En Chantier N°19 - Juin 2012

Mai 2012

En Chantier, Publication du Chantier de Recherche documentaire de l'ICEM Pédagogie Freinet : productions de classes, recherches documentaires, exposés,  témoignages, pratiques...
Pour donner-trouver des idées : pour des élèves acteurs et auteurs de leurs savoirs.

Le bulletin n'est plus périodique, nous ajouterons vos articles dès leur réception.

 

Au sommaire : Les projets art et culture de 2009 à 2013 au lycée professionnel de Saint-Dié - La Laïcité à l'épreuve d'une exposition - Le printemps des poètes - Préparation de voyage scolaire - Vive Jeanne d'Arc - Les Dits de Mathieu (III) - Bilan activité : théâtre/philosophie - L'école au siècle passé (S.Zweig)

 

Les projets art et culture de 2009 à 2013 au lycée professionnel de Saint Dié

Racontés par Joëlle Brault
 
Quatre années, quatre projets dont trois se sont déjà déroulés et un quatrième est en perspective.
L’activité se déroule durant deux heures hebdomadaires menées par le prof d’STMS tout au long de l’année. A chaque fois, la classe travaille sur la littérature jeunesse, élabore des critères de lecture à voix haute.Autres aspects récurrents, elle est accompagnée par un intervenant extérieur et crée une animation finale devant des enfants ou des personnes âgées.
 
 
Le premier projet a consisté à fabriquer des marionnettes pour animer quatre albums jeunesse, choisis à la médiathèque en compagnie de la bibliothécaire.
Les échanges de savoir et de pratiques sont nombreux et mis en perspective avec la réalisation finale : le marionnettiste montre différentes marionnettes pour donner des idées de fabrication, les élèves assistent à un spectacle de marionnettes, la bibliothécaire montre comment elle raconte un album.
 
La réalisation des marionnettes met en coopération les élèves de deux classes : couture / sanitaire et sociale.
En cours de français, les élèves transforment l’album en scénario.
Dans ce projet, la coopération ne se résume pas à une répartition mais s’impose comme une nécessité quand on prépare un spectacle. Chacun trouve un endroit où coopérer, adulte ou jeune.
 
Pour le second projet, il était question de travailler avec des matériaux de récupération
L’intervenant choisi était un plasticien qui travaille beaucoup sur des objets sonores.
Il réalise des expositions de cabinets de curiosités, de cabanes, de machines inventées.
Pour le spectacle final, des objets sonores ont été réalisés avec des poubelles, des balais, des cordes et venaient illustrer une histoire complètement inventée par les élèves.
«Comment la vie était, est et serait, dans les domaines de la santé, du soin, de la cuisine ?»
 
Ce spectacle a généré de nombreuses recherches documentaires sur des ressources différentes :
- enquête et collecte d’informations orales sur la vie quotidienne à la maison, auprès des générations passées.
- ressources empruntées à la médiathèque.
- collecte de sons du quotidien ( par exemple le lavage du linge à la main, en machine à laver, et bientôt, le vêtement auto-nettoyant)
Il a fallu se remémorer des sons disparus, inventorier les sons du présent, imaginer les sons quotidiens du futur.
Les élèves ont également créé l’affiche  du spectacle et son titre : «récu-percu-son»
 
Le troisième projet a fait intervenir une conteuse qui utilisait plusieurs accessoires pour lire et animer les contes pour enfants : un kamishibai,  des objets, des instruments de musique.
 
Trois albums ont été choisis par des groupe d’élèves qui ont réfléchi ensuite à la façon dont elles allaient le mettre en vie devant un public d’enfants.
Un groupe a réalisé un kamishibai en reproduisant les planches de l’album, un autre a fabriqué les planches du kamishibai. Un autre groupe a animé son récit avec des objets.
 
Le déroulement du spectacle a lui-même été élaboré à l’aide d’accessoires inventifs :
Les élèves ont construit des boîte à mots et à images : les enfants y piochaient des indications pour se répartir dans les différents groupes où se racontaient les histoires.
 
Déguisements, comptines en anglais apprises en cours de langue vivante, table décorée pour le goûter : le spectacle reposait sur de multiples détails soigneusement préparés.
 
La conteuse a demandé un bilan aux élèves sous la forme d’une lettre imaginaire à une amie pour y raconter l’activité et les émotions ressenties.
 

