Créations artistiques

Septembre 1997

 


CréAtions n°78 - La part du maître - publié en septembre-octobre 1997


Ecole de La Mareschale, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) – Enseignante Monique Godfroi

Créations artistiques

 

" L’essentiel reste aujourd’hui, comme autrefois, de fortifier la personnalité, de retrouver et d’animer en elle le sens de la vie et de l’équilibre." Célestin Freinet

 

 

Art, dessin libre, création, expression, liberté, travail, communication, échange, écoute, autonomie, responsabilité, coopération… Tous ces mots sont utilisés depuis toujours par chacun de ceux qui travaillent en pédagogie Freinet.
Dans ce monde moderne où l’on oublie souvent l’homme, il est indispensable de préserver, pour les enfants, tout ce qui aide à voir, à entendre, à comprendre, à critiquer, à décider, à sentir, à évaluer, à se connaître, et à connaître les autres, à entrer en relation avec ce qui les entoure, à chercher son équilibre.
L’expression créatrice permet à l’enfant de traduire sa représentation du monde, donc de le comprendre. J’aime assez cette définition de la créativité d’A. Beaudot : " Capacité d’exploiter sans contraintes, de manière brute, ce champ initial des possibles, sans désir précis de construire et d’élaborer. "

 

L’enfant qui crée ne visualise pas le produit final, c’est à chaque fois une surprise. Il réfléchit, fait des choix, peut changer d’avis ou en demander un, il est plus ou moins satisfait de ce qu’il a fait. Il aura envie de le monter ou non, qu’on en parle, qu’on l’affiche ou pas. Là interviennent le droit à la différence, le droit d’être respecté. On ne fait pas que créer, on parle ensemble de l’acte de créer, de dessiner, d’écrire, de présenter.

 

Ce qui est important, c’est de faire en sorte que l’enfant puisse de plus en plus faire appel à ce qui est à l’intérieur de lui-même pour s’exprimer, pour créer.
Chaque enfant a sa vie propre, ses souvenirs, son tempérament, sa culture, et tous ont besoin de s’exprimer, même ceux qui semblent réservés, peu motivés, réticents, aucun ne doit se faire oublier, chacun doit avoir sa place avec ce qu’il est, c’est-à-dire un être en évolution.
Je suis persuadée qu’un enfant qui dit " Je n’aime pas dessiner " souffre d’un blocage.

Quand un enfant découvre qu’il peut jouer librement avec les supports, les matières, les matériaux, les couleurs, qu’il peut mélanger des techniques, faire des expériences, quand un enfant découvre qu’il peut intervenir pour transformer, améliorer son œuvre, décider de ne pas continuer un dessin qu’il juge raté, quand il découvre que le beau varie selon les goûts de chacun, qu’à certains moments on peut avoir envie de peindre non pas le beau mais le laid, la violence, la souffrance, alors il est en confiance, il est capable de comprendre que la réussite vient plus du fait qu’on a trouvé les moyens de traduire de que l’on voulait exprimer, avec la part d’aventure, de hasard que cela suppose, que d’avoir réalisé ce que l’on appelle une œuvre d’art.

Tout moment de création dans la classe est un moment de détente, de plaisir, de liberté, mais aussi de travail, de recherches, de questions, d’échanges avec les autres, suivi de moments de communication.
Si le maître fait en sorte que chaque individu du groupe (et lui en est un) s’exprime, agisse, propose, critique, accepte, refuse avec ce qu’il est, ce qu’il a d’original, si les problèmes sont discutés coopérativement, si chacun donne son avis et apprend à le défendre, alors chacun trouve sa place.
Le maître est là pour inciter à la création, stimuler l’imagination, trouver des déclencheurs pour faire émerger des souvenirs, des émotions, des images.
Mais, en trente ans d’expérience, je puis dire que j’ai aussi développé ma propre imagination, ma sensibilité à tout ce qui est expression, création au contact des enfants. Ensemble, nous travaillons, nous communiquons, nous évoluons.

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