Evaluer les apprentissages en éducation artistique. Pourquoi ? Comment ? article collectif

 

 

Revue en ligne CréAtions n°189 "Images séquentielles"
annoncée dans le Nouvel Educateur n°189 - Publication : septembre 2008

Article collectif

 

 

 

Evaluer les apprentissages en éducation artistique.

Pourquoi ? Comment ?

Réponses, témoignages de pratiques

 

Véronique Decker - Enseignante et Directrice de l' Ecole primaire Marie Curie, Bobigny (Seine Saint Denis)

Pour beaucoup de gens,l’évaluation de l’expression et de l’implication pose problème, car elle ne peut être donnée par un “brevet”, ni par une “note”. Et bien sur, dans l’imaginaire des parents, des enseignants et des élèves, un travail non noté, non “breveté” est au fond un travail “qui ne compte pas... Comment faire alors ? Comment donner de la “valeur” à une “création” ?
Le chemin est long mais il est indispensable que le groupe détermine ses propres modes d’évaluation, le groupe c’est à dire l’enseignant (qui représente le programme, et la norme scolaire) et les élèves. Les travaux présentés, que ce soit des peintures, des activités sportives, des exposés, des oeuvres diverses, doivent être jugés au regard de la norme scolaire, et au regard des progrès réalisés par les auteurs, et la construction des items fait partie intégrante du travail de création.
Il est indispensable que le groupe ait acquis une confiance mutuelle suffisante pour se critiquer dans le travail produit avec tact, sans blesser les personnes, qui donnent toujours à voir de leur intimité dans le processus de création, c’est pourquoi on ne peut pas “plaquer” cette technique dans une classe ordinaire, qui n’aurait ni “quoi de neuf” ni “Conseil” ni entraide. Il est indispensable que l’enseignant ait réfléchi pour distancier la “réussite” et travailler à la mise en oeuvre de “progrès”, c’est à dire une démarche qui cherche à faire avancer chaque élève (Tous capables de progrès) et non une démarche qui crée une “réussite” (pourtant si réclamée dans les “projets classe à PAC”) parfois basée sur la production ébouriffante de deux ou trois élèves du groupe.
Je résume ma pensée. La valeur doit être contenue dans le processus créatif et non dans la création elle même. C’est la valeur de l’apprentissage. C’est l’acte qui doit être explicité et mis en référence, et non l’oeuvre, qui reste le support du débat nécessaire. Bien sûr, il n’est guère possible de prendre le temps d’expliciter 28 travaux en groupe. Mais il est possible de créer une grille d’auto-analyse et de l’exposer près de chaque oeuvre et de faire un débat collectif.
Pour les plus jeunes, un travail sur le portrait en GS peut avoir comme grille :
- Est ce que tout le visage est dessiné ?
- Est ce que la peinture a dégouliné ?
- Est ce que cela te plait ? (et là, chaque élève de ma classe qui aimait le tableau mettait une croix si cela lui plaisait. ...)
C’est assez frustre, mais c’est la première grille qui a été construite par les élèves de ma classe, et cela leur suffisait comme auto-évaluation, pour conférer une “valeur” à ce travail. Moi, j’insistais pour trouver à chaque oeuvre une émotion, demander si la personne était triste, ou gaie, ou étonnée et faire remarquer aux enfants les émotions avec la forme de la bouche, des sourcils, .... Et leur montrer des oeuvres connues (le cri de Munch, les Ménines, jeux d’enfants de Brughel) et des tableaux faits par les “grands” de l’année précédente... Et de nouveaux portraits étaient peints, et une nouvelle grille devait être mise au point....
Enfin, la “valeur” du travail est donnée aussi par son destin social.
Ce portrait, sera-t-il rangé sitôt fini ? Sera-t-il emmené à la maison ? Sera-t-il exposé dans l’établissement scolaire ? Ou en ville ? A la mairie ? A la bibliothèque ? Il se joue là une grande part de la valeur de l’oeuvre, une fois la démarche évaluée par le groupe, il faut oser être vu, être jugé par des inconnus, et mettre en jeu son émoi à produire un sens avec du métal ou de la couleur.
Une mère d’élève, voyant le “tableau” de son fils, exposé à la bibliothèque de la mairie annexe (qui ne savait pas quoi faire de ses murs et de cimaises vides et quime les prêtait volontiers) dans un véritable sous-verre, avec un titre et un nom d’auteur, a demandé à racheter le sous-verre, et l’a exposé dans l’entrée de son appartement, alors qu’auparavant elle jetait les peintures qu’il rapportait de l’école, ne sachant quoi en faire. L’oeuvre avait été choisie par le groupe car nous n’avions pu exposer que les quatre meilleurs portraits. J’ai longuement hésité, car il me semblait qu’il y avait une concurrence dans ce choix. Mais les élèves ont vraiment vécu cela comme une coopération, un choix qu’ils allaient faire ensemble, et le conseil de la classe a voté à une
grande majorité de faire participer quatre tableaux.
Il est urgent, il est indispensable de faire sortir les enfants de la logique de consommation, d’évaluation, où tout a une valeur marchande, dans un monde de diplômes, de marchandises et d’objets qu’il faut posséder pour accéder au bonheur. Il existe dans l’acte de création, si menu soit-il, dans l’exercice de la main, de la pensée, dans l’appropriation de la culture nécessaire pour affiner cette création, dans l’enthousiasme d’arriver à ses fins, une source infinie de plaisirs partagés qui n’entrent pas dans la valeur, mais dans le plaisir de la vie.