Voici quelques extraits de ces lettres :

J’étais dans mon élément avec des enfants, c’est ce qui m’a motivé au point de m’investir au maximum dans ce projet, le plaisir de faire plaisir.
 
J’ai juste eu un peu peur de raconter et de m’adresser au public, mais une fois lancée, ça a été tout seul !

Nous avons appris tant de choses en si peu de temps.
 
Les répétitions nous ont permis de voir qu’il fallait être organisé et trouver le juste milieu ( accessoires, volume de la parole, rythme de lecture et gestuelle).

On s’est bien amusé. Jeudi, on a lu des histoires à des enfants de grande section et ça s’est super bien passé.


Claudine était une conteuse qui nous raconté des histoires pour enfants et pour adultes. Pendant ces quelques moments, je retournais en enfance, et ça fait du bien.
 
J’ai appris que ce qu’on donne aux enfants, rien que par un regard ils nous rendaient 10 000 fois plus.
 
Aux premières séances, je trouvais ça barbant, mais plus on avançait, plus je m’investissais et plus je m’y suis intéressée.
 
Le quatrième projet reposera sur la collecte de  récits de vie dans une maison de retraite
La conteuse est de nouveau l’intervenante qui accompagne l’activité.
Une promotion d’étudiants à l’IUT voisin mène également un projet tutoré sur la captation audiovisuelle de ces récits. C’est également une occasion de formation sur le droit à l’image.
Par ailleurs, une animatrice dans la maison de retraite sert de relai avec les personnes âgées.
 
Le projet pour le moment est à l’état d’ébauche.
Il faut trouver la ou les situations d’échanges pour que se créent des liens entre les deux âges, partir d’un vécu, de plusieurs situations d’échanges pour que les duos ou les trios se forment
 
La conteuse va parler de la façon dont reviennent les souvenirs en partant de son expérience : les personnes âgées sont parfois très loquaces, parfois leur parole a besoin de support pour s’appuyer.
 
Peut-être ira-t-on à la médiathèque chercher journaux anciens de l’époque de leur naissance,
Peut-être cherchera-t-on des photos d’archives du village où elles ont vécu.
Les élèves interrogeront leurs propres grands-parents.
 
La recherche documentaire au fil de l’activité
D’année en année, les classes qui participent à ces projets successifs, constituent un patrimoine qui pourra être remobilisé les années suivantes : les marionnettes, objets sonores, les kamishibai. A la réutilisation, les élèves ressentent très fortement la nécessité de mettre en œuvre une technique : manier une marionnette n’est pas si facile que ça…
 
Il est essentiel de sortir de l’école et trouver des personnes ressources qui présentent en l’état leur technique, leur compétence. Dans l’école elle-même, l’activité nécessite les contributions conjuguées de différentes disciplines plutôt que la juxtaposition.
 
Enfin, les élèves se sentent valorisées, remettent en cause les représentations négatives qui pèsent sur leur formation car on a besoin d’elles.
 
Mots clés illustrés par ce récit :

Contexte institutionnel
Coopération
tâtonnement expérimental
expression libre
besoin
œuvre
observation du milieu
créativité
écoute
témoignage



 

 

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La laïcité à l'épreuve d'une exposition

Nicole Chosson, documentaliste à Paris
La Bibliothèque Nationale de France édite des posters à partir de certaines de ses expositions. Ces posters sont diffusés par son service pédagogique.
Au mois de décembre 2011, j'ai exposé "Bible, Torah, Coran" au lycée technologique Jules Siegfried , 75009 Paris.
L'exposition est accrochée dans le couloir qui mène au CDI.
Après une remarque faite auprès de l'assistant du CDI par une élève sur l'interdiction de représentation du Prophète, le panneau "naissance de l'islam" disparait.
Je l'ai remplacé le lendemain par un tirage A3 téléchargé depuis le site de la BNF, accompagné du commentaire suivant : (PJ et ci-dessous)

A propos de l'enlèvement de l'affiche

L'affiche « Naissance de l'islam », faisant partie de l'exposition
Torah, Bible, Coran accrochée dans le couloir menant du hall au CDI a disparu mercredi 7 décembre entre 10h30 et 11h15

Sur cette affiche figure une illustration montrant Muhammad en prière; l'illustration est tirée d'un livre profane de 1436 et accompagnée d'une légende précisant que la représentation du Prophète est rare dans la tradition musulmane.

