L'Educateur Prolétarien n°1 - année 1932-1933

Octobre 1932

La force morale de notre groupe

Octobre 1932

L’IMPRIMERIE A L’ECOLE

La force morale de notre groupe

Avant de repartir hardiment pour l'année qui commence, nous devons à nos adhérents et à nos lecteurs un compte rendu spécial des importants Congrès d'août qui ont montré d'une façon éclatante et notre force morale et les résultats déjà tangibles de notre action.
Nos camarades savent dans quelles conditions difficiles s'est réuni notre Congrès de Bordeaux. Nous n'avons certes par redouté un instant le jugement de nos adhérents, mais nous avions une ambition plus haute que de nous justifier personnellement : nous voulions continuer la tradition de notre Coopérative et grouper à nouveau, sur les questions importantes et vitales de notre Congrès, non pas une majorité statutaire, mais une unanimité susceptible d'encourager et de renforcer notre action à venir.
Nous avions raison d'avoir pleine confiance. Si quelques camarades mal renseignés étaient d'abord hésitants, les explications totales données par le C.A. sur toutes les questions portées à l'ordre du jour ont rassuré tous les assistants. Et c'est à l'unanimité moins une abstention, que l'ordre du jour final qu'on lira plus loin a été, voté.
Nous ne pouvons qu'être pleinement satisfaits de ce résultat. Il montre la puissance idéologique et tactique de notre position : comme les années précédentes nous n'avons rien abdiqué ici de nos conceptions sociales ou syndicalistes ; nous avons répété bien souvent encore pourquoi nous voulons mettre la pédagogie au service de l'école populaire et quelle nous parait être la voie sûre du renouveau pédagogique. Nous n'avons à prononcer aucun acte de foi mais seulement à rester nous mêmes, avec notre classe, décidés à dire ce que nous voyons, ce que nous pensons, ce que nous vivons sans égard pour les marchands et les politiciens que notre franchise pourrait blesser.
L'expérience a montré que, par des¬sus les partis politiques et les groupes syndicalistes, cette formule pouvait animer, en une sorte de front unique permanent, tous les éducateurs honnêtes, dévoués à leur classe, aux enfants de leur classe et décidés à chercher, sur la voie révolutionnaire les solutions définitives aux graves problèmes que la décadence capitaliste rend chaque jour plus tragiques.
On ne manque pas, on manquera encore moins à l'avenir, d'essayer en toute occasion de nous couper de la masse enseignante en nous présentant comme un épouvantail révolutionnaire. Aussi tenons nous à préciser encore une fois dans ce numéro de lancement que, coopérative légalement constituée, ne pouvant pas faire de politique, nous accueillons fraternellement tous les camarades qui souscrivent nos statuts. Mais cette neutralité politique ne signifie nullement que nous devions nous mettre servilement aux ordres d'un gouvernement, d'une classe, d’un trust. Nous resterons décidés à œuvrer pour que nos camarades éducateurs prennent toujours davantage conscience des nécessités actuelles, qu'ils jugent sainement des questions diverses qui les sollicitent et qu'ils nous aident à jeter dès aujourd'hui les fondements de l'école nouvelle prolé¬tarienne.
Nous ne vous présentons aucun credo ; nous ne vous imposerons aucune théorie. La discussion est toujours libre et bienfaisante au sein de notre groupe, mais notre véritable crédo c'est l'action. Ceux qui vivent ce sont ceux qui agissent et pour agir il faut d'abord, et toujours, lutter.
Nous avons dépassé les cinq cents adhérents. Nous devrions dépasser les mille cette année.
Camarades qui nous lisez, soyez des nôtres, puis, autour de vous, faites connaître notre action.
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Il ne faut pas croire cependant que ces discussions pour ainsi dire théoriques, aient accaparé tant soit peu notre Congrès. Nous leur avions réservé notre dernière séance après avoir consacré deux jours entiers à l'examen approfondi, attentif et sérieux, des nombreuses questions soumises à notre Assemblée générale.
A la lumière de ces discussions, guidés par ¬les décisions prises, il nous sera plus facile de poursuivre, au cours de l'année qui commence la tâche chaque jour plus impressionnante que nous avons entreprise.
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Le Congrès de Nice, de la Ligue Internationale pour l'Education Nouvelle nous fut à nous mêmes une révélation du rayonnement que, malgré le silence unanime de la presse, nous a valu le travail méthodique et hardi de ces dernières années.
On a dit, et la Révolution Prolétarienne a écrit, en un style énigmatique : Freinet a quitté le Congrès de Bordeaux pour se rendre à un Congrès bourgeois à Nice.
Non délégué au Congrès de la Fédération, j'ai personnellement quitté Bordeaux lorsque notre Congrès a été terminé et l'exposition pédagogique installée. Nous sommes d'ailleurs nombreux à avoir assisté au Congrès bourgeois de Nice, et nous ne le re¬grettons pas.
Il est d'ailleurs abusif d'appeler Congrès une importe manifestation qui a été avant tout une rencontre de plus d'un millier d'éducateurs des divers points du globe. Nous avons seulement eu le tort, à notre avis, de sous-estimer le libéralisme qui y a présidé et de ne pas en avoir tiré, pour notre cause, tout le bénéfice possible
Nous avions ici même, en fin d'année, donné notre opinion sur la Ligue et sur son Congrès, afin d'aider nos camarades à se dépouiller des œillères pacifistes qui pouvaient les laisser croire encore aux possibilités de paix par l'éducation en régime capitaliste. Il est malheureusement avéré que, de bonne foi, de nombreux pédagogues en sont encore à cette conception progressiste que les événements journaliers sapent irrésistiblement. Leurs conférences ont été le reflet de ces croyances et il a été salutaire pour tous les auditeurs, et pour la pédagogie en général que partout nos camarades puissent prendre la parole pour ponctuer les contradictions nées de cette incompréhension sociale des possibilités pédagogiques.
Cette incompréhension a d'ailleurs été bien moins générale que nous n'aurions pu le supposer et la campagne que nous menons dans ce sens depuis plusieurs années n'aura pas été inutile. Il y avait au Congrès une importante proportion de camarades qui, en contact direct, chez eux, avec la misère prolétarienne, ne pouvaient se résoudre à voir traiter avec cette indifférence scientifique, hypocritement bourgeoise, ce qui constituait le thème même du Congrès : l'Education dans ses rapports avec l'évolution sociale.
Le Congrès pédagogique de Saint-Paul, a permis justement à ces critiques de se faire jour, de se concrétiser pour s'affirmer ensuite dans les diverses réunions du Congrès.
Il faut avoir connu l'organisation chaotique du Congrès de Nice, la multiplicité des conférences, cours, visites, discussions, qui s'imposaient aux éducateurs pour comprendre les difficultés que nous allions rencontrer pour emmener, pendant tout un jour, des groupes de camarades à Saint Paul.
Et pourtant, le 7 août au matin, des cars spéciaux amenaient sur la place du village près d'une centaine de camarades adhérents ou sympathisants parmi lesquels Roger Cousinet, Mme Guéritte, Delaunay, F. Dubois, Lucien Welens, Lebbe, Mlle Jadoulle pour la Belgique, Roubakine pour l'U.R.S.S., Otto Müller Main pour l'Allemagne (R.Dottrens, Suisse, qui avait dû quitter Nice quelques jours auparavant, envoya au Congrès un télégramme, d'encouragements sympathiques). Et à midi un déjeûner amical à la vériré extraordinairement animé – réunissait une soixantaine de camarades heureux de se rencontrer ainsi en intimité dans l'atmosphère familière qui manquait trop à Nice.
Nous n'avons certes pas pu, au cours de cette trop courte journée, largement coupée encore par une attentive visite à l'exposition pédagogique de Saint Paul, amorcer l'intéressante discussion technique que nous nous proposions.
Nous avons essayé de donner à ce Congrès pédagogique de Saint Paul un sens précis : éducateurs prolétariens, souffrant chaque jour de la misère matérielle, intellectuelle et morale qui accable le peuple, nous ne pouvons nous résoudre à faire de la pédagogie purement idéaliste, sans assises solides dans la vie même des enfants. Notre technique, en normalisant dans une large mesure l'activité scolaire, a hautement contribué à nous révéler la voix saine de l'éducation nouvelle populaire.
Nous avons pensé alors qu'il était de notre devoir d'exprimer la pensée de nos nombreux camarades, de dénon¬cer la timidité, et parfois la complici¬té, des congressistes de Nice qui n'o¬saient jamais aborder totalement le véritable thème du Congrès. Nous avons rappelé, par des exemples, hé¬las ! trop précis puisque les visi¬leurs allaient les contrôler sur place comment l'école populaire était ac¬cablée matériellement, administrativement et socialement par le régime ; nous avons dit l'impuissance des théo¬ries et des exhortations en face d'un état de fait logiquement né du capitalisme pour dire enfin notre espoir qu'une profonde rénovation sociale, que l'avènement du socialisme vainqueur en U.R.S.S., viennent rendre possible l'éducation nouvelle que nous rêvons et que nous préparons.
L'approbation enthousiaste de tous les éducateurs présents nous assura que ces saines et vigoureuses paroles avaient besoin d'être dites et il en résulta pour la journée une atmosphère nouvelle, parce que nous avions extériorisé le solide lien prolétarien qui unit nos efforts et motive notre activité pédagogique.
Après une longue et passionnante visite à l'exposition de Saint Paul, la discussion fut reprise et, malgré notre désir de la consacrer à l'étude des questions coopératives, ce sont les grands problèmes sociaux pédagogiques évoqués le matin qui en ont été l'objet.
C'est dans une atmosphère de parfaite cordialité que Roger Cousinet nous exposa les fondements de sa méthode, que Fernand Dubois, si souvent cité ici, nous parla de la méthode Decroly et répondit à nos critiques. Otto Muller Main fit comprendre à tous la nécessité d'une action pédagogique systématiquement internationale et Roubakine enfin parla de l'éducation en U.R.S.S. sujet passionnant qui aurait pu, à lui seul, occuper plusieurs journées du Congrès et qui, sous la pression de nombreux camarades devait du moins être brillament traitée par Roubakine en une séance très suivie, quelques jours plus tard, au Palais de la Méditerranée.
L'heure du retour approchait ; les curieux du village envahissaient peu à peu la vaste salle où Roubakine évoquait les grands problèmes du renouveau soviétique, et l'avide attention de tous était comme un hommage silencieux rendu à l'effort révolutionnaire.
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Malgré le peu de temps dont nous avons pu disposer pour la tenue de ce Congrès de St Paul, il nous a été à tous un précieux réconfort. Une sorte de courant idéologique a uni une centaine de bons camarades qui ont senti dès lors les faiblesses et les contradictions du Congrès de Nice ; une sorte « d'esprit du Congrès de St Paul » a imprégné le Congrès International et a permis à nos camarades de s'en retourner avec la conscience d'avoir fait du moins à Nice une besogne de clarification pédagogique sans précédent.
C'est dans ce sens que notre réunion de St Paul a été plus qu'une assemblée de camarades ; elle a été un acte, conclusion naturelle de notre effort passé et de la vigueur de notre action, mais un acte qui a eu sur le Congrès de Nice une influence morale que nous avons eu le tort de sous estimer.
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La réunion d'adhérents et de sympathisants que nous avions prévue pour l'étude approfondie de nos diverses réalisations a eu lieu à Nice le 10 août. Nous avons pu y discuter longuement et utilement du Bulletin, du Fichier de calcul, de la Chronologie mobile d'Histoire de France, de la Bibliothèque de Travail.
Nous y avons aussi défini la position pratique que notre groupe devait prendre au Congrès et nous avons décidé de présenter les motions suivantes qui traduisaient l'opposition des camarades révolution-naires. Sur mandat des camarades de notre groupe, nous nous sommes rendus le lendemain matin, avec notre ami Roger, présenter à Mlle Flayol, d'abord, à M.Langevin, président du Congrès, ensuite, les motions ci dessous.
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PROPOSITIONS DU GROUPE
DE L'IMPRIMERIE A L'ECOLE
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Le VIe Congrès d'Education Nouvelle,
Après avoir entendu les divers discours et communications reflétant les tendances générales de l'éducation nouvelle,
Constatant que ce Congrès a été dominé par les problèmes que pose aux éducateurs la faillite du régime économique actuel ;
Persuadé que l'éducation nouvelle doit nécessairement être élévation harmonieuse et libération maximum, des individus ;
Considérant que les diverses conceptions des rapports normaux entre l'éducation et l'évolution sociale ont pu seulement se faire jour au cours des discussions qui viennent de finir ;
Décide de consacrer l'effort du VIIe Congrès à l'étude approfondie des questions suivantes :
1° « Dans quelle mesure, et par quels moyens, l'éducation nouvelle peut elle être réalisée dans des milieux sociaux basés sur la concurrence, sur l'exploitation, sur la compétition armée ?
2° « Dans quelle mesure, et par quels moyens précis, par quelles méthodes, selon quelles techniques, l'éducation nouvelle peut elle hâter la venue d'un monde nouveau dans lequel l'organisation sociale répondra au maximum aux besoins pédagogiques de la masse des enfants ? »
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Les instituteurs et pédagogues participant au VIe Congrès d'éducation nouvelle,
Venus à Nice pour y étudier et y voir exposés tous les aspects de l'éducation nouvelle dans ses rapports avec l'évolution sociale,
Regrettent que l'expérience russe, qui pouvait être parmi les plus édifiantes pour la compréhension du thème proposé, n'ait eu aucune place, tant dans les conférences que dans l'exposition générale ;
Demandent au Comité de la Ligue de prévoir à l'avenir toutes mesures utiles pour que la pédagogie russe puisse au même titre que les autres pédagogies nationales, participer à nos grandes rencontres internationales.

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En cette période de chômage accen¬tué, alors que des milliers, que des millions d'enfants sont profondément atteints dans leur vie même, il est impossible de discuter des rapports en¬tre l'éducation et l'évolution sociale sans considérer la crise sans précédent qui annihile en partie ou totalement les efforts des éducateurs.
Nous demandons au Congrès de marquer d'une façon tangible qu'il ne peut effectivement se désintéresser de ces graves considérations sociales et nous proposons :
1° Que le reliquat éventuel de ce Congrès soit versé aux organisations ouvrières internationales pour venir en aide aux fils de chômeurs des divers pays ;
2° Que chaque congressiste, à l'issue de la séance, verse une souscription de dix francs au moins, dont le montant sera versé également aux mêmes organisations ouvrières internationales.
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M.Langevin nous accueillit avec sympathie, nous promettant, dans l'impossibilité où on était de faire émettre un vote à un Congrès qui n'avait jamais voté, d'inclure notre demande dans le discours de clôture qu'il allait prononcer le soir même. Pour ce qui concerne les fils de chômeurs, il reconnaissait tout le bienfondé de notre demande et se réservait seulement de soumettre la proposition au Comité pour la réalisation pratique.
Roger dit ensuite la déception des nombreux camarades qui étaient venus à Nice sur la promesses formelle que l'école soviétique y serait représentée. M. Langevin nous assura que la Ligue avait fait tout son possible pour s'assurer la participation soviétique, mais que des raisons indépendantes de sa volonté ne lui avaient pas permis d'aboutir.
Il semblait donc, après cette entrevue, que nous allions avoir satisfaction. Hélas ! Si nous connaissons l'esprit libéral et pacifiste de M.Langevin, nous ne nous sommes jamais fait d'illusion sur la vigueur morale des milieux petits-bourgeois, verbalement pacifiste, conformistes à l'occasion dont la Ligue est la véritable expression et nous restions sceptiques sur la bienveillance du comité à notre égard.
Nous avions bien raison.
La séance de clôture ne fut qu'une mise en scène mondaine où nul n'essaya de tirer de ce Congrès les conclusions qui s'imposaient, où il fallut se congratuler mutuellement, louer le Maire de Nice et aussi le propriétaire du tripot de la Méditerranée et s'assurer, par maintes courbettes, les sympathies officielles des gouvernements qui, de plus en plus, patronnent et subventionnent la Ligue.
M.Langevin ne dit pas un mot de notre première motion. Nous en avons été peinés et déçus car nous avions une autre confiance en la conscience du professeur Langevin.
Nous avons attendu que, du moins, avant la clôture, soit lue notre motion sur les enfants de chômeurs et décidé le geste que nous avions demandé au Congrès. Lorsque, désabusé, nous aurions voulu réclamer contre cet escamotage de demandes aussi naturelles et aussi pondérées, le Congrès avait entonné je ne sais quelle chanson pacifiste en formant la chaîne symbolique que nous avons délibérément rompue car notre chaine est constituée par d'autres anneaux et l'hymne que nous aurions voulu entonner que nous aurions dû entonner c'est notre Internationale.
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Nous pouvons bien apporter ici, sans restriction aucune, nos critiques.
Nous avons, tout au cours du Congrès, participé loyalement à tous les travaux pédagogiques, assisté aux diverses commissions, apporté dans toutes les discussions, mais sans sectarisme, notre point de vue, nous contentant de dire ce que nous croyons, ce que nous savons juste et humain. Mais hélas ! qu'y a t il de plus subversif, en notre époque, que la vérité ?
Qu'un Congrès d'éducation nouvelle, qui se pare d'une renommée de libéralisme, de loyauté dans la recherche pédagogique, d'indépendance idéologique, ait cru devoir brimer l'expression d'une tendance pédagogique largement représentée au Congrès, n'est-ce pas aussi un signe des temps ? On est ou pour la libération populaire contre les exploiteurs ou avec nos maîtres contre toutes les forces d’action et de vie. Après avoir accepté les subsides gouvernementaux, la Ligue se devait en effet de prendre position et de montrer qu'elle saurait aussi, sur le terrain pédagogique, barrer insidieusement la route à l'idéal révolutionnaire.
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Toutes ces observations confirment à merveille le jugement préalable que nous avions porté sur le Congrès de Nice. Nous savions que ce Congres serait une mosaïque de discours et de discussions, d'idées et de suggestions mais qu'il y manquerait le nerf vital qu'une ligne directrice ferme aurait pu suggérer ou imposer.
Il en a été ainsi, en effet. Des idées intéressantes, des conférences au plus haut point instructives données par les maîtres du monde pédagogiques actuel. Mais le visiteur était sollicité de toutes parts, accablé par tant de richesses sans parvenir à s'en assimiler une partie pour son enrichissement personnel. Car ce ne sont pas les idées nouvelles, intéressantes qui manquent à la pédagogie actuelle, mais bien la ligne générale et l'effort constructeur qui feront de cette science une des chevilles essentielles de la rénovation sociale.
Aussi tous les assistants sont ils unanimes à demander pour l’avenir une subordination plus sévère de tous les travaux au thème central du Congrès afin d'aboutir à des conclusions susceptibles de faire avancer effectivement la pédagogie.
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Le Congrès, nous l'avons dit, fut un bon Congrès bourgeois. La Ligue tend malheureusement à prendre de plus en plus et ses congrès de même ¬ une allure officielle dans le monde capitaliste.
Les déclarations de loyauté intellectuelle, même teintées de religiosité, ne nous suffisent pas pour nous persuader de l'action inoffensive de la Li¬gue sur le terrain social.
Il y a des faits patents qui sont là.
Que la ville de Nice ait accordé une forte subvention pour l'organisation du Congrès, qu'elle soit intervenue vigoureusement pour offrir le Palais de la Méditerranée aux congressistes que le Conseil général ait, lui aussi, accordé sa subvention une subvention d'ailleurs plus importante avait été réservée aux gymnastes catholiques qui avaient évolué à Nice quelques semaines auparavant ce sont là de simples mesures commerciales, dont la faveur n'est refusée qu'aux Congrès révolutionnaires. Mais que le Gouvernement français accorde une subvention officielle ; que les divers pays U.R.S.S. exceptée envoient leurs délégations officielles, qui pensent officiellement, qui parlent officiellement, cela ne suffit il pas pour faire perdre à la Ligue, à ses congrès leur caractère initial d'organismes de recherche désintéressée pour le seul progrès de l'Ecole ? Ces gestes sollicités et acceptés par le Comité de la Ligue ne sont ils pas le signe regrettable d'une évolution, d'un tournant définitif : la Ligue se met volontairement au service des gouvernements, au service d'une classe.
Il est de notre devoir de dénoncer cette collusion et de rappeler aux chercheurs sincères qui ont créé et animé la Ligue le péril extrême, la faillite morale et idéologique qui seront inévitablement la conséquence de ces agissements. Nous demandons à tous les éducateurs qui s'intéressent au sort et à la vie de la Ligue de protester avec nous et d'exiger qu'à l'avenir l'association garde son entière liberté pour la recherche hardie des meilleures solutions éducatives, que, sans souci de plaire ou de déplaire aux dirigeants du jour, elle accepte, elle favorise toutes les initiatives, toutes les discussions qui sont dans le sens de l'éducation nouvelle ou bien qu'elle révise alors ses principes de ralliement afin que la bonne foi des éducateurs ne soit pas surprise par des déclarations idéalistes incompatibles avec les tendances nouvelles du Comité directeur.
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Quant à nous, nous voyons une double raison de continuer notre campagne en faveur d'une éducation nouvelle prolétarienne : Les quelques as¬sociations pédagogiques qui avaient, ces dernières années, camouflé sous des apparences libéralistes leurs sympathies réactionnaires, se démasquent peu à peu et choisissent le camp auquel elles croient devoir prêter main forte.
D'autre part, la campagne que nous menons depuis plusieurs années pour donner à la pédagogie populaire tout son contenu social, tout son sens de classe, commence à porter ses fruits les événements aidant.
Non seulement plusieurs conférenciers ont affirmé à Nice des points de vue semblables au nôtre, mais tous les représentants des pays durement touchés par la crise ont affirmé la nécessité de traiter toutes les questions pédagogiques à la lumière des enseignements sociaux et politiques de ces dernières années. L'école, organisme d'évolution pacifique ; la pédagogie en tant que science dégagée des nécessités vitales de la masse du peuple l'éducation, séparée de la vie et soustraite aux pénibles bouleversements de l'heure présente, tous ces beaux rêves de penseurs jaloux de leur quiétude morale s'évanouissent peu à peu.
Il faudra bien que les éducateurs décidés à lutter pour le triomphe de leurs idées se résolvent à regarder en face la stricte réalité, qu'ils comprennent la misère du peuple, qu'ils participent aux luttes de ceux qui prétendent jeter les bases du monde nouveau qu'ils donnent avec nous, au mot éducation toute son ampleur et sa complexité, toute sa « vie ». Il ne s'agit plus seulement d'agiter des idées, d'écrire et de compulser des livres. Les générations que nous devons former attendent de nous que nous leur enseignions l'action dans un monde où l'organisation sociale et politique appuiera inévitablement l'effort de l'éducation.
Plus que jamais, lions l'école à la vie ; tâchons de créer l'école prolétarienne. C'est là une saine besogne de vérité à laquelle tous les éducateurs sincères doivent collaborer.

