Femmes de Namibie

Décembre 2000

 

 

CréAtions 94 -Les lieux, les autres et moi
publié en
novembre/décembre 2000 

Propos recueillis par Corinne Marlot pour la revue Créations auprès de Thierry Azam, responsable de la galerie associative “ Le garage ” à Lorgues (Var), au retour d’un voyage en Namibie.

 

Femmes de Namibie

Pour enrayer la misère économique, liée à la désertification galopante du pays, des femmes s’organisent en coopérative et brodent leur environnement, faune et flore.

 


La Namibie est un grand pays situé en bordure de l’Océan Atlantique et frontalier de l’Afrique du Sud. Sur toute la longueur du pays, côté océan, et sur une largeur de 150 à 300 km, s’étend le désert. Dans le sud du pays, la désertification avance, laissant place à une extrême sécheresse. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à la chute du mouton “ Karakul ”, qui représentait une source importante de revenus. Cet élevage est remplacé par celui de la chèvre, moins rentable. L’indépendance de la Namibie en 1989 a laissé abandonnées de très grandes fermes autrefois gérées par les blancs. Ces fermes étaient encloses et permettaient d’assurer une autarcie sur un territoire assez vaste. Actuellement, leur terrain est constitué de désert à 95 %.

Dans les trois quarts de la Namibie les fermes restantes sont blanches, les villages noirs et les villes mixtes. Il y a bien peu de travail, ce qui se traduit pour la population par un désoeuvrement, qui conduit souvent à l’alcoolisme, et un exode rural. Les familles sont désorganisées ; il n’y a plus de repères. Depuis l’indépendance, les fonctionnaires se partagent le pouvoir : on voit pour chaque poste un blanc et un noir. Mais ce partage est fictif, le pouvoir demeure dans les mains des blancs. C’est dans ces régions du sud que la colonisation a été la plus cruelle : après une quasi-extinction des ethnies, les populations ont du subir l’apartheid. Le peuple “ Nama ”, cousin des “ bushmen ” a été contraint à une sédentarisation forcée.
 
 
 
 
 
                  
 
 
Les “ Namas ” sont un des peuples les plus anciens de la terre : c’étaient des chasseurs qui vivaient dans le désert du Kalahari. Dans leur dialecte, ils possèdent un phonème supplémentaire, le claquement de langue, qui donne beaucoup de vivacité au parler.
C’est dans ce contexte difficile qu’est née en 1987, la coopérative “ ANIN ” qui veut dire “ beaucoup d’oiseaux ” en langue Nama. Une femme allemande, Heïdi von Hase, propriétaire d’une de ces fermes, à proximité du village de Hoachanas, est à l’origine de ce projet. Elle démarre cette coopérative avec les femmes noires du village. La plupart des hommes étant partis chercher du travail à la ville, ils sont absents du projet. Les rapports entre ces femmes vont dans le sens du partage des tâches et de la valorisation des compétences. Deux cent cinquante femmes sont impliquées dans ce projet : deux cents travaillent aux opérations simples : tissage, teinture et préparation des tissus ; une cinquantaine brodent et signent leur travail. La plupart des pièces produites sont des pièces uniques.
Ce partenariat dans un effort de travail a sauvé le village de la misère. Le produit de la vente représente 70 % des revenus du village. Les principaux débouchés sont l’Afrique du Sud et l’Allemagne. Un gros travail de diffusion reste à faire pour ouvrir sur d’autres pays dont la France.
 

La technique de broderie a été apprise aux femmes il y a une centaine d’années par les missionnaires. Les femmes ont choisi de représenter leur environnement immédiat : animaux, éléments de la nature, dans une grande liberté d’interprétation de la réalité.

Cette expérience est remarquable dans la qualité des rapports et des relations établis entre la ferme blanche et le village noir : les locaux de production sont situés dans la ferme et les femmes qui y travaillent se sont réellement approprié les lieux, actrices à part entière de l’aventure.
Thierry Azam, dans le cadre de l’association MDLC - le Miistère de la Culture - a proposé aux femmes de la ferme “ Jena ”, d’exposer leur travail dans la galerie gérée par l’association. Ce fut chose faite du 18 décembre au 2 janvier 2000 à Lorgues (Var). Nous souhaitons vivement que cette exposition puisse circuler dans d’autres lieux en France, ouvrir sur de nouveaux points de vente et permettre ainsi à cette initiative coopérative du bout du monde de se développer.
C’est une question de vie.

   
 


“ L’association MDLC a été créée à Lorgues dans le Var. Elle s’occupe de promouvoir la création artistique sous toutes ses formes, de créer un réseau international d’artistes, d’initier des projets et d’animer des ateliers d’expression. Elle possède une galerie, “ Le Garage ”, qui accueille régulièrement des plasticiens.

 
 
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