Après une année de travail, le Colloque de Vence a fait le point, précisé et orienté les recherches à venir.

Octobre 1960

Il y a un an, nous partions à l'aventure pour la préparation et la publication d'une nouvelle revue, dont nous sentions le besoin, certes, mais dont nous voyions mal encore le programme et le destin.

 
Une année a passé ; cinq numéros ont paru qui ont, du moins, posé les problèmes, déblayé le terrain, et intéressé à ces recherches indispensables un nombre croissant de travailleurs, de collaborateurs et de personnalités. C'est avec quelque fierté que nous pouvons considérer aujourd'hui la liste encou­rageante de notre Comité de Patronage.
 
Hélas ! celui qui en ouvrait la liste, notre cher Ad. Ferrière, notre maître et ami, n'est plus. Il s'est éteint le 16 juin dernier, après une longue vie tout entière dévouée à l'éducation.
 
Il a été, par sa grande compréhension des problèmes scolaires, philosophiques et sociaux, à l'origine de nos recherches et de nos travaux auxquels il a d'ailleurs collaboré directement à l'époque héroïque de notre Mouvement. Et c'est encore sans réserve, avec une jeunesse d'esprit et un optimisme dont il ne s'est jamais départi, qu'il nous encourageait, il y a un an, à ouvrir cette tribune.
 
Nous nous efforcerons de continuer notre œuvre avec ce souci de libre recherche, sans dogmatisme ni sectarisme, dont Ferrière nous a toujours donné le noble exemple.
 
Un premier colloque avait, l'an dernier, donné le départ. Nous nous trouvions, cette année, plus nombreux et plus confiants à notre Colloque de Vence, auxquels participaient une trentaine de personnalités : Professeurs, Inspecteurs, parents d'élèves, instituteurs. M. Nazei, sous-Directeur à la Jeunesse et à l'Education Populaire, était présent, ainsi qu'une délégation de l'Office Central de la Coopération à l'Ecole, conduite par M. de Saint-Aubert, Vice-Président, représentant M. l'Inspecteur Général Prevot, Président de l'Office. Etaient aussi présents : M. Denise, Directeur de l'OCCE, et M. Méric.
 
Après un examen critique très approfondi des numéros parus, Freinet lit le compte rendu des réponses au questionnaire sur l'Attention et la Volonté. On lira ce rapport ci-dessous.
On examine encore le programme à venir et, surtout, la possibilité d'inté­resser à nos recherches les professeurs du second degré, les psychiatres, les psychologues, les professeurs de l'enseignement supérieur.
Le fait que, par manque de collaborateurs, nous ne présentions la plupart du temps qu'un son de cloche, a été souvent considéré, de l'extérieur, comme la mani­festation d'une orthodoxie prétentieuse et autoritaire. En réalité, si nous ne faisons pas connaître dans nos revues les thèses opposées, c'est qu'on ne nous les manifeste que très rarement. Cette année encore, les articles de nos amis Combet et Vuillet risquaient d'apparaître comme de désespérants monologues.
 
Il faut que notre revue devienne vraiment de libre discussion, que s'y expriment des opinions parfois dissemblables, peut-être même opposées, parmi lesquelles nous choisirons à la lumière de notre expérience technique.
 
C'est ainsi que M. Legrand expose, dans ce numéro, son opinion sur le travail intellectuel et l'attention, et aussi sur le jeu que nous excluons de notre pédagogie tout entière axée sur le travail.
 
Nous avons fait, bien souvent aussi, de graves réserves sur les travaux de Piaget. M. Legrand est un grand admirateur de Piaget dont il nous dira les vertus. A nous, dans nos articles en réponse, de présenter nos points de vue, à la recherche expérimentale de la vérité.
 
C'est également pour tâcher d'élargir ce cercle de collaborateurs que nous lançons un nouveau questionnaire dont nous allons soumettre les divers élé­ments à de nombreuses personnalités du monde pédagogique, ainsi qu'aux parents d'élèves.
 
Nous croyons ainsi contribuer à éclaircir les problèmes qui nous sont soumis, afin d'avancer avec plus de sûreté dans cette modernisation de l'ensei­gnement dont nous disons la nécessité.
 
Nous n'avions qu'une participante étrangère : Maria Pereira (Portugal) ; Robert Dottrens, qui devait être présent, avait été retenu au dernier moment. La date choisie avait d'ailleurs empêché le déplacement d'éducateurs italiens, suisses, belges. C'est pourquoi nous envisageons de tenir notre prochain Collo­que en juillet 1961.
 
A l'issue du Colloque, la motion suivante a été votée :
 
Le deuxième Colloque International « Techniques de Vie », pour la recherche des fondements psychologiques, philosophiques et sociaux des Techniques Freinet, s'est réuni à l'Ecole Freinet de Vence tes 28 et 29 août 1960.
 
Assistaient au Colloque, outre de nombreux instituteurs pratiquant les Techniques Freinet, des Inspecteurs primaires, des professeurs de divers ordres d'enseignement, des éducateurs de l'enseignement spécial et de l'Education permanente, des parents d'élèves de France et de l'étranger.
 
Après examen des travaux et recherches exécutés au cours de l'année passée et par une critique constructive des études publiées dans la revue « Techniques de Vie », le Colloque :
—   Reconnaît ta nécessité de compléter, de contrôler et de justifier les travaux des techniciens par des recherches théoriques qui en permet­tent l'approfondissement sur des bases sûres ;
—   Souhaite que puisse se joindre au Groupe de Recherches un nombre sans cesse croissant d'Inspecteurs primaires, de Professeurs. d'Administrateurs, de Parents d'élèves conscients des nécessités d'une culture qui soit aussi une technique de vie, pour la formation de l'homme et du citoyen ;
—   Se félicite des contacts pris avec les travailleurs de l'Education perma­nente pour le prolongement et l'élargissement de cette culture ;
—   Reconnaît à ce titre l'importance primordiale de l'Ecole Freinet, Ecole Expérimentale du Mouvement qui a été à l'origine de routes les techniques dont la France peut s'enorgueillir ;
—   Emet le vœu en conséquence, que l'Ecole Freinet obtienne de toutes les autorités administratives, les moyens pratiques qui lui permettront de satisfaire efficacement les nouveaux besoins reconnus.
 
C. FREINET