidiennes, même s'il offre quelques difficultés. Il suffit de les aider un peu plus dans les fiches-guides, de faire des pauses et de réfléchir avec eux sur telle ou telle situation, tel ou tel mécanisme psychologique. Les collections “Chemins de l'amitié”, “Travelling” sont suffisamment riches et motivantes pour permettre au maître d'aiguiller vers une direction enthousiasmante. Les premiers choix des élèves, si on les abandonne à eux-mêmes, ne sont que le reflet de leurs conditionnements dont nous devons les aider à se défaire le plus rapidement possible pour qu'ils gagnent en liberté de choisir .
 
S'APPRIVOISER ET SE METTRE EN CHEMIN ENSEMBLE
ou COMMENT J'AI DEMARRE EN 6e CETTE ANNEE
(Français- histoire - Géo 20 élèves)
Je ne suis pas tout à fait une débutante en pédagogie Freinet. Depuis trois, quatre ans j'ai pratiqué le journal scolaire, la correspondance, la classe en atelier, mais toujours avec beaucoup d'insatisfaction, d'amertume, surtout en ce qui me paraît le plus important dans la classe : que chacun réussisse quelque part, qu'il soit accepté et reconnu différent afin qu'on coopère au lieu de vivre ensemble dans la hargne de la réussite individuelle.
 
Pour cela, je ruminais une phrase de Michel Vibert à Caen : “Je regarde, j'attends, j'écoute, je suis à l'affût du moindre intérêt... en attendant, je fais la classe, quoi ! et si ça ne vient pas... tant pis ; il y a des classes avec lesquelles ça ne passe pas”.
 
Il fallait donc d'abord s'apprivoiser mais aussi rompre avec le passé scolaire.
 
1. S'apprivoiser fut facile cette année : se dire un peu, pas trop, sur des événements des vacances, sur ce qu'était le français pour eux. Mais surtout, nous avons lu ensemble une histoire. Ils étaient assez homogènes et apparemment encore dans l'âge du conte : je leur apportais un très beau livre, Pipo, le cheval (P. Gripari) que je commençais à lire dès le lendemain de la rentrée. Chaque jour, l'un ou l'autre “qui voulait bien lire demain” emportait le livre et préparait dix ou vingt lignes de lecture à haute voix. Nous nous retrouvions pour l'histoire. Je finissais de lire le chapitre. Après avoir ensemble éprouvé peur ou tristesse ; on pouvait imaginer que l'épreuve se termine autrement, que le dragon n'existe pas, que... que... Enfin, on rêvait ensemble. Certains parlaient beaucoup, d'autres approuvaient sans rien dire. Tous ont lu intelligiblement : il suffisait de lire peu et de bien s'entraîner. C'était le début de l'année : on voulait bien.
 
2. Les ruptures
Après quinze jours de classe ordinaire (on a appris un poème, fait de l'orthographe, un peu de grammaire, écrit à une classe à Tarbes sur le thème : “Le collège c'est... le collège ce n'est pas...”), je proposai
2.1. “Pour mercredi vous écrivez un texte” sans plus d'explication. C'était noté sur le cahier de textes.
Mercredi matin
Moi - On se lit les textes ?
- A toute la classe ?
Moi - Pourquoi pas ? Autant que tout le monde en profite. Moi j'aime bien lire vos textes... Qui commence ?
Pas de réponse ; on a donc fait tourner un crayon pour que le hasard désigne. Chacun a lu. Sans commentaire si ce n'est de ma part : “Je comprends mal ce que tu dis, parle plus fort. Ditez-le lui, vous aussi, si vous ne l'entendez pas”. Ils le lui dirent !
Les textes étaient courts : d'anciens sujets de rédaction, des anecdotes de vacances, des histoires d'animaux. Il y avait même, recopié par Stéphanie, une lettre de V. Hugo à sa fille ! Heureusement Agnès nous disait : “ Maintenant ma mère est assistante maternelle et chez moi, il y a des enfants qui ne sont pas de la famille etc. ”.
Fin de lecture. ON se regarde. Silence.
Moi - On s'est bien écouté! Pourquoi ? C'était intéressant ?
- Oui... Pas tout...
- Qu'est-ce qui était le plus intéressant ?
- Le texte d'Agnès.
- Pourquoi ?
- Elle parle de ce qui se passe chez elle.
- Et encore ? Quel autre texte vous a intéressé ?
- Celui de Chantal : elle a inventé une histoire.
 
Cette séance se renouvelle actuellement tous les quinze jours. Je dis simplement : “On pense à s'écrire des textes pour mercredi ?”. Bien sûr trois ou quatre n'écrivent pas mais ils le font le lendemain. Les textes sont plus intéressants, plus “ utilitaires” aussi : ils sont jugés en fonction de leur intérêt pour “les autres”, l'extérieur de la classe, car on a commencé le journal (en janvier seulement !). C'est Bruno qui en a parlé le premier car l'an dernier, on en faisait dans sa classe... Et puis, c'était intéressant de s'écouter, de passer un bon moment ensemble le mercredi matin mais je voulais faire améliorer les textes et pas seulement au niveau de l'orthographe !
 
2-2 Autre proposition de rupture : la notation
A la mi-octobre : pas encore de notes. J'avais mis des verts “Tu as compris, continue”, orange “à revoir”, rouges “Viens me voir”.
Ma proposition : “On va mettre la note de diction”. Ils avaient appris trois poèmes - choisis par moi ! - “Vous choisissez un poème et vous inventez une façon bien à vous de le dire, en contrefaisant des voix, des accents, des rythmes différents”. On avait déjà essayé cela ensemble en classe.
 
Mercredi
- Qui a trouvé des voix ?
- Moi !
Il vient réciter en prenant l'accent du midi, l'accent anglais et chante pour finir. C'est drôle. Nous rions tous.
- Ecoutez-moi, je ne peux pas noter toute seule ! Vous allez aussi donner votre avis.
Eux - Il savait bien. Il nous a fait rire. On a bien compris ce qu'il disait.
 
De la discussion naît ce barême : les 20 points se partageront en :
5 : tu savais.
5 : Tu as bien articulé. On a compris.
5 : Tu ne, nous a pas ennuyés.
5 : Tu nous as fait rire.
Ils ont tous récité, chanté, désarticulé leur poème, les plus timorés attendant le lendemain pour reprendre un peu les idées des autres...
Actuellement nous en sommes aux gestes, à l'utilisation de masques, du tam-tam, du métallophone et notre notation est passée à :
5 : Tu sais.
5 : On a tout compris.
10 : Tu as fait une bonne mise en scène.
Les poèmes sont choisis dans le fichier pendant l'atelier poésie que j'ai proposé en janvier.
 
2-3. Vous avez le libre choix du livre que nous allons étudier. Le lendemain, j'apporte plusieurs contes ; j'avais l'idée de leur faire écrire des contes donc voulu en rechercher la structure.
Présentation, discussion, vote.
Parmi ces livres, “la fameuse invasion de la Sicile par les ours”, que je trouvais naïf et peu adapté à l'étude de la structure. Or, plus de la moitié de la classe choisit celui-là. “ Pourquoi ? Madame, c'est une grande histoire ! Il y a beaucoup de dessins !...”.
Finalement, je ne “manipule pas”, j'avais dit qu'ils choisiraient : c'est leur premier choix. Je laisse faire, mais je suis déçue et ne sais plus bien comment procéder avec ce livre. J'avais tort :
a) Nous avons vécu un mois et demi avec ce livre, nous avons écrit les dialogues et abouti à un spectacle d'ombres assez étonnant.
b) Ce fut l'amorce d'un vrai travail de groupe : deux élèves, trois au plus prenaient en charge un chapitre (personnages, manipulation, décors, bruitages) et ce fut à peu près fini à Noël, il y eut bien quelques disputes mais je pouvais être là, car tous n'avaient pas besoin de moi.
c) Nous avons encore fait un pas dans la critique mutuelle positive car au spectacle d'ombres, il faut des regards pour conseiller, critiquer, pour que les manipulations s'améliorent. Ils étaient l'un pour l'autre ce regard.
 
2-4. Les ateliers de français
En janvier, première réunion pour s'organiser. Je propose des ateliers d'écriture, de conjugaison, de poésie. Je n'avais pas le temps de préparer l'atelier conjugaison, j'ai donc fait une fiche pour l'autocorrection des exercices du livre. Après deux semaines de fonctionnement : “ Madame, en conjugaison, c'est toujours la même chose - Ce n'est pas intéressant ?
Votre livre n'est pas intéressant ? (certains me demandaient de travailler avec le livre comme les autres classes). Si vous voulez, je vais faire un fichier de conjugaison pour vous”.
 
Le lendemain, j'avais fait deux fiches : l'une était une réunion des noms avec les terminaisons des temps de l'indicatif, l'autre, un jeu de sept familles.
Quel succès ! Je savais pourtant que l'année précédente, alors que je le proposais en début d'année, personne ne s'y était intéressé.
 
2-5. Encore une modeste proposition pour “fédérer” ces vingt individualités : apprentissage, 1 contrôle de vocabulaire :
Sur une affiche, nous écrivons des mots relevés par les élèves comme inconnus - nous les expliquons oralement.
Au bout de 15 jours, chacun choisit un mot et propose une explication à la classe avec exemple ou dessin. Si c'est suffisamment clair, il la recopie sur un stencil, sinon il recommence. Ainsi 20 mots sont expliqués sur les stencils et collés sur leur cahier “ Livre de vie”. Pour le contrôle noté de décembre, chacun a proposé une question sur son mot (20 élèves 20 points), j'ai du quelquefois rendre l'énoncé plus clair, mais cela a fonctionné et ils s'approprient un peu cette “satanée” note, mais je ne me leurre pas, certains s'évaluent encore autant par rapport aux notes que par rapport au projet réussi. Je pourrais encore vous dire ce qu'est leur “livre de vie” et comment il les aide à écrire, à s'organiser, à se prendre en charge...
Nous sommes à la mi-temps scolaire, nous sommes bien ensemble, nous faisons des projets... et surtout il me semble que nous sommes intéressants les uns pour les autres. Je suis un peu moins le centre. C'est vers tout cela que je voulais tendre. Il me semble qu'avant JE BOUGEAIS TOUT TROP VITE. Nous ne pouvions pas être ensemble, eux et moi.
 
 
PRINCIPES... ET EXIGENCES
DES ACTIVITES EN FRANCAIS
 
Les textes ci-dessous constituent l'amorce du dialogue que j'instaure avec les parents.
C'est pour moi aussi un garde-fou qui me permet de voir venir. J'ai essayé d'être précis et clair.
 
Notre travail est basé sur le principe d'expression libre (écrite-orale-gestuelle-manuelle...) et du tâtonnement expérimental. Ces idées définies par Célestin Freinet, permettent à l'enfant ou à l'adolescent à partir de son propre vécu, de sa propre expérience, d'organiser son travail, de construire ses acquisitions culturelles et techniques, selon un rythme personnel. Il est aidé en cela par le maître qui lui propose un ensemble de matériels et d'outils programmés, à usage individuel, par les autres camarades et par une organisation de la classe et du travail, dont il a la maîtrise et qui suppose de sa part un engagement rigoureux et une prise de responsabilité de tous les instants.
 
Le travail est organisé selon un planning de quinze jours, avec établissement d'un contrat établi en commun, ce qui représente un engagement à respecter et permet en même temps de faire le bilan du travail réalisé dans la quinzaine (au niveau collectif et au niveau personnel).
 
ORGANISATION DU TRAVAIL
On est réparti selon trois directions essentielles :
 
- Les activités communes :
Toute la classe travaille en même temps, globalement ou par groupes sur un sujet précis ou sur des sujets différents en fonction du programme ou des besoins (mise au point des textes libres - débats - lecture - orthographe - grammaire - textes d'auteurs...).
- Les activités individuelles techniques :
Elles sont surtout destinées au travail personnel de correction des travaux écrits (textes - style - orthographe...) fiches autocorrectives - conjugaison - lectures - recherches de documents ; c'est dans cette phase qu'interviennent les notions de soutien et d'approfondissement dans la mesure où le travail très individualisé permet au martre des regroupements tactiques, afin de résoudre des difficultés ponctuelles ou de proposer des pistes de travail nouvelles.
 
- Les activités en option :
Elles sont prévues au planning. Elles permettent à un élève ou à plusieurs regroupés de se livrer en fonction de leurs activités globales, à des montages de livres, de poésies (au magnétophone) avec ou sans diapositives, à des montages d'interviews et d'enquêtes réalisées en dehors du collège, à des mises au point de saynètes, de jeux dramatiques, de danses, de chansons, de films d'animation, à des créations de marionnettes, de peintures expressives, d'illustrations pour le journal de la classe... toutes activités élargissant considérablement le cadre du français et apportant à chaque individu et à la vie du groupe (par l'échange et la communication) un élan fondamental et naturellement une belle somme de connaissances.
 
Cette vie de groupe est un apprentissage de la responsabilité tant individuelle que commune.
 



Fiche 1 - recto             Exemple d'une fiche de lecture
Fiche 1 : ELISE OU LA VRAIE VIE - Claire ETCHERELLI Ed. Folio n° 939
 
I. Contexte historique
Chercher une documentation sur la guerre d'Algérie.
Attitudes politiques dans les années 1956-58.
 
Il. Le racisme
a) Part de l'histoire et part du racisme dans la haine envers les Algériens.
b) La violence : physique, verbale, morale.
 
III. Le monde du travail en usine
a) Description du travail : que fait Elise ? Que font ses compagnons ?
b) Une femme dans une usine. Attitude des hommes.
c) Le problème des cadences. Durée du travail.
d) L'atmosphère des ateliers : matérielle (bruit...) et morale. Relations des gens entre eux, hiérarchie.
e) Les effets du travail sur Elise : le premier jour, les jours suivants. Aliénation.
f) Ségrégation entre Français et étrangers dans le monde du travail.
 
IV. Un roman d'amour
a) Comment naît l'amour entre Elise et Arezki ?
b) De quoi est fait cet amour ? Qu'est-ce qui le renforce ?
c) Les réticences d'Elise (p. 105). Sa gêne des incidents au bar.
d) Peur et compréhension réciproque : le langage de l'amour au-delà des langues.
e) Les réactions des autres face à leur amour : les ouvriers, les femmes de l'usine, Lucien. Les chefs : le renvoi d'Arezki.
 
V. Elise à la recherche d'une vraie vie
a) Ce dont Elise ne veut plus.
b) Son cheminement. Les influences qu'elle subit.
c) Sens de la fin.
d) Elise et la définition du bonheur.
 
* Extraits du fichier de lecture (2)
 
Fiche 1 - verso            Exemple d'une fiche de travail sur la presse
PRESSE ( étude de)           UN EVENEMENT VU A TRAVERS LA PRESSE*
 
Choisir UN événement relaté par tous les journaux nationaux du jour, pour un travail comparatif.
 
Sa place dans le journal
Pour chaque journal, indique : s'il fait l'objet d'un titre en première page ou s'il est en page intérieure. Sous quelle rubrique est-il classé ?
 
Son importance
Pour chaque journal : compte le nombre de lignes (ou de mots consacrés à l'événement). Y a-t-il une photo ? Sa grandeur ? S'il y a un titre, sa grandeur ?
 
Que penser de l'événement ?
Y a-t-il des divergences dans les points 1 et 2 ? Des nuances ? Comment se faire une idée “objective” d'un événement ? Qu'est-ce qu'informer ?
 
Le style : des mots qui ne sont pas innocents.
 
Comparaison des titres
- Sens des mots (cf. dico) : quel est le degré d'objectivité des mots employés (prises de position).
Structure de la phrase
Selon les articles, on peut considérer les phrases actives et passives (avec c. d'agent exprimé ou non), les phrases exclamatives et interrogatives, etc.
Importance des modes employés (indicatif, conditionnel).
Présentation du fait
Comparer les diverses descriptions du fait.
Comparer les chiffres, s'il yen a.
Choix des citations, si on rapporte des paroles.
Au-delà du fait
Son interprétation dans, chaque journal.
Les jugements qu'il suscite.
La prospective à partir du fait.
 
* Extrait de la livraison n° 1 du fichier coopératif 2d degré - premier cycle (appelé Grammatica).
 
 



Fiche 2 - recto             TRAVAUX DIVERS AUTOUR DU MONTAGE DE LECTURE
RETORICA - DOSSIER PEDAGOGlQUE SECOND DEGRE 1980
 
( exemple E. Zola : Thérèse RAQUIN)
Phase 1 : Point de départ : thème “ La personnalité du criminel ". Sylvie accepte de lire Thérèse Raquin.
 
Phase 2 : Elle en tire un résumé et relève les passages qui lui paraissent les plus importants. Le professeur revoit l'ensemble et propose des corrections pour éliminer des maladresses. C'est la pièce maîtresse du montage de lecture (voir fiche suivante).
 
Phase 3 : Sylvie enregistre sur cassette ce montage qui dure environ 50 minutes. Le professeur en tire deux copies, l'une pour la magnétothèque, l'autre destinée à un groupement d'aveugles.
 
Phase 4 : Sylvie présente Thérèse Raquin à la classe sous forme d'un compte rendu de lecture oral mettant en valeur les points suivants :
• résumé
• lieux et milieux
• comportements et caractères
• thèmes et thèse
• ton et technique romanesque
Le professeur et la classe aident Sylvie à préciser certains points en lui posant des questions.
 
Phase 5 : Après ce compte rendu oral, la cassette enregistrée circule dans la classe.
 
Le travail de Sylvie peut être repris dans une autre classe et une autre année. Un autre élève peut faire un nouvel enregistrement à partir du montage de lecture. Cet enregistrement peut donner lieu à un nouveau compte rendu oral (bien qu'il vaille mieux faire le compte rendu oral à partir de l'œuvre entière).
 
Cette technique est évidemment utilisable à partir de tous les montages de lecture qui sont publiés (La Brèche, B. T.2 n° 95; "Incitation à la lecture" etc.).
 
* Extraits du fichier coopératif 2d degré - deuxième cycle (appelé RETORICA).
 
 
Fiche 2 - verso
E. ZOLA ( 1840-1902) Thérèse RAQUIN ( 1867)
Le passage du Pont Neuf vers 1866. On y trouve la mercerie humide et sale où vivent Madame Raquin, son fils Camille, jeune homme chétif, et sa nièce Thérèse, énergique et fougueuse (22-23-24). Madame Raquin a marié Camille et Thérèse.
 
Chaque jeudi soir, on organise des réunions mornes et silencieuses avec des familiers de la maison (39-40-41). Bientôt Camille y introduit un ancien camarade, Laurent, employé de gare, peintre sans talent et vulgaire amateur de femmes (47). Laurent devient un familier de la famille et l'amant de Thérèse (70).
 
Mais Camille est un obstacle. Un jeudi soir, la discussion roule sur les crimes restés impunis. Lors d'une partie de canotage, Laurent et Thérèse tuent Camille (103-104). Le crime passe pour un accident. Laurent reconnaît le cadavre de Camille à la morgue (124).
 
Bientôt Laurent et Thérèse ont des cauchemars (151). Ils amènent Madame Raquin à les marier (171 ). Mais ceci ne calme pas leurs terreurs (197-198-199). Tout le monde les croit heureux.
 
Laurent qui s'est remis à la peinture a maintenant du talent, mais il ne peut peindre que Camille noyé (238). Madame Raquin devient impotente et muette. Laurent et Thérèse s'abandonnent devant elle à leurs obsessions (250-251-252-253). Le jeudi suivant, elle essaie, en vain, de les dénoncer aux familiers (258-259-260).
 
Thérèse voudrait obtenir le pardon de l'infirme (277). Le couple a des querelles épouvantables. Laurent perd tout contrôle (294-295). Il craint que Thérèse le dénonce, tandis que la mercerie qui a perdu sa clientèle amène Thérèse à se prostituer. Un jeudi soir, après le départ des familiers, ils sont prêts à s'entretuer. Ils s'empoisonnent sous les yeux de Madame Raquin (317-318).
Edition Livre de Poche.
D'après un montage de Sylvie C. 2d A 1 B - nov. 79.
 
Extraits du fichier coopératif 2d degré - 2ème cycle (appelé RETORICA).
 



Fiche 3
CORRESPONDANCES
Platon pense que le monde que nous connaissons n'est que le reflet d'un autre monde, plus vrai, ( Banquet, République Livre VII, mythe de la caverne). L'idée que tous les éléments de la nature sont en correspondance les uns avec les autres est très répandue dans l'Antiquité (voir le Nombre d'Or de Pythagore).
 
Dans l'Epître aux Romains, Saint Paul christianise cette idée: “Ce que l'on peut connaître de Dieu est devenu évident pour les hommes, Dieu lui-même l'a rendu tel, puisque ses perfections invisibles se voient comme à l'œil depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages”,
 
Le Moyen Age n'oublie pas cette idée quand il pratique le symbolisme (Roman de la Rose), mais elle prend une vigueur nouvelle à la Renaissance quand le Platonisme trouve sa traduction poétique: le Pétrarquisme, L'amour de la femme aimée mène à l'amour de Dieu (Du Bellay : sonnet L'ldée).
 
Puis Swedenborg (1688-1772) fonde une secte sur l'illuminisme, c'est-à-dire la connaissance des réalités supra-sensibles. De son côté, lisant Platon, Joseph de Maistre pense que l'analogie permet de retrouver l'unité du monde. Balzac, de son côté, s'inspire directement de Swedenborg (dans Louis Lambert, Seraphita) : “ Les effets terrestres étant liés à leurs causes célestes, font que tout y est correspondant et signifiant” (...). “ Savoir les correspondances de la parole avec les cieux, savoir les correspondances qui existent entre les choses visibles et pondérables du monde terrestre et les choses invisibles et impondérables du monde spirituel, c'est avoir les cieux dans son entendement”.
 
