L'harmonisation du premier et du deuxième degrés dans le contexte présent et concret de la réforme de l'enseignement

Janvier 1960

L'harmonisation du premier et du deuxième degrés dans le contexte présent et concret de la réforme de l'enseignement
par R. FROMAGEAT et J. VUILLET

C'était là le thème des Conférences pédagogiques.
Dans la circonscription de X, l'époque (décembre au lieu d'octobre) et l'heure (8 heures au lieu de 9 heures) ont été modifiées cette année en raison de la manière entièrement nouvelle dont la conférence a été organisée et s'est déroulée.
Ce changement a été introduit à la suite d'une constatation valable depuis de nombreuses années dans toutes les circonscriptions : des l'instant que la conférence pédagogique consiste essentiellement en un exposé de l'I.P., et pour peu que cet exposé dure plusieurs heures (ce qui est pratiquement nécessaire si l'on veut aller au fond d'un problème), les procédés ordinaires employés pour y associer les participants (leçon-modèle faite préalablement, essais de discussion à l'issue de chaque point abordé, etc.), s'avèrent d'une efficacité fort réduite.
Or, l'exposé dogmatique est contraire à la fois à la lettre (conférence fonctionnant à la manière d'une assemblée) et à l'esprit (conférence destinée plus encore à informer le Ministère de ce que souhaite la base sur un point précis mis à l'ordre du jour qu'à imposer à la base des solutions préfabriquées) des textes régissant la conférence.
D'où la formule suivante qui a été adoptée :
1. Dès octobre, diffusion d'un questionnaire en six points ;
2. Courant novembre, dépouillement du questionnaire et désignation d'un président et d'un secrétaire pour chaque groupe s'occupant d'un point;
3. Le jour de la conférence, après une brève mise en train (8 heures, 8 h. 15) :
— travail simultané des six groupes organisés comme des commissions de congrès dans six locaux différents (8 heures, 8 h. 45) ;
— élaboration de synthèses partielles portant sur les points étudiés respectivement par les six groupes (9 h. 45, 10 heures) ;
— en assemblée plénière, confrontation de chaque synthèse partielle avec le point correspondant du rapport général préparé par l'I.E.P., discussion et synthèse générale (10 heures à 12 h. 45).
Dans ¡a mesure où les conclusions ainsi tirées résultent d'une confrontation généralisée, elles acquièrent une certaine valeur probante ; c'est pourquoi il nous a paru intéressant de les publier ci-dessous.

CONCLUSIONS GÉNÉRALES DES DÉBATS AINSI CONDUITS

A. D'ORDRE THÉORIQUE
La réforme de l'enseignement n'est plus un projet, mais une réalité (cf le texte de loi disposant que les enfants actuellement admis au Cours Préparatoire devront aller à l'école jusqu'à 16 ans).
Dès l'instant que les élèves termineront leur scolarité à 16 ans et non plus à 14, il faut prévoir des modifications dans la manière d'enseigner, non pas seulement à partir de 11 ans, mais déjà de 6 ans à 11ans.
En particulier :
Le souci d'encyclopédisme disparaît : il ne s'agit plus de « tout enseigner» avant 14 ans : la formule célèbre de Gréard sur « ce qu'il n'est pas permis d'ignorer » change de sens,
La notion même de programme est à réviser : jusque-là, on a valorisé le rôle des connaissances au point que notre enseignement actuel est conçu pour former un individu à peu près uniquement par le truchement de connaissances : mais est-ce le bon moyen ?
Par contre, il devient plus nécessaire que jamais d'affermir les mécanismes et d'éveiller des aptitudes.

B. D'ORDRE PRATIQUE
Dans cette perspective, y a-t-il lieu de :
I. Retoucher les programmes (afin de les mieux harmoniser avec ceux du deuxième degré) ?
II. Intensifier le rôle de certaines bonnes habitudes et en monter de nouvelles ?
III. Eveiller et fortifier davantage certaines aptitudes ?
IV. Modifier les méthodes d'enseignement ?