Anne Roy - Coordinatrice ZEP

Au sujet des autres domaines de l’éducation artistique pratiquée à l’école comme la musique, la danse ou le théâtre, pour nourrir notre réflexion, il peut être intéressant d’aller voir les publications des associations "Danse sur cour" et "ANRAT - Association Nationale de Recherche et d’Action théâtrale". Ces associations qui regroupent en leur sein des artistes et des enseignants travaillant sur ces questions depuis plusieurs années. Leur approche est intéressante car elle laisse une large part à la création de l’élève.
"Danse sur Cour" sortira prochainement un Hors-Série qui regroupera les comptes-rendus des tables rondes que l’association a organisées sur cette question (www.dansesurcour.fr).
L’ANRAT a consacré un numéro de sa revue "Trait d’Union" à ce sujet téléchargeable sur le site www.anrat.asso.fr (Dossier n°6 d’avril 2004) bibliographie publiée par l'ANRAT:
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/educationartistique/ educart/biblio.htm

Katina Iérémiadis - Enseignante, CP/CE1, Ecole élémentaire, Notre-Dame-de-Commiers (Isère)

Cette année, je change de niveaux de classe (CP et CE1), après de nombreuses années passés à l’école maternelle. Je suis donc en pleine recherche d’organisation pour permettre à mes futurs élèves de pratiquer les arts visuels, non pas seulement parce que cela fait partie du programme, mais aussi parce que cet enseignement me semble indispensable à l’expression et à l’épanouissement de chacun, avec des répercussions positives sur le plan scolaire.
Je me suis renseignée auprès de collègues pour savoir comment ils réussissaient à enseigner cette matière dans un emploi du temps qui ne lui laisse qu’une bien maigre place. Voilà brièvement où j’en suis, à la veille de la rentrée de septembre :
J’ai installé un coin ressource de matériaux dans la salle de classe.
Pas encore d’argent pour acheter
de la peinture, mais je ne désespère pas de pouvoir en trouver. Dans le coin BCD, j’ai posé mon carton rempli de revues Créations et de livres d’art. Le musée des images est aussi présent, réparti dans des boîtes accessibles aux enfants.
J’envisage l’organisation d’ateliers une fois par semaine (1heure) ou une fois toutes les deux semaines (2 heures), mais certains travaux pourront, je l’espère, s’insérer dans
le temps de recherche individuelle, selon les projets.
Je pense mettre en place des ateliers réguliers, dont le contenu restera à définir avec les élèves,
sans exclure la possibilité de rencontres avec des artistes ou de découvertes d’expositions:
- atelier d’exploration libre
- atelier avec l’adulte :
approfondissement (découverte d’une technique particulière).
- atelier autour d’un projet collectif (en lien ou non avec les autres disciplines enseignées).
- atelier "échange de savoirs", animé par un élève qui propose de partager un savoir (l’élève sera
responsable de l’organisation matérielle).

La question de l’évaluation s’est aussi naturellement posée. J’ai commencé par étudier les
nouveaux programmes de juin 2008, pour le cycle 2. Ensuite, j’ai ébauché une grille d’évaluation pour fixer mes objectifs pédagogiques (voir ci-dessous). Mais pour moi, l’évaluation est aussi et surtout l’affaire des élèves. Elle contribue à les rendre acteurs de leurs apprentissages et
autonomes. Elle doit porter conjointement sur le processus de création et sur le développement
d’un regard "actif et créateur", pour permettre à l’enfant de devenir à la fois facteur et
spectateur d’images, de réussir à s’exprimer pleinement.
Il s’agit donc d’accompagner les élèves dans l’élaboration de leurs propres brevets où chacun (ou le groupe) détermine ce qu’il pense avoir appris, lors de la présentation de son travail devant la classe (juste après les ateliers ou en différé). Ces brevets seraient a
priori évolutifs puisqu’ils s’appuieraient sur les expériences de la classe. Les enfants se les approprieraient progressivement et individuellement.
A présent, il me reste à passer à la pratique…

Etre producteur

Produire des images, des objets

Utiliser plusieurs modes d’expression:

  • dessin
  • peinture
  • modelage (volume)
  • assemblage d’éléments(volume)
  • photographie numérique
  • cinéma, vidéo

La démarche

  • je sais expliquer ce que je veux faire
  • je sais présenter à la classe les étapes de ma démarche

 

Les outils : en fonction
des intentions (de départ
ou par la suite)

  • choisir ses instruments
  • choisir ses gestes
  • choisir le médium
  • choisir le support
 

Etre spectateur

Percevoir, ressentir, imaginer, comparer, analyser (…) son travail, le travail d’un autre, ou une oeuvre

 

Des productions d’élèves, des oeuvres

  • dire ce que l’on voit (perception, dénotation)
  • dire ce que l’on ressent (connotation, à quoi cela me fait penser, résonances, sentiments)
  • déceler et décrire des similitudes ou des différences entre sa

production et une oeuvre, entre sa production et la production d’un autre enfant :
- quant au mode d’expression (dessin, peinture, sculpture, photo, installation, etc.)
- quant aux matériaux
- quant aux formes
- quant aux couleurs
- quant aux gestes employés
- quant aux opérations plastiques utilisées (Reproduire, Isoler, Transformer, Associer - cf. travaux de Lagoutte)
- quant au thème (titre, etc.)

  • reconnaître une oeuvre étudiée

 

Production personnelle

  • savoir parler de son travail (intention, procédure, choix, étapes, sens, etc.)
  • savoir donner son appréciation personnelle sur son travail (content, réussite ou non, etc.)
  • reprendre un travail pour en faire autre chose (travail de deuxième génération, par exemple)

 

 
 
témoignages sommaire "Images séquentielles"

 

 

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