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Les Expositions
Un effort sans précédent fait pour les expositions de fin d'année, a doublé notre action au sein des Congrès.
Notre exposition de Bordeaux fut facilitée par la proximité de camarades imprimeurs qui, en organisant la salle du Congrès, avaient prévu pour nous un petit hall admirablement placé, qu'ils nous ont aidé à aménager : imprimerie avec nos quatre modèles de presse ordinaires et de luxe - fichiers, dessins, cinéma... Grâce au dévouement de Mlle Meiffret (Var) qui en a assuré la permanence, tous les congressistes ont pu, encore une fois, se rendre compte de nos réalisations.
L'exposition organisée au Congrès du Syndicat National à Clermont Ferrant, sous l'active direction de notre ami Cazanave et avec l'appui des imprimeurs du S.N. a eu un succès qui a dépassé de loin celui des congrès précédents, et qui prouve que la masse des instituteurs, après s'être intéressée en curieux à notre technique, commencent à regarder de plus près, à s'essayer au travail nouveau pour se préparer à nous suivre. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
L'exposition que nous avions organisée à Saint Paul même, dans le lo¬cal coopératif, a eu un succès considérable. Il faut dire que là rien n'avait été oublié : pendant que, en parcourant les salles les visiteurs se rendaient compte de la complexité et de la structure de nos services actuels, ils pouvaient examiner en détail nos diverses réalisations. Le riche stand russe que nous avions organisé avec ses grandes affiches, ses photos couvrant les murs, ses livres d'enfants ses revues impressionnantes a paré dans une certaine mesure à l'absence totale de la pédagogie russe à Nice.
Une salle enfin avait été réservée aux plus beaux dessins d'enfants reçus au cours de l'année. Ce fut pour tous une surprise et un émerveillement.

Plusieurs centaines de visiteurs français et étrangers ont longuement visité notre exposition, et le spectacle d'une nouveauté si originale contribuera certainement à la propagande mondiale en faveur de notre technique.
Nous avons de même pu, étant donnée la proximité de Nice, organiser sans peine ni dépenses excessives un stand qui était certainement un des plus originaux de l'exposition mondiale. Il est seulement regrettable que la direction de l'exposition nous ait relégué dans une salle excentrique, sans aucune indication extérieure, et qu'elle nous ait obligé à partager entre deux salles notre matériel et nos documents.
Malgré cela, et grâce au dévouement de nos camarades Alziary et de tous les adhérents présents au Congrès de Nice, de nombreuses démonstrations ont été faites devant les pédagogues de tous pays, des explications ont sans cesse été fournies. Le résultat en sera inévitablement un accroissement rapide de nos adhérents et de nos abonnés.
Notre ami Bourguignon, délégué au Congrès espérantiste mondial de Paris, y avait organisé une petite exposition de nos réalisations et a pu ainsi faire une sérieuse propagande en notre faveur.
Un de nos plus anciens amis espa¬gnols, Manuel Cluet, présent à notre Congrès de Bordeaux, a également emporté en août le matériel nécessaire pour une exposition et des démonstra¬tions à l'Ecole d'Eté de Barcelone, où un millier d'instituteurs catalans sont venus se mettre au courant des méthodes nouvelles. Il y a rencontré deux propagandistes enthousiastes de l'Imprimerie à l'Ecole : Jésus Sanz Poch et H. Almendros qui travaillent à créer à Barcelone un groupe actif d'imprimeurs dont nous aurons bientôt l'occasion de parler.
Nos éditions et nos réalisations ont, de même, été exposées à la Semaine Pédagogique de Gand à laquelle assistaient plusieurs centaines de professeurs et instituteurs.
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Toutes ces diverses manifestations donnent une idée du rayonnement actuel de l'Imprimerie à l'Ecole et des diverses techniques coopératives. Des centaines d'éducateurs vivent et travaillent avec nous ; cherchent avec nous les réalisations qui peuvent servir l’école et ses maîtres ; et il ne se passe guère de semaine sans que quelque proposition intéressante soit faite par des camarades des divers coins de France.
Forts de notre succès actuel, nous ne pouvons qu'encourager cet enthousiasme, accueillir avec sympathie toutes les offres de collaboration. Notre revue agrandie nous permettra justement de les étudier attentivement en les soumettant à la critique de tous nos lecteurs.
Notre effort commence à porter des fruits. Cela doit nous encourager à poursuivre notre action dans le sens que l'unanimité de nos congrès a sans cesse définie et approuvée.
Bon courage donc, et au travail coopérativement pour le progrès pédagogique et l'amélioration sociale.

C. FREINET.

 

Un grand éducateur disparaît DECROLY

Octobre 1932

La triste nouvelle nous parvient de la disparition du grand éducateur belge Decroly.

Nous laissons à nos amis Belges, qui l'ont approché durant de longues années, qui ont participé et collaboré à ses travaux, le soin de nous parler du chercheur hardi, de l'homme dévoué et bon qui vient d'être ravi à la pédagogie mondiale.

Nous ne pouvons pour notre part que rappeler ici tout ce que nous devons à Decroly, qui a été, avec Ad. Ferrière, un des éducateurs contemporains qui nous ont le plus aidé dans notre effort réalisateur. Si nous avons critiqué maintes fois la méthode, nous nous sommes, par contre, toujours inspiré d'une technique expérimentalement établie et qui reste un des grands essais mondiaux de faire bénéficier l'école populaire des progrès pédagogiques de ces dernières années.

Nous souhaitons fermement que les disciples si nombreux du Docteur Decroly continuent avec vigueur l'oeuvre entreprise et en adaptant toujours davantage notre enseigne-ment aux besoins et aux intérêts enfantins, rendent à leur maître le meilleur hommage qu'il eût pu désirer.

 

C. FREINET.

La manifestation DECROLY

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Il y a quelques mois, les amis belges du Dr Decroly à la tête desquels se trouve Mlle Hamaïde, avaient entrepris la préparation d'une manifestation en l'honneur du maître.

Ils ont prévu, à cet effet, la publication d'un recueil de témoignages d'une quarantaine de pédagogues et psychologues du monde entier. Le livre, auquel nous avons collaboré, paraîtra dans quelques mois.

Nous recevons à l'instant de Mlle Hamaïde l'émouvante lettre ci-dessous que nous croyons utile de publier.

J'assume, au nom des amis belges du docteur Decroly, une pénible mission, celle de vous annoncer, ainsi qu'à vos lecteurs, la mort de notre Maître vénéré survenue le lundi 12 septembre, à 10 heures du matin.

Fatigué et malade depuis de nombreux mois, il n'avait guère réduit ses dépenses physiques et intellectuelles pour la cause qui nous est chère à tous, celle de l'Enfance. Il a fallu toute l'énergie de son médecin et de sa famille pour l'empêcher d'assister au Congrès de Nice.

Le lundi 12 en visitant le champ annexé à son école de Vossegat, il se courba pour extirper une mauvaise herbe et s'affaissa.

Cette mort, survenue en de telles circonstances de l'Apôtre de la vie et du travail à l'école, prend à nos yeux l'aspect d'un touchant et magnifique symbole. C'est dans cette attitude, étonnement évocatrice que Decroly figurera, selon nous, dans l'histoire de la pédagogie.

La veille au soir, la carte imprimée annonçant la fête jubilaire que nous voulions organiser à l'occasion de ses soixante ans, lui était tombée, par ha­sard, sous la main. Il a donc pu lire la liste des noms illustres de savants, ses amis qui ont bien voulu collabo­rer au livre que nous nous proposions de lui offrir. Sa modestie s'insurgea et il objecta qu'on faisait de telles cho­ses pour les morts et non pour les vi­vants. Il ne savait pas si bien dire.

Nous avions voulu lui rendre, au nom de tous ses confrères disséminés dans le monde l'hommage d'affectueuse sympathie que méritaient son labeur et sa foi.

Hélas ! c'est bien un mort que nous allons honorer. Car la cérémonie aura lieu. Le livre paraîtra, illustré de nombreuses photographies du Maître, avec la liste des souscripteurs. Il sera solennellement remis à la famille Decroly.

 

Notre revue (L'Educateur Prolétarien)

Octobre 1932

Nous avons expliqué en juin dernier pourquoi le développement de notre bulletin était une condition indispensable de la poursuite harmonieuse de notre travail.

Nous avons fourni au Congrès de Bordeaux le bilan financier de la revue, ainsi qu'un devis pour la gestion de l'année qui commence. Et l'Assemblée a accepté le principe d'une revue de 52-64 pages pour un abonnement de 25 francs.

Nous paraîtrons donc alternativement sur 64 et 52 pages que nous tâcherons de rendre toujours plus intéressantes.

Nous commençons dans ce numéro la rubrique de documentation internationale promise. Malgré nos efforts de plusieurs mois nous n'avons pu encore réunir les études que nous voulons vous donner sur l'éducation dans les divers pays, et notamment en U.R.S.S. Nous pensons y parvenir sous peu et faire ainsi de notre revue une publication indispensable à qui veut se tenir honnêtement au courant de l'effort pédagogique international.

Nous pourrons faire mieux encore. Mais il est nécessaire que tous les adhérents, que tous les abonnés fassent un effort sérieux de documentation et de propagande.

De documentation d'abord : Notre bulletin vous appartient ; il est votre œuvre. C'est dans la mesure où vous collaborerez activement que nous pourrons l'améliorer comme nous le désirons. Nous sollicitons donc l'aide de tous. Il ne suffit pas de chercher seul dans sa classe. C'est parce que nous mettons en commun nos efforts que nous faisons de grandes choses. Communiquez-nous vos travaux, vos recherches, vos trouvailles, vos documents divers. Tous nos camarades en profiteront.

De propagande : les conférences vont avoir lieu. Nous pouvons envoyer à tous les camarades qui nous en fe­ront la demande, des numéros du bulletin de l'an dernier. Vous les dis­tribuerez en même temps que d'autres éditions de la Coopé et nous sommes certains qu'il vous sera facile de recueillir de nombreux abonnements comme nous l'indiquons d'autre part.

Nous comptons sur vous tous pour faire vivre notre organe de travail, pour le rendre toujours plus intéressant et toujours plus utile, pour en faire un des premiers outils pédagogiques de ce pays.

C. F.

Les Conférences Pédagogiques

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Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'un tirage à 60 ou 80.000 exemplaires pour envoi à tout le personnel qui est sollicité de toutes parts par les marchands de. papier Nous faisons le service de ce numéro à tous les camarades qui s'intéressent à notre technique. Pour la propagande complémentaire en ce début d'année nous sommes obligés de nous en remettre au dévouement de tous nos camarades.

Nous prévoyons trois moyens d'action :

1° L'envoi de nos numéros propagande à toutes les adresses que des camarades nous feront tenir. Voyez autour de vous les instituteurs susceptibles de s'intéresser à l'une quelconque de nos publications et envoyez-nous d'urgence une liste - ceci sans aucun engagement de votre part.

2° La propagande directe est toujours la plus profitable. C'est pourquoi nous ne saurions qu'encourager les camarades qui se proposent de faire eux-mêmes l'envoi de nos numéros de propagande aux collègues qu'ils connaissent et sur qui ils peuvent avoir quelque action.

Il vous suffira dans ce cas de nous demander : Service de Propagande pour X... camarades. L'envoi vous sera fait régulièrement et gratuitement.

3° Mais c'est surtout aux Conférences pédagogiques que nous voudrions penser d'urgence. Elles restent une des meilleures occasions de propagande dont tous nos amis devraient profiter

Nous ferons l'envoi suivant à tous ceux qui nous en feront la demande :

- Des bulletins de l'an dernier (un par assistant ; indiquer le nombre) à distribuer.

- Des Gerbes (une par assistant) à distribuer.

- 1 collection d'Extraits (42 numéros ou une demi-collection (21 numéros) facturés à 0,50 avec remise de 10 p. cent et à vendre aux assistants.

Ceux qui ne désireraient pas effectuer cette vente recevront gratuitement 2 Extraits de la Gerbe gratuits.

- Des tracts ;

- 5 tarifs et 5 brochures illustrées;

- 5 spécimens fichiers ;

- 2 réglettes camescasse ;

- 2 spécimens imprimés ;

- 1 brochure bibliothèque de Travail

Tous ces documents pourront être donnés, après exposition, aux camarades les plus intéressés.

Nous serions particulièrement heu­reux de pousser la propagande pour La Gerbe et nous ferons gratuitement l'envoi du nombre d'exemplaires qu'on nous demandera à cet effet. Inviter tout spécialement vos collègues à organiser la vente de La Gerbe dans leur classe : 10 p. cent de remise et reprise des invendus.

Nous rappelons nos tarifs actuels d'abonnements :

- Abonnement à 12 numéros de La Gerbe : 5 francs

- Abonnement à 10 numéros de Enfantines (Extraits de la Gerbe) : 5 francs.

-Abonnement combiné à ces 2 publications : 9 fr. 50.

- Abonnement d'un an à L'Imprimerie à l'Ecole : 25 francs.

-Abonnement combiné aux trois publications : 34 francs.

 

 

 

Assemblée Générale DES 2 ET 3 Août 1932 à l'Athénée de Bordeaux

Octobre 1932

RAPPORT MORAL

Au nom du Conseil d'Administration de la Coopérative, le camarade Gorce dit com­bien il est heureux de saluer à Bordeaux, même les coopérateurs qui, de plus en plus nombreux viennent assister à nos A.G. et participer aux discussions d'où sortiront les directives dont nous nous inspirons au cours de l’année prochaine.

Il donne un court aperçu de la situation de la Coopé, relativement aux adhésions, actions souscrites et capital versé :

En juillet 1928 : 116 actions

En juillet 1929, 220 actions

En juillet 1930, 450 actions pour 239 adh.;

En juillet 1931, 601 actions pour 313 adh.;

Au premier juillet 1932, 804 actions représentant 40.200 fr. de capital, souscrites par 429 adhérents.

Notre effectif, notre capital ont donc presque doublé en 2 ans.

Depuis le congrès de Limoges (août 1931) une modification dans la composition du Conseil d'administration élu à I'A.G. ayant dû être opérée, le camarade Gorce demande aux camarades présents d'approuver, conformément à l'art. 16 des statuts, la désignation de Pagès chargé du service phono, et discothèque, en remplacement du camarade Jutier, élu dans les mêmes fonctions.

Cette modification apportée par le C.A. est ratifiée par l'A.G.

Le rapport moral de l'Administrateur délégué est adopté à l'unanimité.

Lecture est faite de la liste des nouveaux adhérents. L'assemblée générale ratifie ces adhérents.

Une camarade pose la question des adhérents de membres non laïcs. Statutairement l'A.G. est seule juge dans les cas d'exclusions demandées et motivées par un ou plusieurs adhérents et le fait de n'être pas un membre de l'enseignement laïc donne à l’A.G. une raison suffisante d'exclusion.

CINEMA

 

Location. - Boyau informe l'A.G. que ce service est satisfaisant ; il a progressé encore cette année.

Editions de films. - Quelques films Pathé-Baby ayant été pris au cours de cette année scolaire, Boyau persiste à croire que les coopérateurs amateurs peuvent filmer des choses intéressantes Nous avons acquis le matériel nécessaire au développement des films et nous pourrons faire, avec l'aide de quelques camarades, un bon travail de documentation, le service de développement devant être bien organisé cette année.

La Coopé a aidé deux camarades dans l'édition d'un film standard nettement prolétarien ; il sera possession de la Coopé et sera sans doute visionné au cours du congrès.

Il est décidé que la transformation des films standard à tendance prolétarienne en films P.B. sera réalisée quand ce sera possible.

Freinet demande si, comme en films st., des scénarios ne pourraient être réalisés en films P.B. par des coopérateurs ; beaucoup sont d'avis que c'est possible et souhaitable. Quelques camarades en essaieront.

Rubrique sur les grands cinémas. – Freinet demande qu'on alimente cette rubrique dans le bulletin ; 2 ou 3 camarades s'en chargeront.

Appareils. - Il est signalé que des appareils allemands très pratiques comme déroulement, et ne chauffant pas, emploient des films de dimensions supérieures à celles des films P.B. Le camarade Poulleau montre un autre appareil allemand de prix sensiblement égal à celui du P.-Baby, déroulant des films de mêmes dimensions, et présentant les mêmes avantages que le précédent.

Etant donné le conflit international sur les dimensions des films, l'A.G. est d'avis d'attendre un peu pour l'achat d'un nouvel appareil.

Les camarades sont d'accord pour déclarer que, au point de vue scolaire, le P. Baby est préférable au Lux pourtant parfait quant à la luminosité.

 

PROJECTION FIXE

 

Freinet met l'A.G. au courant des propositions que lui a faites un photographe de Nice en vue d'éditions de films photoscopiques éditions dont nous aurions seulement la direction pédagogique. Les films porteraient la marque « Coopérative de l'Enseignement laïc ». N'étant engagée ni dans le présent ni dans l'avenir, la Coopé n'a à retirer de cette affaire que des avantages, tant au point de vue pédagogique qu'au point de vue propagande. Les camarades sont donc engagés à fournir des documents, dessins ou photos qui seront payés à des prix variables pour le montage, selon la difficulté. Déjà, certains clichés de la Bibliothèque de Travail seront utilisés.

Quelques camarades pensent qu'il sera sûrement possible à la Copé de créer, par la suite, un appareil pour projections fixes.

 

RADIO

 

De l'avis de tous, la section Radio a fort bien fonctionné cette année.

Après divers échanges de vues entre sans­-filistes, il est décidé qu'on ouvrira une cour­te rubrique dans le bulletin sur les émissions scolaires.

A la demande de Fragnaud, l'édition d'une brochure destinée aux débutants pour montages d'appareils avec croquis est adoptée. Fragnaud demande si un petit cours pratique et simple pour enfants (installation de postes à galène) ne pourrait trouver place dans La Gerbe, par exemple. La question sera reprise lors de la discusion sur La Gerbe.

Le rapport financier de Freinet est adopté.

La comptabilité de la discothèque n'a pu être séparée de celle de l'Imprimerie cette année.

Le service de la location marche très bien, mais à cause du prix onéreux du transport des disques, il ne rapporte pas à la Coopé ; cependant, tous considèrent que l'expérience est à continuer. La vente de phonos a donné un certain bénéfice.

La commission de contrôle a vérifié toutes pièces en mains, les rapports financiers et les a approuvés.

 

CHANGEMENT DE TITRE DE LA COOPE

 

Freinet propose de changer le titre de notre Coopérative qui prête parfois à confusion. Ce changement entraînerait une modification aux statuts très onéreuse : cette proposition est donc abandonnée.

 

PROPOSITION PAGES

 

Avances faites par les banques

 

Il y a deux ans une même proposition a été écartée ; le C.A. l'a repoussée encore cette fois ; l'A.G. l'écarte à son tour, estimant que nous ne devons pas avoir de comptes en banque, et que nous ne devons pas avoir de relations avec les banques.

 

MATERIEL

 

Le matériel est bien au point maintenant, et livré à bon marché.

A la demande de quelques camarades, il sera sans doute possible d'éditer sur papier, de gros caractères pour les petits qui n'utilisent pas l'imprimerie, ainsi que des feuilles de température pour livres de vie.

Nous avons rencontré de sérieuses difficultés dans la confection des liseuses ; les camarades qui pourraient en faire fabriquer à prix réduits sont priés de se faire connaître.

 

DISCOTHEQUE

 

Editions de disques

 

Edition de 5 disques esperanto, proposée par Bourguignon.

Edition de 5 disques de chants, proposée par Pagès.

Ces deux réalisations, aussi intéressantes soient-elles, nous semblent presque impossibles actuellement, parce qu'elles nécessiteraient une grosse mise de fonds.

Une édition bon marché de disques nouveaux, dont la souplesse et la légèreté en rendraient l'expédition aussi facile que celle d'une lettre ordinaire, serait à étudier, parallèlement à la première déjà envisagée.

Les camarades pensant donc avec Freinet que nous ne pouvons pas prendre de décision aujourd'hui et que tout en n'abandonnant pas notre projet d'édition, nous devons laisser cette question à l'étude, et laisser le conseil d'administration juge de l'opportunité de la chose.

 

BULLETIN

 

Changement de titre

 

Freinet met l'assemblée au courant de certaines difficultés postales qui ont surgi ces temps derniers relativement au tarif d'expédition, ce qui a entraîné un différend entre la Coopé et l'administration des P.T.T.

Pour remédier à ces ennuis, on décide d'un léger changement dans le titre ; pour la même raison, les Extraits porteront désormais le titre Enfantines, Extraits de journaux scolaires.

 

Projet de bulletin 1932-33

 

En vue de l'augmentation du nombre de pages, augmentation subordonnée à nos possibilités financières, Freinet donne un compte-rendu détaillé de la situation financière du bulletin pour lequel notre déficit est d'environ 3.000 francs.

Pour un bulletin de 56 pages en moyenne, l'abonnement étant porté à 25 fr., abonnements et annonces donneraient un total de 17.250 fr. ; les dépenses nécessaires, y compris celle des clichés, se monteraient à 18.000 fr, environ. Notre déficit serait donc minime.

Deux camarades seulement font des réserves sur l'augmentation du prix du bulletin qui est décidée à partir de cette année.

 

LA GERBE

 

Son Succès est sans cesse croissant. Chaque mois, 1.600 numéros (abonnés et ventes au numéro) sont écoulés. Malgrè un déficit de 4 à 500 fr. par mois, un gros effort sera fait pour la revue.

Les différentes rubriques sont examinées.

On demande l'édition d'un livre : « Grignon, Grignette ; cette question est à étudier.

La page d'esperanto a été cette année un lieu interscolaire international bien vivant, elle continuera à paraître. Boubou propose de faire dans « La Gerbe » un petit cours d'esperanto pour les enfants, ce qui est adopté à l'unanimité.

La proposition Fragnaud concernant un cours pratique et simple de radio pour enfants est aussi adoptée.

On continuera la série des concours, mais une proposition de concours-publicité est écartée.

Une proposition Gauthier est adoptée encore : une demi-page sera consacrée à l'échange interscolaire de colis.

La Gerbe continuera à donner des jeux et des chants de diverses régions.

La structure actuelle de la revue sera conservée, mais on supprimera au besoin les clichés de la dernière page ; on les remplacera par des clichés de dessins d'enfants ou des linos.

Le statu-quo est conservé quant à la périodicité mais en avril ou mai, une enquête concernant sa parution mensuelle ou bimensuelle sera ouverte à nouveau.

 

EXTRAITS DE LA GERBE

« ENFANTINES »

 

La situation est aussi satisfaisante. Nous avons actuellement 1.400 abonnés, et nous avons dû faire 12 rééditions.

Nos dépenses se chiffrent pour l'année (tirages, clichages, versement à la F.E. pour les enfants de chômeurs) à 11.000 fr., 25. Notre déficit est d'environ 4.000 fr. mais le stock de nos « Extraits » et « Livres de vie » représente une valeur marchande, qui nous donnera un gros bénéfice après vente.

Freinet fait ensuite allusion à l'incident Freinet - F. Serret ; il montre la difficulté des recherches et la nécessité, de centralisation en rappelant les temps, plutôt difficiles, où plusieurs camarades du Var assuraient la parution de La Gerbe polycopiée. Il fait appel aux camarades qui voudraient s'oc­cuper de la revue. Personne ne se propose...

