Pour un enseignement mathématique efficient, vers les mathématiques modernes

Mars 1966

L'un des thèmes du Congrès de Perpignan
Pour
un enseignement mathématique efficient, vers les mathématiques modernes

par C. Freinet

Nous avons depuis plusieurs années, résolu, selon notre pédagogie, le problème de l’enseignement de la langue qui était malgré tout essentiel, celui de l’enseignement de l'histoire, de la géographie et des sciences, que nous allons parfaire par la prochaine édition des bandes concernant ces disciplines. Nous avons montré la souveraine efficience de l'expression libre pour l'enseignement artistique.

Il manque à notre pédagogie une méthode d'enseignement mathématique. Non pas que nous n’ayons pas fait des expériences et des essais de valeur, notamment par le calcul vivant. Mais dans ce domaine, notre méthode est encore très contestée, ce qui n'est pas étonnant dans une discipline en pleine évolution où les théories elles-mêmes sont profondément remises en question.

Nous distinguerons plus particulièrement trois pistes, parmi lesquelles nous n'avons pas encore fait de choix définitif, la solution souhaitable étant sans doute une synthèse de ces trois tentatives : le matériel Cuisenaire, le calcul vivant et les mathématiques modernes.

LE MATERIEL CUISENAIRE D'ABORD

Il s'est répandu à une allure foudroyante en Belgique, pays d'origine, en Suisse, dans le Nord de la France, au Canada et dans divers pays du monde.

Un tel succès ne peut pas être seulement un succès de propagande. Les réglettes Cuisenaire comportent certainement des avantages non négligeables. Mais leur succès vient malheureusement davantage, je crois, des facilités de scolastisation qu'elles comportent : on comptait autrefois des bûchettes ou des marrons, voilà qu’on peut y substituer maintenant des réglettes qui arrivent avec un prestige pédagogique qui donne bonne conscience à ceux qui les utilisent, On achète une boîte de réglettes Cuisenaire pour chaque élève — et on mesure la dépense que cela constitue — et, avec elles on fait les plus traditionnelles des leçons de calcul. Nous pourrions apporter des témoignages d'abêtissement par ces pratiques.

Autrement dit : il y a un emploi du matériel Cuisenaire qui va dans le sens que nous souhaitons de la culture du sens mathématique, et nous le recommandons. Et puis il y a l'utilisation qui se fait en fonction des vieilles techniques et à leur service exclusif. Le moins qu'on puisse dire alors, c'est que les réglettes ainsi employées ne sont pas un élément de progrès.

C’est d’ailleurs Cuisenaire lui-même, Gattegno, le diffuseur, el Madeleine Goutard la théoricienne, qui le disent. Voilà d'abord ce qu’écrit Le Bohec après méditation du livre de Madeleine Goutard (1) :

A la fin de l’été, j'ai eu, par chance, ce livre entre les mains. J’estime que c’est une chance parce qu’il m'a permis de démarrer l'année scolaire avec un courage tout neuf. Tout n'y est pas parfait, bien sûr. Mais, il comporte de très nombreux aspects positifs à côté d’aspects négatifs aussi intéressants, sinon plus, parce qu'ils peuvent nous permettre de mieux comprendre notre position.

On aura compris, naturellement, que je défends cet ouvrage parce qu’il apporte de l'eau à mon moulin. En effet, toutes ces dernières années, j'ai essayé d’insinuer dans les stages et les congrès, ait moyen de bandes magnétiques, l'idée suivante :

« On peut commencer très tôt la formation mathématique de l’enfant ».

Mais maintenant, quel bonheur! Je ne suis pas seul dans l'erreur. Et je vais pouvoir être rilax et contempler du profond de mon fauteuil tous ces camarades qui vont se mettre en marche. Car, ça y est, la démonstration est faite, et bien faite. Et elle m'apparaît irréfutable. La deuxième source de mon plaisir, c'est que je vois mise en action, maintenant sur une assez grande échelle, l'idée que Freinet commença à mettre en pratique, il y a quarante ans : il faut faire la révolution copernicienne, il faut partir de l'enfant.

Madeleine Goutard l'écrit d'ailleurs en toutes lettres :

« Parce que, dans tous les domaines, elle fait fond sur les forces vives de l’esprit enfantin, la pédagogie moderne relègue de plus en plus au dernier plan, les exercices formels composés par l’adulte, au profit des libres créations enfantines ».

