Grands pédagogues : Alexander Sutherland Neill

Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d'éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d'éducation), vol. XXIV, n° 1-2, 1994, p. 225-236.

Il n'engage bien sûr que son auteur.

 

ALEXANDER SUTHERLAND NEILL
(1883-1973)
Jean-François Saffange1

Le 23 septembre 1973 mourait Alexander Sutherland Neill. Cette disparition ne fit guère la une des journaux. Elle marquait la fin de l'aventure de Summerhill, sa petite école du Suffolk, et signait l'oubli, sinon le rejet de celui en qui l'enthousiasme contestataire d'une décennie avait reconnu un de ses emblèmes.


A radical approach to child rearing
(1960), best-seller des années soixante, avait fait connaître Summerhill comme un haut lieu de la pédagogie libertaire la plus avancée et installé Neill au cœur d'un vif débat pédagogique. Dans le temps même où s'élevaient les protestations les plus indignées et les accusations de corruption d'enfants, élèves et visiteurs convergeaient en foule vers ce lieu sacré.

Cette ferveur trouble fit le succès, singulièrement, elle ne fit guère connaître Neill. On sait peu ce que fut le quotidien à l'école et que Summerhill est d'abord l'histoire d'un long rêve que fit un éducateur ; rêve tout de générosité, de fragilité, de naïveté ; rêve dans lequel chacun de ceux qui ont charge d'éduquer peut se retrouver.

Le pionnier des années 20

Découvert dans les années soixante, Neill fut très vite classé parmi les disciples de Reich. Certes, les deux hommes furent très proches, mais il convient de ne pas oublier que l'œuvre de Neill est d'abord à placer sous le signe d'une exceptionnelle longévité pédagogique : mort à quatre-vingt-dix ans, Neill aura passé la plus grande partie de sa vie dans les salles de classe, comme élève, élève-maître près de son père, instituteur, puis directeur d'école. C'est dire que, si des influences sont à chercher, elles s'ancrent bien plus avant dans le siècle. Neill ne fut guère reconnu pour ce qu'il était, c'est-à-dire avant tout le dernier survivant du mouvement d'Éducation nouvelle tel qu'il fleurit au début du siècle. Et, sur ces « années folles » de l'éducation, le temps avait déjà fait son œuvre, ne retenant que les grandes figures, oubliant ainsi ce que fut l'extraordinaire foisonnement de cette période nourrie de « découvertes de chercheurs, mais aussi de réclamations d'idéalistes » (Medici, 1962, p. 8). A cet égard, le rameau anglo-saxon sur lequel Neill trouva bonne et singulière place ne fut pas le moins buissonnant.

On sait peu qu'il dirigea en 1920, avec la théosophe Béatrice Ensor, la revue New-Era et qu'à ce titre il fut un observateur attentif de la multiplicité des expérimentations, des réalisations et un agent de diffusion des idées nouvelles, n'hésitant d'ailleurs pas à se faire lui- même un propagandiste ardent et plus que partiel. C'est qu'en ces années-là Neill passait déjà, selon le mot d'Adolphe Ferrière, pour « l'enfant terrible de la pédagogie extrémiste en Angleterre » (Ferrière, 1922, p. 384). Lecteur des ouvrages de Freud, habile à en utiliser les concepts pour railler ses collègues, adversaire farouche de Maria Montessori, déjà éminente théoricienne de l'éducation à qui il reprochait scientificité et moralisme, Neill sema la controverse et provoqua « beaucoup d'indignation » (Hemmings, 1981, p. 57) — jusqu'à son exclusion de la revue. On sait tout aussi peu qu'il participa au Congrès de Calais, croisant là Decroly, Ferrière et tous les grands pionniers, s'y faisant remarquer comme un auteur d'ouvrage de combat.

Son audience, après la première guerre mondiale, tenait pour une part au succès remporté par un premier ouvrage, A dominie's log (1915) ; mais il tenait surtout à son statut de fils spirituel d'Homer Lane, autre figure du mouvement anglais, fondateur du Little Commonwealth, établissement accueillant de jeunes délinquants et fonctionnant selon le principe du self-government. Homer Lane, Américain d'origine, avait appris son métier d'éducateur aux États-Unis, à la George Junior Republic. Attaqué sur ses pratiques et trop maladroit pour se défendre, Lane sera chassé d'Angleterre : Neill aura rencontré là son premier martyr. Reich devait être le second.

