L'Educateur n°10 - année 1945-1946

Mars 1946

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Prises de positions

Février 1946

 

Fabrication du tabac

 

 
Prises de positions

 

 

 

 

 

Il est des moments, dans la vie des hommes — et dans celles des organisations, — où certaines prises de positions sont indispensables si l'on veut continuer un chemin efficace de loyauté et de droiture.
Ah ! certes, cela ne va pas toujours tout seul. Il faut dire ouvertement, son fait à certains coéquipiers, à des voisins qui n'ont aucun intérêt à cette reconsidération, de conditions qui les accommodent ; on règle des comptes; il y a des fâcheries et parfois des disputes.
Les faibles reculent toujours l'heure inéluctable des applications; ils patientent à l'excès, composent, se compromettent, s'énervent et s'usent. Les forts vont leur chemin, et si c'est un chemin de justice, ceux- là même qui ont été un instant bousculés, leur rendent justice.
La Coopérative de l'Enseignement Laïc et le mouvement de l'Imprimerie à l'Ecole en sont à ce moment critique. Notre croissance méthodique autrefois, extraordinairement rapide depuis quelques mois, nous imposent, des obligations nouvelles. C'est pour y satisfaire que, depuis bientôt deux mois, nous travaillons à !a reconsidération générale de notre activité. Nous avons longuement interrogé, informé, consulté les membres du C.A. Mais notre consultation s'est élargie sans cesse à la cohorte fidèle et dévouée de tous nos bons camarades.les anciens surtout, dont nous avons éprouvé le dévouement, total; de certains nouveaux aussi, dont nous avons pu apprécier la collaboration.
Nous aurions retardé encore cette prise de positions si nous ne nous sentions en parfaite communion avec la masse de nos adhérents dont nous devons exprimer les désirs et assurer les besoins.
S'il est certains voisins mécontents de la réorganisation de notre maison, nous n'y pouvons rien, s'il est acquis — et ils ne pourront pas le nier eux-mêmes — que nous sommes guidés en cela par le seul souci de servir l'école et des maîtres.
 
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Complot :
Nous n'ignorons pas que « se trame actuellement autour de nous une campagne de dénigrement », comme nous l’écrit une personnalité parisienne.
Cette campagne est permanente et nous a valu déjà maints assauts héroïques. Au moment où nous sommes sur le point de grouper pour l'action constructive la masse des instituteurs dynamiques, comment ne voudriez-vous pas que s'émeuvent les éternels profiteurs de notre commune impuissance d'une part, et d'autre part, les tenants d'une idéologie que nous sapons incontestablement par la victoire que nous voudrions préparer à la libération de l'homme ?
Mais le plus triste, c'est que les uns et les autres de nos adversaires ne risquent pas d'agir à visage découvert, C'est la méconnaissance systématique de nos réalisations, le silence sur nos efforts dans les grands journaux parisiens, et surtout la calomnie qu'on fait courir de bouche à oreille et qu'on monterait volontiers en scandale si nous ne savons prévenir et déjouer la manœuvre.
C'est dans ce but que nous reconsidérons aujourd'hui jusqu'à la constitution organique de notre mouvement.
 

 

Pour donner à notre Mouvement sa vraie figure :
On connaît les conditions difficiles et parfois tragiques dans lesquelles ont pris naissance L'Imprimerie à l'Ecole et la Coopérative de l'Enseignement Laïc. Notre vie, nos traitements, les biens de nos parents et amis ont été sans cesse jetés dans le creuset, où, comme Bernard Palissy, nous avons consumé à certains moments nos dernières ressources. Qu'on n'oublie pas que, au moment de mon arrestation, il y a 6 ans, Elise Frei­net a dû, pour empêcher la liquidation de la Coopé qui avait absorbé toutes nos faibles disponibilités, aller vendre laitages et légumes sur le marché et faire des lessives que Baloulette menait aux clients en inscrivant les recettes sur des carnets que je conserve.       
Pendant, de telles périodes de gestation, il ne nous était certes pas possible de séparer la Coopérative ni le commerce de la pédagogie et nous avons donné là la plus éloquente des leçons de ce matérialisme pédagogique dont nous disons sans cesse la prédominance.
Il était certes relativement facile alors de nous attaquer. On n'a pas trop osé dire que nous nous enrichissions parce que la non- rentabilité de nos initiatives était criante. Mais on laissait certainement planer un doute complice.
Nos sacrifices de temps et aussi d'argent, consentis sans compter pendant 20 ans, portent aujourd'hui leurs fruits — leurs fruits pédagogiques et leurs fruits commerciaux aussi : ces fruits auxquels, selon la bonne morale bourgeoise et capitaliste, nous aurions incontestablement droit, comme d'ailleurs tous nos dévoués collaborateurs.
De ces fruits, nous n'en voulons pas parce que nous restons obstinément et sans réserve sur le terrain où nous nous sommes placés : la Coopérative, que nous voulons intégrale et totale, La Coopérative sauvée de ce désastre — et nous avons dit comment —  vole aujourd'hui de ses propres ailes. Elle nous a remboursé les 217.000 fr. que nous lui avions avancés, au fur et à mesure des besoins de 1929 à, 1936. Ces 217.000 fr. qui constituent le principal des traitements que nous ne pouvions pas dépenser parce qu'ils étaient engloutis avant que d'être payés dans le gouffre de la Coopé et dont nous avons dû emprunter autour de nous une partie importante que nous ne rendrons point sur la base du franc 1929 ou 1936, mais sur la base du franc 1946, De telle sorte que nous avons fait avec la Coopé la plus déplorable des opérations commerciales.
Ce sont là des choses que nous n'avions jamais publiées mais que nous croyons utile de mentionner aujourd'hui au moment où la gestion commerciale et financière est placée tout entière en d'autres mains sous la direction du C.A. A ce jour, la Coopé ne nous a jamais servi aucun traitement. Depuis octobre seulement, nous sommes rémunérés sur la base du traitement d'Instituteurs, défalcation faite de notre faible pension.
Voilà pour couper court à certaines calomnies. Cette Coopé à laquelle nous avons tant donné, nous vous la passons tout entière et sans réserve. A vous maintenant de la défendre.
Nous voulons aller plus loin.
Ceux qui savent ce qu'est la Coopération, ceux aussi qui comprennent notre idéal, ceux-là admettent notre sincérité quand nous affirmons que notre but, quand nous mettons au point matériel, techniques et éditions, n'est point l'enrichissement de la Coopérative, mais le bien exclusif de l'école et de ses maîtres. Mais la déformation commerciale est si généralisée que, pratiquement, on ne croira que du bout des Sèvres à un tel désintéressement. Il faut que nous en fassions la preuve.
Cette preuve, la voici, dans ses grandes lignes, telle que nous la réaliserons dans les mois à venir :
 
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L'Institut Central de l'Ecole Moderne :
 