Baudelaire en tire sa théorie des correspondances. E. Poe (qu'il traduit en français) pense que la poésie permet de participer à l'immortalité par le culte du beau, Il rejette la nature primitive, brute et rudimentaire (celle de Rousseau), au profit d'une nature harmonieuse, dont tous les éléments sont en correspondance,
 
Ces idées vont jouer un rôle fondamental chez Hugo ( Les Contemplations - 1856) ; elles vont marquer tout le courant symboliste. Elles expliquent les plus belles réussites de la peinture, notamment romantique et impressionniste.
 
Fiche 3 - verso
 
VERS DORES
 
Homme, libre penseur ! te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.
 
Respecte dans la bête un esprit agissant ;
Chaque fleur est une âme à la nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose ;
“Tout est sensible! ”. Et tout Sur ton être est puissant.
 
Crains, dans le mur aveugle, un regard qui t'épie :
A la matière même un verbe est attaché...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !
 
Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !
Eh quoi I tout est sensible! (Pythagore)
Gérard de Nerval (1845)
 
CORRESPONDANCES
 
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L 'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
 
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
 
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
 
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin ou l'encens,
qui chantent fes transports de l'esprit et des sens.
C. Baudelaire - Les Fleurs du Mal (1857)
 



Fiche 4
LA PART DU MAITRE DANS LA MISE AU POINT ORALE DU TEXTE LIBRE
 
Freinet, dans les dernières années de sa vie, recommandait la mise au point dictée du texte libre. J'ai repris cette technique au second cycle et nous nous en trouvons bien, élèves et professeur.
 
Il est entendu au départ que les textes ne dépasseront pas trente lignes et qu'ils seront particulièrement soignés en ce qui concerne l'inventio (le contenu), la dispositio (la construction), l'élocutio (le style) et la scriptura (la présentation).
 
Nous distinguons quatre genres: les poèmes, les récits, les essais et les dialogues. Les élèves pratiquent, l'un après l'autre, l'un des genres. Les textes sont lus en ateliers de lecture, chaque groupe de six élèves environ choisissant un ou deux textes. On sélectionne ainsi huit ou dix copies qui sont ensuite lues à la classe, laquelle vote; et on retient ainsi deux ou trois textes pour la mise au point dictée.
 
L'auteur du texte vient au bureau avec le professeur. Il lit une première fois sa copie pour qu'on examine collectivement la dispositio (la construction). Puis il lit à nouveau son texte, phrase par phrase et la classe propose des améliorations sur l'elocutio (le style) avec l'aide du professeur. L'auteur retient les améliorations qu'il juge utiles.
 
Chacun (professeur, auteur, élèves) prend note du nouveau texte, mais il en prend note au crayon pour gommer, rectifier en cours de route. C'est une véritable leçon de style qui dure une heure.
 
Une fois le texte mis au point, on en fait un stencil, on le tire au limographe pour la classe et les correspondants.
 
Fiche 4 - verso
DOSSIER PEDAGOGIQUE 1980
 
RETORICA - LA MISE AU POINT ORALE DU TEXTE LIBRE
Deuxième phase
 
La mise au point orale et collective du texte libre décrite dans une première fiche est très utile pour donner aux élèves une idée des possibilités stylistiques de la correction.
 
Mais elle devient rapidement fastidieuse (au bout de six textes de nature différente: poème, récit, dialogue, essai}, l'essentiel est acquis, c'est-à-dire l'ouverture d'esprit) ; malgré sa rapidité (un texte de vingt lignes est corrigé en une heure), elle est dévoreuse de temps; enfin les élèves souhaitent disposer d'un cadre plus large, donc écrire plus longuement (non plus une, mais deux, trois, quatre pages...). La mise au point orale doit donc se transformer .
 
Les textes sont d'abord lus en atelier pour sortir les plus intéressants. Mais le professeur se fait une petite liste de textes qu'il juge lui intéressants et qui ne sortiront peut-être pas pour des raisons diverses (timidité de l'auteur, goût trop conventionnel du groupe). Ainsi aux six-huit textes qui émergent des groupes pourront être ajoutés deux-trois textes repérés par le professeur .
 
Ces textes sont lus à la classe; on discute sur eux et on vote en retenant ceux qui ont eu le pll!s de voix: on peut ainsi en retenir deux, trois ou quatre.
 
Ces textes sont rendus aux auteurs qui ont pour tâche de les améliorer avec l'aide d'une petite équipe de camarades et avec éventuellement les conseils du professeur. Quand ce travail d'amélioration est fait, le texte est relu à la classe, on en discute et alors seulement est prise la décision de publication.
 
Les textes sont alors tapés à la machine sur stencils et tirés au limographe dans le cas de l'équipement le plus élémentaire en appareils de reproduction.
 



FICHE-GUIDE POUR L'ORGANISATION DE TON TRAVAIL
 
I) Le planning
Tu participes activement à la préparation en commun de ce plan de travail, tu proposes tes avis, acceptes une décision coopérative et prévois tes activités en options. Chaque soir, tu remplis ton bilan et tu remets ce bilan chaque quinzaine, bien rempli, sans avoir oublié de noter tes avis, tes remarques, et ce que tu penses de ton travail. Je vois régulièrement chaque quinzaine ton bilan, j'y réponds et propose une évaluation. Ce bilan sera ensuite classé dans ton classeur personnel.
 
2) L'expression écrite
Pour communiquer une idée tu peux écrire; tu le fais quand tu le ressens et sous la forme que tu penses être la meilleure. Tu me communiques tes textes afin que je puisse t'indiquer les retouches nécessaires à une meilleure compréhension (je te propose des idées pour corriger ou approfondir, je t'indique des travaux à faire pour t'aider à surmonter des difficultés de style ou d'orthographe... quand cela est nécessaire. Tu travailles seul, ou avec un camarade, ou avec moi, à la mise au point de ton texte. Ensuite tu peux chercher des prolongements (texte d'auteurs-poésies-musique...) que tu notes, recopies ou gardes pour toi, mais que tu peux aussi proposer à tes camarades. Tu peux lire tes textes (avant ou après mise au point selon l'urgence) à tes camarades, les envoyer aux correspondants ou les proposer pour le journal (je transcris toutes les étapes de ton travail sur mon classeur que tu peux consulter librement quand tu veux faire le point).
La plus grande partie de ce travail peut être réalisée en classe (textes et mises au point - fiches de lecture - fiches d'orthographe etc.), pendant les heures de travail personnel, avec mon aide ou celle d'un camarade, mais tu dois aussi travailler chez toi et ne pas te laisser submerger par les corrections (fais-les régulièrement !).
3) Les autres formes d'expression
- La poésie : Tu disposes en classe de nombreux recueils dans lesquels tu peux puiser comme tu le veux.
Choisis et recopie des poésies dans ton classeur, et apprends-Ies pour les dire à tes camarades, avec, pour accompagner, un peu de musique que tu créeras toi-même.
- La lecture est une forme d'enrichissement et il est indispensable de lire le plus possible. Chaque quinzaine sont organisées des séances de lecture personnelle et, en option, tu peux lire quand tu le veux. Nous travaillons aussi sur des livres que nous choisissons et à partir desquels nous organisons tout un travail de recherche et de réflexion. Chaque lecture donne lieu à une fiche qui permet l'échange et peut donner lieu à un montage. Il faut te réserver au moins quinze minutes chaque jour de lecture chez toi et fréquenter 1e plus possible la salle de lecture.
- Les montages au magnétophone, les saynètes, les chansons, les marionnettes, le cinéma, le dessin. etc.
Toutes ces activités en options sont issues le plus souvent de travaux écrits, mais elles peuvent être abordées pour elles-mêmes. Toutes les créations sont proposées au groupe classe qui n'a pas seulement un rôle de spectateur, mais qui peut, par ses remarques aidantes, faire progresser et permettre un dépassement de ce qui est proposé. Toutes ces activités te permettront d'acquérir une plus grande facilité d'expression, une plus grande assurance, et, si tu t'y livres avec passion, elles te permettront un large épanouissement. Ton classeur personnel devra être tenu proprement et je le verrai régulièrement.
En conclusion, tu peux vivre ainsi, dans un climat d'amitié et de respect mutuel, en faisant ta part, en échangeant, en respectant tes engagements, et tu pourras acquérir en même temps une grande somme de connaissances.
MAIS, cette liberté d'expression et de choix, n'implique surtout pas le laisser-aller et le laisser-faire, au contraire, mais permet la vie et la fantaisie. Elle est faite d'exigences personnelles, de rigueur dans l'organisation, qui, je le pense t'aideront à mieux vivre ta vie d ' adolescent et plus tard ta vie d'adulte et les graves et riches responsabilités qu'elle demande.
Bon courage.
Michel VlBERT
 
Cette présentation doit permettre de mieux comprendre notre façon de travailler et sera une base de discussion dans les rencontres avec les parents. Pour approfondir, on peut lire de Freinet, chez Oelachaux et Nièstlé :
Essai de psychologie sensible; L'éducation du travail , Les dits de Mathieu.
 
 
 
LE PLAN DE TRAVAIL
 
 
Il épouse les heures de cours attribuées par l'administration. Valable pour une quinzaine, il planifie nos projets dans les heures officielles. Quand il ne sert pas à prévoir, car tout n'est pas prévisible, il permet d'inscrire, après, ce qu'on a fait et il devient alors bilan.
Chaque jour, une petite case sert à faire le point du travail libre personnel que chacun se donne à la maison. C'est une invitation à ... pas un moyen policier de contrôler.
Au verso, chaque quinzaine, les adolescents font le point de leur travail, de leurs problèmes, proposent des chantiers, des remises en question.
Je relève tous les plans de travail, les annote selon les besoins exprimés, reverse, en réunion de coopérative, critiques et suggestions d'organisation du travail.
Je prépare sur les mêmes plans mon travail personnel. Pour chaque classe, j'ai les mêmes outils que les élèves. Ça me permet de mesurer leur simplicité, leur efficacité.
 
 
Un exemple de plan de travail possible et très simple
 

Classe de 3D. Planning du .... au .... N°....
                 1
Lundi         2
14h
14h
Travail libre
(contenu, durée)
                 1
Mardi         2
10h30
10h30
 
id
                 1
Jeudi         2
14h
14h
16h
16h
 
Id
                 1
Vendredi   2
14h
14h
16h
16h
 
id

 
Verso :

Mes difficultés
Mes réussites
Suggestions pour le travail
 
 
 
 
Suggestions pour l'ambiance de la classe
 
 
 

 
 
Un autre exemple de plan de travail
 

PLAN DE TRAVAIL 6e       
Période du            au                                    Nom......................... Prénom...........................      
Contrat collectif :
- grammaire =    
- lecture = au moins un livre           
- rédaction =        
- ...
Je me propose : 
- d'apprendre (poème)     
- de lire :               
- de présenter :   
- de préparer :     
- de ...    
 
Bilan de mon travail :        
Ai-je rempli mon contrat ?                               oui             non                     
J'ai lu :                  
J'ai écrit :                             
J'ai présenté :                     
J'ai ...     
Je pense
Je critique
Je propose          
(écrire au dos)    
le professeur      
note de travail individuel
Résultats aux travaux collectifs



Recto de la fiche
 

NOM
Quinzaine
Classe

 

Jours             Projets de travail Gr CL
Réalisation horaire GR et IND
év.
Cette partie est établie en commun
durant la réunion de coopérative
Cette partie permet de prévoir
le travail individuel et de faire
le bilan de chaque heure
évaluation
qualitative
du travail
fourni

 

Travail écrit réalisé. Titres.
Travail oral ou manuel réalisé
détail du travail écrit réalisé.
Idem pour l'oral
Travail technique. Fiches orth. gram.
Livres lus. Fiches réalisées
idem pour l'aspect technique
I dem pour la lecture
Ateliers
Indication de l'atelier choisi
dans I'organisation du collège
 
Ce que je pense de mon travail.
 
ici le gamin analyse sa quinzaine
évaluation
ce que je pense de ton travail
 
Je réponds par mon analyse
évaluation

 
 
Bilan à rendre le . . .

 
TL
Corr. TL
lec.
fiche lec.
fiche orth
fiche gram
poés.
oral
rec.
corr.
divers
 
év. . . . . . .                      N° . . . . . .
nb
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cette partie est un compte rendu rapide de la quinzaine que je colle sur la fiche individuelle dans mon classeur de travail.

 
 
 
 
Verso de la fiche : contrat de travail.
 

Pour la quinzaine, je me propose le contrat de travail suivant :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
J'ai rempli mon contrat.
Je n'ai pas réussi à remplir mon contrat : explications.
 
 
 
 
Ces explications doivent permettre à l'enfant
de trouver la raison de sa non-réussite,
donc d'essayer de les gommer par la suite.
Il n'y a pas de sanction, naturellement.

 

PRATIQUE DE LA CORRESPONDANCE
 
Ce peut être également un point de départ à maintes activités modifiant la vie de la classe. Mais il est alors préférable d'avoir plusieurs antennes car entre l'envoi èt le retour s'écoulent souvent plusieurs semaines. Si l'on choisit deux antennes par classe, et cela semble suffisant au départ, penser à retenir deux niveaux différent s: une classe de même niveau et d'âge voisin, une classe primaire, même un C.P. par exemple, ou une classe plus âgée afin d'avoir à écrire dans un registre différent - on peut aussi correspondre ponctuellement avec des adultes, à propos d'une enquête par exemple. Pour ne pas être dépassé par l'organisation, prévoir un planning de synthèses des envois reçus, des envois expédiés.
Une feuille double 21 X 29,7 fait l'affaire.
Sur cette feuille, vous faites figurer toutes vos adresses précises afin de ne pas avoir à les rechercher chaque fois.
L'envoi d'une autre classe est toujours une surprise : des textes libres peuvent inciter des élèves à écrire, susciter des débats ; des questions des correspondants sur la région peuvent entraîner des enquêtes, la réalisation de dossiers, de montages, etc. Là encore, la classe peut éclater en travaux de groupes pour répondre aux correspondants (Dès les premiers envois, évitez l'aspect brouillon, baclé, peu alléchant. Un petit effort de soin, d'attrait, satisfait le récepteur et soutient l'intérêt).
 
3 classes. Par ex : DOCUMENTS REçUS

6e
4e
3e
8-10-79    Le contenu
6-11-79    Le contenu
22-11-79    Le contenu
9-11-79    Le contenu
8-12-79    Le contenu
...
23-11-79    Le contenu
...
...
...
...
...

Même planning pour ce qu'on envoie
 
a) Pour plus de détails, pour des exemples concrets, etc. voir dossier correspondance...
 
b) Pour trouver des correspondants, on peut lancer un appel dans le bulletin de Second degré Liaison (contacter : [Catherine Cortesi-Mzurie] ) ou encore en contacter directement au cours des stages, rencontres, congrès I.C.E.M...
Et puis... on peut aussi correspondre avec la classe voisine.
 
PRATIQUE DE L'EXPRESSION LIBRE
 
C'est sans doute le point de départ le plus intéressant pour faire évoluer l'organisation et la vie de la classe. Mais, comme pour la correspondance d'ailleurs, elle sous-entend qu'on privilégie d'abord la communication : c'est ce qu'exprime le témoignage suivant :
Je base tout mon travail et tout le démarrage dans mes classes de 6e sur cette idée que je veux mener plus loin que l'aspect technique présenté pour arriver à une véritable technique de vie. En début d'année, quand j'accueille mes nouveaux gamins, je m'efforce surtout d'engager le dialogue pour qu'ils prennent l'habitude de parler et de s'écouter. A l'aide des gerbes, des journaux etc. je leur montre que d'autres qu'eux-mêmes ont voulu dire ce qu'eux pouvaient avoir à dire et, rapidement, tout s'enchaîne, sans vouloir privilégier l'expression écrite au départ. Et par conséquent les différents aspects techniques de la pédagogie Freinet apparaissent vite. Dire et écrire pour nous, oui, mais si on pouvait avoir d'autres échos... et c'est la correspondance. Et tout de suite naissent les exigences propres au dialogue quand on veut dire à l'autre, se dire. Il faut donc faire des efforts, des recherches et le travail individuel arrive, la mise au point de son écrit vient vite et le tâtonnement est respecté. On se cherche et on se donne rapidement les moyens dont on a besoin pour réaliser avec richesse tous les aspects de l'échange et viennent donc les plannings, l'organisation. Voilà un peu ma démarche. Je prends le temps de laisser venir. J'informe les parents. Je participe à l'échange et la relation se différencie. Le groupe dont je fais partie s'organise, devient autonome, crée, agit, non plus en fonction de moi mais en fonction de ses besoins propres, dans le respect, l'accueil des idées de tous.
Et, si l'on choisit de privilégier la communication, c'est, entre autres, parce qu'elle favorise l'épanouissement de la personnalité.
 
Dans cette recherche de la communication, de l'échange, on va vite arriver à une démarche individuelle, au sein de la démarche collective, qui impose ses règles, ses engagements. L'individu donc va être rapidement amené à vouloir pour lui-même des objectifs les plus hauts possibles, soit que son intérêt le pousse à dépasser ce qu'il a entamé, soit que le maître propose une nouvelle piste, soit que le groupe, par son attitude aidante et sa critique constructive, appelle à un dépassement, soit que le correspondant, par sa prise en charge de l'envoi, demande un approfondissement. C'est alors que le groupe, dont le maître fait partie, stimule chacun afin qu'il développe toutes ses possibilités, qu'il aille au bout de lui-même. J'insiste sur le fait que le groupe ne doit pas occulter l'individu, mais en même temps sur la réalité que l'individu ne doit pas désagréger le groupe. C'est une technique de vie plus qu'une vie à partir de techniques.
Il était nécessaire de préciser d'abord, en préambule, nos objectifs sous-tendant l'expression libre, à laquelle nous attachons tant d'importance dans nos classes.
 
Mais pratiquement, comment démarrer ?
 
- Certains essayent de “débloquer” l'écriture par des jeux poétiques (cf. dossier pédagogique: Incitation à l'écriture au second degré).
- En fait, bien souvent, l'expression libre arrive par un chemin moins artificiel, qui est celui de la lecture de Gerbes, Magazines, B.T., B.T.2, journaux scolaires, quand on en a à portée de main, venus d'ailleurs ou faits par les classes des années précédentes, livres de poèmes d'enfants et d'adolescents édités chez Casterman, derniers numéros [de Créations], etc.
- Une autre piste peut être une discussion sur ce qu'est le “français”, la “rédaction” : pour écrire, a-t-on toujours besoin d'un sujet ? Certains montreront sans doute que non.
- On peut aussi donner des sujets incitateurs “Comme tous les matins depuis 25 ans, à la même heure, M. Durand se préparait à franchir la porte de l'immeuble où il travaillait... Tout à coup...”).
- La montée de l'expression libre des élèves est également liée à la part accordée, dans notre enseignement “littéraire”, à la poésie. Si l'on crée une imprégnation poétique, en apportant soi-même des poèmes que l'on aime, en les lisant, pour le plaisir de les communiquer - et pas forcément pour les décortiquer, les expliquer -, si l'on apporte parfois une flopée de livres de poésie (anthologies, mais aussi poésie vivante d'aujourd'hui, revues de poésie. Numéros de poésie 1 par exemple. Numéros de B.T.2 sur la poésie - 29-36-44-58-64-74-78-94-98-100 etc. - qu'on laisse les élèves feuilleter, lire, recopier, se communiquer les textes aimés, si l'apport d'un magnétophone, de diapositives, permet de déboucher sur un montage, alors, la classe, plus réceptive au langage poétique, aura peut-être plus envie de s'exprimer aussi (n'oublions pas que la plupart des élèves ne connaissent la poésie qu'à travers La Fontaine et l'exercice de récitation ! ). (Dossier pédagogique Poésie).
... Quand les premiers textes arrivent...
 
Il est important de les valoriser... même s'ils déçoivent (affichage, envoi à des correspondants etc.) et de ne pas les récupérer pour faire des travaux d'orthographe et de grammaire, qui ennuient et peuvent tuer l'expression libre.
 
Un moyen dynamique pour la vie de la classe de valoriser l'expression libre est d'en faire le point de départ d'autres activités: débats, enquêtes, apport de textes d'auteurs etc.
 
Il est bien rare que dans les cinq ou dix premiers textes lus, la classe ne trouve pas un sujet de débat futur, une enquête possible. Il faut que ces premiers travaux réussissent, c'est-à-dire qu'ils créent du dynamisme, qu'ils laissent des traces. Faire peu de choses, mais bien les préparer, bien les programmer, afin que le contrat coopératif puisse être respecté.
 
Exemple : Eviter au début les débats informels qui risquent de tourner au brouhaha, à la pagaille intellectuelle. Quand un sujet de texte libre offre une piste, prévoir ensemble deux ou trois questions qui serviront de support à la réflexion écrite individuelle, programmer une date, prévoir l'animation, laisser une trace à la fin... {voir exemples détaillés dans la Part du maître, La Brèche n° 33-34).
 
La reprise des textes, si elle n'est pas un prétexte à faire passer le programme de grammaire, doit permettre par contre un travail de réflexion sur la langue - moyen de communication et également sur les stéréotypes que le travail de groupe casse rapidement (exemple: démanteler certains champs sémantiques du type : automne = tristesse, feuilles mortes, larmes, etc. / Nuit = mal, peur...). Par contre, on peut aider à enrichir les textes par la recherche d'autres corrélats.
 
La reprise des textes peut se faire en groupe (une dizaine maximum) pendant que le reste de la classe est occupé de façon autonome (à un travail d'atelier par exemple).
 
La fiche 4 “La part du maître dans la mise au point orale du texte libre” décrit une démarche d'un enseignant du deuxième cycle.
 
LE JOURNAL
Les textes libres, les résultats d'enquête, les comptes rendus de livres, permettent rapidement, comme moyen de valorisation, mais aussi comme véhicule de la parole des jeunes vers l'extérieur, de tirer un journal.
 
Comment démarrer un journal ?
- On a intérêt à le déclarer pour avoir un numéro de presse, permettant la vente licite (écrire à la C.E.L.).
(...)
 