Summerhill

Neill ouvre sa première école en 1922, au cours d'un périple en Europe, mais c'est en 1924, qu'il fonde Summerhill, près de Leiston, en Angleterre. La petite école traversera les décennies sans changer. Au travers d'une vingtaine d'ouvrages et d'innombrables articles, il en a conté la vie quotidienne, ne manquant jamais l'occasion de susciter la polémique, brossant sans cesse le tableau d'un lieu où l'adulte n'a pas imposé sa loi, lieu fait pour le jeu et où règne le plus parfait désordre.
« L'école souffre beaucoup des destructions faites par les enfants [...], concède Neill [...] L'usure des objets [...] suit un processus naturel. [...] Si un garçon a besoin d'un morceau de métal, il prendra un de mes outils coûteux si l'un d'eux a la taille requise. » (1970, p. 34, 130*). Les journalistes baptisent Summerhill : l'école « à-la-faites-ce-qu'il-vous-plaira » (Hemmings, 1981, p. 210). Nombreux sont les visiteurs qui auront effectivement découvert là « un univers kafkaïen, avec des maisons lépreuses parfois vandalisées » (Vallotton, 1976, p. 9). Pourtant, l'école, avec ses bâtiments de bois, son grand parc et ses arbres, apparaît, surtout l'été, comme un lieu des plus agréables, véritable école à la campagne comme Ferrière pouvait en rêver au début du siècle.

Mais, dans cette école, les cours sont facultatifs, les enfants, s'ils le souhaitent, peuvent jouer toute la journée ou se livrer à des activités manuelles dans l'atelier. Les soirées sont réservées à la danse, au théâtre, aux fêtes. S'il ne craignait la fermeture de l'école par les autorités, Neill ne poserait aucun interdit pour la sexualité.

Le vendredi soir est réservé à l'assemblée générale. Durant cette réunion présidée par un élève élu, les enfants exposent leurs problèmes, en débattent, élaborent leurs lois — et, dans cette assemblée, la voix de Neill, ni celle des autres adultes, n'a pas plus de poids que celle d'un enfant. C'est, dit Neill, le secret de la réussite d'une technique pédagogique apprise au contact d'Homer Lane.

L'originalité, la provocation et le succès des ouvrages du fondateur n'auront pas toujours protégé l'école du risque de fermeture. Après la seconde guerre mondiale, le nombre des élèves aura diminué dangereusement et il aura fallu, pour sauver l'école, fonder la Summerhill Society. L'administration, quant à elle, n'aura jamais véritablement accepté l'institution. Lorsqu'elle reviendra sur sa décision de fermer l'école, certains, note Hemmings, n'auront pas manqué de voir là « moins le signe d'une reconnaissance que d'une attention portée à une relique » (Hemmings, 1981, p. 241). C'est pourtant cette même relique qui, quelques années plus tard, devait se révéler trop petite pour accueillir tous les élèves, tous les visiteurs.

La pulsion libertaire

Neill ne fut ni un scientifique ni un chercheur — peut-être un philosophe, mais surtout un rêveur et un idéaliste. Il ne fut pas l'homme d'une école pédagogique ou psychologique particulière, ne développa jamais une approche méthodique, réfléchie. Son œuvre n'est qu'une extension de sa personnalité. S'il a beaucoup écrit, ses textes ne furent souvent qu'élans généreux, affirmations véhémentes, anecdotes, réactions indignées, mais aussi, il faut bien le dire, argumentations simplistes. Il n'eut jamais aucun souci d'articuler entre elles ses idées ni de les mesurer à l'aune de la réalité. « Neill, note Bates-Ames, bâtit une théorie sur la façon dont l'enfant pense et sur les prétendus besoins de ce dernier, puis, lorsque sa théorie est réfutée par l'évidence, il continue à traiter les enfants comme s'ils étaient ce qu'il les a imaginés être. » (Bates-Ames, 1972, p. 62). A vrai dire, à l'inverse de ses contemporains, Neill ne pose jamais d'abord les problèmes de l'éducation en termes de besoins, mais en termes de droit. Même lorsqu'il emprunte à Reich le terme d'autorégulation, c'est pour dire qu'il signifie « le droit pour un bébé de vivre librement, sans contraintes extérieures, en ce qui concerne les activités psychiques et somatiques » (1953, p. 42). On s'explique ainsi que les théories côtoyées ont été le plus souvent déformées et n'ont jamais servi pour l'essentiel que d'habillage à ses propres idées ; on s'explique aussi que, tard dans sa vie, il s'étonnait encore d'avoir écrit pendant des années sans avoir pu clarifier ni ses croyances ni ses actions.

« Chacun est libre de faire ce qu'il veut aussi longtemps qu'il n'empiète pas sur la liberté des autres » : telle est la philosophie de la liberté qui prévaut à Summerhill. Sa transcription pédagogique est simple : « En matière de santé psychique, nous ne devons rien imposer et, en matière d'apprentissage, rien demander. » (1945, p. 103.) En fait, pour le projet pédagogique de Neill, tout était joué dès 1914, avant même qu'il ne lise une seule ligne d'un traité d'éducation : « Mes gosses, notait-il à cette époque, ont fait ce qui leur a plu et je ne doute pas qu'ils ont exprimé le meilleur d'eux-mêmes. » (1975, p. 152.) Tous ses ouvrages, tous ses articles n'ont été que des variations sur ce thème ; toutes ses rencontres, avant même que de l'enrichir, ont d'abord servi à le reformuler. Et ce principe est l'expression d'une véritable pulsion libertaire tout droit venue de l'enfance.