I. LES PROGRAMMES
1. Suppression de l'enseignement de l'histoire au C.E., ou du moins transformation radicale de la manière de l'enseigner : non plus à partir des faits historiques eux-mêmes, mais en donnant d'abord à l'enfant le sens du temps (manipulation du calendrier, célébration des anniversaires, etc.)
2. Suppression de l'enseignement de la géographie au C.E. 1, ou du moins modification dans la manière de l'enseigner : non plus « systématiquement », mais « occasionnellement » (a partir du milieu et en fonction des apports enfantins captés par le « texte libre » ou « l'observation libre », ainsi que par les échanges interscolaires).
3. En grammaire :
En ce qui concerne la nomenclature, application généralisée de la brochure La grammaire à l'Ecole Primaire.
En ce qui concerne la progression, entorses faites pour l'application de cette brochure an niveau du C.M. 2 (où, brusquement, presque toute la grammaire apparaît.
Notamment, suppression de :
— certains termes trop « savants » : Locution, antécédent ;
— étude de l'apposition ;
— attribut de l'objet ;
— complément de l'adjectif ;
— temps peu usités du conditionnel et du subjonctif (on ne les esquive pas quand on les rencontre dans un texte, mais on ne les étudie pas systématiquement) ;
— notion de mode en tant que telle ;
— verbes impersonnels ;
— temps composés à la forme passive ;
— complément d'agent, complément d'attribution (nullement nécessaires pour l'initiation à l'ablatif ou au datif, en latin, contrairement à un préjugé répandu : il suffit de substituer, dans la pratique courante, à une grammaire-étiquette une grammaire fonctionnelle) ;
— généralisation d'une disposition typographique uniforme pour l'analyse logique (au maximum trois propositions) ;
— l'étude systématique des exceptions (dans la mesure où elles risquent de masquer la règle générale),
^oublions pas que, si la progression grammaticale est trop rapide, surtout au niveau du C.M.2, c'est sans doute parce qu'elle a été conçue en fonction de l'examen d'admission en sixième. Mais précisément, ce dernier a été supprimé. 4. En calcul :
Vœu exprimé ; fusion du programme de calcul dans les 6" de C.C. et les 6's de lycée et collège.
Suppression de l'étude des fractions (absente en 6 ). Suppression de : « intérêts, escomptes, ventes» ; Suppression de :
— l'étude du mouvement uniforme ;
— du calcul des surfaces latérales ;
— la décomposition d'une figure en triangles, rectangles et trapèzes rectangles;
— l'étude du trapèze ;
— notions de densité ;
— calcul de l'échelle (à étudier en géographie).
Vœu : latitude laissée à chaque Inspecteur d'Académie d'éliminer les notions ci-dessus dans les épreuves de l'examen d'entrée en 6', sauf dans le cas d'une refonte en ce sens des programmes de calcul et de grammaire, évidemment.

II LES BONNES HABITUDES

physiques :
a) avant la fin du C.E.2 :
— nécessité d'être propre et ordonné (généralement, l'emploi de feuilles volantes lors de l'initiation au travail à la plume, ne pas gribouiller le livre, distinguer gomme à encre et gomme à crayon, ranger sa case, mettre dans son cartable seulement les livres nécessaires pour le lendemain, etc.) ;
— écrire automatiquement la date et la nature de la discipline ;
— avoir le réflexe d'utiliser la règle pour séparer les exercices ;
— recopier fidèlement un texte inscrit au tableau noir ;
— recourir automatiquement à certaines dispositions typographiques immuables (en calcul surtout), après en avoir « redécouvert » fonctionnellement le bien-fondé.
b) surtout à partir du C.M. :
— se servir impeccablement de la règle, du double-décimètre, et de l'équerre, déjà adroitement du compas et du rapporteur ;
— savoir reproduire un croquis et, dans certains cas, l'inventer ;
— à tout le moins ne jamais omettre le point à la fin de la phrase. Avant tout, deux habitudes :
— tailler son crayon, changer sa plume, remplacer son buvard sans observation préalable du maître ;
— retrouver soi-même en un minimum de temps l'exercice indiqué, le livre voulu, la leçon pouvant aider à faire le devoir.
D'une manière générale, soigner autant les « cahiers spéciaux» que le cahier du jour (sans quoi les bonnes habitudes acquises ici se perdent là).
L'expérience prouve que des leçons d'écriture au C.M. ne sont pas nécessaires si l'on a pris soin de corriger régulièrement tous les travaux écrits. Durant le premier trimestre du C.M.l, en réintroduire toutefois éventuellement.