FICHIERS

 

F. S. C. - Le retard apporté à la constitution du fichier s'explique : les maisons d'éditions refusent de plus en plus les autorisations d'extraits des textes, car elles constatent la concurrence que nous leur faisons.

..Fichier de calcul. - Freinet donne connaissance de l'idée qui doit présider à l'élaboration de ce fichier. Il est décidé, que l'étude du fichier de calcul se poursuivra dans le bulletin tout le cours de l'année.

 

BIBLIOTHEQUE DE TRAVAIL

 

Présentation des fascicules. - Le blanc pour la couleur de la couverture est écarté ; on choisira une couleur moins terne que celle du deuxième si possible ; les brochures resteront abondamment illustrées.

Le texte. - Les camarades ont constaté que les textes manquent parfois de simplicité; on évitera ce défaut par la suite.

Recherches à faire. - Poids et anciennes mesures dans les musées de province. Parmi les prochaines brochures paraîtra : « Poids et anciennes mesure en Provence ».

Proposition Freinet. - Quelques traductions d'un auteur allemand sur la vie des animaux (adopté).

Proposition Carlier. - Fascicules sur l'histoire du train, des divers véhicules (adopté).

 

DIVERSES PROPOSITIONS

 

Editions d'albums - Un camarade demande s'il ne serait pas possible d'éditer des albums en couleurs pour enfants, avec textes de jeunes enfants, du format des brochures de la Bibliothèque de Travail. Cette proposition est adoptée.

Chronologie d'histoire. - Le camarade Gauthier propose l'édition d'une chronologie Mobile d'Histoire de France sur fiches, cette édition permettant un encartage commode pour livres de vie si on le désire, ou une reliure à part.

Après discussion, il est décidé qu'une demande d'édition sera faite à la Fédération de l'Enseignement. En cas de refus, l'édition sera entreprise par la Coopé.

 

DICTIONNAIRE POUR ENFANTS

 

Il est décidé que ce travail de longue haleine pourra être entrepris, sous notre direction, par une maison d'édition.

Boyau signale la collaboration possible et très intéressante de deux ou trois camarades de la Gironde.

 

ECHANGES

 

...Interscolaires nationaux. - Gorce donne lecture du rapport de Faure. Les échanges ont fonctionné, cette année, à part de rares exceptions, à la satisfaction de tous.

... Interscolaires internationaux. - Il est donné lecture du rapport de Bourguignon. Les échanges internationaux, d'un si grand intérêt, seront d'autant plus facile que l'étude de l'espéranto s'étendra et que maîtres et élèves espérantistes se feront de plus en plus nombreux.

 

DIFFEREND E. E. - FREINET

 

Comme il l'a été décidé au début du Congrès, cette question a été réservée pour la dernière séance du 3 août, à 2 h. 1/2.

Boyau expose donc les faits, puis l'A.G. décide de demander à G. Bouêt et à Serret de venir apporter leur son de cloche au congrès de la Coopérative. L'un et l'autre refusent.

Boyau donne alors lecture de l'article de mai de Freinet dans l'Imprimerie à l'Ecole puis celui de juillet de G.Bouêt dans l'Ecole Emancipée.

Freinet lit ses documents depuis le congrès de Marseille et dépose une motion.

On vote alors par paragraphe. Ces votes donnent :

Premier paragraphe : 1 abst., tout le reste pour ;

Deuxième paragraphe : 1 voix contre, 3 abst., tout le reste pour

Troisième paragraphe : unanimité pour, moins 1 abstention.

Après une modification apportée à la 2e partie de l'ordre du jour, par Wullens et Boyau, et un additif apporté à la fin par Boissel, le vote sur l'ensemble donne :

Pour : tous, moins 1 abstention.

Voici la motion définitive :

« Les membres de la Coopérative de l'Enseignement, réunis en Assemblée générale les 2 et 3 août 1932.

 

Affirment leur attachement à la Fédération de l'enseignement et renouvellent leur désir de faire servir leur travail à l'émanci­pation révolutionnaire du prolétariat.

Protestent contre toutes les tentatives qui voudraient introduire au sein de la coopérative les luttes de tendance qui divisent la Fédération de l'Enseignement.

Font confiance au C.A. de la Coopérative pour mener comme par le passé l'action coopérative.

Constatent que la publication de « MARGOT » dans les Editions de la Jeunesse, constitue la rectification nécessaire du jugement de l'Ecole Emancipée à l'égard des techniques coopératives

Après avoir entendu les explications de Freinet et en regrettant le refus du Bureau Fédéral et de l'Ecole Emancipée, déplorent qu'une collaboration étroite qui serait profitable aux deux groupements n'ait pu exister jusqu'ici.

Déclarent que Freinet est tout à fait justifié de rompre toutes les relations pédagogiques avec l'Ecole Émancipée, étant donné les difficultés qu' il a rencontrées sans cesse.

Prennent acte de sa décision, en espérant encore qu'elle ne sera que momentanée et qu'un accord interviendra dans l'avenir.

Laissent naturellement liberté entière à chaque adhérent de collaborer à son gré et de maintenir le contact avec la Fédération et l'E.E. en attendant que s'établisse la collaboration étroite qui serait désirable.

Demandent au Bureau Fédéral d'insister auprès des syndicats pour qu'ils appuient de leur adhésion et de leur collaboration l'effort de la Coopérative.

Demandent que le présent ordre du jour soit inséré dans un prochain numéro de l'Ecole Emancipée ».

 

La Secrétaire, Marg. Bouscarrut

 

 

L'Imprimerie à l'Ecole et l'Ecole Libératrice

Octobre 1932

L'Imprimerie à l'Ecole a obtenu droit de cité dans L'Ecole Libératrice. Lapierre a fait savoir à Alziary et a confirmé au Congrès de Clermont que quatre pages seraient cette année réservées à notre technique.

C'est peu évidemment. C'est cependant quelque chose si l'on considère qu'il y a deux ans, l’E.L. estimait avoir assez fait en ayant accordé l'hospitalité à un article de notre camarade Leroux.

C'est la preuve que l'Imprimerie à l'Ecole, grâce à son développement continu et à ses qualités particulières, s'est imposé aux éducateurs comme une technique novatrice et ne peut continuer à être négligée par une revue qui s'adresse à la majorité du personnel

Le directeur de l'Ecole Libératrice avait même songé un moment à lui consacrer une rubrique permanente dont l'organisation avait été confiée à Alziary. Si cette rubrique avait été ramenée à dix pages, puis à quatre pages, c'est en raison de circonstances étrangères à la valeur pédagogique de l'Imprimerie à l'Ecole.

Ce changement brusque d'attitude de l'E.L. m'a amené, sur suggestion d'Alziary, qui ne pouvait se rendre à Clermont, à déposer au Congrès un ordre du jour dont voici le texte :

« Le Congrès,

« Faisant droit à la légitime réclamation des instituteurs syndiqués qui, par la recherche et la mise en oeuvre de techniques nouvelles, s'efforcent de mettre l'enseignement en harmonie, avec les besoins et les possibilités de la nature enfantine et, d'autre part, avec les conceptions syndicales de la vie sociale ;

« Considérant que l'Imprimerie à l'Ecole est expérimentée dans des centaines de classes et qu'elle apparaît, à     ses adeptes, comme une technique rénovatrice et libératrice qui introduit à l'école deux éléments essentiels, la liberté et l’effort collectif, qui man­quent à notre enseignement officiel ; que par suite, elle mérite d'être con­nue et a droit à l'attention bienveil­lante et au soutien du S.N. :

« Décide l'institution d'une rubrique permanente consacrée aux expérimentations et aux applications des techniques nouvelles d'enseignement, en premier lieu l'Imprimerie à l'Ecole, la direction et la tenue de cette rubrique devant être réservées aux maîtres syndiqués compétents ».

Cet ordre du jour n'est pas venu en discussion. Il pourra être repris et la question soulevée de nouveau. Il n'est pas douteux que nous ne finissions par obtenir gain de cause. L'intérêt suscité, par l'exposition de l'Imprimerie à l'Ecole dans un des couloirs du Congrès est un indice favorable. Casanave, dont l'activité fut mise à une rude épreuve par une affluence curieuse toujours renouvelée, peut en témoigner.

Les quatre pages qu'on nous offre, bien que très insuffisantes, nous permettront d'éveiller la curiosité d'un nombre de camarades bien plus grand. Ceux qui sont désireux de moderniser leur enseignement, et il en a plus qu'on ne pense, s'informeront et quelques-uns deviendront de nouveaux adeptes qui augmenteront la puissance de rayonnement de notre technique. C'est ainsi qu'elle s'imposera à l'attention des organismes directeurs du S.N.

Le syndicalisme, dont les militants sont absorbés par des tâches immédiates pressantes mais souvent secondaires, ne sait pas encore classer les tâches suivant leur vrai mérite et leur valeur effective. Il est porté, fatalement à sacrifier les oeuvres, de longue haleine, celles qui doivent, par une action lente et méthodique, modifier la mentalité populaire et préparer les hommes de la société nouvelle et qui sont les plus profondes, peut-être les seules fécondes.

            C'est tout le probleme de l'activité syndicale qui doit être posé devant les organisations de travailleurs et par surcroît de la collaboration technique aux organismes et aux organes syndicaux.

S. LELACHE.

L’Imprimerie à L'Ecole au Congrès de Clermont-Ferrand

Octobre 1932

Disons tout de suite que notre exposition a obtenu un beau succès, un succès dépassant nos prévisions.

La section du Puy-de-Dôme et plus particulièrement le camarade Sénèze avaient bien voulu mettre à notre disposition tout ce qui nous était nécessaire.

Notre matériel était exposé dans une salle­couloir que traversaient obligatoirement les auditeurs (et ils furent nombreux) se rendant au Congrès et dans laquelle vinrent aussi beaucoup de délégués.

Comme nous étions peu nombreux pour préparer l'exposition (dois-je dire qu'en 3 jours je n'assistai pas à plus de 2 heures de Congrès) nous n'avions pu fixer au mur, comme tous les ans, quelques panneaux de nos réalisations attirant l'oeil du passant. C'était plutôt sobre comme indications mais les quelques titres qu'on lisait sur du papier noir furent suffisants pour susciter l'intérêt on tout au moins la curiosité bienveillante.

On peut affirmer que tout notre matériel d'imprimerie : presses tout métal ou automatique, casse, clichés... est connu désormais de nombreux camarades et si la plupart ne l'utilisent encore pas, ça n'est pas pour des raisons d'ordre pédagogique, c'est uniquement pour des raisons d'ordre matériel (emploi d'adjoints par exemple). Peu de camarades nous font encore de sérieuses objections, que je ne veux d'ailleurs pas réfuter dans ce bref compte-rendu, l'ayant fait verbalement le cas échéant. Ces objections : perte de temps, classes trop chargées, etc...

Les livres de vie, résultat incontestable du travail personnel spontané de nos petits, les cahiers de vie manuscrits, illustrés parfois si artistiquement furent lus, relus, admirés même.

On devinera facilement que tous les numéros de la Gerbe ou des Extraits que nous avions apportés s'écoulèrent sans trop de peine. Il manque un bon journal pour enfants comme nous le souhaiterions ; aussi beaucoup de camarades suivent-ils avec intérêt les efforts que nous faisons pour que la Gerbe devienne ce journal.

Quant aux autres réalisations, l'Imprimerie à l'Ecole par exemple, il faut dire que les 5 ou 600 numéros que nous avions, furent emportés un par un sans avoir à les distribuer. Il serait vraiment curieux que le chiffre des abonnés ne s'en ressente pas.

Le Fichier de français n'est pas encore très connu et son utilisation n'en est pas très comprise.

Le Fichier de calcul présenté un peu comme matériel autodidactique permettant à l'élève en retard de travailler seul eut plus de succès, peut-être à cause du prix, malgré ses imperfections.

Les brochures de travail de Carlier intéressèrent vivement de nombreux camarades à cause de leur présentation si nette et de la valeur incontestable de la documentation.

En somme beaucoup d'intérêt, aussi bien du côté imprimerie technique scolaire que du côté réalisations.

Déjà, l'an dernier, au Congrès de Paris, nous avions été heureux de constater qu'un grand nombre de camarades avaient remarqué nos efforts et étaient désireux de voir de près notre technique.

Cette année, après le nombre encore plus important de camarades qui se sont arrêtés devant notre table à cause de leurs demandes si précises d'explications montrant un désir marqué de nous suivre dans l'utilisation de techniques nouvelles - condamnation réconfortante de certains procédés périmés - nous pouvons affirmer que la partie militante du personnel est avec nous ou nous observe avec sympathie.

Serait-ce un signe des temps qui nous ait valu de pouvoir exposer complètement notre technique à l'Inspecteur d'Académie, M. Pomot ? Et surtout d'être arrivé à lui faire approuver entièrement notre façon de procéder.

Nous sommes sur la bonne voie, camarades.

Petit à petit, il semble que le personnel de plus en plus nombreux abandonne des méthodes et procédés plus ou moins rétrogrades, plus ou moins adéquats - malgré et peut-être même à cause de la logique -.

Et si nous sommes heureux de le souligner, ce n'est pas à cause des résultats matériels dont pourrait en bénéficier notre coopérative, ce serait bien mal nous connaître, c'est uniquement, uniquement je le répète, à cause du profit que pourront en tirer le nombre de plus en plus grand des petits qui nous sont confiés.

 

G. CAZANAVE,

Bellegarde-en -Forez (Loire).

 

Congrès Universel d'Esperanto de Paris

Octobre 1932

Le Congrès d'Esperanto de Paris fut pour moi la plus surprenante des ex­périences linguistiques. Manifestation imposante uniquement en égard du nombre des adhérents qui dépas­sait 1.600, représentant 53 nations différentes. Certes, ce nombre aurait été largement dépassé si, en raison de la tension économique actuelle, nombre de pays n'avaient pas opposé à l'exode de leurs ressortissants des difficultés assez sérieuses. C'est ainsi que certains limitaient à 600 francs la somme qu'il était permis d'exporter, ou que d'autres, comme la Pologne, avaient porté le prix des passeports à des sommes vraiment prohibitives : jusqu'à douze cents francs

Manifestation sans aucun intérêt. Assistance essentiellement bourgeoise, mêlée de pacifistes sans conscience de classe et de citoyens appartenant à cette catégorie d'espérantistes essentiellement dangereux, parce qu'un service du capitalisme et de la guerre.

La messe en grande pompe et des sermons en esperanto avant le Congrès, des séances occupées en majeure partie par des réunions d'associations essentiellement neutres, telle U.E.A., ou particulièrement tendancieuses, telles les assemblées des espérantistes catholiques, des policiers, des commerçants, des écoles catholiques, un lunch aux Galeries Lafayette, le thé à Versailles donneront, je pense, une idée suffisante de l'atmosphère toute spéciale du Congrès. Sous des aspects, des dehors séduisants, quelques efforts en apparence sincères, mais combien caractéristiques de ce faux pacifisme que nous combattons parce qu'il n'est qu'une étiquette à la mode pour beaucoup. Rien d'une émancipation sociale positive, mais des rapports ahurissants, sur « Les tendances de l'Art chorégraphique moderne » ou « L'Esperanto et le Commerce », par exemple.

A côté de cette vaste mise en scène, une toute petite place accordée à la réunion de l'Union mondiale des Instituteurs esperantistes (T.A.G.E.) véritable brimade à l'égard de l'un des groupes les plus vivants du Congrès. Impossibilité absolue pour les délégues des nombreuses associations pédagogiques des divers pays de prendre la parole. Une causerie sur La Gerbe et l'Imprimerie à l'Ecole prévue au programme, ne put avoir lieu du fait d'une mauvaise organisation, qui nous déposséda de la salle au bout d'une heure et demie de travail seulement. Grâce au dévouement de quelques camarades présents an Congrès, Mlle Brizon en particulier, une vente de nos éditions put être assurée. Des tracts, des bulletins furent distribués. Nous avons pu en outre, recueillir des témoignages verbaux de nombreux camarades étrangers qui ont prisé tout particulièrement notre travail et se sont promis de diffuser nos éditions dans leur pays.

On a fait grand bruit autour de la présentation théâtrale de la pièce de Jules Romains. Disons, par souci de la plus élémentaire vérité, que la plupart des artistes interprètes n'avaient que des notions très élémentaires de la langue internationale.

Des déclarations publiques des espérantistes venus des pays de terreur blanche, rien sur les essais d'étouffement et de répression du mouvement espérantiste prolétarien dans ces pays. Et pourtant, il y avait là des Polonais, et en Pologne on dissout les groupes d'opposition, les arrestations ont lieu en masse. Des Japonais aussi, et au Japon, les cours prolétariens d'esperanto doivent avoir lieu dans l'illégalité, le matériel d'étude et la littérature esperantiste sont confisqués, les réunions interdites,

 

C'est pourquoi nous disons : contre une exploitation de la langue internationale au service des intérêts ou de l'idéologie réformiste et bourgeoise, il est dans notre tâche d'espérantistes prolétariens d'organiser le développement et l'application de l'esperanto pour la lutte révolutionaire, d'organiser sur la base la plus large des relations internationales entre organisations ouvrières ou collectivités culturelles, pour réaliser enfin le véritable du mouvement esperantiste prolétarien : l'Esperanto au service du prolétariat mondial !

 

H. BOURGUIGNON.

Les Echanges Interscolaires Nationaux

Octobre 1932

Nous croyons utile de donner ici le rapport que notre ami Faure, chargé de ce service, a rédigé pour notre Congrès de Bordeaux.

Sa lecture en sera, pensons-nous, utile pour tous les camarades qui, en ce début d'année, vont recommencer, avec enthousiasme, le travail selon notre technique.

Il nous semble, d'après la lecture des journaux de l'année scolaire, que les échanges d'imprimés ont fonctionné d'une façon générale à la satisfaction de tous.

Nous avons reçu d'une façon régulière une centaine de journaux qui, dans l'ensemble, sont bien imprimés, assez copieux comme textes ou comme dessins ; et il semble comme d'habitude que les échanges ont été fructueux.

Dans l'ensemble ils sont réguliers, et nous n'avons eu qu'une ou deux plaintes au sujet de correspondances peu régulières ou peu intéressantes.

La plupart des échanges d'imprimés ont été complétés d'échanges épistolaires, et on ne saurait trop recommander l'échange régulier (tous les quinze jours par exemple) de correspondances individuelles. L'enfant trouvant avec la lettre une occasion nouvelle de manifester ses sentiments et ses aptitudes diverses (dessin, coloriage, découpage, présentation artistique). Les écoles qui pratiquent l'échange épistolaire n'ont qu'à se louer des résultats obtenus. Les envois de produits divers - empreintes de schiste, chicon, vers à soie, fossiles divers, fleurs, olives, figues, etc... – sont toujours accueillis avec faveur.

Les petites notes brèves (Notre enquête, nos renseignements) qui donnent en quelques mots une foule de renseignements utiles à la géographie économique, à la vie sociale, nous paraissent devoir être signalés à l'attention de tous, car elles permettent aisément d'asseoir d'une façon sérieuse et profitable les notions de géographie que nous voulons faire acquérir à nos élèves.

Ceci pour les hors d'oeuvre qui accompagnent les imprimés.

Car tout cela (lettre, paquets, renseignements) constitue les hors d'œuvre appréciables certes, mais inconsistant sans le plat de résistance : le texte imprimé, celui que l’enfant aime à trouver, à lire, à relire et qui motive toute son activité.

L'an dernier déjà, nous avions dit notre préférence pour le correspondant attitré et personnel.

Le véritable échange et l'échange bi­-journalier régulier, individuel pour­rait-on dire : L'enfant ayant un jour­nal bien à lui qu'il forme feuillet par feuillet.

Nous pourrions faire une petite clas­sification des textes d'enfants. Il est bien certain que des textes imprimés constituent déjà une sélection, mais ils donnent une image assez exacte des textes écrits par les enfants et ai­més d’eux.

Nous y trouvons quelques descriptions pures. Elles sont rares. L'enfant ne décrit pas pour décrire et une description le laisse assez indifférent.

Les descriptions trouvées sont en général des descriptions collectives, faites intentionnellement pour montrer le pays, le faire connaître aux autres. On y sent le plus souvent une inspiration « supérieure », celle du maître. Ces textes sont utiles, mais ils ne doivent pas être très nombreux. On trouve encore des descriptions dans les poésies naïves de nos élèves. Elles sont assez goûtées. L'enfant aimant ce qui chante à son oreille.

Les textes les plus nombreux sont des narrations. L'enfant rapporte surtout ce qu'il a fait. Il nous dit s'il a en eu « du plaisir » ou de la peine. Il nous raconte ce qu'il a fait. Si le travail auquel il se livre lui est pénible. Sa vie propre en un mot. Il nous semble que ces textes, les plus nombreux, sont les plus goûtés d'une façon générale. L'enfant est très sensible au comique. S'il y a quelque chose de drôle dans un texte, celui-ci aura ses faveurs. Les textes les plus nombreux sont des narrations où tout est action, et c'est bien pour cela que la correspondance bi­-journalière nous paraît la meilleure, surtout si elle est accompagnée de correspondance épistolaire. Parmi tous les textes, l'enfant cherche celui de son correspondant, et il est heureux de le voir agir comme s'il l'avait devant lui.

« L'application, le joli texte, le beau dessin, sont pour le correspondant, pour lui faire plaisir, surtout si celui-ci lui a envoyé une belle image. »

Nous avons vu cette année, la crise aidant, les textes d'enfants s'orienter vers la question sociale. La lecture des différents journaux nous permet de dire que les textes d'enfants peuvent avoir sur les enfants beaucoup plus, d'influence que les paroles les plus persuasives du maître. Il la sent violemment si c'est un autre enfant qui la découvre

Pas de formule toute faite, pas de dissertations vaines, mais des faits vécus, vivants, sensibles, parleront à leurs élèves et feront mieux que tontes les paroles oiseuses et inutiles.

A coté des textes se rapportant au chômage et aux misères des ouvriers et des paysans, nous avons vu des écoles organiser, parce qu'étant dans des pays plus favorisés, des secours à leurs camarades fils de chômeurs. Il nous semble en définitive que les échanges nationaux ont suscité cette année une vie nouvelle plus profonde encore, plus large et plus humaine dans nos classes et cela nous pouvons l'ajouter aux bénéfices moraux de l'imprimerie à l'école.

Pour terminer, et ceci au point de vue utilitaire, nous demanderons à nos camarades de, façon à ce que ceux qui travaillent pour retirer de l'imprimerie le maximum de bénéfice, aient toute satisfaction, de vouloir bien fixer d'une façon très précise, le règlement des échanges. Application stricte du règlement établi l'an dernier avec en plus des sanctions, si besoin est, allant jusqu'à la radiation, s'il le faut, pour les négligents.

 

A et R. FAURE.