Si on ne parvient pas à faire payer la facture par l'établissement, la première fois, on peut toujours faire l'avance pécuniaire des premiers achats et le produit de la vente, géré coopérativement, comme le budget, permet de récupérer l'investissement provisoire. Les classes concernées ont ainsi, entre leurs mains, tout le processus de l'édition à gérer et ce savoir-faire acquis peut être important pour leur indépendance à venir .
- On peut aussi se dire que 100 F, c'est peut-être un investissement à faire pour commencer à changer quelque chose.
 
Le journal peut être tiré par tous les moyens de duplication de l'établissement et/ou au limographe (c'est plus long).
Celui-ci est surtout intéressant pour la décoration. L'imprimerie est plus difficilement employable au second degré (trop long).
Le journal peut être celui d'une classe, ou, mieux encore, celui des trois ou quatre classes d'un enseignant: des liens sont ainsi créés à l'intérieur de l'établissement. Les textes à faire paraître peuvent être choisis collectivement. Il est important, toutefois, que tous ceux qui ont écrit aient au moins un texte de publié, en tout cas au début. Toutefois, le choix des textes à publier qui se fait collectivement, passe nécessairement par une réflexion sur le journal en tant que véhicule de la parole des jeunes vers l'extérieur.
Le maître se doit de les faire réfléchir sur cet extérieur auquel ils vont donner en pâture le meilleur d'eux-mêmes souvent.
On ne peut pas assurer chacun de la parution obligatoire de son texte. C'est au groupe d'analyser s'il sera reçu avec compréhension, ouverture d'esprit ou si, au contraire, c'est une provocation inutile qui n'attirera que des blessures. La rue n'est pas tellement attentive et accueillante à la jeunesse et il est nécessaire d'analyser le milieu dans lequel on vit, ainsi que les forces de répression qui peuvent se manifester, pour donner, homéopathiquement, à la masse inconnue, ce qu'elle peut recevoir, sans être agressée, pour lui permettre d'avancer dans sa capacité d'écoute.
 
 
ET LA GRAMMAIRE ? ET LA DICTEE ?
Pour la dictée, si les enfants, si les parents, si vous-même y tenez, il est un moyen simple de maintenir cet exercice en le dépouillant du sadisme qui le sous-tend (pouvoir du maître qui dicte des textes à pièges et compte ensuite les FAUTES) : on peut enregistrer des dictées sur cassettes. Les élèves souhaitant faire une dictée peuvent se mettre à trois autour d'une minicassette avec des écouteurs (achat pas très cher, à prendre sur crédits de français ou même d'équipement). Ils font ensuite eux-mêmes la correction et demandent au professeur ce qu'ils n'ont pas compris. On peut aussi dicter (ou faire dicter) un texte à un groupe seulement. On peut aussi conserver cet exercice en expliquant que les contraintes institutionnelles et l'environnement pèsent très lourd ; et faire :
- des dictées à trous (sur une série de règles, de mots, etc.), il n'ya qu'à remplir les trous ; sur 20, il yen a bien un de juste - on n'a jamais zéro ;
- une dictée d'un texte déjà connu (lecture suivie...) ;
- une dictée d'un très beau texte (ouverture vers autre chose qu'une finalité orthographique).
Cela dit, ceux qui ont supprimé la dictée de leur enseignement n'ont pas eu, pour l'instant d'ennui administratif pour cela...
 
Quant à la grammaire, pour ceux qui ne souhaitent pas en abandonner l'étude théorique, il y a la possibilité de sélectionner, sur les nombreux spécimens qu'on nous envoie, une série d'exercices couvrant les lacunes les plus fréquentes des élèves ; il est aisé de les rendre autocorrectifs en se constituant un fichier du style des fichiers C.E.-C.M. de [PEMF ](qui peuvent d'ailleurs être utilisés en 6e et 5e), c'est-à-dire en collant sur une fiche bristol et en renvoyant à une fiche correction, le tout rangé dans une boîte où les élèves vont puiser en fonction de leurs lacunes individuelles.
 
On peut aussi remplacer la grammaire par une étude sur la langue, à partir de recherches (individuelles, en groupes, ou collectives), tâtonnées, sur des phrases d'élèves (orales ou écrites). Un travail de logique (sur et/ou, si... alors, etc.) est souvent plus éducatif qu'une leçon de grammaire. Il s'agit alors d'une grammaire centrée sur l'expression.
 
En partant d'une technique, en modifiant les aspects les plus scolastiques du reste de l'enseignement, on voit donc comment on peut démarrer et comment une autre pédagogie s'instaure peu à peu.
 
Elle fait rapidement éclater, en ce qui concerne le contenu de l'enseignement, les limites traditionnelles du cours de français : enquêtes sur le milieu, moyens de création autres que l'écriture etc. Très vite se fait sentir le désir de ne pas travailler seul.
 
L'interdisciplinarité est enrichissante culturellement pour les élèves. Elle ne saurait cependant être confondue avec le travail en équipe, dont le besoin apparaît rapidement, car les élèves apprécient vite la liberté d'organiser le travail, la pratique de l'évaluation, indivuelle et collective, et souhaitent souvent une extension à d'autres cours et, en effet, les conditions optimales de la pratique de la pédagogie Freinet au second degré sont dans l'existence d'une équipe.
 
Quand on parle d'équipe au second degré, cela ne veut pas dire “équipe d'enseignants Freinet” - nous sommes trop peu nombreux. Dans la plupart des cas, cela veut dire que l'on travaille en relation avec deux, si possible trois collègues qui ont les mêmes rapports que nous avec les élèves, ne les méprisant pas, les écoutant, acceptant des travaux sur sujets libres et fournissant documentation et aide pour cela ; qu'ils fassent par ailleurs de longs cours magistraux et des contrôles sévèrement notés importe peu! C'est par exemple le cas d'un collègue d'histoire-géographie avec qui se font exposés, débats (nous allons au cours l'un de l'autre en ce cas), émissions au magnétoscope, voyages-échanges etc. Le voyage-échange permet d'ailleurs d'associer d'autres collègues un peu ouverts à telle ou telle activité...
 
 
ET LA PREPARATION DU BAC ( AU SECOND CYCLE) ?
ET LA DISSERTATION ?
 
On ne la perd pas de vue et les contraintes de l'examen - expliquées par le professeur (forcément) - s'imposent à lui comme aux élèves : c'est très important qu'elles apparaissent ainsi et que l'on puisse ensuite discuter du temps que l'on va consacrer à tel type de travail, à tel auteur etc. Pour les parents comme pour les élèves, il est difficile de se rendre compte de la valeur d'un travail en profondeur qui prépare indirectement à la dissertation ou à l'oral du bac : exposer clairement (sans lire) sa pensée en trois minutes sur une question qui vous intéresse ; préparer, animer un débat, en rédiger le compte rendu, ce sont les modes les plus naturels et les plus motivants d'expression et de communication et, en même temps, les exercices de base de l'oral et de l'écrit (qui ne s'opposent pas! mais se nourrissent l'un l'autre).
 
Le débat est souvent l'activité de démarrage la plus facile : il permet de se connaître rapidement et impose de s'organiser.
Cette année par exemple, les II A m'ont demandé de discuter de l'avortement (question d'actualité). J'ai ajouté la contraception et demandé que deux ou trois élèves préparent un exposé introductif de dix minutes - pour lequel j'ai fourni des documents. Au cours du débat, un garçon s'écrie : “Trouvez-vous normal d'avoir des relations sexuelles à notre âge ?” C'était hors sujet, mais c'était, bien évidemment, la question sous-jacente et essentielle : quelques filles proposent aussitôt d'animer un second débat la semaine suivante sur les relations entre jeunes : la seconde partie en est reproduite ici. Ils ont dit de façon directe ce qu'ils pensaient. Ce n'est qu'à partir d'échanges de ce genre - qui se sont d'ailleurs prolongés par la correspondance - qu'ils pourront traiter, de façon authentique, les sujets de bac sur la jeunesse d'aujourd'hui. Un des écueils du second cycle est en effet l'abus d'une documentation livresque ou journalistique, coupée de l'expérience personnelle des jeunes et conduisant à une réflexion abstraite dépourvue de fondements.
 
DEBAT EN IIe A ( extrait) Novembre 1979
RELA TIONS FILLES-GARÇONS DANS LA SOCIETE
- Une amitié profonde peut-elle exister entre une fille et un garçon ?
- “A l'aise! Je m'entends plus facilement avec des garçons”.
- Oui : entre filles, on parle toujours de sorties avec les garçons... Avec un garçon, on parle de choses sérieuses.
- Entre deux garçons ou deux filles, ce sont seulement des commérages.
- Je ne suis pas d'accord : moi, j'ai un vrai copain, nos relations, c'est pas “pour faire bien”.
- Quand on est deux copains au milieu d'autres, ça ne va plus : il m'est arrivé de parler politique, philosophie avec un copain ; quand les autres arrivaient, “je me retrouvais seul à causer”.
- Dans l'amitié entre un garçon et une fille, ce sont deux caractères différents qui se rencontrent.
- Il y a une espèce de rivalité : on envie l'autre.
- L'amitié idéale, c'est quand cette jalousie disparaît.
- Les filles sont souvent jalouses entre elles.
- Cela dépend quelquefois de la situation sociale : j'ai eu une amie fille de docteur ; moi, je suis fille d'ouvrier ; on s'est perdu de vue ; déjà sur le plan vestimentaire, c'était difficile, elle a creusé le fossé sans le faire exprès... Avec un ami, c'est différent : les différences sociales comptent moins.
- Entre filles, on se jalouse à cause des garçons.
Les garçons, eux, ne font pas de chichis.
- Tu es misogyne ! Tu ne devrais pas laisser tomber une amie, en pensant que ses petits problèmes ne t'intéressent pas. L'amitié est quelque chose de difficile. On a parfois envie de parler, besoin d'être écouté.
- On a été séparés entre garçons et filles au primaire; même ensuite on reste souvent entre fIlles ou entre garçons : à la cantine, à la gym...
- Certains sports sont pour les filles, d'autres pour les garçons : les filles doivent avoir une anatomie gracieuse...
- Et les danseurs (amateurs) sont considérés comme des pédés.
- Si on joue au foot ou au hand ensemble, la supériorité des garçons est trop nette.
- Pourtant en 6e, et même en 3e, les filles qui jouaient bien avaient leur place dans les jeux mixtes.
- Mais elles risquent des coups dans les jeux brutaux.
- Les filles “mal dans leur peau” ne sont pas à l'aise dans les sports mixtes.
 
L'AMOUR
- Les flirts au lycée : qu'en vensez-vous ?
- C'est une expérience profitable, d'entente, une expérience de couple. On voit ses sentiments profonds, on se connaît mieux.
- Cela découle de l'amitié. Oui.
- C'est différent pour chaque couple. Parfois, si le garçon désire flirter, “l'amitié est foutue par terre”. Oui.
- Le flirt, c'est parfois pour s'amuser seulement.
- L'amour, c'est différent du flirt : au bout de quinze jours, on sait à quoi s'en tenir.
- Au bout de quinze jours, tu crois ? Il faut la connaître pour vraiment l'aimer.
- On se connaît au fur et à mesure.
- Il y a des garçons qui pensent : “Je vais me la faire”.
- Des filles aussi pensent parfois cela. Non.
- De toute manière, c'est toujours le garçon qui doit faire le premier pas.
- Le flirt est assez physique; l'amour peut venir après...
- Ou ne pas venir, et c'est triste, car, après quelques flirts pas intéressants, on est dégoûté de l'amour.
- “Tous des profiteurs !”. “Toutes des salopes !”
- Et alors certains garçons veulent prendre leur revanche.
- Sur une autre ? Sans s'occuper des sentiments de la fille ? C'est horrible !
- Il me semble que beaucoup de garçons flirtent rien que pour se vanter ; et les autres (au lycée) disent : “Tiens, il va se la faire” ou “c'est pour quand ?”. Cela n'arrange pas les relations. L'amour c'est autre chose.
- Une différence entre l'amitié et l'amour est que deux amis s'occupent des autres, alors qu'en amour on est égoïste à deux: je suis une fois entré dans une chambre où un couple faisait l'amour, j'ai eu l'impression d'être exclu.
- Est-ce que le flirt apporte beaucoup ?
- Oui, une expérience pour plus tard, pour le mariage ; tu te connais à travers le gars.
- Dans certains magazines, le flirt est commercialisé : on trouve les différentes façons de plaire : la fille n'a qu'à se soumettre : c'est une fille-paillasson. Pourquoi ? Parce qu'on a toujours élevé les filles à cela.
- Mais une fille ne va pas dire à un type : je voudrais sortir avec toi.
- M. M... (prof d'histoire-géographie) : Ce serait peut-être ça la libération de la femme. Oui.
- Mais les filles ne sont-elles pas contentes d'être dépendantes ?
- Moi, je n'oserais pas faire les premiers pas : j'aurais peur de passer pour une... On a toujours dit aux filles : c'est au garçon à prendre l'initiative...
- Mais est-ce peur d'une mauvaise réputation ou manque d'audace ?
- Mme Le B. (prof de lettres) : Comment jugez-vous une fille qui fait les premiers pas ?
- Mal ! (tous).
- En Hollande, c'est différent !
- Oui, j'y ai été en vacances, nous étions trente : tous les soirs, elles changeaient de partenaire, elles faisaient tous les pas !
- On considère qu'une fille qui sort avec plusieurs garçons est bonne pour le trottoir, mais un garçon qui sort avec plusieurs filles est un supermec !
- Et les anglaises... Et les françaises aux yeux des étrangers !
- La femme ale beau rôle: elle peut refuser par caprice.
- Au XIXe siècle, il y avait des femmes qui se refusaient très longtemps.
- M. M... : Vous avez bien des idées préconçues, sur les étrangères, sur les rôles respectifs que doivent tenir le garçon et la fille.
- Mme Le B. : Oui vos idées semblent les mêmes que celles des jeunes d'il y a vingt ans, mais jamais un débat de ce genre n'aurait eu lieu en classe mixte il y a vingt ans.
- Ni entre profs et élèves... Donc les choses changent tout de même.
- Les filles de notre âge préfèrent les hommes mûrs.
- C'est qu'au même âge les filles sont plus mûres que les garçons.
- Les filles de 16 ans sortent avec les garçons de 19.
- Mais elles sont étonnées lorsqu'ils leur demandent de faire l'amour.
- Pour un garçon de 15 ans, cela fait bien.
- Les filles, après s'être fait avoir par les jeunes, cherchent des plus âgés.
- Sans flirter, tu peux discuter.
- Quels sont les rapports entre le flirt et le vrai amour ?
- M. M... : Vous y croyez ?
- Pas à notre âge.
- Le véritable amour ne peut pas être tout de suite; il faut de l'expérience.
- Il y a pourtant des filles qui s'attachent au premier garçon avec lequel elles sont sorties.
- On voit la vie en rose - puis on s'en lasse, ou on y croit.
- Mme Le B. : Un amour unique (pas forcément le premier), relativement durable, cela vous semble-t-il quelque chose d'important dans une vie ?
- Durable, non, à 60 ans, il n'y a plus d'amour. Si !
- Un grand amour, on s'en souvient plus longtemps que de plusieurs.
- Certaines filles ont peur d'un amour profond, peur de s'enchaîner.
- Mme Le B. : On préfère alors l'indépendance à l'amour ; mais si l'amour est vrai, profond, l'indépendance n'a plus de sens ; on conçoit la vie à deux.
Débat animé par Madeleine, Karina, Audrey et Sylvie
 
 
NE PAS OUBLIER LES GARDE-FOUS...
 
Si l'on bouscule un tant soit peu les habitudes, on court très vite des risques = inquiétudes des parents, de l'administration, voire des collègues. Il est donc indispensable d'avoir des garde-fous.
 
1) Il est plutôt conseillé d'informer largement les parents de nos objectifs et de ce qui se passe dans la classe, par lettres, réunions. Si on se sent dans un milieu hostile, l'aide de quelques copains plus anciens du département peut être utile (cf. dossier relations avec les parents).
 
2) Les plans de travail sont un garde-fou autant qu'un outil d'évaluation et un moyen de communication avec les parents (cf. annexe 2-3-4).
 
3) Il faut penser à toute personne étrangère pouvant entrer dans la classe (administration - collègue - inspecteur - parents etc.). Pour qu'elle comprenne rapidement l'organisation et le contenu du travail, un planning collectif est utile.
Chaque élève peut également avoir une fiche sur laquelle figureront ses activités: très utile pour une vue globale de fin de trimestre ou d'année.
 
4) Le cahier de textes. Il est important de le remplir consciencieusement. On n'est pas obligé de se plier aux normes officielles (orthographe - grammaire - rédaction etc.). Une rubrique FRANÇAIS peut se présenter comme un livre de vie de la classe. Ou encore, on peut réserver une page aux travaux collectifs, une page aux travaux du groupe.
 
5) S'assurer que les élèves aient une assurance extra-scolaire avant de les emmener en sortie, de les envoyer en enquête.

6) On peut tenir un classeur (une page par élève) où on note systématiquement tous les travaux réalisés par chaque élève.
Travail parfois fastidieux, mais qui peut avoir une influence capitale en cas de difficultés. Il prouve que l'on sait à tout moment où en sont les élèves...
... et que l'on ne se moque pas complètement de son boulot...
 

dates
Travail collectif
Travail collectif
Débat...
...
...
...

 

dates
Travaux de groupes
G1
G2
G3
.........................
.........................
.........................
G4
G5
G6
.........................
.........................
.........................

Exemple : Travail de novembre
 
QUELQUES REFLEXIONS EN GUISE DE CONCLUSION...
 
Introduire le texte libre, le débat, le travail sur documentation à partir des goûts des adolescents, la correspondance, voilà quatre techniques de travail à la portée de tous, quelles que soient les conditions de l'environnement. Cela n'implique que beaucoup d'exigence, de rigueur, dans l'écoute des jeunes, dans l'organisation du travail. Quand on fait du texte libre, naissent des sujets de débats, naissent des contenus possibles d'échanges, naissent des prolongements possibles en poésie, roman, théâtre. On peut déjà transformer ses classes, bouleverser les routines, régénérer le travail. En gagnant en expérience, en résultats persuasifs vis-à-vis des parents, de l'administration, on pourra introduire petit à petit le journal, puis des bilans périodiques auquels il faut s'astreindre, des réunions départementales avec les camarades qui ont les mêmes problèmes, les revues de l'I.C.E.M. aideront chacun à faire un pas de plus. On n'en finit pas de marcher. Mais la rupture avec ce que les élèves ont connu auparavant peut être source d'interrogations, d'inquiétude pour les élèves qui ne font pas forcément confiance au professeur. Il est bon que les plans de travail soient respectés et que le professeur respecte lui aussi ses engagements (fiches d'aide pour les enquêtes, les lectures...).
Un des facteurs de réussite, c'est aussi notre crédibilité aux yeux des élèves. Ne pas apparaître comme un farfelu, faire sentir qu'on ne détient pas le pouvoir tout seul, mais qu'on reste maître de la situation, qu'on ne les embarque pas dans une aventure incontrôlée.
Lorsqu'on débute en pédagogie Freinet, avec des gosses qui ne sont pas habitués à cela, et en étant isolé dans son établissement, le plus gros obstacle à surmonter est bien la panique. Panique des élèves qui ne se sentent pas en sécurité dès lors qu'on ne leur mâche pas tout leur travail (et cela va de “de quelle couleur je souligne ?”, “combien de carreaux faut-il laisser en marge ?” à “à quelle page je peux trouver la réponse ?”, lorsque la question demande un effort de synthèse sur une lecture). Ceci surtout en 4e et 3e. Panique aussi concernant l'évaluation: “c'est noté ?” ponctue chaque suggestion de recherche libre. Des élèves qui se sentent mal sécurisés auront, presque à coup sûr, recours au
chahut pour retrouver un univers familier ; ils ne sont pas face à un “bon prof” qui fait “bien travailler”, donc tout est permis. Et là c'est le prof débutant en pédagogie Freinet qui panique à son tour. Ce qui me semble essentiel, c'est la rigueur de l'organisation, les plannings, les fiches-guide. Non seulement j'explique longuement, oralement, l'organisation du travail, mais je polycopie les consignes concernant le travail en ateliers, les propositions concernant les supports de l'évaluation, le contrat minimum de travail du mois. Cela sert aussi à informer les parents. Les plans de travail individuels sont également nécessaires (j'utilise le type simplifié paru dans grammatica pour les 4e ; et un type plus précis en 6e).
 
Cette année j'ai en 4e une classe de “bons élèves”, tellement à l'aise dans le système traditionnel qu'ils ont manifesté méfiance et rejet à l'égard de ce qui les dérangeait. Je me suis donc contentée d'instaurer deux heures d'ateliers par semaine pour le premier trimestre. Il y a eu rejet de l'idée de journal, de correspondance, boycott des premières discussions de coopérative. Je n'ai pas insisté et n'en ai plus proposé. Mais, en fin de trimestre, une partie de la classe a réclamé une discussion coopérative et peu à peu l'atmosphère change. Le travail en ateliers libres et la communication des travaux à la classe a joué un rôle important.
Néanmoins l'expression libre ne s'amorce que très timidement et il y a un net refus de s'impliquer chez les élèves les plus brillants. Ils ont véhémentement réclamé le maintien des dictées. J'ai alors instauré une “dictée-feuilleton” ; une fois par semaine, je dicte un paragraphe d'une nouvelle (avec suite à la semaine suivante), les élèves ont ensuite le loisir de corriger leur dictée (en groupe ou individuellement) avec dictionnaire, manuel de conjugaison, grammaire. Par roulement, je relève des feuilles pour vérifier les corrections. J'ai également préparé un fichier d'exercices de grammaire pour ceux qui, lors des heures d'ateliers, préfèrent un “travail” plus sécurisant. Mais je tiens soigneusement à jour un grand planning de la classe où est indiqué à quoi chacun a occupé les heures d'ateliers. Commentaire servant d'élément d'évaluation en fin de mois, confrontation avec les plans individuels.
Deux heures par semaine sont réservées à un travail collectif de lecture expliquée plus ou moins traditionnellement.
Autre point important: la documentation. Le C.D.I. de notre collège est ... en cours de construction. Alors, j'ai fait la chasse aux revues qui traînaient, inemployées, dans les armoires d'anciennes classes de transition : B.T., documents pour la classe... J'ai ajouté des B.T.2, des Record Dossier (Bayard Presse), des journaux scolaires et des travaux de l'année dernière. Après une lutte assez longue, j'ai obtenu une armoire fermant à clef pour conserver le tout à portée de la main (ce qu'on laisse hors armoire disparaît très vite, il y a pas mal de fauche).
 
