Psycho-sociologie de l'inattention

Avril 1960

« Comment capter l'attention des enfants, comment les amener à accomplir l’effort de concentration plus ou moins prolongée nécessaire à l'acquisition des connaissances les plus simples comme les plus compliquées ? » Cette question élémentaire se pose à tout enseignant, à tout homme qui entreprend de transmettre à des enfants son savoir, son expérience de la vie, sa culture. Un esprit inattentif réagit comme un terrain imperméable : les mots n'atteignent que l’oreille ; ronronnement monotone de la classe, univers sonore de la rêverie, rien de ce qui est dit n'accroche et ne soutient l'intérêt ; le désert où prêche le maître ne s'incruste d'aucune idée féconde ; il semble bien que rien n'y germera jamais, sinon, comme des herbes folles, des pensées banales ou incongrues, des images incohérentes, des désirs inavouables.

 
L'attention apparaît d'emblée comme une des conditions indispensables à toute formation intellectuelle et morale. Non seulement elle facilite l'acquisition des réflexes nécessaires à la vie sociale et à l'apprentissage intellectuel, mais surtout elle place l'individu dans une situation d'accueil, de réceptivité à l'égard de la pensée et des valeurs d'autrui. Elle est une des expressions de cette existence « en avant de soi-même» (ad-tendere) par où filtre l'incomplétude de l'homme et par où la destinée personnelle prend le sens d'une communication et d'une coopération avec les hommes. L'inattention, lorsqu'elle devient pathologique, retranche l'individu hors de la communauté humaine. Un des caractères les plus nets de l’aliénation mentale ne réside-t-il pas dans l'impuissance à se concentrer, à effectuer des synthèses et à intégrer à sa propre personnalité les avances, les sollicitations du monde alentour ? Le malade se clôt dans sa propre solitude et, tel l'Homme des Foules d'Edgar Poe, erre à la poursuite de lui-même sans jamais se rencontrer, perdu dans l'éparpillement disparate d'un kaléidoscope brisé.
 
Or, si l'on en croit la presse pédagogique, si l'on retient les confidences de collègues instituteurs ou professeurs, si l'on se réfère enfin à sa propre expérience, il devient évident que l'attention enfantine s'impose de nos jours, avec une urgence croissante, comme un nœud impressionnant de problèmes et de difficultés. Psychologues, pédagogues, sociologues, pédiatres, tous les spécialistes sont unanimes à constater que les générations scolaires actuelles souffrent d'une impuissance chronique à se recueillir, d'une instabilité motrice et d'une inconsistance de la mémoire véritablement alarmantes, et cela à tous les degrés d'enseignement.
 
Et notons en passant que les auteurs de ce diagnostic sont généralement assez lucides pour ne pas porter ce problème sur le plan des valeurs. Il ne s'agit pas, en effet, d'opposer, qualité pour qualité, défaut pour défaut, la jeunesse d'aujourd’hui et celle du bon vieux temps. De vénérables instituteurs peuvent regarder l'affaissement du niveau orthographique comme un symptôme de décadence et, dès lors, jeter la pierre aux actuelles générations d'écoliers (ou aux jeunes maîtres). Le pédagogue, lui, doit se garder de tout jugement de ce genre. Son unique préoccupation doit être de chercher à comprendre l'enfant afin de le mieux guider.L'enfant instable, inattentif, incapable de se fixer sur un objet matériel ou sur une idée devient un enfant attachant dès que l'on a senti la misère réelle de sa personnalité — et qu'il est beaucoup plus victime que coupable. En effet, ce que trop de maîtres appellent mauvaise volonté, paresse, négligence n'est, bien souvent, qu'infirmité de l'esprit, impotence intellectuelle, faiblesse du caractère — tableau clinique dont l'enfant, comme nous le verrons, est loin d'être le premier responsable. Car il n'est pas nécessaire d'être un docte pour comprendre que l'enfant doit subir de multiples influences, assimiler de multiples rencontres avant de parvenir à l'âge adulte et que la maturation de sa personnalité s'opère à travers un dialogue et une dialectique qui le situe constamment par rapport à un milieu de vie. La personnalité est ainsi faite d'acceptations et de refus.
 
Nous ne croyons pas en un déterminisme du milieu qui agirait sur l'enfant comme sur une cire molle. La psychogénèse individuelle révèle à l'analyste beaucoup trop de réactions inattendues, imprévisibles (1), L'idée d'une nature enfantine virginale, tabula rasa, ne résiste donc pas à l'observation de la réalité concrète. Dès sa naissance (et donc avant même de naître), l'enfant semble bien s'affirmer avec une originalité saisissante, il n'y a pas d'enfant neutre. L'action du milieu ne s'accomplit pas à sens unique. L'enfant ne reste pas simplement passif à l'égard du monde (humain, matériel) environnant ; il prend position (2). Il n'empêche toutefois que l'enfant est loin d'être libre à l'égard de son milieu de vie. Ce milieu — milieu familial, milieu scolaire, reflets eux-mêmes d'un milieu de civilisation et incarnant une conception du monde — est d'ailleurs beaucoup trop riche, trop complexe, trop vaste, trop débordant (3) pour que l'enfant en devienne jamais le maître. De toutes parts, l'enfant se trouve investi, sans même s'en apercevoir. Car tout le problème est là : les événements les plus considérables de l'enfance se déroulent sur un mode inconscient, insoupçonnable. L'enfant est modelé malgré lui par la façon de vivre, de penser, de sentir, de son milieu.
 