« Si, dans toutes les matières de l'enseignement, c'est-à-dire, quels que soient les aspects de la réalité que constitue l'univers de l'homme, les éducateurs savaient ne pas fonder leur enseignement uniquement sur des techniques d'apprentissage et sur des programmes préétablis, mais sur l'univers intérieur immensément riche de possibilités de leurs élèves, si en français, en géographie, etc... ils savaient partir de l’expression de la pensée enfantine, quels magnifiques problèmes ceux-ci ne manqueraient pas de composer à foison »,

Eh! bien, cela, l’Ecole Moderne Française le fait déjà beaucoup et de plus en plus. Il faudrait d’ailleurs que l'on aille jusqu’au bout de cette idée et fonder tout enseignement (écrit, oral, gestuel, graphique, chorégraphique, mathématique, scientifique, etc...) sur la création enfantine. Je crois pouvoir l'affirmer : c'est possible. Il faut que l'on ouvre enfin les yeux et que l'on s’aperçoive que l'enfance est un pays très sous-développé. Pourquoi ? C'est clair : parce que l'on n'a pas daigné le doter d'une infrastructure lui permettant de procéder à son propre développement. Non, on l’a maintenu en tutelle en ne lui offrant que des surplus de consommation et aucun bien d'équipement. Mais « Si cette explosion de lyrisme scientifique pour ainsi dire, cet épanouissement d'une pensée conquérante et libre sont naturels à l'enfant et si c'est sur eux qu'il convient de fonder l'action éducatrice ultérieure, il est cependant rare de les obtenir dans les classes de l'école primaire actuelle, Très peu d’instituteurs ont des élèves qui s'expriment ! »

Madeleine Goutard parle du Canada où les conditions de l’enseignement sont différentes. Mais en France, au contraire, l'expression libre s'épanouit de plus en plus, en profondeur et en étendue. L'époque l'exige d'ailleurs ; il est tout de même venu le moment d'abandonner la charrue néolithique de l'éducation. Il faut obligatoirement, si l'on veut que notre travail d'éducateur ait un sens se mettre en état » d'apesanteur pédagogique». Sinon, il ne nous reste plus qu'à nous suicider d'alcool, de télé, de romans policiers, de bricolage, de voiture, de réceptions, de bavardage. Mais, en France, trop souvent encore :

« Les élèves sont traités comme des manœuvres à qui l’on ne confie que les tâches serviles de dénombrement et de calcul. « Voilà tels nombres, additionnez-les, donnez la réponse ». Pourquoi? A quelle fin? Des buts et des intérêts de l’entreprise mathématique, ces manœuvres ne sont pas mis au courant ».

Mais fonder l'enseignement sur la création enfantine, cela nécessite de la part du maître une formation tout autre. Pour qu'il puisse être le catalyseur de l'activité enfantine, le maître doit être attentif, disponible.

«Il est urgent que l’éducateur apprenne à se décentrer de son monde d’adulte pour s’ouvrir à l'univers de l’enfance. Il faut qu'il apprenne à goûter le charme des créations enfantines, à en sentir la puissance d’inspiration et les valeurs propres. Ce n’est qu’alors qu'il saura les accueillir et les valoriser. Car les chefs-d’œuvre enfantins n’apparaissent que dans des climats propices, faits de confiance heureuse, de complicité intelligente et sensible. Les enfants accèdent alors à cette liberté intérieure de pouvoir tout exprimer, liberté sans laquelle il n’est pas d’esprit créateur. Mais ils n'en usent jamais que devant qui est intéressé et sait apprécier. Si les problèmes spontanés des enfants manifestent les caractéristiques que nous leur avons vues, c’est que ces dernières sont psychologiquement vraies, Par conséquent, c'est nous qui devrions en tenir compte objectivement dans notre enseignement ».

Ceci demande méditation. Personnellement, je n'ai compris que depuis très peu de temps, celte nécessité de « l’attention à » du maître. C'est l’atelier de peinture qui m'a valu cette prise de conscience. Au début de l'année, j'avais, enfin! réussi à organiser un atelier véritable : tout était en place, pinceaux, peintures, poudres, papiers. Et il y avait même des tiroirs où chaque enfant pouvait ranger son dessin terminé. Eh bien! contrairement à mon attente, ça n'a pas tellement bien marché. Mais pourquoi donc ? Tout simplement parce que les enfants ramassaient leurs dessins eux-mêmes sans que j'aie eu le temps d'y jeter un coup d'œil. Et, il n'est pour pouvoir que l'œil du maître. Le maître doit apporter sa part : ce n'est pas la grande vague d'enthousiasme paralysante, ni la critique systématique et démolisseuse, ni l'indifférence glacée, mais le simple petit intérêt, à légères ondes, bien modeste, mais bien réel. Prêter ses yeux, prêter ses oreilles, prêter ses mains, voilà le secret. Ne dites pas : « A quoi bon la gym, ils en font toute la journée. Pourquoi le parlé, alors qu’ils ne cessent de bavarder. Et ils n'ont pas besoin de nous pour gribouiller sur les murs, jouer avec le sable ou construire de petits objets ». Si, ils ont besoin de nous parce qu’ils ont besoin d’un témoin.

