La jeunesse de Galilée
Galileo Galilei, dit Galilée, est né à Pise, le 15 février 1564, la même année que Shakespeare. Il aura deux frères et quatre sœurs. Son père, un marchand qui descend d'une noblesse ruinée de Florence, est un théoricien de la musique.
Recevant auprès de son père une excellente éducation, le jeune Galilée montre du goût pour la musique, le dessin et aussi une remarquable habileté manuelle dans la construction d'instruments.
C'est au monastère de Santa Maria de Vallombrosa qu'il fait ses classes entre dix et quinze ans.
Déjà, il entreprend seul des études sur le centre de gravité de certains solides, sur le déplacement d'un point d'une roue, ce qui le conduira à la découverte de la cycloïde1 dont il se servira plus tard pour dessiner les arches des ponts.
1- une cycloïde : schéma du mouvement de la valve d’une roue de bicyclette.
En 1581, son père l'inscrit à l'université de Pise pour y apprendre la médecine. Peu satisfait de l'enseignement livresque qui y est donné, il se retrouve plus souvent sur les bancs des cours de mathématiques.
Finalement, il quitte l'université de Pise quatre ans plus tard, sans diplôme de médecine, et revient à Florence. Il y est déjà très connu par ses études mathématiques, par ses conférences littéraires très appréciées et aussi comme musicien. Il aime se promener dans Florence au milieu des chantiers, des ateliers de sculpteurs, de peintres. Il aime aussi participer aux longues discussions des amis de son père sur la musique, la littérature, plus spécialement encore sur les mathématiques, les sciences physiques et l'astronomie pour lesquelles il se passionne. Il établit des théorèmes sur le centre de gravité des solides et correspond à ce sujet avec deux des plus grands mathématiciens du siècle, Guidobaldo del Monte et le révérend Père Clavius, directeur du Collège romain.
Mais, obligé de gagner sa vie, Galilée recherche un poste de professeur de mathématiques. Les recommandations des mathématiciens qui avaient pu admirer son génie lui valent un poste à l'université de Pise en 1589.
L'Italie de Galilée.
A cette époque, l'Italie n'a pas encore son unité actuelle. Elle est alors divisée en plusieurs pays, parfois rivaux, qui possèdent leur gouvernement propre : la république de Venise, le grand-duché de Toscane, le royaume de Naples, les états de l'Eglise, etc
Galilée, professeur d'Université
A Pise (1589 – 1591)
A l'université, outre les mathématiques proprement dites, Galilée enseigne la mécanique2 et l'astronomie.
Pour vérifier ce qu'il enseigne dans ses cours de mécanique, il mène des expériences qu'il perfectionne peu à peu, en particulier sur la chute des corps. En 1590, il écrit un ouvrage en latin sur le mouvement (De Motu) qui se ressent encore de théories anciennes mais qui annonce, en partie, des conceptions nouvelles.
En astronomie, il s'intéresse à la théorie de Copernic et préférerait de beaucoup l'enseigner à ses étudiants au lieu de la théorie «officielle» de Ptolémée.
Jeune et enthousiaste, excellent orateur, mais remettant sans cesse en cause ce que l'on enseigne à l'université, il s'attire de nombreux ennemis parmi ses collègues.
Après la mort de son père en 1591, il doit subvenir aux besoins de sa famille et son traitement n'y suffit pas. Aussi accepte-t-il avec joie la chaire de mathématiques que lui offre l'université de Padoue l'année suivante, grâce à l'appui des ses protecteurs.
2- La mécanique est l'étude des forces et des mouvements.
A Padoue et Venise (1592 - 1610)
C'est là que Galilée donne à sa pensée une orientation définitive. Au cours de ces dix huit années, qui passent pour avoir été les plus belles de sa vie, ainsi qu'il l'a dit lui-même, il établit solidement les principes et les lois de la mécanique et affirme ses capacités techniques. Essayons d'imaginer la vie de Galilée à Padoue et à Venise, villes très proches :
- A l'université de Padoue, il donne des cours où l'on s'entasse de plus en plus. Il imagine des expériences, des instruments nouveaux, écrit des livres aussi divers que des traités de mécanique, de fortifications, de cosmographie3, se rend souvent à l'arsenal de Venise pour discuter avec des ouvriers, au port où les bateaux apportent des matériaux variés et des nouvelles d'autres pays.
Ses revenus étant toujours insuffisants, il consacre aussi une partie de son temps à des leçons particulières. Il loge même dans sa maison de Padoue quelques-uns de ses élèves venus de différents pays. A cette époque, les étudiants (fils des familles nobles ou riches de l'Europe) se déplacent facilement pour leurs études. Ils ont un langage commun car c'est en latin que se font les cours.
