Grands pédagogues : Paolo Freire

Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d'éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d'éducation), vol. XXIII, n° 3-4, septembre-décembre 1993, p. 445-465.

Il n'engage bien sûr que son auteur.

PAULO FREIRE

(1921-1997)

Heinz-Peter Gerhardt

Paulo Reglus Neves Freire est né à Recife, capitale de l'État brésilien de Pernambouc, une des zones les plus pauvres de ce grand pays latino-américain. Bien qu'élevé dans une famille de la classe moyenne, Freire s'est intéressé à l'éducation des pauvres de sa région. Juriste de formation, il a mis au point un « système » d'enseignement applicable à tous les niveaux de l'éducation. Deux fois emprisonné dans son pays, il est devenu célèbre à l'étranger. Freire est aujourd'hui sans conteste l'éducateur le plus renommé de notre temps.

Son « système » repose sur l'idée que le processus éducatif doit se concentrer sur le milieu de l'élève. Il estime que l'apprenant doit comprendre sa propre réalité dans le cadre de l'activité d'apprentissage. Il ne suffit pas qu'un élève parvienne à lire la phrase : « Êve a vu du raisin ». Il doit aussi apprendre à situer Êve dans son contexte social, chercher à savoir qui a travaillé pour produire le raisin dont il est question et à qui ce travail a profité.

Ce « système » a contraint Freire à s'exiler en 1964, après avoir passé soixante-quinze jours en prison, et s'être vu accuser d'être « un révolutionnaire et un ignorant ». Il a alors passé quatre années au Chili et une aux États-Unis. En 1970, il s'est installé à Genève où il a travaillé pour le Conseil œcuménique des Églises. En 1980, il est retourné au Brésil pour « réapprendre » à connaître son pays.

Paulo Freire a publié un grand nombre de livres qui ont été traduits en dix-huit langues au total. Plus de vingt universités du monde lui ont décerné le titre de docteur honoris causa. Son ouvrage le plus connu, Pédagogie des opprimés, est consacré aux déshérités de la terre ainsi qu'à ceux qui s'identifient aux plus pauvres, souffrent avec eux et luttent pour eux.

En 1989, il est devenu secrétaire à l'Éducation de Sâo Paulo, l'État le plus peuplé du Brésil. Au cours de son mandat, il n'a ménagé aucun effort pour appliquer ses idées, remanier les programmes et accroître les salaires des enseignants brésiliens.

Paulo Freire est un homme doué d'un grand sens de l'humour et, en même temps, un être révolté par les injustices de tous ordres. Il est le père de cinq enfants dont la mère est sa première femme Elza. Après la mort de celle-ci il a épousé une de ses anciennes étudiante, Ana-Maria.

Ce portrait voudrait montrer plus avant comment s'est constituée la personnalité de Paulo Freire, opérer une sorte de reconstruction archéologique de l'homme et de son œuvre.

Impressions et influences précoces

Paulo Freire naît le 19 septembre 1921 à Recife, au foyer d'un fonctionnaire de la police militaire. Tout comme ses frères et sœurs, il reçoit de sa mère une éducation catholique traditionnelle. Quant à son père, il est étroitement lié aux milieux spirituels de la ville.

Réfléchissant plus tard à la forte figure du père dans les familles brésiliennes de la classe moyenne, Freire notera à maintes reprises que son propre père était toujours disposé à parler avec sa famille et élevait ses enfants avec autorité, certes, mais aussi avec compréhension (Freire, 1978a, p. 2). Peut-on voir là une initiation précoce à une certaine conception de la communication ?

Avant même d'aller à l'école, Paulo apprend l'alphabet auprès de son père, qui, à l'aide d'un morceau de bois dessine dans le sable des mots tirés de l'univers culturel de l'enfant. Il divise ensuite ces mots en syllabes qu'il regroupe de manière à constituer des mots nouveaux. Faut-il voir là les prémisses d'une « méthode » future de formation à la lecture ?

Au cours de la crise économique mondiale de 1928-1932, les Freire s'efforcent de conserver le niveau de vie de la classe moyenne, mais la mère a souvent bien des difficultés à pourvoir aux besoins de la famille. Celle-ci déménage en province, et s'installe dans la ville voisine de Jaboatâo où la vie est moins chère. Cela fait perdre à Freire deux années d'études secondaires. Jusqu'à la fin de ces dernières, il passe pour un élève médiocre. A 20 ans, il commence à faire des études de droit, qu'il doit interrompre à plusieurs reprises pour des raisons financières, car il lui faut rapidement travailler pour vivre et contribuer au budget de la famille.

D'après les renseignements que nous tenons de Freire lui-même (Freire, 1985a, p. 9), il est fortement influencé à l'époque par l'avocat et philosophe Rui Barbosa et par le médecin Carneiro Ribeiro, deux grands intellectuels brésiliens dont la pensée s'étend bien au-delà des limites de leurs propres disciplines. Ayant obtenu son diplôme de droit, Freire peut enseigner dans les écoles secondaires brésiliennes. De 1944 à 1945, il y sera professeur de langue portugaise. Il est en outre l'avocat d'un syndicat et donne des conférences sur des questions juridiques à des syndicalistes de la périphérie de Recife.

En 1944, Freire épouse une institutrice, Elza Maria Oliveira, dont il indique dans ses notes autobiographiques qu'elle était « catholique comme lui » (Freire & Bondy, 1975, p. 12). Elle l'encourage à procéder à une mise en question systématique des problèmes pédagogiques, et exerce jusqu'à sa mort soudaine en 1986 une importante influence sur les travaux pratiques et théoriques de son mari.

Les contacts que Freire entretient avec les syndicats gérés par l'État contribuent à le faire nommer chef du département de l'éducation et de la culture du Serviço Social da Industria, le service social de l'industrie, SESI (Freire, 1959, p. 14, 17). En 1954, il devient directeur de cette institution mais présente bientôt sa démission à la suite des critiques dont son mode d'administration démocratique, ouvert et libre, est l'objet.

