Le travail à la maison

Travail au noir ?

Échange autour des devoirs

 
L'arrêté du 23 novembre 1956 aménage les horaires des écoles primaires et inscrit les devoirs pendant le temps scolaire. En application de l'arrêté, la circulaire du 23 novembre 1956 supprime sans équivoque les devoirs à la maison, retenant des arguments d'efficacité et de santé.
L'application de la circulaire n'est pas satisfaisante, plusieurs textes doivent rappeler l’interdiction : en 1962, 1964, 1971, 1986, 1990. La circulaire du 17 décembre 1964 ajoute même une précision et porte l'interdiction aux « écrits à exécuter hors de la classe », puisque certains enseignants interprètent les textes en déclarant ne pas donner des devoirs, mais des exercices écrits…
Aujourd'hui, les devoirs à la maison restent interdits ; le travail oral et les leçons sont autorisés. Il est à noter qu'aucun texte ne demande aux enseignants de prescrire un travail aux élèves après la journée de classe.
 
Ont participé à cet échange :
Bruno Andrieu, classe de CP CE1 CE2 CM1 CM2 à l'école rurale de Verfeuil jusqu’en juin 2011.
Nadine Huver-Furling (Cycle 2) et Jean-Charles Huver (Cycle 3) École Aimé Legall, allée des écoles, 06370 Mouans-Sartoux.
François Le Ménahèze : Classe cycle 3 (CE2-CM1-CM2) à l’école publique Lucie Aubrac, St Lumine de Clisson (44)
Mélanie Tanous, CP/CE1 bilingue breton-français (filière bilingue publique), à Nantes
 
Propos recueillis par Catherine Chabrun pour le Nouvel Éducateur
 

 

À part la loi de 1956 qui interdit les devoirs écrits à la maison, qu'est-ce qui vous motive pour ne pas en donner ?

 

Catherine : À part la loi de 1956 qui interdit les devoirs écrits à la maison, qu'est-ce qui vous motive pour ne pas en donner ?

 
Nadine : C'est bien la classe qui est l'espace le plus égalitaire, le plus riche pour travailler. C'est en classe que tous les enfants ont accès à divers documents de travail, à divers outils et à diverses aides dans un climat riche en relations et coopératif. C'est bien aussi parce qu'après une longue journée de travail, en rentrant à la maison, les enfants et les parents n'ont pas non plus à se retrouver « prisonniers » de l'école. Ils ont bien d'autres choses à faire...
 
Mélanie : Avec la durée et l'intensité de la journée d'école, les enfants travaillent bien assez.
 
François : Directeur d’école, enseignant depuis maintenant 30 ans, je reste convaincu depuis le début de ma carrière que les devoirs restent une aberration de notre École. Une de plus me direz-vous ! Comme les évaluations notées, les punitions… et autres bonnes traditions séculaires d’une École de « faux travail ».
Autant j’ai pu me séparer de certaines de ces traditions au fur et à mesure de ma carrière notamment grâce au travail coopératif mené au sein du mouvement Freinet auquel j’appartiens, autant je me suis toujours senti coincé par ces fameux devoirs à la maison. Il a fallu que je trouve un compromis… avec les parents. Et même lorsque j’ai travaillé dans une école Freinet, cet aspect est resté présent et il nous a fallu là aussi trouver des compromis avec les familles après nombre de conciliabules.
J’ai alors compris que les parents avaient besoin d’un lien avec l’école (ce que nous faisons bien sûr), mais un lien concernant le travail de leur enfant. Mais c’est une tradition difficile malheureusement à contourner aujourd’hui
 