Bibliothèque de Travail (Anciennes mesures)

Novembre 1932

Un appel a été lancé dans le courant de la dernière année scolaire à tous les camarades de la Coopérative au sujet de la grande enquête que nous avons entreprise, relative aux « anciennes mesures ». Beaucoup de camarades nous ont transmis des documents et des renseignements du plus haut intérêt pour l'étude en cours. Nos recherches se poursuivent cette année et nous demandons une fois de plus à nos camarades de bien vouloir faciliter notre tâche en nous faisant parvenir tous les documents traitant de la question « Anciennes mesures » qu'ils pourront trouver. Là seulement est la condition du succès. Nous croyons utile de donner des précisions relatives à cette enquête :

1° Consulter les cahiers de délibérations de 1791, lors de l'établissement du système métrique (enquête de la Constituante) ;

2° Nous signaler les ouvrages relatifs aux « Anciennes mesures » ;

3° Nous signaler également les Musées ou, collections particulières possédant des anciennes mesures ;

4° Demander aux habitants de la localité s'ils ont connaissance de mesures employées autrefois.

5° Ne donner que des renseignements très précis quant à la contenance ou au poids ;

6° Par anciennes mesures, nous en­tendons : mesures de capacité pour les grains, matières sèches et liqui­des, mesures de poids, appareils de pesage (balances, pesons, dynamomètres). Mesures de longueurs, appareils de vérification, etc... à l'exception des mesures de temps et des monnaies.

 

Nous remercions à l'avance tous les camarades qui voudront bien s'intéresser à ce travail.

 

MOLMEtRET et GUILLARD,

Chavanoz (Isère).

 

Emploi du temps de l'école de Millac (86)

Octobre 1932

 

Fichier de calcul

Octobre 1932

Nous donnons ci-dessous un rapport circulaire que nous avons polycopié en juillet dernier et adressé à un certain nombre de camarades.

Les discussions qui en ont déjà résulté nous montrent qu'il y a possibilité de bâtir, sur ces bases, un travail coopératif du plus haut intérêt.

A vous tous d'étudier ce projet, de le discuter, de l'améliorer pour que nous puissions ensuite entreprendre véritablement le travail effectif.

 

Chers camarades,

 

L'absence de place sur le Bulletin ne nous a pas permis de pousser l'étude du Fichier de calcul comme nous l'aurions voulu. La question a cependant passionné un grand nombre de camarades. J'y ai moi-même longuement réfléchi au cours de l’année, aidé en cela par les lettres ou articles de divers camarades.

Je vais vous exposer ce qui me paraît être aujourd'hui la technique possible pour un enseignement du calcul répondant à nos besoins ; nous verrons ensuite les moyens, de réalisation et le travail immédiat que nous pouvons entreprendre.

Je rappelle que la technique ainsi définie est déjà œuvre collective, puisque ce projet a été établi après communications diverses de camarades, publiées ou non. Comme toujours, n'y voyez absolument aucun amour-propre d'auteur. C'est plutôt un rapport provisoire que je vous demande instamment d'étudier et de critiquer, afin que tous ensemble, nous puissions au plus tôt jeter les bases solides de la nouvelle technique.

***

Le travail que nous considérons comme essentiel est la recherche par les enfants eux-mêmes, des problèmes divers qui peuvent se poser.

Le Cours Moyen (enfants de 12-13 ans) sera chargé d'étudier les éléments d'un problème en rapport avec notre centre d'intérêts journalier. Il ne s'agit pas de demander à l'instituteur de faire lui-même cette besogne : laissez agir l'expérience et parfois l'imagination des enfants.

Nous parlons aujourd'hui de guerre : se posera sans doute à nous quelque recherche se rapportant aux dépenses de guerre, en matériel et en hommes, ou à l'achat d'un fusil de chasse.

La recherche elle-même des éléments du problème peut d'ailleurs être longue et laborieuse et constituer à elle seule une sorte de complexe qu'il sera difficile de brider par un horaire strict. Dans les cas ci-dessus prévus, il nous faudra rechercher dans notre fichier ou dans notre Bibliothèque de Travail les éléments de ce calcul : nombre de soldats morts en France et dans le monde pendant la grande guerre, poids d'un obus, prix de revient, considérations sociales, prix des articles de chasse, etc...

Cette préparation du problème peut même nécessiter des recherches, des enquêtes hors de l'école, enquêtes que les enfants iront entreprendre librement avant d'élaborer les données définitives du problème.

L'élaboration terminée, il nous faut passer à la préparation technique du problème puis à sa résolution.

La préparation technique, quoique devant rester au maximum adaptée aux intérêts du moment, doit cependant répondre à certaines nécessités pédagogiques ; les difficultés n'y seront pas dangereusement accumulées, ou elles seront du moins sériées pour que l'élève ne soit pas rebuté devant la complexité de la besogne. Il ne faudrait pas, inversement, que le problème soit trop simple et n'apporte rien de nouveau au point de vue technique.

C'est cette préparation qui est la plus délicate à réaliser, qui a rebuté jusqu'à ce jour, avec raison, les instituteurs, et que nous devons rendre facile et pratique par un matériel approprié.

Je propose - après, je le répète, lecture des divers documents reçus (voir notamment article Lallemand) - l'établissement et l'édition de fiches spéciales portant ce que nous appelons des problèmes­types, c'est-à-dire un exemple précis des diverses combinaisons de problèmes qui répondent au niveau de chaque classe. Ces problèmes seraient accompagnés de toutes indications méthodiques susceptibles de faciliter la rédaction de l'énoncé et de comprendre parfaitement la marche normale de la solution.

Le maître et, éventuellement les élèves, pourront s'y référer pour bâtir un problème original, gradué par rapport aux travaux antérieurs et adapté au centre d'intérêt. Un simple répertoire suffira pour voir quelles sont, à un moment donné, les combinaisons connues et comprises, quelles sont au contraire celles sur lesquelles il faudra faire porter l'effort présent, comment un problème complexe peut être décomposé en plusieurs autres problèmes analogues à nos problèmes-types.

Ces « fiches-mères » seront en même temps des fiches de référence. Que dans le travail ultérieur, une notion nous apparaisse insuffisamment connue, soit par un élève, soit par un groupe d'élèves, il nous suffira de donner les numéros de références sur lesquels se trouveront les renseignements précis concernant ces solutions, ainsi que les numéros de problèmes s'y rapportant et qu'on aura intérêt à reprendre.

Ce fichier est ainsi tout à la fois un fichier d'étude et de documentation, servant à la construction, par les élèves, de problèmes vivants, en relation directe avec le centre d'intérêt, et à la revision des notions mal connues sorte de pont jeté entre l'intérêt initial et les nécessités scolaires.

Le travail normal que nous venons de définir a surtout pour but de donner aux enfants le sens mathématique, de faire comprendre les fondements sociaux du calcul scolaire, de leur apprendre à voir, sous les données plus ou moins abstraites et conventionnelles des problèmes courants, la réalité vivante. Nous parvenons ainsi à normaliser l'enseignement du calcul comme nous avons normalisé l'enseignement de la langue. La lecture et l'écriture apparaissaient comme des techniques spécifiquement scolaires ; elles ont pris grâce à notre technique, toute leur valeur d'humaine simplicité ; le calcul deviendra de même la conclusion naturelle de recherches que l'intérêt scolaire et social a suscitées et motivées.

Dans une école nouvelle, travaillant dans un milieu socialement assaini, cette étude devrait largement suffire pour préparer les élèves aux tâches qui les attendent. Et ce doit être le cas des écoles soviétiques.

Il n'en est point de même chez nous : les programmes et les examens nous mettent dans l'obligation d'enseigner à nos élèves des notions qui ne peuvent pas être normalement incorporées à leur vie et auxquelles il nous faut cependant penser en tâchant de neutraliser au maximum les conséquences regrettables de cet autre bourrage officiel.

C'est pourquoi nous adjoindrons à nos Fiches-­mères d'étude et de documentation, un Fichier d'exercices ; ce seront des problèmes conformes aux programmes et aux examens, classés par types correspondant à nos fiches­-mères et dont les 200 fiches parues seraient un spécimen assez imparfait.

Nos fiches-mères seront sur format fiches : demandes et réponses seront sur la même fiche. Les fiches d'exercice seront sur format 10,5 X 13,5 et comporteront une fiche-demande et une fiche réponse.

Tandis qu'avec le seul fichier d'exercice actuel l'élève qui n'a pas su faire un problème ne peut, à lui seul, récupérer son retard, nos fiches-­mères seront là pour cet usage.

Lorsqu'un élève n'aura pas su résoudre un problème, il ira consulter la fiche-mère (dont le numéro sera porté sur la fiche-exercice). La fiche-mère permettra à l'enfant de comprendre la cause profonde de son erreur. Des références lui permettront de plus de revoir, ou de faire d'autres fiches d'exercices dont les numéros seront indiqués.

Autre avantage de cette intercommunication des fichiers : notre fichier d'exercices a pour ainsi dire deux entrées : on peut résoudre les problèmes en suivant l'ordre numérique - ou bien on peut, au contraire, résoudre les problèmes mentionnés sur la fiche-mère en concordance avec l'intérêt du jour.

Cette combinaison tout à la fois méthodique et matérielle devrait, ce me semble, nous donner satisfaction.

***

Au cours élémentaire, nous sommes moins talonnés par les programmes et les examens.

Bien souvent les élèves de ce degré participent très activement aux recherches qui, en liaison avec le centre d'intérêts, nous permettent l'élaboration de calculs arithmétiques. Ou bien, ces enfants peuvent, de leur côté, entreprendre des recherches similaires. Nous demanderons parfois aux grands d'établir un problème pour ce degré, problème que nous pourrons modifier en collaboration.

La technique est ensuite la même : si nous agissions anarchiquement, nous risquerions la plupart du temps de ne pas varier suffisamment la forme et la portée de nos problèmes. C'est pourquoi la préparation d'un matériel identique au matériel pour cours moyen est ici indispensable aussi : Fiches-mères donnant avec toutes explications nécessaires, la construction et la résolution des problèmes-types correspondant à ce degré - et fiches d'exercices avec réponses séparées, permettant aux enfants de s'entraîner librement et sans intervention directe de l'éducateur.

Une double entrée, comme pour le C.M. permettra à l'élève de se référer aux fiches-mères comme ci-dessus.

Même conception pour le cours préparatoire, avec cette variante que les fiches-mères seraient moins des problèmes-types quelcon-ques que des documents expérimentaux, plus concrets, aidant l'enfant à vivre le calcul et le dirigeant dans ses diverses besognes spontanées.

Je pense que nous pouvons d'ores et déjà prévoir trois séries de fiches, donc trois groupes de camarades pour la recherche et la mise au point :

1° Au cours préparatoire ;

2° Au cours élémentaire ;

3° Au cours moyen.

A chacun de vous d'étudier le projet pour le chapitre qui l'intéresse et qui correspond à son travail.

Ce sera là pour ainsi dire la première étape de notre travail. Mais quand nous nous serons mis d'accord sur le schéma général il faudra penser aussitôt aux modalités de cette préparation et je serais heureux, si vous pouviez, déjà, donner votre opinion à ce sujet.

Je pense qu'il nous faudra prévoir deux sortes de travaux assez distincts :

1° La préparation des fiches-mères, besogne la plus délicate au point de vue pédagogique, car, si nous parlons de problèmes-types cela ne signifie nullement que nous prévoyions l'édition pure et simple de la demande et des réponses de ces problèmes. La forme est certes toute à trouver, et pour faciliter notre tâche, nous pourrions encore la subdiviser en :

a) Recherche des problèmes-types à envisager, en se référant tout à la fois aux manuels parus, aux journaux, aux programmes et aux nécessités nouvelles de notre pédagogie ;

b) Mise au point méthodologique de la préparation de l'énoncé et de la réponse,

2° Préparation des fiches d'exercice :

a) Recherche méthodique des problèmes à publier pour chaque type, pour chaque fiche-mère ;

b) Préparation de la réponse.

Il ne faut certes pas nous dissimuler l'importance ni les difficultés de cette besogne. Mais notre groupe doit parvenir à un résultat pratique. Je serais heureux si vous pouviez déjà vous choisir un travail dans ce plan d'ensemble : dire par exemple : je pourrais m'occuper de rechercher des problèmes-types pour C.P. ; ou bien présenter des problèmes gradués pour ce même cours, etc...

Nous nommerons ensuite un camarade chargé de la mise au point de chaque section et nous publierons dès que possible.

 

C. F.

 

Avec l'enfant... Pour l'enfant...

Octobre 1932

 

Avec l'enfant...

                                Pour l'enfant...

 

Les travaux de peinture, spontanés que j'avais exposés au Congrès Mondial de l'Education Nouvelle, à Nice, ont suscité non seulement un mouvement de vive curiosité, mais encore une vague d'enthousiasme.

Les témoignages nombreux que j'ai reçus, soit à Nice, soit à mon retour, et qui expriment les émotions qu'ont fait naître les projections fidèles du moi enfantin, me donnent l'espoir que mes bambins, innocemment, auront travaillé à la libération - combien urgente ! - de leurs petits camarades.

Des collègues m'ont dit : « Faites-nous connaître votre méthode de dessin »...

Je n'ai pas de méthode particulière de dessin. Je me suis seulement ingéniée, en cet ordre de choses, comme en tous les autres, à donner à l'enfant des éléments de travail qui répondent à ses besoins et à ses possibilités, des matériaux qui lui permettent de s'exprimer spontanément sans qu'il ait à subir l'ingérence de l'adulte de quelque façon que ce soit.

J'avais remarqué, ces dernières années, que l'aquarelle, communément en usage dans les écoles, ne convenait pas à l'enfant, que sa technique rebutante pour lui, entravait l'expression, compromettait l'extériorisation saine et joyeuse. Je fis des recherches et découvris, chez Lefranc, les « couleurs à la détrempe » qui paraissaient répondre à ce que j'attendais. Les premiers essais que j'en fis dans ma classe provoquèrent chez mes élèves une véritable avidité ; c'était exactement ce qui leur convenait. Ce sont des couleurs « couvrantes », c’est-à-dire qui peuvent se superposer.

Quand un enfant peint une maison, il peint la façade tout entière puis surajoute les fenêtres et la porte. Ce n'est pas conforme à la technique de l'aquarelle mais, par contre, les « couleurs couvrantes » s'adaptent aux procédés de l'enfant.

Le Larousse m'a appris par la suite que, à l'origine de l'Art, ce sont ces mêmes « couleurs à la détrempe » qu'on employait. Voilà un rapprochement qui pourrait peut-être aider à des sondages psychologiques.

Cette réforme dans la peinture m'apparaît sur un point comparable à celle que l'on vient de faire pour l'écriture ; elle procède du même souci d'adapter l'aliment au processus évolutif de l'enfant. Mais elle apporte quelque chose de plus, c'est que l'appétence du tout petit pour ce moyen facile d'expression peut nous amener à de nouvelles découvertes psychologiques et, en cela, cette réforme se rapproche de celle qu'a apportée l'Imprimerie à l'Ecole.

M. Ferrière, dans « Pour l'Ere Nouvelle » de mars, posait la question : « L'enfant est-il créateur ? Sauf exception, ajoutait-il, ses in­ventions personnelles sont pauvres » ...

Les expériences que j'ai faites cette année, et plus particulièrement celles qui touchent la peinture, m'autorisent à affirmer que l'enfant est créateur. Mais il ne peut créer qu'avec des moyens d'expression à sa mesure.

L'adulte puise dans l'ambiance les éléments qui lui conviennent pour donner corps à sa pensée et, tous les moyens d'expression dont il dispose : la langue, l'art, la science, supposent une somme d'acquisitions conven­tionnelles sans lesquelles l'homme ne pourrait être compris dans ses créa­tions.

Or, si l'on a pu douter que l'enfant est créateur, c'est qu'on n'avait pas su voir qu'il ne peut créer avec les mêmes moyens que l'adulte. C'est qu'on n'avait pas su découvrir les éléments d'expression à sa mesure.

I1 faut avoir observé les enfants à l'œuvre, à la table de peinture, avides et exultants ou graves, méditatifs, recueillis, patients, suivant chacun son obstination telle que même l'heure de la récréation ou du départ ne peut les en arracher ! - pour ne plus douter qu'il y a en eux un foyer rayonnant qui a ses lois propres qu'on ne saurait transgresser sans le détruire.

Heure profondément émouvante que celle où m'apparurent pour la première fois les manifestations de l'esprit créateur !

Et quel soin l'enfant ne met-il pas à l'entretenir ce souffle ! C'est sa chose, il la défend âprement. La fonction entretient le foyer, il le pressent. Et rien, lorsqu'il est en confiance et dans l'indépendance, ne saurait vaincre cette force irrésistible qui veut s'inscrire.

Lorsqu'on a laissé l'enfant prendre conscience de soi, rien n'ébranle plus la fermeté avec laquelle il exécute l'ordre intérieur. Ni les conseils, ni les suggestions - j'ai voulu prudemment en faire l'expérience au moment op­portun - n'entament plus l'originali­té du caractère qui s'est élaboré à tra­vers le chaos d'où l'on a vu apparaître un jour des formes, un sens, une voie... L'enfant oppose un non ! catégorique et superbe. Il veut être soi.

Le plaisir avec lequel il s'exerce à l'élaboration de son œuvre l'application, la ténacité, qu'il met à l'achever, révèlent qu'il y a là, pour lui, une sorte de libération, de délivrance...

Mme Guéritte, dans sa causerie au Congrès, disait : « Le dessin de l'enfant, ce n'est pas de l'art, c'est une fonction biologique ».

Il est, à n'en pas douter, une fonction biologique mais j’y vois quelque chose de plus : le levain des émotions qui forment l'artiste, une participation au développement organique des facultés créatrices de l'enfant et par là, c'est un commencement d'art.

Mme Guéritte disait encore : « Vers 10 ou 12 ans (d'autres ont dit 13) l'enfant cesse de dessiner spontanément, il convient alors de lui donner une méthode ».

Il y aurait lieu de rassembler des témoignages nombreux à ce sujet et de rechercher les causes réelles de cet arrêt. Ne se trouveraient-elles pas dans l'ambiance elle-même ?

Il va sans dire que, en ce qui concerne le dessin « libre », les expériences ne peuvent être formelles que lorsque la liberté va jusqu'à ne point limiter l'enfant ni dans la consommation des matériaux qui lui sont nécessaires, ni dans le temps qu'il lui plaît d'y travailler, ni dans le choix de l'heure.

La liberté n'est si souvent qu'un semblant d'indépendance ! Témoin la Méthode Montessori qui, à l'autorité de la maîtresse a substitué la rigidité d'un matériel...

A l'exposition de « The Garden School », à Nice, j'ai pu voir des peintures, véritables chef­d'oeuvre d'élèves de 13 à 18 ans qui ont de tout temps travaillé librement.

« The Garden School » reçoit les enfants à partir de 3 ans et, la directrice Mme Nicoles, m'a déclaré que les élèves à tout âge, travaillent en pleine indépendance, sans qu'aucune méthode, jamais, ne leur soit imposée. Cet exemple me porte à croire que, même vers 10 ou 12 ans une méthode peut nuire à l'originalité des talents...

On ne saurait trop insister sur l'importance de la peinture à l'Ecole.

Indépendamment de sa valeur éducative, des moyens d'investigation qu'elle offre au psychologue et au psychiâtre, elle répand sur l'état psychique de l'enfant une influence bienfaisante et réparatrice très précieuse.

J'ai vu, dans ma classe, le timide, l’émotif, l'instable, le violent, le soi-disant « paresseux », le prétendu « coupable » de mauvaises habitudes, s'épanouir, s'équilibrer, s'harmoniser.

 

(A suivre).

Lina DARCHE.

St-Jean-de-Bournay (Isère).

 

- Dans mes prochains articles, je donnerai des précisions sur l'organisation du travail dans ma classe, pour répondre au désir de certaines collègues.

L.D.

 

Correspondance internationale par l'espéranto

Octobre 1932

Les camarades qui désirent approfondir l'étude de l'Esperanto pourront suivre le COURS PAR CORRESPONDANCE organisé par le

SERVICE PEDAGOGIQUE

ESPERANTISTE

96, rue St-Marceau - Orléans (Loiret)

 

Cette organisation donne des adresses de correspondants, de revues et tous renseignements utiles pour l'application mondiale de l'Esperanto.

Pour tout ce qui concerne l'Espéranto et la correspondance interscolaire internationale, s'adresser à :

H. BOURGUIGNON

SAINT-MAXIMIN (Var)

 

CORRESPONDANCE INTERNATIONALE

PAR L'ESPÉRANTO

 

Bien que nous n'ayions pas encore en mains tous les éléments d'information, les pronostics les plus optimistes sont permis au seuil de l'année qui s'ouvre. Aux quelques cent adhérents de l'an dernier, sont venus se joindre de nombreux nouveaux, mis en haleine, parmi lesquels une vingtaine de camarades des groupes féministes de notre fédération. C'est une constatation agréable et encourageante, et il nous plaît de souligner également l'engouement du plus grand nombre pour l'esperanto.

Nous avons cru utile de reprendre les principales dispositions concernant les échanges, pour préciser certains aménagements nouveaux, suggérés par l'expérience.

Quelques mots, en premier lieu, touchant le questionnaire adressé en juillet. Seuls, quelques adhérents ayant usé des Services l'an dernier, ont renvoyé leur fiche remplie. Nous prions instamment tous nos camarades, sans exception, parmi ceux qui pratiquent les échanges internationaux, depuis l’an dernier au moins, de vouloir bien remplir tout ou partie du questionnaire spécial qu'ils nous retourneront dès que possible. Et nous nous adressons tout particulièrement à ceux qui correspondent sans l'intermédiaire du service. Tous nos camarades comprendront que nous ayions à coeur de posséder des informations complètes, afin de pouvoir nous rendre compte périodiquement et particulièrement en fin d'année, du travail réalisé dans ce domaine.

Ceux de nos camarades qui continuent les échanges avec les mêmes correspondants doivent régulièrement remplir la deuxième partie de la fiche. Ceux qui désirent des correspondants supplémentaires, répondront au ques­tionnaire complet. Enfin, ceux qui ces­sent les échanges - tout au moins provi-soirement - doivent en informer le service.

Nous recommandons d'autre part aux nouveaux correspondants de nous transmettre leur fiche dès qu'ils seront fixés sur leurs possibilités. L'observation de ces dispositions élémentaires nous permettra de satisfaire chacun, donc une mise en route rapide, tout en réduisant an minimum les causes de mauvais fonctionnement.

Notre commission de correspondance scolaire internationale a été réorganisée sur les mêmes bases que l'an dernier, moins pour répondre aux demandes de classes étrangères dont les maîtres ne connaissent ni le français ni l'esperanto, que pour satisfaire aux exigences d'une situation nouvelle.

C'est ainsi qu'à côté de la traduction des lettres envoyées et reçues par les camarades, nos sous-commissions pourraient constituer des secrétariats spéciaux, chargés de dépouiller les copieux envois qui nous parviennent quotidiennement pour en tirer la matière d'une riche documentation internationale, où nos camarades pourraient puiser, suivant leur tempérament, les éléments d'études diverses.

