L'école au siècle passé (Stefan Zweig)

Stefan Zweig LE MONDE D'HIER - Souvenirs d'un Européen.
ed. Belfond 1982
 
Préface.
L'école au siècle passé
Il allait de soi qu'après l'école primaire on m'enverrait au lycée. (...)
Or cette voie qui menait à l'université était assez longue et n'avait rien de rose.
Pendant cinq années d'école primaire et huit ans de lycée, il fallait passer cinq à six heures par jour sur les bancs de la classe, puis, une fois les cours terminés, faire ses devoirs, et aussi — ce qu'exigeait la « culture générale » — apprendre le français, l'anglais et l'italien, à côté du latin et du grec qui s'enseignaient en classe ; en tout cinq langues, à quoi s'ajoutaient la géométrie et la physique, et toutes les autres disciplines scolaires. C'était plus que trop, et cela ne laissait presque aucune place pour les exercices corporels, les sports et les promenades, ni surtout pour les plaisirs et les divertissements. Je me rappelle confusément qu'à sept ans il nous, avait fallu apprendre et chanter en choeur je ne sais plus quelle chanson où il était question « du temps joyeux,  du temps bienheureux de l'enfance ».
J'ai encore à l'oreille la mélodie de cette chanson à la simplicité un peu niaise, mais à l'époque, déjà, les paroles avaient peine à franchir mes lèvres et surtout à pénétrer mon cœur de conviction.
Car, pour être franc, toute ma scolarité ne fut pour moi qu'ennui et dégoût, accrus d'année en année par l'impatience d'échapper à ce bagne. Je ne puis me souvenir d'avoir jamais été « joyeux » ou « bienheureux » au cours de cette activité scolaire monotone, sans cœur et sans esprit, qui nous empoisonnait complètement la plus belle, la plus libre époque de notre existence ; (...)
L'école était pour nous la contrainte, la tristesse, l'ennui, un lieu où nous devions ingurgiter en portions exactement mesurées « la science de ce qui ne mérite pas d'être su », matières scolaires ou rendues scolaires dont nous sentions qu'elles ne pouvaient pas avoir le moindre rapport avec le réel ou avec nos centres d'intérêt personnels.
Ce que nous imposait l'ancienne pédagogie, c'était un apprentissage morne et glacé, non pas pour la vie, mais pour lui-même.
Et le seul moment de vrai bonheur que je doive à l'école, c'est le jour où je fermai pour toujours sa porte derrière moi.
Non qu'en elles-mêmes nos écoles autrichiennes eussent été mauvaises. Au contraire, ce qu'on appelait « le plan d'études » avait été soigneusement élaboré après un siècle d'expériences, et s'il nous avait été enseigné de manière à nous stimuler, ce programme aurait pu constituer la base d'une culture fructueuse et assez universelle.
Mais c'est justement le respect rigoureux du « plan » et la schématisation desséchante qu'il entraînait qui rendaient nos heures de classe abominablement arides et sans vie ; l'école était une froide machine à enseigner, jamais réglée sur l'individu et n'indiquant qu'à la manière d'un distributeur automatique — par les mentions « bien », « passable », « insuffisant » — dans quelle mesure nous avions satisfait aux « exigences » du plan d'études. Ce manque d'amour humain, cette froide impersonnalité et ce régime de caserne nous aigrissaient à notre insu. Nous devions apprendre et réciter nos leçons ; en huit ans, jamais un professeur ne nous a demandé ce que nous désirions personnellement étudier, et nous étions totalement privés de ces encouragements si stimulants auxquels aspirent en secret tous les jeunes gens.
(...) Nos maîtres n'étaient pas responsables, eux non plus, de ce régime affligeant. Ils n'étaient ni bons ni méchants, ce n'étaient ni des tyrans ni des camarades secourables, mais de pauvres diables qui, asservis au schéma, au plan d'études prescrit par les autorités, devaient s'acquitter de leur « pensum » comme nous du nôtre et — nous le sentions très bien — ils étaient aussi heureux que nous quand, à midi, retentissait la cloche qui leur rendait, comme à nous-mêmes, la liberté. Ils ne nous aimaient pas, ils ne nous haïssaient pas, et comment l'auraient-ils pu puisqu'ils ne savaient rien de nous ? Au bout de quelques années, ils ne connaissaient le nom que d'une minorité d'entre nous ; dans l'esprit des méthodes d'alors, ils devaient avoir pour seul souci d'établir le nombre de fautes que « l'élève » avait faites dans son dernier devoir. Ils étaient installés sur leur chaire surélevée, nous étions en bas, ils nous interrogeaient, nous devions répondre, là se bornaient nos relations. Car entre le maître et ses élèves, entre la chaire et les bancs, entre le haut et le bas — séparations bien visibles — il y avait l'invisible barrière de « l'autorité », qui empêchait tout contact. Qu'un maître eût à considérer l'écolier comme un individu, ce qui exigeait qu'on s'enquît de ses qualités particulières, ou qu'il eût à rédiger sur lui, comme aujourd'hui cela va de soi, des « rapports », c'est-à-dire des synthèses de ses observations, cela, à l'époque, eût dépassé de beaucoup ses attributions comme ses aptitudes ; d'autre part, une conversation particulière eût compromis son autorité en nous plaçant trop, nous, les « écoliers », au même niveau que lui, notre « supérieur ». (...)
Il serait erroné de croire que ce déplaisir que je prenais à l'école m'était personnel ; je ne puis me souvenir d'aucun de mes camarades qui n'eût senti avec répugnance que, dans ce bagne, les meilleures de nos curiosités et de nos intentions étaient entravées, réprimées, étouffées par l'ennui. Mais c'est seulement beaucoup plus tard que je pris conscience que cette méthode d'éducation sans amour et sans âme n'était pas imputable, par exemple, à la négligence des pouvoirs publics, mais qu'il s'y exprimait bien plutôt une intention déterminée, encore que soigneusement dissimulée. Réglant toutes ses pensées sur le seul fétiche de la sécurité, le monde qui nous a précédés, et qui alors nous dominait, n'aimait pas la jeunesse ou, plus encore, nourrissait à son égard une perpétuelle défiance. Fière de son « progrès » systématique, de son ordre, la société bourgeoise proclamait que la modération et la tranquillité étaient les seules vertus humaines efficaces ; il fallait éviter toute hâte à nous pousser de l'avant.