La C.E.L. est aujourd'hui suffisamment bien assise et, comme selon un proverbe de chez nous, « les pierres s'en vont au clapier », les éducateurs s'inscriront à une coopérative dont ils connaissent les perspectives qu'elle ouvre et les avantages qu'elle procure.
Cette Coopérative d'Instituteurs continuera son chemin, sous la responsabilité de son C.A. régulièrement constitué.
Mais notre activité pédagogique est au-dessus de cette Coopérative. Au temps où nul ne voulait fabriquer notre matériel ni éditer nos travaux, la C.E.L. l'a fait à ses risques et périls et nous ne saurons l'oublier certes. Mais nous avons toujours dit : « Si demain une autre firme fabrique et vend du matériel ou des éditions adaptés à nos besoins et à des conditions qui nous conviennent, nous ne nous obstinerons pas dans une vaine concurrence commerciale. Nous prenons notre bien, où nous le trouvons. »
Nous pensons aujourd'hui notamment à une firme pédagogique qui, comme la C.E.L. est placée directement sous la responsabilité des Instituteurs : à Sudel, Allons-nous demain concurrencer Sudel ou même seulement le bouder ? Point du tout, et nous pouvons annoncer que, tout comme nous sommes parvenus à un accord avec Sudel pour la parution du journal d'enfants « Francs- Jeux », nous espérons prochainement parvenir à une entente profonde et totale au point de vue pédagogique et commercial.
Notre but à nous — et nous l'avons suffisamment montré — n'est point le succès d'une firme, serait-ce la C.E.L., mais l'amélioration de notre pédagogie et l'aide permanente à l'école laïque et à ses maîtres.
Pour rendre ce but effectif nous créons ce jour un
INSTITUT CENTRAL DE L'ECOLE MODERNE
qui synthétisera, animera et développera toutes les activités pédagogiques dont l'Imprimerie à l'Ecole a été à l'origine.
Cet Institut, constitué sur les bases juridiques de la loi de 1901, ne sera ni une filiale de la C.E.L., ni une nouvelle association d'affinité. Il est, comme l'a toujours été notre mouvement d'Imprimerie à l'Ecole, un organisme d'études, de recherches et dé réalisation. Il est cette Guilde de Travail dont nous avons parlé à plusieurs reprises et très positivement avant la guerre.
Nous n'appelons point, à cet Institut, tous ceux qui s'intéressent, de près ou de loin, à la pédagogie nouvelle, mais ceux qui désirent travailler effectivement, dans nos équipes, pour la modernisation de notre école.
Nous nous proposons même — et nous en reparlerons une autre fois, — de réserver à ces travailleurs une part d'auteur dans les œuvres qui sortiront de notre Institut, part qui sera à déterminer par les travailleurs eux-mêmes. Que ferons-nous à cet Institut ? Ce que nous avons amorcé dans notre mouvement de l'Imprimerie à l'Ecole, mais avec une coordination et des moyens nouveaux, avec des appuis, même, nous l'espérons. de la part des officiels qui ne pourront pas rester indifférents à l'œuvre désintéressée de la plus grande équipe de travail pédagogique qui ait jamais existé en France, Nous allons mettre immédiatement et définitivement en train le fonctionnement de nos Commissions de travail, dont nous avons donné la liste dans un précédent numéro, Quelques-unes de ces Commissions se sont déjà mises à la besogne. L'essentiel de cette collaboration se fera par correspondance et par circulaires que l'Institut polycopiera et diffusera.
La grande nouveauté, c'est celle-ci : les œuvres réalisées, propriété de l'Institut agissant au nom de ses membres, seront alors offertes aux firmes susceptibles de les exploiter pour le plus grand bénéfice de l'Ecole, La C.E.L, n'en aura pas le monopole. Il appartiendra à l'Institut de discuter souverainement des conditions de réalisation des œuvres préparées en commun. L'Institut en retirera une juste rémunération qui sera ristournée aux collaborateurs.
Autrement dit, l'Institut sera le grand laboratoire collectif pour la modernisation de notre école, et un laboratoire qui ne sera pas seulement un beau projet sur le papier puisque nous aurons demain plusieurs milliers de camarades travaillant effectivement à une des œuvres multiples qui seront de notre domaine : Matériel scolaire — Encyclopédie scolaire coopérative — Fiches — Brochures B. T. — Œuvres d'enfants — Cinéma, disques, radio — Initiation technique par stage, conférences, expositions, démonstration.
Notre revue L'Educateur, qui est l'organe de travail de ce groupe, deviendra l'organe pédagogique de l'Institut. On ne pourra donc plus nous accuser de faire, par nos articles pédagogiques, une quelconque publicité commerciale.
Je sens que de bons camarades, attachés comme nous, et pour les mêmes raisons, à la C.E.L., vont se dire : « Alors il va y avoir séparation, divorce, division des efforts ! »
Les meilleurs parmi les adhérents de la C.E.L. seront forcément parmi les meilleurs ouvriers de l'Institut, et, inversement, un bon ouvrier de l'Institut sentira trop la nécessité de la C.E.L. pour qu'il y ait divorce à quelque moment que ce soit. Nous serons tous les ouvriers désintéressés d'une même cause qui nous dépasse. Il nous suffira de comprendre que la C.E.L. est forcément limitée dans sa constitution et son fonctionnement par les buts mêmes inclus dans ses statuts. L'Institut doit voir plus haut et plus large et aborder, dans ce même esprit réalisateur tous les problèmes qui se posent à l'éducateur non seulement pour le primaire, mais pour les autres degrés aussi, pour les C.C., pour le technique, pour l'éducation populaire, les mouvements de jeunesse, les maisons d'enfants et les colonies de vacances.
Nous allons d'ailleurs mettre incessamment sur pied un important service de documentation qui nous permettra de donner aux éducateurs, avec rapidité et sûreté, tous les renseignements et documents dont ils peuvent avoir besoin.
Nous ferons à cet Institut tout ce que nous aurons à faire pour que, non plus dans l'idéal ou la théorie, mais à même nos classes, nous puissions réaliser progressivement mais méthodiquement et sûrement l'Ecole moderne au service du peuple.
 
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Décentralisation :
 
A rencontre de la plupart des organismes que nous critiquons, nous ne serons pas une tête sans troupe qui ferait illusion quelque temps sans faire pénétrer son influence à la base même de l'éducation.
C'est sur cette base que nous comptons. Ce sont les Instituteurs, les Inspecteurs, les Professeurs travaillant à même leur milieu, sans prétention ni ambition, qui sont notre force. C'est par eux que nous avons mis au point notre presse à imprimer, réalisé les fiches ; c'est par eux que l'Encyclopédie Scolaire Coopérative sera demain la plus enthousiasmante des réalités.
Aussi facilitons-nous au maximum les contacts locaux et nationaux, même et surtout s'ils s'organisent sans nous. La Correspondance interscolaire qui tissera bientôt sur la France un réseau serré d'amitiés et de bonnes volontés, crée justement ce climat de collaboration décentralisée, qui n'a pas besoin de « chefs » à la mode de Vichy. Nous donnerons en exemple le TAS IV.
Au cours du stage de Gap, j'avais séparé tous les stagiaires en quatre tas, qui sont devenus par la suite quatre équipes. Le Tas IV a survécu au stage et publie depuis la rentrée un Bulletin du TAS IV conçu sur la forme de nos Gerbes du début : chaque adhérent polycopie sa page ou ses pages (à la polycopie, au mimographe, au nardigraphe ou à l'imprimerie. Quand nos fabrications seront entièrement reprises, ce travail sera facile dans toutes les classes). Les feuilles ainsi polycopiées sont adressées à un responsable qui les groupe, les agrafe sous couverture et les expédie.
C'est sur ce modèle que nous avons réalisé nos premières Gerbes dès 1926 et que paraissaient avant guerre des Gerbes Régionales ; Gerbe de l'Yonne, Gerbe d'Algérie, etc...
Les abonnements aux journaux scolaires, dont nous facilitons la pratique, servent et serviront également cette collaboration.
Nous ne demandons point à superviser ces différentes réalisations. Comme elles ne peuvent être que désintéressées, elles s'inscrivent de ce fait dans notre propre cycle de travail. Nous demandons seulement qu'on nous tienne au courant pour que toutes les initiatives individuelles ou collectives aient leur résonnance maximum. Mais c'est tout (le Tas IV ayant fait de l'excellent travail au point de vue recherche de fiches, nous lui avons demandé de prendre collectivement la responsabilité du Fichier Scolaire Coopératif, ce qui est, je crois, accepté),
Le même esprit va nous pousser pour l'organisation départementale.
Nous demanderons à nos adhérents de se grouper sur les mêmes bases pour régler à peu près souverainement leurs propres affaires.
Ils constitueront une filiale départementale de la C.E.L. à laquelle il va être donné, par le règlement intérieur, le maximum de liberté de manœuvre, et des moyens financiers. Notre rêve serait même de parvenir à une totale entente avec Sudel à ce point de vue afin qu'il n'y ait pas concurrence, mais aide mutuelle, la filiale de la C.E.L. remplissant ses fonctions de Coopérative, et Sudel celles de maison d'édition et de vente pour les non coopérateurs. Nous en reparlerons.
Mais à côté de cette organisation coopérative, dont vous mesurez l'importance, et qui n'est pas à dédaigner, vous constituerez, vos équipes de travail au sein de l'Institut départemental de l'Ecole Moderne, qui, avec l'appui sans réserve alors du S. N., avec, sans doute, la bienveillance des autorités, et peut- être quelques subventions des pouvoirs publics, prendrait pratiquement en mains toute l'action pédagogique pratique dans le département : équipes et commissions de travail, recherches pédagogiques ou éditions, particulières au département., salle d'exposition et de démonstration possédant tout le matériel coopératif, stages départementaux, visites d'écoles-témoins, stages dans ces écoles, conférences, expositions, etc...
Cet Institut ne serait point supervisé par- l'institut central, mais il y aurait naturellement une interprétation permanente dont on mesure les avantages considérables qu'elle nous vaudra.
C'est un monde que nous remuerons aussi, complexe et divers comme la vie, avec des milliers d'artisans qui seront enfin appelés à s'occuper pratiquement de leurs propres affaires. Nous ne ferons que regrouper les initiatives, encourager les efforts, susciter les bonnes volontés. Notre force sera votre force; notre œuvre sera votre œuvre.
 