D'autre part, la collaboration assurée d'une pléiade de camarades étrangers particuliè-rement compétents est pour tous nos adhérents ou abonnés le gage que tout sera tenté cette année pour satisfaire une... clientèle de plus en plus empressée et pour rendre notre rubrique singulièrement attrayante.

Sous forme de « lettres » mensuelles nos camarades d'Allemagne, d'Espagne ou d'U.R.S.S. viendront apporter leur opinion sur les divers problèmes susceptibles d'intéresser les pédagogues épris d'idées nouvelles, et des indications précises sur l'adaptation en fonction du tempérament national et du régime social. C'est ce reflet vivant de l'intense vie pédagogique internationale que nous nous proposons d'apporter ici.

Nos espérantistes n'ont pas été oubliés non plus. A côté de l'édition remaniée et abondamment illustrée de notre cours complémentaire d'esperanto, nous avons pensé réunir la matière d'un cours de perfectionnement s'adressant aux camarades déjà familiarisés avec les principes essentiels du Fundamento. En la circonstance, nous sollicitons de nouveau les avis de ces camarades, directement intéressés à la question. Si l'examen des réponses sollicitées d'autre part est susceptible de nous donner une ligne assez exacte sur le niveau actuel de nos néo­-espérantistes, les suggestions dont ces derniers voudront bien accompagner leurs traductions, quant à la forme, le sens et l'orientation à donner au cours de perfectionnement seront pour nous des éléments précieux pour la mise au point de notre travail. Nos camarades comprendront que nous tenions à posséder ces informations assez rapidement de manière à présenter dès le mois prochain une première tâche.

Une collaboration suivie avec, les éditeurs de disques a donné des résultats immédiats, ou presque, en ce qui concerne l'édition de nos disques d'esperanto, annoncée en juillet, et qui bénéficiera de conditions exceptionnelles. Etablis suivant des directives pédagogiques originales, ces disques nous paraissent répondre à un besoin urgent, senti par de nombreux camarades, en ce qui concerne une rapide utilisation pratique de la langue. Seule la question matérielle conditionne maintenant la parution. Et c'est pourquoi, nous adressons aujourd'hui un pressant appel à tous les camarades désireux de se procurer un matériel d'étude adapté tout spécialement à nos besoins.

La cause espérantiste vient d'enregistrer de nouveaux succès. Les deux grandes associations d'instituteurs de France ont, en effet, voté à l'unanimité des motions réclamant l'introduction de l'esperanto dans les programmes à tous les degrés d'enseignement, en tant que matière obligatoire. Il est permis de penser que le Parlement, par un vote identique, donnera très prochainement droit de cité dans nos écoles à la langue internationale. Ainsi seront dissipées certaines équivoques, ainsi s'aplaniront de nombreuses difficultés.

Ainsi enfin, les deux mots par quoi nous, commencions notre article de juillet prendront­ils une signification particulière d'actualité. Oui, apprenons l'esperanto !

 

H. BOURGUIGNON.

***

Commission de Correspondance

Scolaire Internationale

________

 

DIRECTION GENERALE DU SERVICE et REPARTITION DES ECHANGES. - H. BOURGUIGNON, instituteur à Saint-Maximin -La Ste-Beaume (Var).

ESPERANTO. - 1. BOURGUIGNON ;

2. Mlle M. LÉPOT, inst., à St-Ennemond (Allier) ;

3. BOUBOU, 83, rue de Vaucouleurs, à Orléans (Loiret) ;

4. BARTHELEMY, à Colomars (Alpes-Maritimes).

ALLEMAND. - 1. VOVELLE, dir. d'école à Gallardon (Eure-et-Loir) ;

2. RUCH, instituteur à Domfessel (Bas­-Rhin);

3. GIVAUDAN, prof. au collège, Grasse (Alpes-Mar.).

ANGLAIS. 1. Mme A. R. TENAILLE inst. à Bénévent-l'Abbaye (Creuse),­

2. BOUBOU, 83, rue de Vaucouleurs, Orléans (Loiret).

ESPAGNOL. - 1. Mme AUDUREAU, inst., à Pellegrue (Gironde) ;

2. Mlle SAINT-MARTIN, à Lavardac (Lot-et­Garonne).

PORTUGAIS. - 1. Mme AUDUREAU à Pellegrue (Gironde).

***

Règlement des échanges

1. Tout camarade désireux d'organiser une correspondance interscolaire avec l'étranger doit s'adresser à notre service spécial : H. Bourguignon, instituteur à St-Maximin (Var), en répondant au questionnaire suivant : Adresse de l'école ; niveau scolaire ; nombre de correspondants demandés (nationalités par ordre de préférence) ; enverrez-vous des imprimés et des dessins ? ; aussi des lettres ? ; imprimez-vous un journal de classe ? connaissez-vous une langue étrangère ? êtes-vous espérantiste ? ; joindre obligatoirement un timbre pour la réponse.

2. S'il connaît une langue étrangère ou l'esperanto, il reçoit des adresses de correspondants et peut se mettre en relations sans délai.

3. S'il ne connaît ni l'esperanto, ni une langue étrangère, il reçoit l'adresse d'une classe espérantiste. Les lettres reçues et envoyées sont traduites par notre Service. Joindre timbre de 1 fr. 50 pour l'étranger. Le Service ne se charge que de la traduction des lettres collectives. Coût d'une traduction : 0 fr. 50 (joindre en plus, le cas échéant l'affranchissement pour retour de traduction).

4. Si le Service ne peut donner immédiatement l'adresse d'une école répondant aux désirs du demandeur, celui-ci reçoit un avis de réception de sa demande et attend patiemment, soit une adresse de notre Service, soit une lettre de l'étranger. Délai prévu pour l'Europe : de 2 à 6 semaines suivant le cas.

5. Toute classe demandant à correspondre doit toujours écrire la première. Toute classe ayant reçu une correspondance est tenue de répondre dans les huit jours. La classe qui cesse la correspondance sans avertissement est tôt ou tard dénoncée à notre service par la classe étrangère avec laquelle elle correspond. Si la classe étrangère ne répond pas dans le mois qui suit l'envoi d'une lettre (seulement pour les pays d'Europe), il faut écrire une nouvelle fois. Si la réponse ne vient pas, avertir notre Service. Pour parer à cette éventualité, avoir plusieurs correspondants.

 

Informations postales

 

Régime international. - Lettre ordinaire : jusqu'à 20 gr. 1 fr. 50 ; au-dessus de 20 gr., augmentation de 0 fr. 90 par 20 gr ; Cartes postales : 0 fr. 90 ; imprimés et journaux : 0 fr. 30 par 50 gr. ; Recommandation : droit de 1 fr. 50 en sus de l'affranchissement de la lettre ou de l'imprimé

 

.. Informations spéciales

intéressant la correspondance interscolaire

 

1° Les cartes postales illustrées ne portant pas plus de cinq mots exprimant des souhaits ou autres formules de politesse sont considérées comme imprimés, Affranchissement : 0 fr. 30.

2° Les devoirs originaux d'élèves, dessins, cahiers corrigés, feuilles de musique, tout travail scolaire n'ayant pas le caractère de la correspondance personnelle sont considérés comme « papiers d'affaires » affranchissement jusqu'à 250 gr.: 1 fr. 50 ; au-delà de 250 par 50 gr. en excédent, 0 fr. 30 en plus. Recommandation (facultative) 1 fr. 50 en sus.

3° Les journaux et bulletins publiés par l'expéditeur (les classes qui font de l'imprimerie jouissent du demi-tarif des imprimés et paient un affranchissement de 0 fr. 15 par 50 gr. (au lieu de 0 fr. 30) pour tous les pays sauf : la Suisse, l'Angleterre, le Japon, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis, la Suède, la Chine et les Indes Néerlandaises.

.....

 

UNUA LETTERO AL NIAJ

GEKAMARADOJ

CIULANDAJ GEEDUKISTOJ

 

Saluton, karaj gekamaradoj !

Unua laborjaro certigis al ni la efikon de viglaj interrilatoj kun la eksterlandaj gekolegoj. Bedaùrinde, pro iu kaùza afero, malofte estis al ni eble daùre interrilati kun ciuj niaj gekamaradoj, kaj ankaù enpresigi la interesajn raportojn, de ili tre ofte verkitajn.

Por individua interkorespondo nur ekzistis gis nun, tre malofte la ebleco. Verdire se ne estas konsiderintaj kiel nia cefa laboro, la peradon de gekorespondantoj inter geedukistoj kaj geinfanoj aù gejunuloj de ciuj landoj, ni devas konfes ke ni ne havigis al ni la deziritan adresaron. Ni tamen turilate povas raporti pri gojegaj progresoj. Car ni pensas ke la individua korespondado havos grandan valoron, ni laùeble ankoraù pligrandigos la nombron de peradoj. Sed por tio via helpo nepre estas necesa.

Nia revolucia laboro en ciuj landoj de la mondo nur povos prosperi, se vi ciuj laùpove, subtenos nin per via kunlaborado, ankaù laùeble aù laùokase per monaj subtenoj. La vasta teritorio de nia laborkampo estas prilaborat de multaj bonvolnaj sekretarioj. Dank'al ili, ni forte esperas ke nia laboro en la estonteco progresos rapidpase.

Por ke aliflanke, niaj eksterlandaj gekamaradoj kiel eble plej akurate sin informu pri la progresoi kaj okazintajoj de nia movado, por ke ni mem, francaj avangardaj geedukistoj konatigu kun la eduka afero kaj la Esperanto-movado sur la tutan mondon, necesas ke ni informigu unu la aliaj laùprave. Tial ni intencas ciumonate laù la eblecoj, dedici « De Eksterlando por Eksterlando leterojn ». La « leterajn » informajn ni ne prezentos nur franclingve, sed ankaù, laùplace, en la angla kaj germana lingvoj, plejofte peresperante. Per tiuj diverslingvaj eldonoj ni esperas interralati en estonteco kun kiel eble plej granda nombro da samideanoj.

Pri monaj subtenoj, mi bone scias ke estas por la plimulto tre bedaùrinda fakto, la nuna ekonomia krizo. Sed ni estas de nun certaj pri viaj afablaj klopodoj, nelacigeblaj. Vian kunhelpon ni dankplene recevos per sendado de ilustrajoj el viala urbo aù lando, gazetoj, diversspecaj porinfanaj eldonajoj kaj perinfana­j verketoj. Ni laùplace rekompencos. Pripensu ke ni, la esperantistaj edukistoj havas plej b­elan taskon inter la edukistaro, montri al la hezitemuloj, al la nekredemuloj kiuj ofte malfavoras nian lingvon, ke gi cefe taùgas por unu el la plej interesaj brancoj de nia agado.

Samtempe, permesu averton pri la venontaj verkoj. Se ili ne estos lege­blaj, kompreneble ni ne povos kompreni kaj aperigi. Se vi ne havas skribmasinon, ciam skribu, tre legeble, car ciu nacio havas sian propran skribmaniero, kiu ofte estas tre malfacile komprenata de alilanduloj. Mi ciujn fervore antaùdankas !

Miaflanke de nun mi certigas al vi nelacigeblan servopretecon por ciam kaj pli kontentigi viajn plej karajn dezirojn.

 

H. BOURGUIGNON.

La kunlaborontoj bonvolu anonci sin kun apartajn desirojn, kiel eble plej frue al : H. BOURGUIGNON, Instruisto, Cefredaktoro de la Internacia Rubriko en « Presarto ce Lernejo». Saint-Maximin-1a-Ste-Baume (Var) Francujo.

Concours

des bonnes traductions

A la demande de nombreux camarades, nous créons un concours mensuel de traductions, réservé à nos néo-­esperantistes. Nous pensons agir de façon équitable en comprenant dans cette catégorie tous les camarades qui n'ont pas encore terminé l'étude du cours complet d'esperanto, sans distinctions. Notre initiative permettra à de nombreux adhérents de se rendre compte de leurs possibilités, en vue d'un acheminement rapide à la pratique de la correspondance internationale, aboutissant et corollaire logique de leurs efforts.

Nous comptons sur des réponses nombreuses et très scrupuleuses, quant aux éléments d'information sollicités.

Après avoir lu une première fois le texte ci-dessus, il y aura lieu de noter :

1. Si on a compris entièrement la lettre.

2. Sinon, quels sont les mots ou expressions, ou phrases non traduits à première vue ?

3. Le temps mis, dans l’un et l'autre cas, pour lire le texte et arriver à en saisir toute la portée.

On effectuera ensuite la traduction, en indiquant au­-dessous :

1. Si on ne s'est pas servi du dictionnaire ou du cours.

2. Si on s'est servi du dictionnaire ou du cours.

2. Si on s'est servi du dictionnaire et pour quelles parties du texte : mots ou phrases.

3. Le temps mis pour la traduction intégrale (cas 1 ou 2).

Adresser les traductions et réponses au questionnaire, dans les huit jours qui suivent la réception du bulletin, au Service Espérantiste. Le compte-rendu de chaque concours sera publié dans le bulletin suivant.

Qui leur répondra ?

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Correspondance en Esperanto

1. K-do Benas, instruisto, Zdoniskes pr. m-la (Varniai) Lithuanie corresp. intéressant l'éducation de la jeunesse ; échange gaz. illustrée, gravures, etc...

2. K-dino Mario Golubova, Oktjarska 15, Kuvsinovo (Smolenska gub.) U.R.S.S., correspond avec élèves des deux sexes 11-12 ans, sachant l'espéranto.

3. Association prolétarienne espagnole désire organiser une correspondance avec des prolétaires des deux sexes du monde entier. As-on Cultural (Esperanto-Fako). P-o de Dabra y Puig 9, Barcelona (Espagne).

4. K-do V. Bokarius, Veterinarnaja ploscad. N° 5, Kharkov (Ukrainio) URSS., désire trouver correspondant pour sa soeur et pour lui.

5. Quatre esperantistes allemands échangeraient lettres et documents d'exposition avec des c-des français. K-do Oskar Guldner, Borngasschen 3, Leisnig (Sachsen) Allemagne.

6. K-do Kiril Penkov, Instruisto, urbo Ferdinand, Bulgarie - végétarien - désire correspondre avec c-de instituteur, de préférence parisien, sur tous thèmes concernant l'éducation et la situation du prolétariat.

7. K-dino Liza Kosenko, Masterkaja, 14 Nikolaev (Ukrainio) URSS., désire correspondant esperantiste de 14-15 ans ; échange de lettres, c. postales sur divers thèmes.

8. S-ro Daniel Ferreira, Rua da Bica Duarte Belo 32-2° Lisboa (Portugal).

Prof-ro Viana de lemos, Rua dos Montes Claros M.G. Coïmbra (Portugal).

F-ino Maria Dias, rua das Covas, 43, Coïmbra.

F-ino Adelia Lopes Serra, Praca do Commercio 5 Coimbra.

F-ino Verena Leuzinger, Avenida 5 de Outubro 275, 2° D. Lisboa.

(Elèves de l'Ecole Normale d'instituteurs de Coïmbra ou fonctionnaires, désirent correspondre avec des camarades des deux sexes : thèmes au choix des correspondants.

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Le cinéma éducateur

Octobre 1932

===LE CINEMA===

 Notre premier film Social : « PRIX & PROFITS»

 Il y a des années que nous ne ces­sions de répéter que tout ou presque était à faire chez nous dans le domaine du cinéma éducateur tant au point de vue scolaire qu'au point de vue post-scolaire, en restant bien entendu sur le terrain prolétarien.

 

Aujourd'hui, grâce surtout à l'initiative hardie de nos camarades Collinet et Allégret qui ont mis à notre disposition le premier ses projets et le second ses réalisations et son travail désintéressé, la Coopé sort son premier film social : Prix et Profits.

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Réalisé en film standard 35 mm, Prix et Profits sera avant la fin de l'année 1932 tiré intégralement et sans coupure d'aucune sorte en film réduit de 9 mm. 5 Pathé-Baby. Nous ne saurions trop recommander à nos filiales départementales et à tous ceux qui disposent de crédits pour le cinéma post-­scolaire ou pour les œuvres sociales de souscrire à l'édition de ce film en format réduit. Si nous atteignons cent exemplaires ce qui n'est pas excessif nous pourrons livrer Prix et Profits au même prix que les films Pathé-­Baby. Si nous n'arrivons pas à ce chiffre les prix varieront jusqu'à atteindre le double. Mais pour peu que chacun y mette du sien, et l'entreprise mérite qu'on l'aide, cette éventualité n'est pas à envisager. En tout état de cause, d'ailleurs mieux vaudrait encore payer le double des bobines ayant une valeur sociale que des fadaises... pour ne pas dire plus.

Qu'est-ce donc que Prix et Profits pour lequel nous osons faire une aussi franche réclame ? Notre enfant, d'abord ? Ce serait quelque chose, mais ce serait insuffisant. C'est un film au sens de classe très élémentaire, mais très net, le premier film français du genre certainement. Pas d'intrigue plus ou moins romanesque : mais la vie ; pas d'acteurs professionnels et pas de vedettes, mais les seuls acteurs naturels dans l'exercice de leur labeur quotidien. Voilà déjà quelque chose qui n'est négligeable dans la marche vers la réalisation du cinéma vraiment populaire et humain.

Evidemment, Prix et Profits n'a ni l'envergure ni la richesse technique, ni la beauté artistique des films soviétiques les plus connus auxquels de par sa composition il peut seul s'apparenter. Mais il n'a pas eu pour sa réalisation l'appui d'un Etat prolétarien, les ressources d'un budget d'éducation populaire. C'est un film de pauvres... et c'est son plus grand défaut. Si l'on veut en tenir compte pour être juste, on reconnaîtra que dans notre milieu, Allégret a réalisé, avec les moyens plus que modestes mis à sa disposition, un véritable tour de force qui en fait présager d'autres.

Mais peut-être faudrait-il que nous présentions le film avant d'en disserter.

Prix et Profits n'a pas, avons-nous dit de personnages principaux. Sa vedette, c'est la « pomme de terre » du producteur au consommateur. Son drame, c'est la vie, quotidienne des prolétaires dont le besoin, la misère et la faim sont les formes les plus émouvantes. Et sa puissance révolutionnaire réside uniquement dans leur représentation fidèle, représentation sensible aux spectateurs les plus frustes comme aux plus cultivés. Certes, le film n'a pas toute l'ampleur que nous lui aurions désirée. La pomme de terre, comme l'écrivait Freinet, aurait pu défiler « chez le chemineau, le gréviste, l'habitué des soupes populaires, le prisonnier, l'écolier pauvre » et explorer toute la misère prolétarienne opposée par contraste aux repas bourgeois. Prix et Profits, sans aller jusqu'au bout du sujet n'en touche pas moins les parties essentielles, jugeons-en.

Un beau ciel nuageux, au-dessus d'un champ de pommes de terre pris au ras du sol. Puis les pommes de terre fanent, le ciel est gris, l'atmosphère triste. Des gens arrivent du bout du champ en travaillant. Une charrue culbute les pommes de terre. Des femmes et gosses la suivent et les ramassent. Les paniers pleins sont vidés dans un tombereau et le travail continue malgré la lassitude. Le soir arrive. Sur la route déserte, sous le ciel immense et toujours triste le tombereau chemine lentement. Il arrive dans une cour de ferme et sur un petit tas de pommes de terre déjà en place, il déverse son chargement. Alors, c'est le triage, puis la pesée. Les enfants sont toujours là qui aident au travail des adultes. Et le père regarde ses gosses. Pour l'un il entrevoit un complet de confection neuf, étalé à la vitrine d'un magasin. Pour l'autre, une paire de chaussures ; pour l'autre une coiffure...

Et à table un peu plus tard on le voit écrivant de sa grosse main le prix supputé de sa récolte et l'utilisation de ce prix : semence, engrais, réparations, nourriture des animaux, costume, casquette, souliers...

 

Puis, c'est le départ pour la vente. Le paysan conduit par la bride son cheval qui traîne lourdement la charrette de pommes de terre. Les enfants, heureux, souhaitent au père bon voyage et prompt retour. La route s'allonge et c'est enfin l'arrivée chez le grossiste. Là marchandage et désillusion. Le grossiste montre au paysan des stocks considérables. Et les billets espérés se réduisent. Le producteur est l'éternel vaincu. Il repart tête basse et sur sa liste de commissions, il raie successivement toutes les choses qu'il devrait acheter pour ses enfants... Et puis, voici Paris. Voici les Halles et leur vie grouillante. Les marchands et les marchandes défilent. Chez un gros mandataire des prix sont affichés.

Le gros profiteur fait une apparition. Auto, allure cossue, air satisfait, gros cigare et bel hôtel... Un camion de pommes de terre arrive et décharge ses sacs. Le commis du mandataire fait le pointage. Puis le patron survient pour contrôler lui-même. Sur sa facture les bénéfices déjà réalisés ressortent.

Nous voilà, dans une ruelle d'un quartier ouvrier, devant l'éventaire d'une modeste épicerie. Une camion­nette part pendant que le patron con­tinue de sortir ses étalages. La camion­nette stoppe devant la boutique du mandataire. Les deux commis bavar­dent, mais le patron intervient rude­ment et en gros-plan paraissent qua­lité et prix de la pomme de terre li­vrée, tous deux également majorés... Retour à l'épicerie où, dans un sac de pommes de terre, une étiquette in­dique la nouvelle qualité et le nouveau prix toujours en hausse... Ouvriers, ménagères et marchands des quatre saisons défilent. Une ouvrière, tête nue, mais propre et ordonnée, vient aux provisions. Le commis la sert. La femme paie, son allure est lasse, son expression de visage douloureuse. Elle revient à la maison. Ce sont les quartiers populeux. On secoue les balais par les fenêtres, des gosses jouent dans les ruisseaux... Nous entrons dans une rue défoncée, bordée de mai­sonnettes misérables. Une barrière dé­labrée livre passage à la ménagère... On la revoit à la fenêtre ouverte épluchant ses pommes de terre.

Onze heures, c'est la sortie de l'école communale. Une gosse se détache. Nous la suivons jusqu'à son domicile. Elle vient embrasser sa mère, puis sortant ses livres se met à étudier. La mère s'interrompt d'éplucher les pommes de terre pour faire réciter à la gamine sa leçon d'histoire. Et quelle leçon tristement authentique, hélas ! Pendant sa récitation machinale, l'enfant joue instinc-tivement avec un trou que ses doigts ont découvert dans l'un de ses bas. Découverte de la mère, gestes brusques, puis réparation à la course du pauvre bas déjà bien reprisé. Les chaussures éculées de l'enfant et de la mère sont mises en évidence. Le trou est bouché. La mère ramasse les épluchures de pommes de terre qui ont chu sur un journal et ses yeux tombent sur une réclame de chaussures.