Je suis d'ailleurs entré dans la généralisation de la loi que j'avais découverte et il me suffit maintenant de m’intéresser à n'importe quel domaine pour voir surgir aussitôt des créations inimaginables,

Et ils vous surprendraient, peut-être, les dialogues et les poèmes chinois de Patrice et Jacques, les poésies parlées de Michel, les comptines de Michel II et le haïkido de Fanfan. Mais puisqu'ils sont psychologiquement vrais, ne dois-je pas, objectivement, en tenir compte ? Hélas, bien peu de gens sont à même de comprendre ce qui est psychologiquement vrai parce que bien peu de gens se sont penchés sur les créations enfantines. Et ils en jugent avec leurs gros sabots d'adultes au lieu de chausser des pointes.

«Ces chefs-d'œuvre si proprement enfantins ne peuvent naître que dans la mesure où les maîtres ont consenti à donner à la vie créatrice de l’esprit, la primauté sur les exercices formels et rigides, où ils ont appris à révéler l’enfant à lui-même à travers ses créations les plus authentiques, à ne plus travailler de manière morcelée, débitant les programmes en matières distinctes et fractionnant les matières en parcelles de savoir à inculquer, où ils savent centrer l’enseignement sur la vie à la fois multiple et une de l’esprit ».

Voilà encore qui me plait énormément : Madeleine Goutard s'en prend au programme. Mais quoi, des racines, des puissances et même des puissances fractionnaires avant huit ans!!! Logiquement, si elle était fonctionnaire française, elle devrait se faire sabrer et voir sa note baisser puisque, fonctionnaire, elle ne fonctionnerait pas suivant le programme qui programme les instituteurs qui programment les enfants qui programment leurs nounours qui ...

Mais si l’on accepte cette conception copernicienne de l'enseignement, quel programme peut-on raisonnablement recommander puisque cette idée est nouvelle et qu'il faut attendre le résultat des expériences pour savoir ce qui est possible et souhaitable? A mon avis, nous devrions traverser une période de grande incertitude puisque ce n'est qu'après de multiples expériences que l'on pourra déduire ce qui est du domaine de tel ou tel âge. En gymnastique, par exemple, on sait déjà que la maternelle est l'ère des balançoires, des toboggans, des blocs de bois, des portiques d'escalade, des pneus... Le CP-CE1 pourrait être l'âge des balles, des bâtons de jonglage, des études de chutes, des recherches de rythmes, des accords de rythme, de la conquête par les pieds de la notion de groupe de déplacements dans l'espace plan de la cour ou de la classe.,.

Nous avons donc un vaste chantier de programmes « objectifs » à mettre en route et à coordonner peu à peu par tâtonnement expérimental. Au CP-CE1, on peut aborder les puissances et les racines carrés, cubiques, quatrièmes, dixièmes, les progressions arithmétiques, les progressions géométriques, les vecteurs (de la statistique), les résolutions d'équations à une inconnue, les nombres négatifs, les opérateurs, les systèmes non-décimaux, les nombres entiers et fractionnaires, l’associativité, la commutativité, la transitivité, la symétrie, l'homothétie, la mise en facteur commun, les classes d'équivalence, l'intersection de deux ensembles, la géométrie dans l'espace, les polyèdres, la géométrie euclidienne... que sais-je encore que je n'ai pas encore assimilé, la topologie, par exemple, que j'aurais su voir dans ma classe si j'avais été informé, si j'avais eu aussi l'œil topologique... et les injections, surjections, etc... toutes les choses de la vie courante qui existent, qui sont là, et que l’on ne voit point.

Quoi, tout cela à ingurgiter avant huit ans ? Mais non, tout cela à semer dans l’esprit, toutes ces premières oscillations du balancier de la connaissance à provoquer.