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Afin qu’il n'y ait aucun malentendu à l'origine de cette œuvre qui sera à la mesure de vos espoirs et de vos besoins; afin qu'on n'essaye pas de voir dans cette vaste entreprise de regroupement des bonnes volontés une œuvre de division d'une part, de confusion de l'autre, nous allons situer davantage encore notre position.
Nous nous excusons de ce long article ; l'affaire en vaut la peine croyons-nous.
 
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La C.E.L. - L'Imprimerie à l'Ecole - L'Institut Central de l'Ecole Nouvelle - Le Syndicat National des Instituteurs et SUDEL :
Nous éviterons dans ce domaine toute rétrospective superflue pour ne considérer que les positions présentes à prendre et le proche avenir.
Nous rappellerons d'abord notre grand principe : notre but, en œuvrant pour la C.E.L., n'est point de monter à tout prix une grande firme coopérative, mais de servir l'Ecole et ses maîtres.
Une autre organisation au moins a exactement les mêmes buts : le Syndicat National des I., et sa maison d'éditions SUDEL. Il est donc naturel, il est donc normal que, loin de nous concurrencer, nous parvenions à un accord total pour conjuguer nos efforts et nos possibilités. Nous disons bien un accord total et sans réserve.
Un accord loyal donc, qui permettra un aménagement rationnel de nos activités pour le plus grand bénéfice de nos adhérents communs.
Car nos adhérents sont tous membres du S.N. Ils en sont bien souvent des animateurs départementaux et à ce titre ont, comme nous, le double souci légitime des intérêts du S.N. et de la C.E.L.
Qu'on ne voie là aucun semblant de manœuvre quelconque, mais notre désir permanent et renouvelé de nous mettre vraiment et sans réserve au service de l'Ecole et des éducateurs.
D'un premier échange de vue avec la direction de SUDEL, il résulterait que l'entente est possible, et même facile. Mais il nous faudrait pour cela reconsidérer la position commerciale prise, un peu hâtivement à mon avis à l'A.G. de Deuil en décembre dernier, au sujet de la commercialisation de la C.E.L. Nous commercialiserons certes si l'on entend par là donner à la C.E.L., maintenant que nous le pouvons, un fonctionnement parfaitement régulier et indépendant. Cette commercialisation est en voie de réalisation. Mais ce qu'il nous faudrait peut-être reconsidérer, c'est le principe, d'ailleurs pas encore mis en pratique, de la vente aux non- adhérents qui nous hausse au rang de maison de commerce, avec quelques avantages peut-être, mais aussi avec des charges nouvelles considérables et une prise effective à la suspicion de la part d'organismes que nous risquerions de concurrencer.
Je serais personnellement sur ce point de l'avis de Vivès : notre avenir n'est point dans l'hypertrophie commerciale de nos entreprises, mais dans l'organisation méthodique et coopérative des efforts effectifs et pratiques des éducateurs pour la modernisation de notre école.
Je verrais fort bien quant à moi une C.E.L. reprenant sa figure exclusive de Coopérative, réservée à ses seuls adhérents — toujours d'ailleurs plus nombreux; une coopérative concentrant ses efforts et son activité sur les points où elle excelle et non sur l'édition, la diffusion et la vente d'œuvres destinées au public des éducateurs. Et je crois que nous pourrions fort bien parvenir â un accord avec SUDEL sur ces bases : la C.E.L. redevient coopérative exclusivement, ne produisant que pour ses adhérents, ne livrant qu'à ses adhérents. SUDEL s'occuperait au contraire de la diffusion de nos réalisations et de nos éditions à tout le personnel et au public.
Je pense notamment à notre Institut qui, avec ses commissions dynamiques, va mettre au point dans son laboratoire tant d'œuvres nouvelles (Bibliothèque de Travail — Fiches — Livres d'enfants — Films et Disques). Ces œuvres, nous laisserons à SUDEL le soin de les diffuser en sauvegardant naturellement les droits légitimes des auteurs et des adhérents de la C.E.L.
Par cette conjonction de deux des forces les plus décisives pour la rénovation de notre école laïque, nous répondrons, nous en sommes certains, aux vœux de tous les éducateurs. Si nous sommes d'accord sur ces principes, l'accord pour ainsi dire commercial entre deux firmes non capitalistes sera une chose simple et facile. Nous sommes persuadés que les coopérateurs ont tout à gagner à un semblable aménagement de notre activité. Le C.A. de la C.E.L. qui se réunira prochainement, discutera la question.
La même collaboration totale s'organiserait donc sur des bases solides, départementalement, entre S.N. — filiale de la C.E.L. — Commission pédagogique du Syndicat — Institut départemental. Nous jouerions alors pleinement notre rôle de ferment pédagogique avec une résonance qui permettrait les plus grands espoirs.
 