Si l'enfant nous parait donc malade dans son caractère, s'il nous afflige par sa nervosité anormale, par son agitation motrice ou son instabilité intellectuelle, il est nécessaire et de première urgence de connaître le milieu de vie où il évolue (4).
 
Sans doute faut-il éviter de tomber dans certains abus de la psychologie et de considérer comme des cas pathologiques des situations qui s'expliquent par une immaturité normale de l'esprit. Chacun sait que le jeune enfant (à l'âge de la Maternelle, par exemple) ne peut s'appliquer longtemps à une tâche, même librement choisie ; il passe continuellement d'une occupation à une autre, comme il passe aussi d'un sentiment à un autre, du rire aux larmes ; c'est que le jeune enfant est tout entier en proie aux sollicitations d'un éternel présent. Buytendijk (5) a finement noté la corrélation de la dynamique corporelle du jeune enfant avec cette situation psychologique : la dynamique enfantine se caractérise par une profusion de mouvements qui, apparemment, ne servent à rien ; les bras et les jambes s'agitent, la tête se tourne et se détourne, le buste oscille constamment, tout cela sans but précis (6).
 
D'un point de vue esthétique, cette chorégraphie naturelle de l'enfant exprime une existence que n'affecte pas le sérieux de la vie ; cette surabondance gratuite des gestes témoigne d'une inconsciente générosité et d'un inconscient optimisme de l'enfant dans sa venue au monde : l'enfant inquiet ou intimidé cesse de remuer, Cette inquiétude, cette intimidation sont d'ailleurs le signe d'une irruption étrangère dans le monde de l'enfant ; elles indiquent une expérience toute primitive de l'insolite. L'insolite, en nous désétablissant de nos habitudes, captive l'attention (7) ; l'imprévu, l'anormal, le nouveau fixent le regard, suspendent et ramènent à leur point de départ les attitudes engagées dans l'action. Nous touchons ici au fondement psychologique de la pédagogie des centres d'intérêt. L'art de la Maternelle est, pour une bonne part, de créer un climat d'attente tout en suscitant l'événement qui dépasse cette attente. Alors l'esprit enfantin reste actif, tonifié, excité par un univers riche de surprises. L'attention rend compte d'une tension vers le monde lorsque celui-ci non seulement répond à notre attente mais soulève nos questions. Si la réponse du monde correspondait exactement à la mesure de notre appétit nous serions bien vite rassasiés ; peut-être même n'aurions-nous jamais faim. Il faut donc finalement que l'attendu se révèle comme inattendu (8) : alors nous ne risquons pas de nous endormir de satisfaction.
 
Il est donc possible de dire que, chez le jeune enfant, l'attention, sous la forme d'une perception prolongée, captive de l'objet, répond à une situation assez exceptionnelle. Elle ne peut s'appuyer sur une volonté inconsistante. Elle fait corps avec un intérêt affectif que l'adulte, par exemple, peut solliciter avec plus ou moins d'art ou d'astuce.
 
Cependant les possibilités d'attention se développent normalement avec la maturation mentale de l'individu. Mais cette maturation est elle-même toute une histoire, faite d'accidents, de ruptures d'équilibre, de réadaptations... L'attention ne se présente pas comme une faculté en soi, isolable du reste de la personnalité. C'est une réalité historique, solidaire de la totalité de la psyché, solidaire par conséquent de certaines options. C'est ainsi qu'un enfant se concentrera facilement sur une occupation manuelle mais se montrera incapable d'un effort prolongé en face d'une version latine ou d'un problème d'algèbre. Rapidement, on peut dire que la courbe de l'attention reproduit avec fidélité la courbe des intérêts de l'enfant ; mais ces intérêts ne sont pas dénués de signification, ils expriment une certaine orientation de l'existence : orientation vers la spéculation abstraite ou vers la manipulation concrète, vers l'action ou vers la contemplation, vers la création esthétique ou vers l'activité mercantile, etc. Chaque enfant possède son domaine de prédilection dans les frontières duquel l'attention s'exerce naturellement, pour ainsi dire sans effort (9). Plus on s'éloigne de ce centre béni d'activités plus l'effort d'attention devient coûteux. Méfions-nous cependant de la systématisation. La psyché n'est pas faite seulement de nos goûts et de nos répugnances. Nous connaissons trop d'enfants dont les goûts se définissent avec précision (si l'on en croit les tests), mais dont l'incapacité de réflexion prolongée et de recueillement, même lorsque ces goûts sont en jeu, ne laissent pas de nous étonner. Bien des enfants, par exemple, affirment qu'ils aiment lire ; mais beaucoup parmi eux sont incapables de rester longtemps sur un roman même si celui-ci les intéresse ; ils commencent un chapitre, l'abandonnent, y reviennent, le quittent de nouveau, sautent quelques pages, parfois n'achèvent jamais le livre ou se contentent de regarder la lin. Beaucoup de projets, nés dans l'enthousiasme, échouent ainsi lamentablement (10). Ici, nous sentons bien que nous approchons du domaine pathologique. Jusqu'à quel point, en effet, pouvons-nous continuer d'invoquer un manque naturel de maturité intellectuelle ? Sans doute, il y a une enfance de l'intelligence ; sans doute des retards (nous dirions volontiers des attardements) peuvent se récupérer ; sans doute des matières d'enseignement (le latin, la géométrie, par exemple) exigent une capacité de réflexion et un effort d'attention (11) dont relativement peu d'élèves sont capables.
 