En août 1609, Galilée fait la démonstration spectaculaire aux notables de Venise d'une lunette qui grossit trente fois La première lunette astronomique est née. Dès lors, il va de découverte en découverte dans le ciel. Son enthousiasme est tel qu'il écrit rapidement un petit livre, Sidereus Nuncius (Le Messager céleste), d'un style alerte souvent ironique. L'ouvrage paraît le 12 mars 1610.
Cosme II de Médicis, Grand-Duc de Toscane, qui avait été élève de Galilée, lui propose de devenir son protecteur5. Il l'invite à revenir à Florence, le nomme premier mathématicien de cette ville et lui accorde le traitement à vie de mille écus florentins par an. C'est en son honneur que Galilée appellera “étoiles (ou astres) médicéennes” les satellites de Jupiter qu'il vient de découvrir.
Le Sidereus nuncius (Le Messager céleste), paru en latin en 1610, eut un succès prodigieux. L'Europe entière ne parlait que de Galilée, de la lunette, des montagnes de la Lune et des quatre satellites de Jupiter que Galilée venait de découvrir.
3- Cosmographie : astronomie descriptive, spécialement du système solaire
4- Kepler : astronome allemand (1571-1630). Il étudia, en relation avec Galilée les comètes de 1618. Partisan du système de Copernic et utilisant les observations de l’astronome danois Tycho Brahé, il démontra que les trajectoires suivies par les planètes autour du Soleil étaient des ellipses. Il découvrit aussi les trois lois qui régissent le système solaire.
5- Chaque prince protégeait les arts et les sciences.
Galilée et l'Inquisition 6
Rappelons le contexte religieux de l'époque :
Vers le milieu du 16ème siècle, l'Église catholique romaine se décide à entreprendre une contre-réforme, face aux remises en cause de certains points du dogme par ceux que l'on appelait depuis 1530 les protestants.
L'espagnol Ignace de Loyola crée la Compagnie de Jésus, sorte d'armée de la foi au service du pape. Le Concile de Trente (1545-1563) réaffirme les points fondamentaux de la doctrine catholique et condamne sans appel le protestantisme.
Des procès en hérésie sont faits à ceux qui osent soutenir que la Terre n'est pas le centre du monde. En 1611, la fin tragique de Giordano Bruno est encore dans tous les esprits des contemporains.
6- Inquisition : Tribunal ecclésiastique d'exception instituée par la papauté pour lutter contre l'hérésie. Elle fut principalement active du 13ème au 16ème siècle.
7- Démocrite (460-370 av. J-C.): on lui attribue l'idée que les corps sont formés d'atomes.
8- Insécable : qui ne peut être partagé.
9- Aristote distingue, dans la matière, quatre "éléments" qui sont le feu, la terre, l'air et l’eau. Ces éléments n'offrent qu'un rapport très lointain avec les nôtres. Ce seraient plutôt des propriétés générales de la matière qui serviraient de support aux qualités fondamentales de chaud, de froid, de sec et d'humideIl soutient également qu'il faut distinguer dans toute chose matérielle la "substance" et les "accidents" (la forme, le goût, la couleur, l'odeur, c'est à dire les qualités sensibles). S'appuyant sur la théorie d'Aristote, l'Eglise affirmait que dans une hostie consacrée, s'il n'y a pas de changement d'"accident", il y a changement de la "substance" du pain en "substance" du corps de Jésus-Christ. C'est la transsubstantiation, incompatible, pour les Jésuites de l'époque, avec l'atomisme de Galilée.
Le premier “avertissement” (1616)
Le 3 mars 1616, le Saint-Office10 condamne le système de Copernic et met ses livres à l'Index11. Galilée n'est pas condamné mais il lui est interdit d’enseigner la théorie de Copernic. Il déclare se soumettre. Il revient donc vers l'enseignement et la recherche en mathématiques et en physique.
En 1618, le passage dans le ciel de trois belles comètes le ramène à ses études astronomiques.
En 1623, il publie Il Saggiatore (L'Essayeur). Dans cet ouvrage, consacré aux mathématiques et à la physique, Galilée compare l'univers à un livre gigantesque continuellement ouvert à nos yeux :
Galilée prend position dans L'Essayeur pour une conception de la matière différente de celle d'Aristote.
En 1632, il publie le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde.
Le Dialogue est découpé en quatre journées :
Galilée y présente l'état de ses connaissances en astronomie sous la forme d'un dialogue entre trois personnages : deux coperniciens (Salviati, porte-parole de l'auteur, Sagredo, un "honnête homme" curieux et ouvert et un défenseur du système de Ptolémée, Simplicio.
Il utilise pour ses deux premiers interlocuteurs les noms de personnes ayant réellement existé à son époque : Salviati était un noble florentin (1583-1614), Sagredo un noble vénitien (1571-1620). Simplicio est un personnage imaginaire dont le nom rappelle un commentateur célèbre d'Aristote qui vécut au 6ème siècle mais, pour Galilée qui aime bien les plaisanteries, il s'agit aussi d'un jeu de mots, c'est le “simplet”.