Sachez que :

1 - La représentation du prophète est interdite pour les musulmans mais cet interdit connait des exceptions dans certaines traditions - comme en témoigne l'image présente sur l'affiche.

L'interdit ne concerne que les Musulmans ;
cet interdit ne saurait s'imposer à tous dans une société laïque ; la France n'a pas de religion d'État.

La laïcité donne le droit de montrer des œuvres d'art dans le cadre d'une information culturelle sur le fait religieux.

2 – le vol ou la détérioration d'un élément de l'exposition est un acte grave qui sera suivi de mesures appropriées.

Ci-contre : une reproduction réduite de l'affiche

Pour en savoir plus :
http://expositions.bnf.fr/parole/pedago/01.htm

L'incident, qui a provoqué des discussions avec les professeurs et avec les élèves, a aussi été l'occasion de la constitution d'un dossier documentaire et de l'incitation à se renseigner sur la liberté d'expression, la laïcité, la tolérance, les interdits religieux, les comportements fanatiques ou  identitaires....

Le dossier documentaire a été constitué en interrogeant un universitaire et en rassemblant des articles parus au moment de l'affaire des caricatures de mahomet publiées dans différents journaux européens.

 

 

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Le printemps des poètes

 
Le printemps des poètes est une manifestation nationale qui a pour but de faire partager le goût de la poésie. Un thème différent est proposé chaque année. Cette opération prend une importance toute particulière à Tours.
Les élèves d’Hélène Pico ont participé, au sein du collège Philippe de Commynes, à cette manifestation pour la 5° fois..
 
La préparation
L’action est expliquée aux élèves, puis ils sont invités à se rendre sur le site de l’action du «printemps des poètes». Cette année, à cause des dates de vacances d’hiver, une seule semaine fut consacrée à cette action (celle de la rentrée), d’où un temps de préparation moindre. L'objectif, pour les élèves, sera de choisir 3 ou 4 poèmes qu’ils liront dans les autres classes.
Dans un premier temps, la classe se rend au CDI pour «piller» le rayon poésie sans a priori (le thème de l’année n’est pas pris en compte). Chaque élève peut aussi apporter ses poèmes : vieux livres du trésor familial, cahiers de primaire.
Il s’agit de réactualiser le plaisir de lire et de dire à partir des «passifs».
Si le poème choisi comporte des mots qui amènent une gêne et la tentation de rire («fesse» par exemple), le(s) élève(s) ayant choisi ce type de texte sont invités à prendre conscience que le mot peut/doit faire rire les auditeurs sans que le lecteur ne rie.
Pendant les cours de français suivants les élèves s'entraînent à lire leurs poèmes à haute voix, placent le rythme, portent leur voix...
Il y a réalisation d’affiches pour annoncer l’action.
 
L'action
Les élèves, par groupes de deux, vont aller lire leurs poèmes dans les autres classes pendant 3 à 4 minutes. Chaque groupe intervient dans une ou deux classes.
Les interventions sont prévues à l’avance à l’aide de l’emploi du temps de toutes les classes. Un mot est déposé dans les casiers de tous les collègues pour leur demander s’ils sont d’accord pour recevoir pendant leur cours une Brigade d'Intervention Poétique et quel est le moment qu’ils préfèrent (début, milieu ou fin de séquence).
Ces passages de poèmes concernent tous les acteurs de l’établissement : les classes mais aussi l’administration et les agents.
 
 
Pendant ce moment de déplacement, la classe fonctionne en accueil pour le retour de ceux qui viennent de vivre l’expérience et qui partagent l’émotion très forte qu'ils ont ressenti : ils partent tremblants et reviennent «remontés».
 
Hélène Pico
 

 

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Préparation de voyage scolaire

 
Le cadre : les élèves de 4°/3° suivant l’enseignement de latin/grec au collège Philippe de Commynes à Tours (environ 50) se rendront à Rome, avec pour thème central l’Étrurie. Le déplacement se fera en car avec 2 jours de voyage et 3 jours sur place.
La préparation en classe porte aussi bien sur le savoir-être que sur les connaissances (il est important que les élèves aient des connaissances préalables sur ce qu’ils découvriront sur place).
 