A partir de quel moment les défaillances de l'attention deviennent-elles alarmantes et prennent-elles l'allure d'un déséquilibre mental? La question est peut-être plus difficile à résoudre en théorie qu'en pratique. En fait, l'éducateur qui a acquis une certaine familiarité avec le milieu enfantin distingue assez rapidement les sujets plus ou moins fortement déséquilibrés de ceux qui manquent d'une certaine maturité spirituelle. Dans les classes de jeunes adolescents on rencontre souvent des élèves dont la croissance physique marque un retard et dont la mentalité semble encore fixée à des perspectives enfantines. Ils travaillent généralement avec plus de conscience et de constance que leurs camarades plus développés mais ils persistent dans une certaine naïveté qui, à leur âge, n'est plus de saison.
 
De ce type de grand enfant, il faut nettement distinguer l'instable anormal, celui dont l'esprit papillonne sans cesse, dont le corps ne tient pas en place, celui qui est littéralement incapable de persévérer dans une tâche même intéressante. Il est souvent très loin d'être inintelligent. Et rien n'est plus déconcertant, et parfois irritant, que de voir à l'œuvre un enfant dont les intuitions très fines, très perspicaces s'expriment à travers des réponses saisissantes, mais qui est impuissant à creuser son idée, à l'approfondir, à l'étayer par un travail patient et méthodique. Un tel enfant nous apparaît riche de possibilités mais condamné cependant à une vie intellectuelle stérile, faute de cet esprit de patience et de réflexion sans lequel on ne peut acquérir une culture valable.
 
Pour échapper à cette vision pessimiste, on est tenté de se dire que tout s'arrangera avec l'âge. Hélas ! les années passent ; d'une classe à l'autre l'enfant traîne son infirmité. On retrouve en fin de classes secondaires des élèves pratiquement identiques (sur le plan de la vie intellectuelle) à ce qu'ils étaient à l'école primaire. Les années d'étude n'ont fait qu'accuser davantage la désaffection pour une forme de travail dont le sérieux apparent ne répond à aucune attente du cœur ni de l'esprit. Le dynamisme affectif de l'adolescence, avec son besoin d'évasion, son aspiration à des horizons élargis, sa rumination sentimentale renforce seulement un processus de dissociation mentale amorcé dès le premier âge scolaire. L'élève n'adhère pas à son travail. Sa vie intérieure se disperse dans la rêverie où dans une propension irrésistible au bavardage, à la dissipation, au chahut.
 
Si nous essayons de dresser le tableau clinique du manque d'attention, nous constatons que l'irrégularité orthographique, le manque de suite dans le travail, le désintérêt pour les matières d'enseignement, la fuite devant les difficultés, la pratique exclusive des solutions de facilité, toutes ces carences, toutes ces défaillances traduisent un éparpillement de la vie mentale, comme si l'esprit enfantin manquait d'un centre de gravité et flottait à la dérive.
 
Notre propre travail parmi les enfants nous amène forcément à relever surtout l'aspect scolaire de l'inattention. Mais ce n'est là qu'un aspect parmi d'autres. L'éparpillement de l'esprit ne se limite pas seulement aux activités scolaires. D'une façon générale, l'instabilité mentale se double d'une instabilité motrice : nous nous trouvons en présence d'enfants nerveux, agités, bruyants, impulsifs, vivant dans une temporalité tellement morcelée que leur style d'existence évoque un piétinement épuisant, une danse fébrile, dysrythmique, qui périt elle-même de sa propre impuissance créatrice.
 
La question s'impose donc nécessairement : comment l'enfant a-t-il pu en arriver là ?
 