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Notre position vis à vis des Groupes d'Education Nouvelle :
Nous pourrions certes, ne pas en parler, dans l'espoir vain d'éviter toutes critiques. Mais on n'en dirait pas moins que nous avons fait œuvre de division dans les départements en créant des organismes nouveaux susceptibles de concurrencer et de remplacer les Groupes d'Education Nouvelle.
Si, selon le vœu que nous avons si souvent renouvelé et auquel nous avons essayé, avant guerre, de donner corps, les Groupes d'Education Nouvelle avaient pu être créés dans les départements, s'ils étaient devenus les organismes vivaces et actifs dont nous avons besoin ; si nous avions eu, à l'échelle nationale, un Comité à l'image de l'activité départementale, organisant et soutenant cette activité, nous n'aurions certes pas réalisé notre organisation nouvelle : les Groupes départementaux et le G.F.E.N. à Paris auraient rempli le rôle que nous assignons à nos Instituts.
Hélas ! il n'est un secret pour personne que le mouvement d'Education Nouvelle ne parvient pas à démarrer dans les départements. Si ce sont nos adhérents qui le constituent, les autorités le boudent; si ce sont des Inspecteurs ou des délégués parisiens, les Instituteurs ne se sentent pas suffisamment. chez eux et rechignent-à y adhérer. Nous comprenons fort bien ce qu'on désirerait la plupart du temps ; que nous apportions notre travail, nos réalisations, notre dynamisme, mais que nous en laissions à d'autres la paternité. Je l'ai dit dans un précédent article : on nous considérerait bien volontiers comme les aliborons de l'éducation -nouvelle. Je ne suis pas le seul à me cabrer et c'est ce complexe qui explique que le mouvement d'éducation n'arrive pas à mordre dans le personnel enseignant.
Je ne pousserai pas plus loin ma critique. Je sais que nous avons dans le G.F.E.N. de très nombreux amis, qui nous sont loyalement très dévoués. Nous n'avons à nous plaindre de personne en particulier, ni, naturellement, du vénéré Professeur Langevin, ni du Professeur Wallon qui nous ont toujours manifesté sans réserve l'intérêt qu'ils portent à notre mouvement et à nos réalisations, ni de Mlle Flayol qui connaît mes efforts pour essayer de donner au G.F.E.N. une assise départementale, ni de Mme Hauser, ni de M. Gai, ni de personne. Les regrets que j'exprime, ils les expriment eux aussi. Seulement nous ne pouvons pas nous contenter, nous, de regretter; il nous faut marcher de l'avant. Et dans cette marche en avant, on ne s'appuie pas sur des velléités, sur des appels, ni même sur l'activité d'un Comité parisien. C'est l'activité de nos camarades dans nos départements qui est à organiser. Nous l'organisons selon une formule nouvelle de travail pédagogique coopératif qui a fait ses preuves, à même les éducateurs de tous degrés; les 6e nouvelles, les professeurs du technique, du professionnel, du 2e degré, de l'éducation populaire ont leur place de travail dans nos Instituts qui pourront d'ailleurs, s'ils le désirent, plus tard adhérer à un mouvement national d'éducation nouvelle. Nous laissons nos adhérents et les quelques Groupes départementaux d'éducation nouvelle libres de participer comme ils l'entendront, au mouvement d'éducation nouvelle. Nous avons tenu à expliquer sans réticence pourquoi, à cause de l'inexistence du mouvement, dans la plupart, des départements, nous étions obligés d'agir.
Je sais que nous sommes parfois bien gênants avec notre dynamisme et nos exigences. Je l'ai dit récemment : nous n'avons pas pris le chemin de la facilité mais celui de l'action avec toutes les charges et toutes les complications que cette action comporte.
Les éducateurs qui sont conscients de la nécessité pour l'éducation nouvelle de ne pas s'en tenir au verbalisme distant mais de construire à même le peuple, à même les praticiens de l'éducation, nous comprendront et nous apprécieront.
 
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Notre position de Laïcité :
 
Lorsqu'il parle d'éducation, le mouvement catholique joue sur un malentendu regrettable qui tend à donner aux laïques une figure d'oppression en face d'hommes qui réclameraient seulement leur droit de croire, de servir et d'aimer.
Comment ne serais-je pas d'accord avec notre dévoué Abbé Chalsmet lorsqu'il nous écrit : « Arrivera-t-on à faire vraiment du neuf dans la réforme scolaire ? Arrivera-t­-on à laisser les vieilles méthodes de facilité pour faire des hommes libres, pensant par eux- mêmes et sachant examiner par eux- mêmes la valeur de tous les slogans, d'où qu'ils viennent, comme l'utilisation pour le progrès dans la justice et dans l'amour de toutes les découvertes nouvelles. »
Lorsque mon ami Roger, trop exclusivement idéaliste, me représente que le Père Chatelain pense de même, je le crois sans réserve.
C'est le drame de l'avant-garde catholique actuelle, de communier totalement avec nos propres soucis humains et nos buts éducatifs et d'être enchaînée à un cléricalisme dont nous ne pouvons accepter le comportement social et politique. Ce que nous critiquons, ce n'est pas la pensée catholique, mais la pratique cléricale ; c'est cette armée de religieux et de religieuses qui, dans tant de départements français ne reculent devant aucune manœuvre pour endoctriner les enfants dans des écoles primaires privées qui se videraient toutes demain si cessait totalement la pression multiforme qui enfle leur recrutement.
Les bons catholiques parlent libération dans la justice et dans l'amour; nous sommes, hélas, contraint de considérer la pratique d'injustice et de haine qui, avec l'appui des hobereaux, des propriétaires terriens, de la bourgeoisie — qu’elle soit de race ou non — tente de lutter par tous les moyens contre une école laïque qui n'est pas sans défaut, certes, mais où l'on s'efforce du moins, incontestablement, de faire des hommes libres.
Et je pense aux maisons d'enfants où sévissent encore des monitrices formées à l'idéologie catholico vichyssoise qui, avec un prosélytisme digne d'une meilleure utilisation, dressent les enfants à l'abêtissement et à l'humiliation.
De telles écoles peuvent parler d'éducation nouvelle. J'ai peut-être tort, mais je ne puis m'abstenir de considérer leur drapeau comme un paravent. Je sais comment Mme Montessori avait aménagé sa méthode pour la préparation d'un autel selon les procédés d'activité; j'ai vu avant guerre comment les écoles catholiques belges avaient plié nos techniques et même l'imprimerie à l'Ecole, à une formation que nous ne saurions approuver.
Nous sommes plus exigeants. Quand nous disons libération de l'enfant pour la libération de l'homme, ce ne sont pas des paroles sans application pratique que nous formulons; c'est toute notre vie, c'est tout notre idéal qui sont engagés dans ce vœu.
C'est la méconnaissance de cette réalité du cléricalisme français face à notre laïcité constructive qui vaut à Ad. Ferrière une erreur tactique que nous lui avons signalée.
Nous avons toujours rendu au père de l'école active l'hommage qu'il mérite, mais nous nous sommes toujours étonnés que ses préférences en France soient allées aux mouvements catholiques et bourgeois et il faut voir là sans doute une des causes pour lesquelles la masse des éducateurs français connaît davantage Decroly par exemple que Ferrière.
Avant la guerre, Ferrière apportait sa collaboration à l'Education de Berthier.Il suffit maintenant que se lance l'Ecole Nouvelle Française, pour que Ferrière reprenne le contact avec les éducateurs français.
Ad. Ferrière dit : « L'Ecole Nouvelle Française est neutre... Si des gens ont des convictions, ils n'y peuvent rien; leurs efforts pour perfectionner leurs méthodes sont louables.»
Nous nous sommes déjà expliqués là-dessus dans un précédent N° : Si l'Ecole Nouvelle Française a cru devoir lancer ses premiers N°, c'est que ni l'Ecole Libératrice, ni l'Educateur ne répondent à ses besoins, et donc qu'elle n'est pas neutre ; que si même elle prétendait être neutre, nous ne sommes pas niais au point de voir qu'elle sera le centre de regroupement de toute la réaction cléricale. A la veille des élections municipales de l'an dernier, un bon camarade M.R.P., combattant du maquis, avec qui nous avions travaillé en parfaite cordialité pendant des mois, ne savait trop que répondre quand je lui disais : Mais toute la réaction va voter pour vous !
— Que veux-tu que nous y fassions, acceptait-il !
Je ne pense pas ainsi et je serais bien inquiet sur la tendance sociale de notre mouvement d'éducation si nous le voyions soutenu par les ennemis mêmes de ceux pour qui nous voulons travailler.
Ad. Ferrière dit encore : « L'aile gauche du M.R.P. est nettement pour les méthodes actives ». Et encore, nous ferions bien quelques réserves.
« 1/3 de la France est M.R.P. », proteste encore Ferrière ». Mais l'aile gauche du 1/3 de la France, cela ne fait qu'une bien petite partie de l'aile marchante des éducateurs français et je regrette personnellement que Ferrière ait choisi cette minorité et boudé l'aile constructive qui est constituée par les 9/10 du personnel enseignant.
Nous ne discutons pas là d'idéologie, ni de catholicisme, mais de pratique éducative, Nous n'épuiserons certes pas le sujet. Mais qu'Ad. Perrière lise l' « Ecole Libératrice », qu'il lise les bulletins syndicaux de l'Ouest et du Centre de la France; il se rendra compte alors que l'Eglise n'a pas chez nous la figure qu'elle garde peut-être encore en Suisse et que c'est cette déviation cléricale antichrétienne qui suscite la légitime défense de ceux qui veulent sans réserve la libération du peuple.
 Pour un tel combat, il faut bien que nous tâchions de reconnaître nos véritables amis et de démasquer s'il le faut des groupements ou des revues qui risquent de tromper des éducateurs idéalistes de bonne foi qui se refusent à placer le problème de l'éducation sur les bases solides du matérialisme pédagogique et social et de la vie.
On nous a dit ; Mais Roger, un de vos plus anciens adhérents; fait bien partie du Comité de Patronage de l'Ecole Nouvelle Française, comment voulez-vous que Ferrière ne s'y trompe pas !
Nous n'avons pas manqué de tenir à Roger ce même raisonnement qui avait semblé, un instant, le convaincre.
Mais Roger n'est pas Ferrière. Et Roger ne représente pas notre mouvement d'éducation nouvelle dont il est seulement un élément sincère et actif que nous espérons bien voir retourner sans réserve dans nos rangs.
Ce que nous disons là de Ferrière ne diminue en rien la reconnaissance effective que nous devons au pionnier de l'éducation nouvelle, au chercheur, à l'homme, à l'ami. Nous croyons seulement qu'il se trompe sur l'orientation véritable de l'éducation française et nous le lui disons. Mais nous n'en oublions point pour cela ni notre lutte commune pendant vingt ans pour le triomphe de principes dont il nous a révélé le dynamisme, ni les efforts courageux qu'il n'a pas ménagés pendant ces dures années de lutte pour essayer d'atténuer dans la mesure du possible les rigueurs de la réaction vichyssoise ou nazie qui frappait les enfants et les hommes.
Un tel idéalisme mérite une autre audience que celle d'éducateurs limités par leurs doctrines et leurs traditions dans l'œuvre de libération pour laquelle a tant lutté et lutte encore Ad. Ferrière.
 
