CréAtions n° 83 – Peindre

Octobre 1998

 

 


CréAtions n° 83- Peindre

septembre/octobre 1998 –

Ont participé à l’élaboration de ce numéro : Anto ALQUIER, Nicole BIZIEAU, Annie CROCHERIE, Sophie DESCAMPS, Monique GODEFROI, Agnès JOYEUX, Jeannette GO ROUDIER, Pascale LANDOLFINI , Danièle MALTRET, Hervé NUŇEZ, Eliane SAYOU, Annie SOLAS.

Photographies : GIRAUDON : p 43, F. GOALEC, D. MALTRET, A. JOYEUX, H. NUŇEZ, P. PINOTEAU, J. BILLOT.

 

 Sommaire
Titre et chapeau
Niveau classe
thème
Techniques utilisées
artiste
  Edito    éditorial    

 

Portraits maternelle Offrir aux enfants des matériaux différents tels que la toile et la peinture acrylique  dessin, peinture  

 

Rouge maternelle : PS et MS Une démarche d'appropriation culturelle  peinture, mis en valeur  
  Peindre à l'époque d'Elise Freinet        
La porte de l'artiste élémentaire: CP Deux enfants ont apporté des reproductions de Van Gogh  peinture  

 

Le port de Roanne maternelle : GS Une sortie pour découvrir un nouveau paysage: croquis in -situ et photos mémoire croquis, peinture, maquettes  

Pigments élémentaire: CP/CE1 Une recherche pour révéler les couleurs encore anonymes d'une région. pigments,
peinture a tempera, composition collective
 

Peindre sur le motif à Barbizon élémentaire: CM Peindre "sur le motif" à des emplacements où les peintres ont posé leur chevalet croquis,
peinture
 

Mythologie, oh! collège - tous niveaux Préparer la visite d'une exposition et découvrir une technique un peu "magique" estampe,
craies grasses,
grattage 
 

Schématisation - entre le réel et l'abstraction collège : 4e Faire réfléchir les élèves au problème du passage de l’imitation à ce qu’ils appellent la peinture "abstraite". peinture  
Pierrette Pinoteau artiste Un support particulier, voire singulier, le jeu de tarot pastel P Pinoteau, plasticienne

Déclencheur... création élémentaire: CP Le conte, déclencheur d'imaginaire craies grasses, grattage,
déclencheur,
arbre
 
La création comme pratique de la joie élémentaire: CE2, CM La création n‘est pas une activité scolaire mais un mode de vie  peinture  

A la rencontre de la Renaissance élémentaire: CM2 Enquête sur la perspective du tableau Les Epoux Arnolfini de Van Eyck point de vue  

 

Coup de coeur - Créations au Collège Clément Marot collège Des céramiques, mémoire du travail coopératif des promotions qui se succèdent dans le collège céramique  

 

Bibliographie

       


 

 

Edito n° Créations - 83 Peindre

Octobre 1998

 

           

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Annie Solas

 

Edito  

Jean Dubuffet l’affirme :
« La peinture peut illuminer le monde de découvertes magnifiques. Elle peut doter l’homme de nouveaux mythes et de nouvelles mystiques et révéler, en nombre infini, des aspects insoupçonnés des choses et des valeurs qu’on ignorait […] Parce qu’elle évoque les objets avec une plus grande force, qu’elle les approches davantage (que le langage) […] parce qu’elle ouvre à la danse interne de l’esprit du peintre plus largement les portes […] pour provoquer la pensée, la voyance. »

Et c’est très certainement ce qu’ont vécu les élèves du collège K. – Thoueilles qui, ayant vu une exposition d’œuvres de Gérard Garouste où « les images ne s’inscrivent pas dans un système codifié, mais semblent plutôt ces mythes qui rendent compte de vieux récits, estompant les détails pour atteindre l’ordre symbolique », ont eu à choisir un fait divers, un événement extraordinaire et l’ont, par le langage de la peinture, élevé au rang du mythe, du symbole, s’attachant, eux aussi, « moins au détail, à la précision du trait », qu’à créer une nouvelle vision du fait, la leur.

Ont-ils été envoûtés au point de copier ? Non. Et les consignes de départ, la part du maître visant à aider les enfants dans la découverte de l’essentiel, ont, au contraire, facilité leur expression, issue d’un choix personnel et exploré librement, chacun selon son individualité.

Les adolescents, dans leur expression créative, étaient-ils éloignés de ces petits enfants de la maternelle qui, devant leurs feuilles, pots, palettes, absorbés en eux-mêmes, la tête penchée, le pinceau à la bouche, observent les effets des couleurs qu’ils posent, mélangent, sans autre intention que de « s’abandonner au plaisir des yeux, bousculant les lignes conductrices, les noyant dans des nappes colorées, violentes, qui pour finir imposent un ordre nouveau et définitif ? » Elise Freinet, L’Enfant artiste.

Au-delà de toutes les polémiques sur les visites de musées, d’exposition, les peintures « à la manière de… » que nous refusons toujours si elles sont induites par le maître, il reste essentiel pour nous tous, qui avons en charge d’éduquer, d’introduire des enfants au monde, de faire en sorte que la peinture participe à notre démarche et à l’objectif qu’est la construction de l’enfant, de son expression et de son individualité. Qu’il peigne spontanément comme le tout-petit, qu’il donne un peu plus tard à voir ses paysages, ses scènes de la vie quotidienne ou nous ouvre à son imaginaire, qu’il imite de son propre chef un maître, qu’il peigne à partir d’un projet, d’une consigne où sera respectée sa créativité, ce qui importe, c’est avant tout qu’il vive à l’école la culture, la réflexion qui l’éloignent de la soumission, qu’il ait la possibilité de s’exprimer, de donner à voir ce qu’il voit, perçoit, qu’il existe en tant qu’individu et qu’il puisse le faire au sein d’un groupe où se pratiquent l’échange, le partage, la différence, la critique.