Dans les jardins d'enfants et les écoles du SESI, Freire s'efforce d'amener les élèves et leurs parents à discuter de questions d'éducation et de société. Pour lui, travailler avec des enfants, c'est s'intéresser aussi à leur milieu social et familial. On ne peut régler des problèmes tels que la malnutrition ou le travail des enfants sans obtenir le concours des parents.

Dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler les « clubs ouvriers », Freire et ses collègues s'emploient à encourager les travailleurs de l'industrie à débattre de leurs problèmes personnels ainsi que de sujets généraux (Freire, 1959, p. 15). Ce qu'il essaie de leur faire comprendre, c'est qu'ils ne doivent pas s'en remettre entièrement au SESI pour résoudre leurs problèmes : ils doivent s'efforcer de surmonter par eux-mêmes leurs difficultés et les obstacles rencontrés en chemin. Son objectif en l'occurrence est « d'intégrer l'ouvrier au processus historique » et de « l'encourager à organiser sa vie individuelle au sein de la communauté » (Freire, 1959, p. 17).

Malgré les limitations du cadre institutionnel du SESI, Freire parvient à montrer que les principes du dialogue, de la « parlementarisation » et de l'autogestion peuvent jusqu'à un certain point s'appliquer à l'intérieur de ces limites institutionnelles. Tels sont en effet les trois principes qui doivent être mis en œuvre pour aboutir à une « démocratisation véritable du Brésil » (Freire, 1959, p. 15). Indépendamment de son travail au SESI, Freire exerce d'autres activités pour participer à « l'éveil démocratique » de son pays. Influencé par le penseur catholique Alceu de Amoroso Lima et par Anisio Teixeira, enseignant de la « nouvelle école », il travaille dans plusieurs paroisses de Recife, prenant part à des activités principalement nées de la base et d'inspiration catholique. On peut citer à titre d'exemple le projet qu'il a organisé avec des prêtres et des laïcs à la paroisse de « Casa Amarela » à Recife. Sept unités éducatives de la paroisse, du jardin d'enfants aux cours d'éducation des adultes, ont coopéré à l'élaboration de programmes et à la formation de maîtres. Il était prévu que les résultats de ce projet seraient partagés avec d'autres groupes que l'on encouragerait à se pencher ensemble sur l'organisation et le contenu de l'enseignement. C'est à cette forme de mise en commun des efforts que Freire a donné le nom de « parlementarisation des participants » (Freire, 1959, p. 129). Ce genre de travail faisait largement appel à des techniques telles que les groupes d'étude, les groupes d'action, les tables rondes, les débats et la distribution de cartes mnémoniques à thème.

C'est ainsi que Freire et ses collaborateurs en sont venus à parler d'un « système » de techniques éducatives, le « système Paulo Freire », pouvant s'appliquer à tous les niveaux de l'éducation formelle et non formelle (Maciel, 1963). Plus tard, dans les années 1970 et 1980, la technique d'alphabétisation de Freire, l'un des éléments du système, était baptisée « méthode Paulo Freire », cependant que « conscientisation » devenait synonyme de révolution. Aussi Freire cessa-t- il d'utiliser ces termes, mettant en relief le caractère politique de l'éducation et la nécessité de la « réinventer » en fonction des conditions historiques (p. ex. Freire, 1985b, 171).

 

À l'université

Les efforts déployés par Freire pour réformer l'éducation ainsi que ses activités au SESI et dans le mouvement laïc de l'église catholique lui valent rapidement d'être nommé professeur de pédagogie à temps partiel à l'université de Recife (Freire, 1971c, p. 499). Les autorités de l'université souhaitent en effet travailler avec une personne expérimentée ayant des idées réformistes pour que celles-ci soient mieux connues dans d'autres enceintes, par exemple dans le milieu universitaire ou à l'École des beaux-arts (1955).

Pour les défenseurs de l'établissement d'un modèle authentique de développement au bénéfice du pays, les années 1950 et le début des années 1960 se caractérisent, dans la vie politique brésilienne, par « l'émergence du peuple ». Ce groupe d'intellectuels, qui compte notamment Hélio Jaguaribe, Amsio Teixeira, Roland Corbisier et Alvaro Vieira Pinto, fonde ses idées sur celles des sociologues et philosophes européens comme Karl Mannheim, Karl Jasper, Gunnar Myrdal, Gabriel Marcel, et gravite autour de l'Institut supérieur d'études brésiliennes (ISEB) de Rio de Janeiro. A l'université, c'est principalement avec les représentants de cette tendance politique et d'autres mouvements contemporains que Freire a des contacts. A la suite de ses activités au sein du mouvement laïc catholique, il commence aussi à lire de plus en plus assidûment les auteurs de la gauche catholique — Jacques Maritain, Thomas Cardonnel, Emmanuel Mounier — et leurs interprètes brésiliens progressistes, tels Alceu de Amoroso Lima, Henrique Lima Vaz et Herbert José de Souza.

Le Club des étudiants catholiques (JUC) est une des organisations les plus à gauche en cette période d'agitation sociale et politique. Les étudiants revendiquent des réformes fondamentales de l'université, du système de santé, des services sociaux et du logement (de Kadt, 1970, p. 62). Alors qu'ils se bornaient naguère à élaborer des résolutions, ils se rendent maintenant dans les bidonvilles pour discuter avec leurs habitants et lancent des campagnes afin de lutter contre les conditions misérables qui y règnent (Paiva, 1973).

Pendant son séjour à l'université, Freire se familiarise de plus en plus avec les idées du mouvement étudiant catholique de gauche, élargit son étude des classiques catholiques et nationaux et systématise sa pensée et son action (Freire, 1985a, p. 11).

On peut déjà discerner dans les articles qu'il a écrits à l'époque, le style qui lui est propre. Il évalue les théories et les ouvrages les plus divers à la lumière de sa grande expérience pratique, les articule d'une manière qui correspond à ce qu'il a pu lui-même observer. Mais cette manière suscite bien des controverses (p. ex. Saviani, 1990 ; Jarris, 1987 ; Allman, 1987). Pourtant il n'a jamais nié être un éclectique qui cite des extraits spécialement choisis des prémisses d'auteurs comme Jaspers ou, plus tard, Marx. Cependant, ni le marxisme ni l'existentialisme ne suscitent son adhésion car il trouve des points intéressants dans les écrits de chacun de ces deux auteurs (Freire, 1978a, p. 12).