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Notre position vis à vis de l'Administration en général, des Inspecteurs primaires et Professeurs en particulier
 
« L'administration, — faisait remarquer tout récemment un Inspecteur d'Académie en me présentant dans une conférence, — vole toujours au secours de la victoire ».
Puisque l'administration vient à nous aujourd’hui, c'est que nous avons remporté une première manche. Pourquoi en serions- nous marris?
Nous n'avons aucune raison d'être ni contre l'administration, ni contre ses représentants. Lorsque ceux-ci reconnaissent l'utilité, la nécessité de nos efforts, le désintéressement et la sincérité de nos recherches, pourquoi ne joindrions-nous pas sans réserve nos efforts aux leurs ? Il ne nous déplaît nullement de voir telle de nos initiatives soutenue ou recommandée par les officiels, par des Directeurs d'Ecoles Normales et des Inspecteurs. Au contraire. Pourquoi, dans nos commissions de travail, et, demain, dans notre Institut, les Inspecteurs Primaires notamment qui sont directement, mêlés à toute notre activité, ne seraient-ils pas à côté de nous, sans réserve ?
Seulement nous insistons sur l'esprit nouveau qui préside et présidera à cette « collaboration ».
Le syndicalisme a libéré administrativement les Instituteurs. Lorsque le Secrétaire syndical s'en va à l'Académie remplir sa fonction de défense des intérêts des Instituteurs, il n'a plus une position mineure. Il parle et il traite d'égal à égal avec les représentants de l'autorité, ce qui n'exclue pas forcément le respect et la déférence. Quand nous discuterons, soit en classe, soit à la C.E.L. ou à l'Institut, nous serons, nous aussi, définitivement débarrassés de ce complexe d'infériorité qui a marqué la période aujourd'hui révolue de l'omnipotence des Inspecteurs. Nous discuterons d'égal à égal, chacun avec notre connaissance et nos expériences, les Inspecteurs apportant les leurs, nous, faisant valoir sans cesse les droits définitifs de l'expérience et .de la réalisation.
Il n'y a d'ailleurs pas deux façons de coopérer. Si des Inspecteurs prétendent organiser un groupe d'étude ou même un groupe d'éducation nouvelle et si, dans ces groupes, ils restent les chefs qui, moralement tout au moins, imposent leurs points de vue, il n'y aura aucun travail effectif parce que vous réaliserez seulement les conditions de l'ancienne école où le maître commande -et fait appel en vain à l'initiative et à l'intérêt de ses élèves. C'est parce que cette libération effective n'est pas réalisée que les initiatives les plus hardies parfois de l'administration ne parviennent pas à être un travail de masse. C'est parce que cette libération est réalisée chez nous, que les Instituteurs quels qu'ils soient peuvent librement s'exprimer, critiquer, désapprouver, suggérer que nous avons afflux, croissance, enthousiasme et dévouement.
Alors, nous le disons franchement à MM. les Inspecteurs qui se disent partisans de l'éducation nouvelle: nous ne travaillerons intimement avec vous que dans la mesure où vous aurez réalisé, dans vos rapports professionnels avec les Instituteurs cette même révolution pédagogique que nous avons réalisée dans nos classes, que si vous n'êtes plus les chefs autoritaires, mais les collaborateurs, les aides, les guides; si vous ne venez pas seulement dans nos classes ou dans nos réunions pour nous critiquer, nous jauger et nous juger, mais pour nous aider techniquement à mieux faire comme nous en avons le désir,
SI vous n'avez pas réalisé cette révolution indispensable dans votre comportement, vous aurez notre obéissance polie - et encore souvent n'obéirons-nous, comme les élèves, que du bout des lèvres — vous n'aurez pas cette adhésion enthousiaste et sans réserve qui, seule, soulève les montagnes.
Mais si vous parveniez â opérer ce redressement pédagogique, comme nous avons opéré le nôtre, alors quelle victoire, et que de choses nous pourrions réaliser en commun ! Vous seriez le trait d'union pédagogique entre les instituteurs, l'accoucheur de leurs idées, le conseiller dont on souhaite la venue ; les Instituteurs vous demanderaient comme nos enfants sollicitent nos conseils éclairés et l'appoint de nos connaissances techniques. Seulement, vous saurez aussi ne pas vous enorgueillir, seuls, des réalisations obtenues, vous saurez vous intégrer à la masse au sein de laquelle vous agirez comme ferment.
Ne craignez ni pour votre autorité ni pour votre prestige. Nous rassurons de même les éducateurs au seuil de nos méthodes. L'époque de l'autorité extérieure sans fondement intime est bien révolue. Vous avez, comme nous, abandonné chapeau melon, redingote et manchettes. Vous arrivez tout suant à bicyclette et vous quittez votre veste; ou bien vous êtes, comme nous en été, en simple chemise Lacoste. Cela vous aurait déshonorés autrefois. Encore un tout petit sacrifice et vous serez dans votre rôle véritable dont nous appelons de tous nos vœux l'avènement.
Si je me permets de donner des «conseils» à MM. les Inspecteurs qui sont nos amis, c'est parce que j'ai l'expérience de nombreuses collaborations qui, sur ces bases, ont, dans bien des circonscriptions, donné leur plein effet.
Il est anormal, illogique et irrationnel que l'école moderne s'édifie sans la participation totale et éclairée du corps des Inspecteurs; comme il était anormal, illogique et irrationnel que, jusqu'à ce jour, Inspecteurs et Directeurs d'Ecole aient le monopole effectif de l'orientation pédagogique. Les Inspecteurs Primaires et les Directeurs d'Ecole ont leur place éminente chez nous; leur absence ferait un vide regrettable que nous avons intérêt à combler au plus tôt.
Il y a du travail pour eux aussi : plus que pour d'autres encore, puisque ils ont une autre expérience et d'autres responsabilités. Nos revues leur sont ouvertes au même titre qu'à tous les autres travailleurs. Ils participeront au travail de nos commissions; ils seront dans nos Congrès — et ils n'y seront pas les premiers d'ailleurs ! Ils n'y seront ni en sous-ordres, ni en chefs. Ils y prendront comme nous tous la place que leur vaudront leurs compétences, leur compréhension et leur dévouement.
Vous penserez peut-être : « Ah ! s'il n'y avait pas ce Freinet... S'il y avait à la tête du mouvement quelque secondaire, quelque professeur, quelque intellectuel décoratif ! »