Enfin que l’école puisse lui donner la chance, sans interruption, de sa petite enfance à l’âge adulte, de regarder, de s’exprimer, de passer de l’expression spontanée à l’expression réfléchie, telle celle du peintre J. Dubuffet qui « cherche à voir, sachant que ses peintures vont l’y aider, qu’elles vont lui montrer des choses un aspect inconnu qui lui permette de capter de celles-ci quelque éclair de leur vraie figure et sait bien, que le moyen pour cela est de modifier ces choses, d’en bousculer l’ordre, de les désintégrer, d’en empêcher la recoagulation en les remettant sans cesse en question. »

Il saura alors « sauvegarder sa liberté intérieure, devenir maître de sa pensée, de ses besoins, de ses désirs, de ses élans » Elise Freinet, L’Enfant artiste.

Annie Solas

 

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Portraits

Octobre 1998

 

           

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Ecole maternelle Rocade Sud, Roanne (Loire) – Enseignant : Christian Bizieau

 

En début d’année, l’enseignant a abordé le thème des portraits, d’abord d’un point de vue purement graphique. Dans sa progression, il a eu envie d’offrir aux enfants des matériaux différents tels que la toile et la peinture acrylique pour mettre en valeur ces portraits. Son objectif a alors été de faire travailler ses élèves sur les fonds. Une exposition en fin d’année devait clôturer cette série de peintures.

  

 

Recherches graphiques
 
Chaque enfant tâtonne, dessine, recherche, complète ce que peut être un visage au crayon à papier et au stylo à bille. Le dessin est agrandi à l’aide d’un épiscope et l’élève le retrace en plus grand format.

 

Du graphisme à la couleur
 
A l’étape suivante, l’enfant choisit une feuille de papier tapisserie et y dessine le contour de ce visage. Puis, il le découpe avec l’aide de l’adulte. Cette forme est provisoirement collée sur une feuille blanche format 40 x 60cm. La consigne est de « continuer aux feutres le graphisme du papier peint sur la feuille tout en respectant les couleurs ».
  

 

Découverte d’un nouveau support
 
La forme du visage est ensuite retirée de son support papier et placée cette fois sur une toile. La consigne reste la même, mais l’outil change : pinceau et peinture acrylique. Le travail achevé, la silhouette est décollée. L’enfant est maintenant libre de peindre les détails du visage dans l’espace laissé vide sur la toile en utilisant d’autres couleurs que celles du fond.
Les résultats sont étonnants. L’objectif de l’enseignant est atteint : les fonds sont multicolores et variés, les enfants ont acquis une structure graphique.

Vers l’appropriation d’une technique

 

Des élèves voudront recommencer un nouveau portrait. Ils le feront sans avoir recours au modèle du papier tapisserie. Ils vont créer leur propre fond, tout aussi riche. Ils réinvestissent ainsi la nouvelle acquisition. Marie en fera quatre, en plusieurs jours bien sûr. Enfin, les toiles seront tendues sur « Novopan » et exposées.

       

Ce que l’enfant a emprunté à autrui, il le transforme et le fond de manière à faire une œuvre qui soit toute à lui.

Montaigne.

 

 

 

 

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 couleur, dessin, peinture, portrait

 

Peindre... à l'époque d'Elise Freinet

Octobre 1998

 

           
CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Extraits du livre L'Enfant-artiste d'Elise Freinet

 

Peindre... à l'époque d'Elise Freinet

Le Monde, Enseignante : Paulette Quarante


« Nous avons écrit et nous devons redire que cet art de l’enfant, promu avec tant de patiente sollicitude dans nos humbles écoles populaires, est sans prétention. Il ne vise ni à s’imposer dans l’immédiat, ni à prendre place dans les grandes époques où l’Art a signifié de façon aigüe et instinctive les mouvements de la pensée ; ni à faire sortir du rang des enfants-prodiges jetés en pâture à des propagandes intéressées. »

 

 

Enseignante : Jeannette De Biève

« On ignore quelles raisons profondes justifient le choix des couleurs chez l’enfant. Il use de tout ce qu’il a à sa portée, mais la répartition des teintes est toujours personnelle. »

« Avec les mêmes gammes de couleurs, les enfants font des peintures fort différentes, toutes soumises à un choix qui ne saurait s’expliquer par un simple hasard. Familiarisé avec une vaste production de peintures d’enfants, on reconnait sans peine des factures d’écoles et dans ces écoles des personnalités marquantes. C’est dire que l’enfant se fait de lui-même sa palette sans qu’intervienne une direction extérieure qui, risquant d’être intempestive, ruinerait l’intuition ou le jeu de la sensibilité. »

 

 

 

 

Les Chèvres, Leïla, peinture sur tissu, 1 x 0,80 m.

Où Leïla a-t-elle vu ces libres chèvres à la mamelle gorgée de lait ? Sans doute dans les collines du Rove, dont on vend les délicieux cornets dans la rue : « Tut, ! Tut ! Brousses du Rove. »

Paulette Quarante, école de la Cabucelle, Marseille.

  Au village de Maubec (Vaucluse), Enseignante : Aimée Vialis.

« Nous entendons bien que l’enfant est et reste un enfant, avec sa vision du monde, ses incertitudes et ses élans, cette façon à lui d’être le médiateur à travers qui la création est sans cesse transfigurée, sensationnelle, habitée de puissances insoupçonnées ou fantastiques. Et nous voulons surtout qu’il reste moralement simple et net, pur dans ses intentions et ses buts, à l’écart des marchandages sordides qui étayent les renommées tapageuses ; qu’il reste intégré à ses innocences, à ses inconsciences, à ses ignorances de créature instinctive et qu’il garde tout son allant pour vivre sa vie. »

« Ces œuvres qui semblent parfois cueillies en plein délire imaginatif ont une assise bien naturelle qui se touche de la main et se sent avec le cœur. Chaque dessin a un contenu d’ambiance, de milieu social et, bien sûr, c’est le peuple qui y vit dans les dures obligations du travail, les détails cruels de la pauvreté, les crises sociales, la maladie et aussi les petites joies de chaque jour qui, à l’échelle de l’espérance, sont là pour embellir toute une vie d’enfant. »

 


Au village de Maubec (Vaucluse), Enseignante : Aimée Vialis.
 