L'individualiste farouche

De son enfance, Neill ne sort pas sans difficulté ; une enfance passée « à l'ombre de Calvin ». Neill se souviendra longtemps de ses joies contrariées par la menace sans cesse brandie du courroux divin, la peur de pécher, la peur de mourir sans avoir pu sauver son âme. Cette crainte provenait d'ailleurs moins de l'office que de la vie de famille : « La religion ne s'enseignait pas, elle se respirait dans l'air, [...] c'était une atmosphère de négation de la vie. » (1980, p. 64.) Et, dans cette famille nombreuse, entre un père qui ne l'estimait guère et une mère distante, le jeune Alexander ne semble pas avoir reçu l'amour qu'il réclamait — cet amour qu'il a su si bien donner à ses élèves.

Une telle enfance forge un individualiste farouche, « le genre de gars à peindre son vélo en bleu quand tous les autres les avaient noirs » (Hemmings, 1981, p. 12.) Il aura été dans son école, effectivement, un solitaire, un marginal, trouvant là sa permanence, sa force et sa fragilité. Il aura voulu faire de ses élèves non pas des êtres mus par l'esprit de troupeau, mais autonomes, capables de se faire leur propre opinion, capables de s'affirmer. Son besoin d'indépendance n'aura pas été sans un goût certain pour l'excès et la provocation ; il n'aura pas été sans un pari sur l'homme : « L'individualisme sauvera le monde, [...] ton pays a besoin de toi », dit-il à chacun de ses élèves dès 1915 (1915, p. 72, 120). Car la liberté proposée aux élèves ne vise rien de moins qu'à en faire des hommes au services des autres : « Nous voulons former des hommes et des femmes qui rejoindront la foule habituelle et l'aideront à atteindre de meilleurs idéaux. » (1920, p. 70.) C'est ici que l'éducation trouve son rôle : « Elle doit aider l'enfant à vivre sa vie cosmique, à vivre pour les autres, car tous les hommes sont égocentriques, égoïstes. » (1920, p. 128.)

Neill émerge de cette enfance en vouant une haine farouche à tout enseignement religieux et à toute imposition de valeurs quelles qu'en soient les formes. Sa vision de l'école traditionnelle avec les châtiments corporels ou de l'école nouvelle avec la méthode Coué, par exemple, exacerbe ses réactions, et si la psychanalyse lui fut jamais utile, ce fut bien en lui fournissant les outils pour en démonter les mécanismes. Neill voudra pour sa part n'en appeler jamais qu'à l'intelligence de l'enfant et à sa libre décision. Et parce qu'il n'est pas l'homme des nuances, ce qu'il observe de la réalité sociale le confirme dans son idée que tout moralisme n'a pour objet que d'asservir. De là naîtra son intérêt pour les analyses de Reich sur la structure psychique des masses façonnée par la répression sexuelle. De là viendra son refus de jamais transmettre quelque valeur que ce soit : « Je n'essaye jamais de faire partager mes croyances ou mes préjugés aux enfants. » (1970, p. 126.) « Je ne vois pas de quel droit les éducateurs forcent les enfants à adopter ce qu'ils considèrent comme le bon goût », répétera-t-il souvent. Étrange démarche que celle de Neill, qui glorifie l'éducation et en montre l'impossibilité.

Pour Neill, le monde est noir, et cette noirceur révèle en creux la bonté de l'homme : « L'idée générale est que l'homme est un pêcheur en naissant et qu'il doit être formé pour être bon. » (1926, p. 13.) A l'inverse, pour lui, « il n'y a pas, il n'y a jamais eu de péché originel » (1953, p. 41). Malgré quelques doutes cruels, cette foi en l'homme ne le quittera jamais ; sur elle viendra buter sa tentative de reprendre les idées freudiennes. Cette foi le rapprochera de Reich, pour qui l'homme était par nature honnête, travailleur, coopératif, aimant...