 

Tranquillisez-vous ! Freinet n'est point le chef mais un ouvrier de la grande œuvre pédagogique parmi les autres ouvriers. Une ère nouvelle est commencée ; n'attendez pas qu'elle vous impose ses lois, Prenez hardiment mais résolument votre place !
Vous êtes actuellement en France des centaines d Inspecteurs Primaires compréhensifs et d'avant-garde. Il vous suffit de faire encore un pas. Nous en ferons dix, nous, et nous nous rencontrerons, non pas pour quelque révérence académique, mais pour nous serrer loyalement la main et nous mettre au travail.
Vous saurez alors montrer aux Instituteurs qui attendent votre geste, à la masse des éducateurs et aux parents eux-mêmes, ce que vous êtes capables de réaliser, avec les Instituteurs sur lesquels vous pourrez alors compter à 100%.
Et si certains Inspecteurs ne comprennent pas; s'ils ne tolèrent que du bout des lèvres nos innovations pédagogiques; s'ils prétendent parfois même nous les interdire !
Là, nous voudrions rappeler à nos camarades qu'ils ont malgré tout entre les mains des éléments de défense et qu'il s'agira de voir alors lequel des deux, de l'Inspecteur ou de l'Instituteur, respecte l'esprit des Instructions ministérielles.
Les Instituteurs se sont organisés pour leur défense administrative, El tout le monde trouve aujourd'hui cela normal. Pourquoi ne s'organiseraient-ils pas de même pour leur défense pédagogique ?
Notre Institut sera dans ce domaine le pendant du Syndicat pour ce qui concerne la défense administrative et professionnelle.
Nous nous référerons donc, de plus en plus, aux Instructions ministérielles auxquelles nous tâcherons de nous conformer mieux que les éducateurs qui n'ont pas encore franchi le cap de la routine. Et nous saurons faire prévaloir nos points de vue officiels.
 
