L'Educateur n°6 - année 1965-1966 - Technologique 1er degré

Novembre 1965

l'auto-évaluation des résultats

Décembre 1965

A propos des examens (Congrès de Perpignan)

L'auto-évaluation des résultats

 

 

Dans l’étude en vue du Congrès du thème des examens nous n’aurons pas à nous attarder à la critique des pratiques actuelles. Les examens se condamnent eux-mêmes par l’usage qu’on en fait et les conséquences scolaires, psychiques, physiologiques, sociales et humaines qui en découlent. Nous citerons encore Bertrand Schwarz, Directeur de l'Ecole Nationale des Mines à Nancy :

« L’examen est paralysant pour un adulte (il l'est tout autant, sinon plus, pour l'enfant) qui est angoissé pur l'épreuve unique qui sanctionne son passé et détermine son avenir. Bien souvent également, il est angoissé par la feuille blanche à remplir. Dans ces conditions, l'examen perd sa valeur de sanction des connaissances.

La perspective de l’examen va accentuer la dépendance de l'étudiant, alors que c’est l'autonomie que nous cherchons à lui donner.

L'examen privilégie, dans les faits et dans l'esprit, les enseignements soumis à des épreuves, au détriment des autres enseignements (dits de développement personnel) essentiels « notre avis, car ils permettent d'établir un lien entre le travail scolaire de l'étudiant et son expérience.

L'examen renforce l’attitude scolaire... »

Les examens actuels sont le fruit d'une conception retardataire de l'éducation, axée seulement sur les acquisitions et les connaissances, et nullement sur la formation et la culture. Ils étaient peut-être valables au début du siècle, quand l'instruction était le but de l’Ecole, puisqu'on croyait cette instruction formative — et elle pouvait l'être à l’époque. On ne prévoyait pas alors que le tonneau si difficile à remplir allait un jour déborder, ou que les connaissances qu’on y verserait le détérioreraient à tel point qu'il ne pourrait plus rien recevoir de scolastique.

Evidemment, il faut aujourd’hui changer de méthode. On mesurait jusqu'à ce jour la quantité du contenu. Il faudrait en mesurer désormais la qualité.

Encore faut-il qu'on se préoccupe de cette qualité, sinon les nouveaux examens n'auront rien à contrôler et seules seront valables alors les anciennes normes quantitatives.

Ce qui est exact, c'est que les examens actuels de mesure des connaissances correspondent à une forme donnée d'école. On peut en améliorer la technique par exemple avec les machines électroniques. Ils resteront toujours aussi obsédants, sinon plus, pour les élèves et pour les éducateurs.

Mesurer la qualité du savoir, sa valeur culturelle, la possibilité de l’acquérir et de l'accroître selon les besoins, son influence sur la formation des individus, suppose évidemment que l’Ecole se préoccupe de cette forme d'éducation, ce qui n’est absolument pas le cas à l’Ecole actuelle. Ce n’est que dans la mesure où évolue l’Ecole que pourra évoluer la technique des examens.

Nous avons pu dire que, en France plus spécialement, les examens conditionnent tout le système scolaire. Mais nous pourrions dire aussi bien, hélas ! que le système scolaire conditionne les examens, et que sont vraiment liés, organiquement, progrès scolaires et progrès dans les systèmes de mesure.

Le mouvement de rénovation que nous avons suscité en France touche aujourd'hui des dizaines de milliers d’écoles. Nous pouvons déjà, pour elles, étudier une réforme réalisable des examens. Ce sera l’essentiel de nos recherches pour les mois à venir.

Nous voyons, dès l'abord, plusieurs possibilités...

i°. Etude de formules nouvelles mixtes d’examens, comportant un certain contrôle de connaissances, toujours nécessaires, mais qu’on dépouillerait de toute prédominance absolue, notamment par la disparition d’épreuves de dictées éliminatoires.

2°. Dossier scolaire, valable en théorie, mais qui n’est actuellement qu’un trompe-l'œil dont nous dirons la vanité.

3°. Brevets et chefs-d'œuvre, que nous continuerons à expérimenter en vue d'en faire une technique valable à tous les degrés.