« C’est en usant de la couleur que l’enfant construit sa personnalité d’artiste. Ce mot n’est pas marqué d’ironie ou d’exagération. Il est des œuvres de tout petits devant lesquelles les grands Maîtres mettent chapeau bas. C’est un défi jeté à la maîtrise du spécialiste et d’autant plus que l’enfant est ignorant de ses mérites, et n’en tire aucune gloire si ce n’est celle d’avoir œuvré avec grand plaisir. »

Enseignante : Pierrette Grosso

 

« Créateur d’un monde imaginaire pétri de fiction et de réel, il neutralise dans sa fièvre créatrice les impossibilités inhérentes à sa condition d’enfant. La peinture devient action, l’enfant qui a quitté l’atmosphère de la classe toujours plus ou moins contraignante pour « éclater » dans la rue ne s’inscrit pas dans la lignée de la peinture bourgeoise et traditionnelle. »

Clem Berteloot 

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 peinture

 

La porte de l'artiste

Octobre 1998

 

           
CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classe de CP, Ecole La Lie, Villerest (Loire)- Enseignante : Nicole Bizieau

 

La porte de l’artiste

Nous avons l’habitude de fréquenter les artistes à travers les œuvres qu’ils nous offrent. Nous savons lire leurs traces, les couleurs, les techniques, les formes, les émotions… ils nous aident à ouvrir d’autres portes sur des espaces artistiques dans lesquels nous exerçons notre tâtonnement habile ou hésitant.
Aujourd’hui,, deux enfants ont apporté des reproductions de Van Gogh après avoir visité une exposition.
Après un temps d’échanges sur les œuvres, l’artiste, l’exposition , que pouvons-nous en retenir ?

 

Du bleu,
   du jaune,
     des touches fortes,
  quelques points de
rouge
ou de marron


Nous entrons en recherche autour de nous pour une récolte visuelle de bleu, de jaune.

Les glycines bleues sont en fleur, les cytises nous offrent leurs grappes jaunes, les iris de Van Gogh sont là aussi.

En connaissons-nous d’autres dans nos souvenirs ?

Les soleils, les bleuets, les corbeilles d’or.

Porte

Fermée, elle protège,
elle interdit aussi.
Claquée, elle rejette.
Close, elle interroge.
Entrouverte,
elle indique le nouveau monde,
que derrière elle, on doit découvrir.

Ouverte, elle appelle.
Elle est l’obstacle qui signifie
le respect des différences.
Portes et signes, clefs et symboles.
Portes des villes, portes des rois.
Portes de l’océan, portes des paysans,
Pas de porte…


Hans Walter Müller

Je propose, pour pouvoir "entrer chez l’artiste", de réaliser en peinture une porte, la porte de Van Gogh. Mais pour cela, il faudra qu’en la regardant, nous sachions qu’on est bien sûr que c’est bien de lui qu’il s’agit.

Que connaissons-nous de sa peinture ?

Des échanges, des réflexions, une analyse fine des réponses vont permettre de s’imprégner et de retenir quelques critères caractéristiques de l’artiste.

Nous sortons une collection de photos de portes, nous les observons, en discutons, et en retenons le concept de porte, ce qui la caractérise.

Le poème de Hans Walter Müller vient éveiller notre sensibilité et… chacun se lance dans son projet de création. Les peintres sont à l’œuvre : choix et préparation de peintures, sélection d’outils … peu d’hésitation. Les enfants savent où ils vont, ce qu’ils veulent exprimer. Leurs gestes s’assurent, les productions naissent et s’affinent. La présentation ouvre le champ à la lecture critique des regardeurs qui apportent ainsi leurs contributions dans le respect mutuel. Chacun connait bien les difficultés à s’exprimer avec bonheur.

 

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 peinture

 

Le port de Roanne

Octobre 1998

 

           
CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classe de GS, Ecole maternelle Larochette, Roanne (Loire) – Enseignant : Claude Duhesme

 

Le port de Roanne

« J’ai une maison
pleine de fenêtres,
pleine de fenêtres
en large et en long…
Veux-tu monter
dans mon bateau ?
-Ton bateau
l’est pas beau.
Veux-tu monter
dans mon bateau ?
L’est pas bien beau
mais il va sur l’eau. »

Anne Sylvestre.

 

sur le canal

D’entrepôts industriels à espace plaisance, le port sur le canal vient d’être refait. Voilà un beau prétexte pour s’emplir les yeux de nouvelles images et une excellente occasion d’éduquer le regard.

Nous organisons une sortie pour découvrir le nouveau paysage, faire des croquis in situ et des photos mémoires. Les péniches, les petits bateaux de plaisance nous attendent bien amarrés pour qu’ils ne s’évadent pas au fil de l’eau.

Les hublots en rideaux, les ponts en jardins fleuris, les passerelles, les petits drapeaux… tout nous invite, tout est prétexte à observation, réflexion, expression, dans l’attente des productions que chacun réalisera au retour.

En classe, chacun est motivé pour entrer en recherche, pour représenter un immeuble planté sur le port, un bateau de plaisance ou une maison flottante ; retour au croquis, aux photos, pour ressourcer la mémoire des petits créateurs.

Deux projets sont menés successivement : peinture et travail en trois dimensions pour les bateaux avec matériaux de récupération à disposition dans la classe.

Dans la recherche individuelle chacun exprime sa sensibilité par la couleur, sa créativité par son rapport aux formes et son habileté dans la réalisation d’un projet de production. Que de difficultés à affronter ! Mais quel plaisir d’aboutir et surtout de participer à l’œuvre collective qui s’élaborera avec les éléments de tous.

Partager un même travail, maitriser l’espace, les lignes, les couleurs et les formes ; établir des relations, des correspondances… et bien fixer le tout comme les bateaux pour que cet instant d’expression soit la trace d’un moment vécu avec plaisir et partagé avec ses pairs.

