Les couleurs de la baie
Multiplier les regards
Il fait gris sur la baie du Mont-Saint-Michel, en cet après-midi de mars, lorsque les vingt élèves de la classe de cycle 3 d’Hirel quittent l’école pour se rendre en bord de mer, à une centaine de mètres de là…
Le projet n’est pas encore très précis pour les enfants : « On va peindre sur la grève. » Vanessa est inquiète : « Moi, je ne sais pas dessiner ! »
Avant de peindre, un temps est consacré à l’observation à travers un tube de carton : « Regardez l’horizon devant vous. Quelles couleurs voyez-vous ? » Evidemment, puisqu’on voit la mer au loin, un enfant voit du bleu !
« Mais non, elle est grise », dit un camarade. La discussion s’engage pour définir avec plus de précision les nuances de l’eau, du ciel, du sable humide de la grève dont la mer vient de se retirer.
« Nous allons peindre l’horizon tel que nous l’avons vu dans le viseur de carton.
- Est-ce qu’on pourra peindre le Mont-Saint-Michel (visible à droite) ? ou Cancale (à gauche) ?
- Non seulement l’horizon, le ciel, la mer au loin et la grève. »
Vanessa est rassurée ; il n’y a qu’une ligne à « faire », c’est simple…
En fait, cette consigne n’est qu’un prétexte pour exercer le regard sur les couleurs.
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Des outils inhabituels
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Les enfants s’installent face au panorama, en cherchant un coin sec pour s’asseoir.
Le matériel est distribué : un support de carton d’emballage sur lequel on peindra (pas cher !), des morceaux de bois arrachés d’un cageot qu’on a emporté avec nous, chacun une ardoise d’écolier pour servir de palette, et de la couleur, à la demande – du blanc, du noir, un peu de bleu, du jaune sont souhaités. Les enfants sont un peu déstabilisés par l’emploi de supports et d’outils inhabituels ; une vingtaine de minutes leur seront nécessaires pour se familiariser.
Ils prennent conscience qu’on peut peindre du blanc sur le support beige, certains vont préférer leurs doigts aux fragments… Chacun trouve des solutions personnelles aux problèmes techniques induits par le dispositif.
Le rôle de l’adulte est de questionner sur ce qu’on voit : « Regarde le gris du ciel, juste au contact de la mer ; comment est-il ? » ou de faire dire à l’enfant comment il a obtenu telle couleur, voir de proposer de retravailler cette partie.
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Après quarante cinq minutes passées en plein air, il est temps de regagner l’école ; cette séquence s’achèvera dans le coin regroupement de la classe en évoquant, à l’aide de reproductions, les séries que Monet réalisa à Belle-Ile-en-Mer, ainsi que le travail par grosses touches noires de Nicolas de Staël sur les côtes normandes. «Nous aussi, nous pourrions essayer de peindre plusieurs fois le même paysage…» Le projet de la classe prend forme. |
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Quelques jours plus tard, un moment sera consacré au recadrage des travaux : soit pour éliminer ou réduire les parties non peintes du support, soit pour supprimer une partie que l’enfant trouvait peu réussie.
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