Cet éclectisme et, à mon sens, l'obligation de « théoriser » qui lui était imposée par la culture dominante de son université, expliquent peut-être la tendance de Freire à obscurcir l'exposé de son expérience pratique par l'emploi d'« une prose philosophique lourdaude » (Boston, 1972, p. 87). Sa manière d'écrire jette la confusion dans l'esprit de ses lecteurs. C'est lorsqu'il intervient en personne, prononce des conférences ou fait des cours que son influence est la plus grande ; il attire ainsi à sa suite un groupe dévoué de disciples disposés à procéder à des expériences et à poursuivre ses travaux. A cet égard, son prestige est semblable à celui de plusieurs autres grands éducateurs de notre siècle, tel Montessori (Rohrs, 1982, p.528). Chacun, à son époque, a « réinventé » l'éducation en tant qu'art, science et politique (Freire, 1981c).

Contrairement à nombre de ses collègues, Freire estime que les activités politiques des étudiants à l'intérieur et à l'extérieur de l'université sont un élément nécessaire et important de la transition brésilienne vers une société démocratique. Il lui paraît important de débattre des problèmes nationaux à l'université. Au lieu de s'efforcer de restaurer l'ordre par des mesures disciplinaires, il recherche avec les étudiants des solutions au problème le plus pressant du pays, à savoir « l'éducation du peuple » (Freire, 1961b, p. 23).

Freire expose en détail sa conception de l'éducation dans sa thèse de doctorat (Freire, 1959), qui ne reçoit pas l'approbation de la commission universitaire. Compte tenu des critiques qu'il formule à l'encontre de l'état de sous-développement de la structure universitaire brésilienne, incapable de répondre aux attentes de la phase de « transition », la décision de la commission est assez logique.

Freire peut néanmoins continuer à travailler à l'université grâce à son amitié avec Joâo Alfredo Gonçalves da Costa Lima, devenu en 1962 vice-recteur puis recteur de l'université de Recife. Freire est nommé conseiller spécial pour les relations avec les étudiants puis, en 1962, directeur des activités péri-universitaires.

Comme du temps où il était au SESI, Freire ne se limite pas à ses activités professionnelles en faveur de la transition brésilienne. Lorsqu'en 1960 la municipalité de Recife, sous la direction d'un homme de gauche nommé Arraes, lance le Mouvement de culture populaire (MCP), Freire fait partie des cofondateurs et des partisans les plus farouches de ce mouvement.

Coordonnateur, au département de l'éducation, des projets d'éducation des adultes, Paulo Freire soutient avec enthousiasme la création du MCP et salue le « mouvement » comme étant une « action du peuple ». Il se trouve cependant que les militants catholiques, protestants et communistes du MCP interprètent leurs tâches d'éducation et d'organisation de manières différentes. Un manuel d'enseignement de la lecture aux adultes analphabètes suscite dans le département de Freire un différend concernant le processus d'instruction et la conscientisation culturelle (Gerhardt, 1978, p. 65).

Les auteurs du manuel (Godoy & Coelho, 1962) ont choisi une approche politique directive en prenant cinq mots « générateurs » : povo (peuple) ; voto (vote) ; vida (vie) saude (santé) et pào (pain). A partir des syllabes de ces mots, on crée des phrases telles que : « Le vote appartient au peuple » ; « Les gens sans maisons vivent dans des bidonvilles » ; « Il n'y aura de paix dans le Nord-Este que lorsque l'injustice sera complètement supprimée » ; « La paix naît et se nourrit de la justice ». Ces phrases doivent inspirer des débats politiques et en constituer la structure et le contenu (Gerhardt, 1978, p. 68).

Freire est profondément hostile à l'idée de présenter à des analphabètes des messages, car ceux-ci ont toujours un effet de conditionnement qu'ils viennent de gauche ou de droite. D'un côté comme de l'autre, on exigera l'acceptation de doctrines sans discussion et ce sera la manipulation.

Pour Freire, en 1961, éviter la manipulation signifie deux choses :

• les convictions et les opinions doivent émaner directement du peuple, ce qui veut dire que le programme solaire devrait être élaboré par lui ;

• en même temps, les convictions et les opinions doivent correspondre à la phase de « transition » par laquelle, d'après les analyses de l'ISEB et des catholiques de gauche, le Brésil passe à cette époque (Freire, 1961b, p. 24).

Et pourtant, Freire ne parvient pas à faire passer son message. Une partie du MCP commence à travailler à partir d'une approche directive en se fondant sur la doctrine du Parti léniniste. Trente ans plus tard, Freire connaîtra un conflit analogue. C'est pourquoi il réduit sa collaboration avec le MCP et commence à élaborer ses propres idées avec le concours de son équipe du Bureau des activités péri-universitaires. Considérant que l'homme a la capacité innée de raisonner, il a déjà tenté des expériences sur les réactions visuelles et sensorielles des gens qui apprennent à lire et à écrire. Dans une de ses premières expériences, il a projeté sur un mur, à l'intention de sa bonne analphabète, une diapositive montrant un garçon et le mot portugais correspondant (menino). Revenant à plusieurs reprises sur les syllabes du mot et répétant le mot menino, Freire observe que Maria remarque l'absence de telle ou telle syllabe et « apprend » ainsi que le mot est composé de syllabes (Freire, 1970b, p. 9).

Néanmoins, il manque encore le stimulant nécessaire pour éveiller l'intérêt de l'analphabète à l'égard des mots et des syllabes. Ce qui fait défaut, c'est la « présentation » des divers termes. De son activité avec le SESI et le MCP, Freire a cependant appris que beaucoup d'ouvriers s'intéressent aux questions « politiques » lorsqu'elles ont directement trait à leurs besoins et à leurs difficultés et sont présentées à l'aide de ce que nous appelons aujourd'hui les médias (films, diapositives, etc.). En outre, il se souvient bien de ses premiers contacts avec le monde des mots. Ce qu'il faut c'est montrer des images qui renvoient aux problèmes effectifs des gens, puis lire et écrire des mots qui expriment ces problèmes.