Nous ne prétendons pas, dans ce rapide examen, déceler toutes les causes de l'éparpillement mental. Mais, situant l'enfant à un carrefour d'influences biologiques, psychologiques et sociales, nous procéderons à une triple approche susceptible de nous fournir quelques points de repère. Cependant avant d'entreprendre cette analyse, nous ferons une remarque importante : la biologie, la psychologie et la sociologie constituent des disciplines étroitement solidaires qui ne peuvent se passer les unes des autres. L'être humain, à quelque moment de son développement qu'on le saisisse, est un tout ; il ne se laisse pas diviser en cantons ; on fait fausse route dès que l'on commence à opposer systématiquement le physiologique et le psychologique, par exemple. Le corps et la psyché appartiennent à une commune histoire, celle de l'être incarné qui évolue (progressivement ou régressivement) dans son rapport avec le monde. Ainsi, la maladie n'est jamais un fait purement physique ; elle entraîne avec elle une transformation du monde ; le malade n'est pas simplement atteint dans un organe — mais dans sa présence au monde, dans sa façon de sentir, de percevoir, de comprendre la vie.
 
Si nous reconnaissons donc que des troubles physiologiques (hépatiques, cardio-respiratoires, hormonaux) peuvent intervenir à l'origine de l'inattention, nous devons singulièrement élargir nos concepts : la présence gênante ou douloureuse d'un organe ou du corps tout entier retentit sur le rapport de l'enfant avec le monde. La lenteur de la digestion s'accompagne d'un ralentissement psychique et d'une sorte d'empâtement qui affecte tous les domaines de l'existence : le corps et l'esprit s'unissent sous le signe de la pesanteur. Nous les connaissons bien ces élèves épais et somnolents qui assimilent lentement les idées et les principes et dont le rythme de vie ignore l'exaltation, la fièvre, la précipitation.
 
A l'opposé, nous pouvons observer le nerveux, maigre, tout en angles, impatient, répondant aux questions avant de les avoir entendues, capables de concentration dans l'instant, mais inapte à un effort prolongé.
 
La médecine des tempéraments (12) est riche de recettes qui tendent à corriger les effets néfastes de cette emprise biologique. Dans l'ensemble, on trouve toujours une invitation à une transplantation de l'enfant dans un autre climat, qui stimule ou apaise selon les cas. Il est possible, d'autre part, grâce à un régime approprié ou en usant de produits adéquats de modifier le métabolisme. Le relèvement du niveau de l'attention traduit alors le progrès vers l'équilibre.
 
Dans l'orbite de la biologie, mais en un point d'interférence avec celle de la psychologie, nous pouvons évoquer parmi les sources de l'inattention scolaire, les préoccupations sexuelles qui caractérisent la fin de l'enfance. Il s'agit ici d'un déplacement de l'attention. Le jeune adolescent est comme envoûté par ta sourde présence de son corps sexué. Présence accaparante, facilement obsédante, qui ne laisse plus à l'esprit la liberté de s'adonner aux abstractions de l'enseignement. La pente charnelle est trop vertigineuse, dans sa violence comme dans sa subtilité. Il y a bien des heures où le goût pour les mathématiques ou la littérature n'y résiste pas. La rêverie érotique (plus ou moins narcissique) environne l'adolescence. Elle se mêle à toutes les aspirations vers les lointains de l'espace et du temps, qui caractérisent cet âge de la vie. Tout adolescent passe par cette voie. Tout adolescent doit affronter sa propre sexualité, en dépit du travail scolaire ou du conformisme domestique. Mais il est des sujets chez qui l'emprise sexuelle devient tellement accaparante qu'elle rend impossible l'exercice normal des activités intellectuelles. L'inattention, l’indifférence à tout ce qui n'est pas érotique est une constante de l'obsession sexuelle.
 
Mais le problème de la sexualité déborde largement la sphère biologique. Le sexe n'est pas une réalité simplement physique. C'est une réalité culturelle. C’est une réalité psychique, qui renvoie à l'histoire de l'individu (Lebensges- chichte).
 
C'est le mérite essentiel de la psychanalyse d'avoir envisagé l'être humain à travers la progression de ses conflits affectifs. A l'image classique d'une entité immuable, hors de l'espace et du temps, elle a opposé la genèse dramatique de l'existence. Les fameux complexes dont s'est emparée, à tout propos, la vulgarisation journalistique, nous laissent entrevoir, en fait, la dimension historique de l'existence. L'histoire de l'homme ne se borne pas à celle des régimes politiques et économiques qu'il a traversés; c'est bien plus intimement, l'histoire de ses attachements et de ses dénégations, l'errance de ses désirs, les inquiétudes et les certitudes de son cœur. A cette psychologie dynamique l'être enfantin apparaît comme un objet de prédilection. Si la psychanalyse prend, en effet, plus souvent, l'allure d'une recherche des composantes infantiles de la personnalité adulte, cette recherche même — et par là l'efficacité de la tentative analytique — exige une connaissance particulièrement fine de la psychogenèse enfantine.
 
L'école freudienne met l'accent sur l'importance de l'ambiance familiale dans l'histoire de l'affectivité enfantine. L'enfance se présente comme une prise de position à l'égard du père, de la mère, des frères et sœurs. Situation singulièrement ambivalente où l'amour prend souvent le visage de la haine et la haine celui de l'amour.
 