Bruno : Déjà, le fait de ne pas être là pour expliquer face aux difficultés. De savoir que cela risque de prendre du temps pour certains élèves sans aucun soutien... D'un autre côté, de petits exercices écrits simples et courts pourraient permettre un entrainement, mais on entrerait dans une pratique détournée. On ne sait jamais si tel exercice qui parait simple l'est vraiment pour tel élève.
Plus il y a de travail à la maison, moins il y a de travail en classe. Je connais rapidement les élèves à qui les parents donnent des travaux écrits au fait qu'ils compensent en classe et ne se consacrent qu'aux relations (et bavardages). Je préfère que le travail se fasse au bon moment… Les journées sont assez longues comme cela
Et puis, il y a d'autres choses à faire : je demande de la lecture, de la recherche sur la base du volontariat pour les exposés), de la mémorisation et surtout de petits entrainements sur des opérations simples ou des conjugaisons..
Je ne crois pas à l'efficacité du travail à la maison, sauf dans des cas particuliers. Par exemple : un enfant qui n'arriverait pas à travailler en classe et a besoin d'être seul… mais alors cela deviendrait un cercle vicieux.
Le temps de classe risquerait de se passer à corriger le travail à la maison ce qui n'est pas le but de l'école. 
Mais il est vrai que pour les parents, c'est souvent le seul moyen qu'ils perçoivent pour accompagner la scolarité de leur enfant. Quand le travail demandé ne correspond pas à leur vision du travail scolaire, souvent les exercices écrits, ils sont perdus et souvent frustrés.

 

La loi de 1956 interdit les devoirs écrits, mais pas le travail à la maison. Que demandez-vous à vos élèves le soir ?

 
Catherine : La loi de 1956 interdit les devoirs écrits, mais pas le travail à la maison. Que demandez-vous à vos élèves le soir ?
 
Mélanie : Je demande des choses à revoir comme les comptes-rendus d'exploration de textes, à apprendre des leçons/aide-mémoires ; la lecture du bilan quotidien, de son livre de bibliothèque ;  une poésie à apprendre de temps en temps… Bien sûr pas tout en même temps !
 
François : Pour ce travail à la maison, on retrouve quelques activités récurrentes :
- la lecture suivie : chacun choisit son livre qu’il lit régulièrement en classe et à la maison et qu’il présente ensuite à la classe ou dans son carnet de lecteur ;
- les activités de mémorisation : chant, poésie, tables, mots, point abordé à reprendre dans le classeur-outil ;
- des activités de création, d’action : faire des mesures, inventer un problème, lire le journal…
- une recherche à avancer, un projet à terminer ; ils ont en effet pratiquement toujours une recherche ou un projet en cours – la recherche sur un animal, un point d’histoire, un pays… – qu’ils ont choisi. Ils peuvent donc l’avancer, sachant qu’ils peuvent d’abord les mener en classe durant le travail personnel qui a lieu chaque jour – il ne s’agit pas de la recherche à mener à la maison… avec toutes les injustices que cela comporte selon la disponibilité et les compétences des parents et les ressources documentaires ;
- et éventuellement, un contrat au choix en plus où ils peuvent là aussi mener leur recherche, mais aussi mener une activité d’entrainement dont ils ont besoin, mais aussi mener un travail dont ils ont envie. Il s’agit du même principe que pour le travail personnel ou individualisé mené en classe quotidiennement – l’enfant peut travailler ses envies et ses besoins. Ce contrat est hebdomadaire géré par les enfants et si possible avec les parents, car les activités en famille sont à privilégier. Le temps de travail ne doit pas excéder vingt minutes, sauf bien sûr si le projet est très personnel.
Dans la nouvelle école dans laquelle je suis depuis quelques années, ce point a été abordé en conseil d’école sur la première année d’ouverture de l’école. Nous y avons répondu avec comme appui un document (encadré ci-dessous) que nous avions travaillé en amont du conseil d’école. Depuis, ce point n’est pas réapparu, mais nous savons que cela reste une préoccupation forte des parents.
 
Jean-Charles : Le soir, ils peuvent lire ou relire un « aide-mémoire », un texte, une revue, un journal, un livre, réfléchir à un sujet, un problème sur lequel nous allons travailler comme un débat, préparer une présentation à faire à la classe, poser des questions pour une enquête...
Dans l'école existe aussi « l'atelier des écoliers » qui accueille les enfants qui le souhaitent pour se faire aider par les animateurs du centre de loisirs associé à l'école.
 
Bruno : Je demande la lecture régulière de textes – je choisis un texte par niveau –, de petits ouvrages empruntés à la BCD – j’encourage de prendre un moment chaque jour sur le livre –  de documents en sciences, histoire, géographie, de leçons et de relectures d'écrits de classe.
Il y a aussi la mémorisation – avec un accompagnement ponctuel en classe – de conjugaisons, de vocabulaire, d’une autodictée, de tables d'addition, de multiplication, de vocabulaire de géométrie, etc., et de poésie.
Et également de la recherche pour un exposé, s'il y a des documents à la maison sinon le temps de recherche peut se faire en classe). Cela peut être aussi une question à discuter avec les parents à l'oral pour préparer un travail en commun ou quelque chose à observer chez soi par exemple regarder les tuyauteries d'eau pour un travail ensemble sur le circuit de l'eau.
Et puis du dessin pour illustrer un cahier de poésie…
Mais je rappelle régulièrement qu'à l'exception des actions volontaires (exposés, écrits personnels) le temps de travail ne doit pas dépasser 30 minutes. Au-delà, reporter ce travail en classe. 
 
