En Chantier n°2, Un atelier slam au collège

Un atelier slam au collège
Une expérience de classe

 Une classe de troisième du collège Jacques Ellul à Bordeaux s’est lancée en 2006 dans un projet slam. Catherine Mazurie, enseignante de français raconte l’expérience :

L’Association Interculturelle des Arts de la Parole m’a proposé de travailler avec une association bordelaise, les Lyricalistes. Je ne connaissais pas du tout le slam. Mais j’ai assisté à une soirée poésie dans un café bordelais, la Dibiterie, et j’ai été enthousiasmée par l’atmosphère de la soirée qui m’a paru très proche de l’esprit de la pédagogie Freinet : toute création individuelle était accueillie avec bienveillance et respect, l’échange et la rencontre autour de l’écriture étaient essentiels, hors de tout esprit de compétition. Ce qui m’a frappée aussi, c’est la jeunesse des participants : cette poésie avait donc une audience auprès d’eux ?

J’ai proposé le projet à la classe pendant un conseil coopératif et ils ont été intéressés à une large majorité. Il s’agissait d’écrire des textes avec l’aide des Lyricalistes pendant tout le premier trimestre, et de les présenter, en décembre, au Centre social de St Michel, au cours d’une soirée ouverte au public et notamment aux parents. .

Les Lyricalistes ont eu, dès le début, un bon contact avec la classe, apportant leur look et leur vocabulaire décontracté dans le cadre scolaire. C’était déjà l’aventure.

Le travail s’est donc déroulé pendant huit séances de deux heures, à peu près toujours de la même manière : des propositions d’exercices déclencheurs, l’écriture individuelle des ados, aidée par les adultes, puis la lecture au groupe, applaudie à chaque fois.


Dans la première séance, les Lyricalistes ont fait une présentation du slam, en le présentant comme une parole démocratique, et ils ont invité la classe à écrire quelque chose, au choix, sur la démocratie, ou sur le slam. Voici ce que cela a donné pour le slam :

Les gens, tu leur parles du slam, ils disent : « Ou là, là ! T’es une racaille ! » Ils comprennent pas ta douleur, ta peur. Z’ont rien compris.
Mais moi, j’écris pour tous ces gens qui sont dans la misère, parce que j’aime ça, écrire, parler, prononcer tous ce que j’ai au fond du cœur, pouvoir m’exprimer. C’est ça le plus important.
Pas comme ces hommes politiques qui t’écoutent pas. Z’en ont rien à foutre de toi.
Normal, cinquante mille balles par mois, c’est d’la balle.
Sylvain

Je slame
Contre le drame
Contre la guerre
Car elle ne me plaît guère
Il faut tout pour faire changer
Les problèmes dans le monde
Faut les diminuer
Mais aussi souris,
Souris
Bordel
Ne nous montre pas que la vie est pourrie
Et sans issue pour les gens de la rue.
Sarah


Les déclencheurs d’écriture, en soi, étaient assez classiques, mais c’est la manière de faire qui a, d’emblée, accroché certains des ados. Il y avait aussi le côté exceptionnel de cette écriture, qui permettait de dire des gros mots, à condition de ne pas abuser, et surtout de dire son malaise, sa colère, sa tristesse. Etre dans le cadre de l’école, et pouvoir dire des choses dans un langage « de cité », cela a beaucoup surpris et beaucoup plu tout de suite, surtout aux élèves qui étaient en marge de la classe. Presque tout le monde a écrit.

C’est stupide
J’en sais rien
C’est comme ça
Je sais pas
C’est un peu con ce que je fais
Je trouve que ça ne sert à rien d’écrire
Je n’ai rien à dire
De spécial
Tout peut sembler banal
Et extraordinaire
Ça dépend de comment on le dit
« J’en serre rien »
je sers à rien
je serre dans mes bras quelqu’un
un nounours –grand-
ses grands yeux marron me regardent
ils me disent qu’il est triste
triste de me voir comme ça
de me voir triste et en colère
il se demande pourquoi
pourquoi je suis si en colère et en même temps si triste.
Roselyne


La soirée de décembre, qui devait clôturer l’activité, a été le point d’orgue du projet, qui était devenu un vrai projet de classe, et elle a constitué une épreuve un peu initiatique pour les élèves, que certains d’ailleurs n’ont pas eu le courage d’affronter.

Les élèves font le bilan de l’atelier slam :