Parmi les techniques intéressantes, il faudrait peut-être citer les “Trois minutes avec vous” que les 4e préparent très consciencieusement. Cela permet d'aborder les sujets les plus divers. J'utilise aussi cela en 6e (mais deux minutes seulement au début) et ils y tiennent beaucoup.
Mes deux classes de 6e tiennent énormément aussi à la discussion - bilan de fin de quinzaine. Cela nous a permis de moduler et d'organiser le travail avec beaucoup plus d'initiative de leur part que du côté des 4e. Les premières discussions tournaient autour de la nécessité de punir, d'après eux, pour que l'on puisse travailler; puis ils ont peu à peu compris que la question n'était pas là. Ils ont été très capables de voir et de dire que, lorsqu'il y avait eu du bruit et de l'agitation, c'était souvent parce que le travail était mal organisé ou pas à leur portée - ou qu'une cause extérieure (bagarre, racisme etc.) était intervenue, et la discussion a permis de prendre le recul nécessaire, sinon pour régler le problème, du moins pour pouvoir vivre en commun tant bien que mal. Il n'en reste pas moins que les progrès ne sont ni rapides ni continus et qu'il faut s'y attendre pour ne pas être découragé lorsqu'on débute en pédagogie Freinet.
Enfin, il faut dire l'importance d'avoir un groupe de copains avec qui discuter de ce qui se passe dans la classe pour pouvoir l'analyser et éviter de se culpabiliser lorsque cela ne va pas. Si on n'a pas de copain sur place, il y en a toujours avec qui on peut correspondre.
 
Mais il faut insister surtout sur le fait que les techniques se découvrent par tâtonnement et que, si l'on veut qu'elles soient assimilées en techniques de vie, il faut laisser se faire ce tâtonnement, ou alors on arrive vite à l'écueil d'une organisation sans âme. Ce que je réponds toujours aux gens qui viennent me voir et qui s'inquiètent de la complexité de ce qu'ils découvrent, c'est que tout cela ne s'est pas fait en un jour et que le facteur temps est primordial si l'on veut que les individus s'imprègnent de ces techniques de vie, non pas pour une année scolaire, mais pour toute une vie d'adulte.
La “réussite” viendra de notre patience, de notre écoute, de notre volonté de laisser les enfants être vraiment responsables de ce qu'ils créent, de ce qu'ils organisent, sans jamais les abandonner. On n'insistera jamais assez sur la nécessité du rôle du maître, mais jamais assez aussi sur la complexité de l'exercice de ce rôle qui doit être avant tout honnêteté de l'homme, vigilance de l'éducateur, disponibilité du praticien, recours et barrière, présent et discret.
Si l'on veut que l'école change, il faut accepter d'en payer le prix.
 
 




[1] Le type de relations est certes primordial. Il est cependant insuffisant à changer durablement les choses. La pédagogie Freinet est une pédagogie matérialiste, ce qui signifie que c'est par la modification des structures de travail, par l'utilisation de certains outils que les changements seront introduits.
 

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : en musique

Avril 1980
EN MUSIQUE
SILENCE, ON JOUE !
Rentrée septembre 79 : un collège relativement neuf, milieu rural, 400 élèves (480 en réalité). Je suis la première prof de musique à mettre les pieds dans l'établissement, auparavant les cours étaient assurés, soit par des P.E.G.C. clamant bien haut leur incompétence, soit n'étaient pas effectués du tout. Je dispose d'une salle aux murs insonorisés, certes, mais encastrée au milieu des autres, ce qui rend impossible une éventuelle migration de groupes d'élèves dans les couloirs. Au niveau du matériel, c'est plutôt maigre : un électrophone, un magnétophone, un guide-chant électrique. Les élèves n'ont aucune autonomie et ça n'est pas la discipline et l'organisation “remarquable” du bahut qui risquent de leur en donner !
Ce qui me paraît donc le plus urgent, c'est de socialiser : c'est que les enfants s'écoutent, établissent des rapports entre eux. Dès le premier cours, on pousse les tables sur le côté et on s'assoit en rond ; comme cela, tout le monde peut se voir.
Je fabrique à toute vitesse quelques instruments ultra-simples {cistres en capsules de bouteilles, maracas en pots de yaourt, tambours en gants de caoutchouc, etc.), je suggère aux enfants de se faire des mirlitons, des sanzas ; dès le deuxième ou troisième cours, on a assez d'objets sonores pour que tout le monde puisse jouer, pas tous ensemble, bien sûr ; on improvise individuellement, ou par groupes de deux, trois ou quatre ; on organise des jeux de “question-réponse” du chef d'orchestre, de mémoire (essayer de répéter ce que l'on vient de jouer ou de refaire le rythme joué par le copain).
Le travail en groupes viendra un peu plus tard, lorsqu'ils seront plus familiarisés avec les instruments, qu'ils n'en n'auront plus peur, car un instrument de musique fait peur à qui se sent non initié. Peu à peu, la panoplie s'est enrichie : des 3e ont construit des ariels, des 4e une harpe, une flûte de Pan, j'ai acheté un orgue électrique avec une partie des crédits.
 
Le gros problème, c'est le bruit : 24 gamins dans une salle en train de jouer, c'est terrible !... Alors on essaie de faire des groupes “silencieux” : préparation d'exposés, dans un coin de la classe ou à la documentation (même sans documentaliste, c'est parfaitement légal). J'ai commandé sur les crédits d'équipement cinq casques permettant une écoute de disques “silencieuse”, je les attends encore (l'administration !...) en attendant, on utilise un bricolage à base d'écouteurs de téléphone, ça marche !...
Dès le début, j'ai bien mis au point, tant devant les élèves qu'en réunion de parents, qu'il n'était pas question d'effectuer un apprentissage systématique sanctionné par des notes, des devoirs, des contrôles etc.
La musique est tout de même avant toute chose une matière d'éveil.
Anne-Marie REYJAL

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : éducation physique et correspondance

Avril 1980
EDUCATION PHYSIQUE ET CORRESPONDANCE
 
 
Une classe de 6e, dynamique, 26 élèves avec lesquels j'ai un bon contact. Je leur propose l'objectif suivant : “Ce qu'on fait en E.P.S., c'est chouette, mais d'autres élèves, autre part, font peut-être des choses différentes ; nous pourrions nous renseigner et leur communiquer ce que nous faisons” (je suis prof d'E.P.S.). Nous recherchons une autre classe de 6e qui accepterait de correspondre avec nous, en utilisant le réseau de relation Freinet. En janvier, on trouve une classe en Normandie. Prise de contact écrite entre les enseignants, on décide d'un contrat de travail très simple : on démarre, on fonce, et les enfants nous montreront le chemin {c'est dangereux, mais ça peut marcher).
J'annonce aux enfants que nous avons des correspondants : Ça fait plaisir à voir !
- “Où ils habitent ?
- Vous n'avez qu'à leur demander.
- Ils nous connaissent déjà ?
- Non, il faudrait expliquer qui vous êtes.
- Comment on peut faire ?
- Une lettre, des photos, un dessin”.
 
On convient que chacun écrive ce qu'il veut pour expliquer qui il est, ce sera corrigé en heure de français (le prof de français est d'accord, c'est un moyen de lui faire mettre le doigt dans l'engrenage), les textes seront collés sur une feuille de bristol et décorés en heure de dessin (le prof de dessin aussi se voit mettre le doigt dans la mécanique).
- “ Et on pourra aller les voir ?
- Possible, mais il faudra gagner de l'argent.
- Oh oui, on pourrait... etc.”...
 
Le colis avec les présentations individuelles part ; il faut un facteur, un trésorier pour les comptes, ça s'organise dans la classe. On trouve une heure dans la semaine où ils n'ont pas cours, moi non plus. Ce sera l'heure du “point”, du “conseil”, dirait Oury. Les problèmes s'y exposent, les décisions s'y prennent. On décide le prochain envoi aux correspondants : “Un album sur le mime que nous pratiquons en classe, avec photos et textes explicatifs” ; un groupe voudrait également présenter le C.E.S. et la région. Il va y avoir un prof d'histoire géographie qui va mettre le bout de son nez dans une aventure à chaque fois passionnante.
La correspondance est lancée en 6e D, il ne reste plus qu'à l'entretenir. Au passage, des collègues qui n'avaient jamais vu Freinet que dans les livres (et encore, pas toujours) se retrouvent mêlés de près à une forme de travail dont ils n'avaient même pas soupçonné qu'ils puissent un jour s'y intéresser .
 

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : en mathématiques

Avril 1980
EN MATHEMATIQUES
 
En guise d'introduction
“La pratique de la pédagogie de l'Ecole Moderne, de la pédagogie Freinet ? - Ça, c'est l'affaire du primaire !” Ne laissons plus cette idée se répandre. Au second degré, il yen a qui en ont tenté la mise en reuvre... et même en mathématique !
 
Alors, lorsqu'on se trouve “séduit” par les principes de cette pédagogie, vient l'éternelle question: comment démarrer ?
Tout d'abord, ne nous illusionnons pas trop, les premières expériences n'ont guère plus de quinze à vingt ans... ce qui, somme toute, est récent, lorsque l'on souhaite asseoir une pratique sur une expérimentation scientifique. Néanmoins, cela n'a pas empêché un bon nombre de collègues, professeurs de mathématiques, de s'y engager ; ainsi avons-nous tout de même quelques éléments pour un démarrage.
 
Ajoutons une dernière remarque qui donnera une direction de lecture pour ce qui suit : quelle que soit la précision des réponses et des témoignages et si les renseignements tirés par chacun de l'expérience d'autrui sont d'une grande richesse, il ne s'agit en aucun cas de les prendre pour des recettes d'une cuisine pédagogique moderne. Chacun suivra donc une progression adaptée à sa propre personnalité, ainsi qu'aux conditions matérielles quotidiennement vécues.
 
Le choix de la pédagogie Freinet, pédagogie reconnaissant le droit au tâtonnement expérimental et à l'expression libre de chacun, n'est en aucune façon la manifestation d'une volonté de laisser aller. Au contraire, il s'agit de mieux comprendre notre pratique d'enseignant “démocrate” ; aussi y a-t-il une mobilisation très grande de l'attention, une grande prudence dans l'observation du vécu quotidien de notre classe et une écoute particulière des collègues de notre milieu de travail qui sont peut-être des “collaborateurs” potentiels d'une future équipe pédagogique. Tout cela, ne le cachons pas, prend beaucoup de temps et exige beaucoup d'énergie. Mais c'est à ce prix que l'on passe de la “velléité” à la volonté de changement.
 
Le document qui suit est constitué de témoignages, en partie extraits de La Brèche, et tente de s'articuler autour de cet axe schématique - fournissant les concepts fondamentaux de cette pédagogie appliquée à la spécificité de l'enseignement des maths :
 
1. RELATIONS PROF-ELEVE D'UN TYPE NOUVEAU, inductrices d'une ambiance riche favorisant le travail constructif .
2. VERS l'INDIVIDUAliSATION DU TRAVAIL :
 a. Autocorrection/autocontrôle
 b. Libre recherche
 c. Planification individuelle du travail, contrat.
3. VERS L'ORGANISATION COOPERATIVE DE LA CLASSE
4. COMMUNICATION ET EXPRESSION
 a. Débat et exposé en mathématiques
 b. Journal de classe à expression mathématique
 c. La correspondance scolaire
5. LES COMPROMIS : les limites, les garde-fous, les échecs enrichissants, les obstacles.
 
Cependant la globalité de cette pratique n'est nullement oubliée et l'attitude “réductionniste” adoptée n'est là que pour faciliter l'exposé.
 
1. RELATIONS DANS LA CLASSE
Il me semble que nous aurions plus de précision en remplaçant le mot “élève” par “apprenant” et “professeur” par “facilitateur d'apprentissage”. Cela éviterait les connotations usuelles.
 
a) Voici un témoignage qui donne le ton à travers un premier contact : “ Etre soi-même”.
 “Nous devons être conscients que chaque année, se retrouver devant des élèves inconnus est une aventure difficile pour certains professeurs, inquiétante pour d'autres, mais toujours passionnante. Quand le professeur est dans l'établissement depuis plusieurs années, les élèves ont déjà entendu parler de lui d'une façon ou d'une autre. Ils ont sur lui un léger avantage mais pour eux se pose une question : la réalité confirmera-t-elle les “on dit” ? De là cette atmosphère si pénible et si décisive qui pèse sur ces premières minutes. Il semble presque que tout est fonction du coup d'envoi qu'un mot, un signe, peuvent déterminer l'année entière, que la moindre fausse manreuvre peut libérer des énergies dont on ne pourra plus contrôler jamais le flot ou au contraire éteindre d'un coup une flamme qu'on aura mille peines à raviver. Les élèves de sixième et à plus forte raison de cinquième ont déjà laissé pas mal de leurs illusions au cours des années passées. Certains sont déjà meurtris, désenchantés. D'autres sont prêts à se livrer entièrement mais prenons garde de ne pas nous engager trop le premier jour et de ne pouvoir éviter plus tard de trahir leur confiance.
Existe-t-il une recette miracle pour ce premier obstacle dont le passage est si déterminant pour l'avenir ? Non évidemment car cela voudrait dire que tous les professeurs sont du même modèle, que tous les élèves se ressemblent et que tous nos établissements sont du même type. Pourtant nous nous proposons ici de dégager un certain nombre de points qui semblent être indispensables à l'établissement d'un climat favorable à la pratique de notre pédagogie.
 
Tout d'abord il faut se montrer accueillant, sans tomber dans le paternalisme et se garder d'agir de manière calculée “pédagogique” car ceux qui vous regardent ne s'y trompent pas.
Il faut ensuite éviter à tout prix de monopoliser la parole pour faire l'énumération de toutes les structures que l'on a pu penser pour l'année scolaire. Si on enferme l'enfant, dès le premier jour, dans un cadre pensé par nous, nous nous privons d'emblée des ressources de son imagination.
Il faut enfin et surtout être nous-mêmes, c'est-à-dire être dans la classe comme nous le sommes par ailleurs dans la vie.
Les obstacles ne manquent pas, mais nous nous employons à les franchir ensemble avec les élèves. Cette tâche est d'autant plus facile que l'attitude du professeur est sans artifice et qu'il est lui-même à chaque instant”.
Nous complétons ce prologue par le compte rendu de l' expérience :
 
bl Premières heures dans une classe de sixième
“Nous faisons connaissance à l'aide de fiches pour les élèves et moi j'écris ma fiche au tableau. (Nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance, profession des parents, nombre de frères et soours, d'où viens-tu ? qu'est-ce que tu aimes le plus ?) Ensuite je pose la question du rôle de chacun de nous dans la classe, en particulier les relations professeur-élèves et élèves entre eux pendant le cours. Je fais quelques schémas pour orienter un peu la discussion qui s'engage ensuite très librement entre nous.
 
 
Deuxième heure : la discussion a porté surtout sur le schéma 2 et le schéma 3.
“Il faut un chef de groupe, mais alors on est obligé de suivre le chef”.
“Il ne faut pas de chef car, s'il yen a un, certains sont jaloux et il y a toujours des disputes pour être chef”.
Cette discussion a été passionnée. Ils n'ont pas pu se décider pour l'un ou l'autre schéma: peur de la nouveauté. J'ai dû proposer une forme de travail pour la troisième séance.
Travail de groupe (3 ou 4) avec plusieurs sujets de recherches (je fournis le matériel). Par exemple, jeu de cartes, blocs logiques, enquêtes sur les sports préférés, les animaux préférés, etc.
Ils sont sortis de cette heure enthousiasmés.
Dans les heures suivantes, ils ont recherché des ensembles, des diagrammes. Ils ne reprenaient pas cette recherche chez eux et, quand ils venaient en classe, ils semblaient reprendre la recherche tout au début et cela ne semblait pas avancer.
Après avoir pris conscience de cet obstacle, nous instaurons une fiche professeur-élèves qui permet à chaque élève, ou à chaque groupe de noter rapidement où il en est et ce qu'il prépare. J'utilise moi-même cette fiche pour communiquer aux élèves quelques conseils.
Certains ont trouvé le travail de groupe très dur et au début ont préféré chercher seuls. D'autres ont trouvé qu'on allait très lentement. J'ai toujours peur moi-même, dans les premiers jours, de passer trop de temps à établir un climat, sans que cela semble déboucher immédiatement sur des résultats sensibles. Mais je sais bien qu'il est nécessaire de piétiner, de reculer quelques fois pour mieux avancer ensuite... ”.
 
2. VERS L'INDIVIDUALISATION DU TRAVAIL
a) L' autocorrection / l' autocontrôle
Il s'agit de fournir à l'élève, un outil qui individualise son travail, qui réduise sa dépendance à l'égard du professeur.
Cette pratique intervient dans le cours de l'acquisition d'un savoir comme une pratique de renforcement des apprentissages (dans le schéma du “tâtonnement expérimental”, elle s'inscrit dans la phase “paliers de répétition”) et de mise en évidence des phénomènes d'incompréhension ou de sous-compréhension.
 
“Individualiser” le travail pour rendre le professeur plus disponible.
L'autocorrection permet ainsi d'économiser le discours du professeur, lui faisant gagner un temps, ô combien précieux ! qu'il peut réinvestir dans la pratique de son enseignement”.
Cette pratique ne va pas sans matériel : il existe déjà des livrets autocorrectifs, d'autres sont en élaboration et des recherches didactiques sont en cours dans le domaine de l'autocorrection/ autocontrôle .
 
Listes des livrets autocorrectifs
Ce sont les numéros suivants de la série “ livrets de libre recherche et création mathématique” :
23 Puissance d'un naturel, multiples et diviseurs.
24 Naturels premiers. Ecriture primaire d'un naturel.
25 Addition et soustraction dans [ ???? ndlr ]
26 Ajouter ou soustraire des sommes ou des différences.
27 Multiplication dans [ ???? ndlr ] . Puissances D
36 Puissances de 10 : encadrement et valeurs approchées dans : D
37 Puissances de réels: calculs dans un groupe - équations.
38 Inverse et racine carrée dans: D ; ordre et valeur absolue sur R
39 Addition et multiplication dans R ; quotient de réels.
41 Vecteurs géométriques du plan (1) : constructions - calcul vectoriel (addition, multiplication par un réel).
42 Equations et inéquations du 1er et 2d degré {niveau seconde).
45 Applications affines.
 
Voir aussi :
“ Dossier ouvert sur l'autocorrection en mathématiques au 2° degré”, article paru dans La Brèche, n° 46 de février 1979.
“ la bibliographie des outils en mathématiques” dans La Brèche n° 56 de février 1980.
 
Complétons par quelques témoignages d'utilisation :
Comment je la pratique : J'utilise essentiellement les livrets de la C.E.L. (références et liste avec thèmes plus bas).
Pour se les procurer, il faut se fendre de 70 à 80 F ou les faire commander par le bahut (ce qui est beaucoup mieux !).
Au début, j'en avais une série (la mienne) c'est-à-dire 10 livrets. Maintenant j'en ai deux séries (la seconde commandée par le bahut ; ça suffit largement. Tout dépend du nombre d'élèves et de leur niveau, il est bien évident que pour la 5e ou la 1ère année de C.A.P. il vaut mieux plusieurs livrets sur Z que les équations du 2d degré...
les élèves peuvent se mettre par deux éventuellement (problème de rapidité de travail). On peut également utiliser ces livrets comme documents pour refaire soi-même un polycopié autocorrectif .
 
Je les utilise essentiellement pour des révisions (par exemple révision du calcul numérique niveau 3e N E Q Rpour mes élèves de 1ère et 2e année de B.E.P.) ou pour parfaire de nouvelles acquisitions (2d degré, trigo). Je fais faire en début d'année un plan de travail autocorrectif :
 

titre du livret
J'en suis où
Tests nombre d'erreurs ( ou note)
livret
fini
 
 
 
 
 

 
Ce plan servira toute l'année (il est en principe sur la couverture intérieure de leur cahier). A chaque début de séance d'autocorrection, ils le consultent pour voir où ils en sont. A la fin de la séance, ils le remplissent. Je corrige leurs tests avec eux.
Fréquence des séances : cela dépend des classes. Je pense qu'il est bon de fixer dès le début de l'année une heure par semaine (ou deux heures tous les quinze jours). Je dispose les livrets au milieu de la classe (j'ai les tables en U).
Chacun choisit le livret qu'il veut (on peut, bien sûr, avoir à les conseiller en cours d'année, quand on les connaît mieux), mais ce qui est important c'est, à mon avis, qu'ils se sentent responsables d'un bout à l'autre de ce travail. Autant dans le choix des révisions qu'ils pensent avoir à faire, que dans l'exécution.
 
Ils travaillent comme ils veulent, (en général seul), mais je leur demande, sauf précision, de faire le livret à peu près entièrement, une fois qu'ils en ont choisi un (sinon ils changent rapidement). La preuve en est, en général, les résultats aux tests : s'il y a beaucoup d'erreurs, c'est qu'un bon nombre d'exercices du livret a été survolé.
 