 
INFORMATIONS PARENTS
Classe cycle 3 (CE2-CM1-CM2)
Travail à la maison :
Nous pensons que les journées d’école sont assez longues pour ne pas rajouter des devoirs à la maison. Néanmoins, nous savons que des parents... et des enfants... les réclament.
Alors en voici les conditions :
- Ce travail sera organisé au fur et à mesure sous forme d’un contrat à la semaine dans le but d’un apprentissage de l’autonomie et en prévision de ce qui les attend pour la suite de leur scolarité (collège…).
- Ce travail ne doit pas dépasser 20 min, sauf s’il s’agit d’un projet que l’enfant a décidé lui-même de mener (il décide donc également du temps auquel il peut s’y consacrer)
         - Celui-ci doit éviter toute « situation d’énervement ». S’il s’agit de notions mal comprises, de points à approfondir, le renvoyer sur le lendemain dans la classe (temps de travail personnel pour cela).
- Celui-ci ne doit pas supplanter une activité autre de l’enfant (sportive, culturelle, personnelle...) ou une sortie, activité... que vous auriez ensemble ce soir-là.
La classe, comme l’école, est ouverte. N’hésitez donc pas à y rentrer, à questionner, à échanger...

 

 

 

Pour ce travail à la maison, ont-ils une certaine autonomie ? Font-ils des propositions ? Ont-ils des choix ? Ont-ils la possibilité de le faire en classe ?

Catherine : Pour ce travail à la maison, ont-ils une certaine autonomie ? Font-ils des propositions ? Ont-ils des choix ? Ont-ils la possibilité de le faire en classe ?
 
Nadine : Le travail peut être fait en classe durant les temps de travail personnel (avec ou sans aide).
Les enfants peuvent aussi choisir d'autres travaux : certains écrivent des histoires, d'autres cherchent des documents, d'autres utilisent l'espace numérique de travail de la classe pour consulter des documents, modifier des documents ; parfois ces travaux se font à plusieurs.
 
Mélanie : Les enfants ont des temps de travail individuel ; mais je n'ai pas précisé qu'ils pouvaient faire leurs devoirs à ce moment-là, et aucun d'entre eux n'y a pensé – ou en tous cas m'a posé la question. En fait, les devoirs servent surtout à faire le lien avec les parents, extrêmement demandeurs ; et à faciliter le travail en classe – nous travaillons en partie dans une autre langue, et il est nécessaire que les enfants sachent par exemple le nom des nombres sur le bout des doigts, sinon je suis bloquée (et eux aussi ?).
 
François : Nous avons essayé de cadrer ce « travail à la maison » avec quelques conditions incontournables de mon point de vue.
Un contrat à la semaine pour gérer le temps, il est donc donné le lundi pour le lundi suivant… avec l’idée qu’il n’y a rien pour le weekend. Les parents apprécient, mais plus à mon point de vue parce que ça les prépare au collège que du fait qu’ils peuvent privilégier une autre activité avec eux.
Un temps maximum par jour pour éviter les énervements inévitables de ces moments.
Privilégier toute activité autre à ces fameux devoirs… là je doute que beaucoup de parents nous suivent sur cette voie. D’ailleurs, je n’hésite plus maintenant à annoncer en réunion de parents du début d’année que je ne crois pas à ce travail à la maison… et que ce que je donne, c’est pour eux ! C’est une petite provocation – qui en fait d’ailleurs réagir certains  – mais pas tant que cela !
Il va sans dire que cela n’avalise surtout pas les devoirs à la maison, car je reste persuadé qu’ils n’apportent que du négatif dans la relation de l’enfant au « vrai travail », au réel apprentissage. Le réel apprentissage, il sera dans tout ce que pourront mener les parents avec leur enfant : préparer le repas du soir et… ; sortir avec eux ; mener un jeu ensemble ; etc.
 