4°. Auto-évaluation des résultats obtenus, ce qui ne peut se faire d'ailleurs qu’avec des méthodes nouvelles qui supposent l'activité libre, le désir des enfants et des adolescents de s'enrichir et de se développer, avec un changement radical dans les rapports élèves-maîtres. « Dans auto-évaluation, dit B. Schwartz, il y a deux mots : auto et évaluation, c'est-à-dire évaluation par soi-même. Cette auto-évaluation apparaît comme un des éléments les plus essentiels de la pédagogie moderne ».

B. Schwartz l’a expérimentée dans son école, où toute notation a disparu, ce qui ne veut pas dire qu’il n'y ait plus ni appréciation ni évaluation.

Nous nous rendons compte à l’expérience que, dès que sont modifiés les rapports de l'élève et du milieu, lorsqu'il n'y a plus notation autoritaire par un adulte qui décide seul, objectivement, lorsque l’élève ne dépend plus des autres mais de lui-même, nous retrouvons une sûreté naturelle de jugement, d'estimation et d’appréciation de toute première valeur. Dans ce nouveau climat, les élèves sont justes et équitables — et c'est peut-être pour cela qu’ils sont tellement sensibles à l’injustice. Nous dirions même qu'ils sont plus rigoureux et plus droits que les adultes dans leur jugement, autant pour eux-mêmes que vis-à-vis des autres.

Nous conseillons à nos camarades de remplacer de plus en plus dans l’appréciation et le contrôle des travaux de leurs élèves, leur propre note par l'opinion de l’élève intéressé et de ses coéquipiers.

— Un texte libre est fort bien noté par eux, pourvu qu’on n’en restreigne pas la portée au domaine strictement scolaire.

— Lorsqu’un élève a réussi une création originale ou une conférence, nous demandons aux auditeurs de juger.

— Mais c'est surtout pour la synthèse du samedi du Plan de travail hebdomadaire que nous avons recours à cette auto-évaluation à la fois individuelle et collective.

Malgré les conseils que nous avons donnés, c’est trop souvent encore le maître qui se croit habilité à « corriger » le plan pour mettre des notes qui serviront à l'établissement du graphique. C'est une technique longue et fastidieuse qui ne donne satisfaction à personne : ni au maître qui se rend compte que sa « correction » est trop hâtive, ni à l’élève qui se trouve toujours dans la position de celui qui attend la note à intervenir.

Je rappelle alors comment nous procédons, selon le principe d’auto-évaluation.

En cours de semaine, et au fur et à mesure que s'exécutent les travaux du plan, nous demandons aux élèves de se juger, sur appréciation du groupe. En conséquence, nous inscrivons un point à peine visible sur le graphique.

D'autres travaux peuvent en effet amener la mention de points différents. Il nous suffira de faire une moyenne en fin de semaine.

Le samedi, le graphique se fait collectivement : en tenant compte des points ainsi notés, chaque enfant établit sa note et trace son graphique.

Notre expérience nous montre alors que le graphique ainsi obtenu est toujours plus juste que celui que nous établirions d’autorité, qu’il est toujours plus à l'image de la réalité du travail que si nous notions nous-mêmes. Les enfants ont tendance même à se juger ou à juger trop sévèrement. Il nous appartient — puisque nous faisons partie du groupe d’auto-évaluation — d'aménager parfois certains points du graphique.

Cette généralisation de l’auto-évaluation dans les classes — auto-évaluation qui fonctionne aussi sur le plan moral et affectif dans nos conseils de classe — pourrait bien être une des révolutions les plus grosses de conséquences, pour les pratiques scolaires elles-mêmes, pour le recyclage des maîtres, et pour la recherche de nouvelles formules d’examen pour l’accession aux divers degrés d’enseignement.

Nous y insisterons au Congrès, pour lequel nous souhaiterions que de nombreux camarades fassent des expériences et nous en communiquent les résultats. Mais cette critique individuelle ou collective ne risque-t-elle pas de déboucher sur le mouchardage, nous dit-on?