En guise de conclusion, je dirai que je n'en reviens pas moi-même, à chaque fois, de la façon dont ils sont motivés par ce mode de travail. Je n'ai jamais vu, par exemple, mes seconde année de C.A.P. autant bosser (j'utilise avec les C.A.P. le cahier autocorrectif arithmétique - algèbre de la classe de 5e ancien programme.(..)).
Jean- Yves SOUILLARD
 
“J'utilise des fichiers autocorrectifs dans les classes de 6e et 5e depuis plusieurs années. Cet outil me paraît indispensable ; il rend possible l'individualisation de l'enseignement, il permet à l'enfant d'assimiler une notion à son rythme, il favorise la prise en charge du travail.
 
Exemple : fichier autocorrectif niveau 6e.
J'ai découpé le programme de 6e de la façon suivante : (constructions géométriques - grandeurs proportionnelles - pourcentages - calcul numérique dans les entiers et les décimaux - mesures longueurs - mesures aires - additions dans Z - soustractions dans Z - puissances - arbre). Sur chaque thème, je fabrique une dizaine de fiches d'exercices d'application “très classiques”. Pour chaque exercice, il y a deux fiches, la fiche énoncé, la fiche solution qu'ils viennent chercher lorsqu'ils pensent avoir fait correctement l'exercice.
Pendant la semaine, il y a au moins une heure où les élèves utilisent ce fichier, en général c'est une séance de travail individuel. Assez vite, je leur propose de fabriquer eux-mêmes des fiches. Fabriquer un énoncé, même si au départ c'est uniquement un exercice d'imitation est très formateur ; être capable de fabriquer un énoncé, c'est se rendre capable de comprendre les énoncés des autres car on apprend à en dominer la technique. C'est aussi une étape nécessaire pour être sûr que la notion est bien assimilée. Il arrive parfois que, sur le thème proposé, l'élève trouve une piste d'exercice.
Cette fabrication de fiches amène la communication entre les élèves. Ils s'interpellent s'ils ne comprennent pas l'énoncé de leur camarade, ils se corrigent les erreurs. Les fiches autocorrectives terminées servent à compléter le fichier de la classe, ou sont parfois destinées aux correspondants”.
Janine HUCHET
 
L'autocorrection a été pour moi le premier outil d'ouverture de ma pratique pédagogique (en maths - sciences C.E.T.).
J'avais alors une classe de 1ère année de B.E.P., donc des élèves venant des horizons les plus divers. Je voulais éviter le contrôle du professeur sur les classiques “révisions” où les adolescents sont toujours affolés à l'idée d'exposer ainsi leurs “non-connaissances” à un prof nouveau (après on s'habitue).
Je disposais de sept ou huit livrets autocorrectifs (niveau premier cycle : connaissances mathématiques de base). Les élèves se sont placés par petits groupes de trois ou quatre selon le thème qui leur paraissait le plus urgent et ont travaillé ensemble. Ils devaient me remettre les tests (facultatifs), mais en plus rédiger une demi à une page, pour le groupe, de ce qui leur avait paru le plus important dans ce qu'ils avaient vu, pour ensuite le polycopier et le remettre à tous les autres. Ce qui facilitait la tâche de chacun ensuite pour savoir si, oui ou non, il lui était nécessaire de faire ce livret (les titres des livrets ne leur étaient en effet pas très parlants).
J'ai bien conscience que cette expérience était extrêmement directive et surtout ponctuelle (bien qu'au total cela ait duré un mois et demi) ; mais cela a permis de continuer ensuite l'année sur des bases plus coopératives où chacun existait en tant qu'individu différent, mais aussi en tant que groupe (trace et communication). Je savais ce qu'ils savaient (attitude positive), au lieu de seulement prendre connaissance des lacunes (attitude négative).
Odile PUCHOIS - Classe de 1ère année de B.E.P.
 
D'autres expériences existent aussi au lycée dans les classes du second cycle.
 
b) Libre recherche mathématique
 
C'est sans doute dans cette pratique que la rupture est la plus évidente. Elle constitue donc l'obstacle le plus difficile à franchir dans nos conditions actuelles de travail. Néanmoins les témoignages sont, ici aussi, présents, d'une part à travers les comptes rendus qui suivent, d'autre part à travers les contenus des livrets PRM (Pistes de recherches mathématiques) et des livrets “témoignages”, issus de nos classes.
 
Fiche 11-2 du livret no 29- pages 19-20 : fiche recto

LIBRE RECHERCHE MATHEMATIQUE
 
PRM 2e degré                                                              Comment connaître                                                         11.2
                                                                                        approximativement
l'âge d'une voiture ?...
 
?

Si cette question t'intéresse, tu peux faire une enquête au service des immatriculations de voitures de la préfecture de ton département.
 
Demander par exemple :
 
- les dates de changement de série :
exemple :                1 MR .....                le ............. 19...
 
- ou bien les séries utilisées pendant ces dernières années :
1973        ............    séries      ............
1972        ............    séries      ............
1971        ............    séries      ............
 
La première enquête portant sur les deux dernières années ou une seule année (1973 par exemple) est plus facile : elle te donnera l'âge avec plus de finesse (le mois...)
 
 

 
 
fiche verso
Quelques suggestions...                                                      lecture facultative
Si tu as pu obtenir Ies dates de changement de série
le .................. 19....                         série RQ       (c'est-à-dire     1      RQ ....... )
le .................. 19....                         série RR
    etc
Tu peux représenter I"ensemble des numéros d"immatriculation à I'aide d"une droite
Choisis aIors "une échelle"
Place les numéros que tu as relevés,
       1 KR 50                                                            999 KR 50
------------I---------------------------------------------------------------I-----------------------
 
Tu peux aussi faire plusieurs représentations
 à des échelles différentes :
                 une droite pour une année
                 une droite pour les 5 dernières années
                 ou d'autres...
 
Tu peux associer aux représentations, précédentes, les dates d'immatriculation de maniéres différentes à imaginer...
Alors tu pourras ensuite dire "approximativement'" la date de mise en circulation d"une voiture en observant le numéro sur la plaque minéralogique
 
Ceci est un extrait d'un livret PRM (Pistes de recherches mathématiques).
Ces livrets sont des recueils de fiches détachables regroupées par thèmes (une ou plusieurs fiches pour chaque thème).
Une fiche est constituée de deux parties :
recto : une situation provocatrice
verso : quelques suggestions,destinées à amorcer les recherches tout en ménageant une grande liberté (leur lecture est facultative).
Ces livrets PRM peuvent servir :
- à provoquer une recherche nouvelle,
- à débloquer une recherche arrêtée (par apport de suggestions à un moment favorable),
- à fournir une information nécessaire à un moment donné,
- à prolonger une recherche entreprise par ailleurs,
- à confronter une situation avec d'autres déjà vécues.
 
• Voici donc un premier témoignage :
Savoir attendre le déconditionnement sans se décourager. Le 23.1.78
“J'en ai marre, je n'arrive pas à provoquer des moments de libre recherche cette année. Je dois mal me débrouiller... Je ne possède" pas assez les nouveaux programmes (chacun sait que le programme de math a encore changé en 6e cette année). La formation en primaire est mauvaise, le niveau baisse. J'ai l'impression de faire marche arrière cette année.
Je n'arrive pas à faire passer ce que c'est vraiment que chercher. Tels sont mes propos aujourd'hui dans la cour du C.E.S., avec les collègues qui comprennent mon langage.
 
Le lendemain matin, 24.1.78. En classe de 6e 1
Nous travaillons à partir de fiches-guides que je fabrique, mais, somme toute, assez traditionnelles. Nous faisons un travail de conversion dans les mesures de surface et nous trouvons que, pour passer des
m2 aux dm2, il faut multiplier ou diviser par 100,
m2 aux cm2, il faut multiplier ou diviser par 10.000,
m2 aux mm2, il faut multiplier ou diviser par 1.000.000, et ainsi de suite, entre les km2 et les mm2, il y a un suivi de 12 zéros. Rien de passionnant.
 
J'introduis alors la notion de puissance d'un nombre et j'explique comment cela simplifie l'écriture des grands nombres. Je répète une fois de plus mon leit-motiv, maintes fois jeté depuis le début de l'année: “Vous avez le droit de poser des questions, c'est même recommandé ; les mathématiques, ce n'est pas de la mécanique, c'est chercher”. Et, cette fois, mon appel est entendu. Une gamine crie : “Et 23 millions, on peut l'écrire avec des puissances ? - Qu'en pensez-vous ? Cherchons !”. Et voilà c'est parti! Des yeux s'illuminent, des hypothèses fusent de partout.
- “Moi, je crois que j'ai trouvé, ça doit être 100.00023.
- Ah! Vérifie d'après la définition : cela veut dire :
100.000 X 100.000 X 100.000 ... 23 fois.
- Ah! non, moi j'ai trouvé : ça doit être 130.000 + 105.
- Ah! vérifions... non...”.
Bref, le dialogue s'établit.
 
Puis découragement et référence au maître :
- “Mais Madame, vous, vous savez si c'est possible, de trouver, vous nous le garantissez ?
- Oui, oui”.
Réflexion de la gamine ayant posé la première question : "Eh bien, si j'avais su, je n'aurais pas posé ma question !”.
Les autres de répliquer: “ Mais tu n'y penses pas, c'est intéressant de chercher”.
 
. Deux autres exemples de recherches libres au premier cycle
“Un groupe étudie le double-décimètre et découvre, après des observations insignifiantes, l'importance du bouton molleté qui permet de s'en saisir : une droite joignant un nombre de la graduation au bouton passera par le même nombre de la seconde graduation ; de plus, le bouton est milieu du segment limité par les deux points associés aux deux nombres. De cette observation naissent de nombreuses constructions : l'une d'elles montre comment on peut obtenir la deuxième graduation à partir de la première et du bouton ; une autre construction retrouve le deuxième bord du double-décimètre à partir du premier et du bouton (les élèves découvrent, sans aucun mot de ma part que, dans une symétrie centrale, le symétrique d'une droite est une droite).
 
9    10   11
 \    I   /
       •
 /    I   \
11 10   9
J'ai laissé les élèves longtemps encore manipuler, construire puis, ne voyant pas d'autre résultat apparaître, je les ai amenés à généraliser leurs constructions, en quittant la droite pour le plan”.
“A partir d'un envoi de nos correspondants (classe de Colette Martin à Issoire) : nous avions reçu l'arbre suivant sur les élections du chef de classe.
“ Le premier élu aura le cahier de textes ;
- Le second le carnet de notes ;
- Le troisième la feuille de présence”.
                                                           
                                  
Nos correspondants nous proposaient aussi l'arbre pour quatre élèves candidats. C'est le premier arbre qui a retenu l'attention: un groupe a examiné les triplets obtenus ( (a,b,c) ; (a,c,b)...) et s'est demandé (très abstraitement) comment passer de l'un à l'autre.
 
Voici les travaux :
 
Si on combine deux transformations, on obtient une transformation déjà nommée. J'ai incité le groupe à construire une table de Pythagore pour rassembler les résultats. Les élèves ont aisément conclu de l'étude de la table qu'il s'agissait d'un groupe non commutatif : ce n'est pas surpenant, nous sommes en présence de l'ensemble des bijections d'un ensemble sur lui-même et de la composition de ces bijections; cependant, la démarche m'a paru originale et surtout motivée”.
 
. enfin des élèves de 2T1 répondent aux questions d'un collègue de mathématiques
 
Patrick E. - Qu'y a-t-il de changé cette année dans la classe de math ?
Serge P. : Il y a eu plus d'initiatives de la part des élèves. On était amenés à chercher soi-même. Le professeur ne donnait pas, n'imposait pas quelque chose de tout fait, on était amenés à découvrir .
Eric B. : Il y a aussi le fait de faire les “Libres Recherches”, on ne se connaissait pas au début de l'année puis le fait de faire des “libres recherches”, on travaille plus ensemble et on apprend à se connaître. On fait de meilleurs travaux que des travaux forcés sans se connaître vraiment.
Jean-Paul P. : Cette année on a travaillé plus de nous-mêmes. Cela nous donnait envie de travailler les maths.
Patrick B. : L'atmosphère du cours était un courant qui favorisait la communication.
Un autre élève : Il faut savoir travailler avec cette méthode : soit on ne fait rien, soit on travaille beaucoup.
Patrick E. - Est-ce que ce changement vous a amenés à faire des maths avec plus de plaisir qu'avant et à aimer davantage les maths ?
Jean-Paul P. : Bien sûr puisque avant, on apprenait les théorèmes par creur, on apprenait beaucoup de choses par cœur mais bien souvent sans comprendre. Cette année on apprend toujours des choses par creur, bien sûr, mais le travail est moins lassant: ce qui fait qu'on aime mieux travailler en math... L'esprit de liberté contribue à faire aimer les maths.
Remarque de Serge P. : Il a dit qu'il aimait mieux travailler en math ; il n'a pas dit qu'il aimait mieux les maths. Moi, je ne sais toujours pas pourquoi on fait des maths, le but, je ne vois toujours pas. Bien sûr, les “libres recherches”... c'était intéressant...
Jean-Paul P. répond : Non, je ne crois pas ; M. Régnier a essayé de nous faire comprendre à quoi servaient les maths et pourquoi on fait des maths, tandis qu'avant je n'en avais aucune notion ; cette année je n'en ai pas une notion très précise, mais j'en ai une petite idée.
Patrick E. - Avez-vous été plus actifs cette année ?
Serge P. : C'est évident... puisqu'on était amenés à chercher les résultats nous-mêmes.
Jean-Paul P. : L'année dernière, on copiait toute l'heure et on essayait de comprendre le soir en reprenant notre cahier . On était totalement passifs. Tandis que là au contraire...
Un autre éIève : L'année dernière on faisait plus d'exercices car tout le monde était obligé de les faire, cette année s'il y en a qui ne veulent pas travailler, on ne leur dit rien.
Jean-Paul P. : Oui, mais il arrive un certain âge, où chacun doit prendre ses responsabilités.
Patrick E. - Est-ce que cela vous paraÎt difficile d'être actifs ?
Serge P. : Oui, puisque depuis le début on a été amenés à subir. Ça change maintenant, cela nous paraît plus naturel de rechercher.
Patrick E. - Dans la “libre recherche” il yen a qui peuvent ne rien faire ?
Un éIève: S'il y en a qui ne font rien que consommer, le groupe les rejette.
Patrick E. - Cela a-t-il changé l'image que vous aviez du prof ?
Jean-Paul P. : Avant on voyait un prof comme quelqu'un d'important qui savait tout et qui ne communiquait pas avec les élèves ; tandis que maintenant on comprend qu'un prof est un homme qui continue à apprendre et qui doit continuer à apprendre.
Ce n'est plus quelqu'un qui est sur un piédestal. Il a ses ennuis, ses problèmes, comme tout le monde”.
 
3. INDIVIDUALISATION DU TRAVAIL AU SEIN D'UNE ORGANISATION COOPERATIVE DE LA CLASSE
En classe de sixième (1976-1977)
“ Mise en place progressive d'une organisation semi-coopérative dont la forme définitive 1?!) a été la suivante :
 
• Contrat avec les élèves pour le travail à la maison sur une période de quinze jours (soit huit séances math) :
- Rédiger deux problèmes (ou en faire un et le corriger s'il est faux) du niveau certificat d'études, sous forme d'organigramme, méthode permettant de bien séparer les indications du texte des questions à chercher .
- Compléter quatre opérations à trous (multiplication ou division) et en inventer quatre autres avec le nombre minimum de chiffres laissés pour pouvoir la re-compléter.
- Faire deux fiches de calcul mental autocorrectives.
- Trouver deux exercices utilisant le cours de l'année et en inventer deux sur le même “patron”.
Tous ces problèmes et exercices se trouvaient dans un classeur, sur fiches. Ce classeur circulait dans la classe durant l'heure et chacun choisissait son travail. Un plan de travail permettait de garder une trace sous forme de tableaux de ce qui a été fait.
 
• En classe, durant cette période de quinze jours, travail en groupe sur différents sujets : Cartes perforées, triangle de Pascal, carrés magiques, carrés emboîtés, aires, bouliers.
Durant cette période, je m'occupais quelquefois d'un élève seul lorsqu'il avait des difficultés dans une sorte d'exercices demandés à la maison.
Chaque groupe préparait un moyen d'informer les autres de leur travail : affiches, montages diapos, résumé polycopié.
 
• Chaque période de huit séances était séparée d'une période de quatre séances où toute la classe était réunie :
- On discutait de ce que faisait un groupe qui présentait son travail.
- Quelques pistes s'ouvraient alors ainsi que des mises au point qui servaient de résumés de cours.
- Les plans de travail étaient arrêtés lorsque la classe était réunie, mais avant qu'ils me soient donnés, chaque élève essayait d'évaluer son travail à partir de tableaux récapitulatifs et de quelques réponses à “oui-non”.
 
• Cette maniàre de travailler a eu plusieurs avantages :
- Prise de conscience de leur travail par les élèves.
- Nécessité d'une rédaction correcte ressentie comme un besoin de la communication aux autres.
- Suivi personnel de chaque élève beaucoup plus riche et, généralement, épanouissement des élèves bloqués.”
 
4. COMMUNICATION ET EXPRESSION
 
a) Le débat et l'exposé
Si ces deux pratiques semblent acquises, voire “traditionnalisées”, dans les matières littéraires, il n'en est pas de même en math. Lorsque l'on propose cette éventualité aux élèves, ceux-ci en sont très étonnés et posent la question : “Mais que peut-on exposer en math ?” et “De quoi pouvons-nous débattre ?”.
 
En mathématiques, ne discutons-nous pas que les paramètres ? Cependant le passage à la pratique ne se fait pas avec autant de résistance que nous pouvons le penser. J'en prendrai pour exemple (parmi d'autres) ce qui s'est passé cette année en classe de 2AB2
 
“Alors qu'il avait été question de Félix Klein, j'ai demandé que quelqu'un nous informe sur sa biographie et son œuvre.
Une élève se proposa. Je lui indiquai des sources documentaires possibles. Elle nous fit un exposé durant lequel j'ai demandé aux autres de garder des traces écrites. Même démarche pour Newton et Pascal qui. se trouve aussi être étudiés en français”
 
Ce domaine est, à mon avis, le plus accessible à la communication, l'exposé introduisant une dimension historique dans le cours de math. La difficulté majeure que je relève ici porte sur l'explication de l'objet et du sens des recherches anciennes (une question de formation personnelle du prof s'y ajoute).
 
Un second exemple m'est donné encore dans cette classe :
 “ Nous étions en train de travailler sur des calculs numériques avec présence de puissance de 10. Je relatai alors une recherche faite, deux ans avant par des élèves de 2T, sur la difficulté matérielle d'écrire 101000 000 000(durée d'environ 31 ans!).
Des élèves refusent de me croire et relèvent le défi. Soudain la classe est saisie par une frénésie de vérification : les 2/3 environ se mettre nt à écrire des 0 ; on entend : “ Ça y est, en voilà 1000... 2000 ... ils totalisent leurs exploits !
Je propose que deux ou trois élèves reprennent la recherche de façon plus solide ; ce qui fut accepté et l'exposé eut lieu une quinzaine de jours plus tard”.
Enfin à la suite d'une séance d'exercices quelque peu pénibles, une élève lâche la fatidique question : “Mais, M'sieur, à quoi ça sert les maths ?”.
Aussitôt un débat spontané naît, des affirmations fusent que, des démentis viennent contrer... J'interviens alors pour dépassionner la discussion et faire qu'un débat de fond argumenté puisse avoir lieu. Je leur propose de chercher, durant un mois, des éléments, au travers de diverses sources, pour étayer les opinions de chacun. La veille des vacances de Noël, nous consacrons plus d'une heure à cette confrontation. Chacun pose plus ou moins de questions (nous sommes 31 dans cette salle). Néanmoins un certain effort de dialogue et d'écoute est à remarquer. Deux élèves président la séance. Ils n'ont cependant pas beaucoup approfondi la recherche de documents. Je leur apporte moi-même des documents concernant l'évolution historique de l'enseignement des mathématiques pour éclairer certains propos sur les contenus d'enseignement. Par exemple : je leur montre des manuels du XIXe siècle ou du XVllle siècle ; à propos des équations du 2d degré, je leur donne des extraits de la “vie de Henri Brulard” de Stendhal ou de celle d'“Evariste Galois” de Infeld Leopold, ou encore le programme du concours de l'école polytechnique en 1800 d'après une affiche.
 
S'il est difficile d'évaluer la portée d'une telle pratique, elle n'en apporte pas moins quelques bulles d'oxygène dans la vie quotidienne de la classe.
 
b) Le journal de classe à expression mathématique
Je continuerai ici à puiser les témoignages dans ma propre pratique. Trois années consécutives de 1975 à 1978, un journal a été produit en classe de 2T1 :
deux numéros en 75-76 : “la matharde me monte au nez”.
trois numéros en 76-77 : “mathons les maths et les échecs”.
trois numéros en 77-78: “pi-jamath”.
 
La première année, j'ai proposé aux élèves de faire un journal pour réunir leurs recherches, leurs productions (dessin, texte, bandes dessinées, jeux mathématiques). J'en assurai le tirage à l'alcool avec l'aide de quelques élèves. Ils étaient maîtres du contenu. Le journal resta dans la classe ou fut donné à quelques copains.
Les deux années suivantes, en m'appuyant sur cette première tentative, je proposai le journal aux élèves qui acceptèrent et prirent un engagement. Je contactai divers collègues au cours de rencontres I.C.E.M. et un réseau d'abonnés (environ 30) se mit en place. Ce contrat poussa les élèves à tenir l'engagement. J'intervenais dans la mise en page, la duplication qui se faisait cette fois à l'encre. Le contenu était libre, du moins n'y a-t-il eu aucun problème !
Le cadre donné était celui d'un contenu ayant rapport avec les mathématiques.
 
La quatrième année, la proposition fut encore acceptée, mais le contrat non tenu. Je voulais évaluer ma propre part. Je n'ai pas vraiment poussé. De plus je voulais aussi souffler, car la reproduction pose de véritables problèmes dans le cadre actuel des conditions de travail.
 