Notre charte pédagogique : les Instructions ministérielles
 
Nuls novateurs ne sont, plus réalistes que nous. Par force. Nos méthodes n'ont pas pris naissance dans quelque serre chaude à, l'écart de la vie, mais dans les écoles primaires ordinaires, soumises à toutes les contingences des écoles primaires. Nous avons du tenir le plus grand compte; toujours, des programmes officiels, des examens, des parents aussi. Les assauts ne nous ont pas manqué, et si après les événements de Saint- Paul — qu'il ne sera peut-être pas inutile de rappeler un jour aux jeunes qui viennent à nous — notre mouvement n'a fait que continuer de plus belle, c'est qu'il était déjà encastré dans la technique scolaire, dans les programmes et dans les horaires et qu'on n'a pu trouver aucun argument décisif pour condamner l'imprimerie à l’Ecole ni les méthodes d'éducation nouvelle.
C'est ce travail d'intégration que nous voudrions poursuivre pour donner à nos camarades assurance et sécurité d'abord, et pour leur présenter ensuite des arguments officiels pour leur défense en cas de critiques injustes d'administrateurs qui ne respecteraient pas, eux, les instructions officielles.
Ces instructions, en effet, ne sont pas une arme à un seul tranchant, le tranchant administratif. Les administrés ont le droit et le devoir de s'y référer et de les appliquer.
A ce point, de vue, il ne sera peut-être pas inutile que nous reprenions un jour la série des Instructions officielles depuis celles, mémorables, de 1923 et d'en mettre en valeur les points essentiels que seules nos techniques permettent d'appliquer. Nous aurons là, dans cet effort méthodique d'adaptation qui honore l'éducation nationale française, la charte même de notre école moderne.
Nous allons donc reprendre ici les « Instructions relatives à l'application des nouveaux programmes de l'enseignement primaire. (Circulaire du 7 décembre 1945).
Nous en ferons suivre les principaux paragraphes d'annotations justifiant les diverses pièces de nos réalisations pédagogiques. — (Nous mettrons en italique nos observations.)
Des modifications assez importantes viennent d'être apportées aux horaires et aux programmes des cours destinés aux enfants de six à douze ans. Elles ont un double but : 1° rendre à notre enseignement primaire sa simplicité et son efficacité anciennes en ce qui concerne l'acquisition des mécanismes fondamentaux.
Cette acquisition, nous t'avons marqué bien des fois, est indispensable. Nous voulons non seulement la rationaliser pour la rendre plus rapide, mais surtout l'asseoir psychologiquement de façon qu'elle soit intégrée à l'être et donc définitive. Nous croyons seulement que les rédacteurs des Instructions se trompent quand ils pensent obtenir cette rapidité et celte efficacité par un retour à des techniques dépassées. C’est vers l'avenir qu'il faut se tourner, cl c'est ce que nous réalisons par l'expression libre, la correspondance, la conférence, les fiches, les fiches autocorrectives, le disque.
2° de fonder davantage sur les faits, sur l'observation personnelle, afin de donner à la jeunesse française le « grand bain de réalisme » dont elle a besoin.
Une telle recommandation pourrait servir de fronton à notre édifice. Sur de tels fondements, il faut une technique. Nous en offrons une, basée sur un matériel et une longue et multiple et probante expérience.
HORAIRES : L'horaire hebdomadaire de chaque cours devra être rigoureusement suivi. Par contre, sauf pour la morale, le partage du temps accordé à chaque matière est laissé au soin du maître; ce partage est lié en effet, à l'organisation de la classe et aux méthodes employées.
Nous ne pouvons pas demander conseil plus compréhensif et plus judicieux. Voilà qui va faciliter à cent pour cent notre pratique de plans de travail hebdomadaires au service de notre complexe d'intérêts.
Les horaires hebdomadaires doivent être respectés car il arriverait sans cela, avec la meilleure bonne foi, que certaines matières risquent d'être délaissées, selon les goûts ou les tendances de l'éducateur et des élèves. Mais nous aménagerons notre horaire hebdomadaire. Il nous est loisible, dès lors, d'appliquer intégralement notre méthode avec texte libre, mise au point, tirage, correspondance, travail d'équipe, travail libre, comptes rendus et conférences.
Nous avons sur ce point totale satisfaction.
.Vous aimerions que les camarades qui travaillent plus ou moins totalement selon nos techniques nous donnent ainsi des modèles d'emplois du temps ou de plans de travail hebdomadaires et journaliers conformément aux I .M.
PROGRAMMES : La réforme porte essentiellement sur l’enseignement de l'histoire, de la géographie, du calcul et des leçons de choses. Sans aucun doute, ces enseignements ont pour but de donner aux élèves des connaissances utiles. Mais plus encore, ils doivent leur faire acquérir de bonnes habitudes intellectuelles et les protéger contre le verbalisme qui est un fléau.
Nous nous félicitons sans réserve de cette affirmation. Nous mettons au point la technique de travail qui nous délivrera de ce fléau.
Trop souvent, les leçons de choses se réduisent à l'étude d'un manuel ou d'un résumé; les élèves n'en retiennent que des mots pour eux vides de sens.
Il est donc demandé aux maîtres qui donnent encore un enseignement livresque, de le rendre concret.
On ne peut pas répéter plus clairement notre mot d'ordre de toujours : « Plus de manuel scolaire ! » Seulement, ce que les instructions ne nous disent pas, c'est comment remplacer pratiquement cet enseignement livresque. Nous offrons une solution qui a pour elle l'épreuve de l’expérience. On peut en discuter la valeur, qui, nous ne l'avons jamais caché, est fonction du matériel que nous aurons réalisé et de la mise au point technique indispensable. Nous ne prétendons pas détenir une solution définitive. Au contraire : prenant acte de cette affirmation des I.M., nous allons, au sein de nos instituts, parfaire l'aménagement de la technique nouvelle débarrassée de l'enseignement livresque.
Le livre de leçons de choses est inutile pour l'élève. Tout au plus peut-il servir au maître en lui donnant des modèles pour la préparation des leçons simples, concrètes, adaptées aux saisons et à la vie locale. Cette préparation exigera des instituteurs au moins au début, un travail personnel important, ne serait-ce que pour rassembler, avec l'aide des élèves, le matériel nécessaire à l'observation individuelle. Mais ce travail sera d'un tel rendement que, sans nul doute, ils trouveront plaisir à le faire.
Adhérez à la Coopérative, achetez ses réalisations, fruit de l'expérience de milliers d'instituteurs qui ont précédé et préparé les observations ministérielles ; ne perdez pas votre temps à des tâtonnements individuels qui risquent de Vous décourager. Au sein de notre Institut, nous allons tous ensemble mettre au point cette Encyclopédie Scolaire Coopérative dont les I.M, ont défini l'esprit et la nécessité.
La Physique et la Chimie, en tant que sciences « liées », cohérentes, ne sont pas du domaine de l'école primaire.
Justification éloquente de l'étude complexe, à même l'intérêt et la vie, des questions suscitées par le texte libre, les questions d'enfants et les échanges.
GÉOGRAPHIE : Observation attentive du milieu local, de gravures, de photographies, de modèles réduits d'îles, de caps... — observation régulière pendant toute l'année, de phénomènes tombant immédiatement sous les sens : marche du soleil, rythme des saisons, indices des changements du temps... — Au cours moyen, regrouper les observations éparses faites au C.E. et familiariser l'enfant avec la région qu'il habite.
Voilà le problème posé.
Comment le résoudre ? Nous vous apportons encore une fois des solutions immédiatement pratiques que nous allons parfaire, au sein de l'Institut, au cours des mois et des années à venir, motivation de l'étude du milieu par l'expression libre et la correspondance interscolaire, journal scolaire. Fichier scolaire coopératif, conférences, Encyclopédie scolaire coopérative.
Que ceux qui ont d'autres solutions à présenter pour l'application pratique des I.M. se fassent connaître. Tous ensemble nous améliorerons encore nos conditions de travail.
HISTOIRE: Depuis 1887, l'enseignement élémentaire de l'Histoire a pris peu à peu une forme savante, abstraite; de plus en plus, il s'est encombré de termes techniques, dont les élèves ne comprennent pas le sens. Aussi donne-t-il souvent de maigres résultats.
Il a semblé qu'il y aurait avantage à le rendre moins ambitieux et à le rattacher, autant que possible, â l'histoire locale, si riche et si variée en France; car ainsi l'enfant pourrait prendre contact avec la réalité historique... Il n'y aura plus d'enseignement suivi de l'Histoire.
Ce qui signifie, dans ce domaine aussi : Plus de manuel scolaire, plus de savante leçon ex-cathedra. Nous cous apportons une solution pour laquelle il ne nous reste qu'à enrichir le matériel de base : prospection locale par l'Imprimerie à l'Ecole, Echanges interscolaires, Fichiers, Bibliothèque de Travail, Films.
CALCUL et SYSTEME METRIQUE : Partout l'opération manuelle doit précéder l'opération arithmétique; l'expression du langage courant doit précéder l'expression du langage mathématique. C'est sur des faits qu'il faut appuyer — et nous ajouterons, c'est à des faits qu'il faut appliquer — les calculs, les idées.
Qu'on relise notre livre L'Ecole Moderne Française et l'on verra. pour cette discipline encore, dans quelle mesure nous apportons des solutions pratiques aux vœux des I.M.
 
***
 
Nous n'avons plus à torturer les textes pour nous les rendre favorables. Ce sont ceux qui ne voudront pas y lire la justification de leurs pratiques qui essayeront d'ergoter, en violant l'esprit, qui a animé ces recommandations dont la libéralité et la mesure sont bien dans la tradition des I. M. qui les ont précédées.
A nous de faire respecter ces Instructions.
Administrativement, syndicalement, les Instituteurs ont des droits, qu'ils ont conquis de haute lutte, par le dévouement et le sacrifice des meilleurs d'entre eux. Ces droits ils les défendent aujourd'hui farouchement.
Les Instructions ministérielles sont notre charte pédagogique et professionnelle. Nous devons en défendre et la lettre et l'esprit contre les chefs qui voudraient les méconnaître et les négliger.
Camarades Instituteurs, nos techniques ne sont plus aujourd'hui des pratiques plus ou moins aventureuses et osées, qu'on emploie plus ou moins aventureuses et osées, qu'on emploie plus ou moins clandestinement et que seuls tolèrent les Inspecteurs avancés. Elles sont la réponse professionnelle la plus poussée qui existe actuellement en France, pour rendre effectives les recommandations ministérielles. Vous devez vous y engager ouvertement, défendre vos positions s'il le faut. Que ceux qui critiquent nos réalisations nous offrent un outil plus parfait, nous l'adopterons d'enthousiasme. Mais qu'ils n'essayent pas de nous retenir davantage dans des pratiques qui sont aujourd'hui officiellement condamnées.
Nous mènerons ouvertement cette défense pédagogique, qui fait partie intégrante de notre défense laïque, pour la réalisation pratique des conseils officiels qui nous sont donnés.
Nous répétons encore une fois, pour que nul n'en ignore, que nous ne présentons point de méthode définitive, figée ou brevetée. Nous apportons du matériel réalisé coopérativement et qui permet de travailler pratiquement dans l'esprit des I. M. Mais nous ne nous faisons aucune illusion :
Presque tout reste encore à faire. Les résultats acquis jusqu'à présent vous sont un garant de la valeur de la méthode de travail préconisée et pour laquelle nous mobiliserons au sein de notre Institut toutes les bonnes volontés.
D'autres vous donneront des conseils, voue accableront de théories scientifiques, vous donneront des références intellectuelles en vous citant de grands noms.
Mais nous savons que vous viendrez à nous parce que nous vous apportons plus que cela, que nous vous offrons des possibilités pratiques, des réalisations effectives et efficaces. Et nous savons que, comme le paysan qui hausse sceptiquement les épaules aux discours, vous nous regarderez labourer, ferme et droit, vous apprécierez les moissons qui lèvent, vous jaugerez le grain récolté et comme dans ce domaine, nous savons l'épreuve décisive, nous vous attendons à l'ouvrage.
Nous n'essayerons pas de réfuter ici toutes les petites médisances, qui vont parfois jusqu'à la calomnie, qui essayent de nous atteindre. Dites-vous bien que qui attaque un mouvement comme le nôtre, vous attaque indirectement. Mettez-vous sur la, défensive, informez-vous et agissez.
 