Notre ville, la voilà sur la fresque et les maquettes, et c’est nous qui avons réalisé cette image ! C’est ce que semble nous dire cette grande fresque.

 

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 peinture

 

Pigments

Octobre 1998

 

      
CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Ed. P.E.M.F

Classe de CP-CE1, Ecole de Fréland (Haut-Rhin) – Enseignantes : Martine Thiriet et Edith Bernhard – Artiste : Claudie Hunzinger

 

P i g m e n t s

Nous sommes allés le long des chemins et nous avons ramassé de la terre, en notant chaque fois avec soin le nom des lieux-dits où nous l’avions trouvée.

Après avoir décanté, broyé ces échantillons de terre, nous avons obtenu une petite quantité de poudre de couleur : le pigment.

Nous avons peint avec toutes ces couleurs, puis nous avons déchiré les feuilles pour les assembler en imaginant une vie intérieure des prés et des forêts qui nous environnent, pour en faire un grand paysage plus visible, plus vrai, plus juste et plus profond que celui de l’extérieur.

Ce qu’il est intéressant de découvrir, c’est que toutes les terres des champs, des talus, les humus de forêt, les sables des chemins, toutes ces terres très familières, insignifiantes, qui nous entourent, contiennent des pigments et ont une sorte de secret en elles, qui est leur couleur. On peut faire ainsi une recherche pour révéler les couleurs encore anonymes d’une région, ses pigments sauvages.

 



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 peinture, pigments

 

Peindre sur le motif à Barbizon

Octobre 1998

 

          
CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classe de CM1-CM2, Ecole primaire de la Mareschale (Bouches-du-Rhône) – Enseignante: Monique Godfroi – Intervenant : René Carré

 

Peindre sur le motif

 

" Dans la forêt de Barbizon, des peintres ont été les premiers à) penser que le monde était à l’extérieur de leur atelier. Pour cela, ils sont allés peindre sur le motif, s’attachant à rendre le comportement vrai des arbres et des éléments dans la nature. Aujourd’hui, beaucoup de peintres sont retournés dans les ateliers car la porte était restée ouverte." Hervé Nuňez

 

 

" Lire la nature, c’est la voir sous le voile de l’interprétation par taches colorées se succédant selon une loi de l’harmonie. Les grandes teintes s’analysent ainsi par les modulations. Peindre, c’est enregistrer ses sensations colorées. "

Cézanne

Peindre « sur le motif » à des emplacements où les peintres ont posé leur chevalet, voilà ce qu’on vécu des enfants de CM1-CM2 au cours d’une semaine de classe culturelles à Barbizon.

René Carré, un peintre parisien, a accompagné les enfants dans leurs découvertes, dans leur appréhension du monde visible, avec un esprit d’écoute, un respect de la démarche personnelle de chaque enfant, ce qui a permis à chacun de proposer des interprétations plastiques avec un réel engagement de soi.
Les enfants ont réalisé des travaux d’après nature et comparé leurs représentations d’un même motif (rochers, arbres et maisons).

" L’artiste éprouve de la joie à pouvoir communiquer aux autres âmes son enthousiasme devant le chef-d’œuvre de la nature dont il croit posséder le mystère. Le génie est de pouvoir renouveler son émotion à son contact quotidien."

Cézanne 

 

" Donner l’image de ce que nous voyons en oubliant tout ce qui a paru avant nous." 

Cézanne

 

 

  Aux côtés d’un artiste contemporain, ils ont découvert à partir de ce qui semble une contrainte, la réalité visible, un espace infini et mouvant de sensations. Ils ont découvert une variété de visions, de modes de représentation pouvant constituer un stimulant pour la création personnelle.
Avant d’aller peindre des paysages sur le site au passé artistique particulièrement riche de Barbizon, les enfants aixois ont été sensibilisés à l’œuvre de Cézanne : visite de l’atelier Cézanne, promenades sur les lieux où Cézanne avait planté son chevalet, observation de tableaux. Par certaines lectures les enfants ont senti ce qu’était peindre sur le motif pour Cézanne
La classe culturelle n’est pas une fin en soi. C’est un événement sur le chemin de chacun, un peu comme une fête au cours de laquelle on donne tout son temps à l’art. Mais ce n’est pas le bouquet d’un feu d’artifice isolé. Non, tout autour, il y a des milliers d’étincelles qui sont nées dans le vécu des enfants tout au long de leurs expériences, de leurs apprentissages, de leurs échanges, de leurs réalisations et de toutes les relations qu’ils ont établi es entre les choses.
Aller peindre sur le motif à Barbizon a été un moment de vie au cours duquel les enfants ont mis en œuvre ce qu’ils avaient vécu quotidiennement en pédagogie Freinet : expression libre dans tous les domaines (arts plastiques, écriture, théâtre, danse), vie coopérative, communication intense, réflexion sur les choses… C’est le fruit qui continue à mûrir, l’arbre qui continue à grandir.
 

 

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 couleur, peinture,

 

Mythologie, oh !

Octobre 1998

 

     
CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Collège K. Thoueilles, Monsempron-Libos (Lot-et-Garonne) – Enseignant : Hervé Nuňez

 

Mythologie, oh !

 

Tous les ans, la municipalité de Monsempron-Libos organise l’exposition d’un artiste majeur moderne ou contemporain. Parce que cela revient moins cher à assurer, les œuvres sont des estampes (elles peuvent être reproduites), eaux-fortes ou lithographies, mais tous les enfants des écoles et tous ceux du collège ont pu, toutes les années, voir à moindre frais des œuvres signées de Braque, Miró, Tapiès, etc. L’année dernière, ils ont pu voir des œuvres de Gérard Garouste.

Parti se promener avec son père, le petit "Loup", 4 ans et demi, a échappé à son attention, avant de se perdre dans la campagne ariègeoise.  Cédric M., 6e2 

Des images pas nettes

Les images de Gérard Garouste sont très éloignées de celles que les enfants peuvent voir partout autour d’eux, dans les revues qu’ils lisent ou à la télévision. Ils trouvent que les formes qui les composent ne sont pas bien faites parce qu’elles manquent de netteté et que l’espace dans lequel elles se situent n’est pas assez homogène au contraire de celui de la "perspective".