Elle a le rictus amer puis se décide à emporter son plat de légumes. Elle reparaît bientôt avec les pommes de terre fumantes. La table est dressée et la mère et l'enfant assises côte à côte commencent à manger. Le mari arrive. Repas silencieux. Mines poignantes... Et soudain des lèvres douloureuses de l'ouvrier, la conclusion jaillit : « il faudrait les supprimer » ! Qui çà ? « Eux ! » les parasites qui s'engraissent de la sueur de ceux qui triment et qu'on voit défiler rapidement devant nous. Comment ? Et dans une vision le travailleur des champs du début du film reparaît, le travailleur de l'usine sortant de sa fournaise marche à sa rencontre. Et tous deux, la main dans la main scèlent sans un commentaire l'union du producteur et du consommateur, l'union de tous ceux qui seuls enfantent la richesse du monde.

Telle est dans sa simplicité le film Prix et Profits. Tel quel, il peut constituer un excellent film de propagande pour toutes les œuvres ouvrières et les œuvres coopératives.

Il comprend environ 550 mètres de film standard, ce qui représente à peu près 30 bobines de film Pathé-Baby de 10 m. ou 15 bobines de 20 m. Le prix sera fixé, dès que nous saurons le nombre d'exemplaires souscrits. Il variera comme nous l'avons dit dès le début entre 12 et 24 fr. la petite bobine, soit 360 à 720 fr. Si nous arrivons à cent exemplaires, c'est le prix inférieur qui sera le bon. Bien noter aussi que nous pourrons livrer dans de bonnes conditions des exemplaires de « Prix et Profits » en films standard.

Concours de scénarios

 

Puisque nous voilà partis, il ne faut pas nous arrêter en si bon chemin et nous pouvons, dès maintenant, prendre nos dispositions pour l'avenir. A cet effet, nous ouvrons un concours de scénario auquel nous convions tous nos coopérateurs et tous leurs élèves. Il s'agit de mettre au point

 

1° Des films d'enseignement primaire tenant entier dans une bobine de film Pathé-Baby de 20 m., titre et sous-titres compris. Ce qui correspond à une bobine de film standard de 50 cm. environ ;

 

2° Des films récréatifs ou sociaux d'une longueur maximum de 1.000 m. en film standard ou de 4.000 mètres en film Pathé­Baby.

 

Le choix des sujets est entièrement libre. La seule condition imposée est que les films soient réalisables avec des moyens simples, sans décors artificiels et sans acteurs professionnels. L'idéal serait que les enfants y occupent la place prépondérante en ce qui concerne l'élément humain. Mais cette condition n'en est pas obligatoire. Le concours en question est permanent.

 

Dans le jury d'appréciation entreront non seulement des membres qualifiés de la Coopérative désignés par les adhérents eux­mêmes, mais quelques techniciens qui auront voix délibérative sur le chapître possibilités de réalisations. Le nom des auteurs figurera, s'ils le demandent sur chacun des films réalisés d'après leurs scénarios. Mais la Coopé se réserve le droit de reproduire sans droits d'auteurs, les films choisis en tout format à sa convenance et de disposer seule de ce droit de reproduction. Tous les trois mois des prix importants seront attribués aux lauréats primés. Pour commencer la Coopé offre un « Pathé-Kid ».

R. BOYAU.

Location des films. - Des fiches seront envoyées pour la rentrée. Les adhérents sont priés de les remplir complètement, exactement et lisiblement. Le développement des filiales départementales va nous permettre, espérons­le, une sérieuse amélioration de nos services.

 

La Presse

Cinématographique

 

Nous donnerons chaque mois, dans cette rubrique un compte-rendu des revues cinématographiques françaises et étrangères qui traitent de questions susceptibles de nous aider dans notre tâche éducative.

 

Revue Internationale du Cinéma Educateur.

- Les récents numéros ont rendu compte d'une importante enquête sur les films de guerre et les enfants. Quelques collaborateurs reviennent sur la question dans le numéro d'août 1932.

Lorsque des films de guerre, tels même que Quatre de l'Infanterie ont passé sur l'écran des villes françaises, nous avons été quelques-uns, qui avions connu la vraie guerre, à dire que ces représentations ne servaient pas la paix si elles ne visaient pas délibérément à montrer les causes vitales et les responsabilités des guerres capitalistes.

 

Voici l'opinion de Jules Destrée à ce sujet:

« Le public qui va au cinéma y va pour se distraire ; dès lors, il y a dans l'horreur des limites nécessaires et un degré qu'on ne peut pas dépasser sans aboutir au dégoût. »

Après avoir vu un film de guerre, des enfants de 10 à 12 ans disent : « Mieux vaut vivre un jour en lion que cent ans en brebis ».

J. Destré commente ainsi cette réponse :

« Evidemment, pareilles réponses ne sont pas bellicistes ; mais elles impliquent pourtant l'acceptation de la guerre dès que la patrie l'exige (c’est nous qui soulignons). Je pensais bien que le film même aux intentions les plus pacifistes ne pouvait pas éviter de montrer des actes de courage, de dévouement, de sacrifices, portant à l'extrême les plus hautes vertus humaines. Ce sont ces héroïsmes qui frappent surtout les enfants et les jeunes gens, qui parent d'un manteau splendide et séduisant les pires horreurs ».

Même antienne d'une collaboratrice italienne, Eva Elie :

« Sachant ce qu'est la guerre, l'ayant vue au cinéma sous ses couleurs les plus sinistres, ayant ouï les râles des moribonds... aucun enfant ne peut désirer la guerre et le film atteint bien son but. S'il exalte d'autre part le sentiment de l'héroïsme dans la défense et contre qui attaque, comment ne pas se réjouir d'une semblable preuve de vitalité ? »

Nous nous en doutions : les films de guerre ne servent pas le pacifisme; ils exaltent l'héroïme inutile et le nationalisme aveugle. Nous le répétons : la lutte contre la guerre ne saurait être menée sans une action vigoureuse contre les causes profondes qui l'engendrent et la préparent. Et en bons pacifistes, nous devons nous y appliquer.

 

Le film de 16 mm. aux Etats-Unis :

« La tendance de l'école à collaborer à la réédition et même à la production des films d'enseignement est vivement encouragée. Les écoles de Philadelphie ont produit plus de vingt bobines sur la vie scolaire. La grande école professionnelle du Nilwaukee a confié à quatre professeurs, aidés d'un opérateur, le soin d'exécuter pour son usage exclusif, des films de 16 mm. sur les sciences naturelles, la prévention des accidents et autres sujets analogues. En une année cette école a fait, avec deux cameras « Filmo » et les accessoires nécessaires, plus de 100 films qui sont, chaque jour à midi, projetés dans l'amphithéâtre de l'école ».

« Un projecteur 16 mm. moderne pèse de 10 à 20 livres. Sa source lumineuse, obtenue d'une lampe Mazda de 300 à 500 watts répond à toutes les exigences, même pour les salles de classe les plus vastes. On peut obtenir, avec les meilleurs projecteurs modernes de bonnes projections à plus de 100 pieds de distance, et des images de 12 pieds de largeur suffisamment nettes. Le format 16 mm. peut s'adapter à la cinématographie sonore et en couleurs. On peut dire qu'il a désormais résolu les plus sérieuses difficultés qui entravaient l'emploi du cinéma à l'école ».

« Aujourd'hui, grâce au 16 mm., on a pu convenir unanimement que, dans l'enceinte de l'école, la salle de classe est le lieu où le cinéma peut rendre les plus grands services ».

 

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immédiatement

votre ABONNEMENT

Coopérative Interscolaire du Jura

________

Malgrè l'offre aimable de Freinet, nous ne voulons pas encombrer le bulletin avec un article documentaire sur notre objectif à long foyer. La notice que nous envoyons sur demande contient tous les détails et références utiles. Nous tenons à remercier la Coopé, - à laquelle nous sommes affiliés - de la publicité que Boyau nous a faite l'an dernier. Nous remercions également les nombreux camarades de la coopé qui ont adapté notre objectif sur leur projecteur, des appréciations élogieuses qu'ils nous ont envoyées.

Nous comptions sur leur propagande pour activer notre vente, permettre la récupération des capitaux importants engagés par la coopé du Jura. Les bénéfices modestes seront entièrement consacrés à des inventions nouvelles et à l'édition de films. Il est bien entendu que l'édition sera faite par la Coopérative de l'Enseignernent laïc, avec l'appui financier et pédagogique de ses adhérents et des filiales départementales.

Nous pouvons envoyer gratuitement des notices sur notre objectif à long foyer, des croquis pour construction de boîtes à films, une notice pour la construction d'un appareil à vérifier, réparer et monter les films P.B. (modèle exposé à Bordeaux) et même, pour les camarades non bricoleurs, nous pouvons envoyer cet appareil au prix de revient, trente-cinq francs, franco (délai de livraison, une quinzaine de jours).

Faute de capitaux importants, ni la Coopérative du Jura ni la Coopérative de l'Enseignement laïc, n'ont pu entreprendre la vente et l'édition de vues stéréoscopiques, mais nous pouvous faire livrer d'excellentes vues, classées en coffret avec un stéréoscope avec une remise de 15 % sur les prix normaux. - Renseignements sur demande. Joindre un timbre pour réponse. S.V.P.

 

F. MAGNENOT.

Montholier, par Aumont.

(Jura).

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Les disques

Octobre 1932

LES DISQUES

Les chants scolaires

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Les disques qui peuvent être catalogués : chants scolaires forment une collection assez importante : rondes de Dalcroze, vieux airs populaires sont enregistrés par de nombreuses marques. La maison Columbia nous a donné « Les chansons de Bob et Bobette » et la Compagnie Française du Gramophone « La chanson des Contes de Perrault ». Voici les principaux, mais consultez le catalogue. Vous trouverez sûrement ce que vous désirez.

***

Il est très facile d'apprendre un chant à une classe à l'aide du phonographe. Faites d'abord copier sur les cahiers de chant de vos élèves toutes les paroles enregistrées (Ce travail vous est facilité par la Discothèque circulante puisque tous les disques cités plus haut sont loués avec fiche).

Réunissez - cahiers en mains - votre classe autour de l'appareil. Quelques courtes explications sur le morceau à apprendre et lâchez le frein. Une fois, deux fois, trois fois, nous écoutons silencieusement la voix du phonographe en suivant sur le cahier. Qui pourrait chanter ? Les meilleures voix s'essayent. Recommençons. Et le disque se déroule encore une, deux, trois, quatre fois. Et voici quelques autres élèves qui peuvent encore chanter. Le phonographe est fermé et nos meilleurs chanteurs connaissent un nouveau morceau.

A la prochaine séance, encore deux ou trois auditions phonographiques et toute la classe chantera.

C'est si vous le voulez bien de la méthode globale. N'essayez pas de décomposer le chant enregistré en phrases musicales et de les faire apprendre les unes après les autres. D'abord vous réussirez très difficilement à trouver sur le disque le sillon correspondant à la phrase, vous abîmerez à coup sûr votre galette noire... Et puis, un beau morceau ne se dissèque pas, (ce n'est pas une leçon de sciences), on le sent.

Cette façon de procéder est assez rapide, elle plaît aux enfants, elle ne fatigue pas le maître. La leçon de chant peut ainsi être placée sans inquiétude à la fin de la journée. Elle permet à tous les maîtres d'apprendre quelques chants à leurs élèves.

 

Y et A. PAGÈS.

Saint-Nazaire (Pyr.-Or.).

Disques recommandés

pour l'enseignement

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Nous donnerons dans cette rubrique les titres et références des disques susceptibles d'intéresser nos camarades. Nous les accompagnerons, autant que possible, de quelques lignes de notices bibliographiques.

Henry Poulaille et Charles Woff : Le Disque à l'Ecole (notes et tableaux pour l'utilisation du phonographe comme instrument pédagogique). Cahiers Bleus, éd. Valois, 5 francs.

Après quelques notes sur la valeur sociale et pédagogique du disque, après avoir cité les premiers essais de notre discothèque, les auteurs publient un vaste choix de disques susceptibles de servir dans nos écoles.

H. Poulaille nous avait déjà donné, il y a deux ans, une esquisse de ce choix. A parcourir cette longue liste on serait tenté de croire que nous sommes vraiment gâtés par l'industrie phonographique.

Hélas ! une expérience de quelques mois, faite grâce à notre Discothèque Circulante, dans une trentaine de classes, nous montre au contraire que bien rares sont les disques qui intéressent vraiment les enfants et dont nous puissions tirer un profit éducatif certain.

A nous justement de dire ici même les défauts, les insuffisances des dis­ques auditionnés de façon à faire un choix sévère et sérieux d'abord à l'usage de nos camarades, pour montrer ensuite dans quel sens doivent être poussées les recherches et les réalisa­tions des firmes qui s'intéressent à l'enseignement.

C. F.

 

 

L'Enseignement du Dessin

Octobre 1932

L'Enseignement

du Dessin

 

Ceux qui n'aimaient pas l'enseignement du dessin qu'on leur donnait à l'école primaire et à l'école normale se rappellent peut-être en voyant de jeunes enfants remplir de dessins toutes les feuilles de papier dont ils peuvent s'emparer, qu'ils furent comme ces bambins, qu'ils eurent la même passion pour le dessin. C'est en général vers la 3e ou 4e année scolaire parfois même avant - que le goût pour le dessin s'en allait, juste au moment où on commençait à nous inculquer le dessin « exact », le dessin d'observation comme disent les programmes.

Pourquoi d'ailleurs aurions-nous continué à aimer le dessin ? Les objets que notre crayon devait représenter n'étaient guère intéressants. Si un poids d'un kilo, un fer à repasser, une pince à sucre peuvent s'entourer d'une poésie secrète, s'il paraît qu'un grand peintre peut faire une œuvre d'art en peignant une casserole, les enfants de constitution normale sont réfractaires à une telle poésie, et s'ils veulent faire un beau dessin, ils choisissent des sujets moins difficiles que la casserole du grand peintre (que je n'ai d'ailleurs jamais vue ni vous non plus, sans doute).

On avait de beaux programmes de dessin pour nous ; on allait du simple au composé, de la ligne droite au cercle (ou inversement), de la surface au volume. On avait oublié seulement ce petit détail : ce qui est simple pour l'adulte est parfois bien compliqué pour l'enfant, et copier un objet « vous n'avez qu'à dessiner ce que vous voyez, tout simplement ! » - n'est pas si facile que cela : cela exige une somme de connaissances - rapports, proportions - et une certaine habileté technique que l'enfant ne peut pas avoir.

Le résultat de cet enseignement, ce sont - malgré des préparations laborieuses et enuyeuses - ces pauvretés appelés « dessins d'observation » qui font perdre à l'enfant à tout jamais le goût pour le dessin, alors que des quantités d'images vivent dans son imagination qui ne demandent qu'une petite impulsion pour venir réalité graphique.

Il est vrai qu'il restait le dessin libre. En effet, au moment des grandes chaleurs, la veille, le lendemain d'une fête, on nous laissait dessiner librement. A quoi bon ? Nous n'aimions plus dessiner. Sous prétexte de nous apprendre à observer on avait tué en nous la passion pour le dessin. C'était payer un peu cher une aptitude que nous aurions pu acquérir d'une façon différente et peut-être plus sûre.

Devenus instituteurs à notre tour et ne sachant ni aimant dessiner, nous étions privés d'un des meilleurs moyens d'enseignement, car il faut dessiner pour évoquer telle scène, expliquer tel point. Et nous nous mîmes à un travail que l'école normale n'avait même pas entrevu : apprendre le dessin qui rend des services à l'instituteur c'est-à-dire le dessin d'imagination, le dessin d'après un modèle interne.

Nous avons acheté des brochures contenant des croquis « simples », « classés d'après les saisons », mais en général la déception fut grande. Je fais une exception pour les deux cahiers de Rossi qui au début nous ont rendu bien des services. Les chiens les bonshommes, les vaches, tous les croquis si caractéristiques de Rossi ont égayé nos tableaux noirs et nos cahiers et nous ont rendu le goût pour le dessin.

Mais Rossi est un artiste, et en les imitant ont fait de ses croquis de vulgaires schémas et vraiement, ils méritent mieux que cela. D'autre part, tout schéma constitue un danger ; dès que l'enfant a adopté ce modèle commode, le dessin est arrivé à un point mort ; le développement organique est arrêté net. Alors nous avons fait machine en arrière, mais encore aujour'hui, près de deux ans après, nous rencontrons des dessins portant l'empreinte de Rossi.

Poussé alors par ma propre expérience, guidé par des pédagogues du dessin, tels que Richard Rothe, Wittber, le groupe autour des idées de Gustaf Britisch, j'ai réorganisé mon enseignement du dessin selon les lignes suivantes qui pour le moment constituent notre plan de travail :

Il n'est qu'un programme de dessin : c'est de suivre le développement organique de l'enfant. C'est le dessin spontané de l'enfant qui nous renseigne le mieux sur ce développement, et c'est pour cela. Il faut donc avant tout étudier à fond le dessin spontané. Mme Lagier-Bruno l'a fait pour les premiers stades de ce développement et je ne puis que renvoyer à cette excellente étude.

Laisser l'enfant se développer selon son tempérament et ses prédispositions n'exclut pas toute intervention. Le meilleur jardinier est celui qui connaît le mieux les secrets de la nature, s'en inspire, les utilise. Lorsqu'il s'agit de dessin, toute intervention doit être faite par quelqu'un qui sait distinguer la ligne générale du développement, qui connaît la forme et le meilleur moment de cette intervention. Il faut savoir quand on peut dire à l'enfant de bien observer tel détail, quand on peut provoquer tel dessin, proposer tel sujet, telle technique. Il faut beaucoup de doigté et beaucoup de discrétion. Il ne s'agit ni de corriger ou de relever toute « faute », ni de se pâmer d'admiration devant toute oeuvre enfantine.

Si nous étudions les dessins des enfants, nous verrons bientôt que très peu de nos élèves sont capables de dessiner d'après nature. En général, l'enfant dessine d'après un modèle intérieur. Dans 9 cas sur 10, le dessin dit d'observation n'est qu'un leurre. Cela ne veut pas dire que nous proscrivons ce genre ; nous lui donnons la place qui lui convient à côté du dessin d'imagination pure, de l'illustration, de l'ornement.

Nous ne nous contentons pas de donner à l'enfant un crayon noir et des crayons de couleurs. Il est bien d'autres outils appropriés que certains élèves préfèrent aux crayons : par exemple les plumes genre Redis ou S 20, les couleurs couvrantes. Nous étendons d'ailleurs le champ du dessin proprement dit et y englobons le modelage, le découpage du papier et du carton, les arts graphiques les plus simples, afin de faire du dessin ce qu'il doit être : un moyen d'expression au même titre que le langage.

V. RUCH.

 

L'école soviétique

Octobre 1932
U.R.S.S., URSS

L'ÉCOLE SOVIÉTIQUE

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Notre rubrique sur l'école soviétique au travail est attendue avec curiosité et intérêt par tous les camarades. Nous sommes en train d'établir une liaison sérieuse avec nos camarades soviétiques et nous espérons pou­voir bientôt alimenter une rubrique unique dans la presse pédagogique, donnant à côté d'aperçus généraux sur le travail scolaire des détails sur l'application des techniques, détails fournis souvent par les éducateurs soviétiques eux­-mêmes.

Nous répétons ce que nous avons précisé au congrès. Nous ne donnerons pas dans notre bulletin de documentation générale sur la pédagogie russe. Nous l'étudierons pour ainsi dire en fonction de nos techniques. Nous irons chercher dans la pédagogie soviétique des appuis pour développer et perfectionner nos techniques. Nous ferons d'ailleurs la même chose pour la pédagogie des autres pays.

Nous nous sommes tracés un programme précis que nous avons présenté aux éducateurs soviétiques. Nous en donnons ici les principaux points :

 

1° L'expression libre de l'enfant (journaux muraux, journaux d'usine, journaux scolaires) ;

2° La liaison de l'école à la vie, des divers enseignements à la vie ambiante et l'activité des adultes ;

La langue maternelle et l'enseignement scolaire ;

Les sciences et la vie agricole ou ouvrière ;

Le calcul et la vie - comment ils sont liés.

3° Les techniques de travail en U.R.S.S. :

a) celles importées de l'étranger, comment elles sont appliquées, comment elles ont évolué ;

b) techniques originales, expérimentées plus spécialement (plan Dalton, méthode « Project », méthode Cousinet, Decroly...) ;

c) le travail manuel et ses applica­tions scolaires…

d) promenades et excursions en U. R.S.S. ;

e) les soins corporels, l'éducation physique ;

f) la coopération, régulatrice du psychisme.

4° L'enseignement maternel en U.R..S.S. : méthodes et procédés.

5° La correspondance interscolaire, nationale et internationale.

6° Le cinéma ; le théâtre éducateur, le théâtre révolutionnaire, l'évolution du théâtre pour enfants.

7° La radio.

8° Les disques.

Nous signalerons de plus les revues et livres étrangers et notamment russes qui peuvent intéresser nos lecteurs.

Nous estimons qu'aucun éducateur ne devrait ignorer l'essor merveilleux de l'éducation soviétique. Les Russes ont révolutionné la pédagogie. Leur expérience s'est appuyée sur les méthodes reconnues jusqu'à ce jour comme les plus modernes et porte sur plus de cinquante millions d'enfants.

Si notre liaison avec l'école soviétique concrétise une fois de plus aux yeux de nos lecteurs qu'une transformation de l'école ne peut avoir lieu sans une transformation radicale du régime social, si elle nous permet de perfectionner nos techniques dans l'école bourgeoise malgré le régime, si elle nous fait aimer le grand effort de libération que constitue la révolution russe et ainsi participer à sa défense - nous n'aurons pas perdu notre temps.

Encore un mot : les camarades nous excuseront si, au début, notre nouvelle rubrique ne reflète pas le caractère pratique et concret que nous vouIons lui donner. Nul n'ignore les obstacles considérables qui gênent tout effort international. Mais nous nous sommes mis résolument à la besogne ; nous pouvons déjà compter sur la collaboration de nombreux camarades étrangers. Nous pensons être bientôt en mesure de combler véritablement un vide dans la presse pédagogique actuelle.

L'étude des éléments du travail industriel

Octobre 1932
U.R.S.S., URSS

L'étude des éléments du travail industriel

par Victor DANILEVSKI

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Pour le développement de l'industrie socialiste, il est de toute nécessité que le travailleur reçoive une éducation polytechnique, qu'il soit mis à même de diriger son intelligence de tous les côtés, qu'il soit l'acteur réfléchi ou l'ordonnateur compétent, chargé de la réalisation d'un travail dans ses différentes phases, l'élément actif, conscient de sa participation à toute l'édification économique socialiste. Dans le régime capitaliste, ce travailleur-là n'a pas sa raison d'être. Le capitalisme n'a besoin que d'un « accessoire » vivant et muet ajouté à la machine : l'esclave de la machine.

L'exemple le plus frappant de cette tendance de la production en régime capitaliste, c'est l'abondance voulue de la main-d'oeuvre non qualifiée dans les pays où règne le capitalisme. Le directeur d'un Office des cadres de spécialistes à New-York, a clairement défini l'ouvrier qui convenait au régime (1928). Il réclamait « l'industrialisation des anormaux ». « Il est facile, disait-il, de faire travailler des centaines de milliers d'anormaux qui, naturellement, ne recevraient qu'un salaire d'enfants ». Les agences du travail, aux Etats-Unis, ont démontré que les initiateurs de grèves étaient toujours les ouvriers les plus raisonnables et les plus compétents, et de plus, que la main-d'oeuvre la plus changeante était constituée par les travailleurs les plus intelligents.

