Questions autour de la mathématique

Septembre 1975

AU CONGRES DE BORDEAUX 75 :

 

UNIVERSITE OUVERTE

 

QUESTIONS AUTOUR DE LA MATHEMATIQUE
 

 

NB : Le temps qui a séparé la rédaction de ce compte rendu et la réunion, ainsi que la structure du débat, d'où ont jailli de nombreuses idées que le temps réduit n'a pas permis de développer en profondeur, ont rendu la tâche assez difficile. Aussi je propose le compte rendu suivant plus pour relancer le débat qu'autre chose, et surtout pas pour conclure.

 

 


 

Malgré un manque de présence des mathématiques dans le congrès de Bordeaux, dans le cadre de l'Université Ouverte, organisée par Broucaret et Grenié du groupe 17, nous avons pu nous réunir et discuter d'un certain nombre de points autour de la mathématique.

 

 

Après un échange de lettres avec Gilbert Walusinski et Henri Bareil , nous avons eu le plaisir d'accueillir à notre congrès Jean Aymes du comité national de l'A.P.M.E.P. Animateur de ce débat.

 

 

Il a commencé par nous exposer le projet intitulé "Noyaux et Thèmes". Il s'agirait de remplacer les programmes par une liste de "noyaux" constituant une sorte de minimum de connaissances mathématiques, abordés par des thèmes librement choisis dans lesquels la recherche de l'élève tient une place importante. Ces "thèmes" peuvent avoir une ouverture sur d'autres disciplines. Une

 

 

conséquence serait alors la suppression du manuel tel que nous le connaissons.

 

 

Cela n'est pas sans rappeler le travail entrepris par la commission math depuis plusieurs années sur la libre recherche, travail qui a déjà abouti à la production d'outils tels que les livrets de "Libre recherche" et "Pistes de recherche mathématique".

 

 
Une réflexion commune ne serait-e lle pas enrichissante ?
 
A la suite de la question : "Existe-t -il une méthode naturelle d'apprentissage des mathématiques ?", un débat passionné s'est engagé mais est resté en suspens. "L'essentiel est qu'il y ait une approche naturelle des mathématiques qui peut être suivie d'un apport artificiel des connaissances, et que l'enfant ait une attitude mathématique".
 
Attitude mathématique : qu'entendons-nous par là ? Il serait sans doute bon d'y réfléchir et de préciser le sens de cette expression.

 

 
L'intérêt de l'étude du développement historique des maths a été évoqué. Une réflexion plus profonde sur l'importance de certains courants de pensée qui, parfois agissent comme de véritables groupes de pression et laissent des empreintes non négligeables (exemple : Bourbaki, l'axiomatisation), une telle réflexion serait sans doute la bienvenue.
 
Revenons à la démarche axiomatique, qui ne nous est pas étrangère puisque apparaissant dans l'esprit de l'enseignement des maths, n'est-elle pas une démarche particulièrement artificielle et donc bien inaccessible à l'enfant ? Du moins, vient-elle vraiment au bon moment ?

 

 

A quoi servent les maths ? Pourquoi les enseigner ? Ces questions sont bien fondamentales.

 

 

Leur utilité dans la vie courante ? R. Favry y voit l'apport logique, "la formation logique". Son expérience personnelle le lui a prouvé et il s'étonne que les matheux de l' ICEM ne "sortent rien" dans ce sens (organisation, structures). Il a évoqué en même temps une des difficultés du passage à l'utilisation des maths par le manque d'un outil, important à son sens : la linguistique. Il a alors développé quelques lignes sur la classification des êtres (voir La Brèche n°4) :

 

 

êtres concrets réels

 

 

êtres concrets imaginaires (ex : une tulipe noire)

 

 

êtres abstraits réels (ex : l'amitié)

 

 

êtres abstraits imaginaires (ex : un organigramme)

 

 

êtres abstraits de raison (ex : les êtres mathématiques)

 

 

les "monstres" qui ne se classent pas dans ce tableau .

 

 

Ce classement constitue une base de travail à travers lequel le langage mathématique peut être regardé (devinette : où classez-vous les figures géométriques ?) . Un camarade osa une comparaison des maths avec le français : les maths sont un langage mais en maths, on s'arrête à la lecture, négligeant le texte libre. Qu'en pensez-vous ?