Cette année en 2AB2, l'idée n'a pas encore été évoquée.
Ci-joint quelques extraits
 
c) La correspondance scolaire
En mathématiques, comme ailleurs, la correspondance est un outil d'échange très riche et tout à fait réalisable.
“Un facteur important pour réussir un démarrage, surtout dans une classe neuve, c'est la correspondance. Sur un plan purement mathématique on peut douter de son efficacité mais la correspondance joue un grand rôle dans le climat de la classe, elle renforce la cohésion, elle rend possible un certain travail coopératif malgré le découpage horaire de l'emploi du temps. Quinze jours après la rentrée, nous avons expédié notre premier envoi: il fallait se mettre d'accord sur son contenu, répartir les tâches, préciser ensemble ce que deux camarades allaient écrire dans notre lettre. Pour ce colis, nous avions décidé d'apporter le plus de renseignements sur nous, notre établissement, notre canton, etc. ”.
 
Par ailleurs, l'intérêt pour cette pratique peut être sous-estimé, à en juger par ma propre expérience en classe de 2AB2 en ce mois de janvier 1980 :
“Je reçois une lettre d'un collègue de Bordeaux (Alain Duroux), me faisant part de la volonté d'établir une correspondance entre sa classe de 2C et une autre classe.
J'expose cette demande à ma classe de 2AB2. a Surprise ! Cela soulève l'enthousiasme ! (je ne le pensais pas a priori).
Le lendemain, nous consacrons une partie de l'heure à la correspondance. Du moins pour ceux qui souhaitent y participer (plus de la moitié). Evidemment, c'est là que surgissent les premières difficultés : qu'allons-nous écrire ?
Parler de math, ce n'est pas drôle ! Un élève propose une lettre d'introduction qui est lue et acceptée. Puis peu à peu, soit individuellement, soit par groupe de deux ou trois, les lettres s'élaborent. Si l'idée de correspondre est séduisante, il n'en est pas moins vrai, qu'il y a des obstacles à franchir .
Chacun s'en sort comme il peut. Aussi cette première vague de lettres, est-elle constituée de lettres de présentations, plus ou moins humoristiques, plus ou moins grossières. J'accepte car je pense que le déblocage est à ce prix. Nous verrons ensuite l'évolution d'ici la fin de l'année.”.
 
Pour terminer ce dossier, voici deux témoignages qui replaceront notre pratique un peu dans la globalité. Le premier concerne ce qui peut être réalisé... même en 2e C (qui est considérée comme un bastion imprenable). Le second apporte les observations d'un collègue de philo qui fréquentait ma classe de 2T1 (75-76), (interviewé par un collègue de math). Cette interview permettra la transition avec le dernier point: les limites, les obstacles... etc.
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• BILAN D'UNE TENTATIVE DE PEDAGOGIE FREINET EN MATHEMATIQUES DANS UNE CLASSE DE 2e C DE 40 ELEVES...
A. Les activités
Au départ j'ai présenté aux élèves différentes activités possibles :
1. La recherche libre à partir de pistes glanées à droite, à gauche dans les livres types A.P.M. (mathématique vivante en classe de 2e) ou livres de “jeux mathématiques” puisque au deuxième cycle il n'existe pas, pour le moment, de livrets P.R.M.
 
2) Des exposés préparés par des groupes d'élèves pour élargir un peu le cours de mathématiques. Il y a une nette dominante pour les sujets “Histoire des mathématiciens” pas toujours très passionnants et faisant trop souvent appel à des notions de maths inaccessibles pour des élèves de 2e.
Actuellement nous nous orientons vers l'histoire des techniques mathématiques : calcul mental, numérations anciennes, machine à compter, informatique, histoire du nombre Pl... ces exposés ont à peu près un rythme de un toutes les trois semaines.
 
3) L'autocorrection à partir des livrets de la C.E.L. bien que là aussi il n'existe qu'un seul livret au niveau de seconde (sur les équations et inéquations} et en début d'année quelques livrets de révision de notion de 3e. Il faut donc élaborer des fiches autocorrectives. Pour celà un groupe d'élèves fait les exercices du livre correspondant à un certain sujet. Je contrôle leur travail, ils font un stencil et distribuent le polycop aux élèves.
 
4) Utilisation des calculatrices: le lycée possède une quarantaine de calculatrices scientifiques et une douzaine de calculatrices programmables. Les élèves apprennent à se servir de ces machines à partir de fiches d'emploi que j'ai élaborées et qui sont à leur disposition quand ils ont un problème. Cette utilisation entre dans le cadre de la recherche et de l'autocorrection. Très rapidement la calculatrice est devenue un instrument courant ne nécessitant pas d'activités spécifiques.
 
B. L'organisation
 Face à la multiplicité de ces activités les débuts ont été quelques peu anarchiques, mais les élèves ont très vite admis que des groupes différents pouvaient avoir des activités différentes au même moment. Cependant la nécessité de périodes collectives a été ressentie.
 
Les élèves ont compris qu'il était indispensable d'organiser le travail. Nous avons convenu d'une réunion d'organisation et de bilan toutes les trois semaines pendant laquelle seraient discutés les problèmes de la classe, et serait élaboré le planning des trois semaines à venir. Cette séance est organisée par un groupe d'élèves (différent -à chaque fois) qui dans la semaine précédant la réunion fait circuler une feuille pour que chacun note les problèmes qui se posent.
La classe a retenu plusieurs types de séquences :
- Séquence ateliers (la plus importante) c'est pendant cette séquence que se font les recherches, l'autocorrection, la préparation des exposés,
- Séquence exposé (voir plus haut),
- Séquence bilan de recherches. Beaucoup d'élèves se sont plaints d'une trop grande dispersion des recherches, trop souvent commencées, rarement menées à terme ou sinon “enterrées” par leurs auteurs, d'où la nécessité de cette séquence où les travaux terminés sont exposés ou signalés avec invitation à se reporter au classeur où sont rédigées les recherches. Les travaux en cours sont exposés pour être débloqués ou pour que les élèves intéressés puissent se joindre au groupe.
 - Séquence cours : c'est l'une des concessions au système. Les élèves préfèrent que ces cours se déroulent pendant les heures où la classe est dédoublée ce qui peut paraître paradoxal, mais qui permet aux élèves de mieux participer.
Dans la mesure du possible ces cours se réfèrent à des recherches passées et en suscitent des nouvelles. Ils sont le plus succincts possible. Je les fais dans l'optique : conception de nouveaux outils pour l'activité mathématique.
 - Séquences exercices. Pendant les ateliers, certains élèves font de l'autocorrection mais pas tous et souvent sur des points de révision dans des domaines où ils ne se sentent pas très sûrs. Il a donc paru nécessaire de prévoir des séances collectives d'exercices (toujours en autocorrection) sur le cours du moment (surtout avant les devoirs surveillés! ).
 - Séquence devoirs surveillés. C'est l'autre concession au système. Il s'agit d'une interrogation classique où j'essaie cependant de ménager une partie application immédiate du cours, une partie utilisation des notions du cours dans certaines situations, une partie enfin faisant appel au raisonnement.
 
Exemple de planning :
                                              

 
2 h eures
1 heure   dédoublée
2 heures
semaine 1
correction D.S. bilan recherches
cours sur les fonctions
ateliers
semaine 2
exposé sur le calcul mental
cours sur les fonctions
exercices
semaine 3
D.S.
cours sur les fonctions
ateliers

 
c. Premier bilan
 
Tout ce qui précède ne se passe pas toujours sans problèmes ! Le premier semble être celui de l'organisation.
Les élèves ont beaucoup de mal à élaborer un plan de travail et à s'y tenir. Ils se reposent encore beaucoup sur moi. Je n'ai pas réussi à impulser une correspondance avec une autre classe ou un journal scolaire, ce qui pourrait les obliger à terminer un travail dans les délais fixés.
 
Le problème de l'évaluation se pose aussi avec acuité.
L'environnement (administration, collègues...) et le statut des maths en 2e C font que je suis pratiquement obligé d'avoir une
moyenne générale se situant aux alentours de dix.
Certains élèves récoltent donc de mauvaises notes dont je sais combien elles peuvent être traumatisantes. Bien que je ne pense pas qu'il existe un bon système de notation, je vais essayer de trouver quelque chose de plus satisfaisant. Ce quiest positif c'est que ces interrogations n'empêchent pas les élèves d'avoir d'autres activités que l'autocorrection transformée en bachotage. Ils consacrent toujours autant de temps aux recherches.
Pour ces recherches le problème des pistes est difficile. Je regrette que les élèves ne sortent pas du cadre scolaire et ne cherchent pas des sujets de recherche dans la vie quotidienne. Une seule tentative a été faite pour une recherche sur les tarifs de l'électricité.
Malgré tout, les élèves apprennent à se débrouiller, à s'organiser, à faire vivre le groupe classe. Ils ont moins la vision de la mathématique science exacte avec ses lois et ses interdits mais au contraire celle d'une science expérimentale avec ses tâtonnements, ses différentes méthodes de résolution d'un problème.
 
 
UNE EXPERIENCE EN CLASSE DE 2T1 DE PROF-ELEVE
 
   Guy ARGOUD, professeur agrégé de philosophie ( 2e année d'enseignement).
   Patrick ESTEZET, professeur de mathématiques ( interviewer).
 
Patrick: Au deuxième et troisième trimestre, à raison de deux heures par semaine tu as assité au cours de Jean-Claude : est-ce que tu peux nous dire ce qu'il y a de changé par rapport à ce que tu as connu lorsque tu étais élève ?
Guy: Je ne sais si ma réponse sera objective puisqu'avec Jean-Claude je n'avais pas les mêmes rapports qu'avec mes profs de math. Néanmoins la méthode de travail imposée dans la pédagogie “traditionnelle” est une méthode dogmatique au sens où le professeur faisait un cours et ensuite les exercices.
Avec Jean-Claude on ne part pas du cours, on part de l'exercice pour découvrir le cours. L'exercice dans la pédagogie traditionnelle servait à illustrer le cours déjà fait ; ici on part de l'exercice pour dégager le cours.
On découvre sur un cas particulier et ensuite on s'élève vers la démonstration générale. Le cours prend son origine dans la pratique. Exemple: lorsqu'on a découvert quelque chose, aussitôt Jean-Claude n'enseigne pas, voilà “ce que l'on vient de découvrir est valable pour tous les cas ou non” mais “On se pose le problème de savoir si cela est valable ou non dans tous les cas et on fait une recherche en commun”. C'est à peine un enseignement mais plutôt une “recherche en commun”.
 
Patrick: Quelle perception as-tu maintenant des maths ?
Guy: Bien différente... élève, les maths m'ennuyaient... enfin je ne comprenais pas donc...
Dans le cours de Jean-Claude, je peux dire que j'ai presque tout compris. D'autre part il y a un art de faire recouper les questions qui fait que tout se tient, que je n'ai jamais vu dans le cours classique “débité en tranches”. Il montre toujours le lien entre les divers chapitres. C'est un cours qui m'a donné le goût des maths.
 
Patrick: A partir du cours que tu as vécu en tant que philosophe, comment vois-tu les sciences mathématiques dans le rapport avec la philosophie et les autres pratiques sociales ?
Guy: Chacun sait le rôle des maths dans la sélection et précisément la “pédagogie Freinet” essaie de limiter ce rôle.
Il faudrait \loir alors si le “travail collectif” est véritablement “collectif” et s'il ne reproduit pas le système de la compétition.
Dans ses rapports avec la philosophie: le cours m'a confirmé ce que je pensais. Il respecte la marche de la connaissance partant du “concret” pour s'élever à “l'abstrait” et retourner au “Concret”.
 
Patrick: Tu as vécu quelques instants de “libre recherche” ?
Guy: J'ai travaillé individuellement au milieu des élèves. Pour les élèves, à quelques exceptions près, cela m'a semblé une réussite. Pour moi, j'avais entrepris une recherche sur des “suites”...
 
Patrick: Tu as utilisé les “livrets autocorrectifs ” ?
Guy: Ils synthétisent le cours. Leur simplicité les rend efficaces. J'ai très bien compris le cours à partir de ces livrets. Ils supposent cependant un entraînement à la “libre recherche” il ne faut pas aller voir le résultat d'abord... il est vrai que l'on a cette tentation... Aller voir directement le résultat est justement une pratique de la pédagogie traditionnelle où l'exercice est conçu comme “souffrance” à avoir.
 
Patrick: As-tu perçu des rapports de type “nouveau” entre prof et élève ?
Guy: Je dirai que là les rapports étaient à la fois “nouveaux” et “traditionnels” : “Traditionnels” car devant cette réduction considérable des “interdits”, ce “libéralisme” (non péjoratif), certains en ont profité. Ils n'ont pas compris le sens de cette “liberté pédagogique”.
“Nouveaux” par la détente apportée au cours qui crée une ambiance favorable au travail et le dialogue existant entre le prof et les élèves.
 
5. NOS LIMITES. NOS COMPROMIS.
 
De cela nous parlons aussi. Ce que nous faisons n'est que l'expérimentation de nos principes pédagogiques dans des conditions volontairement quotidiennes. A toutes les contraintes générales offertes par le système scolaire, très hiérarchisé, non-coopératif {voire anti-coopératif) et autoritariste, par les conditions de travail (effectifs, emploi du temps... etc.) s'ajoutent celles dues à la spécificité de la matière.
 
Chacun de nous est parfaitement conscient des compromis que nous faisons en nous efforçant de “suivre le programme” ou de répondre à “la notation”, (même si nous la relativisons le plus possible pour la démystifier aux yeux des élèves). Nous sommes aussi conscients du peu d'impact que le changement d'organisation dans la classe a sur l'idéologie dominante des mathématiques et leur rôle sélectif. Tout au plus armons-nous peut-être davantage nos élèves face à cette épreuve. En mathématiques comme ailleurs, nous ne saurions faire du pédagogisme. Cependant nous savons aussi évaluer la différence entre le “compromis” et la “compromission”. A nous aussi, nous reconnaissons le droit au tâtonnement expérimental et le droit à l'erreur , nécessaires à la construction scientifique de notre pédagogie.
Nous aussi, nous frappons du poing sur le bureau lorsque nous finissons par être las du bruit qui résulte de toute attitude de recherche ou de confrontation d'un groupe humain. Comment pourrions-nous échapper à cela lorsqu'on
met plus de 30 personnes dans une salle plus petite qu'un F3 et que les conditions de sonorisation sont absolument déplorables ?
Toutefois, ces obstacles ne nous empêchent pas de chercher .
 

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : en biologie

Avril 1980
EN BIOLOGIE
avec de nouveaux élèves de sixième
 
Le premier jour, les premiers cours, beaucoup de choses se passent ; c'est l'occasion d'échanger avec les élèves, de sonder leurs désirs, de se présenter, de présenter ses méthodes.
 
Et si on faisait les présentations ?
Une présentation orale, bien sûr, sans la demi-feuille où les élèves notent habituellement pour chaque prof les renseignements généraux demandés.
“Moi, je m'appelle Marie Sauvageot, j'ai deux fils etc.” Un à un, dans l'ordre qu'ils choisissent, ils présentent leurs parents, certains en disant leurs prénoms ; d'autres disent le métier du père et de la mère et s'aperçoivent qu'ils ne savent pas en quoi consiste exactement le métier de leurs parents. Ils ne sont jamais allés sur le lieu de travail et n'en parlent pas avec eux. D'après la date de naissance, je demande quelle classe a été redoublée et pourquoi ; et l'on rit beaucoup car les motifs de redoublement, présentés par les enfants, dépassent l'imagination. Et puis, viennent les frères et sceurs et la situation de chacun dans la famille : aîné, fils unique, petit dernier, cadet... les avantages et les inconvénients de chaque place. La classe de l'an dernier ? Je viens de chez M. G. et de rire, et de rire...
Et tous ceux qui connaissent le maître en question, de rire, et de rire encore.
Ce collègue de C.M.2 assurait sa dernière année de service dans une léthargie digne des marmottes, même que, lorsqu'il s'endormait en classe, son crayon traçait un grand trait sur la copie, poussé qu'il était par le poids du corps s'affaissant sur le bureau. De bons souvenirs pour ses élèves !
 
As-tu des animaux chez toi ?
Suit alors la description de toute une ménagerie, sans oublier les animaux morts l'an passé, ni les préférences alimentaires de tel chien, les ennuis de dents de tel lapin etc. Je suis obligée de limiter les histoires, car ils sont intarissables.
 
Qui serait d'accord pour prêter à la classe pendant un trimestre, par exemple : son lapin, son cobaye, sa tourterelle ou sa tortue?
On dresse alors la liste des animaux que le groupe-classe aura à sa charge. Il faut envisager sa nourriture, le nettoyage de sa cage, sa garde pendant les vacances. Les responsabilités sont prises et un tableau de garde est fixé au mur où les futurs hôtes pourront s'inscrire. Selon la richesse des élevages prêtés, on envisage ensuite d'installer d'autres élevages : si les élèves ne peuvent prêter que des mammifères, on cherche où trouver poissons ou tourterelles. Un cahier d'élevage pour noter leurs observations est proposé.
 
Aimeriez-vous faire des sorties ?
Je peux vous en proposer une par trimestre.
Suit alors un début d'organisation de ces ballades qui nous fait parler d'assurance scolaire, de l'emploi du temps pour déterminer la demi-journée de la sortie, celle où l'heure et demie hebdomadaire de biologie, se trouve. Je note quels collègues seront dérangés, donc à prévenir. Le plus souvent nous décidons de partir tout de suite après le dernier cours du matin, vers midi et de manger ensemble dehors, ou, si la ballade a lieu le matin, de ne rentrer au collège que pour les cours de l'après-midi. Pour cela, les demi-pensionnaires qui veulent le repas froid auquel ils ont droit, se font connaître, pour que l'on puisse prévenir l'Intendant.
Le cadre étant défini, nous choisissons, d'après mes propositions et les leurs, le lieu et le but de la sortie. C'est souvent une sortie botanique qui est retenue au premier trimestre, car il fait encore beau, et une visite d'élevage au second trimestre comme la pisciculture de Velars. Ces sorties de début d'année, nous permettent de nous voir en dehors du collège, de la salle, de l'emploi du temps. Elles donnent l'occasion de parler d'un tas de choses, de se faire des confidences, de se découvrir. Enfin elles donnent le signal du départ de notre travail en classe, à partir de la vie et de ses réalités. Dans biologie, il y a Vie! et, dans sciences naturelles, nature...
 
Aimeriez-vous correspondre avec une autre classe ?
C'est malheureusement une proposition que je ne fais pas à toutes mes classes : j'en ai 12 ! 250 élèves environ par semaine et j'évite les maisons de repos le plus possible.
Mais tous les ans, je renouvelle cette proposition au moins à une classe. Cette année, c'est la 6e A qui correspond avec une classe de St-Ouentin, d'élève à élève et aussi de classe à classe, et pas seulement en biologie car je travaille en interdisciplinarité avec des collègues de mon collège, de français, sciences humaines et E.P.S. et avec l'équipe de collègues de St-Ouentin qui s'occupent de la classe correspondante. Depuis trois ans, nous mettons sur pied un voyage à Paris où les deux classes convergent et, une année sur deux, un voyage à Marsannay - l'autre année, un voyage à St-Ouentin.
En dessous de14 ans, la S.N.C.F. fait 75 % de réduction et le logement chez l'habitant ne coûte rien ; et puis la caisse de solidarité nous aide un peu.
 
Qu'allons-nous étudier cette année ?
Suit une description rapide du programme qui laisse beaucoup de possibilités, pour peu qu'on étudie les vertébrés et les plantes à fleurs.
Je précise que la reproduction des mammifères, donc celle de l'homme, est au programme et que les questions concernant ce qu'ils appellent “l'éducation sexuelle” peuvent faire l'objet d'une recherche.
Vous allez maintenant choisir votre sujet de recherche
- A partir des élevages dont nous avons parlé ou d'autres que vous proposerez,
- A partir des cultures que nous pouvons réaliser,
- A partir de la sortie envisagée,
- A partir de votre curiosité, de votre intérêt personnel.
Pour les aider, je distribue le livre de biologie 6e de Cedis-Belin qui propose de nombreux et intéressants thèmes de recherche.
Certains sujets seront abandonnés ou repoussés dans le temps : à cause d'un manque de documents, exemple : les baleines, à cause d'une trop grande complexité en début d'année, à cause de la saison : exemple : pas de têtards en septembre.
 
Quelle méthode de travail choisissons-nous ?
Travaillons-nous tous ensemble ou par petits groupes dès le début ?
Ou bien tous ensemble pour les premières recherches et ensuite seulement par petits groupes ?
C'est la seconde solution qui permet sans trop de difficultés le passage d'un C.M.2 (où, le plus souvent, ils ne manipulaient presque pas, copiaient un résumé appris au tableau et l'apprenaient par coour) à un travail de groupe autonome.
Le contrat de travail est difficile d'accès dès le début de la sixième et je le réserve pour le second trimestre - mais cela peut varier selon les classes - quand les élèves ont vaincu leurs difficultés d'adaptation et pris l'habitude de travailler autrement.
Le sujet et la méthode une fois choisis, il ne nous reste plus qu'à nous mettre au travail, ce que nous faisons en général au cours de la troisième séance, car il reste à régler auparavant quelques problèmes comme la liste du matériel nécessaire : crayon, chiffon, classeur... Il faut expliquer également pourquoi le collège ne leur a pas confié un livre à chacun pour l'année, comme dans les autres disciplines ; ma collègue et moi avons préféré acheter trois collections différentes qui restent au laboratoire et sont utilisées et distribuées selon les besoins. Je propose aussi d'apporter des fleurs pour que la classe soit plus gaie. Je présente les panneaux vides qui couvrent les murs en ce début d'année ; j'explique la raison de leur présence et de leur état.
Nous situons ensemble le jardin et le petit bassin qui bordent les salles de biologie, le laboratoire. Nous faisons plus ample connaissance avec les lieux et leurs possibilités.
 