Le vilain mot, qui sent son potache à une lieue, et qui est vraiment à l'image de l'amoralisme ou de l’immoralisme de l’Ecole traditionnelle où fonctionne une discipline formelle à laquelle, comme à l'armée, chacun s'ingénie à se soustraire par tous les moyens licites ou non !

Le mouchardage ne saurait exister chez nous où nos enfants vivent en république, se comportant en bons républicains, soucieux de servir et de défendre l'œuvre commune. Les critiques qu’ils ont à faire, ils les formulent ouvertement en réunion coopérative ou par inscription signée sur le journal mural. Il n'y a pas là mouchardage niais courage civique, tel que nous le souhaiterions à la masse des citoyens qui se taisent prudemment, de crainte de se faire remarquer.

Il arrive certes que le coupable n'ait pas le courage de reconnaître sa faute. Comme il n'ose plus mentir en Assemblée générale, on le voit parfois s’absenter furtivement au moment même où son « affaire » va être appelée. Mais il arrive aussi que nos enfants sachent se critiquer, à la suite justement d'une auto-évaluation qui est toute à leur avantage.

Nous aurons à dire un jour, dans un livre qui nous reste à faire, tout ce que l'expression libre, la coopération et l'auto-évaluation apportent de vraiment éducatif et formatif à une école qui sera alors en mesure de préparer en l'enfant l'homme et le citoyen de demain.

C.F.

 

 

Programmation et pratique de la classe

Décembre 1965

CENTRE INTERNATIONAL DE PROGRAMMATION DE L’ECOLE MODERNE VENCE (A.-M.)

Programmation et pratique de la classe

  

Maintenant que sont passés les soucis de rentrée, il nous faut reprendre, d’une part la préparation des bandes que nous voulons éditer, d’autre part continuer l’expérimentation par l’apport des centaines de camarades qui emploient aujourd’hui les bandes dans leur classe.

Jusqu’à présent en effet, la technique des bandes ne pouvait pas fonctionner à plein parce que nous n’avions qu’un petit nombre de bandes éditées et que l’éducateur était obligé de faire lui-même une forte proportion des bandes qui lui étaient nécessaires.

Or, nous avons aujourd’hui notre cours complet de calcul ; nous avons notre cours complet de français. Au début de mars paraîtra notre série de 30 bandes Atelier de calcul. Il ne nous manque plus qu’un assortiment de bandes de sciences pour fonctionner normalement selon la nouvelle technique qui est déjà en fonctionnement à l’Ecole Freinet.

Le lundi, nous soignons tout particulièrement notre plan de travail sur lequel nous pouvons déjà noter avec précision les bandes calcul et français à faire (chacun selon son degré et les indications du planning.) Nous avons déjà un petit assortiment de bandes de sciences et de travaux pratiques (découpages, maquettes, expériences, observations, etc…)

Nous avons naturellement le matin une heure et demie de travail collectif avec chant, lecture, dessin, texte libre, imprimerie et exploitation du texte en vocabulaire et grammaire, calcul vivant.

Puis les enfants, dès qu’ils ont fini, passent à leur travail libre qui dure environ trois heures dans la journée : le matin, bandes de calcul et de français, l’après-midi, travaux divers sur bandes et conférences.

Pendant ces trois heures, l’atmosphère de la classe est totalement changée : plus de leçons, plus de devoirs ; la classe devient comme ces salles de bibliothèque où les étudiants s’occupent en silence aux travaux de leur gré, selon la documentation qu’ils peuvent se procurer.

Le silence total est de rigueur, ce qui n’empêche pas la collaboration chuchotée. Nous voulons dire que personne, ni maître ni élève, ne parle fort pour s’adresser à tout le monde et déranger le travail.

Le maître ne parle plus : il aide, il conseille autour de lui, il cherche de la documentation supplémentaire, il soutient les bonnes volontés en difficulté, souvent par imperfection du matériel que nous proposons ; il rédige même les bandes bis dont peuvent avoir besoin certains élèves. Le rendement est alors maximum.

Au cours de l’après-midi, nous pouvons maintenant aborder des réalisations grâce à nos bandes programmées dont nous avons déjà donné de nombreux spécimens dans L’Educateur et que nous publierons prochainement.