***
 
Quels hommes voulons-nous préparer ?
Une abonnée des Htes-Alpes nous écrit :
« Je lis dans « Noir et Noir » (Educateur N° 6-7) une question d'un camarade ;
« Et d'abord quels hommes ?... Il ne s'agit pas que nous fassions des hommes fermés aux choses de l'Esprit... Ce camarade est inquiet... et je suis de son avis.
Une réponse, M. Freinet, un éclaircissement, J'aimerais connaître vos raisons. »
Ce que nous venons de dire, en accord total avec les récentes I. M., devrait suffire à apporter la réponse désirée. Quels hommes ? Mais les hommes que, depuis cinquante ans, l'Ecole laïque française aurait l'ambition de former, conformément à notre grande tradition humaniste, démocratique et républicaine; des hommes capables de vivre librement dans te pays des droits de l'homme et du citoyen.
Pourquoi suppose-t-on que ces hommes risqueraient d'être fermés aux choses de l'Esprit ? Nos I.M. n'ont-elles pas toujours manifesté à ce sujet leurs préoccupations essentielles d'instruction et d’éducation ?"
Ou bien faut-il deviner dans l'inquiétude de ces camarades une préoccupation non exprimée d'Esprit religieux ? Redoute-t-on une tendance trop matérialiste de notre enseignement ? Nous aimerions qu'on le dise ouvertement.
Nous savons les ravages de l'esprit vichyssois sur un certain nombre d'éducateurs « inquiets », et à quel point on déforme des conceptions matérialistes qui, loin de méconnaître et de brider l'esprit, en préparent le rationnel épanouissement.
L'esprit n'est point une flamme surnaturelle, indépendante des conditions individuelles et sociales et qui se cultiverait comme une fleur merveilleuse qu'une main sur humaine viendrait piquer sur les vies au hasard des destins. Nous sommes rationalistes, c'est-à-dire que nous ne croyons pas à cette force surnaturelle mais que nous faisons confiance à l'intelligence de l'homme qui, par un long et patient tâtonnement scientifique, parvient à cette culture éminente dont s'honorent tant de savants, tant, de penseurs, tant d'éducateurs qui ne se sont point satisfaits des croyances des églises quelles qu'elles soient.
Par le cheminement dont nos techniques sont comme un prototype, l’enfant monte lentement mais sûrement de la vie végétative à la culture intellectuelle et à la conception spirituelle de la vie individuelle et sociale,
Nous aurions lamentablement échoué si nous n'atteignions pas à ce résultat. Mais ceux qui échouent ce sont plutôt ceux qui, ayant perdu toute confiance en la vie, en sont réduits à plaquer sur les destinées humaines des enseignements et des croyances qui ne sont que des mots ou tout au plus des systèmes mal intégrés aux personnalités vivantes.
Que sera cet esprit ?
Nous n'avons pas la prétention, comme les spiritualités, de définir d'avance cet esprit, ce qui signifierait que nous serions déterminés à l'imposer aux dépens du libre arbitre. Nous prenons l'enfant, nous organisons au mieux sa vie végétative et l'ambiance sociale qui aura sur son comportement une influence si décisive, nous satisfaisons au maximum sa curiosité el sa soif de connaissances, nous lui présentons de bons modèles et surtout nous lui donnons l'expérience de la vie dans un milieu de création et de travail. L'Esprit, avec un grand E. sera l'aboutissement normal de ce complet effort, éducatif. Nos enfants seront en mesure de remplir dignement leur destinée d'hommes, dans toute leur acception et sans aucune réserve. Ils ne seront pas des « fidèles » d'une religion ou d'une mystique quelles qu'elles soient mais des hommes capables de réfléchir, de créer, el de travailler, capables de vivre avec une éminente dignité leur destinée d'hommes capables de souffrir et de mourir pour un idéal dont les croyants eux-mêmes reconnaissent et admirent la suprême générosité.
Je sens, non exprimée, une suspicion que nous préférons, nous, attaquer de front : et le bourrage socialiste ou communiste, chez vous ou en URSS, cet endoctrinement qu'on suppose à la base d'une mystique, le pratiquez-vous st l'approuvez-vous, nous dit on ?
Nous Citerons, pour terminer, l'opinion autorisée en la matière de Lénine lui-même, opinion que ne sauraient qu'approuver les rationalistes que nous sommes, quelles que soient par ailleurs nos libres opinions politiques.
« Un des plus grands maux, une des plus grandes calamités qui nous reste de la vieille société capitaliste, c'est le divorce complet du livre et de la pratique vivante, car nous avons eu des livres tout était écrit pour le mieux, et ces livres ne représentaient le plus souvent que le mensonge hypocrite le plus écœurant et nous donnaient une idée fausse de la société communiste. Aussi la, simple assimilation livresque de ce qui est dit, dans les livres sur le communisme serait- elle au plus haut point erronée... Sans travail, sans lutte, la connaissance, livresque du communisme, précisée dans les brochures et les œuvres communistes ne vaudrait absolument rien, car elle ne ferait que continuer l'ancien divorce entre la théorie et la pratique qui était le trait le plus écœurant de la vieille société bourgeoise...
...Nous n'avons pas besoin qu'on apprenne, par cœur; nous avons besoin de développer et de perfectionner la mémoire de l'élève par la connaissance des faits essentiels, car le communisme deviendra un mot vide, une enseigne superflue, et le communiste ne sera qu'un simple fanfaron, si son esprit n'a pas retravaillé toutes les connaissances acquises Vous ne devez pas seulement les assimiler, mais les assimiler avec un sens critique, pour ne pas encombrer votre cerveau d'un fatras inutile, mais l'enrichir par les connaissances indispensables à l'instruction de l'homme moderne. Le communiste qui se flatterait de professer le communisme à l'aide de notions reçues toutes faites, sans accomplir un grand travail, extrêmement difficile et sérieux, sans se retrouver parmi les faits qu'il est tenu de considérer avec un sens critique, serait, un triste communiste. Cette mentalité superficielle nous serait vraiment néfaste. Si je sais que je sais peu de choses, j'arriverai à apprendre davantage. »
Et, pour terminer, voici la leçon d'éducation nouvelle que donnait, dès 1920, Lénine au IIIe Congrès des Jeunesses Communistes :
« Tout en condamnant l'ancienne école, en nourrissant à son égard une haine tout à fait légitime et nécessaire, tout en appréciant ce désir de la détruire, nous devons comprendre que nous avons à substituer aux anciennes études, à l'ancien enseignement par cœur, l'aptitude à prendre la somme des connaissances humaines et à la prendre de manière que le communisme ne soit pas chez vous quelque chose d'appris mécaniquement, mais le fruit même de votre pensée,  la conclusion inévitable de l'enseignement moderne. »

 

 

Les écoles à deux classes "en ville"

Février 1946

 

Cinéma scolaire et post-scolaire

Février 1946

 

L'Esperanto à l'école

Février 1946

 

Petit avertissement

Février 1946

 

La lecture au CP dans une école de ville

Février 1946

 

Stage de l'Imprimerie à l'Ecole ET DES TECHNIQUES DE LA C,E.L.

Février 1946

 

Pipeaux

Février 1946

 

Pour notre Encyclopédie

Février 1946

 

A bas les Manuels scolaires !

Février 1946

 

Commission des 6e nouvelles

Février 1946

 

Questions et réponses

Février 1946