 

En complément, la manière dont un enfant d'aujourd'hui vit l'école

Voici un écrit spontané d'un garçon de 13 ans, nous l'appellerons Léo, qui termine sa 6e.
Il n'est pas dans un collège Freinet...
Il a pris l'habitude d'écrire des poèmes et des textes divers sur son ordinateur à la maison, en utilisant la correction en cours de frappe qui corrige surtout les fautes d'usage.
Je n'ai pas modifié son texte.  Il est évident qu'avant de le "publier" en classe, si j'étais son professeur, je le "toiletterais" avec l'enfant. On y gagnerait en communication mais on y perdrait en expression : le " j’irait commeaime" final en dit plus que la forme normée "j'irai quand même".

Robert, La Réunion

Je n’aime pas l’école

La plus par des enfants n’aime pas l’école.

Pourquoi leurs forcer à venir a l’école.

Sa nous fatigue de se lever a 6h00 la plus par a 5h00

Alors qu’on peut rester au lit.

Sa nous fatigue d’écouter les profs.

Sa nous fatigue de rester enfermer.

On dirait des poules dans des cages

Si la loi avez décidé que les enfants pouvez voter pour l’école ou rester chez

Sois son rien faire a par jouer les jeux vidéo, je voterai pour la maison.

Ses ma génération de jouer mais je n’avais pas compris que l’école était fais

Pour plus tars. Même si je n’aime pas l’école, j’irait commeaime.

 

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