L'expérience lui a enseigné aussi qu'il ne suffit pas de commencer par un débat animé sur la réalité. Les analphabètes sont profondément marqués par leurs échecs à l'école ou dans d'autres milieux d'apprentissage. Afin de réduire ces inhibitions et de susciter un élan stimulateur, Freire entreprend des expériences sur la différence entre les capacités de l'homme et celles des animaux dans leurs milieux respectifs. Cette différence que souligne aussi l'appréciation nouvelle de l'artisanat traditionnel (poterie, tissage, sculpture sur bois, chant, théâtre amateur, etc.), a été initialement énoncée et décrite sur le plan théorique par le sociologue allemand Max Scheler : l'homme, créateur de culture.

Freire commence à expérimenter sa nouvelle conception de l'alphabétisation dans un cercle culturel dont il est l'animateur-coordinateur et dont il connaît personnellement les membres. Dans ses publications, ses entretiens et ses conférences, il ne parle qu'incidemment, citant quelques-uns de ces participants, de la première application de sa méthode d'alphabétisation au « Centro de Cultura Dona Alegarinha », qui était l'un des « cercles culturels » créés dans le cadre du MCP pour débattre des problèmes de tous les jours dans le quartier de Poço da Panela à Recife (Gerhardt, 1978).

 

Le succès

Freire indique qu'après vingt et une heures seulement de cours d'alphabétisation, un des participants était en mesure de lire des articles de presse simples et d'écrire des phrases courtes. Les diapositives suscitaient un intérêt tout particulier et contribuaient à la motivation des participants. L'expérience fut arrêtée après trente heures (à raison d'une heure par jour, cinq jours par semaine). Trois des participants avaient appris à lire et à écrire : ils pouvaient lire des textes brefs et des journaux, écrire des lettres. Deux participants avaient abandonné (Freire, 1963a, p. 19 ; Freire, 1974b, p. 58). La « méthode » d'alphabétisation de Paulo Freire était née.

Jusqu'à son application à Diadema (État de Sâo Paulo) de 1983 à 1986 (Werner, 1991, p. 136) et — en partie — dans le cadre si contesté du MOVA à Sâo Paulo (1989-1992) sous « l'administration Freire » (Torres, 1991 ; Freire, 1991b, p. 129), les diverses étapes de la méthode sont restées identiques, avec cependant des changements dans leur ordre et leur contenu en fonction des conditions socio-économiques des divers lieux de formation (Gerhardt, 1983, 1989). Ces étapes sont les suivantes :

• observation des participants par les éducateurs, qui s'emploient à entrer dans l'univers de leur vocabulaire ;

• recherche approfondie de mots et de thèmes générateurs à deux niveaux : richesse syllabique ; forte liaison avec le vécu ;

• première codification de ces mots en images visuelles, qui encourage les gens « submergés » dans la culture du silence à « émerger » comme créateurs conscients de leur propre culture ;

• introduction de la « conception anthropologique de la culture » avec sa distinction entre l'homme et l'animal ;

• décodage des mots et des thèmes générateurs par un « cercle culturel » sous l'animation discrète d'un coordonnateur qui n'est pas un enseignant au sens habituel du terme, mais un enseignant-enseigné en dialogue avec des enseignés-enseignants ;

• recodage créateur, cette fois explicitement critique et conçu en vue de l'action, au cours duquel les anciens analphabètes commencent à rejeter leur rôle de simples « objets » de la nature et de l'histoire sociale pour entreprendre de devenir les « sujets » de leur propre destinée.

La méthode connaît un « énorme » succès dans tout le Brésil : on va pouvoir apprendre à lire à la population analphabète, qui compte à l'époque 40 millions de personnes (le droit de vote n'est accordé qu'aux personnes sachant lire et écrire), et la rendre consciente des problèmes du pays. Les partis réformistes et les mouvements de gauche mettent toute leur confiance en Freire et son équipe, à qui on confie bientôt la tâche de mettre en œuvre le Plan national d'alphabétisation (1963). L'argent coule à flots et de toutes parts, notamment du bureau régional de l'Alliance du progrès à Recife, des administrations réformistes du Nord-Este et du gouvernement fédéral populiste de Joâo Goulart (Manfredi, 1976).

Bien qu'il soit déjà coordonnateur national de la campagne d'alphabétisation au sein d'un mouvement d'éducation populaire en plein développement, Freire est bien conscient des écueils auxquels pourrait de se heurter l'extension au pays tout entier de sa conception de l'alphabétisation ou de toute autre conception qui part, comme la sienne, de la base.

Les piètres résultats d'une campagne pilote organisée à Brasilia (Gerhardt, 1978) témoignent clairement du dilemme auquel est confronté un éducateur désormais fameux dans tout le Brésil mais dont « l'action culturelle pour la liberté » est difficile à mettre en œuvre dans le cadre d'un système d'éducation géré par l'État.

Le renversement du gouvernement fédéral par les forces armées brésiliennes en mars 1964 met un terme à la grande expérience (Skidmore, 1967). La seconde occasion d'occuper un poste administratif de haut rang ne s'offrira à Freire que vingt-cinq ans plus tard, et le placera de nouveau face à ce même dilemme.

 

L'exil

Emprisonné deux fois par les militaires à cause de sa « méthode subversive », Paulo Freire trouve une protection auprès de l'ambassade bolivienne, la seule qui lui accorde le statut de réfugié politique. Le gouvernement bolivien lui-même s'attache ses services comme consultant au Ministère de l'éducation. Mais vingt jours après son arrivée à La Paz, il assiste à un deuxième coup d'État — cette fois-ci contre le gouvernement réformateur de Paz Estensoro.

LE CHILI

Freire décide de chercher refuge au Chili où, grâce à la victoire d'une alliance populiste démocrate- chrétienne, Eduardo Frei vient d'arriver au pouvoir. Il séjournera quatre ans et demi au Chili, travaillant dans une institution publique nommée l'ICIRA (Institut de formation et de recherche pour la réforme agraire) ainsi qu'au Bureau spécial d'éducation des adultes, organisme public dirigé par Waldemar Cortéz. Il deviendra professeur à l'université catholique de Santiago et sera consultant spécial au Bureau régional de l'UNESCO dans cette même ville.