Ce n'est pas ici le lieu d'analyser les différents conflits affectifs de l'enfance. Dans le cas qui nous préoccupe, nous devons seulement reconnaître que l'enfant en proie à la jalousie ou au sentiment d'abandon se trouve dans des conditions très défavorables pour le travail scolaire. Ï1 en va de même de l'enfant témoin de scènes de violence ou de misère dans sa famille. La mésentente familiale, la déchéance des parents ne favorisent nullement l'application à l'étude. En classe tandis que le maître pérore et que les élèves font mine de travailler, l'enfant malheureux s'isole en lui-même et rumine sa détresse, les yeux rougis de sa mère, le ricanement de son père, le maquillage provoquant de sa grande sœur. Cette souffrance, l'enfant ne la domine pas, ne l'analyse pas. Il fait corps avec elle. Il l'éprouve comme sa propre densité. II n'en parle pas. A la hantise de l'enfer familial s'ajoute la rupture de communication avec le monde. L'enfant mène l'existence d'un être d'exception, voué à l'inavouable. Bien souvent, il est loin d'être conscient de l'épaisseur même de son mal. Son déséquilibre affectif se traduit seulement par de l'agressivité ou par une extrême soumission, par le mensonge, le vol, la provocation obscène et naturellement par l'abandon du travail scolaire. Le maître qui sanctionne purement et simplement (dans la pureté de sa conscience et la simplicité de son imagination) les écarts de conduite voit mauvaise volonté et vice là où se cachent peut-être la frustration et le désespoir ; et il baptise paresse ce qu'il faudrait souvent appeler névrose. Il est vrai que s'il cherchait à comprendre c'en serait fait de lui !
 
Etrangement proche de l'enfant frustré nous apparaît l'enfant trop aimé, prisonnier d'un amour captatif, tyrannique, déséquilibrant. Ainsi des liens affectifs, douteux, se créent facilement entre une mère esseulée et un fils unique. Sur ce terrain s'enracinent souvent des anomalies sexuelles. Mais déjà bien avant la puberté, l'enfant noyé dans un véritable débordement d'amour maternel risque de développer une excessive pusillanimité et de se satisfaire d'une passivité aussi redoutable pour sa vie intellectuelle que pour son équilibre affectif. Le trop aimé est, lui aussi, un mal aimé, voué à une existence gauchie, sous le signe d'un infantilisme persistant.
 
La famille n'est pas le seul milieu humain qui intervienne dans la structuration de l'existence enfantine. La famille elle-même se fait l'écho d'un milieu beaucoup plus vaste : la civilisation. A travers la famille, à travers l'école, à travers le spectacle de son village ou de sa ville, l'enfant prend contact avec un milieu de civilisation avec lequel il aura à compter toute sa vie, soit qu'il l'accepte sans jamais le mettre en question, soit qu'il le critique et le refuse.
 
La psychanalyste américaine Karen Horney a bien mis en lumière l'importance du milieu de civilisation dans le développement de la vie psychique (13). S'il est dangereux de se fixer dans une attitude anarchisante, en se refusant à toutes les valeurs proposées par le milieu de civilisation, l'attitude inverse n'est pas moins redoutable : l'acceptation sans discrimination de toutes les normes et de tous les prestiges (factices ou authentiques) du milieu de civilisation aboutit finalement à une dépersonnalisation de l'individu ; à vouloir tout accueillir, on ne retient rien.
 
En tout cas, pour comprendre les difficultés que les enfants éprouvent actuellement dans leur apprentissage scolaire, il est nécessaire de nous interroger sur le climat de civilisation dans lequel ils baignent, Ensuite, nous examinerons ce qu'il en est de l'école.
 
Sans viser au projet grandiose d'une « analyse spectrale » de notre civilisation, nous pouvons facilement reconnaître quelques-unes de ses caractéristiques les plus frappantes : l'accroissement de l'urbanisation, l'importance de la vitesse et de l'image, l'invasion du bruit.
 
Par urbanisation, nous entendons non seulement l'augmentation du volume des villes, mais aussi le fait que la mentalité citadine, le genre de vie citadin gagnent du terrain, envahissent les campagnes.
 
Le gonflement des villes s'exprime dans la création continue de banlieues uniformes où les mêmes H.L.M. se répètent à l'infini, les foyers s'agglomèrent en une masse humaine anonyme, irritable et triste. Les enfants pullulent dans ces quartiers neufs. Ils cherchent bien à fuir les appartements trop petits, mais la plupart du temps, doivent se contenter d'un espace dérisoire entre deux blocs d'habitations qui les surplombent et les écrasent de toute leur laideur. En famille, c'est l'entassement, c'est le manque d'intimité dans un espace peuplé de tous les bruits des voisins, c'est l'irritation des parents surmenés par l'urgence des soucis matériels ou par l'inhumaine rigueur des horaires dans le monde industriel. L'urbanisation de notre civilisation se traduit donc par un resserrement de l'espace vital. L'occidental d'aujourd'hui ne sait plus respirer. Il vit dans un monde oppressant, qui limite au strict minimum l'acte respiratoire. Or cet acte est l'un des plus fondamentaux, si l'on considère l'homme dans sa présence à l'environ et dans sa présence aux lointains. La respiration est un véritable échange, une participation de l'homme avec le monde qui l'englobe : aspir et respir constituent une expérience tout à fait primordiale de notre ouverture à l'espace — et par là-même un des fondements de l'expérience esthétique.
 