Bruno : Les élèves sont incités à prendre des initiatives (exposés, écritures,) puisqu'ils ont des temps pour exposer à la classe leurs travaux ou leurs recherches.  À part les exigences au niveau de certaines mémorisations (la dictée de mots du vendredi, l'autodictée du mardi, la conjugaison, il n'y a pas de pression au jour le jour, mais une exigence simplement... je ne contrôle pas le travail à la maison... seuls les résultats après un certain délai, comme savoir sa poésie comptent. En général, ils font d'eux-mêmes certains entrainements quand ils ont compris le système.
Ils peuvent choisir en classe de travailler telle notion durant les plages de temps de travail individuel.

 

Il y a-t-il des moments prévus en classe pour le travail personnel ? Quelle fréquence ? Quelle durée ? Quelle est la place des enfants dans leur organisation et leurs contenus ?

Catherine : Il y a-t-il des moments prévus en classe pour le travail personnel ? Quelle fréquence ? Quelle durée ? Quelle est la place des enfants dans leur organisation et leurs contenus ?
 
Bruno : Oui, il y a des plages de trois quarts d'heure – c'est le temps qui permet le plus de possibilités – pour le travail individuel (plan de travail contenant exercices obligatoires, travail sur fiche, écritures, ou autres au choix)  deux fois par jour. Ils ont chacun un plan de travail. Il contient une partie commune à chaque niveau en fonction des thèmes travaillés dans la période et une partie choisie par l'enfant suivant sa progression personnelle ou ses projets (fiches de travail individualisé PEMF, ou autres, correspondance, projet d'écriture, dessin, projet d'exposé ou de lecture, dessin, autre).
 
Mélanie : Chaque jour, il y a une plage de travail individuel – et de plus en plus personnalisé. Je tâtonne encore pas mal : jusque-là, je notais sur une feuille, pour chacun ce qu'il fallait faire, en fonction de points à renforcer. Hier par exemple, j'ai fait le bilan avec presque chacun, et prévu avec presque chacun le programme de la semaine prochaine. Mais je n'ai pas eu le temps de voir tout le monde.
Les enfants ont plusieurs activités possibles dans leur plan de travail : correction de cahiers, notamment écrivain, fichiers autocorrectifs, lecture et carnet de lecteur, tangram, utilisation de l’ordinateur, argile – pas tout chaque semaine.
 
Jean-Charles : Tous les jours, aussi bien en cycle 2 chez Nadine qu'en cycle 3, les enfants ont un temps de travail personnel allant de 60 à 90 minutes. Ils utilisent un plan de travail pour organiser ce temps. Les contenus appartiennent aux enfants – pour certains avec un accompagnement de l'un de nous jusqu'à ce qu'ils soient capables de prendre en charge de façon autonome ces moments.

 

Si oui, comment ces moments de travail personnel en classe se passent-ils ?

Catherine : Si oui, comment ces moments de travail personnel en classe se passent-ils ?
 
Nadine : Ils ont lieu chaque matin en première partie de matinée quand les enfants arrivent dans la classe. C'est un temps auquel ils tiennent beaucoup et durant lequel ils sont très actifs.
 
Bruno : Le programme de la journée est marqué au tableau, au moment prévu, les élèves se mettent en TI (travail individuel) détermination du travail suivant le plan de travail de l'élève.  Entraide au niveau de chaque équipe, les élèves sont répartis en équipes hétérogènes. L'enseignant aide certains à déterminer le travail à faire, peut donner des priorités dans le choix à faire, des contraintes (tour de rôle aux ordinateurs, limitation du nombre sur tel poste de travail ou dans telle tâche.  Possibilité d'échanger sans gêner les autres (toujours le besoin de réguler). L'enseignant travaille alors avec un seul groupe de besoin (à la demande) ou de niveau (exemple, travail avec les CP sur la lecture, avec les CM sur la division) et passe rapidement entre les tables pour observer les enfants au travail ou pour aider.  Il peut rester un petit moment avec un élève puisqu'il n'est pas au centre de l'activité.
À la fin du temps de travail individuel, un court temps collectif est réservé pour que chacun dise ce qu'il a pu faire pendant ce moment. C'est une sorte de régulation et d'autoévaluation.
 

Catherine : Quelles ressources ont-ils ? Quelles aides ?