Dans son deuxième pays d'exil, Freire se consacre surtout à l'éducation des adultes, plus particulièrement à celle des paysans. La modernisation capitaliste de l'agriculture chilienne a introduit à la campagne des machines et des connaissances nouvelles, mais la structure de la propriété et des salaires est restée inchangée. Aussi Freire propose-t-il un projet éducatif qui mette en lumière cette contradiction et favorise des débats sur la manière de la surmonter. Il commence à comprendre que les réformes engagées sous l'étiquette américaine de l'« Alliance pour le progrès » masque en réalité une domination technico-scientifique diffuse, de type moderne, du Sud par le Nord. La technologie exportée en Amérique du Sud sous couvert d'« assistance technique » est un moyen d'entretenir la dépendance politique et économique. Cela explique l'importance attachée par Freire à son concept d'« invasion culturelle » dans les premiers travaux qu'il publie après avoir quitté le Brésil (Sanders, 1968).

Freire analyse à cette époque la question de la « vulgarisation en milieu rural ». Il écrit ainsi un ouvrage (Extension o communication_?, première édition en espagnol, ICIRA, 1969) consacré à la communication entre le technicien et le paysan dans une société agraire en développement. Il oppose le concept de vulgarisation de la culture à celui de communication portant sur la culture. D'après lui le premier est « envahissant » tandis que le second favorise la prise de conscience. Il fait valoir que l'échange entre le paysan et l'agronome doit promouvoir le dialogue. Impossible d'apprendre si la connaissance nouvelle est en contradiction avec le vécu.

L'agronome-éducateur qui n'est pas familiarisé avec le monde du paysan ne peut pas prétendre changer l'attitude de ce dernier. L'intention de Freire est de souligner les principes et les fondements d'une éducation qui favorise la pratique de la liberté. Cette pratique ne saurait être ramenée à un simple soutien technique : elle englobe l'effort de l'homme pour se déchiffrer et pour déchiffrer ses semblables (Freire, 1969b).

En 1967, Freire se rend pour la première fois aux États-Unis comme conférencier invité à des séminaires organisés dans les universités de divers États. Son premier livre, L'éducation: pratique de la liberté (publié en 1968 au Chili), et qui est à l'époque son seul ouvrage, est bien accueilli par les milieux intellectuels de Santiago, de Buenos Aires, de Mexico et de New York. En 1969, il reçoit une lettre de l'université Harvard qui l'invite à y donner des cours pendant deux ans ; huit jours plus tard, lui parvient une offre du Conseil œcuménique des Églises à Genève (Suisse) — organisation qui joue à l'époque un rôle important dans le processus de libération des anciennes colonies d'Afrique — lui proposant un poste de consultant à plein temps.

LES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Soucieux de « faire l'expérience » de la culture nord-américaine, et de découvrir le tiers monde (ghettos et bidonvilles) au sein du premier monde (Freire, 1985b, p. 188), Freire ne veut pas cependant se couper des expériences pédagogiques concrètes en cours dans les pays en développement. Il ne lui paraît pas satisfaisant de quitter l'Amérique du Sud uniquement pour travailler en bibliothèque. Aussi propose-t-il à l'université Harvard de limiter son séjour à six mois.

C'est comme professeur au Centre d'étude du développement et du changement social qu'il y travaille. Là il met la dernière main à son ouvrage Cultural Action for Freedom (1970) où il oppose vigoureusement sa conception de l'action culturelle et l'impérialisme culturel, thème qu'il peut étudier concrètement aux États-Unis. Six mois plus tard, il devient consultant à la sous-section de l'éducation qui vient d'être créée au Conseil œcuménique des Églises et sert ès qualité de conseiller en matière d'éducation auprès de gouvernements du tiers monde.

Ce n'est qu'à partir des années 1970 que la théorie et la pratique pédagogique de Freire deviennent célèbres dans le monde entier. C'est en exil qu'il écrit ses livres les plus fameux : L'éducation : pratique de la liberté (Freire, 1971a) et Pédagogie des opprimés (Freire, 1974d). Le premier de ces ouvrages est un recueil des idées exposées précédemment dans divers articles et dans sa thèse de doctorat (1959). Il y développe une proposition pédagogique pour le Brésil où une société agraire et coloniale se transforme en une nation indépendante et industrialisée. Les trois principaux problèmes rencontrés au cours de cette phase de transition — industrialisation, urbanisation et analphabétisme des masses rurales et urbaines — doivent être résolus grâce à l'édification d'une société nouvelle. C'est en la pratiquant que l'on apprend la démocratie (Freire, 1974b).

Dix ans plus tard, dans Pédagogie des opprimés (écrit en portugais à partir de 1968, premières éditions en anglais et en espagnol en 1970), il proclame la nécessité d'une pédagogie révolutionnaire ayant pour objectif l'action et la réflexion consciente et créatrice des masses opprimées en vue de leur libération (de Oliveira et al., 1975, p. 24 ; Freire, 1974d).

Pour l'auteur de L'éducation : pratique de la liberté, la science et l'éducation sont relativement neutres tandis que pour celui de Pédagogie des opprimés, elles sont devenues des armes tactiques dans la lutte des classes. Initialement centrée sur la relation et l'opposition nature/culture, homme/animal (le but de l'éducation étant la libération culturelle de l'homme au service de la libération sociale), la pensée de Freire met maintenant l'accent sur les moyens de se libérer des mécanismes d'oppression intégrés à la structure sociale et qui sont au service des classes dominantes (le but de l'éducation étant alors de contribuer à une transformation radicale de la structure sociale).