La sensibilité chrétienne

« Je suis une personne très religieuse ; quel homme de l'Écosse calviniste ne le serait pas ? », redira souvent Neill. C'est qu'en effet son éducation formera en lui une sensibilité chrétienne d'une force exceptionnelle ; par deux fois, Neill souhaitera devenir pasteur. Cette sensibilité imprégnera sa vision du monde et son projet pédagogique ; une sensibilité présente dès le premier ouvrage lorsque, commentant les idées de Nietzsche, il note : « Si la pitié et la charité sont erronées, tout ce qui est juste est erroné. » (1975, p. 73.) Neill rêve d'un monde gouverné par l'amour, un amour qui installe partout l'harmonie, un monde selon le message du Christ, le message « originel », celui qui fut « perverti par les évangélistes » (1916, p. 75). Et ce monde adviendra lorsque l'homme prendra le temps de réfléchir à ses actes : « Je pense que le fondement de la véritable justice, c'est l'analyse de soi ; [...] dans mon utopie, l'examen de conscience sera le seul qui comptera. » (1975, p. 101.) C'est ce message que Neill retrouve auprès d'Homer Lane, pour qui l'homme est l'amant de toue l'humanité, de l'univers entier et qui, s'il hait, ne fait qu'exprimer l'amour sur un mode négatif. Neill trouve là « l'évangile qu'il avait cherché » (1980, p. 44), et l'expérience du Little Commonwealth est « une expérience chrétienne qui l'encourage » (1916, p. 53). C'est ce même évangile que voulait transmettre Reich, dont on sait à quel point il s'est identifié au Christ.

Neill, sa vie durant, pour reprendre les termes d'Hameline, « loin d'être un immoraliste, aura mené une entreprise constamment pastorale » (Hameline, 1985, p. 72). Au- delà de son désordre, Summerhill aura été un lieu éminemment moral. Neill avait quelques raisons d'écrire que ses élèves « vivaient aussi honnêtement et aussi humainement que tout chrétien qui suit l'Évangile » (1939, p. 73).

On mesure alors combien fut incompris celui qu'on accusa de corruption d'enfants. Mais c'est peut-être ici que s'explique sa difficulté à clarifier ses pensées et ses actes, porteur qu'il était d'un message que son siècle ne semblait guère prêt à entendre ; obligé d'en chercher les voies de réalisation hors des moralismes ; tenté, pour le formuler, d'utiliser des concepts qui, sortis de leur contexte, ne servaient qu'à lui donner l'illusion de la scientificité. Pourtant, parmi les Montessori, les Ferrière, les Claparède, Neill avait bien sa place : tous mettaient leurs espoirs en l'homme et en l'éducation, tous étaient à leur façon des libertaires. Tous enfin, selon les termes d'Avanzini, « nourrissaient la même espérance [...] pour un monde juste et généreux » (Avanzani, 1975, p. 131-132).

Les séductions de la psychanalyse

Neill a tenté tout d'abord de fonder sa pédagogie libertaire à partir de la psychanalyse, au moment où les idées de Freud commençaient à pénétrer le monde de l'éducation. « Psychanalyste fervent » (Ferrière, 1922, p. 384), il n'hésite pas, dès 1920, à donner sur cette théorie des conférences et, deux années plus tard, entreprend même l'analyse de certains de ses élèves — fort de la seule lecture de quelques ouvrages et d'entretiens psychologiques plus que singuliers avec Homer Lane. La psychanalyse naissante autorisait bien des vagabondages. En fait, en la matière, Neill agira toujours en dilettante.

Deux ouvrages de Freud, L'Interprétation des rêves et Psychopathologie de la vie quotidienne, lui fournissent des outils pour comprendre les comportements, les siens et ceux des autres ; il s'en amuse, mais y trouve surtout une justification pour sa proposition : « L'enseignant, le prêtre ... se haïssent tant qu'ils doivent toujours être en train de prêcher. A travers le mécanisme de la projection, ils voient leurs fautes chez l'autre et se mettent à le conduire vers le salut. » Il peut alors conclure, puisqu'il est en analyse : « Je ne peux plus projeter mes fautes sur une classe et je suis incapable d'enseigner. » (1926, p. 24, 92.)

Mais Neill retient surtout les notions de traumatisme et de refoulement, termes qui, accolés à celui d'enfance, ne pouvaient qu'acquérir une redoutable puissance d'explication universelle. Comme beaucoup de ses collègues, Neill n'y échappe pas : « Le névrosé est une personne dont la libido ou force vitale est étouffée, [...] le garçon qui déteste l'algèbre et doit faire des exercices n'a aucune possibilité d'expression. » (1920, p. 115.) Cette analyse le confirme dans son idée que la nature est bonne ; seule l'éducation la pervertit — cette éducation que Freud venait de placer devant sa contradiction.

Cette vraie nature en chacun, la psychanalyse permet justement de la retrouver en reculant les limites de l'introspection ; ce qui fait dire à Niell : « Je crois fermement que la découverte de Freud aura plus d'influence sur l'évolution de l'humanité que n'importe quelle découverte des dix derniers siècles. » (1920, p. 41.) Désormais, le monde gouverné par l'amour est possible ; le Christ n'était-il pas l'homme de l'amour, de la charité, de la justice parce qu'il « connaissait sa propre faiblesse » (1926, p. 171) ? Neill, tout au long de sa vie, répétera qu'« on peut trouver toutes les futilités, toutes les stupidités de l'humanité, tous les crimes, toutes les guerres, toutes les injustices dans l'ignorance qu'a l'homme de lui-même ». Se connaissant, l'homme retrouve la paix intérieure annonciatrice de l'harmonie universelle : « Jamais un homme heureux n'a troublé la paix d'une réunion, prêché une guerre ou lynché un Noir. » (1970, p. 18.)