La production en régime socialiste a besoin d'un tout autre ouvrier. L'un des facteurs les plus importants pour organiser l'enseignement poIytechnique c'est de faire l'éducation polytechnique de l'instituteur lui-même. Et c'est justement pour aider l'instituteur dans sa tâche que nous essayons de définir le contenu du « complexe » minimum de technique industrielle, matière d'enseignement indispensable pour toutes les branches du travail scolaire. Il nous faut aussi tracer à larges traits la méthodologie de cette matière nouvelle.

Celui qui a un aperçu, même assez vague de la technique moderne saisit très bien qu’il ne soit pas possible de l'étudier dans son entier. Et pourtant, la pratique pédagogique nous donne des exempes nombreux d'instituteurs dirigeant leurs efforts dans ce sens. C'est pourquoi nous déclarons catégoriquement qu'on ne peut étudier la production industrielle moderne que suivant une méthodologie appropriée.

Cette méthodologie nous a été présentée pour la première fois par Marx. D'après l’analyse qu'il en a faite, chaque phase de travail comporte trois facteurs, trois éléments également importants : l'objet du travail, le moyen de travail et le travail lui-même. Mais l'élément le plus caractéristique, d'après Marx, c'est le moyen de travail.

Nous nous trouvons en présence de trois séries se rapportant au moyen de travail : 1° l'outillage mécanique ; 2° les locaux, établis, où se trouvent les travaux à réaliser (objets) durant le processus du travail ; 3° les conditions matérielles de ce processus. Me basant sur l'analyse de Marx, j'ai ainsi défini le système d'enseignement de la production industrielle : 1° les moyens de production industrielle ; 2° sa base énergétique ; 3° son organisation.

Pour ne pas distraire l'attention dans l'infinité des formes concrètes de la technique moderne et des procédés technologiques, pour nous orienter au milieu de cette diversité, nous proposons les méthodes suivantes d'enseignement : 1° typologie et systématisation des moyens techniques et des procédés technologiques de l'industrie moderne ; 2° généralisation de sujets concrets ; 3° détermination du « poids spécifique » de certain moyen ou procédé dans le plan général de développement de l'industrie socialiste.

Ainsi, il nous faut avant tout déterminer dans l'infinité des moyens techniques les plus typiques. Pour cela il nous faut entreprendre un certain travail analytique, des recherches en vue d'une classification. Nous devons porter notre attention non seulement sur les formes statiques de la technique mais aussi ses formes dynamiques.

Nous devons organiser l'étude théorique et pratique des méthodes typiques de travail de la façon suivante : 1° notions générales sur la machine ; 2° matériaux de fabrication de la machine ; 3° étude d'un certain type concret et très simple de machine : (description cinématique et technologique, informations sur le travail qu'elle effectue, sa mise en marche, son fonctionnement, indication sur la marche du travail, l'ouvrier à la machine) ; 4° formes plus compliquées de la machine ; 5° généralisation des connaissances acquises au cours des entretiens sur la machine.

Nous devons toujours avoir présent à la mémoire qu'une technique générale apolitique n'existe pas et ne peut pas exister Une technique ne peut être que capitaliste ou socialiste. Parlant de la rationalisation de la production, nous devons parler non de la rationalisation en général mais de celle du capitalisme ou de celle du socialisme. C'est pourquoi la base du cours de technologie élémentaire doit être la ligne politique du parti sur l'électrification, le développement du machinisme, de la chimie appliquée, de la lutte pour le métal, le charbon, l'industrialisation.

La partie historique du cours doit comprendre les sujets suivants : 1° méthodologie de l'histoire de la technique ; 2° origine de l'outillage ; 3° la technique primitive et ses moyens typiques ; 4° la technique de l'artisanat et ses principaux moyens ; 5° la technique transitoire de la naissance du capitalisme ; 6° les principaux changements techniques de la révolution industrielle du XVIIIe siècle ; 7° les caractéristiques des changements techniques survenus au cours de l'époque capitaliste ; 8° les voies, les succès, les perspectives de la technique socialiste.

Dans la partie qui traitera des moyens de production, l'étude de la machine-outil doit dominer : 1° analyse générale de la machine ; 2° les matériaux de sa fabrication et moyen de les acquérir ; 3° fabrication de ces matériaux ; 4° détails typiques de la machine ; 5° leur montage et fonctionnement ; 6° fabrication de certains produits chimiques (moyens typiques) ; 7° le transport industriel ; 8° la production minière ; 9° mécanisation des travaux de construction ; 10° moyens techniques de l'industrialisation agraire.

La partie qui se rapporte à l'énergie industrielle doit être dominée par l'idée-maîtresse de l'électrification. En voici les principaux points : 1° moteurs à vapeur et à explosion ; 2° force hydraulique ; 3° stations électriques ; 4° contradictions dans le développement de l'énergie électrique dans les conditions capitalistes ; 5° l'électrification due à l'initiative de Lénine, son histoire, ses résultats, les perspectives de son grand développement, caractéristique de l'industrie socialiste.

Le programme de la troisième partie sera dominé par l'idée de la rationalisation socialiste. On étudiera l'usine dans son ensemble. Les principaux sujets seront les suivants : 1° l'évolution des formes organisatrices de la production à travers l'histoire ; 2­° les nouvelles formes d'organisation de la production : le système à la chaîne, l'automatisrne manuel, semi­-mécanisé et entièrement mécanisé, forme supérieure propre à la cité socialiste ; 3° standardisation et mécanisation socialistes, autres traits caractéristique de l'usine moderne ; 4° utilisation rationnelle des moyens de travail ; 5° utilisation rationnelle des matières premières - des résidus de la production ; 6° contrôle de la production : 7° rationalisation du travail dans la production capitaliste et dans la production socialiste.

Comme les cadres d'instituteurs pour l'enseignernent de ce complexe sont loin d'être suffisants, nous recommandons d'assurer au besoin cet enseignement par le choix de quatre spécialistes, appartenant respectivement aux quatre branches suivantes : fabrication des machines ; énergie industrielle ; rationalisation et histoire de la technique.

Rappelons enfin que ce cours est purement élémentaire et qu'en aucun cas il ne doit prendre l'allure d'un cours spécialisé.

 

Du résumé en Espéranto de

Voie de l'Education - Kharbov

Mars 1931.

La Ville de Vienne et l'enfance malheureuse

Octobre 1932

La Ville de Vienne et l'enfance malheureuse

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(LETTRE D'AUTRICHE)

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L'Autriche est l'un des pays qui ont le plus souffert des conséquences de la guerre. On l'a morcelée. Ce qui reste est un pays industriel sans « hinterland ». Incapable de nourrir ses enfants, elle a dû faire appel aux philantropes suédois, hollandais et suisses.

Le nouvel Etat a considéré comme l'un de ses premiers devoirs la création d'une nouvelle organisation de l'école et une assistance modèle pour la jeunesse. Il n'ignore pas les charges que lui impose cette assistance, mais il envisage surtout les résultats.

Chaque femme pauvre a le droit, au plus tard au cours du quatrième mois de sa grossesse, de se faire inscrire au bureau de son quartier pour la visite médicale. On a construit 35 nouveaux dispensaires, pour consultations à donner aux futures mamans. Là, on fait l'analyse du sang pour lutter aussitôt que possible contre l'hérédosyphilis.

La mère qui, pendant quatre semaines, vient présenter son nouveau-né à la consultation, touche une allocation de 40 schillings. La ville est toujours prête à accorder des secours aux nouveaux-nés. Toute femme qui en manifeste le désir peut obtenir pour son bébé, à titre de cadeau, un trousseau complet d'excellente qualité.

On a installé 14 centre d'orientation, où des conseils sont donnés, par un médecin et un pédagogue.

La ville a créé pour les tout-petits plus de 100 nouveaux jardins d'enfants.

Là, si les parents le désirent, les jeunes enfants reçoivent le déjeuner du matin et celui du midi, pour 13 fr., 35 par semaine. Soixante-dix pour cent des enfants sont dispensés de tout paiement.

Toutes les écoles de Vienne reçoivent chaque semaine la visite du médecin et de l'infirmière visiteuse. Celle-ci a pour mission de venir en aide aux enfants qui manquent de soins, elle leur procure le nécessaire, fournit même, le cas échéant, de l'argent aux parents, exerce sur ces derniers son influence, dirige les enfants vers l'école ou le préventorium qui leur convient le mieux.

La ville a aménagé des cliniques dentaires pour écoliers. Dès sa première année de classe, l'enfant est examiné, on lui apprend à se laver les dents. Il reçoit les soins que nécessite son état. D'autres visites ont lieu au moins deux fois par an, pendant toute la durée de la scolarité. Pendant l'année scolaire 1929-30, 80.417 enfants ont été examinés ; sur ce nombre 55.415 ont reçu des soins, 30 médecins-dentistes et 30 aides se sont occupés des écoliers.

Les 10 dispensaires anti-tuberculeux de la ville ont pour but de dépister les malades et d'éviter la contagion à leur entourage. De plus, on frictionne les enfants avec de la « dermoturbine » pour prévenir autant que possible cette contagion.

Pour les écoliers malades des yeux, on a ouvert en 1929, une clinique centrale dirigée par une femme, oculiste : clinique ouverte primitivement trois jours par semaine, puis tous les jours matin, et soir. Parents et maîtres ont été instruits des ménagements qu'il faut avoir à la maison et en classe pour les malades de la vue.

La ville assure enfin le repas de midi aux écoliers. Elle a créé, 66 cantines scolaires. 13.000 enfants en moyenne y viennent chaque jour. Une organisation spéciale, sous le con-trôle de la ville, est chargée de préparer et de fournir les repas.

Chaque année, pendant l'été, 30.000 écoliers environ sont envoyés dans des colonies de vacances. Avant leur départ, tous sont soumis à une visite médicale et ils sont groupés suivant leur état de santé.

A tous les degrés de cette assistance il est bon de remarquer que la ville a pour principe de faire payer les parents qui en ont les moyens. Sont dégrévés en partie de ces frais ceux qui n'ont que des ressources insuffisantes. Les indigents sont dispensés de tout payement. Par exemple, 80 % des écoliers qui prennent leur repas à la cantine scolaire, l'obtiennent gratuitement.

Les dépenses de la ville pour l'assistance à la jeunesse se sont élevées en 1929, à 30 millions de schillings.

Depuis que sévit la crise, la ville a dû faire des économies, sur le chapitre de l'Instruction publique comme partout ailleurs. Le nombre d'élèves, qui était en moyenne de 34 par classe s'est élevé dans la plupart des cas au chiffre maximum de 40. Sur 4.114 classes, il n'en existe que 85 qui atteignent le chiffre de 41-42 écoliers. Mais la gratuité intégrale des fournitures scolaires a été maintenue et le chapître de l'assistance a été épargné.

Même s'il se produisait une catastrophe économique, ce dernier chapître serait le dernier où l'on songerait à faire des économies. L'avenir de notre peuple ne dépend-il pas de la jeunesse ?

 

Otto GLOCKEL.

Président du Conseil

de l'Instruction publique à Vienne.

Extrait du « Bulletin syndical de l'Association des Instituteurs de saxe. »

(Traduit de l'allemand).

 

La collaboration de l'Ecole et de la famille

Octobre 1932

La collaboration de l'Ecole
et de la famille

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(LETTRE D'ALLEMAGNE)

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Les parents des enfants qui vont pour la première fois en classe sont invités à une fête de bienvenue, qui est aussi un jour de réjouissance pour toute l'école. Maîtres et parents sont d'accord pour vouloir que ce jour soit pour les nouveaux élèves un vrai jour de fête, et qui compte dans leur vie. Voilà ce que nous avons décidé avec les parents :

 

Chaque écolier aura sa table et sa chaise. La salle de classe sera coquettement ornée de fleurs et de gravures. Chaque famille achètera à son garçon une boîte de constructions (la moins chère coûte 1 mark), à sa fille une petite poupée. De plus, chaque enfant aura un livre d'images (le maître a montré auparavant un certain nombre de spécimens, pour permettre aux parents de faire leur choix). Ces objets voisinent avec d'autres fournis par l'école : petites boîtes de bâtonnets, terre à modeler, crayons de couleurs, et avec les objets confectionnés par des écoliers plus âgés pour leurs nouveaux camarades. Chacun de ces derniers trouve à sa place ce qui lui revient. On lit dans les yeux de ces petits qu'ils se trouvent comme chez eux dans cette école, qu'ils sont appelés à fréquenter plusieurs années. La liaison est déjà établie entre l'école et la maison paternelle : les enfants commencent déjà à aimer l'école.

 

Il s'agit de tenir en haleine l'intérêt qu'ils portent à la classe.

 

Le maître rend visite aux parents de ses élèves et recueille sur chacun d'eux une ample moisson de renseignements. Les parents sont quelquefois invités à assister à la classe. A mesure que les enfants grandissent, le nombre des parents qui acceptent cette invitation diminue, mais il en vient tout de même. Dans des soirées offertes chaque mois aux parents, le maître explique sa manière de faire et répond aux questions posées par les parents. Voici comment s'est déroulée la première soirée trois semaines après la rentrée.

Les parents trouvent sur le pupitre réservé à leur enfant :

 

1° Le bulletin de l'écolier, avec le résultat des premiers tests, et des renseignements sur les capacités intellectuelles de l'enfant.

 

2° Un bulletin médical.

 

Le maître répond aux questions et fournit, à la demande des parents, des renseignements complémentaires.

Pendant les soirées qui ont suivi, on a chaque fois traité une question :

- Pourquoi donner l'enseignement collectif ?

- L'Enseignement en plein air

- Nouvelles méthodes pour l'enseignement de la lecture et de l'écriture ;

- Introduction à l'enseignement du calcul ;

- Comment apprécier les dessins d'écoliers ;

- Faut-il donner du travail à faire à la maison ou non ?

- Comment aider l'enfant à la maison dans son travail ?

- Comment le nourrir, le soigner et l'habiller d'une manière hygiénique ?

- Etc...

 

On peut, de temps en temps, faire traiter un sujet par des parents, s'ils en sont capables. Parfois, on peut faire appel à la collaboration du médecin de l'école. Celui-ci profitera de l'occasion pour donner aux parents des conseils précieux pour la santé de leurs enfants.

Pour donner plus de vie à ces réunions, on peut donner une fête qui groupera maîtres, écoliers et parents. Pour cela, il faut une salle des fêtes : les enfants chantent dansent, dramatisent des poésies et jouent de petites pièces quelquefois composées par eux.

Quand nous envisageons des excursions, surtout si elles doivent durer plusieurs jours, nous faisons connaître nos projets aux parents. Quand nous avons fait notre long voyage dans les « Riesengebirge », avec les écoliers de la classe supérieure, les enfants ont donné aux parents des explications sur la carte, leur ont montré des vues de la montagne, leur ont joué une scène de la légende de Rubezahl et ont chanté nos belles chansons de route.

Si on procède ainsi dans chaque classe, les parents s'intéresseront activement à la vie de l'école. Nous avons fondé chez nous une société dramatique qui groupe les meilleurs acteurs et chanteurs choisis parmi nos écoliers ; des parents ont pris part à l'organisation de ces fêtes : ils ont monté la scène, orné le théâtre, confectionné les costumes. Pendant la représentation, quelques-uns ont apporté leur aide derrière la scène, ou bien ont fait office de régisseur, ou tenu des rôles qu'il convenait de donner à des adultes, comme celui du vieux berger dans la « Pastorale ». La famille a donc collaboré étroitement à nos fêtes de Noël, à la dramatisation de contes ou à d'autres fêtes. Ceux qui n'ont pas collaboré ont apporté leur obole.

Un jour, veille de premier mai, nous nous trouvions en pleine forêt, au fond d'une carrière de sable, où nous avons trouvé un décor rêvé pour la représentation du « Beau Mois de Mai » de Plenzat. Il y avait bien 1.500 spectateurs ; la majeure partie d'entre eux se sont joints au grand défilé qui termine cette fête du printemps.

Enfin, les parents qui s'intéressent tout spécialement aux questions pédagogiques ont formé une société amicale de parents d'élèves.

L'école et la famille doivent étroitement collaborer.

 

Otto FEIGE, Neugersdorf (Saxe).

(La Jeunesse d'aujourd'hui).

(Extrait de la Revue culturelle des Syndicats d'Instituteurs de Saxe). - (Traduit de l'Allemand)

La méthode « Project » dans l'école polytechnisée

Octobre 1932
U.R.S.S., URSS

La méthode « Project »

dans l'école polytechnisée

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Méthode moderne de l'école bourgeoise, ayant son origine dans les conditions de l'école américaine, la méthode « Project » a subi bien des transformations pour s'adapter aux conditions de l'école soviétique.

Avant tout, la méthode soviétique lutte radicalement contre les trois caractéristiques de la méthode américaine : contre « l'aférisme », contre ces sujets qui n'ont qu'une signification pratique trop étroite, contre cette trop large latitude laissée aux élèves de choisir eux­-mêmes leurs sujets dans leur vie personnelle ou familiale et non dans les besoins de la collectivité.

Mais en luttant contre la conception bourgeoise de la méthode « Project » nos éducateurs sont souvent tombés dans un travers qui leur fait considérer la méthode américaine comme devant remplacer les méthodes soviétiques : celle des « sujets­complexes », celles des « concours d'émulation », et celles des « brigades de choc » (groupes scolaires d'entraînement composés d'éléments pleins d'ardeur à l'étude).

Voici quelle doit être la place de la méthode « Project » dans l'école soviétique :

Si nous considérons l'organisation du travail pédagogique, basé sur le système des complexes, nous constatons qu'elle fait une place aux sujets pratiques de la participation des enfants à l'édification socialiste, aux tâches dans lesquelles se trouve directement réalisée l'union de la théorie avec la pratique. Nous désignons ces tâches très importantes, grâce auxquelles les élèves sont initiés à l’édification socialiste, par le terme de « projets » et la méthode qui préside à l'élaboration de ces tâches est appeIée méthode « Project ».

Mais ceci, ce n'est pas la méthode, c'est la forme de l'enseignement à donner. Il est évident que si la classe se contente de déterminer une tâche de préparer un « projet », elle dévie de la méthode qui exige non seulement la détermination d'un projet, mais aussi son accomplissement. Il faut dire aussi qu'on ne comprend pas vraiment la méhode si l'on ne considère que la partie pratique : il ne faut pas séparer la théorie de la pratique.

L'organisation de la méthode « Project » comporte quatre étapes :

1° Le sujet se rattache à la tâche générale pratique de participer à l'édification socialiste. La tâche du « projet » peut être confiée à toute l'école, à une classe ou le plus souvent à des groupes spéciaux (brigades) ;

2° Programme de travail : plan général, explications théoriques, classification des matériaux, des instruments, etc..., emploi du temps, prévision des résultats, distribution du travail ;

3° Réalisation de la tâche ainsi étudiée et distribuée ;

4° L'estimation (jugement) qui commence dès le choix de la tâche, se poursuit durant le travail et constitue la conclusion générale du travail.

 

Si on évite les déviations, la méthode « Project » devient une forme importante de travail à l'école soviétique.

Nos recherches - techniques - la polycopie a l'école Un nouvel appareil : La Géline C.E. L.

Octobre 1932

Un bon appareil de polycopie est utile à tous les instituteurs, et, à mon avis, indispensable à tous ceux qui ont introduit l'imprimerie dans leur classe. Il suffit d'ailleurs de feuilleter la collection des livres de vie pour constater qu'un grand nombre de nos adhérents utilisent ce procédé de reproduction, qui ne fait pas double emploi avec l'imprimerie, mais en est le complément.

Les occasions de faire de la polycopie ne manquent pas dans nos écoles, coopératives. Veut-on préparer une provision de program-mes pour une fête scolaire, une séance de cinéma, une conférence ? Veut-on reproduire un texte d'auteur un article de journal, un dessin une carte géographique, etc., pour que chaque élève puisse en posséder un, exemplaire ? ... Vite, l'appareil à polycopier. Sans compter que l'instituteur, surtout quand il doit assurer en même temps les fonctions fastidieuses de secrétaire de mairie, a souvent besoin d'y avoir recours personnellement.

 

Reproduction des dessins

par la polycopie

Je veux dire deux mots de l'illustration de nos imprimés, car c'est là surtout que, dans l'état actuel de son perfectionnement, la polycopie est appelée à jouer un grand rôle.

Pour la reproduction des dessins libres d'enfants, sans lesquels nos journaux scolaires ne seraient que l'ombre d'eux-mêmes, les procédés ne manquent pas et ont été tour à tour traités dans cette revue. Mais soyons sincères, nous ont-ils pleinement satisfaits. Je ne parlerai pas de la gravure sur bois et sur métal qui, n'étant pas à la portée de tous les maîtres, est encore moins à la portée des élèves. Oui, je sais bien : il y a la gravure sur linoléum dont l'emploi semble se généraliser. Nous nous en servons parfois, mais parfois seulement. D'abord, tous les dessins ne se prêtent pas à cette sorte de reproduction. Et puis, c’est un travail long, qui retarde souvent le tirage du texte déjà composé et en place sur la presse. Quant à l'impression, elle est ce que l'a faite l'encre d'imprimerie utilisée : un dessin noir dans un texte noir. Je revois la mine déconfite d'un de mes petits imprimeurs après le tirage d'une page illustrée ainsi avec l'un de ses dessins. Outre que ce dessin avait dû être refait à une échelle plus petite (pour économiser la matière première, que des détails avaient été supprimés (pour simplifier la besogne), il ne retrouvait plus les jolies couleurs qu'il avait prodiguées dans l'original. Et il restait tout étonné de lire son nom sous la gravure imprimée...

L'idéal est, en effet, de reproduire un dessin exactement, avec toutes les couleurs qui en font la gaîté et le charme, avec tous ces petits détails naïfs qui valent une signature, et, ceci, rapidement, par un procédé facile !

Nous sommes aujourd'hui très près de cet idéal, grâce à la Géline C.E.L. qui permet un tirage rapide et avec toutes encres de couleurs. Il faut évidemment deux tirages successifs, un pour l'imprimerie, un pour la polycopie, ou inversement. Mais le personnel ne manque pas dans nos classes et les deux équipes peuvent fort bien travailler en même temps : sorties de la presse, les feuilles passent immédiatement à la Géline et, ainsi, dix à douze minutes nous suffisent pour obtenir le tirage complet des cent exemplaires qui nous sont nécessaires. Si l'on a employé les encres de couleurs « Géline » pour peindre le dessin, tout est alors terminé. Si, seules les lignes du dessin ont été encrées, on peut ensuite colorier avec des crayons de couleurs ou de l'aquarelle, chaque élève faisant sa feuille et celle de son correspondant. De toute façon, on obtient ainsi des travaux qui plaisent autrement aux enfants que les ombres chinoises produites avec le linoléum...