Les travaux de Freire au Brésil, durant la phase qui va jusqu'en 1964, comportent plusieurs postulats épistémologiques, en particulier à propos de la transitivité critique : a) le développement et l'exercice de la conscience critique est le produit d'un « travail éducatif critique » ; b) la fonction de l'éducation en tant qu'instrument du processus de conscientisation dépend de deux attitudes et activités fondamentales : la critique et le dialogue ; c) la conscience critique est caractéristique des sociétés à structure vraiment démocratique. Ces postulats sont liés à la conviction que « la raison » de l'homme est parfaitement capable de découvrir « la vérité ». C'est à partir de cette conviction qu'il a pu développer avec succès sa propre conception de l'alphabétisation.

Le Freire de l'exil, quant à lui, met davantage l'accent sur le thème hégélien de l'oppresseur intériorisé (et non sur la simple « culture du silence ») au sein des structures socio-économiques capitalistes (et non dans l'idéal de liberté revendiqué par la démocratie occidentale). Il met également en lumière le caractère politique de la science et de l'éducation (Freire, 1974d).

Au Brésil, avant 1964, Freire est parfaitement conscient du coût et des difficultés politiques que comporte son programme. Mais ses postulats épistémologiques le conduisent à interpréter de pareils obstacles comme quelque chose de relativement accidentel, qu'une opposition tactique à la dictature et à ses intérêts alliés devrait permettre d'éliminer. Lorsqu'il adopte explicitement une nouvelle perspective politique, ses postulats théoriques en matière d'idéologie et de savoir changent. De la « tactique » Freire passe à la « stratégie ». Le « processus de conscientisation » est devenu synonyme de lutte des classes. L'intégration culturelle s'est transformée en révolution politique. Cette évolution est, là encore, particulièrement apparente dans sa conception de la transitivité critique : dans ses premiers écrits, la notion est très voisine de celle d'attitude scientifique (Dewey) ; par la suite, la conscience transitive critique devient la conscience révolutionnaire (Freire, 1974b ; Freire, 1974d ; cf. Schipani, 1984).

L'évolution des fondements épistémologiques ressort aussi du changement de références théoriques et de sources bibliographiques intervenu entre L'éducation : pratique de la liberté (Scheler, Ortega y Gasset, Mannheim, Wright Mills, Whitehead, etc.) et Pédagogie des opprimés (Marx, Lénine, Mao, Marcuse, etc.), même si cela ne signifie pas nécessairement que le premier ouvrage soit dépassé. Cette modification a d'importantes conséquences en ce qui concerne le sens et les prolongements de certains concepts de base. Le concept de transformation que l'on trouve dans L éducation : pratique de la liberté implique participation et intégration au sein d'un système démocratique, c'est-à-dire qu'il traduit une sorte d'approche libérale. Dans Pédagogie des opprimés et dans les ouvrages suivants, la transformation englobe la possibilité de la subversion et de la révolution, c'est-à-dire de choix et de pratiques politiques extrémistes. Dans Pédagogie des opprimés, les trois grands thèmes qui sont au cœur des préoccupations de Freire sont la conscientisation, la révolution, et le dialogue et la coopération entre l'avant-garde et les masses afin de maintenir l'esprit de la révolution (Freire, 1974d).

Parallèlement à cette évolution de la pensée de Freire vers l'extrémisme révolutionnaire s'opère aussi un changement quant au sens et aux incidences du concept même de conscientisation. La praxis éducative est devenue une praxis plus révolutionnaire et la question de l'engagement en faveur et aux côtés des opprimés occupe davantage de place. Dans sa lettre d'acceptation au Conseil œcuménique des Églises, Freire, mû par ses nouvelles conceptions, déclare non sans emphase : « Il faut que vous sachiez que j'ai pris une décision. Ma cause est celle des damnés de la Terre. Il faut que vous sachiez que j'ai choisi la révolution » (Simpfendorfer, 1989, p. 153).

 

GENÈVE — L'AFRIQUE

A Genève, un groupe d'exilés brésiliens, dont Freire fait partie, fonde l'IDAC, l'Institut d'action culturelle. Le but de cette institution est d'offrir des services éducatifs, en particulier aux pays du tiers monde qui luttent pour accéder à une pleine indépendance. Cette lutte est censée se fonder sur la conscientisation en tant que facteur tendanciel de révolution à l'intérieur des systèmes éducatifs. Freire est élu président de l'IDAC (Freire et al., 1980).

Les années suivantes, l'IDAC atteint un degré de popularité tel et reçoit des demandes de coopération si nombreuses que tout se passe comme si l'institution avait pour vocation de diffuser, par des séminaires et des ateliers, l'idée de conscientisation à travers le monde. L'idée ne plaisait pas à Freire de devenir peu à peu le maître à penser d'une communauté internationale de disciples qui voient dans ses travaux le nouvel évangile de la libération sans essayer de réinventer ses idées dans leur propre contexte. Il cesse même à cette époque d'utiliser le terme de conscientisation car il ne veut pas contribuer à laisser penser qu'il suffirait de procéder à une interprétation critique du monde sans transformer en même temps les structures sociales oppressives (Freire, 1985a, p. 23).

Freire et son équipe de l'IDAC sont très heureux de recevoir, en 1975, une invitation de Mario Cabral, alors ministre de l'éducation de la Guinée-Bissau, qui leur demande de contribuer à l'élaboration d'un programme national d'alphabétisation. Cette collaboration sera très riche d'enseignements pour l'équipe de l'IDAC et pour les maîtres, les élèves et les administrateurs du système éducatif de ce petit pays africain. Le manque de ressources matérielles, les insuffisances de l'enseignement dispensé par certains maîtres et la persistance, dans le processus de développement du pays, de vestiges de l'ancienne idéologie sont consignés et passés au crible (Gerhardt, 1981). L'Afrique offre à Paulo Freire et à ses collaborateurs le terrain d'expérimentation qu'ils appelaient de leurs vœux (Freire, 1977a).

Dans son exil, Freire fait pleinement l'expérience de la dialectique entre patience et impatience. Il faut être patient impatiemment, dit-il un jour ; et il faut être impatient patiemment. L'exilé qui n'est pas capable d'apprendre cette leçon peut être considéré comme perdu. S'il rompt cette relation, s'il a tendance à être uniquement patient, la patience devient un anesthésiant qui le transforme en songe-creux. Si, au contraire, il est uniquement impatient, il court le risque de tomber dans l'activisme, le volontarisme et le désastre. La seule voie est celle de « l'harmonie des contraires » (Gadotti, 1989, p. 63).