 


50 kg de cannabis en deux prises. Stéphanie D., 3e

Avant la visite : se préparer à ce qu’on va voir

Pour évacuer la passivité de la visite, il a fallu que les 400 élèves du collège produisent quelque chose avant la visite.
Il fallait aussi agir vite car l’exposition se terminait peu après la rentrée de septembre 1997.

Familiariser les enfants avec l’idée de mythe

J’ai décidé de demander aux enfants de choisir dans le journal un fait divers ou un événement pas très ordinaire, mais sans prendre en considération la photographie s’il y en avait une.
Nous en avons lu quelques-uns pour constater que beaucoup se ressemblaient ; il est vrai que c’était l’époque de la mort de Lady Di, mais nous avons aussi constaté que certains racontaient des choses qui sortaient de l’ordinaire.
Ceux qui avaient choisi les textes les plus banals, ont donc pu éventuellement en choisir d’autres.
J’ai demandé ensuite aux enfants de produire l’image qui mettrait selon eux le mieux en évidence « ce qu’il y a dans le texte ». 

             

De 100 à 200 civils sont massacrés dans la nuit de jeudi à vendredi, à Raïs, une petite localité proche de Moussa, à quelques kilomètres d’Alger. La plupart des victimes étaient des femmes et des enfants. Paul M., 4e3

 

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 couleur, pastels,

 

Schématisation - Entre le réel et l'imaginaire

Octobre 1998

 

 

 

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classes de 4e, Collège de Riscle (Gers) – Enseignante: Anto Alquier

 

 

Schématisation

 

Entre le réel et l’abstraction

      

En classe de quatrième, j’ai le souci de faire réfléchir les élèves au problème du passage de l’imitation à ce qu’ils appellent la peinture "abstraite". Pour eux, tout écart par rapport à une ressemblance imitative, toute déformation est nommée abstraction : c’est donc quelque chose de farfelu, et de simple à faire.

 

 

Je pars donc de repères forts et différents : une planche de dessins de Picasso où l’on assiste à la métamorphose du taureau ; une série de dessins de Roy Lichtenstein concernant un bœuf (BULL 1, 2, 3 …).

L’observation de ces dessins fait apparaître le travail opéré à partir d’un dessin "réaliste" et les différentes étapes qui amènent au résultat final.

Je propose alors une recherche personnelle à partir de portraits photographiques choisis dans des revues féminines. De calque en calque, chacun élimine le maximum de détails jusqu’à ne laisser subsister que l’essentiel du portrait.


De ces recherches successives et évolutives (ça peut aller jusqu’à neuf ou dix dessins), l’élève n’en sélectionnera que quatre ou cinq qu’il devra présenter de façon soignée, de la photo au dessin final qui devient alors une interprétation personnelle de cette photo. Après quoi, elle sera travaillée en peinture en format raisin.

Là, obligation est faite de choisir une harmonie colorée (chaude, froide, camaïeu, tons rompus…) et de soigner particulièrement le passage d’une couleur à l’autre.
 
C’est aussi simple que cela et les enfants sont très fiers du résultat qui est vite exposé aux cimaises du collège.

 

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 couleur, pastels,

 

Pierrette Pinoteau

Octobre 1998

 

 CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Pierrette Pinoteau

 

 

Pierrette Pinoteau

 Pierrette Pinoteau, née en 1951, vit et travaille à Tours.

 

Feuilles d’or, d’argent,

papier de riz froissé, collé, pastels…

Le jeu est distribué.

 

Pierrette Pinoteau est une artiste qui construit depuis plusieurs années son travail pictural autour d’un axe majeur : le support particulier, voire singulier, du jeu de tarot.
 
 
 
 
 
Elle donne à voir sur ces supports de petit format un travail s’inscrivant dans l’accumulation de strates.
Elle couvre la carte, qui devient palimpseste, tout en faisant resurgir des fragments, pour mieux encore la dévoiler. L’artiste, elle, lève le voile sur son travail de métamorphose d’objets tels que les tarots : elle leur fait perdre leur signification première pour faire apparaître de façon insolite des formes propices à l’imaginaire par un jeu dynamique de superposition, recouvrement, opposition.
 
 
 
 
« Ce qui m’intéresse dans ce type de support, c’est la difficulté qu’il présente face au médium utilisé, le pastel, qu’il repousse.
Le travail que j’effectue sur les tarots de Jacques Viéville présente une opposition entre la base et la partie haute ; une rupture et une liaison entre le bas et le haut, l’ombre et la lumière, l’utilisation du noir et celle du blanc.
»

La technique employée est le pastel sur fond de Gesso (apprêt) blanc ou noir. Fortement dilué, celui-ci sert de médium et de colle aux feuilles d’or et d’argent ainsi qu’au papier de riz chinois, ces matériaux étant utilisés dans presque tous les tarots.  

 

« La symbolique se perd au profit de la couleur, du mouvement, des tensions entre les formes. Jouer avec les dessous de l’image, les supprimer ou les révéler, renforcer le cadre ou le déborder sont les éléments qui m’intéressent dans cette approche. »

 
 
 
 
 
« L’orientation de mon travail actuel est basée sur la transmutation d’objets de rebut ou de matériaux naturels dans lesquels le travail du temps a laissé sa marque : bois flottés, cailloux, ardoises, boîtes, matériaux divers découverts lors de promenades et qui ont capté mon attention. Ces objets ont une présence tangible, chargée de vécu. Les supports se diversifient sans jamais être neutres. »
 
 
 
 
 
 
 

« S’approprier la trace, la modifier, créer des relations nouvelles, donner une nouvelle vie aux choses… mon travail se tourne vers l’assemblage de faible relief et de petites dimensions. Je travaille toujours dans ce même esprit : la problématique de l’espace. »


 

artiste, tarot, palimpseste                                                         sommaire Créations n° 83

 

Déclencheur... création

Octobre 1998

 

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classe de CP, Ecole de Villelaure (Vaucluse) – Enseignante: Joëlle Février – Intervenante : Odile Fabre, enseignante CPAP en disponibilité.