Neill cessera très vite de lire Freud. En fait, il trébuche bel et bien sur la conception de l'homme véhiculée par la psychanalyse. Il n'a jamais refusé de parler de libido, mais cette libido était bien trop menacée de ce que Ferrière avait appelé la « caverne obscure » (Ferrière, 1922, p. 220) pour qu'il ne cède pas, comme tant d'autres, aux accents charmeurs de l'« élan vital » jungien, par quoi la bonne nature pouvait se déployer dans sa promesse. « Freud croit au péché originel. » (1920, p. 24). L'élan vital prend bien vite chez Neill l'innocence d'une « libido désexualisée » (Bigeault, 1978, p. 53), et « sa théorie de la sexualité [...], si elle est débridée, n'a rien d'érotique, rien de fripon [...], elle a la clarté de roche du plaisir pur » (Mazure, 1980, p. 53). Dans le même mouvement, Neill rejette toute la théorie freudienne sur la structuration de la personnalité et ne reconnaîtra jamais l'existence du complexe d'Œdipe; Reich ne le contredira pas.

L'intérêt

Pour argumenter, Neill prend également appui sur la notion d'intérêt, notion clé du discours pédagogique de l'époque. L'intérêt est le fondement de l'Éducation nouvelle ; selon Ferrière, « le levier qui soulève les montagnes, [...] la pierre d'angle de l'École active » (Ferrière, 1922, p. 220). Neill en célèbre les vertus : « L'intérêt est le seul critère. » (1920, p. 13.) Ici s'arrête le rapprochement car, si, pour Ferrière, « seul l'intérêt capable de provoquer et de soutenir l'effort est digne du nom d'intérêt » (Ferrière, 1920, p. 230), pour Neill, la notion est simple et dépourvue d'ambiguïté : « Lorsqu'un enfant fait une boule de neige, il est intéressé : je ne fais pas attention à ce que fait un enfant lorsqu'il crée, s'il fait des tables, du porridge ou des sketches [...] ou des boules de neige. Il y a plus d'éducation dans la fabrication d'une boule de neige qu'en écoutant de la grammaire pendant une heure. » (1920, p. 13).

Qu'on n'en doute pas : c'est son errance dans les idées freudiennes qui le rend si sûr de lui. On sait que Claparède avait proposé de fondre en un même concept intérêt et libido. Neill, pour sa part, opère avec la plus parfaite aisance la synthèse des deux approches : celle du psychanalyste d'une part, celle du pédagogue d'autre part. « L'intérêt de l'enfant, [...] c'est tout simplement ce qu'il peut faire avec sa quantité infinie d'énergie vitale. » (1920, p. 230.) « L'intérêt est la force vitale de la personnalité. » (1926, p. 152.)

L'épuisement de l'intérêt

De l'éducatif au psychologique, la boucle peu à peu se referme : « C'est à travers l'intérêt que doit se faire la décharge émotionnelle, [...] but de l'éducation, [...] de telle sorte qu'il n'y ait pas d'étouffement, et donc pas de future névrose. » (1920, p. 115). Désormais, le travail de l'enseignant est simple : découvrir où réside l'intérêt et l'aider à s'épuiser : « Les petits ne vont plus à aucune leçon [...] cela demande beaucoup de confiance et de patience pour réaliser qu'ils font de bonnes choses. » (1945, p. 145.)

Rien d'étonnant dans cette perspective à ce que Neill demande le retrait de l'éducateur, celui par qui le traumatisme peut arriver. Il reprend d'ailleurs là un thème de l'époque, celui du maître-camarade. Ferrière lui-même n'a pas manqué de louer « la faculté des organismes sociaux spontanément formés [...] à conduire les enfants, après une période d'anarchie [...] à instaurer un ordre et une discipline [...] Ce que l'esprit de la ruche fait là spontanément, disait- il, jamais aucun adulte qui voudrait imposer son autorité ne pourrait l'obtenir » (Ferrière, 1950, p. 32). Ce qui, chez Ferrière, était d'abord un appel à une présence silencieuse a pris très vite, chez Neill, des accents d'appel à la régression. Il lui fallait, comme d'ailleurs Lane le lui avait appris, faire partie de la bande : il faut savoir que Lane n'hésita pas, au moins une fois, à s'associer aux destructions faites par les enfants dans sa propre école.