Bien que la langue scientifique soit encore le latin, L’Essayeur et le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde sont écrits en italien pour être plus accessibles aux “honnêtes gens”. Le style est alerte, souvent ironique et mordant.
Dans le Dialogue, Galilée laisse entendre ses convictions en faveur du système de Copernic. Des dignitaires ecclésiastiques qui s'intéressaient à ses travaux lui avaient conseillé d'expliquer dans une préface que le système de Copernic n'est qu'une simple hypothèse. Mais le livre sort sans préface !
10- Saint-Office : Congrégation romaine établie par le pape Paul III, en 1542, pour diriger les inquisiteurs et juger souverainement les hérésies
11- Index : Liste des ouvrages interdits par l'Eglise catholique romaine. Quelques auteurs de l'époque dont une ou plusieurs œuvres furent mises à l'index : G. Bruno, Calvin, Descartes, Luther, Pascal...
Le drame final (1633 - 1642)
Galilée est convoqué à Rome par le tribunal de l'Inquisition. Il est mis en arrestation dans le palais de l'ambassadeur de Toscane, comparaît devant le Saint-Office mais ne peut convaincre ses juges. Au bout de vingt jours de détention, il est ramené au palais de l'ambassadeur.
Le 22 juin 1633, on lui annonce qu'il est condamné.
Que lui reproche-t-on ?
Le premier chef d'accusation, formulé dans la sentence prononcée par le tribunal de l'Inquisition, semble répondre très clairement à cette question :
Pour les inquisiteurs qui ont jugé Galilée, toute connaissance est soumise à la vision du monde présentée par les récits bibliques. A leurs yeux, la démarche de Galilée qui s'appuie sans à priori sur l'observation et l'expérience, remet en cause cette représentation du monde et peut-être la foi en Dieu, tout au moins la puissance et l'autorité de l'Eglise dont les affirmations devenaient alors contestables.
C'est le début d'un long affrontement entre la recherche scientifique et une représentation religieuse du monde.
De nos jours, les domaines respectifs sont mieux délimités. Et Galilée compte parmi ceux qui, au début des Temps modernes, ont contribué à mettre en route cette évolution.
Devenu aveugle en 1636, il continue à travailler avec ses disciples, surtout Viviani et Torricelli.
Il publie en 1638 ses Discours autour de deux nouvelles sciences. Ces deux nouvelles sciences étaient pour lui “la mécanique et les mouvements locaux , c'est à dire les deux branches de la mécanique que nous appelons de nos jours la statique et la dynamique.
Dans cet ouvrage, Galilée reprend ses anciens travaux de mécanique, corrigeant les erreurs qu'il avait pu faire antérieurement, preuve de sa grande intégrité intellectuelle.
Cependant, conséquence scientifique de sa condamnation, il ne fait intervenir aucune considération astronomique.
Galilée meurt le 8 janvier 1642.
C’est seulement en 1757 que la Congrégation de l'Index décide d’annuler le décret interdisant les œuvres qui traitent du mouvement de la Terre.
En 1822, le Saint-Office, se ralliant à la décision précédente, revient sur la condamnation de l'ouvrage de Copernic ainsi que de ceux de Kepler et de Galilée.
Le Vatican, avec la complicité du pape Urbain VIII, aurait alors retenu comme chef d'accusation son hérésie, somme toute mineure, en astronomie, pour mieux éviter de condamner son hérésie majeure en philosophie.
En effet, Galilée avait énoncé en 1623 sa théorie corpusculaire de la matière, lors de la parution de son ouvrage Il Saggiatore (L’essayeur). Dès cette époque, les jésuites l'avaient accusé de mettre en cause le dogme de l'Eucharistie. Le pape Urbain VIII étant alors au faîte de sa puissance, l'affaire n'avait pas eu de suite.
Mais, en 1632, à l'occasion de la publication du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, les jésuites lancèrent sur le même thème un nouvel assaut et le pape ne put s'opposer à leurs attaques.
Selon Pietro Redondi, le pape eut au moins le pouvoir d'en détourner le cours en organisant un simulacre de procès destiné à éviter le pire.
Dès lors, Galilée apparaît comme celui qui, en s'attaquant à la pierre angulaire de la foi catholique, a contribué, plus que d'autres, à l'émancipation future de la démarche scientifique.
Le 31 octobre 1992, 360 ans après sa condamnation, on annonce que le Vatican a réhabilité Galilée après onze ans d'enquête.
Mais devant la timidité de la déclaration pontificale qui, en fait, renvoie dos à dos la victime et ceux qui l'ont condamnée, certains ont pu parler de "réhabilitation en trompe l'œil".