Revenons maintenant au livre de Madeleine Goutard pour signaler l'existence d’un quatrième point d'accord. Dans la création de problèmes libres apparaît un facteur psychologique. Bien que timidement abordé dans le livre, ce facteur n'en est pas moins des plus importants. On sent que la pédagogie commence à en prendre conscience et qu'elle va maintenant progresser à grands pas. Déjà Le Boulch a mis l'accent sur cette « totalité » de l'individu qui ne se limite pas à la personne mais s'étend également au milieu.

J'ai fait beaucoup de citations et elles sont peut-être trop longues. On voudra bien m'en excuser, mais je tenais à allécher. Il se trouve d'ailleurs que de nombreux camarades ont lu le livre. Tant mieux, parce que nous allons pouvoir en discuter dans une optique Ecole Moderne, c'est-à-dire en prenant l’enfant dans son unité, dans sa totalité. Car, pour moi, c’est cela le propre de la pédagogie Freinet. Et c'est peut-être ce qui explique les difficultés de nos contacts avec les spécialistes. Nous aimerions faire quelques pas avec eux, mais nous ne pouvons abandonner le reste. Et c'est peut-être aussi pour cela que nous sommes marxistes.

Incontestablement, cela bouge en mathématiques. Et puisque cela bouge nous devons en être. Tout bouge d’ailleurs, les enfants ne sont plus les mêmes, le monde est différent. Et il faudrait aussi que nous nous mettions en marche. Cela, c'est très difficile parce que nous sommes parfois bloqués par d’antiques inhibitions et nous avons rarement les conditions de la disponibilité.

Et pourtant, l'instituteur a un rôle considérable à jouer : c'est lui qui est au départ. De lui dépend la solidité de la construction future ; c'est lui qui a la charge des fondations, du rez-de- chaussée et du premier étage. C’est lui qui est constamment aux prises avec la réalité dans sa totalité.

Aussi le critiquer, cela ne saurait suffire ; il faut qu'il soit aidé. Oui, mais comment ? Par exemple en organisant un échange constant d’idées entre lui et ses pairs. Et par la suite, un échange constant entre les mathématiciens et les instituteurs. Il faut que l'on fasse la multiplication de ceux qui peuvent et ne savent pas, par ceux qui savent et ne peuvent pas.

P. LE BOHEC

***

Ceci dit revenons-en plus spécialement aux réglettes Cuisenaire et à leur emploi.

« L'avantage d’un matériel tel que les réglettes Cuisenaire, écrit M. Goutard, est de permettre aux enfants d’accéder à la compréhension des structures mathématiques et de les libérer de la nécessité de recourir à un support concret. Toutefois, j’ai remarqué que la plupart des personnes qui emploient le matériel Cuisenaire n’en font le plus souvent qu’un usage tout empirique et n’en perçoivent les avantages qu’en fonction des conceptions et des objectifs de l’Ecole traditionnelle ».

«... des maîtres capables de tirer le maximum d’effet de l’emploi du matériel Cuisenaire, ce qui n’est guère encore le cas de nos jours ».

On a toujours dit que c’est vers les inventeurs et non chez les diffuseurs et les exploitants qu’il faut chercher le véritable aspect des nouveautés. Et nombre d'observations de Madeleine Goutard ou de Cuisenaire sont celles-là mêmes que nous avons si souvent énoncées à propos de notre matériel et de nos techniques — ce qui nous rend ces auteurs éminemment sympathiques et nous enseigne à ne pas les charger des déformations que leur vaut un emploi prématurément généralisé.

« Une rénovation de l’enseignement ne peut avoir lieu que lorsque le maître s’est transformé intérieurement en devenant plus conscient.

Le matériel, tel quel, ne démontre rien par lui-même : c’est l’esprit qui y met tout ce qu’il y découvre...

...La méthode Cuisenaire n’est pas un procédé auquel il suffit de se conformer passivement : elle exige une conversion totale de l’attitude enseignante et celui qui ambitionne de s’y aventurer ne peut plus être le même homme.

Aussi peut-il arriver que l’on possède les réglettes Cuisenaire, tout en continuant d’enseigner de la même façon qu’auparavant, car la méthode ne réside ni dans le matériel (tout indispensable qu’il soit ) ni dans les textes, pas plus que la musique ne réside dans l’instrument et la partition : elle est toujours tout entière à recréer et pour cela il faut un virtuose.