Ainsi s'achève cet étonnant numéro d'équilibre entre deux théories grâce à quoi la nature, une fois de plus depuis Rousseau, est la meilleure éducatrice, et l'éducateur réduit au rôle d'en préserver le lent mais sûr travail. Car Neill ne doute pas que, par intérêts successifs, l'enfant s'achemine vers le bien. Sans y être invité, il apprendra puisque sa nature le pousse à cela : ce sera le principe de l'étude libre. Cette évolution naturelle harmonieuse concerne tous les aspects de la personnalité de l'enfant.

Une réalité différente

Étrange faculté que celle de l'éducation de pouvoir susciter et laisser se développer un tel discours, chargé de tant de nostalgies, de projets réparateurs. On mesure ici ce que furent la passion, l'obstination de Neill. On mesure surtout ce que fut sa solitude, alors même qu'il était si ancré dans son temps pédagogique — qu'il caricature. C'est un discours que la réalité concrète et quotidienne à Summerhill n'aura jamais réussi à invalider : le projet était conçu pour des enfants libres, autorégulés ; mais l'école n'eut jamais l'occasion d'en accueillir. A Summerhill, en effet, la vie ne fut pas, tant s'en faut, à l'image de ce qu'en conta son directeur.

Le projet de Neill, dans sa simplicité, nécessite d'abord quelques rappels élémentaires. On sait — et Freud l'a redit — que l'enfant doit apprendre à dominer ses instincts, à s'adapter au milieu social et que l'éducation, pour une grande part, doit l'y contraindre. L'expérience humaine fondamentale est bel et bien l'expérience de la frustration. On sait aussi que, pour que l'enfant développe un moi fort (ce que voulait Neill), il a besoin de rencontrer des personnalités capables à la fois de fermeté et d'amour, qui permettent ce jeu subtil de l'amour et de l'agressivité par quoi se construit le moi.

Singulièrement, en ce lieu qui entend le chasser — l'école —, l'adulte est bien présent ; en particulier, Neill, dont chaque élève sait la disponibilité, la chaleur humaine, la joie de vivre, l'optimisme, l'humour. La très grande liberté qu'il leur accorde, la confiance qu'il place en eux le grandissent encore aux yeux des enfants. Chacun sait aussi que, lorsqu'il le faut, Neill n'hésite pas à intervenir fermement, à interdire pour protéger l'enfant et le groupe. Chaque élève sait enfin qu'il est le directeur et qu'il peut renvoyer.

Bruno Bettelheim a raison de dire que « Neill reste ignorant des raisons qui font son succès [...] ; il ne réalise pas que tout est dû à la façon dont [les élèves] s'identifient à lui. Il ne comprend pas que Summerhill est un succès non pas parce que l'école est un lieu idéal pour éduquer des enfants, mais parce qu'elle est une extension de sa personnalité à lui. Tout à Summerhill est une expression de Neill [...] Les enfants sont enveloppés par Neill, par ses convictions et ses principes. Partout ils sentent l'impact puissant de la personne [...] et, tôt ou tard, la plupart finissent par s'identifier à lui-même lorsqu'ils semblent lui résister [...] Il est l'homme le plus extraordinaire qu'ils connaissent. » (Bettelheim, 1972; p. 91.) On ajoutera avec Mauco que, grâce au grand nombre d'enfants, un « idéal de groupe peut s'imposer et mobiliser les tendances à l'identification » (Mauco, 1971, p. 154).

C'est à coup sûr par cet art d'être présent que s'explique le génie pédagogique de Neill, et en cela son expérience est à méditer, même si les outils pour l'analyser manquent singulièrement. Sans réserve, Neill aura aimé ses élèves, aura été à leurs côtés. Entreprise hasardeuse qui transforma souvent des apprentis-éducateurs en proie facile pour groupes d'enfants. Sur ce point, Neill aura tiré les leçons de l'expérience. Aux plus beaux jours de la théorie de l'épuisement et de l'appel à la régression, il aura affronté l'agressivité et appris à entendre la demande de l'enfant dans toute son ambiguïté ; il aura appris à répondre : à Summerhill, la relation glisse rapidement vers le thérapeutique, et les enfants, s'ils le souhaitent, peuvent avoir des entretiens psychologiques. Disponible, observateur, intuitif, jouant sur l'humour, sur l'effet de surprise, Neill « amène le sujet à émerger d'un mensonge dans lequel il s'était perdu » (Mannoni, 1970, préface, p. 11, 12). Mieux encore, c'est dans le quotidien, au hasard d'une rencontre, qu'un mot, une phrase peuvent aider l'enfant.