L'enfant sans air vit déjà le déracinement de l'humanité moderne. La res­triction de l'espace dont il est victime menace le plus sérieusement sa croissance affective et donc sa santé mentale.
 
À cela s'ajoute le fait que l'homme d'aujourd'hui — l'homme technique — se trouve de plus en plus coupé de tout contact authentique avec la nature. Il reste plongé dans l'univers factice des grands magasins, des snack-bars et des cinémas — et il a perdu le sentiment de l'épaisseur puissante, hanté de présences, du sol sous ses pas. Il marche de plus en plus comme un automate.
 
Et déjà l'enfant est saisi par l'engrenage. Le petit citadin se fait une vision tout intellectuelle de la nature. Et parce qu'il a vu au cinéma ou au Jardin des Plantes les oiseaux de l'Amazonie, les ours blancs ou les pumas, il ne saura pas s'attendrir devant un moineau, un lapin de clapier, un chat de gouttière. Toute la cité, autour de l'enfant, conspire pour que, dès le plus jeune âge, il perde le sens de la proximité des choses au profit d'un exotisme facile et d'un pittoresque dénués de pesanteur.
 
Est-ce dès lors abonder exagérément dans la pensée de Rousseau que de considérer l'enfant de la ville comme un grand malade ? L'héritier des valeurs occidentales trahit-il son héritage ? Ou cet héritage lui-même n'était-il qu'une trahison ?
 
Toujours est-il que frustré dans son espace vital et privé de contacts féconds avec la nature, l'enfant de ville est un être incomplet, mal assuré dans l'existence, en perte d'équilibre. Et voilà l'enfant dont nous sollicitons l'attention, auquel nous prétendons apporter une culture. Jetterons-nous jamais le pont par-dessus l'abîme ?
 
Univers massif, vertical et fermé, la ville est aussi un monde fantastique, qui éclate dans une profusion d'images exaspérées : affiches, enseignes lumineuses, vitrines des magasins et, omniprésents, la radio, le cinéma, la télévision, la presse. L'enfant n'a plus le temps de déchiffrer par lui-même le visage des choses : les images le sollicitent par milliers ; et il lui arrive ce qui advient au buveur : l'excitation de l'ivresse vire bientôt à l'abrutissement. Entre tant d'images, l'enfant est incapable de choisir. Il accueille tout, il accepte tout, passivement, sans discrimination. Ou s'il choisit, c'est par une sorte de projection, de fixation de ses aspirations les plus violentes, les plus irrésistibles. L'image du gangster, du superman ou de la vamp cristallise des exigences affectives souvent inconscientes ; l'identification de l'enfant à ses héros sera d'ailleurs d'autant plus tenace qu'elle reposera sur des motivations plus enfoncées dans la nuit de l'inconscient. L'enfant moderne, et tout particulièrement le citadin vit en proie aux images. Elles conduisent en lui une sarabande incohérente et sans répit, qui laisse à son esprit peu de disponibilité pour les tâches intellectuelles. L'intempérance de l'imagination rend difficile l'accession à l'abstraction et à la logique ; l'attention s'abandonne à de séduisantes fantasmagories qui libèrent l'individu des contraintes austères de la vie quotidienne. (14)
 
L'hébétude engendrée par le jeu incessant des images s'aggrave du fait que l'homme moderne se trouve plongé, immergé, dans un espace sonore, cacophonique, dysrythmique. La T.S.F. agit puissamment. C'est d'une véritable intoxication par les ondes qu'il faudrait parler. La tête pleine de bribes de musique affolée, le corps hanté d'impulsions rythmiques saccadées, l'enfant remâche sa chanson parisienne comme un chewing-gum tenace, inépuisable mais épuisant. Dans la ville palpitante de bistrots et de cinémas, les musiques s'évoquent, se répondent, s'insultent, se heurtent, se font violence. Elles se mêlent à la rumeur intarissable des voitures, circulation trouée à tout moment de grincements, de crépitements, de halètements — enfer musical de quelque Jérôme Bosch technocrate et technomane.
 