J’ai trouvé que le slam est un moyen de s’exprimer, mieux que la poésie car on peut dire ce qu’on veut, même des injures, et ça permet de mieux parler devant plusieurs personnes.
Abdelhamid
Le slam fut une connaissance inoubliable. C’est pour cela que je vais continuer à écrire et à slamer. Au début […], j’ai cru que ça allait être pathétique. Lors de la soirée, j’étais enthousiasmé […]. Au début, quand j’ai vu tout ce monde, je tremblais de peur, ensuite, je me suis détendu et j’ai animé cette soirée. Elle était exaltante. J’ai appris qu’on pouvait dire ce qu’on pensait, se lâcher…
Vincent
Je pense que le slam est une très bonne occasion pour faire ressortir tout ce qu’on a dans le cœur. C’est tellement dommage que l’on ne puisse pas continuer jusqu’à la fin de l’année scolaire, parce que les animateurs, Khalid, Marco et Nico sont des personnes très gentilles. J’aimerais qu’on continue beaucoup car ça m’a vraiment aidée à dégager toute ma colère et le stress que j’avais. Merci beaucoup à eux qui m’ont beaucoup aidée.
Chaharazed
Quand on a commencé le slam, je ne savais pas à quoi m’attendre, je n’en avais jamais entendu parler. […] Je n’aurais jamais pensé écrire des textes et encore moins des textes qui riment et ont un sens. […] On peut s’exprimer et dire ce qu’on pense sans être jugé, ni qu’on ait une mauvaise image de nous.
Chafika
Le slam m’a beaucoup apporté, j’ai vraiment aimé les séances qu’on a faites avec Nicolas, Khalid et Marco. Ce sont des personnes très gentilles, et avec qui je me suis bien entendue. La soirée slam s’est plutôt bien déroulée sauf que je n’ai pas pu dire ma dédicace à Nicolas, Khalid et Marco car la soirée était finie. […] Le fait de s’exprimer en public est une bonne chose pour nous. J’aime beaucoup la façon de dire des textes écrits par nous-mêmes qui parlent de ce que l’on pense, de la vraie vie. C’est pour moi une expérience que je n’oublierai jamais.
Amandine
Je pense que le slam m’a apporté beaucoup de choses : plus m’exprimer, me relâcher, faire évoquer aux gens ce qu’on ressentait. J’ai bien aimé cette période.
Hanissa
[…] Je pensais que je ne pouvais pas écrire des textes mais je me suis rendue compte qu’avec un peu d’inspiration, on peut écrire beaucoup. Ça m’a permis de m’exprimer. […]
Sonia
J’ai bien aimé car on a pu dire nos textes et être écoutés dans la première partie. Mais dans la deuxième partie tout a changé et tout le monde commençait à crier. A la fin, j’ai trouvé idiot que les autres se battent parce qu’ils ne sont pas du même quartier. Mais surtout aucun professeur n’est venu pour les calmer sauf à la fin. Même s’ils n’étaient pas à leur charge, ce sont quand même des enfants.
Sarah
Le slam m’a appris à être moins timide, à pouvoir parler fort. Les trois Lyricalistes étaient très sympathiques et à l’écoute pour nous. Ce qui est dommage, c’est qu’il y avait une autre classe qui le faisait avec nous, c’est pour cela que je ne suis pas venu à la soirée.
Le slam, à entendre, je n’aime pas vraiment, mais j’ai aimé les séances car les Lyricalistes étaient sympas.
Maxime
Au début, je ne trouvais pas de mots pour écrire des textes, je n’étais pas inspiré, mais peu à peu, j’ai réussi à en faire. Ça m’a appris à réfléchir un peu plus que d’habitude et à me concentrer sur ce que j’avais à faire. Au spectacle, je ne voulais pas passer car j’avais trop peur et j’avais le trac. Mais grâce à Khalid, Marco et Nico, je suis passé, c’est eux qui m’ont poussé pour y aller. Ça m’a appris aussi à m’exprimer correctement devant quelques personnes.
Sylvain
[…] Le slam a été pour moi une bonne expérience car maintenant, je sais m’exprimer, […] me concentrer pour une chose que j’aime et que j’ai envie de faire.
Juliana
Une soirée intéressante car il y avait des textes bien parce qu’ils nous faisaient rigoler. Quand certains élèves allaient sur scène, parfois, il y avait du manque de respect et je trouve cela pas très bien, car quand eux, ils passaient, on écoutait leurs textes.
Luis
Pendant des mois, on a slamé, joué avec les mots… J’ai appris qu’écrire, ça pouvait énormément soulager. D’ailleurs, avant, j’avais un journal que je ne sortais pas du placard. Maintenant, il est presque fini, et j’adore dire mes opinions, mes sentiments, me soulager. Maintenant, grâce au slam, quand j’écris, j’ai l’impression que je me confie. Ecrire, c’est important, on favorise l’écriture et l’orthographe en plus. On peut exprimer tout, les colères, les moments de tristesse, dire tout ce que l’on pense, son avis…
Marjorie
Pendant trois mois, on a appris à slamer, c’est-à-dire à écrire des textes qui parlent de nous, de notre entourage, de nos sentiments etc. Pouvoir slamer devant tout le monde, si possible vaincre sa peur, sa timidité.
Roseline
Les trois mois qu’on a passés avec le slam nous ont appris à nous lâcher, à nous découvrir nous-mêmes et à découvrir les autres. Pour moi, le slam a été une super expérience pour m’exprimer et m’apprendre à parler devant toute la classe.
Emilie
Durant ces séances de slam, j’ai bien rigolé car certains avaient des textes drôles. Les slameurs faisaient rire avec leurs textes et leur façon de parler […]. J’ai aussi appris à dire ce que je pense, et à le lire devant un petit public. […]
Kévin
C’était bien, le slam, car on pouvait s’exprimer, dire ce qu’on ressentait, et l’apprendre. Malheureusement, je n’ai pas pu venir [à la soirée] parce que je n’étais pas ici. C’est toujours mieux de dire ce qu’on pense au lieu de tourner autour du pot […]. [C’est bien] que les personnes qui font du mal, comme certains hommes politiques soient face à leurs erreurs.
Jonathan
[…] Depuis qu’on m’a dit comment faire, j’arrive à faire des textes. Avant, on me disait : « Fais un texte », je n’écrivais même pas deux lignes. Et le spectacle m’a beaucoup plu. Les textes qu’on écrit servent à nous dévoiler, à nous exprimer.
Kader

Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
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