 
1)      recherche documentaire au CDI
Ce type de travail est l’occasion de poursuivre l’incitation à mener une recherche raisonnée et à acquérir des principes de travail en faisant faire à de multiples reprises plutôt qu’en expliquant.
Les élèves sont invités à utiliser les ressources-papier du CDI et ne peuvent recourir à internet que pour (éventuellement) les compléter.
La première démarche consiste à venir consulter le logiciel BCDI en apportant crayon et cahier.
Il faut aussi réfléchir aux mots-clefs et le recours à ET/OU, interroger les ordinateurs avec une technique raisonnée et savoir si ce qu’on trouve correspond à ce qui était cherché.
Par exemple, les mot «étrusque» seul ne donne aucun résultat, mais «civilisation étrusque», oui.
Cela entraîne aussi un travail sur les codes de classement au CDI et la pratique de l’orientation dans les rayons : cet apprentissage des gestes peu familiers mais indispensables est à reprendre souvent.
Une fois les documents trouvés, ils sont réunis dans une caisse et complétés par les apports de documents personnels des élèves et du professeur.
 
2)      utilisation des documents
Une masse de documents très divers par leur format, la variété des informations, le niveau de lecture, est ainsi réunie, donc une répartition s’impose. Les élèves les feuillettent et se les passent. L’objectif est la connaissance globale du sujet plus un approfondissement des lieux qui seront visités (2 nécropoles, 2 musées). Les élèves devront réaliser une fiche sur le thème choisi pour construire un savoir commun à la classe et l’échanger avec les autres classes qui participent au voyage.
 
Chaque groupe d’élèves choisit un thème qu’il approfondira et le note sur une feuille A3 affichée dans la classe. Les élèves disposant de documents où ce thème est abordé viennent y inscrire ses références -avec le numéro de page(s)-
Les fiches ne seront pas réalisées, mais, dans la classe, l’échange de connaissances se fait au travers des indications portées sur les feuilles affichées.
 
Il est difficile d’obtenir des élèves qu’ils approfondissent leur recherche en utilisant tous les ouvrages dans lesquels il est abordé.
Pour la plupart, l’attitude de préparation du regard à ce qui sera vu lors du voyage est comprise, mais personne n’a découvert la nécessité d’inscrire les éléments trouvés dans un cadre géographique et historique : par exemple, voir que parmi les sept rois de Rome, seuls certains sont étrusques.
 
Pour la suite : un carnet de voyage doit être tenu, avec le cadre historique comme étape obligée (mettre un objet du VI° siècle en relation avec un ensemble) et une exposition sera réalisée pour le collège.
 
Hélène Pico

 

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Vive Jeanne d'Arc !

Vive Jeanne d'Arc !
qui permit la rencontre de deux classes de BTS…
                                               Marlène Pineau
En juin 2011, des collègues enseignants se rencontrent lors des corrections de BTS à Orléans : et si on faisait vivre ensemble une journée d'intégration pour les deux classes entrantes de BTS de la Roche-sur-Yon et d'Orléans ?
 
Dès la rentrée la proposition est faite à la classe de BTS énergéticien de La Roche-sur-Yon d'organiser l'accueil des orléanais. Ils sont d'accord et ils ont 2h pour organiser la venue de leurs camarades du 13 au 15 septembre.
Ils s'accordent sur le programme : visite de deux salles de spectacle et d'une chaufferie, organisation du camping et d'un barbecue, du transport jusqu'à la plage des Sables d'Olonne, de jeux sur la plage (le jeu de palet vendéen), visite d'un quartier de cette ville pour les volontaires.
C'est un succès ! Mais… "Nous, quand est-ce qu'on va vous voir ?", disent-ils. L'idée est d'aller rendre visite en retour aux étudiants d'Orléans en septembre 2012.
D'ici là, des commissions sont organisées en conseil coopératif et les élèves vont devoir préparer le budget, chercher un hébergement, des visites intéressantes à faire, demander des devis et les autorisations nécessaires. Cela va être aussi l'occasion de plusieurs activités tout au long de l'année et d'échanges avec la classe d'Orléans.
 
Des recherches documentaires pour les exposés de 5 minutes
Les sujets sont libres mais plusieurs vont avoir trait à la ville d'Orléans, notamment du fait de la présence de deux étudiants originaires de cette ville. D’autres sujets sont apparus également à la suite des visites de septembre. Par exemple : le sculpteur Gaudier-Brzeska (qui donne son nom au lycée de Saint Jean de Bray, à Orléans), les principaux monuments d’Orléans, Le trompe l’œil en architecture et peinture, Allégorie et symboles : exemples traditionnels et contemporains, L’usage de la symétrie comme signe d’harmonie dans l’architecture, Pourquoi un film récent rend-il hommage au cinéma muet ?  (en relation avec le film « The artist" vu ensemble au cinéma), faire un CV et une lettre de motivation, …
Le blog   (http://www.weblettres.net/blogs/?w=chaudetfroid)
Il va servir de support aux échanges. Les exposés sont filmés, mis en lien sur le blog et à Orléans on commente !
 