Entre 1975 et 1980, Freire travaille également à Sao Tomé-et-Principe, au Mozambique, en Angola et au Nicaragua (Assmann, 1980).

Partout où il travaille, il agit non seulement en technicien mais aussi en militant, chez qui l'attachement à la cause de la libération s'allie à un total dévouement à l'égard des populations jusque-là victimes de l'oppression.

L'État africain de Sao Tomé-et-Principe, qui vient de se libérer de la colonisation portugaise, confie à Freire un programme d'alphabétisation. Les résultats obtenus dépassent les espérances. Quatre ans plus tard, Freire reçoit une lettre du ministre de l'éducation déclarant que 55 pour cent des élèves inscrits dans les écoles ne sont plus analphabètes, de même que 72 pour cent de ceux qui ont déjà achevé leur scolarité (Gadotti, 1989). Ces résultats sont tout à fait analogues à ceux qui ont été obtenus dans le petit cercle culturel de Poço de Panela dont il a été question plus haut. En août 1979 Freire se rend au Brésil où il reste un mois. Après ce séjour, il retourne à Genève pour évoquer avec sa famille, l'IDAC et le Conseil œcuménique des Églises la question de son retour définitif dans son pays, retour qui a lieu en mars 1980.

 

DE RETOUR AU BRÉSIL

Freire arrive au Brésil au moment où le Mouvement d'éducation populaire, qu'il a contribué à fonder au début des années soixante connaît un nouvel essor, au milieu d'une crise économique qui incite les dirigeants militaires à vouloir quitter le pouvoir. Freire doit « réapprendre » son pays. Mais ce sont les mêmes acteurs sociaux que dans les années soixante qu'il va bientôt redécouvrir, même si leur poids politique a changé.

La classe laborieuse qui, sous le régime militaire (1964-1984), a dû supporter l'essentiel du fardeau du « miracle brésilien » et qui est toujours victime de la « crise de la dette brésilienne », semble maintenant mieux organisée et mène ses propres projets politiques. L'un d'eux est la création d'un nouveau parti, le Parti des travailleurs (PT), dont Paulo Freire devient en 1980 un des membres fondateurs.

La classe moyenne (chancelant sous l'effet des pertes considérables de revenus qu'elle a enregistrées) se mobilise une fois de plus, unit ses forces à celles de la classe laborieuse et se révèle être le partisan le plus actif du retour du pays à la démocratie (1978-1984).

La bourgeoisie nationale a, dans sa majorité, collaboré avec le gouvernement militaire. Cette collaboration avait déjà commencé avant 1964 en raison de l'extrême vigueur de la montée du mouvement populaire. Elle s'efforce une fois de plus de jouer un rôle important et plus indépendant dans l'économie et la politique, mais en gardant toujours un oeil craintif tourné vers ses homologues internationaux, surtout aux États-Unis. Comme dans les années cinquante et au début des années soixante, la bourgeoisie nationale naturellement n'a guère pris part à l'entreprise éducative. Son aide a consisté surtout en des appuis politiques et financiers. Aujourd'hui, ces trois couches sociales contribuent chacune à sa manière au Mouvement d'éducation populaire du Brésil, dont ils modèlent une fois de plus les contours et définissent les objectifs (Gerhardt, 1986). Invité par l'université catholique de Sâo Paulo et par l'université de Sâo Paulo à Campinas à enseigner dans leurs départements des sciences de l'éducation, Freire développe bientôt ses activités universitaires — en même temps que d'autres activités de caractère plus politique. C'est ainsi qu'il devient président de la fondation Wilson Pinheiro, parrainée par le Parti des travailleurs. Il s'associe également à une petite organisation d'éducateurs dévoués dénommée « Varela », où ses activités rappellent celles qu'il a menées naguère à l'IDAC. Ces institutions et ces organisations permettent à Freire de réaliser une fois de plus ce lien entre théorie et pratique qu'il prône dans ses écrits. Les communautés confessionnelles de base, les associations de quartier, le mouvement féministe et les groupes écologiques sont à ses yeux les pierres angulaires de la phase de transition que traverse le Brésil. Alors qu'il va bientôt reprendre des responsabilités politiques en se présentant sous l'étiquette du Parti des travailleurs et conseillera, comme par le passé, les secrétariats de l'éducation de nombreuses villes du Brésil, il reste toutefois sceptique quant à la possibilité de surmonter les tendances au sectarisme qui se manifestent dans les structures de tout parti, qu'il soit de droite ou de gauche. Les partis politiques semblent en effet incapables de collaborer étroitement avec les mouvements sociaux précités pour lutter contre les effets du chômage, le manque de logements, les insuffisances de la couverture médicale et celles des infrastructures de l'éducation. Freire se fait encore une fois le défenseur de « l'éducation, pratique de la liberté » mise en œuvre par des éducateurs et des hommes politiques prêts à accepter le risque et l'aventure, ouverts à l'avenir et au présent, et considérant les réalités du moment avec un esprit critique (Freire, 1991c, p. 32).

Aux élections municipales de 1988, le Parti des travailleurs obtient la majorité des voix dans la ville de Sâo Paulo. Le 3 janvier 1989, le nouveau maire, Luiza Erundina de Sousa, nomme Paulo Freire secrétaire à l'Éducation (Freire, 1991b). Il démissionnera deux ans plus tard, le 27 mai 1991, afin de renouer avec ses activités universitaires, de retourner à ses conférences et à l'écriture. Mârio Sérgio Cortella, son ancien chef de cabinet, lui succédera. Aux élections municipales de novembre 1992, le Parti des travailleurs est mis en minorité. Un ancien maire de Sâo Paulo nommé à l'époque par les militaires obtient, à l'occasion d'élections libres, la majorité des voix d'une population composée essentiellement d'ouvriers (un quart d'entre eux au chômage) et de membres des classes moyennes. Comment le processus de conscientisation a-t-il pu aboutir à ce fâcheux résultat après quelques années d'administration de l'éducation selon la méthode de Freire ?