 
Jean-Charles : La classe est équipée de nombreux outils de travail individualisés : fichier PEMF, Odilon et de lieux équipés pour diverses activités : coin maths, coin sciences, coin bricolage, coin histoire et géographie, etc.
Dans chaque classe, il y a aussi une bibliothèque bien fournie plus une bibliothèque dans l'école. Chaque classe dispose d'un équipement informatique et le cycle 3 utilise chaque matin sept ordinateurs portables de l'école durant 50 minutes.
Chaque enfant peut obtenir de l'aide soit de l'un des adultes, soit d'autres enfants.
 
Mélanie : Un tableau d'aide est affiché ; chacun peut s'inscrire en fonction de ses besoins et disponibilités : « Je peux aider - J'ai besoin d'aide ». Les élèves ont les affichages, les classeurs de règles... Moi, j’en profite pour travailler avec un petit groupe.
 
Bruno : Nous avons beaucoup de ressources matérielles à la disposition des élèves. C'est une grosse partie du travail de préparation de classe : affichages, cahier outils (ou portfolio), fiches ressources, pages spécifiques du manuel, petits dictionnaires, mini bled, cartes, etc. Travail de réalisation, de mise à disposition et surtout de rangement.  Les affichages méthodologiques sont essentiels.
Ensuite, il y a les ressources liées à la coopération et l'entraide. La classe doit fonctionner sur ce registre afin de permettre à chacun d'avoir l'aide de ses pairs avant de demander à l'enseignant.  Le travail en équipe hétérogène est le premier lieu de l'entraide. Il y a aussi des élèves ressources en maths ou français reconnus par la classe et bien sûr je reste à disposition pour une explication individuelle si je ne suis pas occupé par un groupe...

 

Les parents aiment bien suivre ce que fait leur enfant en classe dans la journée, dans la semaine. Que mettez-vous en place dans votre classe pour qu'ils se sentent concernés ? Qu'est-ce qui circule dans les familles ?

Catherine : Les parents aiment bien suivre ce que fait leur enfant en classe dans la journée, dans la semaine. Que mettez-vous en place dans votre classe pour qu'ils se sentent concernés ? Qu'est-ce qui circule dans les familles ?

Bruno : Difficile de répondre aux demandes qui ne sont pas toujours bien intentionnées, certains parents n'admettant pas que la journée ne se passe pas à faire des exercices de maths et français comme ailleurs mettent la pression et ont tendance à parasiter le fonctionnement de la classe. Les explications ne suffisent pas toujours à ceux qui de toute façon ont leur vision des choses, comme pour : pas d'exercice à la maison ou pas de notes sur 20.
Cette pression est assez nouvelle. Un certain nombre de parents ne considèrent pas les journaux, les articles, les reportages, les exposés… comme du vrai travail scolaire.
Dans une école rurale, les parents sont très facilement en contact direct et peuvent avoir des informations à la demande.
Ce qui a été mis en place : les réunions d'information et les réceptions sur rendez-vous sans limites ; la communication par des mots aux parents à coller dans le cahier de textes ; le Cahier de vie de la classe, mais surtout l’information par le biais du journal scolaire avec de nombreux articles traitant des activités de l'école et même du fonctionnement de la classe vu par les élèves ; le site internet fait justement pour permettre aux familles d'avoir des informations, non seulement sur l'école, la classe, les activités, mais aussi sur les poésies à apprendre par exemple.  Ce site (http://e.verfeuil.pagesperso-orange.fr/index.html) a été très utilisé et apprécié. Cette année, changement d'école, il est en sommeil.
 
Mélanie : Il y a le travail pour chaque soir, mais certains ne savent pas quoi faire à partir des « leçons » ... alors qu'à mon sens, c'est moi qui fais à partir des leçons – ou jusqu’aux leçons – en classe.
Le bilan de la journée est réalisé chaque soir ou presque. Les enfants font le point « ce qu'on a fait, ce qu'on a appris aujourd'hui ». Je consigne tout par écrit, et une ou deux fois par semaine, le bilan part à la maison, avec lecture à faire la maison. Il y a aussi les cahiers, de temps en temps.