Des pistes pour le français
Un corpus de textes sur la pucelle d'Orléans, et plus largement sur la fabrique des héros, symboles nationaux.
(Un article de Nicolas Journet, intitulé La fabrique des héros, paru dans Sciences humaines. Extraits d’encyclopédie en ligne sur le mythe ambivalent de Jeanne d’Arc .)
 
Des difficultés cependant !
Le projet doit être celui des étudiants, aussi quand à la rentrée des stages et des vacances de Pâques rien n’a avancé, il leur est proposé d'abandonner, s'ils ne se sentent pas d'aller au bout. Pressés par la volonté de vivre une deuxième rencontre et par les échéances, ils vont alors s'investir pour produire in extremis un document à présenter au conseil d'administration du lycée. Refusé par celui-ci parce que non-conforme, les étudiants vont devoir plancher à nouveau mais le projet de rencontre en septembre n'est cependant pas remis en cause.
 
 
Cette expérience montre qu’à partir d’une occasion saisie, ici organiser une journée d’intégration, a pu se développer tout un travail qui aura permis aux étudiants d’apprendre, d’organiser, de produire, de se révéler, de communiquer,… Parce qu’ils ont été placés en responsabilité, ils sont acteurs, moteurs et ils récoltent les fruits de leur implication.
 
 
Mots-clés illustrés par ce récit
Besoin, coopération, valorisation, contexte institutionnel, expression, écoute, mise en commun, échange, responsabilisation

 

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Les Dits de Mathieu (III)

 
Annie Dhénin nous propose deux nouveaux extraits des Dits de Mathieu.
L’intégralité du texte est sur le site (BENP N°47 - Les dits de Mathieu première partie) et (BENP N°73 - Les dits de Mathieu II)
 
L'ÉCOLE SERA-T-ELLE CHANTIER ?
 
 Vous trouvez, je sais, que le mot de chantier, comme celui de travail dont je vante la noblesse, est trop chargé de peines, de souffrances et d'injustes sacrifices.
 Et pourtant, regardez si vos enfants, quand ils ne sont pas sous votre dépendance, n'organisent pas des chantiers de travail : pour dévier le cours d'un ruisseau et remplir une mare ou attraper des poissons ; pour aménager un tas de sable en place forte ; pour construire un village d'Indiens ... Et quel enthousiasme, là, quel acharnement ! et quelle activité ! Ah ! ils ne ménagent pas leur peine ni leur sueur ! Ils vont jusqu'à la limite de leurs forces, toujours. Parce qu'il est dans la nature humaine de se surpasser... Ils en oublient même de manger !...
 Leur effort ne s'accomplit pas forcément dans une ambiance de rires et de chants, - qui ne sont qu'une des manifestations, et pas la plus courante, du vrai travail. - Il y a de la souffrance et des grincements de dents... Il y a la vie !
 Et l'enfant rêve la nuit de son chantier et attend avec impatience le jour nouveau pour recommencer.
 Ne croyez-vous pas que si l'École devenait un chantier aussi enthousiasmant autant que la montagne de sable ou la cabane d'Indiens ; si vos élèves en rêvaient la nuit ; s'ils se donnaient ainsi à 100 % muscles tendus et dents serrées, à leur travail, - il y aurait quelque chose de changé dans l'atmosphère de vos classes et dans le rendement de vos efforts ? 
Impossible ! disaient les vieux pédagogues… Parlez-leur de jouer, oui, mais ils n'aiment pas le travail.
Ils n'aiment pas le travail, ni le chantier, et les adultes réagissent de même, - tant que l'effort qu'ils nécessitent n'est pas lié, à leur vie profonde, à tout leur comportement, non seulement économique et social, mais psychique aussi.
Mais organisez la Coopérative scolaire, cette société d'enfants qui naît spontanément lorsqu'il s'agit de construire la cabane d'Indiens ; donnez à vos élèves des outils de travail, une imprimerie, du linoléum à graver, des couleurs pour dessiner, des fiches illustrées à consulter et à classer, des livres à lire, un jardin et un clapier, sans oublier le théâtre et le guignol, - l'École sera ce chantier où le mot travail prend toute sa splendeur à la fois manuelle, intellectuelle et sociale, au sein duquel l'enfant ne se lasse jamais de chercher, de réaliser, d'expérimenter, de connaître et démonter, concentré, sérieux, réfléchi, humain !
Et c'est l'éducateur alors qui se fera à son image.
Freinet. Les Dits de Mathieu (p.114)
 
