Dossier : Démarrer en Pédagogie Freinet : en musique

Avril 1980
EN MUSIQUE
SILENCE, ON JOUE !
Rentrée septembre 79 : un collège relativement neuf, milieu rural, 400 élèves (480 en réalité). Je suis la première prof de musique à mettre les pieds dans l'établissement, auparavant les cours étaient assurés, soit par des P.E.G.C. clamant bien haut leur incompétence, soit n'étaient pas effectués du tout. Je dispose d'une salle aux murs insonorisés, certes, mais encastrée au milieu des autres, ce qui rend impossible une éventuelle migration de groupes d'élèves dans les couloirs. Au niveau du matériel, c'est plutôt maigre : un électrophone, un magnétophone, un guide-chant électrique. Les élèves n'ont aucune autonomie et ça n'est pas la discipline et l'organisation “remarquable” du bahut qui risquent de leur en donner !
Ce qui me paraît donc le plus urgent, c'est de socialiser : c'est que les enfants s'écoutent, établissent des rapports entre eux. Dès le premier cours, on pousse les tables sur le côté et on s'assoit en rond ; comme cela, tout le monde peut se voir.
Je fabrique à toute vitesse quelques instruments ultra-simples {cistres en capsules de bouteilles, maracas en pots de yaourt, tambours en gants de caoutchouc, etc.), je suggère aux enfants de se faire des mirlitons, des sanzas ; dès le deuxième ou troisième cours, on a assez d'objets sonores pour que tout le monde puisse jouer, pas tous ensemble, bien sûr ; on improvise individuellement, ou par groupes de deux, trois ou quatre ; on organise des jeux de “question-réponse” du chef d'orchestre, de mémoire (essayer de répéter ce que l'on vient de jouer ou de refaire le rythme joué par le copain).
Le travail en groupes viendra un peu plus tard, lorsqu'ils seront plus familiarisés avec les instruments, qu'ils n'en n'auront plus peur, car un instrument de musique fait peur à qui se sent non initié. Peu à peu, la panoplie s'est enrichie : des 3e ont construit des ariels, des 4e une harpe, une flûte de Pan, j'ai acheté un orgue électrique avec une partie des crédits.
 
Le gros problème, c'est le bruit : 24 gamins dans une salle en train de jouer, c'est terrible !... Alors on essaie de faire des groupes “silencieux” : préparation d'exposés, dans un coin de la classe ou à la documentation (même sans documentaliste, c'est parfaitement légal). J'ai commandé sur les crédits d'équipement cinq casques permettant une écoute de disques “silencieuse”, je les attends encore (l'administration !...) en attendant, on utilise un bricolage à base d'écouteurs de téléphone, ça marche !...
Dès le début, j'ai bien mis au point, tant devant les élèves qu'en réunion de parents, qu'il n'était pas question d'effectuer un apprentissage systématique sanctionné par des notes, des devoirs, des contrôles etc.
La musique est tout de même avant toute chose une matière d'éveil.
Anne-Marie REYJAL