Parce qu'il a cet art d'être présent, Neill peut faire sa proposition d'un cadre minimum. Bien sûr, des interdits sont posés, et l'enfant est bel et bien confronté à un ensemble de règles, dont beaucoup relèvent d'ailleurs de la décision du groupe. Leur existence n'aura pas manqué de frapper les visiteurs, mais Neill sur ce plan aura reculé les limites à l'extrême. Cela ne signifie d'ailleurs pas que Summerhill soit un lieu de vie des plus faciles — Bettelheim l'a bien vu : « Quoiqu'un tel cadre éducatif impose peu d'exigences spécifiques, et celles-ci ne sont jamais banales, ce genre d'institution est des plus exigeantes. Et cela parce qu'un tel cadre demande de l'enfant qu'il développe un degré très élevé de respect de lui-même et de véritable respect des autres. C'est beaucoup plus difficile que d'apprendre à entrer en classe automatiquement à neuf heures du matin. » (Bettelheim, 1972, p. 95.) A cet égard, le self- government qui imprègne toute la vie collective se révèle un outil de développement personnel et de socialisation puissant. C'est d'ailleurs là un apport des plus précieux, mais des plus négligés, du mouvement Éducation nouvelle que Summerhill nous transmet.

Neill n'a jamais cessé de s'en émerveiller. Sa vie durant, il a vu ses élèves oser prendre la parole, émettre des opinions, défendre un projet, passer peu à peu de l'égocentrisme à la coopération, faire preuve de loyauté envers le groupe, développer un sens aigu de la justice. Quant au rôle des aînés et de Neill lui-même, personne n'en a jamais été dupe. Quelques remarques malicieuses, quelques traits d'humour auront souvent suffi à orienter le débat, et Neill ne s'est jamais privé d'intervenir plus fermement pour protéger le groupe de la régression. Car un groupe, avant d'être un lieu d'harmonie, est surtout traversé de phénomènes dont il serait vain d'attendre qu'ils puissent être maîtrisés par des enfants ou des adolescents. Nul doute que, grâce à Neill, cette vie de groupe fut l'occasion d'analyses où chacun pouvait acquérir une connaissance de soi et des autres.

Peut-être Neill réussit-il ainsi à faire surgir la paix intérieure : Mlle Vallotton ne fut-elle pas « éblouie par la vérité, la limpidité des regards et des échanges » (Vallotton, 1976, p. 11) ?

Ce fut sa réussite ; l'étude libre fut son échec. En fait, il ne s'est jamais intéressé à la didactique ; les méthodes, laissées à l'initiative des professeurs, furent des plus traditionnelles.

Entre rêve et réalité

Voilà donc Summerhill rendu à sa dimension humaine, à sa richesse comme à sa fragilité et à ses manques. Car les réserves ne manquèrent pas : elles se firent dans les années soixante, interrogeant la cohérence de la pensée, mais aussi et surtout la portée révolutionnaire du projet. Sur ce dernier point, Snyders, par exemple, ne douta jamais qu'une approche purement psychologique des problèmes sociaux, un tel silence de l'enseignant, une telle coupure au conservatisme le plus étroit (Snyders, 1973). Ces réserves devinrent rejet lorsqu'il apparut que l'école vivait d'abord grâce au recrutement d'enfants que leur origine sociale délivrait de tout souci de scolarité et surtout grâce au charisme de son fondateur ; une réalité que Neill, trop engagé dans sa relation pédagogique, tentant de concilier ses croyances et ses actions, n'aura pas voulu voir, laissant les critiques balayer tout ce que l'entreprise pouvait comporter de richesse.

Et celle-ci fut celle d'un lieu où l'enfant s'est senti aimé, respecté, compris. A sa façon, et en quelque sorte malgré lui, Neill a réhabilité l'éducateur, cet acteur controversé de la scène scolaire et que nos temps d'individualisme farouche ont rayé des traités d'éducation ; comme s'il était encore nécessaire de prouver que la réussite pédagogique passe d'abord par le rayonnement personnel du maître, sa passion, son engagement. Là encore, Neill nous transmet un peu de ces années 20, un peu de leur « folie tonifiante ».

Étrangement, c'est en persistant dans son aveuglement que Neill a entretenu la ferveur. La sienne d'abord : sa vie durant, vouant comme Lane et Reich une admiration immense au Christ, il se sera senti investi d'une mission. Après la seconde guerre mondiale, il aura même cru voir poindre à Summerhill une nouvelle civilisation. Il a nourri aussi la ferveur des autres : nombreux en effet furent ceux qui, au moment où toutes les valeurs se trouvaient remises en question, aveugles à la réalité de l'école, virent en Summerhill l'alternative selon leurs vœux. Summerhill fut et restera longtemps ce lieu mythique où advint un jour un monde d'amour et d'harmonie.

 

* Les références aux écrits de Neill sont indiquées par les seules mentions de date de parution et de page renvoyant le lecteur à la bibliographie des ouvrages de Neill placée en fin d'article. 

Note
1. Docteur es-sciences de l'éducation. Professeur/chargé de cours complémentaires à l'Université Lyon 2, Département des sciences de l'éducation. Auteur de Libres regards sur Summerhill : l'œuvre pédagogique de A.S. Neill (1985, préface de Daniel Hameline).

