En Chantier n°20, Mai 2013

Mai 2013

 

En Chantier, Publication du Chantier de Recherche documentaire de l'ICEM Pédagogie Freinet : productions de classes, recherches documentaires, exposés,  témoignages, pratiques...
Pour donner-trouver des idées : pour des élèves acteurs et auteurs de leurs savoirs.
Le bulletin n'est plus périodique, nous ajouterons vos articles dès leur réception.
 
Sommaire : La recherche documentaire et internet, Les oiseaux s'envolent, Recherche documentaire au CLEF, Recherche documentaire en cours de philosophie, Les Dits de Mathieu (III), Un projet de coopération entre classes de 6ème : France Burkina

 

La recherche documentaire à l'heure d'Internet en Pédagogie Freinet

Nous avons donc échangé pour aboutir à quelques propositions pour à la fois faire naître (ou renaître) le plaisir ? désir ? de la recherche documentaire, encourager les apprentissages essentiels que sont le fait d’établir une problématique, choisir ses documents, établir une synthèse, communiquer le résultat de son travail, aller vers l’autonomie.
Nous avons échangé aussi sur le besoin de découvrir, de comprendre et d'échanger, le besoin de répondre à une question. Besoin ou désir d'apprendre ? Capacité à l'étonnement ? La réflexion est à approfondir. Partir de vraies questions des élèves est un gage de réussite : les questions d'actualité ou « sociétales » ont provoqué cette année des besoins de recherche documentaire importants.
 
En classe : de la méthode !
 
Nous avons acquis au fil du temps des habitudes de recherche documentaire qui ont fait leurs preuves :
Le début consiste en un «remue-méninges» (en groupe, le « je » étant alors collectif, ou personnel) pour répondre, à propos du sujet proposé ou choisi aux questions :
- qu’est-ce que je sais déjà ?
- qu’est-ce que je veux savoir ?
- quelle forme prendra ma production : diaporama, affiche, exposé, conférence (avec problématique), dossier, B.D., radio, vidéo, spectacle, sketche, chanson, comptine, devinette, fiction, doc en ligne, page de blog, site, maquette, devinette, jeu, débat, livret ou mini dictionnaire .... ?
 
Puis vient l’inventaire des ressources à partir de la question : quelles sont les ressources documentaires dont je dispose ?- fonds du CDI, documents personnels, personnes ressources, visites possibles, objets, ..... les supports sont multiples et parfois imprévisibles.
 
La démarche est centrée autour de l’acquisition de l’autonomie. Quand les élèves posent leurs questions, certaines apparaissent plus pertinentes que d’autres en fonction du sujet et des documents disponibles. Nos pratiques sont multiples.
Par exemple : Hélène D. insiste sur le fait de mettre les aspects du sujet en questions pour créer une problématique,
Nicole demande aux élèves d’avoir trois feuilles : une fiche de vocabulaire, une liste de sources, une feuille pour les notes.
 
Comment démythifier « Google » ?
 
Il apparaît indispensable de tenir compte des informations sur la manière dont fonctionne un moteur de recherche.
- il s’agit d’une entreprise qui gagne beaucoup d’argent. Son apparente gratuité est compensée ouvertement par la publicité et cache aussi des  manœuvres comme le bourrage artificiel de mots-clefs à partir de fausses demandes pour faire « remonter » un site ou les « balises » introduites par les sites commerciaux lors d’événements porteurs de ressources éventuelles (à Halloween par exemple les marchands de produits sans rapport avec le thème «balisent» leur site avec ce mot-clé) ou les référencements payants.
Ce n’est donc pas magique, mais orienté.
- il faut maîtriser la manière de consulter le moteur en comprenant son fonctionnement. Des robots, « web crawlers» ou robots d'indexation, (en français on préconise le mot « collecteur ») parcourent le Web et mémorisent les chaînes de caractères, ils permettent aux moteurs de trouver les ressources en ligne. Quand on fait une recherche, le moteur (comme google) compare les chaînes de caractères que nous avons saisies (que nous, humains appelons des mots et qui ont du sens) avec d'autres chaînes de caractères trouvées par les robots, ils donnent les résultats pour chaque mot ou association de mots de la phrase.

 

Il est préférable d'apprendre aux élèves à utiliser un langage documentaire pour interroger et pas le langage naturel (ex. poser une question). Si l'élève se contente d'une équation de recherche basique, il obtiendra du « bruit » documentaire, c'est à dire des références non pertinentes comme les hôtels de Chartres lors qu'il se renseigne sur la cathédrale. Il doit apprendre à faire une recherche avancée et formuler une équation efficace.
 