La dernière heure est consacrée aux comptes rendus de travaux avec leçons a posteriori et conférences.

Cette pratique de la classe est désormais possible chez tous les maîtres qui possèdent nos bandes. Ils verront alors les avantages incontestables de cette technique :

— Réduction du travail collectif à ce qui se rapporte à l’activité libre ;

— suppression totale des leçons (ne subsistent que les leçons a posteriori) ;

— maximum de rendement du travail individuel au cours duquel les enfants se sentent libérés de l’autorité du maître ;

— tranquillité du maître qui ne s’époumone plus et n’a plus à se mettre en colère ;

— travail mieux adapté pour tous, donc d’un meilleur rendement.

Cette forme d’école préfigure à notre avis l’Ecole de demain au premier et au second degré aussi. Au second degré plus qu’au premier peut-être, où les leçons collectives sont souvent cause d’une grosse perte de temps et où le travail individualisé sera toujours plus rentable.

Cette technique est recommandée immédiatement à 100 % pour les classes de transition qui cherchent encore leur voie conformément aux Instructions ministérielles.

***

Il nous faut parfaire notre collection de bandes.

a) Pendant nos journées de travail à Vence, nous avons ébauché une vingtaine de bandes de sciences, dont certaines sont encore entre les mains des camarades qui les avaient emportées pour mise au point.

Nous leur demandons de nous les faire parvenir immédiatement, terminées ou non,

b) De nombreux camarades ont réalisé des bandes bis pour diverses disciplines. Une camarade inscrite à notre Cours par correspondance écrit avoir réalisé 90 bandes pendant les vacances.

Je serais heureux que ces camarades me communiquent leurs réalisations pour que je puisse éventuellement faire les critiques et donner les conseils utiles. Nous garderons les bandes qui peuvent nous être utiles. Nous les retournerons après en avoir pris copie et nous y joindrons une bande vierge gratuite. Nous pourrons même aider davantage les camarades qui voudraient travailler dans ce domaine.

Nous sortirons sans doute avant Pâques une première série de 30 bandes scientifiques, dont nous donnerons la liste.

Et c’est aux camarades du second degré que je fais plus spécialement appel. Nos bandes peuvent, à ce degré, et plus vite encore qu’au second degré, renouveler tout notre enseignement. Mais évidemment, il nous faut au plus vite des bandes :

— bandes de calcul (sont déjà réalisées)

— bandes de français

— bandes de sciences, etc…

Nous passerons à l’édition le plus rapidement possible. Les premiers essais d’enseignement programmé actuellement publiés sont à notre avis déplorables, Par notre collaboration active nous pouvons, sans retard, faire œuvre exemplaire.

Au travail donc, Ecrivez-nous et envoyez-nous vos documents. Nous vous aiderons.

Il serait souhaitable que sous la direction des camarades déjà initiés, s’institue à l’échelle du département, le travail de programmation majeur.

C. F.

P.S. Calcul mental : Je voudrais aussi préparer des bandes de calcul mental que nous avons expérimentées avec succès à l’école Freinet.

Le calcul mental est incontestablement un excellent exercice de jonglage, non seulement avec les symboles mais aussi avec les ensembles mathématiques. Jusqu’à présent le calcul mental se fait — lorsqu’il se fait — par le procédé Lamartinière. Mais il en est de ces exercices comme des leçons et devoirs collectifs : les premiers répondent sans peine, mais la masse des autres ne fait absolument aucun effort et se contente de copier.

Avec les bandes, chacun avancera à son pas et le profit en sera certainement décuplé.

J’ai commencé à rédiger les premières bandes que je conçois selon notre nouveau mode de programmation : chaque bande comporte trois quarts au moins d’opérations que l’enfant a déjà apprises et pour lesquelles il continue l’entraînement. Mais de temps en temps survient un fait nouveau. Comme dans la vie.

Je serais heureux que les camarades qui ont une pratique méthodique du calcul mental veuillent bien m’écrire pour l’étude de.la progression souhaitable.

C. F.

 

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