La prise de contact peut paraître longue, je crois que ce n'est pas du temps perdu, ne serait-ce que parce qu'elle nous sécurise, les élèves et moi.
Marie SAUVAGEOT
 
 

Dossier : Démarrer le Pédagogie Freinet : en Sciences Physiques au Second Cycle

Avril 1980
EN PHYSIQUE AU SECOND CYCLE
 
La pédagogie Freinet en physique et au second cycle, est-ce possible ? Et qu'est-ce que cela veut dire ?
 
J'ai vraiment rencontré le mouvement Freinet en 1975 dans le cadre de la rencontre entre responsables nationaux. De ce contact avec des gens qui possédaient en général une assez solide expérience, je suis reparti en pensant que cette pédagogie ne pouvait pas s'introduire en physique au second cycle.
Malgré ces réticences, on est forcément influencé par de telles rencontres. Dans l'année qui a suivi, j'ai fait un maximum pour être attentif et favoriser une prise de responsabilité de la part des élèves dans le déroulement des cours. Ce faisant, j'ai été coincé au point de vue temps par les sollicitations (répêtitivité nécessaire d'exercices pour certains, débats hors programme pour d'autres, temps nécessaire au savoir-faire expérimental), ce qui m'a poussé à développer un système de fiches autocorrectives qui jusque-Ià n'était qu'embryonnaire. J'ai essayé de faire créer les premières par les élèves, mais ça n'a pas marché à cause du délai trop long entre le moment où on en avait besoin et le moment où elles étaient mises au point. Par la suite, et encore actuellement, je les ai fabriquées de façon à être paré aussitôt qu'un nouveau point est vu.
 
Et, à partir du moment où on peut surmonter (à peu près) ce problème de temps, on a les moyens d'être davantage à l'écoute des élèves dans la mesure où aucune initiative, aucune idée n'est abandonnée faute de temps.
 
Actuellement, en seconde et en première, les libres recherches sont communiquées à la classe sous forme d'un compte rendu oral et/ou d'une discussion, complétés par un tirage. Le sujet est issu d'une question qui a provoqué un déclic, une réaction en cours. La fréquence est variable suivant ma capacité à choisir un point d'intérêt abordable (en difficultés) et sur lequel on pourra avoir une documentation. C'est en moyenne tous les quinze jours.
Donc pour moi la brèche ouverte à la pédagogie Freinet a été le fruit d'une progression ou d'un démarrage continuel (et peut-être perpétuel ?).
 
Apports de la pédagogie Freinet :
- Quant aux techniques: autocorrection, débats (issus de centres d'intérêts particuliers, préparés, courts).
- Quant à l'esprit d'échanges : d'idées, de méthodes, de documents.
- Possibilité pour les élèves d'intervenir individuellement ou collectivement dans la marche du cours.
 
Voici où j'en suis après un démarrage (une évolution) de quatre ans. C'est encore très loin de la libre recherche telle qu'on peut la rencontrer dans les classes Freinet en primaire, mais, si la rupture n'est pas spectaculaire, elle n'est pas non plus nulle. Une des preuves en est l'intérêt pour la physique et la facilité d'adaptation cette année en seconde C.
Michel DAGOIS

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet au Second Degré : en audiovisuel

Avril 1980
EN AUDIOVISUEL
Avertissement : cet article rédigé en 1980 est techniquement daté : qui a encore le moyen d'utiliser un magnétophone à bandes ? Pour qui saura dépasser cette limite, reste un article riche d'observations pédagogiques et de démarches toujours pertinentes : au lecteur de transposer... NDLR 2002
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PLAN
1) Article de G. Bellot :
a) Conditions spécifiques
L'enseignant aux mains nues :
- choisir autre chose
- audio de consommation
- audio de création malgré des moyens limités
minicassettes
diapos dessinées
Enseignant dans un établissement normal
- magnétos à bandes
- montage.
b) Bibliothèque de travail sonore {B.T.S.)
c) La photo
d) L'interdisciplinarité
e) Conclusion
2) Expérience de G. Barrier.
3) Avant de partir...
4) Quelques défauts
 
Chaque enseignant a des conditions bien spécifiques.
 
A) Examinons tout d'abord un établissement particulièrement démuni en moyens audiovisuels.
Que peut faire l'enseignant aux mains nues ?
1) Il peut choisir une autre technique.
2) Il peut faire de l'audiovisuel de consommation amélioré.
• Etablir un programme hebdomadaire de télé élaboré avec les enfants et affiché en classe.
• Discuter d'une émission de télé qui sort de l'ordinaire.
• Regarder et travailler sur une émission idéale qui coïnciderait avec son emploi du temps.
Cela peut avoir le mérite du changement mais est-il bien nécessaire de remplacer un prof par un autre ?
Est-il bien souhaitable d'organiser exceptionnellement une séance de défoulement télévisuelle ?
On peut aussi utiliser la radiovision ou le cinéma, le labo de langues ou les disques, sans qu'il y ait modification profonde de la relation éducative fondamentale maître/élève.
Et dans quelle mesure, comme les manuels scolaires, les moyens audiovisuels ne masquent-ils pas les véritables objectifs de l'éducation ? - suffit-il d'informer pour former ?
 
3) L'audiovisuel du pauvre doit quand même être au service de l'action et de la création de l'enfant.
a) Minicassettes :
Les adolescents ont les pleines oreilles de chaînes Hifi, du son (convenable) de la télé, de musique cassettisée.
Ils possèdent tous des minicassettes.
Ils peuvent apporter des réalisations spontanées ou sollicitées par le prof {bruits de la ville, d'animaux, petites interviews réalisées à la maison).
Mais les ados n'aiment pas donner les premiers. On les a trompés tant de fois.
Des correspondants, un copain aidant, un enregistrement des années précédentes, peuvent créer l'occasion d'une écoute originale, le haut-parleur d'un tourne-disque {neuf ou usagé) peuvent améliorer l'audition.
Ce ne sera jamais excellent {pas de montages possibles, bruits divers) mais cela peut faire entrer un souffle d'air pur dans la classe. On attendra d'être plus riches pour faire mieux.
 
b) Diapos dessinées :
Il faut un appareil de projection, du calque, des cache-diapos ordinaires, ou mieux 4 x 4 {dimensions intérieures) dont le creux est plus grand.
Les ados pourront dessiner, écrire avec du feutre, de l'encre et voir leurs réalisations envahir le mur de la classe ou de l'écran.
 
B) Dans un établissement ordinaire où même ceux qui ne sont pas linguistes ont accès au matériel audiovisuel, on trouve des magnétos à bandes :
les “Tandberg” sont préférés aux “Grundig” parce que plus solides. Les minicassettes arrivent.
Très souvent ce matériel est livré sans micro ou avec des micros incorporés. Ils sont là pour rediffuser mais pas pour enregistrer, pour donner la parole à l'énfant.
Faire enregistrer avec un bon micro est une nécessité, car il faut penser que les micros livrés avec magnéto ne valent rien et sont donnés en prime.
Il faut se rappeler qu'un enregistrement est fait pour être écouté par d'autres et qu'un mauvais enregistrement donne autant de travail qu'un excellent.
Nos classes sont toujours mal sonorisées et les différences d'accents gênent toujours les correspondants.
Le minicassette servira à faire entrer la vie dans la classe. Il suffira de repiquer l'enregistrement sur le magnétophone à bandes tout en conservant les moments essentiels.
Les conditions d'écoute, elles aussi, seront améliorées. Les câbles de raccordement sont généralement livrés avec les magnétophones, mais il faut les vérifier car ils changent suivant les appareils {donner des caractéristiques au technicien du coin ; il est, normalement, au courant ; il suffira de ne pas le perdre).
 
MONTAGE DE LA BANDE
La mise en ordre des séquences, la recherche de la concision par l'efficacité de la communication est la suite indispensable à tout enregistrement.
Beaucoup pratiquent le repiquage {ne prendre sur un deuxième magnéto qu'une partie de ce que dit l'enregistrement originel). On lui préfère le coupage de la bande, standard, c'est-à-dire épaisse, sur une copie de préférence pour éviter des désastres : c'est plus précis et plus formateur. N'est-ce pas le meilleur moyen de s'approprier ce qu'a dit autrui ? Choisir l'essentiel, ramener deux heures d'interview à cinq ou six minutes, ordonner tout en respectant la parole d'autrui... Quel programme !
Prendre un morceau de bande, c'est une idée que l'on déplace physiquement : c'est un travail concret et vivant sur le plan.
Tout cela ressemble étrangement à une dissertation.
Mais l'adolescent qui aura pratiqué les techniques audiovisuelles pour s'exprimer et communiquer, saura les démystifier. Il pourra alors mieux tirer partie des médias et lorsqu'il écoutera radio, télé ou cinéma, il comprendra mieux comment trop souvent on le manipule.
Il pourra résister plus intelligemment et efficacement à leur pouvoir inducteur .
Ce travail peut se faire dans la classe pendant les heures d'ateliers à condition d'avoir des écouteurs qui permettent à une petite équipe de s'isoler pour écouter : script, débroussaillage, choix, montage.
Y a-t-il beaucoup d'autres moyens de se mieux former, de s'émanciper des autres ?
Le prof ne doit pas avoir peur de conseiller, de donner un coup de pouce, au début, car un montage est un travail difficile.
Si une telle réalisation n'est pas écoutée par la classe parce qu'inaudible, les jeunes se décourageront.
On doit favoriser les tâtonnements mais éviter les échecs retentissants qui n'ont rien à voir avec la formation.
Cette envie de création, ce désir de s'emparer de nouveaux moyens pour se mieux construire, se développera chez l'adolescent au contact des documents audiovisuels de l'I.C.E.M. déjà existants.
 
Bibliothèque de travail sonore : B.T.Son
Disques (bientôt cassettes), diapos, livret.
Les B.T.Son forment un ensemble encyclopédique audiovisuel qui apporte des éléments “inédits” VIVANTS, pouvant compléter ceux que présente la bibliothèque de travail -imprimée et les suppléments...
Mais il s'agit de documents sonores (voix, bruits, musiques, ambiances) avec lesquels s'harmonise l'IMAGE projetable.
Un livret écrit reprend l'intégralité de l'interview et ouvre des pistes de recherches, apporte des compléments.
Il ne s'agit pas d'une leçon, d'un recueil didactique et encore moins d'un spectacle à bon marché. Il s'agit d'un outil de documentation, de formation et de culture qui met en présence des enfants, des personnes connues ou inconnues qui acceptent de parler simplement de leurs connaissances, de leur vie (bergers, pêcheurs, garde-forestiers, Rostand, Rosnay, Tazieff, guerre de 14, la vie en banlieue...).
Cette année, un nouveau volet, peu connu et délicat, s'ouvre avec les nouvelles formations : problèmes des civilisations agro-pastorales ; pays en voie de développement ; relations pays pauvres, pays riches, avec la participation d'ethnologues, d'économistes, qui formulent des opinions originales qui remettent en cause pas mal d'idées reçues.
Le B. T .Sonore est un multi-support qui permet à l'adolescent de s'approprier la connaissance avec le monde écrit, sonore, visuel, de son choix et où il se sent le plus à l'aise.
Chaque enseignant utilisera la méthode qui lui conviendra le mieux : conférence d'élèves, présentation des diapos et étude de l'image, c'est à la mode, écoute du son, synthèse son-image.
Les documents partent des idées ou des travaux des enfants qui en surveillent toutes les étapes de telle sorte qu'ils leur donnent envie de réaliser leurs montages diapos-son.
 
PHOTOS
Nous en arrivons à la technique de la photo.
 
a) Diapositives noir et blanc
Cette technique est facile, rapide, bon marché. Il suffit d'un minimum de matériel et il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste de la photo (voir en annexe).
L'ado peut illustrer sa bande-son avec ses diapos...
Il peut illustrer son exposé par des illustrations visibles par tous qu'il a choisies et développées lui-même et qu'il aura dû ordonner (importance de construire son travail avec des éléments concrets).
 
b) La photo
C'est volontairement que nous la laissons de côté. C'est souvent une activité possible dans le cadre d'un club : elle s'intègre plus difficilement dans l'activité de la classe quotidienne.
Développées au labo de l'établissement, ou chez le photographe, (mais c'est cher), elles peuvent illustrer un panneau ou le journal scolaire.
 
c) Appareils à développement instantané genre Polaroïd.
Les résultats sont onéreux et de qualité médiocre, mais, en enquête, ils peuvent présenter un intérêt : l'enfant peut écrire au dos avec un feutre, le nom de ce qu'il a vu immédiatement (monument, animal, arbres...).
Ils peuvent servir à apprendre certaines techniques : cadrage, (la tête coupée se voit tout de suite)...
A partir du moment où les élèves et un prof maîtrisent la technique, ils peuvent regarder autour d'eux.
 
Les moyens audiovisuels et l'interdisciplinarité
Trop souvent on ne sait pas trop que faire et comment faire ensemble, avec les autres.
Les moyens audiovisuels peuvent permettre de rompre cet isolement. Un exemple au C.E.S. Jules Verne, au Pontet.
Mes élèves avaient lu, en décembre, le poème du troubadour, Wace, sur une révolte paysanne (livre de 5e Magnard).
En histoire, on leur parlait de jacqueries... Le C.E.S. est construit près d'un château du XIVe siècle abritant une bergerie et un parc splendide. Les promoteurs s'en emparaient pour y construire des lotissements de luxe. Il était temps d'y faire quelque chose ; ce fut un diaporama.
Les enfants ont réécrit l'histoire à leur façon et l'ont adaptée à notre paysage, à nos conditions matérielles...
Ils ont élaboré les costumes, les armes, en dessin.
Ils les ont réalisés en éducation manuelle et technique.
Ils ont pris contact avec beaucoup de gens et fouillé les greniers.
Ils ont cherché des morceaux de musique moyenâgeux avec le prof de musique.
Ils ont créé les moments intenses, (exécutions, moments de gaieté) avec les instruments que possédait le collègue...
Un jour, il neigea : il fallut partir tout de suite prendre des diapos couleurs des paysans sous la neige... (février).
En mai, preneurs de son, photographes, acteurs, étaient à leurs postes... Quelle fête !...
Les diapos couleurs étaient développées pendant le cours d'E.M.T. (plus délicat, plus long et plus cher que le noir et blanc mais c'est possible), le collègue travaille en ateliers.
En français, ils montaient la bande son, ils ordonnaient les diapos... Il suffisait de les coordonner.
Trois élèves, fort discrets jusque là, prirent les choses en mains. Ils s'enfermèrent dans une salle voisine avec les 100 diapos et les 15 minutes de son, de 8 h à midi et de 14 h à 16 h. De temps en temps, je jetais un coup d'œil, inquiet : le montage avançait doucement. Je n'aurais jamais cru que cela soit possible, mais à 16 h ils nous appelaient et nous présentaient le diaporama terminé. Le lendemain nous le passions aux autres classes... La synchro manuelle était bonne, l'équipe prof-élèves satisfaite. On pourrait continuer... Depuis la création de la C.E.L. (cinémathèque enseignement laïc), depuis que Freinet utilisait la caméra Pathé-Baby, il faudrait énumérer toutes les découvertes anonymes des camarades pour simplifier ce qu'il est de bon ton de compliquer ailleurs.
Il serait nécessaire de montrer tous les travaux, de présenter toutes les productions de la commission audiovisuelle qui organise chaque année son stage de réflexion, de formation et de production, autour de Gilbert Paris et de Pierre Guérin qui a pu écrire :
“L'audiovisuel est la clé qui ouvre aux enfants, à la fois, la possibilité de dominer la technique et de recevoir au mieux les informations lorsqu'ils sont spectateurs.
Mises au service de l'expression de l'enfant, en nourrissant des activités réelles et riches, rattachées à des situations vécues, les techniques audiovisuelles permettent alors ainsi une authentique formation adaptée au monde futur”.
Pour toutes questions concernant le matériel, la documentation ou la production, les stages :
Techniques Audiovisuelles B.P. 14 10300 Sainte-SAvine
BIBLIOGRAPHIE
La Brèche, numéros 12 - 15 - 18/19 - 28/29 - 33/34
L'Educateur numéro 5, novembre 79.
Dossier pédagogique : utilisation de la B. T. Sonore S.B.T. “Comment photographier”.
et le
 
EXPERIENCE DE G. BARRIER
 
Nous disposons aujourd'hui de machines à encre, à alcool, offset, imprimerie, etc.
Qu'y a-t-il de nouveau pour autant ?
Rien dans le principe qui consiste à adapter cette technicité au besoin de communication et d'expression de l'enfant.
L'imprimerie existait dans les catalogues de matériel scolaire, avant Freinet {matériel CINUP je crois me souvenir). Mais la démarche pédagogique était décidée par les adultes qui font entrer l'enfant de plain pied dans le patrimoine culturel linguistique. Freinet, lui, nous apprend qu'il faut au contraire, consulter l'enfant dans sa possibilité d'expression et l'aider à rejoindre le fonds commun.
 
Il en va de même pour l'audiovisuel.
Les différentes machines à enregistrer les sons ou les vues et à les reproduire, sont fiables, à la portée de tous. Il en existe de simples et rustiques. Il nous reste à faire l'adaptation : apprendre à consulter l'enfant, à l'aider à maîtriser ces outils d'expression.
Ceci suppose une double démarche :
1) Une réflexion, une analyse quant à l'attitude des pédagogues et des jeunes devant l'outil et la possibilité de création qu'il confère.
2) Et puis une recherche de la technique de la photographie et de l'enregistrement des sons adaptée à cette entreprise, à la portée des classes.
Je vais donc relater mon expérience de ce premier trimestre 79-80, pour un début d'analyse quant à notre attitude devant l'outil et la possibilité de création.
Mais il est évident qu'il faudrait élargir cette analyse sur bien d'autres expériences. Je vous invite à entrer dans la recherche.
Je rappelle brièvement mes conditions de travail. Je suis au collège professeur de français et sciences humaines, mais ne fais cette année que l'histoire et la géo, dans quatre 6e, deux 5e et une 4e - donc trois heures hebdomadaires par classe.
Je mets à la libre disposition des élèves dans un attaché-case, un magnéto mini K 7 - un appareil photo Cosmic Symbol et le petit matériel {pellicules, cassettes, caches pour diapos, colleuse, ciseaux etc.) et dans une armoire, deux cuvettes et le petit matériel nécessaire au développement des diapos. Nous n'utilisons pas de laboratoire, tout se passe sur une table de la classe, en plein jour et dans le cadre horaire du collège, bien entendu. Je reviendrai sur la technique dans le deuxième chapitre.
A la libre disposition, ai-je dit ?
En vérité la première liberté est celle du contrat proposé par l'enfant.
Voici la reproduction d'un premier contrat qui me fut remis spontanément ; il est assez curieux et porte à réfléchir :
Caen, le 30 octobre 1979
Pour Monsieur Barrier
Nous avons conclu un marché pour mardi 30 octobre au mardi 6 novembre 79. Voilà donc :
M. Barrier me prête l'appareil photo et moi, je le lui rapporte avec des photos qui serviront à la classe de 6e A.
Voici mon sujet : les vieux murs dans le quartier et la cabane de Patricia.
Je m'appelle : Geneviève Dallier.
adresse : 5 rue Ghandi - 14300 Caen Guérin.
Classe : 6e A.
Collège : Guillaume de Normandie.
Signature de M. Barrier :                                               la mienne :
P.S. : Je le rendrai le mardi 6 novembre (après congé).
 
Et la reproduction de cet autre :
Monsieur Barrier
Pouvez-vous nous prêter l'appareil photo pour rapporter des photos de deux usines : Moulinex et Citroën ?
Patricia Anquetil - Sandrine Briffault
 
Celui-ci aura demandé un entretien en classe pour complément d'information et prise de date. Il s'agit des extérieurs des usines telles qu'elles apparaissent aux yeux des enfants dans le quartier. Mais l'entretien fait apparaître qu'il y a possibilité d'enregistrer les ouvriers ou cadres qui sont les parents ou voisins. Donc, le contrat s'élargit.
Le contrat étant mis en place {compte tenu qu'il n'y a qu'un appareil pour les sept classes), l'autre liberté est celle de la prise de vue, de la prise de son, c'e~t-à-dire la liberté du contact et de la communication, contact souvent accepté avec curiosité, parfois refusé brutalement. Ceci se passe très souvent en “devoirs du soir”, en dehors des heures de cours, dans le cadre d'une prospection du milieu dans les heures où on le fréquente habituellement.
Je consulte donc ce milieu à travers les enfants, comme ils le consultent eux-mêmes à leur initiative. C'est bien là que se situe mon tâtonnement, mon analyse en cours. Le reste n'est que technique aux solutions trouvées.
Lorsqu'ils reviennent en classe, il leur faut une heure pour développer leurs diapos sur une table pendant que je fais le cours à l'ensemble de la classe.
A la séance suivante, ils disposent des diapos séchées et encadrées aussi bien que de la bande enregistrée pour procéder au montage, c'est-à-dire à l'expression, à la création de “Ce” qu'ils vont relater à la classe {aux autres classes). Communication souhaitée par la classe et obligatoire, puisqu'en général, c'est un ou deux ou trois élèves qui ont fait leur enquête.
En ce qui concerne les “vues” il s'agit, le plus souvent, jusqu'à présent d'un commentaire oral organisé après avoir classé les vues dans un ordre qui suit leur logique {travail de préparation en classe ou à l'extérieur).
En ce qui concerne le “son” il s'agit du montage par sélection des séquences, coupage de la bande et synthèse par collage.
La technique est impérative peut-être - mais je laisse là encore, la liberté de la présentation.
 
Voici soumis à votre curiosité, la liste des sujets choisis :
Octobre
Le haras de Varabille - 6e D Delphine
La station préhistorique de Marie-Joly - 6e D Pierre, Joel, Christophe, François.
 