- lire une information n’est pas savoir. Il faut établir la distinction entre accès à l’information et appropriation du savoir. Le Web offre un accès aisé à des informations de richesse très inégale, allant de la numérisation d'archives au blog personnel. Il faut donc faire preuve d'esprit critique quant aux documents utilisés et se garder du "copié/collé" afin d'être chercheur d'information et non pas simple consommateur. Et il permet aussi d'être actif : l'élève peut produire du web : blogs, tweets, films...
C'est par ce biais de productions documentaires ou du moins de production d'informations que se fait jour notre spécificité.
 
- il faut, bien sûr, être conscient du danger qu’il y a à déposer des informations sur le Web. Un blog est fait pour être consulté, on doit le concevoir en fonction de cet aspect public, mais le « cloud », espace de stockage censé être personnel, n’est absolument pas sécurisé. Toute information qui y est déposée peut être récupérée et publiée.
 

Web collaboratif versus web coopératif ?

 

Il existe un web collaboratif avec des entreprises comme wikipédia ou wikimini pour les enfants, les forums, les listes de discussions qui proposent des espaces où chacun apporte sa pierre à l'édifice d'une pensée commune ou aide à trouver des solutions pratiques : comment faire une attelle à un jeune pic épeiche à l'aile brisée, comment réaliser son CV ou savoir ce que disait Socrate ou Platon sur l'écriture. Ces personnes qui mettent à la disposition de tous méritent notre reconnaissance et le désintéressement de la plupart donne raison à l'optimisme actif de Freinet.
 
La coopération dans le mouvement Freinet, c'est un peu autre chose, elle comprend des aspects pédagogiques et politiques. L'enfant, libéré de l'autoritarisme du maître, travaille volontiers parce qu’il fait des choix et dans le même temps développe des capacités de coopération avec autrui pour devenir le citoyen libre dont la société socialiste (au sens où l'entendait Freinet) aura besoin. L'école est libératrice pour lui et dans l'avenir contribuera à une libération du peuple. 
 
En pédagogie Freinet, nous avons tout intérêt à nous saisir d'internet parce qu'il est là, puissant et fascinant et parce que de toutes façons les élèves l'utilisent.
Nous ne pouvons rester sur les positions de retrait telles celle de Socrate et Platon, pour qui l’écriture n’est qu’un écho affaibli de la réalité, un encouragement à la paresse provoquant un affaiblissement de la mémoire. L'invention de l'imprimerie a alimenté de semblables controverses et voici qu'internet est affligé de maux mille fois pis.
Nous devons bien au contraire prendre à bras le corps cette nouvelle encyclopédie (au sens propre : cercle des connaissances, les meilleures comme les plus discutables).
 

Internet : mon bel objet (d'analyse)
 
Avec nos classes, il y a deux façons de procéder, d'abord internet est en soi un objet de la recherche documentaire : qu'est-ce que le réseau, comment fonctionne google ? Où sont ces serveurs qu'on dit dans les nuages ! Comment accéder à la  vision des photographies des data centers, la connaissance de leur consommation en électricité et toutes les informations concrètes sur cette industrie. Les élèves auront plaisir à déconstruire le monstre et à voir ce qu'il a dans le ventre, de quoi il se nourrit, comment il grossit et à quel rythme. Il y a fort à parier que la fascination des grands nombres leur donnera quelque peu le vertige, mais le gigantisme est un des aspects importants de cet objet.
 
Internet est un média et comme pour tout média , il ne faut pas s'arrêter dans l'analyse au support ce serait comme n'étudier que le papier, l'encre, les rotatives, les réseaux de distribution, les financements … quand on veut travailler sur la presse. Cela a son importance mais nous devons également faire réfléchir les élèves sur l'autre aspect de ce média : la recherche d'informations.
 
Il y a de nombreuses expériences à mener et/ou faire inventer aux élèves pour étudier la fiabilité de l'information.
Dans les premiers temps d'internet, les documentalistes ont emmené les élèves sur des sites présentant la biologie du dahu, le fromage au lait de femme ou le monoxyde de dihydrogène, les ont fait traquer le hoax (canular) sur hoaxbuster, cela est toujours utile mais loin de suffire. Il faut construire l'esprit critique et les méthodes de recherche petit à petit au cours de la scolarité. Comment, en effet, un enfant de sixième peut-il avoir assez de culture et de recul critique pour savoir si tel article sur Jules César, pourtant au programme, est honnête et présente de l'intérêt ? Comment, quand on apprend, peut-on en même temps douter systématiquement ? Ce n'est ni souhaitable ni tenable. L'accompagnement pédagogique (la part du maître) prend là toute son importance et permet un tâtonnement expérimental fécond. En revanche en 3ème, dans un travail sur un sujet polémique comme les OGM, les élèves seront amenés à confronter des sites de l'INRA avec des sites militants écologistes, des pages de sociétés commerciales, des points de vue américains ou européens. La diversité des sources, c'est là l'intérêt principal d'internet...
 