Jean-Charles :
Un blog tient les familles quotidiennement au courant de ce qui a été fait dans les deux classes.
Les parents du cycle 3 ont un espace spécifique sur l'ENT de la classe. Des réunions régulières ont lieu dans les deux classes : trois fois par an des entretiens individuels, trois à quatre fois par an des réunions à thèmes, des temps de présentations festifs en soirée pour les parents préparés par les enfants. 
Une feuille de liaison quinzomadaire mettant en relation ce qui a été fait en classe et le programme officiel de l'Éducation nationale.
La possibilité de participer à diverses activités, d'en proposer et d'en mener avec des temps de préparation, mais aussi de bilan.
 

 

Vidéos pour en savoir plus...

Interview, travail personnel, cahier de vie, plan de travail, préparer un exposé...

 
UN INTERVIEW DE FRANÇOIS LE MÉNAHÈZE ET DE QUELQUES ÉLÈVES
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/24713
Les devoirs écrits du soir sont théoriquement interdits depuis 1956... Mais ils ont la vie dure!!!
L'administration si pointilleuse au niveau de la législation vis-à-vis des désobéisseurs semble avoir "oublié" cette loi.
Mais qu'en est-il dans les classes Freinet? Pas de réponse standard, mais différentes pratiques. Voici celle de François Le Ménahèze, professeur des écoles et directeur de l'école de St Lumine de Clisson en Loire-Atlantique...

UNE MATINÉE DANS LA CLASSE DE JEAN-PIERRE
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/3462
Plus particulièrement pour le travail personnel la séquence :
13- Interview de Pierre (un enfant) sur le fonctionnement de la classe...
 
DANS LA CLASSE DE CE2-CM1 DE PIERRICK DESCOTTES
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/16922
Plus particulièrement les séquences :
1- Le matin, chacun s'occupe différemment : ici, une équipe s'occupe de l'accompagnement à la lecture des enfants de la classe de CP-CE1 voisine...
2-  Pendant ce temps, dans la classe, chacun s'affaire : lettre au correspondant, correction de texte, plan de travail...
7-  Récapitulation et organisation du travail personnel.
13- Le cahier de vie : un élève se promène dans la classe et prend des photos. Pourquoi? Quel est son rôle?
 
UNE JOURNÉE DANS LA CLASSE DE FRANÇOIS LE MÉNAHÈZE
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/3885
Plus particulièrement les séquences :
 11- Le temps de travail personnel : différentes activités : passage de brevets – travail sur les recherches – travail en orthographe – travail sur les brevets – travail à deux sur problème
 10- Présentation du plan de travail de la semaine par une enfant.
 Explications sur le temps de travail personnel et l’organisation du plan de travail.
Présentation de l’entraide dans la classe
 
DANS LA CLASSE DE CM1-CM2 DE MICHEL COLAS (49 - SAINT-LAMBERT DU LATTAY)
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/8479
Plus particulièrement les séquences :  
4- Explication du plan de travail de la classe
11- Comment s'organise un exposé : élaboration, écriture, présentation....
 
UN APRÈS MIDI DANS UNE CLASSE DE MATERNELLE (PHILIPPE LAVIS)
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/7248

 

Argumentaire sur les devoirs à la maison

Par Daniel Chazelas du groupe Freinet de Gironde
Je m’étais endormi. Je rêvais… Je venais de réexpliquer quelques règles de jeu du rugby (balle ovale) lors d’une séance d’EPS. Je m’étais un peu éternisé, j’en conviens. Les enfants n’écoutaient guère, on perdait du temps. On a joué un peu. La cloche a retenti. Alors, sérieux et grave, j’ai dit : « Vous terminerez la dernière mi-temps à la maison ! »
Réveil en sursaut : un cauchemar, tout simplement !…

 

Travail au noir ? À qui profite le crime ?

TRAVAIL AU NOIR ?

À QUI PROFITE LE CRIME ?
 