 

 Déclencheur ...  création

« Il était une fois un loup qui volait sur une pierre*… commence Odile.

- Il était une fois des arbres magiques qui volaient au secours du loup… » poursuivent les enfants.

Dans la classe de Joëlle, l’intervenante Odile Fabre, enseignante CPAP en disponibilité, vient de lire un conte.

Elle propose aux enfants d’imaginer une suite ou un volet à l’histoire. Ils s’installent donc pour peindre les arbres magiques. Les matériaux sont donnés : gouache, craies grasses et des outils de grattage.


 

* Ce conte se trouve dans les Belles histoires de Pomme d’Api.

 

  

 

Le déclencheur a pour rôle dans cet atelier d’aider les enfants à aller plus loin que dans les productions quotidiennes totalement spontanées. Leur imaginaire est sollicité, une dynamique de groupe s’installe et va favoriser les échanges.

Un autre atelier ** en relation avec l’arbre a eu lieu en début d’année. Les enfants, invités à regarder La Forêt de Klimt, ont pu observer, exprimer leurs impressions.

Puis, Odile, une maman d’élève, leur a proposé d’imaginer à leur tour une forêt, leur forêt. Elle a donné le format, les matériaux, mais leur a demandé de veiller à la variété, à la différence quant à la forme, l’aspect, la taille.

Cette étape était très dirigée et pourtant les enfants y avaient un espace de création, celui d’imaginer leur ou leurs arbres et d’organiser ensemble la forêt.

Joëlle et Odile remarquent qu’il n’y a eu aucun blocage pour réaliser les arbres magiques qui, par ailleurs, ont donné lieu à une riche production orale.

Elles constatent également que les ateliers ont dynamisé la classe : les enfants ont appris à se regarder, à s’écouter, à travailler ensemble. Ils y ont acquis la maitrise des techniques, des matériaux, ils osent davantage. Leur regard a été nourri culturellement : ils en sortent plus libres.

Lors de la fête de la bibliothèque, ils ont peint des arbres imaginaires qui ont pris leur place dans La forêt aux contes.
Ce n’était plus un travail d’atelier, la sollicitation a suffi à les motiver et ils n’étaient pas peu fiers d’afficher leurs œuvres dans un cadre ouvert.

** Je n’arrivais pas à trouver le temps, ni l’énergie de mettre en place des ateliers d’arts plastiques. Les enfants de ma classe pouvaient dessiner et peindre librement dans les espaces et les temps aménagés. Je ressentais le besoin de les aider à s’enrichir, à travailler en groupe, à des travaux collectifs, à se regarder, se critiquer, échanger.
C’est Odile qui m’a proposé d’animer deux ateliers par semaine tout au long de l’année. Ce travail d’incitation, dirigé au départ, avait pour projet d’amener l’enfant à prendre possession de sa liberté d’agir et de s’exprimer. 
J. Février

 

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 craies grasses, grattage, déclencheur, arbre

 

La création comme pratique de la joie

Octobre 1998

 

 

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classe de CE2, CM1, CM2 du groupe scolaire de la Bastide (Var) – Enseignant : Nicolas Go

 

 La création comme pratique de la joie

La meilleure éducation sera toujours celle qui saura mobiliser les puissances de l’être ; celle qui libèrera les plus grands pouvoirs de création en accord avec le cœur le plus généreux et la conscience la plus exigeante.

Elise Freinet.

La création n‘est pas une activité scolaire mais un mode de vie

Il doit y voir, au sein d’une classe, un travail permanent de création dans tous les actes de la vie. L’objectif n’est pas de « faire quelque chose », d’accumuler des activités, mais de fonder toutes les activités sur un principe commun : la vie. Il s’agit de donner possession de leur puissance de vie aux enfants, aux adolescents.

Si on parle de peinture, celle-ci s’insérera dans une pratique générale de création, sinon, elle reste commune ; elle sera au service de cette force de vie potentielle de l’enfant qui doit être actualisée par des pratiques au risque de ne produire qu’un ersatz de création.

 Toutes les activités scolaires ordinairement conçues comme finalité de l’enseignement sont comprises comme le prétexte à autre chose : la création.

Cette création n’est pas un objectif, c’est une pratique de la joie.
 
Ainsi, dans la classe coopérative, on entretient d’autres rapports que d’utilité. L’autre n’est pas quelqu’un dont je me sers comme moyen, il est une fin en soi.
 

Il y a alors création dans la relation à autrui, car la qualité humaine de cette relation, il faut l’inventer. Des relations d’harmonie surgit alors la joie.

Si l’école est le lieu de l’enfant, il doit pouvoir y construire le décor de sa vie.

Dans ce petit groupe scolaire rural de Provence à trois classes, l’univers est d’une richesse extraordinaire. Par un contact permanent avec le monde, les enfants s’imprègnent, se fondent dans le champ illimité des sensations. Ils sont invités à regarder la nature autrement que leurs parents paysans, éleveurs ou bûcherons pour qui elle est surtout un moyen de subsistance.

La classe est organisée en ateliers libres tous les après-midi. Les activités sont ouvertes, offrant ainsi une grande souplesse en fonction des désirs des enfants et de la saison : cueillette dans la forêt, chasse aux insectes ou aux têtards pour le terrarium ou l’aquarium, terre, peinture, sculpture, chant, théâtre…


 
C’est dans le cadre de ces activités librement choisies qu’un groupe d’enfants a réalisé une fresque en peinture acrylique (12/3) qui fait le tour du préau. Ils l’ont peinte à même le mur, c’est leur mur, leur peinture. Cette fresque collective est le fruit d’une liberté totale dans la collaboration et dans le sujet.  

Aria, une maman d’élève artiste peintre, a souhaité vivre ce projet en compagnonnage avec les enfants.

