Saint-Paul, Pays des grèves

Mai 1933

La presse réactionnaire a parlé longuement de la grève scolaire organisée à Saint- Paul par le Maire lui-même et qui a, pendant cinq mois agité la population. Grève toujours partielle malgré les pressions les plus scandaleuses puisque Freinet a toujours eu dans sa classe 15 élèves sur 28 inscrits.

On parle moins d’une autre grève, bien significative pourtant : la grève religieuse.

Le curé a scandaleusement pris parti en faveur des royalistes, des gros propriétaires fonciers, des tenancières de maisons louches. Lors de la manifestation du 24 avril, il a prêté lui-même — il dit maintenant qu’on les lui a volées — les crécelles sacrées du Vendredi-Saint qui ont mêlé leur grincement mélancolique à une des plus écœurantes manifestations qu’on ait jamais vue.

Tous les habitants sincères sont édifiés, même s’ils étaient d'honnêtes croyants et de fidèles pratiquants.

Résultat : Depuis le 25 avril aucun des partisans de Freinet ne va plus à la messe; leurs enfants ne vont plus ni aux offices ni au catéchisme : nul d’entre eux ne paiera le denier du culte. Une pétition circule dans le village demandant le départ d’un curé qui n’a su que semer la haine là où il devait apporter l’apaisement et l’amour.

Devant ce scandale, la réaction recommence à hurler contre Freinet. Mais les partisans de l’instituteur sont prêts aussi à la lutte et sauront suppléer s’il le faut aux lois défaillantes.

Nous croyons savoir que si des apaisements ne sont pas apportés incessamment aux partisans de Freinet, ceux-ci organiseront à leur tour la grève scolaire. Et la situation sera retournée. La deuxième moitié de l’effectif, brimée depuis cinq mois, demandera, par la force, le respect de la légalité et le maintien à St-Paul de Freinet.

Il ferait beau voir qu’un gouvernement républicain soit indulgent jusqu’au scandale pour les fauteurs de troubles et qu’il réserve aux honnêtes gens, aux fidèles démocrates les rigueurs de la loi.