 
MAGNIFIER
Travailler « pour de bon »... « Faire joli »... « Pour que ça serve »... Ce sont là les grands soucis de l'enfant aux prises avec la vie.
Il termine son château de sable en le couronnant d'un bouquet de fleurs. Dans ses doigts de magicien, il agite au soleil un prisme qui pare le monde des couleurs merveilleuses de l'arc-en-ciel.
La page elle-même qu'il vient d'animer de ses graffiti attend la palette capricieuse du peintre pour acquérir vie et splendeur, comme si l'enfant avait besoin sans cesse d'habiller son œuvre du coup de pouce décisif qui fait les choses plus belles que ce qu'elles sont.
Vous vous contentez, vous, de battre des mesures pour rien, de faire copier des textes que vous annotez sans scrupule et que vous barrez avec autorité d'un rouge rageur. Vous trouvez toute naturelle l'hécatombe en fin de séance, pour récupérer l'argile plastique des chefs-d'œuvre modelés avec tant de sérieux et tant d'amour.
Le maçon travaillerait-il avec cœur et avec goût si on détruisait systématiquement la maison qu'il vient d'achever et sur laquelle il a posé, avec la légitime fierté du constructeur, le bouquet symbolique ? Le paysan reprendrait-il la charrue si son blé était non plus accidentellement mais méthodiquement fauché en herbe, et si étaient rasés les arbres qu'il a plantés ?
En ce début d'année, essayez d'oublier les enseignements inhumains de la scolastique, écoutez les exigences normales de la vie, magnifiez l'œuvre la plus humble du plus humble de vos enfants ! Que chaque travailleur — et l'enfant a les soucis et la dignité du travailleur — ait, à tout instant, conscience d'avoir posé une pierre à son édifice et ajouté à son patrimoine un peu d'efficience et un peu de beauté.
Magnifiez le texte informe en lui donnant la pérennité du majestueux imprimé; magnifiez, par les couleurs et la présentation, des dessins qui seront dignes d'une collection ou d'une exposition, émaillez et cuisez au four des poteries qui, dans leur forme définitive, sauront défier les siècles.
Alors vous sentirez la fierté de l'œuvre bien faite animer et passionner vos jeunes ouvriers, vous ferez naître et s'imposer cette grande dignité du travail que nous voudrions écrire, nous aussi, en lettres définitives aux frontons de nos écoles modernes du peuple.
 
Freinet. Les Dits de Mathieu (p.48)
 

 

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Bilan pédagogique activité : théâtre/philosophie

 
Pour la troisième année consécutive les élèves de la classe de terminale L ont fait l'expérience de mettre en relation théâtre et philosophie.
Par le biais du théâtre nous avons voulu redonner aux écrits des philosophes un peu de vie, d'odeurs, de couleurs et de bruits.
 
Avec Magalie Journot étudiante en philosophie et en théâtre (compagnie Xanthippe et ses amis) nous avons choisi cette année le thème du corps, souvent présent, mais rarement abordé de front dans notre tradition philosophique. Nous avons réuni un ensemble de textes extraits d'oeuvres de Platon, Epicure, Descartes, Spinoza, Nietzsche et Fourier que nous avons lus, médités et commentés. Les élèves ont alors imaginé la façon dont ces idées pouvaient s'incarner à travers des dialogues et des saynètes. Toute la classe a travaillé à l'écriture d'un texte dans un aller/retour d'improvisations, d'interrogations et de commentaires. A l'issue de ces séances communes, des répétitions ont eu lieu, en dehors des heures de cours, avec les élèves volontaires pour la mise en scène et la réalisation d'un spectacle.
Cet atelier a été mené en lien avec les cours d'arts plastiques de Monsieur Tritarelli. Les élèves ont pu ainsi présenter ce travail dans leur dossier de baccalauréat pour leur évaluation en arts plastiques. Ils ont créé des costumes/sculptures devant suggérer une conception philosophique du corps. Ces oeuvres ont été présentées au public lors de la représentation finale.
A l'issue des séances communes, des répétitions ont eu lieu, en dehors des heures de cours, avec les élèves volontaires, que des camarades de Seconde et de Première ont rejoint, pour la création du spectacle.
Le 19 mai 2012 une représentation a eu lieu au théâtre du Lavoir mobilisant les deux tiers de la classe de terminale littéraires. Les élèves ont pu dévoiler leurs qualités d'acteurs en travaillant avec les membres de la troupe Xanthippe et ses amis.
Cette activité fut particulièrement bénéfique pour des élèves peu scolaires auxquels elle a pu donner de la motivation en mettant en valeur des capacités habituellement non reconnues.
Le texte de la pièce imaginée par les élèves se trouve sur le blog de philosophie (http://surlefil.over-blog.net/) avec les liens des auteurs étudiés. On peut aussi voir sur ce blog des photos des costumes sculptures philosophiques et lire l'explication de la démarche artistique.
Laurence Bouchet