Sa présence affective a crée autour d’eux une atmosphère de confiance et de sécurité. Aidant à réparer les « bavures » des maladroits, à encourager et stimuler les hésitant, elle a tété attentive à toutes les éclosions.

Au départ, les enfants ont décidé d’un thème, procédé à quelques activités préparatoires avec un projet, , prétexte pour lancer l’activité. Mais dans leur enthousiasme, ils ont débordé bien vite le sujet, et le projet s’est transformé au fur et à mesure de l’activité de création. On sait toujours de quoi on part, mais on ne sait jamais bien où l’on va aboutir. On pèche plus par excès d’invention, par collaboration trop enthousiaste que par pauvreté d’inspiration.

Le besoin de merveilleux, de surnaturel, le sens décoratif se répandent à travers les fleurs étincelantes, les personnages aux habits chatoyants, les détails synonymes de richesse et d’éclat, et pour les plus grands se mêlent à la poésie. Ces enfants sont des magiciens de la couleur faisant plus beau que nature.  

Nous trouvons que partout où il y a de la joie, il y a création: plus riche est la création, plus profonde est la joie.

Bergson


La technique est nécessaire mais non suffisante

En parallèle à ce travail collectif de peinture, on trouve d’autres enfants penchés sur un projet personnel. L’année précédente, un peintre habitant la commune était venu dans l’école apprendre aux enfants qui le désiraient la technique de la peinture à l’huile. Il les avait reçus chez lui et avait échangé avec eux de petits cadeaux. Il s’était installé entre l’artiste et les enfants des relations affectives authentiques.

Forte de cette expérience et aussi parce que sa maman pratique la peinture à l’huile dans ses moments de loisir, Manon s’est investie dans un paysage à l’huile. La réussite de son entreprise révélée par l’accueil chaleureux de ses camarades et des adultes l’a incitée à réaliser un deuxième tableau qu’elle a offert à sa mère.

A partir du premier tableau, on a pu assister à une création spontanée de paysage par Marie, l’une de ses camarades. Il s’agit là d’imitation et non de copiage. Ce qui conditionne l’œuvre ce n’est pas la forme mais l’utilisation de la forme au service de la création. Au contraire de la création originale, l’imitation est une pratique créative à partir d’une forme déjà constituée et sur une stimulation affective qui agrandit le pouvoir de création. Dans la simple copie, il y a restriction du pouvoir de création. Dans l’imitation, il y a élargissement de ce pouvoir par la charge affective.

Ce nouveau paysage fleurant la Provence est réalisé à l’aide d’une technique et d’un matériau totalement différent du premier tableau, mais la technique n’est jamais qu’un moyen. L’objectif n’est pas l’utilisation d’une technique ou d’une autre, il est qu’au travers de la technique l’enfant découvre un moyen de faire un retour sur lui-même. S’extraire de la vie pratique est impossible dans le quotidien "instrumentalisé". Dans la mise en place d’un travail artistique, ce qui est important, c’est ce que l’on donne à l’enfant à faire, c’est ce qui se passe à l’intérieur de l’individu.

 Seule la série des couleurs sur la toile, avec tout leur puissance et leur résonance pouvait en s’orchestrant traduire l’émotion colorée du paysage.

Vlaminck

 

 

Les peintures chatoyantes qui font chanter les murs ne sont pas là pou une fête des yeux exclusive et qui ferait oublier les incohérences apparentes de la vie scolaire de chaque jour. Elles sont les enluminures de chantier vivant où chacun s’affaire à la besogne choisie.

Elise Freinet

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 peinture

 

A la rencontre de la Renaissance

Octobre 1998

 

 

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Classe de CM2, Ecole de la Condamine (Monaco) – Enseignante : Martine Marcel

 

 A la rencontre de la Renaissance

 

L’éducation artistique a une double visée esthétique et culturelle :
- esthétique, au sens étymologique du terme (latin œthética : "sentir"), c’est-à-dire explorer le monde avec tous ses sens, avec émotion et intelligence.
- culturelle, au sens où elle favorise la rencontre avec des lieux et les objets reconnus comme porteurs de valeurs, et offre la possibilité à l’enfant de développer sa réflexion critique, sa capacité de comparaison entre des œuvres qu’il convient de rapprocher, de confronter ou d’opposer.

Mais comment guider l’enfant vers une appropriation du monde, vers un cheminement authentique dans la connaissance ?

Les arts plastiques, ce n’est pas :
- apprendre les techniques,
- apprendre à s’exprimer,
- apprendre à observer.
C’est s’engager dans un processus de création individuelle et ce faisant, on apprendra à s’exprimer et on apprendra à observer.

D. Lagoutte

La part du maître consiste à mettre ses élèves dans les meilleurs situations possibles pour se conduire en artiste : relever des idées, chercher des points de vue surprenants, organiser des éléments, et enfin présenter le travail réalisé pour le soumettre au regard des autres.

Laisser place à l’intuition

Dans la classe, des moments sont prévus pur la recherche personnelle. Un coin culturel est organisé par un enfant qui collecte des ouvrages divers et puise dans le fond BCD de l’école sur un thème vedette.
Ce thème est développé sur une quinzaine de jours et émergent des préoccupations et curiosités suscitées par les événements extérieurs, les débats de classe, les propositions du maître.
La période de la Renaissance passionne la classe. La lecture du voyage de Christophe Colomb, la comparaison de deux cartes du monde, une datant du Moyen Age et une autre du XVIe siècle, mettent en évidence les changements considérables dans la perception et le nouveau rapport de l‘homme au monde à cette époque. Nous décidons d’étudier ces transformations : les nouveaux systèmes de pensée, de représentation de l’espace, des corps, les nouvelles organisations sociales : villes, châteaux… Des axes de travail sont esquissés.