Si l’adoption de la méthode Cuisenaire- Gattegno entraîne de gros problèmes, ils ne sont que du côté des maîtres. Quel que soit te cours où il enseigne, il est toujours difficile à un maître de prendre cette méthode, car elle va contre toutes les habitudes pédagogiques courantes. De plus, elle réclame de lui des connaissances mathématiques qu'il n’a pas le plus souvent... C’est pourquoi ils font preuve d'une grande inconscience tous ceux qui s'imaginent que leur tâche se borne à décréter l’emploi ou l’interdiction de la méthode Cuisenaire-Gattegno ou de la mettre à l'essai pour juger de sa valeur, car on s’expose à ne rien juger du tout, si ce n'est le manque de formation des professeurs. Préparer les maîtres à enseigner selon la méthode Cuisenaire, c’est élever leur niveau de conscience ».

« Le problème majeur est la préparation des maîtres et de ceux qui ont pour tâche de les former. C’est pourquoi une adoption massive de la méthode risque toujours de se faire au détriment de la qualité de l’enseignement, tandis qu’une introduction progressive permet que se constitue une excellente élite professorale qui, dans les années futures, sera un véritable levain pour l'ensemble du corps enseignant ».

Nous devons abréger ces citations.

Il y en aurait d’autres aussi décisives dans les livres mentionnés. Elles nous rendent !a méthode excessivement sympathique parce que les auteurs font les mêmes réserves que nous faisons nous-mêmes pour le succès complet de notre pédagogie. Elles nous expliquent en même temps que les camarades qui ont pu entendre ou voir opérer Cuisenaire ou Madeleine Goutard soient si totalement enthousiastes, comme le sont les camarades qui ont fait en profondeur l’expérience de la méthode. Mais elles nous font comprendre en même temps l'échec à peu près complet des réglettes employées scolastiquement. Et notre camarade Pâques nous dit plus loin le résultat de ses expériences.

Nos auteurs critiquent de même les usagers « qui se disent qu’ils doivent commencer par le début, ce qui signifie pour eux prendre en enfilade le manuel A, le manuel B, etc... alors qu'en pédagogie il n’y a jamais que des commencements psychologiques. Si bien que de grands élèves se voient contraints à jouer à ce jeu où l'on cache des réglettes dans le dos ou à faire clés tableaux de décomposition des longueurs pour apprendre que 2 et 2 font 4... Il faut employer le matériel Cuisenaire selon la méthode active ».

Ainsi renseignés, c’est ce que nous essaierons de faire.

— Nous donnerons des comptes rendus d’emplois pédagogiques du matériel Cuisenaire ;

— nous mettrons les camarades en garde contre la scolastisation qui fait utiliser les réglettes Cuisenaire comme on utilisait autrefois les bûchettes ;

— nous préconiserons leur emploi individuel. L'emploi collectif suppose la leçon forcément passive, et n’est en définitive qu’un moyen commode d'employer l’heure de calcul ;

— nous voudrions alors réaliser des bandes enseignantes pour l’emploi efficient de ce matériel.

 

Le calcul vivant

Mais surtout, nous n'oublierons pas qu’à la base des mathématiques modernes, il y a le calcul vivant que préconise aussi Cuisenaire.

Des expériences nombreuses et probantes ont été faites aux CP ou au CE, Le calcul vivant est plus délicat avec des élèves plus grands. Nous le rendrons possible et indispensable dans toutes les classes du 1er et du degré par la réalisation d'atelier de calcul et l'emploi permanent des bandes enseignantes nécessaires dont nous entreprenons la réalisation.

***

Nous terminerons par ces deux notes de Cuisenaire :

" Le matériel Cuisenaire ne doit pas être l'unique matériel »,

« Ce n’est que par une collaboration étroite de tous les éducateurs que les progrès pourront s'accomplir ».

Nous tâcherons, pour ce qui nous concerne, de pratiquer au maximum cette collaboration pour donner au matériel Cuisenaire son sens et son efficacité.

C.F.

(1) Madeleine Goinard: Les mathématiques et les enfants, Ed. Delachaux et Niestlé, Neuchâtel.

 

Livres cités en référence, tous aux Editions Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, Suisse ou Paris, 32 rue de Grenelle :

Madeleine Goutard :

* La mathématique et les enfants 8 La pratique des nombres en couleurs dans les classes primaires

Cuisenaire-Gattegno :

* Initiation aux nombres en couleurs Les nombres de 1 à 20 et jusqu'à 100

I. Arithmétique qualitative
Les nombres de 1 à 20 et jusqu’ ‘à 100

II. id. Les nombres de 1 à 100

III. Problèmes et situations quantitatives Matériel Cuisenaire pour l’enseignement des mathématiques