Dans le bilan qu'il en dresse, Torres (1991, p. 36) commente la situation d'une manière quelque peu sibylline :

Très souvent, la compétence technique qui intervient, dans des réformes éducatives politiquement réalisables et effectivement applicables, entre en contradiction avec les principes éthiques sous-jacents aux convictions de justice sociale et d'égalité pour tous dans le cadre des démocraties politiques et économiques. Parfois, des projets de réforme politiquement réalisables fondés sur une éthique de compassion démocratique sont d'une qualité technique insuffisante, ce qui rend leur échec inévitable. Enfin, il arrive que des projets démocratiques bien conçus du point de vue technique et corrects sur le plan éthique ne soient pas réalisables politiquement ou ne soient pas applicables, et restent dans le domaine de l'illusion, du rêve ou de l'inconscient des praticiens, des enseignants et des décideurs.

Comme trente ans plus tôt à Recife, l'éducation populaire organisée dans le cadre d'institutions gérées par l'État ne donne pas de résultats satisfaisants. Cela tient essentiellement à des divergences idéologiques au sein du parti dominant, aux difficultés que soulèvent les relations de travail entre le secteur public et les mouvements sociaux, aux conflits inévitables entre la réforme économique et une superstructure inchangée (Secretaria Municipal de Educaçâo, 1989) ainsi qu'à la nécessité de « réinventer le pouvoir » (Freire, 1975, p. 179). Il reviendra à d'autres éducateurs progressistes de poursuivre la tâche engagée par Freire et son équipe de Sâo Paulo.

 

Conclusion

On doit avant tout à Freire d'avoir conçu et expérimenté un système d'éducation, ainsi qu'une doctrine de l'éducation, pendant les nombreuses années où il a exercé son activité en Amérique latine. Ses travaux ont été développés plus avant aux États-Unis, en Suisse, en Guinée-Bissau, à Sao Tomé-et-Principe, au Nicaragua et dans d'autres pays du tiers comme du premier monde. Le système éducatif de Freire s'appuie sur les facultés créatrices de l'homme et sur ses aptitudes à la liberté au milieu de structures politiques, économiques, et culturelles oppressives. Son objectif est de découvrir et de mettre en œuvre des options libératrices grâce à l'interaction et à la transformation sociales rendues possibles par le processus de « conscientisation ». La « conscientisation » a été définie comme le processus par lequel les gens parviennent à mieux comprendre d'une part la réalité socioculturelle qui modèle leur existence, et d'autre part leur capacité de transformer cette réalité. Elle fait appel à une praxis, comprise comme étant la relation dialectique entre l'action et la réflexion. Freire propose une praxis de l'éducation où l'action repose sur la réflexion critique et où la réflexion critique se fonde sur la pratique.

Le système éducatif et la conception de l'éducation de Freire tirent leur origine d'une multitude de courants philosophiques — phénoménologie, existentialisme, personnalisme chrétien, marxisme humaniste et hégélianisme — qu'il serait hors de propos d'analyser ici en détail. Freire a participé à l'introduction au Brésil de doctrines et d'idées européennes, les a adaptées aux nécessités d'une structure sociale et économique déterminée. Il les a élargies et recentrées de telle manière qu'il a ouvert des perspectives nouvelles même aux intellectuels et aux théoriciens de l'éducation d'Europe et d'Amérique du Nord.

Au grand dam de nombreux universitaires plus traditionalistes du premier monde, (Berger, 1974, p. 136 ; Boston, 1972, p. 87 ; London, 1973, p. 56), sa conception et son « système » sont devenus si courants et si universels que les « thèmes générateurs » qu'il a proposés sont encore, trente ans plus tard, au centre de débats sur la pédagogie critique (Torres, 1991, p. 5). A partir du moment où il a vécu en exil, le champ de ses travaux a dépassé le cadre du tiers monde (Schulze & Schulze, 1989 ; Dabisch & Schulze, 1991), contrairement au reproche que Giroux, pourtant généralement favorable aux conceptions de Freire, lui adresse encore en 1981 (p. 139).

Parce que l'activité et les écrits de Freire se rapportent à des cultures pédagogiques bien déterminées, on a le sentiment qu'il a développé uniquement les aspects de sa théorie applicables à la situation sociale où il se trouvait, et qu'on a affaire non pas à une véritable sociologie ou philosophie de l'éducation, mais « seulement » à une synthèse de perspectives de l'éducation en rapport avec ces cultures. Ce qu'il a écrit se rattache à ses convictions et n'est pas toujours argumenté avec soin selon les canons traditionnels des travaux universitaires (Jarris, 1987, p. 278).

Sa trajectoire personnelle (l'exil, l'emprisonnement) entre certainement pour une part dans le climat de dévotion qui entoure son œuvre. Pourtant, celle-ci ne s'insère pas dans un cadre théorique solide ; de plus, elle n'a jamais fait l'objet d'un travail d'application et d'évaluation qui aurait pu apporter une confirmation objective. Freire est une personnalité extrêmement charismatique, douée d'un talent exceptionnel pour comprendre, traiter et interpréter des situations et des processus éducatifs. Depuis son retour d'exil, il a développé sa vision de l'éducation, dans une myriade d'entretiens publiés dans toutes sortes de revues et de livres (cf. Freire, 1991b, c & a ; 1985b ; Freire & Guimarâes, 1982 ; 1986 ; 1987).

Il manque, dans l'ensemble de ces exposés, une présentation systématique de sa théorie par lui-même. La question de savoir si l'on peut développer des activités pédagogiques progressistes dans le cadre d'institutions publiques ou de projets financés par l'État demande à être analysée de façon approfondie. Freire a vécu diverses formes d'oppression. Il devrait, à partir de cette expérience, formuler une critique institutionnelle et une analyse de la manière dont les idéologies dominantes et oppressives sont enracinées dans les règles, les procédures et les traditions des institutions et des systèmes. Ce faisant, il devrait demeurer l'utopiste qu'il a toujours été, conservant sa foi dans la capacité des populations de faire entendre leur voix et de recréer ainsi le monde social dans le sens d'une plus grande justice.

 

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