Au vertige de l'image et du bruit se mêle, indissolublement, l'ivresse de la vitesse. Le rythme de la vie moderne va en s'accélérant. Cependant les possibilités d'assimilation intellectuelle de l'être en croissance ne semblent pas à la mesure de la richesse des connaissances nouvelles. L'enfant d'aujourd'hui sait plus de choses, il a vu et entendu beaucoup plus que l'enfant d'il y a trente ou quarante ans. Mais il est aussi beaucoup plus dispersé. Son savoir se développe plus dans le sens de la multiplicité que dans celui de l'approfondissement et de la maturation. Le témoignage des aînés, des anciens n'est pas sans valeur : en ce temps-là, les connaissances de base étaient mieux assimilées que de nos jours. On apprenait moins. On apprenait mieux. Aujourd'hui, il faut agir vite et suivre mille sentiers à la fois. C'est une exigence de la civilisation nouvelle ; celui qui ne s'y plie pas risque seulement d'être éliminé dans la course pour la vie. Comme Freinet le faisait remarquer récemment dans l'Education nationale, les perspectives et les méthodes de l'enseignement traditionnel répondaient à un état de fait ; elles étaient adaptées aux exigences de leur temps ; mais ce temps est révolu : dans notre civilisation de la vitesse, il faut fixer de nouveaux objectifs à l'enseignement et forger de nouvelles méthodes, en conséquence.                                                                      
 
Concentration de l'habitat, image, bruit, vitesse — tous ces facteurs concourent à structurer la sensibilité de l'adulte. Le climat d'existence, dans grande ville, devient de plus en plus nocif. Le citadin vit sur ses nerfs, il est souvent incapable de se maîtriser, de dominer les situations qui se présentent à l'intérieur de son foyer. Or le déséquilibre affectif des parents retentit singulièrement sur l'âme de l'enfant. Le garçon ou la fille qui habitent un espace familial en proie à l'agitation, à l'instabilité, au désordre, ne peuvent cultiver le recueillement, l'application, la persévérance. Encore une fois, la soi-disant paresse de l'écolier doit toujours nous renvoyer à l'analyse du milieu de vie. L’inattention est un mal social.
 
Nous avons insisté particulièrement sur l'atmosphère urbaine — la ville constituant notre propre monde d'expériences et le champ de notre activité. II serait intéressant de recueillir les témoignages d'éducateurs œuvrant en milieu rural. Quel visage l'inattention prend-elle (au regard du psychologue) dans nos écoles de campagne ? Quels facteurs spécifiques interviennent ici ?
 
Il est cependant un fait certain : grâce au développement des communications, à l'ampleur du tourisme et à l'extension de l'information par le journal et la radio, la mentalité citadine pénètre de plus en plus le milieu rural. Cette situation peut devenir bien vite alarmante dans la mesure où s'accélère ce processus d'urbanisation et où le monde rural se vide de ses valeurs culturelles propres.
 
L'enfant arrive à l'école. Il a toute la consistance, toute l'épaisseur de son expérience du monde ; il est naïf du dire qu'il se trouve encore à l'aube de sa vie ; il est engagé profondément dans l'existence ! à ce titre, la psychogénèse de la première enfance est décisive. Les crises qui jalonnent les cinq premières années chiffrent la destinée humaine d'une manière indélébile. A six ou sept ans, quoi qu'on pense parfois, les possibilités réservées à l'éducation sont loin d'être inépuisables. L'éducateur doit compter avec un individu dont l'affectivité est déjà profondément structurée.
 
Cette réserve faite, il est nécessaire d'examiner la situation de l'école face au problème qui nous préoccupe. Nous avons vu que l'inattention se manifestait avec une sorte de prédilection sous la forme scolaire ; nous savons aussi qu'elle représente la difficulté majeure, la pierre d'achoppement de l'enseignement. Mais le maître -— ou si l'on préfère, l'école — est-il simplement; victime de cet état de fait ? L'inattention del'enfant se développe-t-elle entièrement hors de sa présence ? Ou, au contraire, le maître et l'école (celle-ci en tant que présence matérielle et en tant que système d'enseignement) ont-ils une part de responsabilité et doivent-ils lutter contre un mal qu'ils concourent à engendrer ?
 
En fait, on ne peut nier la responsabilité du maître et de l'école en cette affaire, II est nécessaire de la dégager clairement afin de frayer à l'enseignement des voies nouvelles qui ne se perdent pas dans le bourbier.
 
Dans sa réalité matérielle, l'école se présente comme un espace climatique dans lequel baigne l'enfant et qui colore subtilement ses sentiments, ses émotions, sa vision du monde. Il est ainsi des enfances vouées à la grisaille, à la laideur, à la tristesse d'une classe privée de soleil, de grand air, avec ses quatre murs austères, véritable horizon schizophrénique. Il est des enfances vouées à l'entassement de quarante élèves dans un espace réduit où les coudes et les jambes se heurtent, où les respirations et les transpirations pèsent lourd. De telles classes évoquent irrésistiblement des locaux disciplinaires où l'apprentissage scolaire prend bien vite l'allure de travaux forcés. Si l'on songe que les enfants vivent bien souvent dans des conditions de logement déplorables d'où ils ne s'évadent que pour retrouver des rues mal aérées, humides et nauséabondes, on reconnaîtra que l'école ne fait que renforcer les influences du milieu de vie. La même constatation s'impose encore lorsque l'on évoque ces modernes groupes scolaires à proximité des cités H.L.M. où les enfants grouillent par huit ou neuf cents dans des cours de récréation aux dimensions ridicules — à tel point que les vingt minutes de répit qui coupent la continuité du travail ne procurent aucune détente aux élèves mais les amènent au bord du l'exaspération.
 