Mentales :
a) Première urgence : habitudes à monter impeccablement et définitivement :
— en calcul : recourir au calcul mental toutes les fois que possible ;
— utiliser correctement les symboles et abréviations réglementaires ;
— savoir choisir l'unité adéquate ;
— se demander si le résultat est vraisemblable ;
— se passer des lignes du cahier quadrillé pour la construction des figures géométriques ;
— reconnaître l'absurdité immédiate d'une donnée (de temps en temps, donner des problèmes absurdes) ;
— recourir à un croquis toutes les fois que possible ;
— donner son état civil ;
— diriger un service en classe : affichage de documents, météorologie, plantes en pots, etc. ;
— faire et transcrire des observations continues (métamorphose d'une grenouille, etc.) ;
— apprendre une leçon la plume à la main ;
— relire la leçon avant d'apprendre !e résumé éventuel.
Avant tout, en toutes matières, habitude de se relire et de se corriger (d'énormes progrès seraient réalisés en orthographe si cette habitude était bien ancrée),
— savoir exploiter toutes les ressources du dictionnaire (non seulement sens, mais orthographe, genre, synonymes, expressions, etc.) et monter impérieusement le réflexe d'y recourir en toutes occasions (par les séances du vocabulaire, on n'apprend durant la scolarité que quelques milliers de mots, alors qu'il suffit de savoir utiliser le dictionnaire et surtout éprouver le besoin de s'en servir, pour que les 50 000 mots de la langue française soient constamment disponibles). N'oublions pas le rôle capital du dictionnaire en latin et langues vivantes : raison de plus pour y préparer ;
— apprendre à apprendre par cœur (on ne saisit pas assez en général l'occasion des séances de récitation) en prévision des connaissances acquises à partir de la sixième,
b) Deuxième urgence
— savoir comprendre et discuter un règlement (le règlement scolaire, par exemple, à défaut du règlement de la coopérative) ;
— trouver seul, dans un manuel ou tout imprimé, l'explication du résumé ou le complément d'une leçon ;
— rechercher spontanément des documents ;
— savoir distinguer l'essentiel de l'accessoire (ne pas renoncer au compte rendu de lecture sous prétexte qu'il a disparu de l'examen d'entrée en 6! !);
— savoir mettre en forme un raisonnement (et, pour cela, élargir l'éventail des tâches en donnant, par exemple, comme sujet de rédaction, le compte rendu de la dernière expérience de sciences) (1) ;
— habituer à faire ses devoirs quelques jours à l'avance ;
— apprendre à faire preuve d'esprit critique à propos, non seulement de ce qu'on lit, mais de ce qu'on entend (entretiens spéciaux organisés à cet effet).


III. LES APTITUDES

A propos des conférences pédagogiques 1959, Freinet écrit : « dans une école traditionnelle, on pourra déceler peut-être si tel enfant est prédisposé en français — intellectuel et scolastique — au calcul abstrait, à l'exercice de la mémoire dans l'acquisition des connaissances de base. Mais c'est tout. Or, ce ne sont là que trois ou quatre branches anémiques de l'immense éventail des acquisitions et de la culture. Ce n'est pas cette école qui pourra dire si l'enfant a des capacités artistiques, scientifiques, de création, de recherche (poésie, mécanique, histoire, géographie), d'audace, et d'allant. C'est pourtant
avec ces réalités — que l'école méconnaît, lorsqu'elle n'en tue pas l'éclosion — que se bâtit le monde nouveau ». Ce verdict est-il trop sévère ?
Sans doute, un bon maître de classe traditionnelle parvient quelquefois, non seulement à éveiller, mais même à affermir certaines aptitudes. Tel d'entre eux écrit :
— « le fait d'avoir en classe un orchestre de pipeaux a suscité, parmi mes élèves, des candidats au Conservatoire d'un côté, le développement d'une société de musique de l'autre ;
— « le fait d'avoir participé au concours de l'Ecole fleurie a dirigé certains élèves vers l'horticulture ;
— « le fait d'avoir gagné une coupe à un tournoi de volley-ball a provoqué la création d'une équipe locale de minimes.»
Mais n'y parvient-il pas, le plus souvent, en dépit d'un cadre de travail par trop rigide ?
Les réponses au questionnaire diffuse préalablement font apparaître que, dans le cadre traditionnel, il n'y a guère place à des activités favorisant réellement, soit le travail individuel (se fixer une tâche, réunir la documentation nécessaire, en rendre compte), soit le travail par groupes (l'idéal suprême est d'éviter le copiage !) au moins sous la forme d'une initiation particulièrement utile pour des études prolongées.