 

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L'école au siècle passé (Stefan Zweig)

Stefan Zweig LE MONDE D'HIER - Souvenirs d'un Européen.
ed. Belfond 1982
 
Préface.
L'école au siècle passé
Il allait de soi qu'après l'école primaire on m'enverrait au lycée. (...)
Or cette voie qui menait à l'université était assez longue et n'avait rien de rose.
Pendant cinq années d'école primaire et huit ans de lycée, il fallait passer cinq à six heures par jour sur les bancs de la classe, puis, une fois les cours terminés, faire ses devoirs, et aussi — ce qu'exigeait la « culture générale » — apprendre le français, l'anglais et l'italien, à côté du latin et du grec qui s'enseignaient en classe ; en tout cinq langues, à quoi s'ajoutaient la géométrie et la physique, et toutes les autres disciplines scolaires. C'était plus que trop, et cela ne laissait presque aucune place pour les exercices corporels, les sports et les promenades, ni surtout pour les plaisirs et les divertissements. Je me rappelle confusément qu'à sept ans il nous, avait fallu apprendre et chanter en choeur je ne sais plus quelle chanson où il était question « du temps joyeux,  du temps bienheureux de l'enfance ».
J'ai encore à l'oreille la mélodie de cette chanson à la simplicité un peu niaise, mais à l'époque, déjà, les paroles avaient peine à franchir mes lèvres et surtout à pénétrer mon cœur de conviction.
Car, pour être franc, toute ma scolarité ne fut pour moi qu'ennui et dégoût, accrus d'année en année par l'impatience d'échapper à ce bagne. Je ne puis me souvenir d'avoir jamais été « joyeux » ou « bienheureux » au cours de cette activité scolaire monotone, sans cœur et sans esprit, qui nous empoisonnait complètement la plus belle, la plus libre époque de notre existence ; (...)
L'école était pour nous la contrainte, la tristesse, l'ennui, un lieu où nous devions ingurgiter en portions exactement mesurées « la science de ce qui ne mérite pas d'être su », matières scolaires ou rendues scolaires dont nous sentions qu'elles ne pouvaient pas avoir le moindre rapport avec le réel ou avec nos centres d'intérêt personnels.
Ce que nous imposait l'ancienne pédagogie, c'était un apprentissage morne et glacé, non pas pour la vie, mais pour lui-même.
Et le seul moment de vrai bonheur que je doive à l'école, c'est le jour où je fermai pour toujours sa porte derrière moi.
Non qu'en elles-mêmes nos écoles autrichiennes eussent été mauvaises. Au contraire, ce qu'on appelait « le plan d'études » avait été soigneusement élaboré après un siècle d'expériences, et s'il nous avait été enseigné de manière à nous stimuler, ce programme aurait pu constituer la base d'une culture fructueuse et assez universelle.
Mais c'est justement le respect rigoureux du « plan » et la schématisation desséchante qu'il entraînait qui rendaient nos heures de classe abominablement arides et sans vie ; l'école était une froide machine à enseigner, jamais réglée sur l'individu et n'indiquant qu'à la manière d'un distributeur automatique — par les mentions « bien », « passable », « insuffisant » — dans quelle mesure nous avions satisfait aux « exigences » du plan d'études. Ce manque d'amour humain, cette froide impersonnalité et ce régime de caserne nous aigrissaient à notre insu. Nous devions apprendre et réciter nos leçons ; en huit ans, jamais un professeur ne nous a demandé ce que nous désirions personnellement étudier, et nous étions totalement privés de ces encouragements si stimulants auxquels aspirent en secret tous les jeunes gens.
(...) Nos maîtres n'étaient pas responsables, eux non plus, de ce régime affligeant. Ils n'étaient ni bons ni méchants, ce n'étaient ni des tyrans ni des camarades secourables, mais de pauvres diables qui, asservis au schéma, au plan d'études prescrit par les autorités, devaient s'acquitter de leur « pensum » comme nous du nôtre et — nous le sentions très bien — ils étaient aussi heureux que nous quand, à midi, retentissait la cloche qui leur rendait, comme à nous-mêmes, la liberté. Ils ne nous aimaient pas, ils ne nous haïssaient pas, et comment l'auraient-ils pu puisqu'ils ne savaient rien de nous ? Au bout de quelques années, ils ne connaissaient le nom que d'une minorité d'entre nous ; dans l'esprit des méthodes d'alors, ils devaient avoir pour seul souci d'établir le nombre de fautes que « l'élève » avait faites dans son dernier devoir. Ils étaient installés sur leur chaire surélevée, nous étions en bas, ils nous interrogeaient, nous devions répondre, là se bornaient nos relations. Car entre le maître et ses élèves, entre la chaire et les bancs, entre le haut et le bas — séparations bien visibles — il y avait l'invisible barrière de « l'autorité », qui empêchait tout contact. Qu'un maître eût à considérer l'écolier comme un individu, ce qui exigeait qu'on s'enquît de ses qualités particulières, ou qu'il eût à rédiger sur lui, comme aujourd'hui cela va de soi, des « rapports », c'est-à-dire des synthèses de ses observations, cela, à l'époque, eût dépassé de beaucoup ses attributions comme ses aptitudes ; d'autre part, une conversation particulière eût compromis son autorité en nous plaçant trop, nous, les « écoliers », au même niveau que lui, notre « supérieur ». (...)
Il serait erroné de croire que ce déplaisir que je prenais à l'école m'était personnel ; je ne puis me souvenir d'aucun de mes camarades qui n'eût senti avec répugnance que, dans ce bagne, les meilleures de nos curiosités et de nos intentions étaient entravées, réprimées, étouffées par l'ennui. Mais c'est seulement beaucoup plus tard que je pris conscience que cette méthode d'éducation sans amour et sans âme n'était pas imputable, par exemple, à la négligence des pouvoirs publics, mais qu'il s'y exprimait bien plutôt une intention déterminée, encore que soigneusement dissimulée. Réglant toutes ses pensées sur le seul fétiche de la sécurité, le monde qui nous a précédés, et qui alors nous dominait, n'aimait pas la jeunesse ou, plus encore, nourrissait à son égard une perpétuelle défiance. Fière de son « progrès » systématique, de son ordre, la société bourgeoise proclamait que la modération et la tranquillité étaient les seules vertus humaines efficaces ; il fallait éviter toute hâte à nous pousser de l'avant.