Et certes nous butons ici sur un problème qui n'est plus d'ordre psychopédagogique mais qui relève de l'économie et de la politique. Toutefois, cette dernière considération ne tend pas à supprimer la responsabilité des maîtres. Cette question a été soulevée directement dans le questionnaire « Equilibre et Déséquilibre » diffusé avec le second numéro de Techniques de Vie. L'examen des réponses qui nous sont parvenues élargit singulièrement le débat et éclaire au mieux l'aspect pédagogique du problème de l'attention.
 
 
 
(1) A la violence, un enfant répondra par la violence, l'agressivité ; un autre par la soumission, le silence, la fuite.
 
(2) Et cette prise de position (en face de la famille, des maîtres, des camarades mais aussi des animaux et des choses) constitue l'origine et fonde la possibilité même de l'expérience morale.
 
(3)Heidegger nous dévoile à maintes reprises que le concept du monde répond à l’expérience grecque de la physis, c'est-à-dire d'une réalité s'épanouissant avec une débordante vitalité. Par contre, le concept moderne de physique trahit son étymologie. Le monde n'inclut pas seulement la dimension physique, objective, de l'existence mais ses dimensions esthétique, morale et métaphysique.
 
(4) Momentanément et pour simplifier nous disons le milieu. En fait il faut parler de milieux car ils sont multiples (famille, équipe ou bande, classe, internat de collège ou de lycée, et aussi village, quartier de ville, etc.). Le monde de l'enfant récapitule et unifie toutes ces différentes expériences. Il constitue l'englobement affectif de la présence enfantine. Toute expérience nouvelle prend corps vis-à-vis des expériences passées ou de ce qui en reste : l'attitude affective en face des choses, des hommes et des dieux,
 
(5) Cf.Buytendijk : Attitudes et Mouvements, Etude fonctionnelle du mouvementhumain (Desclée de Brouwer, 1957).
 
(6)     Il y a d'ailleurs une étape du langage enfantin qui correspond bien à cette instabilité motrice : c'est l'écholalie. L'enfant saisit au vol un mot lancé par l'entourage et le répète à satiété, sans raison autre que d'envelopper d'une ambiance sonore les tâches auxquelles il se donne.
 
(7)On sait que le surréalisme a particulièrement exploité cette donnée psychologique. Il force l'attention par la violence.
 
(8)C'est ce qui se passe, par exemple, dans la rencontre amoureuse. La présence de l'être aimé ne cesse de nous surprendre, au fond de notre certitude. Et si nous concevons, comme le fait Platon, par exemple, tout enrichissement intellectuel comme une œuvre de l’Eros, notre rencontre avec le monde se perpétuera dans l'enthousiasme et la jeunesse du cœur.
 
(9)    Il serait plus exact de dite que, dans ces cas. l'effort n'est pas éprouvé comme le signe d'une servitude, d'une contrainte. Tout travail, tout plaisir exige un effort (dont on peut aisément détecter les traces physiologiques). Mais il arrive que l'effort soit si parfaitement assumé qu'il cesse d'être perçu. De l'aisance, de la sûreté avec lesquelles une tâche est accomplie on ne peut conclure à l'absence d'effort chez l'agent.
 
(10)         Faut-il avec Le SENNE (cf. son Traité de Caractérologie) reconnaître dans cette tendance velléitaire un indice caractériel ? Cette question exigerait un ample développement que nous ne pouvons même pas esquisser dans les limites de cet article,
 
(11)          La concentration volontaire sur une phrase latine ou sur un problème de géométrie n'en livre pas forcément le mystère. Elle ne fait souvent que soutenir l'intuition grammaticale ou mathématique. En soi. l'attention n'est nullement créatrice. Mais elle permet l'acte créateur. En aidant l'esprit à maîtriser l'objet ou l'idée, elle en assure le triomphe.
 
(12)           Cf. les œuvres du Dr CaKTON On trouvera d'excellentes considérations sur le climat biologique de l'existence dans le Traité du Caractère, d'E, MoUN1ER (Ed. du Seuil),
 
(13) Cf. ; Karen HORNEY ; La personnalité névrotique de notre temps (éd. de l'Arche, 1953).
 
(14) Nous dirons un jour comment les Techniques Freinet, en réhabilitant l'imagination, enfantine, en lui donnant pleinement droit de cité, procèdent à une véritable conversion de la sensibilité de l'enfant, lorsque celle-ci s'est trouvée égarée sous l'influence du milieu. Le mal ne réside pas dans l'image mais dans l'attitude que nous prenons à son égard : il cesse lorsque l'image devient la matière première de la création esthétique ou technique.