IV. LES MÉTHODES
Dans le département de Y., certains tests ont été appliqués courant octobre 1959 aux élèves d'un certain nombre de classes de 6',
D'une manière générale, les résultats se sont avérés pas trop décevants pour le calcul, mais par contre assez faibles en grammaire :
Il s'agit là d'un fait dont il importe de déceler les causes. Devant les résultats insuffisants, on invoque généralement :
1. les mauvaises conditions de travail :
— locaux exigus, mobilier inadapté, manque de matériel ;
— non remplacement des maîtres malades ;
— recrutement parallèle des remplaçants sans formation ;
— effectifs surchargés.
2. l'influence néfaste du milieu social :
— insuffisances du milieu familial, rôle de la télévision, du cinéma, de la presse, etc., vie moderne trépidante.
3. la surcharge des programmes et la course aux examens (il faut cependant reconnaître que les examens de passage sont interdits, que l'examen d'entrée en 6! est supprimé pour la majeure partie des élèves, que le C.E.P, va disparaître).
Tous ces arguments sont fort valables en eux-mêmes (surtout i et 2), Mais faut-il chercher uniquement en ce sens ? Certaines explications sont possibles :
— la conscience professionnelle des maîtres : elle n'a pas lieu d'être incriminée dans l'immense majorité des cas ;
— les programmes : les pourcentages de réponses fausses sont évidemment plus élevés pour les notions difficiles (attribut de l'objet, etc.) ; mais ils se révèlent tout de même importants pour des notions qui ne dépassent pas le niveau d'assimilation d'un enfant normal ;
— les bonnes habitudes de travail n'ont pas été toujours suffisamment assises. Mais est-ce seulement une question de bonne volonté de la part du maître ? D'où le problème : si les professeurs de 6! ne sont pas entièrement satisfaits
et puisqu'un nombre croissant d'élèves va se diriger vers le deuxième degré, n'y a-t-il pas lieu d'incriminer les méthodes communément pratiquées et de préférer celles qui s'orientent le mieux dans le sens requis ?
Dans les écoles publiques françaises sont pratiqués actuellement trois types de méthodes :
1. les méthodes foncièrement traditionnelles ;
2. les méthodes traditionnelles « évoluées » ;
3. les méthodes d'avant-garde.
Les premières sont rares. Les secondes, de très loin les plus répandues, présentent en réalité tous les degrés « d'évolution ». Les dernières elles sont guère représentées que par un seul mouvement véritablement créateur : les « techniques Freinet» (les autres masquant leur indigence ou leur faillite derrière un écran de superbes principes!
Si les méthodes traditionnelles évoluées connaissent encore la faveur générale, c'est parce qu'elles répondent le mieux à la tradition idéaliste occidentale (qu'on ne s'y trompe pas ; le style d'enseignement des jésuites n'a pas été beaucoup modifié dans sa texture) et ainsi qu'à l'éclectisme officiellement admis (on prend ce qu'on croit être le meilleur de chaque côté).
En réalité, les méthodes foncières traditionnelles avaient l'avantage de s'appuyer sur un cadre solide. Et l'on peut se demander si tous les essais tentés, depuis lors, pour les «rénover» (sans jamais d'ailleurs modifier réellement la direction initiale) n'ont pas eu pour principal effet, en voulant assouplir ce cadre au point parfois de le disloquer, de détruire ce qui en faisait la vertu, à savoir sa rigidité même. (C'est un fait que les résultats étaient meilleurs au début du siècle en orthographe, voire en calcul).
Au contraire, les techniques Freinet préparent beaucoup mieux à l'enseignement du second degré puisqu'à l'heure où les connaissances élémentaires sont désormais appelées à un moindre rôle, elles éveillent plus largement et finement les aptitudes, initient davantage au travail autonome, favorisent l'esprit critique et la curiosité tout en montant aussi solidement les mécanismes (nous reviendrons plus loin sur ce dernier point).
Dès lors, comme il ne saurait être question d'en revenir aux méthodes foncièrement traditionnelles et comme l'évolution sociale commencée autour de nous rendra ses exigences toujours plus impérieuses, le problème est de savoir si l'éclectisme maintenu plus longtemps ne devient pas une erreur.
Qu'on rejette les techniques Freinet après un examen sérieux, c'est concevable. Ce qui l'est moins, c'est qu'on les condamne sans s'être informé objectivement. Or, comme le prouvent les réponses au questionnaire, il subsiste encore à leur endroit certains préjugés qu'il importe une bonne fois de dissiper.