 

 

Revenant à l'utilisation des maths dans la vie extérieure, il est difficile de la nier. J'en viens donc à la question : «y a-t-il une mathématique expérimentale ?" à quoi je ne puis m'empêcher de répondre : "Qu'est-ce qu'une mathématique non expérimentale ?"

 

 

On en vient ensuite au rôle désormais non négligeable qui est dévolu aux maths celui de sélectionner.

 

 

Ayant supplanté le latin dans ce domaine, les maths écartent beaucoup d'élèves des filières dites scientifiques et les font échouer ailleurs.

 

 

En loi du moindre mal nous pouvons nous poser le problème de savoir si elles opèrent cette sélection plus équitablement du point de vue "socio-culturel".

 

 

Pour le latin, le milieu social avait une importance évidente : peut-on aussi facilement prolonger cette évidence aux maths dites "modernes" ?

 

 

Nous admettons facilement que les enfants des classes sociales aisées sont favorisés par un milieu aidant, cela reste-t-il vrai pour les maths "modernes" ?

 

 

Enfin, une série de questions sur les relations profs-élèves furent posées. On évoqua combien la façon d'aborder les maths est importante. L'attitude de dédramatisation de l'échec mathématique doit aussi être considérée ; il faudrait donc développer cette attitude et rechercher les moyens d'être efficaces dans ce sens.

 

 

L'attitude d'auto-formation aux côtés des élèves semble constituer une étape assez avancée à l'heure actuelle dans les relations profs-élèves. Je pose alors la question : "Les élèves admettront-ils spontanément que le prof de math se mette avec eux en état de recherche ?"

 

 

 

N'oublions pas le mythe, très ancré dans l' esprit des élèves (entre autres), du prof-qui-doit·tout savoir.

 

 

 

Je souhaite que le débat soit relancé par toutes ces questions le plus tôt possible et par tous les moyens qui nous sont donnés.

 

 

Dijon le 28/4/75

 

 

J.C. REGNIER

 

 

*

 

 

 

MATHEMATIQUE AU SECOND CYCLE

 

 

 

Peu satisfait de l'enseignement habituel basé sur le cours magistral, j'ai cherché une méthode permettant aux élèves d'être plus actifs et plus intéressés.

 

 

Voici comment a travaillé cette année une 1ère D de 19 élèves :

 

 

- les élèves se répartissent par groupes (librement)

 

 

- chacun reçoit une feuille polycopiée où figure l'essentiel du cours et en prend connaissance

 

 

- il reçoit ensuite une feuille d'exercices : les uns en application directe du cours, les autres demandant des démonstrations plus élaborées.

 

 

Les élèves cherchent séparément leurs exercices puis au sein du groupe discutent (parfois passionnément) leurs résultats jusqu'à ce qu'un accord se fasse (il arrive qu'il ne se fasse pas, chacun restant sur sa position ; on me demande alors de trancher).

 

 

Pendant ce temps, je circule pour contrôler les résultats de chaque groupe et dépanner ceux qui se trouvent en difficulté.

 

 

Les élèves sont ainsi actifs pendant presque toute la durée du cours.

 

 

Fin mai, un questionnaire individuel m'a permis de connaître l'avis de chacun sur cette façon de travailler. Presque tous ont été d'accord pour poursuivre dans cette voie estimant ainsi mieux assimiler le cours, être mieux entraînés à la résolution des exercices et se sentant mieux disposés à l'égard des mathématiques.

 

 

Mais beaucoup ont demandé des améliorations : davantage de cours magistraux, en particulier pour des points délicats ou à l'occasion d'un bilan, en fin de chapitre ; et surtout des corrections plus fréquentes (c'est d'ailleurs le contrôle qui me pose le plus de problèmes).

 


 

Je pense reprendre l'expérience mais de nombreux perfectionnements me semblent nécessaires.

 

 

J 'aimerais connaître l'opinion de tous ceux qui enseignent en second cycle (des autres aussi, bien sûr).

 

 

A tous ceux- là je lance un appel :

 

 

quelles sont vos méthodes de travail?

 

 

quelles ont été vos expériences ?

 

 

quelles sont vos difficultés ?

 

 

est-il possible de se rapprocher de la Pédagogie Freinet en mathématiques dans le second cycle?

 

 

Sylvain DUPUY

 

 

Lycée Mixte

 

 

17400 - St-Jean d'Angély