L'arrêté du 23 novembre 1956 aménage les horaires des écoles primaires et inscrit les devoirs pendant le temps scolaire. En application de l'arrêté, la circulaire du 23 novembre 1956 supprime sans équivoque les devoirs à la maison, retenant des arguments d'efficacité et de santé.
L'application de la circulaire n'est pas satisfaisante, plusieurs textes doivent rappeler l’interdiction (1962, 1964, 1971, 1986, 1990). La circulaire du 17 décembre 1964 ajoute même une précision et porte l'interdiction aux « écrits à exécuter hors de la classe », puisque certains enseignants interprètent les textes en déclarant ne pas donner des devoirs, mais des exercices écrits…
En septembre 1995, François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale décide « pour lutter contre les inégalités des situations familiales » de mettre en place des études dirigées en classe qui remplaceront les fameux « devoirs écrits » à la maison, « les élèves n’ayant plus que du travail oral à faire ou des leçons à apprendre ».
Néanmoins, aucun texte ne demande aux enseignants de prescrire un travail aux élèves après la journée de classe.
Depuis, le temps réservé aux études dirigées sur le temps de classe disparaît. En 2008, de nouveaux programmes voient le jour morcelant de plus en plus l’emploi du temps qui ressemble davantage à un sommaire de manuel scolaire qu’à un ensemble réfléchi et ambitieux de savoirs à transmettre aux enfants. Cette même année voit le temps d’enseignement donné à tous se réduire de deux heures. Sont externalisés hors de ces 24 heures d’enseignement hebdomadaire, les aides et soutiens (l’aide personnalisée, les stages de vacances, l’aide aux devoirs et toutes les offres des officines privées…).
 
Une sous-traitance de l’école
Cette concentration du temps scolaire sur quatre jours (au lieu de cinq) et sur 24 heures (au lieu de 27 puis 26) tend à accroître le volume des devoirs donnés à la maison. Même quand les enseignants ne donnent « que » des leçons, les enfants ont presque toujours le « devoir », l’obligation de les faire, elles restent des « devoirs ».
Que penser des leçons qui portent sur une notion venant juste d’être abordée le jour même en classe ? Son appropriation n’est pas engagée, faute des temps indispensables de questionnement, de tâtonnement avec ses essais et erreurs. Une véritable « sous-traitance pédagogique » !
Quant à la correction des devoirs, son traitement est bien différent selon les classes. Elle peut soit prendre du temps en début de journée, ou au contraire être faite très rapidement ou même pas du tout. Dans tous les cas, le suivi individuel est très rare.
 
Une sélection sociale
Tous les parents n’ont pas les mêmes possibilités pour aider leurs enfants à réaliser ce travail à la maison : conditions matérielles, temps de retour du travail, niveau scolaire, langue maternelle… Même une petite recherche en vocabulaire, en géographie ou en histoire peut se révéler impossible (absence de dictionnaires, d’encyclopédie ou d’ordinateur).
Le renvoi du travail personnel à la maison pénalise en premier les enfants des familles défavorisées, il met en difficulté des parents qui se sentent impuissants, voire humiliés de ne pas « savoir ». L’école leur renvoie une image négative sur leur rôle de parents.
 
Une journée trop longue
Certains enfants ont une journée plus longue que celle d'un adulte salarié. En plus du temps de classe, il faut ajouter celui de la garderie (matin et soir), de la cantine, de l’étude surveillée, du conservatoire, du club sportif...
Pour trop d’enfants, c’est la double peine ! Les « bons élèves » font rapidement leurs devoirs, mais plus l’enfant a des difficultés scolaires plus il passera du temps à les faire. Il pourra se décourager, se sentir « nul » et ainsi seront semées les premières pierres du décrochage scolaire.
 
Une préoccupation familiale 
La réalisation des devoirs diminue le temps de loisirs, le temps de repos et elle pèse sur les congés.
Quand un élève est absent, les parents viennent en général chercher les devoirs à l'école et ils s'inquiètent beaucoup moins des travaux manqués pendant la ou les journées de classe.
À la maison, l’enfant est souvent pris dans un chantage autour de la question des devoirs : tu joueras, tu regarderas la télé, tu feras… quand tu auras fini tes devoirs.
S’il ne comprend pas ce que lui a demandé son enseignant, c’est lui le responsable : il n’a pas écouté, il n’a pas fait son travail d’élève…
On peut avoir des interventions de parents trop importantes, c’est l’adulte qui fait l’essentiel du devoir. Il peut naître également des oppositions de méthode entre les parents et l’enseignant (opérations, lecture…).
Des disputes, des menaces de punition s’enclenchent au détriment de l’échange qu’il pourrait y avoir autour de ce qui s’est passé à l’école, du travail fait en classe, des projets.
 