1, Les techniques Freinet ne réussiraient qu'avec une élite. En France et plus particulièrement dans ce département, elles sont surtout répandues dans les classes de perfectionnement.
2. Elles ne réussiraient qu'avec des enfants bien adaptés à leur milieu.
A Vence, Freinet choisit de préférence ses élèves parmi les inadaptés afin de les rééquilibrer,
3, L'Ecole Freinet fait vivre dans un monde idéal et convient pour un monde idéal. Les techniques Freinet reposent sur l'exploitation du milieu ambiant tel qu'il est et s'y adaptent.
4. Les méthodes Freinet font trop confiance à la spontanéité enfantine et aux richesses latentes. On peut se demander si ce n'est pas plutôt le cas des méthodes traditionnelles « évoluées » dont le procédé favori est l'interrogation socratique ou interrogation de découverte : on veut à tout prix faire dire à l'enfant ce qu'il est bien incapable de trouver, faute de documents, d'intérêt pour le problème soulevé ou même de possibilités de compréhension pour le type de questions posées.
En réalité, si les techniques Freinet s'inspirent des apports enfantins, ces apports — texte libre, données de calcul vivant, etc. — ne sont que des points de départ et le travail est d'autant plus à la mesure des élèves que les cheminements sont libres.
5. Comment la classe entière peut-elle s'intéresser à l'apport d'un seul élève ?
Par le travail — « l'éducation par le travail » « collectivise » l'intérêt
beaucoup mieux que la salive du maître.
6. Une authentique exploitation du milieu est possible en milieu rural, mais très difficile en milieu urbain.
L'expérience prouve qu'il ne faut rien exagérer et qu'on demeure le plus souvent à une confusion entre « étude du milieu local » et « exploitation du milieu »,
7. « Nous avons été mal formés. Nous n'en sommes pas responsables ».
C'est à peu près comme si un ingénieur voulait pendant toute sa carrière
construire des ponts comme il l'a appris et comme si un médecin refusait l'emploi des antibiotiques sous prétexte qu'on n'en parlait pas au temps de ses études.
8. « Si je change radicalement de méthodes, je risque pendant un certain temps de tâtonner. Est-ce qu'on ne va pas m'en tenir rigueur?»
C'est beaucoup plus sympathique. Et il est plus intelligent de faire confiance à son Inspecteur primaire en l'avertissant d'emblée du changement de méthodes,
9. Y a-t-il des possibilités de changement progressif? Oui: cf. Mathieu dans ses « Dits», « il ne faut pas se lâcher des pieds avant de s'être accroché des mains ».
L'Educateur, n° 20 du 1-9-59, précise, page 9, la marche à suivre.
10. Si je supprime mon cadre de travail actuel, je vais déboucher sur le vide et aboutir a l'anarchie ou l'aventure ! »
Mais non. 11 ne s'agit pas de détruire pour détruire, mais de détruire pour remplacer, autrement dit de substituer à une cadre de travail (l'enseignement à coup de « leçons ») un autre cadre de travail (l'enseignement par les activités fonctionnelles) tout aussi solide et net que le premier.
11. Les techniques n'ont pas de vertu par elles-mêmes et d'ailleurs « la méthode vaut ce que vaut le maître ->.
Assurément « la part du maître » reste capitale. Mais il n'en faut pas moins des techniques précises pour la masse des pédagogues qui ne sont pas des « éducateurs-nés ». Et il convient plutôt de dire : « la méthode vaut dans la mesure où l'on y croit ». Les maîtres du début du siècle croyaient à leurs méthodes (pour la raison très simple qu'il n'en existait alors pas d'autres) d'où leur succès. Les maîtres actuels sont troublés et ils ne peuvent ni revenir en arrière, ni s'accommoder d'un éclectisme pour le moins paradoxal.
12. Les techniques Freinet suppriment l'effort et le sens de certaines contraintes.
C'est là une objection ridicule pour qui a vu fonctionner une authentique « classe Freinet». Elles ont simplement pour but de faciliter la compréhension et de permettre l'assimilation : ce qui est très différent.
13. Les mécanismes sont sacrifiés (ce qui est très grave pour des élèves appelés en masse à continuer « leurs études »).
Au contraire. Ils sont davantage affermis si l'on suit le conseil de Freinet : « nous séparons davantage compréhension et mécanisation » et si, notamment, on utilise à bon escient les fiches autocorrectives (on croit encore communément que les techniques Freinet n'ont pour but que d'éveiller l'intérêt et on n'en connaît qu'une : le texte libre !).