Novembre
Vieilles pierres et cabane - 6e A Geneviève, Patricia.
Comment on s'habille - 5e A Cyriaque, Frédéric.
Château de Caen et musée - 6e D Joël.
Les bénédictines et le chocolat - 6e D Christophe, Pierre, Joël, François, Dominique.
Eglise Saint-Jean
Le port de Caen et la péniche de FR3 - 6e B Frank, Pierre.
Décembre
Le manoir de Cormelles - 6e A Alain et Fabrice.
Chez moi, ma chambre - 6e A Eric.
Citroën et Moulinex - 6e A Sandrine et Patricia.
 
Je ferai maintenant une description rapide de la technique utilisée : outils et procédés.
 
A) Vues
J'utilise un Cosmic Symbol pour sa simplicité, sa solidité, son prix modique {120 F). Il permet les trois mises au point : distance, sensibilité de la pellicule couplée au diaphragme, cinq ouvertures possibles - vitesse : de la pause jusqu'à 1/250e.
La difficulté : les enfants sont à l'extérieur, en liberté avec l'appareil. Pourront-ils régler au mieux ? Comment faire l' apprentissage préalable de la sensibilité à la lumière ambiante ?
J'utilise des pellicules à 7 F {20 poses).
Une housse de produit à développer d'environ 40 F qui permet de traiter 15 à 20 films de 20 poses.
Et pour développer, une cuve qui se charge en plein jour et deux cuvettes contenant l'eau nécessaire - cinq bidons à 2,50 F contenant les cinq produits, thermomètre, compte-minutes.
 
 
table
 
 
                  4                           3                       1
 
                                                                                  2
 
 
 
            7                                5              6
                                                                             8
 
1. Bain-marie à 20° en cuvette.
2. 5 bidons à produits.
3. Cuvette d'eau de rinçage à 20°.
4. Attaché-case avec affichette sous le couvercle pour la marche à suivre.
5. Cuve à développer .
6. Pot à eau gradué.
7. Compte-minutes.
8. Seau-poubelle.
9. Serpillière de protection.
 
J'utilise des caches plastiques qu'on charge et décharge à volonté (0, 10 F l'un).
 
B) Son
J'utilise un mini K 7 amélioré d'un micro de meilleur rendement {voir commission audiovisuelle). Un appareillage solide qui passe de mains en mains depuis plusieurs années sans incident.
Et l'appareil à bande du collège pour recopier et monter - les enceintes du collège pour l'écoute collective.
J'insiste ici sur la nécessaire adaptation d'un matériel pour atteindre à la simplicité et à l'efficacité, tout en permettant le tâtonnement nécessaire. Et puis j'arrête, car il existe une meilleure façon de dominer les multiples connaissances sans lesquelles on ne sort pas de la médiocrité, cela consiste à suivre un des stages de dix jours en été, organisés par le groupe audiovisuel. Là on avance à pas de géant.
 
Pour conclure :
Les circonstances, c'est-à-dire mon travail en sciences humaines a peut-être orienté ma recherche, mais j'imagine que j'aurais pu utiliser et chercher dans le domaine de la langue française ou autre matière. Enfin, je vous passe la main.
G. Barrier
Pour plus de détails sur le développement des photos, les prises de vues... voir l'article dans L'Educateur, n° 5 du 30.11.79.
 
Annexe I
Secteur audiovisuel I.C.E.M.-C.E.L.
 
AVANT DE PARTIR EN REPORTAGE
Le magnétophone :
- Secteur : avez-vous une bonne longueur de fil pour atteindre la prise de courant et vous isoler des bruits ambiants (frigo...).
- Piles : mettez des piles neuves et essayées. Elles ne vous laisseront pas tomber en pleine prise de son.
- Avez-vous la bobine vide indispensable, assez de bande ?
- Avez-vous procédé au nettoyage des têtes magnétiques et des galets presseurs et du cabestan avec un coton tige imbibé d'alcool ?
 
La prise de son :
Savez-vous “tenir” un micro ?
• en vous plaçant assez près de la personne qui parle; si vous enregistrez de trop loin, l'enregistrement sera peu intelligible pour les auditeurs, et vous perdrez votre temps... et celui de l'interviewé
• placez le micro à 30-40 cm de la personne qui parle, ayez ce courage. Approchez-vous plus près si le milieu est bruyant.
• N'utilisez pas de TELECOMMANDE : censure a priori, bruits de clacs au démarrages, débuts de phrases qui manquent systématiquement etc.
• EVITEZ DE PRODUIRE DES BRUITS qui n'existent pas dans le local: bruits de doigts, de bagues sur le micro, frottement du câble du micro sur les vêtements...
• Tenir le micro sans se crisper avec un tour de câble autour du doigt : sécurité et amortissement des bruits transmis par le câble.
• RELAXEZ votre interlocuteur après 2 à 3 minutes d'enregistrement en écoutant ce qui a été fait: le temps de rebobiner et d'écouter, il se détendra, verra que ce n'est pas si terrible... et surtout, vous aurez l'oreille ouverte afin de constater si tout va bien, si le son est clair, sans bruits parasites. Sinon, évitez de continuer, de reprendre la suite dans les mêmes conditions.
Changez de local ou mettez-vous plus près encore. Agissez pour rectifier et obtenir une bonne prise de son.
• NE PAS OUBLIER D'ENREGISTRER UNE OU DEUX MINUTES DE “SILENCE” dans les conditions de l'enregistrement: vous en aurez peut-être besoin lors du montage.
 
Si vous avez le choix entre plusieurs types de matériel pour effectuer un enregistrement, choisissez celui qui fait démer la bande le plus vite et qui a le meilleur micro et qui n'a que deux pistes.
 

Annexe Il             
Son : défauts repérés à l'écoute - causes et remèdes
EFFETS
CAUSES
REMEDES
1) Son trop faible à l'écoute et souffle.
Enregistrement avec un niveau trop faible (sous modulation)
Si l'appareil n'est pas à enregistrement automatique, surveillez la modulation au vu-mètre.
 Importance des essais préalables.
2) Son déformé et trop fort.
Enregistrement avec un niveau trop fort (sur modulation).
3) Enregistrement peu compréhensible.
Micro trop éloigné de la personne qui s'exprime.
Placer le micro entre 30 et 50 cm de la bouche de la personne qui s'exprime
4 • Bruits extérieurs gênants à l'écoute.
• Mauvaise audition de ce qu'on voulait enregistrer.
• Grosse réverbération, effet d'écho.               
Micro trop loin. Murs, plafond, sol, fenêtres du local trop réverbérants.
changer de local.               
5) • accentuation des syllabes sifflantes ss - ch  
• Explosion des consonnes PBK   
• Bruits de bouche.
Micro trop près.
Une écoute après 2 ou 3 minutes d'enregistrement permet de mieux placer le micro.
6) • Bruits graves intenses par rafales.*
Action du vent directement sur la membrane du micro.
Bonnette anti-vent, recherche d'un lieu abrité du vent.
7) Claquements secs.*
Bruits de bagues, bruits de doigts sur le micro.
• Enlevez la bague,            
• Tenir le micro fermement mais sans crispation.
* Ces bruits ne sont pas audibles pendant l'enregistrement mais sont très intenses sur la bande.
8) Enregistrements sourds, sans aigus.
• Têtes magnétiques encrassées.
• Réglage défectueux de la tête d'enregistrement lecture de l'appareil qui enregistre ou de celle de l'appareil qui lit.
• Examen et nettoyage des têtes.
• Faire régler les appareils par un technicien
9) Audition masquée par des bruits extérieurs imprévisibles.
Le micro enregistre tout alors que nous pouvons faire abstraction de ce qui ne nous intéresse pas directement.
Vigilance au moment de la prise de son. Faire reprendre la     phrase lors de l'enregistrement.
10) Ronflements divers.
• Secteur électrique, autre appareil électrique fonctionnant à proximité
• Eclairage fluorescent.
• Essayer de changer le sens de la prise de courant.
• Ecoute très attentive des                premières minutes de l'enregistrement.
11) Entrée trop brutale, première phrase tronquée.
• Utilisation de la télécommande.
• Oubli qu'en début de cassette, il y aune amorce assez longue.
• Mettre le magnétophone en route, vérifier le réglage, ne pas se servir de la télécommande.             
12) Enregistrement tronqué.
Arret du magnétophone avant la fin de la dernlere phrase.
• Laisser défiler la bande                quelques instants avant d'arrêter.
• Surveiller la fin de la bobine de la cassette.              
• Reposer la dernière question au début de la bobine suivante.          
13) Effacement d'une petite partie de l'enregistrement.
Fausse manreuvre en manipulant.
Pas de remèdes - ne pas s'énerver.               

 
 

Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : en dessin

Avril 1980
EN DESSIN
Comment je démarre chaque année,
ou plutôt comment je re-démarre, et pourquoi je re-démarre ainsi ?
 
Ceci avec un effectif de 350 élèves, c'est-à-dire un effectif FAIBLE pour un prof de dessin qui fait 20 heures par semaine, et je fais figure de privilégiée et d'exception (relatif à mon chef d'établissement et aux structures internes de l'établissement. Mais chaque année tout est remis en question).
Si j'avais un minimum de 24 élèves par classe, ce serait un effectif de 480 élèves hebdomadaires et toute mon organisation matérielle et pédagogique serait à revoir. Bon nombre de collègues ont plus de 500 élèves et, au risque d'y laisser leur peau, certains tentent des innovations pédagogiques. J'ai déjà enseigné avec 24 élèves minimum ; ce fut pour moi une épreuve, ou plutôt une industrialisation démoralisante, où chaque jour je me reposais les mêmes questions : Combien de temps pourrai-je tenir le coup ?.. Quel impact puis-je avoir ? ... A quoi cela sert-il ? ... Et pourtant il y avait toujours quelques gosses qui, par leur contact, par leur envie de revenir faire des heures supplémentaires, me remontaient le moral et me donnaient le courage de continuer à me battre.
Pendant plusieurs années, je me suis fait suer mortellement chaque premier trimestre, ne “sentant” rien chez les trois quarts de mes nouveaux élèves. C'était souvent l'incompréhension totale entre eux et moi. Ce n'est guère facile, l'expression libre, quand on est conditionné depuis le plus jeune âge ! C'est encore moins facile de se sortir de tous les stéréotypes qui nous entourent et nous influencent ! (et d'ailleurs pourquoi s'en sortir, les stéréotypes étant souvent plus sécurisants qu'un dessin “mal fait” quand “j'sais pas dessiner”) ; c'est insécurisant de s'organiser soi-même et de ne pas avoir de notes...
Malgré mes propositions de thèmes, mes explications et démonstrations de techniques, individuelles ou collectives, j'avais l'impression de m'enliser avec mon expression libre.
 
Tout doucement, j'ai essayé de trouver des solutions :
- Au départ je proposais deux thèmes, et deux ou trois techniques, puis on permuttait.
- Puis j'augmentais le nombre de thèmes et celui des techniques pour arriver à une expression plus libre.
Mais chez beaucoup persistait un malaise, une peur de se lancer, un manque d'ouverture.
Actuellement, j'impose des petits jeux, des petits travaux que j'adapte à chaque classe, que je tente d'améliorer.
Bien que cette formule me satisfasse beaucoup plus, c'est loin d'être parfait et il y aurait encore bien des améliorations à apporter.
Tout d'abord je distingue les classes que j'ai eues l'année - ou les années - précédentes, et les classes nouvelles (nouvelles, c'est-à-dire que nous n'avons jamais travaillé ensemble).
- Pour les classes ayant déjà travaillé en expression libre, il y a peu de problème matériel d'organisation pour re-démarrer ; bien au contraire. Les élèves savent d'autre part que s'ils sont en panne d'idées, je suis là pour suggérer, et que, s'ils désirent un travail imposé, je suis également là (mais on me le demande rarement, quatre ou cinq fois par an). Ce qui veut dire qu'ils s'organisent par ateliers, selon les thèmes et les techniques choisies par eux et selon nos possibilités du moment.
 
- Et puis il y a les nouvelles classes.
Pour les 4e et 3e, je n'impose pas de travaux de démarrage ; tout au moins pas encore.
Mais, avec les 6e et 5e, j'impose pendant quelques semaines des petits exercices en leur expliquant pourquoi (pour faire connaissance avec une nouvelle façon de travailler, de nouvelles techniques, avec le prof, pour permettre à ceux qui ont peur de se lancer, de se sécuriser, et pour leur prouver que chacun est capable de dessiner, de peindre, avec sa propre personnalité avec ses propres qualités ; si j'interdis certains instruments durant ces quelques semaines, c'est pour favoriser leur expression, leur spontanéité, c'est aussi pour créer des réactions...).
 
Quel genre d'exercices ?
• Des petits travaux, genre déblocage, que tout le monde peut faire sans “savoir dessiner”, sans être particulièrement habile, sans nécessiter de soin particulier, mais en créant des situations : exemple, imposition des techniques, du format (j'évite les petits formats), pas de gomme, pas de crayon de papier, pas de règle, ni de compas ; parfois pas de ciseaux, pas de pinceau pour la colle, pas de pinceau pour la peinture...
• Tantôt individuels, tantôt collectifs...
• Des petits travaux qui ne font pas “sérieux”, où chacun, même les plus craintifs, peuvent se lancer sans craindre de ne pas faire “beau” (que je n'aime pas ce terme là !).
- Mais où l'imagination est mise en éveil...
. Et puis sans note (comme tout ce qui suivra durant l'année scolaire, sauf s'ils me le demandent).
• Ils savent d'autre part que je suis là pour conseiller, pour suggérer, pas pour brimer ni démolir. Chacun fait ce qu'il peut, comme il peut, comme il a envie, avec sa propre personnalité...
Un exercice que les 6e aiment beaucoup et qui à mon avis permet de faire connnaissance (entre eux et moi, le prof qui ne semble pas être comme les autres - mais qui est qui, et qui veut quoi ?) :
Format moyen mais le dessin doit toucher les bords ; stylo-bille ou pastels ou fusain, sans dessin préalable, je débute une histoire pas sérieuse sur une famille farfelue qui part en vacances, sur un petit animal à qui il arrive plein de mésaventures, sur un inventeur bidon (il voulait créer une machine à éplucher les pommes de terre et il s'est aperçu qu'elle ne faisait que des bulles de savon mystérieuses ; voulant réparer une fuite avec une ficelle, la machine se mit à transformer les pommes de terre en haricots verts à rayures rouges ; et puis la machine se mit à faire des sauts et un drôle de bruit... Et, à la fin de mon histoire, tout le monde parle en même temps, s'imaginant sa propre machine farfelue, rapiécée, rafistolée. C'est à celui qui dénichera l'anomalie la plus originale).
 
Depuis quelques années, j'essaie d'améliorer ce premier contact en jouant sur la durée de l'histoire, sur le contenu, sur son mode de présentation... Parfois je remets complètement en cause ce genre d'exercice, pour finalement y revenir !
Mais un point que je tiens à préserver : c'est qu'à travers cet exercice “pas sérieux” (que j'ai fait faire parfois sur des chutes de papier d'emballage ou sur du papier déchiré plutôt que découpé) les enfants n'ont pas l'impression de rater leurs formes et n'ont pas peur de s'engager.
Une seule fois, cette année, ce genre d'exercice, pourtant fort court, a visiblement gêné un élève : une petite asiatique qui a d'abord refusé d'afficher, alors que les autres pouvaient le faire s'ils le voulaient, cachant son dessin ; les autres acceptaient d'en parler, d'en rire ; pas elle. Finalement, elle l'a affiché, sans doute encouragée par ses camarades. Les dessins libres qu'elle a ctéés par la suite, m'ont expliqué qu'elle devait avoir tellement l'habitude de s'exprimer d'une façon juste, précise, sans bavure, sans difficulté, sur des thèmes fort “sérieux”, que l'exercice farfelu n'avait fait que l'insécuriser. Ensuite, selon les classes et selon ce qu'ils ont envie de faire (d'après la fiche de renseignements qu'ils me remplissent en début d'année), je leur impose d'autres petits travaux, faisant appel à leur spontanéité, leur imagination et leur faculté d'organisation.
Par exemple, cette année, deux classes ont dû s'organiser suivant des thèmes et des techniques choisis par eux, en se répartissant le travail à l'intérieur de chaque groupe, et en prenant des initiatives, des décisions à tour de rôle.
Ce qui peut paraître alléchant en théorie, mais qui l'est beaucoup moins en pratique, du fait du manque total d'autonomie et de toute possibilité de prise en charge pour les trois quarts des élèves. Et cela peut paraître dérisoire de vouloir apprendre à des élèves à travailler en groupe en quelques séances hebdomadaires. Nous payons cher, en effet, cette heure unique et hebdomadaire.
 
Et puis, à cette petite préparation, à ces premiers contacts, fait suite une amorce de l'expression libre. C'est-à-dire que je propose trois ou quatre techniques au choix, et des thèmes libres, formats, crayon, règle... libres. En même temps, je lesinforme des documents disponibles, de ce qu'on peut faire quand on ne sais pas quoi faire..., des différentes formes de dessin : d'imagination, de mémoire, d'observation... dessins figuratifs, dessins abstraits...
Ceux qui “ne savent pas quoi faire” peuvent me demander, plus en détail, ces différentes formes de dessin; ils peuvent aussi me demander des propositions de thèmes, ou consulter des fiches suggestions et, à la limite, je peux leur imposer un sujet s'ils le désirent.
Ils ont la possibilité de changer de thème et de technique quand bon leur semble.
Quelques semaines plus tard, j'introduis une ou deux autres techniques supplémentaires en maintenant les premières techniques et les thèmes libres. Pour finalement libérer tous les thèmes et toutes les techniques. Ce que je ne pourrais faire avec 24 élèves par classe.
Pour les classes nouvelles de 4e et 3e, je n'ai pas encore trouvé de petits jeux ou de petits exercices s'adaptant à leurs besoins et intérêts et permettant d'accéder moins brutalement à l'expression libre.
 
Avec ce démarrage programmé chez les 6e et 5e, j'ai moins l'impression de piétinement, tout au moins chez davantage d'élèves. Les élèves font connaissance progressivement avec de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques, tout en découvrant la classe, l'organisation matérielle - organisation des ateliers, rangements -, et surtout ils font connaissance avec une nouvelle forme de dessin, l'expression libre, qui n'est pas si évidente que cela quand on ne l'a jamais pratiquée et qu'on est soi-même très stéréotypé.
Janine POILLOT
 

Dossier : Démarrer la Pédagogie Freinet au Second Degré : en arts platiques

Avril 1980
ARTS PLASTIQUES EN C.E.S.
Coincée dans une ancienne classe primaire avec un mobilier inadapté à l'expression plastique, sans point d'eau dans ma classe. Quand je dis “classe”, c'est que j'ai dû réclamer et imposer ce pseudo atelier. Mais peut-on faire autre chose que de la garderie si nous n' avons pas une salle spécialisée !
Cette pièce réservée aux arts plastiques reçoit 460 élèves qui viennent me rendre visite pendant la semaine : visite obligatoire dans un cadre traditionnel et avec les limites qu'il impose. J'essaye donc de modifier sensiblement le climat de la classe en transformant les relations qui s'établissent entre les différents protagonistes.
 
Je ne veux pas vous parler de mes désillusions pédagogiques en expression artistique dans ces conditions, mais vous dire mes compromis et les structures d'organisation que j'ai mises en place pour respecter ces objectifs :
- Prise en charge du travail par l'élève.
- Socialisation et communication.
- Expression collective et individuelle.
- Apprentissage d'une méthode de travail.
L'organisation des 24 élèves se fait en cinq groupes de travail qui comprennent chacun quatre à cinq élèves. Ce sont des ateliers simultanés et indépendants.
 
Atelier de documentation : Les élèves utilisent un fichier thématique (papillon, pollution, publicité). A chaque fiche correspond un dossier. Le groupe décide du document avec lequel il va travailler. Chaque membre du groupe a la possibilité de déformer, détourner, transformer... le document. Cet atelier donne généralement des résultats divers qui permettent une discussion collective sur l'interprétation lors du bilan final avec toute la classe
 
Atelier technique : “ Mes livres ” sont à leur disposition. Ils y trouvent de nombreuses techniques simples de déblocage. Le groupe étudie collectivement une technique de son choix. Les membres apprennent à la posséder, à se l'approprier en “cuisinant” leurs recherches personnelles ou collectives. Les divergences et les innovations sont acceptées et expliquées lors du bilan final.
 
Atelier libre : Permet à chacun de faire une recherche d'expression personnelle ou un travail collectif en mettant en pratique les connaissances assimilées dans les autres ateliers.
 
Atelier théorique : Il est aussi construit autour de documents, ou livres, classés qui traitent de connaissances, de découvertes esthétiques (harmonies, compositions, langage de la photo...). Les groupes étudient et appliquent les connaissances découvertes dans ces dossiers. Elles seront exposées lors de la séance du bilan.
 
Atelier fiche : 70 fiches expliquent un cheminement ou des exercices de déblocage (voir fichier I.C.E.M.). Elles renvoient à des dossiers, disques, diapos... La fiche doit être acceptée par le groupe.
J'insiste sur ce point : l'acceptation du groupe dans chaque atelier de travail. Elle oblige à une socialisation et à une communication. Ces ateliers suggèrent des méthodes et des moyens d'approches pour conduire un travail de recherche personnel.
 
Un atelier limographe vient donner une ouverture de la classe vers l'extérieur. Au bilan final deux dessins sont choisis collectivement par la classe. Ils sont imprimés et font partie d'un livre de la classe que chaque élève emmènera à la fin de chaque trimestre.
 
La liberté ne passe pas par l'absence de structures, créer ces conditions matérielles me permet d'espérer ouvrir l'élève vers l'extérieur, pousser l'élève vers son expression, l'aider à faire son avenir. Cette méthode d'organisation me permet de ne pas m'affoler devant mes conditions de travail et les demandes des élèves.
Denise GADIOU