Les bonnes excuses de l’école
Si l’enseignant donne des devoirs, c’est pour répondre aux souhaits des parents, à l’image qu’ils ont du bon enseignant qui fait travailler beaucoup ses élèves, y compris le soir.
Les devoirs permettent aux parents de suivre le travail de leur enfant et ils incitent les familles les plus éloignées de l’école à le faire. On entend souvent : si l’élève ne fait pas ses devoirs, c’est qu’il n’est pas suivi à la maison, que les parents sont démissionnaires.
De plus, ils préparent au collège : organisation du travail sur la semaine, gestion du cahier de textes, distance entre le cours et ses applications… Faudra-t-il donner des devoirs en grande section de l'école maternelle pour préparer les élèves à ceux du cours préparatoire ?
 
Les devoirs à la maison permettraient de travailler plus pour savoir plus !
C’est un modèle idéologique de réussite scolaire qui réduit l’apprentissage des connaissances à l’effort et à la quantité de travail, qui méprise les situations pédagogiques mises en œuvre par les professeurs et le temps de la construction des savoirs qui dépasse la séquence ou l’heure de cours.
C’est un modèle individualiste qui ignore les situations coopératives d’échanges de savoirs entre tous (élèves, enseignants et parents).
Certes, le travail individuel et personnel, son organisation et la gestion du temps sont des éléments essentiels de l’apprentissage, mais ils doivent se vivre en coopération (pairs et adultes) à l’école. L’établissement scolaire doit être le lieu qui encadre ces éléments essentiels et apporte les ressources nécessaires, les soutiens ponctuels, les aides ciblées et les suivis individuels des enseignants pour permettre à tous les jeunes de les pratiquer et de s’approprier des savoir-faire explicites non réservés à ceux qui les trouvent dans leur milieu familial.
 
Et pourtant !
Nombreux sont les enseignants qui organisent, autrement qu’avec les devoirs, la communication entre l’école et la maison, la participation aux travaux de la classe et les relations individuelles avec les familles. Ils n’attendent pas que les parents jouent au « professeur du soir », mais, outre leur rôle naturel (affectif et matériel), qu'ils montrent l’importance de l’école à leur yeux, qu’ils soient curieux et fiers des réalisations de leurs enfants.
 
L’école peut entrer à la maison sans passer par des devoirs :
- la consultation des travaux rapportés de la classe ;
- l’écoute du texte dont l’enfant est auteur ;
- la lecture du cahier de vie, du cahier d’écrivain, du journal scolaire ;
- la visite du blog de la classe ;
- la participation à des présentations en classe (exposés d’enfants, œuvres…) ;
- etc.
La maison peut entrer à l’école sans les devoirs :
- le récit d’une visite, d’une promenade, d’un événement important ;  
- l’écriture d’un texte dans le cahier d’écrivain ;
- la présentation d’un objet culturel, d’un animal familier, d’une recette de cuisine...
- l’exposé d’un parent (pays, métier…) ;
- les réunions individuelles avec les enseignants ;
- les échanges de savoirs ;
- etc.
 
Alors, à qui profite le crime ?
Aux enfants (et à leurs parents) qui ont déjà toutes les clefs pour réussir à l’école, les « héritiers » selon Bourdieu ?
A l’école libérale qui veille sur les « moyens constants » et surveille les dépenses ?
A l'école méritocratique et élitiste ?
Aux futurs chefs d’entreprise qui auront des travailleurs formatés pour « travailler plus » ?
Aux officines privées qui se lèchent les babines devant ce marché potentiel ?
Et à d'autres certainement !
 
Enseignants et parents, réfléchissons tous ensemble, pour donner du sens à l’école… et que les politiques nous entendent !

 
Catherine Chabrun
 
Pour lire ce qu’en pensent des enseignants Freinet
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/24882
 
 
 
 
 

 

Quinzaine sans devoirs: Valérie, militante ICEM, invitée par FR3 Lorraine

Dans le cadre de la quinzaine sans devoirs lancée par la FCPE et l'ICEM, Valérie Darrou, militante ICEM de Meurthe et Moselle était invitée le mercredi 28 mars sur le plateau de FR3 Lorraine pour répondre aux courriels des téléspectateurs.

Il est possible de suivre son intervention en cliquant sur le lien suivant: (Le débat commence à partir de 4minutes30 et dure 6 minutes environ)

http://www.pluzz.fr/jt-12-13-lorraine-2012-03-28-12h00.html