Ouvrages d'Alexandre Sutherland Neill

OUVRAGES PEDAGOGIQUES

1915 A Dominie's Log. Londres, Jenkins. 220 p. Trad. française : Journal d'un institeur de campagne, Paris, Payot, 1975.
1916 A Dominie Dismissed. Londres, Jenkins. 233 p. 1920 A Dominie in Doubt. Londres, Jenkins. 256 p. 1922 A Dominie Abroad. Londres, Jenkins. 256 p. 1926 The Problem Child. Londres, Jenkins. 255 p. 1932 The Problem Parent. Londres, Jenkins. 256 p.
1936 Is Scotland Educated? Londres, Routledge. 192 p.
1937 That Dreadful School. Londres, Jenkins. 156 p. 1939 The Problem Teacher. Londres, Jenkins. 192 p.
1945 Hearts Not Heads in the School. Londres, Jenkins. 164 p. 1949 The Problem Family. Londres, Jenkins. 158 p. 1953 The Free Child. Londres, Jenkins. 178 p.
1958 Wilhelm Reich (en collaboration avec P. Ritter). New York, Ritter Press.
1960 A Radical Approach to Child Rearing. (Preface by E. Fromm.) New York, Hart Publishing Co. Édité en Angleterre sous le titre : Summerhill: A Radical Approach to Education. Londres, Gollancz, 1962. Trad. française : Libres enfants de Summerhill, Paris, Maspero, 1970, 328 p. 1966 Freedom, Not Licence! New York, Hart Publishing Co. Trad. française : La liberté, pas l'anarchie : réflexions sur l'éducation et l'expérience de Summerhill, Paris, Payot, 1970.
1971 Children Rights. (en collaboration avec L. Berg, P. Adams et M. Duane, etc.) Londres, Elek Books. 248 p.
1972 Neill, Neill, Orange Peel. New York, Hart Publishing Co. Trad. française : Neill, Neill, peau de mandarine, Paris, Hachette, 1980, 380 p.
1972 Preface in H. Snitzer: Today is for Children, Numbers Can Wait. New York, Macmillan.

ROMANS ET CONTES POUR ENFANTS

1919 The booming of Bunkie. Londres, Jenkins. 247 p.
1920 Carroty Broon. Londres, Jenkins. 318 p. 1924 A Dominie's Five. Londres, Jenkins. 256 p.
1939 Last Man Alive. Londres, Jenkins. 255 p. Trad. française : Le nuage vert, Paris, OCDL, 1974, 208 p.

 

Références

Avanzini, G. 1975. Immobilisme et novation dans l'éducation. Toulouse, Privat. 318 p. Bates-Ames, L. 1972. Dans: Pour ou contre Summerhill (ouvrage collectif). Paris, Payot. 256 p. Bettelheim, B. 1972. In: Pour ou contre Summerhill, op. cit.
Bigeault, J.P. 1978. (en collaboration avec G. Terrier.) L'illusion psychanalytique en éducation. Paris, Presses
Universitaires de France. 268 p. Ferrière, A. 1922. L'école active. Neuchâtel/Genève, Delachaux & Niestlé
. 1950. L'autonomie des écoliers dans les communautés d'enfants. Neuchâtel/Paris, Delachaux & Niestlé. 152 p.
Hameline, D. 1985. Preface. Libres regards sur Summerhill. L'œuvre pédagogique de A.S. Neill.
Berne/Frankfurt/New York, Peter Lang. Hemmings, R. 1972. Fifty Years of Freedom. Londres, George Allen & Unwin. 218 p. Trad. française :
Cinquante ans de liberté avec Neill, Paris, Hachette, 1981, 278 p. Mannoni, M. 1970. Préface de Libres enfants de Summerhill. Paris, Maspero. 326 p. Mauco, G. 1971. La paternité. Paris, Éditions Universitaires. 184 p. Mazure, J. 1980. Enfant à l'école, école(s) pour (l')enfant(s). Tournai, Castermann. 220 p. Medici, A. 1962. L'éducation nouvelle. Paris, Presses Universitaires de France. 125 p. Saffange, J.-F. 1976. Neill et Lane. Bulletin Binet et Simon, No. 553. . 1980. Neill, Neill, peau de mandarine. Bulletin Binet et Simon, No. 575.
. 1985. In: Daniel Hameline (ed.). Libres regards sur Summerhill. L'œuvre pédagogique de A.S. Neill.
Berne/Frankfurt/New York, Peter Lang. 216 p. Snyders, G. 1973. Où vont les pédagogies non-directives? Paris, Presses Universitaires de France. 317 p. Valloton, M. 1976. Visites à Summerhill. Défense de la jeunesse scolaire. Paris. (Lettre d'information, no 48).