 

En complément, la manière dont un enfant d'aujourd'hui vit l'école

Voici un écrit spontané d'un garçon de 13 ans, nous l'appellerons Léo, qui termine sa 6e.
Il n'est pas dans un collège Freinet...
Il a pris l'habitude d'écrire des poèmes et des textes divers sur son ordinateur à la maison, en utilisant la correction en cours de frappe qui corrige surtout les fautes d'usage.
Je n'ai pas modifié son texte.  Il est évident qu'avant de le "publier" en classe, si j'étais son professeur, je le "toiletterais" avec l'enfant. On y gagnerait en communication mais on y perdrait en expression : le " j’irait commeaime" final en dit plus que la forme normée "j'irai quand même".

Robert, La Réunion

Je n’aime pas l’école

La plus par des enfants n’aime pas l’école.

Pourquoi leurs forcer à venir a l’école.

Sa nous fatigue de se lever a 6h00 la plus par a 5h00

Alors qu’on peut rester au lit.

Sa nous fatigue d’écouter les profs.

Sa nous fatigue de rester enfermer.

On dirait des poules dans des cages

Si la loi avez décidé que les enfants pouvez voter pour l’école ou rester chez

Sois son rien faire a par jouer les jeux vidéo, je voterai pour la maison.

Ses ma génération de jouer mais je n’avais pas compris que l’école était fais

Pour plus tars. Même si je n’aime pas l’école, j’irait commeaime.

 

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