 

Je ne voudrais pas terminer l'énumération des procédés de reproduction sans citer le « Nardigraphe ». J’ai vu cet excellent appareil en service chez un camarade et je dois reconnaître qu'on en peut attendre toutes les qualités dont j'ai parlé ci-dessus. Il permet même la reproduction à un très grand nombre d'exemplaires. Mais jetez un coup d'oeil sur le tarir inséré dans notre revue et vous penserez comme moi que l'achat d'un Nardigraphe n'est pas à la portée de toutes les bourses.

 

Le seul appareil polycopiste répondant à la fois à nos moyens et à nos besoins c'est la Géline C.E.L., dont le format n°1 (15 X 21) pris à notre Coopé ne vaut pas 30 francs, et qui permet d'obtenir dans tous les cas plus de cent bonnes copies et même bien davantage si l'on suit les conseils exposés plus loin.

 

 

 

La Géline C.E.L.

 

Avant d'adopter la Géline, Freinet m'avait chargé de faire une expérimentation sérieuse de ce nouveau produit. J'ai déjà rendu compte ici de mes essais (N° 53, page 279). Mais j'avais signalé au fabricant que la Géline s’usait un peu trop rapidement à l'effaçage. Courant juillet, je reçus un échantillon d'une nouvelle Géline qua­lité « O », que je m'empressai d'expérimenter. Un tirage de 150 programmes de distribution de prix absolu-ment parfaits m'a montré tout de sui­te que cette nouvelle qualité valait largement l'ancienne quant au rendement. En ce qui concerne l'usure, l'amélioration est certaine : après un tirage de 120 copies sur mon appareil (format 23 X 29), l'effaçage n'a produit qu'une diminution de poids de 9 à 10 grammes.

Je suis donc maintenant convaincu que la Géline est non seulement le meilleur des appareils à polycopier, mais aussi le plus économique.

 

Description du matériel

 

Je ne connais pas la composition exacte de la Géline et je ne vois d'ailleurs aucune utilité à la connaître. Je dirai seulement que le Géline se présente sous forme d'un corps gélatineux qui, par sa couleur jaune, sa transparence, sa consistance, rappelle parfaitement l'aspect de la gelée de viande dont le charcutier entoure ses pâtés et ses jambons. Son odeur est très agréable.

La Géline se livre en cuvettes métalliques rectangulaires de divers formats, tout comme la « pierre humide à reproduire ». Mais, si l'on possède déjà une cuvette de ce genre, on peut se procurer la Géline en boîte de 1 kg. 200 à un prix très avantageux (voir tarif). De même pour les recharges. Notons toutefois qu'il faut s'abstenir d'utiliser une cuvette rouillée ou vernie intérieurement (dans ce dernier cas, on peut gratter le vernis). Il suffit de faire fondre la Géline au bain-marie et de la couler dans la cuvette.

 

Comment utiliser la Géline

 

a) Préparation de l'original. Toutes les encres à polycopier peuvent être employées. Mais je conseille de commander les encres Géline qui, plus puissantes, permettent d'obtenir un nombre plus élevé de copies.

Le papier le meilleur à tous points de vue est actuellement le papier surglacé « Au Cygne » qui n'absorbe pas l'encre et dont la transparence est suffisante pour calquer directement un dessin.

Employer une plume qui ne gratte pas (Là encore la plume mousse est à recommander). Avoir une plume pour chaque couleur d'encre. Laisser sécher l'encre naturellement : quelques minutes suffisent généralement. Un originaI sera parfait si l'encre sèche apparaît bien brillante partout.

b) Préparation de la Géline. Mouiller toute la surface de la Géline avec une éponge légèrement imbibée d'eau froide. Enlever l'eau en excès à l'aide de l'éponge, puis bien assécher en appliquant successivement plusieurs feuilles de papier. La Géline doit être absolument sèche, sinon le décalque produira des bavures et même des taches.

c) Décalque. - Les précautions ci-dessus étant prises (original et géline bien secs l'un et l'autre), appliquer la feuille sur l'appareil, tout naturellement, sans appuyer, ni frotter. L'adhérence se fait toute seule. Toutefois, veiller à ce qu'il ne se produise pas de poche d'air en appuyant très légèrement du bout des doigts, si besoin est aux endroits où le contact semblerait mauvais. Le temps de contact doit varier avec l'encre employée et la fraîcheur de l'original, mais il devra dans tous les cas être très court. A titre d'indication précise, avec les encres Géline, je retire un original frais au bout de 10 secondes. (J'entends par « frais » ayant eu tout juste le temps de sécher), Un original de plusieurs heures peut rester 15 secondes ; s'il a plusieurs jours, on peut aller jusqu'à une demi-minute, mais jamais plus. J'ai remarqué qu'un contact plus long non seulement ne permet pas d'obtenir davantage de copies mais donne à l'encre le temps de pénétrer plus profondément dans la Géline et produit une usure inutile lors de l'effaçage. D'autre part, lorsque l'application a été très brève, l'original peut servir une seconde fois et donner presque autant de copies que la première.

 

Tirage. - Imprimer très rapidement. C'est du temps de gagné et le rendement est meilleur en quantité et en qualité. L'opérateur peut avoir deux aides : l'un qui présente les feuilles blanches une à une, l'autre qui les recoit à la sortie de l'appareil et les entasse à plat, car elles ont tendance à l'enroulement. Je tire ordinairement les 50 premières copies sans appuyer du tout (sauf quand il se produit une poche d'air), les 50 suivantes en appuyant un peu plus, mais sans jamais avoir besoin d'utiliser un tampon frotteur.

d) Effaçage. - Effacer sitôt le tirage terminé pour réduire au minimun la pénétration de l'encre dans la Géline et par conséquent l'usure. Ne pas avoir peur de mouiller abondamment toute la surface. Frotter avec une éponge dure et très propre, bien horizontalement. Je trouve très pratique l'éponge plate de caoutchouc que l'on trouve dans tous les magasins. L'effaçage se produisant par dissolulion dans l'eau de lavage de la couche de Géline imprégnée d'encre, on hâtera l'opération en renouvelant cette eau plusieurs fois, jusqu'à disparition complète de toute trace d'encre. On peut fort bien mettre l'appareil sous un robinet. Sécher la surface nettoyée avec éponge et feuilles de papier absorbant comme avant de s'en servir.

Et la Géline est prête pour un nouveau tirage.

 

e) Refonte. - Quand on constate que l'usure de la Géline ne se produit pas uniformément, qu'un creux s'accentue au milieu, il ne faut pas hésiter à faire une refonte. Cette opération est en effet excessivement facile. Décoller la Géline des bords de la cuvette à l'aide d'un couteau et l'enlever en un ou plusieurs morceaux. Faire fondre dans une casserole propre ou au bain-­marie et la couler dans la cuvette placée bien horizontalement. A l'aide d'une épingle, enlever les bulles d'air qui peuvent se produire à la surface et laisser refroidir huit heures. On peut profiter de cette refonte pour ajouter de la Géline neuve. Le mélange se fait sans inconvénient.

 

Maurice DAVAU,

à Nouans (I.-et-L.)
 

Pour un groupe d'AMATEURS PHOTOGRAPHES OUVRIERS (A.P.O.) au sein de la coopé

Octobre 1932

Pour un groupe d'AMATEURS PHOTOGRAPHES OUVRIERS (A.P.O.)

au sein de la coopé

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Notre ami Gauthier nous communique une feuille polycopiée, « Bulletin des A.P.O. adhérents à l'A.E.A.R. » (Association des artistes et écrivains révolutionnaires), 21, rue St-Fiacre à Paris.

Nous en reproduisons les passages essentiels :

« Les A.P.O. ont, en France, des groupes et des correspondants isolés et disséminés un peu partout. Jusqu'alors aucune liaison n'était établie entre les groupes ou correspondants si bien que seul, le groupe de Paris, était à peu près au courant du travail réalisé en province.

Ce bulletin aura pour but de coordonner les efforts de chacun, que chaque groupe ou correspondant nous adresse un compte-rendu de ce qui a été fait et ce qu'il se propose de réa­liser, alors nous serons forts. Beau­coup trop de camarades amateurs photographes ignorent les A.P.O., il faut que chaque groupe fasse la propagande nécessaire pour voir sans cesse grossir le nombre de ses adhérents, que chaque correspondant isolé essaie de se grouper d'abord avec un ou deux camarades et petit à petit le nombre grossira.

La technique manque peut-être beaucoup, mais il ne faut pas hésiter à nous demander des conseils, et, nous espérons arriver à un bon résultat.

 

Comment travaillons-nous à Paris

 

De nombreuses manifestations ouvrières ont lieu à Paris, que ce soient meeting, congrès, fêtes de solidarité, les A.P.O. sont présents, partout ils apportent leur concours.

Les photos prises sont ensuite proposées aux organisateurs et à la presse ouvrière. Un grand nombre de clichés sont utilisés de cette façon.

Dans les fêtes de solidarité les A.P.O. ont un bien modeste stand où sont exposées quelques modestes photos, des camarades sont désignés pour photographier les personnes qui en font la demande.

Ces diverses façons de procéder laissent en général un léger bénéfice. Cet argent est actuellement employé à l'aménagement d'un laboratoire. Bientôt nous espérons pouvoir aider pécuniairement les groupes régulièrement constitués, mais que chaque groupe essaie cette méthode et petit à petit, il pourra se constituer un laboratoire comprenant au moins un agrandisseur, car l'agrandissement en 13 X 18 est nécessaire pour les journaux et même pour la vente

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Et je repose volontiers à tous nos lecteurs cette question : Ne devrions-nous pas constituer au sein de notre coopé, un groupe d'A.P.O. ?

Il est certain que tôt ou tard, la coopérative devra réaliser soit dans le rayon photoscopie, soit dans le rayon stéréo. Nous aurons de plus en plus besoin de beaux documents photographiques pour notre bibliothèque de Travail, notre Fichier ou La Gerbe.

Et là comme ailleurs, nous devons pouvoir réaliser de belles choses - les travaux déjà reçus nous en donnent l'assurance.

La liaison avec l'A.P.O. et éventuellement avec l'A.E.A.R. nous permettra de profiter dès le début des efforts de camarades dont l'exemple nous sera précieux.

Quelles seront les tâches de notre groupe A.P.O. ? Il n'est pas dans nos habitudes de dicter des ordres ou de prévoir des programmes précis. Nous disons encore une fois : Camarades qui faites de la photo, qui vous intéressez à la photo, groupez-vous ! Nous trouverons dans notre groupe un camarade qui voudra bien accepter la responsabilité de ce nouveau rayon d'activité. Vous verrez alors ce que vous pourrez réaliser : achats d'appareils, développements de films, conseils aux photographes, etc...

Donnez votre adhésion et nous verrons.

 

C. F.

 

U. S. A. L'Education progressive ose-t-elle être progressive ?

Octobre 1932
USA, U.S.A., Etats-Unis

U. S. A.

 

L'Education progressive ose-t-elle être progressive ?

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Sous ce titre, la revue « Progressive Education » d'avril 1932, publie une conférence de l'éminent pédagogue G. Counts, l'un des directeurs de l'Institut International de Pédagogie de New-York. Au lendemain du congrès de Nice qui a si brillamment montré combien l'éducation nouvelle est nouvelle dans sa forme, et non dans son fond, il est intéressant de donner un aperçu de cette conférence qui pose la question de pédagogie sociale comme un défi et qui a soulevé à Baltimore une vague de controverse.

 

L'Association de Progressive Education groupe parmi ses membres, les esprits les plus hardis, les plus géniaux de ceux qui s'occupent d'éducation en Amérique. Mon espoir est que cette ligue ne disperse pas toutes les énergies et qu'elle développe toutes les possibilités. Mais pour cela, il faut qu'elle se dégage d'un certain optimisme trop facile et qu'elle s'occupe plus positivement, plus effectivement qu'elle ne l'a fait jusqu'ici de la situation sociale en Amérique.

Pour la plupart des Américains, le mouvement de Progressive Education présente des caractéristiques bien définies : il centre l'attention sur l'enfant, il reconnaît l'importance fondamentale de l'intérêt, il place l'activité à la base de toute vraie éducation, il conçoit l'étude comme une forme de la vie et proclame les droits de l'enfant à être une personnalité libre. Tout cela est très bien, mais à mon avis, ce n'est pas suffisant, cela constitue une conception trop étroite de l'éducation, cela ouvre un horizon trop borné.

Un mouvement qui s'appelle « progressif » doit avoir une direction, il doit être orienté. Le mot lui-même, implique un mouvement en avant, et un mouvement suppose un but bien défini. Vous me direz que votre but est le développement idéal de l'individu. Mais on ne peut concevoir des individus parfaits ; en dehors d'une société idéale et on ne peut parler d'éducation idéale sans une société idéale.

La grande faiblesse de l'Education Progressive réside dans le fait qu'elle ne se base sur aucune théorie sociale sauf sur l'anarchie ou l'extrême individualisme. En cela, elle reflète l'esprit de la classe petite bourgeoise qui fournit, en majeure partie, les contingents des écoles progressives. Les gens de cette classe sont bien aisés ; ils ont aban­donné les croyances de leurs pères et adopté une attitude d'indifférence curieuse, à l'égard de toutes les questions importantes ; ils sont fiers de leur largesse d'esprit et de leur to­lérance ; ils ont une prédilection pour un sage programme de réformes mi-libérales et sont pleins de sentiments de bienveillance et de sentiments généreux ; ils aspirent va­guement à la paix du monde et à la fraternité humaine ; on peut compter sur eux pour répondre raisonnablement aux appels faits en faveur des droits de l'humanité ; ils souffrent sincèrement à la vue de cer­taines formes extraordinaires de la misère : ils servent à amortir les chocs trop rudes des forces profondes qui mènent le monde. Mais malgré toutes leurs qualités, ils n'ont pas une loyauté assez forte ni assez constan­te ; ils ne possèdent pas des convictions as­sez profondes pour s'y dévouer, ils trouve­raient vraiment la vie dure sans leur stan­dard habituel de confort matériel ; ils sont insensibles aux formes acceptées de l'injustice sociale ; ils se contentent de jouer le rôle de spectateur intéressé, dans le drame de l'histoire de l'humanité ; ils refusent de voir la dure réalité dans ce qu'elle a de désagréable et le jour où il faudrait sérieuse­ment choisir ils suivraient les plus puissantes et les plus respectables forces de la so­ciété, et en même temps, trouveraient de bonnes raisons pour jusifier leur conduite. Ces gens ont montré qu'ils étaient absolu­ment incapables de faire quelque chose dans les cas de grandes crises ; ils sont au fond des sentimentaux romanesques ; il nous semble tout à fait impossible qu'ils puis­sent élaborer des théories éducatives et nous tracer des programmes.

Parmi les membres de cette classe, le pourcentage des naissances est très peu élevé, les familles peu nombreuses, les revenus importants et la participation des enfants à l'éconornie de la maison très réduite. Rien d'étonnant à ce que dans ce milieu où l'enfant est l'objet de soins minutieux, une théorie éducative tendant à l'intéresser soit la bienvenue. Les parents tiennent à éviter à leur progéniture tout effort trop pénible, ou tout contact trop étroit avec la vie des travailleurs sales. D'ailleurs, il désirent que leurs fils, et leurs filles arrivent à une situation qui leur permette un train de vie respectable et leur fasse honneur. Faisant eux-mêmes partie d'une société bien élevée, ils ne veulent pas davantage les voir embrasser une doctrine sociale, extrémiste ni épouser une cause mal famée. A leur avis, l'éducation doit se mêler à la vie, mais tout en gardant ses distances ; ils voudraient vraiment que leurs enfants voient la vie, mais en la tenant à bras tendus et encore avec des pincettes.

Pour être franchement progressive, l'éducation doit se libérer de cette influence de classe, regarder courageusement en face tous les évènements sociaux, se mêler à la vie même dans ce qu'elle a de plus sombre réalisme, établir des contacts avec la vie publique, propager une théorie large et pratique du bonheur commun, et avoir moins peur du spectre du « sectarisme ». En un mot, l'Education progressive ne doit pas bâtir ses programmes en dehors de ce qui intéresse l'enfant mais elle peut mettre sa confiance dans l'école qui a pour centre unique l'enfant.

Le besoin de baser l'Education progressive sur une théorie sociale opportune est particulièrement impérieux aujourd'hui. Nous vivons en des temps si troublés que pour trouver une époque comparable à la nôtre, il faudrait probablement remonter à la chute des anciens empires et même à cette période antédiluvienne où l'homme ayant abandonné la pêche et la chasse fit ses premières expériences d'agriculture et se fixa. Nous assistons à l'aube d'une civilisation basée sur la science, la technique ; et le machinisme est en train de faire du monde une vaste et unique société, aussi, nous ne pouvons pas quitter des yeux la scène sociale.

Considérez la situation dans laquelle nous nous trouvons. Combien les dieux doivent se moquer de la folie humaine ! Lequel de nous, s'il n'avait été dressé par nos institutions pourrait en croire ses yeux et ses oreilles au spectacle de notre situation économique ou aux dissertations de nos grands leaders financiers ou politiques. Notre société a maîtrisé les forces de la nature de façon à surpasser les rêves les plus extravagants de l'antiquité et nous nous trouvons dans une extrême pénurie matérielle ; une atroce pauvreté va la main dans la main avec le luxe le plus effronté qu'on ait jamais vu ; nous voyons une surabondance de biens jointe à la misère et à la faim ; nous reconnaissons sérieusement que l'excès de production est la cause fondamentale de la misère physique ; des enfants affamés vont en classe passant devant des magasins en faillite pleins d'aliments riches venus de tous les coins, du monde ; des millions d'hommes bien portants courent les rues à la recherche d'un travail ; des soi-disant capitaines d'industries ferment leurs usines sans avertissement et renvoient les ouvriers qui, par leur travail pendant des années, leur ont édifié des fortunes ; de plus en plus les machines remplacent les hommes et augmentent le contingent des chômeurs ; le parasitisme, légal ou non, est devenu si commode qu'il semble passer dans les moeurs ; les salaires des travailleurs sont trop médiocres pour leur permettre d'acheter les biens qu'ils produisent ; la consommation est subordonnée à la production et la science psychologique employée à l'abrutissement ; des commissions gouvernementales ordonnent aux producteurs de coton de détruire un quart de leur récolte afin de maintenir les prix élevés ; nos plus responsables leaders, ne sachant quelle mesure prendre, rivalisent de zèle à prédire un avenir prospère.

Mais le présent est aussi plein de promesses que de menaces. L'avenir est gros de possibilités : notre civilisation est la plus avancée qui n'ait jamais été ; nous ne pouvons plus supporter que les beaux fruits de la civilisation croissent sur l'exploitation des masses. Si nous en croyons nos ingénieurs, l'utilisation totale de la technologie nous rendrait capables de produire plusieurs fois plus que nous ne produisons en réduisant de moitié le jour de travail, l'année de travail, la vie de travail... En d'autres termes nous tenons dans nos mains le pouvoir de nous introduire dans une ère d'abondance pour tous et de bannir à jamais la pauvreté de notre planète.

Le moyen d'arriver à ce but semble être de demander seulement des transformations fondamentales dans notre système économique : la coopération doit remplacer la concurrence, une organisation prévoyante et soigneuse doit remplacer la recherche du gain, une forme quelconque d'économie socialisée doit remplacer le capitalisme.. Or, des changements de notre système économique demandent forcément des changements dans notre esprit. Déjà, nous pouvons dire que l'économie de notre ­monde, dans son fonctionnement est coopérative maintenant que les distances sont abolies, les nations toutes dépendantes les unes des autres. L'ère de l'individualisme est passée.

A ceux qui craignent qu'un système économique organisé, socialisé, soit une entrave à la liberté individuelle, je répondrai par plusieurs arguments :

D'abord, que la liberté de chacun dans une certaine mesure soit limitée, cela est évident, nul ne pourrait construire une usine, établir une voie ferrée où bon lui semblerait, comme personne ne pourrait amasser une fortune en se servant des institutions d'un pays. Mais aussi, par une économie sagement réglée on pourrait atteindre un degré de liberté tel que l'humanité n'en a jamais connu. La liberté qui n'est pas basée sur la sécurité n'en est pas une. A côté du droit de manger et de travailler, le droit de vote est une pécadille. La ploutocratie seule est libre à cause de ses revenus. Si chacun de nous était assuré de pouvoir satisfaire ses besoins, dégagé de soucis matériels, il pourrait s'occuper en toute tranquillité d'esprit des questions plus importantes de la vie. La réduction des heures de travail et l'abondance matérielle auraient des répercussions dans l'art, la religion, la morale, le gouvernement du pays, toutes les branches de l'activité humaine.

Quand je dis que l'Education progressive devrait affronter tous ces problèmes, je ne veux pas simplement dire qu'elle doit s'organiser pour enseigner les questions économiques, politiques ou autres. Cela bien sûr doit se faire - mais, à moins que notre mouve-ment veuille s'intituler « Education Contemplative » ou « Education Bienveillante », il doit aller plus loin, A mon avis, un mouvement qui veut porter honnêtement son épithète de « progressif » doit s'engager dans une tâche plus positive, dans la création d'une nouvelle manière de vivre ; il doit réaliser ce que nous appellerons le « rêve américain » : J'entends par là une vision de la société dans laquelle la masse des hommes soit aisée, ait une vie enrichie et ennoblie, une vie en harmonie à la fois avec les réalités matérielles de notre époque et avec les aspirations profondes de l'homme.

Mais, me direz-vous, vous nous conduirez dans un passage dangereux, loin des limites, dans lesquelles l'éducation avait l'habitude de se confiner. Ma réponse sera affirmative. La neutralité vis à vis des grands évènements publics est pratiquement le soutien du droit du plus fort. Vous me direz aussi que je frise la proclamation du sectarisme ; et je vous répondrai encore par l'affirmative, ou tout au moins je vous dirai que le mot ne m'effraie pas. Nous sommes tous certains que dans toute société l'enfant est influencé par ses aînés, par son milieu. - Que l'école l'influence dans un sens contraire ne peut lui faire un grand mal. Tout au plus l'éducation peut agir sur lui comme un contrepoison à son étroitesse d'esprit et à son égoïsme

Je voudrais aussi vous faire observer qu'une règle de vie imposée ne borne pas nécessairement l'esprit, ne tarit pas les sources de l'énergie ; tout dépend de l'adaptation aux circonstances. Vraiment, une organisation raisonnable peut illuminer le monde, libérer les énergies de la jeunesse et donner aux différents aspects de la vie leur importance. Une façon de vivre, telle que je la conçois, soutenue et illuminée par la vision d'une Amérique future infiniment plus juste, plus noble, plus belle que celle d'aujourd'hui devrait être le droit précieux et inviolable de tout enfant venant au monde dans notre pays.

Il est tout à fait douteux que nos écoles progressives entravées comme elles le sont par la clientèle qu'elles servent et par leur façon intellectuelle d'envisager la vie, puissent être progressives au sens réel que j'ai esquissé, ici. Pourtant, à mon avis, c'est là la tâche essentielle de l'éducation à l'époque où nous vivons.

 

  

Tr.  J.  LAGIER-BRUNO.