Enquête sur la perspective du tableau Les Epoux Arnolfini de Van Eyck (1434)

Le début de la représentation

 

Tout a commencé quand l’homme est apparu, ce qui nous renvoie à la préhistoire, là où les premiers hommes peignaient leurs tableaux de chasse sur les murs des cavernes. Il y a les Grecs, les Romains, les Egyptiens… Parlons-en des Egyptiens, ils trouvaient peu d’intérêt pour la représentation réaliste.

Le point de vue

Quand tu regardes un objet et que tu le tournes, tu vois ton objet sous différents points de vue. Exemple :


 

 

Le tableau en question

Image illustrative de l'article Les Époux Arnolfini

 

L’histoire du tableau

Un jour, Van Eyck a fait un tableau superbe qu’il a mis à sécher et le panneau s’est mis à se fendre…

Le coup du miroir

Regardez ! le miroir au fond du tableau. C’est un miroir sorcière ; quand je dis sorcière, c’est à cause de sa forme. C’est aussi grâce à sa forme que le peinture a pu peindre toute la pièce, car avec un miroir normal on ne peut que voir un morceau de la pièce. Nous voyons de dos les époux et l’artiste lui-même.

 

 
Van Eyck

Van Eyck a commencé à peindre des portraits. C’est un peintre flamand. Le tableau Les Epoux Arnolfini est un tableau célèbre peint avec beaucoup de raffinement qui représente un mariage de gens riches, les oranges le prouvent car les oranges coûtaient cher à cette époque.

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 regard

 

Coup de cœur

Octobre 1998

 

 

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Collège Clément Marot, Douvres-la-Délivrande (Calvados) – Enseignant : Michel Vibert

 

            Coup de cœur

                      Créations au collège Clément Marot 

 

 


Le collège de Douvres-la-Délivrande a toujours été reconnu pour ses productions de céramique : fresques, sculptures, masques… sont la mémoire du travail coopératif des promotions qui se succèdent dans l’établissement.

En effet, chacun a pu s’approprier un espace et laisser une part de son travail créatif dans l’artothèque du collège. Le temps qui passe est révélé par l’usure des fresques et la patine des sculptures et des céramiques.

La production créatrice a toujours évolué en fonction des moyens, de l’emploi du temps, du nombre d’élèves qui croît et des projets en cours.

 

Actuellement, l’atelier de poterie est utilisable pendant la coupure de midi avec une animatrice, et aux heures de permanence certains jours de semaine. Le contrat de production implique de ne quitter l’atelier que lorsque le travail est abouti.

 

Le travail créatif pouvant être une aide à l’intégration pour des élèves en difficulté, un atelier masque a été imaginé pour des élèves de sixième dans la perspective de faciliter leur expression dans un groupe : un texte a été écrit, une pièce de théâtre montée et jouée avec les masques.

 

 

Michel Vibert décrit aussi le fonctionnement de l’atelier terre comme un lieu où les échanges entre les enfants et les adultes permettent :
- d’inciter les élèves à oser,
- de les aider à dépasser leur « réalisme », à mettre en jeu leur créativité, de faire une production personnalisée,
- de passer d’un travail de recherche à un projet collectif, (par exemple après un travail sur le motif décoratif de la culture inca, réaliser une fresque).

 

Ce collège n’est pas un havre hors du temps, mais il donne une impression de convivialité dans le travail et dans le dialogue.

 

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céramique

 

Bibliographie - Créations n° 83 - Peindre

Octobre 1998

 

           

CréAtions n°83 - Peindre - publié en septembre-octobre 1998 - Editions P.E.M.F

Bibliographie

 

Bibliographie  

Ecrits d’artistes

Entretiens avec Francis Bacon, Francis Bacon et David Sylvester, 1976, Ed. Skira, 214 pages. Réédition de L’Art de l’impossible. Entretiens. Le sens de son travail, ses méthodes.

Emergence, Résurgence, Henri Michaux, 1972, Coll. « Les sentiers de la création ». Ed. Skira.

Le Chef d’œuvre inconnu, Honoré de Balzac, 1995, Ed. LGF, Coll. « Le livre de poche ». Ou comment envisager la relation entre le peintre et son référent.

L’Art de la couleur, Johannes Itten, Ed. Dessain et Tolra ; Edition intégrale, 1988, 156 pages, avec des études et les reproductions des tableaux correspondants. Edition abrégée, 1996, 96 p. sans les tableaux, reprise des thèmes essentiels. « […] Le monde où nous vivions actuellement est différent de celui dans lequel vivaient les hommes en 1560 ou en 1860 […] Un tableau contient en lui-même, dans ses couleurs et dans ses formes propres, la justification de son existence […] ».

L’Anti-portrait ovale, Serge Rezvani, Ed. Deyrolle, 1991, 72 pages. Sur les rapports entre le « dire » et le « voir » et sur l’effort de faire coïncider ces deux parts complémentaires.

Peindre à l’acrylique, Bernard Rancillac, 1987, Ed. Bordas, 111 pages. Secrets et ressources de la technique en participant à l’élaboration de deux toiles.

Ecrits de théoriciens

L’œuvre picturale et les fonctions de l’apparence, René Passeron, 1992, Coll. « Etude de psychologie et de philosophie », Ed. Vrin, 381 pages. Analyse du fait pictural dans tous ses aspects, concrets et théoriques. Des recettes, des définitions simples.

Détruire la peinture, Louis Marin, 1997, Coll. « Champs », Ed. Flammarion, 204 pages. Poussin accuse Le Caravage d’avoir « détruit la peinture ». Cette contradiction sert à L. Marin à dévoiler les difficultés posées par l’imitation.

Vide et plein : le langage pictural chinois, François Cheng, 1991, Coll. « Points Essais », Ed. Seuil, 157 pages. Dans cette peinture, le vide n’est pas « inerte » mais « actif ».

Fra Angelico : dissemblance et figuration, Georges Didi-Huberman, 1995, Coll. « Champs », Ed. Flammarion, 446 pages. Aviez-vous par exemple remarqué que les fonds de Fra Angelico sont de vraies peintures « abstraites » ?

Revues

Eighty (préfaces de J.L. Chalumeau)

Cimaise

 

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