Web collaboratif et pédagogies actives 
 

C'est très vilain de faire parler les grands absents, mais tant pis ! Si Freinet avait eu internet, la correspondance scolaire aurait pu utiliser le mail, les blogs et les posts sur les blogs, la presse aurait pu être en ligne et les enregistrements sonores en webradio, les dessins d'enfants, les textes libres publiés sur le site de l'ICEM. D’ailleurs les « enseignants Freinet » ont toujours utilisé les technologies nouvelles, et se sont, par exemple servis du duplicateur à alcool puis de l’ordinateur pour le journal ou du fax pour la correspondance.

Les recherches documentaires de nos élèves, nourries d'internet et de bien d'autres sources plus proches et vivantes, vont ainsi nourrir internet et être partagées avec d'autres.
 
 
Réflexion, pratiques, synthèse, lectures, relectures et écriture sont œuvre coopérative du groupe doc2d :
Marjolaine Billebault
Laurence Bouchet
Joëlle Brault
Nicole Chosson
Annie Dhénin
Hélène Duvialard
Hélène Pico
Marlène Pineau
Patrick Samzun
 

 

 
 

 

Les oiseaux s'envolent

 

Les élèves de classe de 5° Freinet du Collège André Malraux de Mazan ont travaillé toute l’année sur un projet « oiseaux », proposé par les enseignants. Ce projet comportait la fabrication de nichoirs, l’amélioration du poulailler, un travail sur les chants d’oiseaux et la journée avec les intervenants : Patricia et Lucas de l’UPV (université populaire du Ventoux).
Les élèves rédacteurs du journal du collège rendent compte ici de cette journée.
 
Les oiseaux s'envolent !
Le 29 décembre 2012,
Intervention «Oiseaux» dans le cadre du projet de la classe Freinet :
Nous sommes arrivés au collège à 8h30, en salle T01 ; les intervenants et des professeurs de la classe sont arrivés avec tout le matériel pour la journée.
Pendant la première heure, Patricia et Florent nous ont expliqué à l'aide d'un diaporama : l'anatomie, la nature et les ancêtres des oiseaux. Nous avons appris que les oiseaux « sont » des dinosaures !!! Ils ont les même os que les crocodiles.
Ensuite, les professeurs ont séparé la classe en deux groupes pour commencer les ateliers de manipulations du matin.
Un groupe est resté dans la salle de techno avec Patricia, Mmes Thieblemont et Garcia pour étudier les plumes ; l'activité consistait à comprendre les particularités de celles-ci : à quoi elles servent, pourquoi ?
Nous avons fait des expériences qui ont montré que le duvet conservait la chaleur, que les plumes rangées correctement étaient imperméables à l'air (vol) et à l'eau (intempéries). Les oiseaux ont une glande au dessus du croupion qui fait une sorte de gel qui permet aux oiseaux de lisser et d'entretenir leurs plumes.
L'autre groupe est parti dans une autre salle pour faire un atelier sur les pattes et le bec avec Mmes Giraud et Ceccaroli ; L'atelier sur les pattes et le bec consistait à attraper des graines avec des outils (pince, crochet, paille, ciseaux ....) pour voir comment mangeaient les différentes espèces (insectivores, granivores, carnivores...)
Chaque oiseau a un bec adapté à son alimentation. Pour les pattes, nous avions des chaussures à talon, des palmes... pour se rendre compte de comment ils pouvaient marcher ou sauter ou grimper...
Les groupes se sont inversés donc chacun a changé d'activité.
Nous sommes ensuite allés manger à la cantine.
L’après midi, avant de partir à l'Auzon, nous sommes montés en salle d'Anglais. Patricia nous a montré des photos d'oiseaux que nous pourrions rencontrer lors de la promenade. Ensuite, nous sommes donc allés à l'Auzon, il faisait un froid de canard et un vent à arracher la queue aux ânes. Malheureusement, à cause des conditions climatiques, nous n'avons vu aucun oiseau.
Alors, nous sommes revenus au collège.
Nous avons fait un jeu dans la cour du collège. Ce jeu consistait à nous faire observer avec des jumelles des images d'oiseaux que Patricia nous montrait, afin de colorier des silhouettes sur papier... reconnaissance des oiseaux grâce aux couleurs des plumes !
Ensuite, nous sommes allés dans la salle d'anglais pour faire un jeu de société coopératif (1) surla biodiversité. Patricia a fait 4 équipes dans la classe constitués d'élèves et de professeurs. Nous avons dû mimer, répondre à toutes sortes de questions. C'est l'équipe rouge avec Mmes Taponat et Garcia qui a gagné.
Nous nous sommes dit, pour finir, au revoir et à bientôt sur le chemin des collégiens, dans le Ventoux, pour la prochaine sortie.
 
Camille, Florian, Joelle, Lana, Lucas, Noelle, Ugo
Décembre 2012
 
 
 
 
 
(1) jeu LPO, où nous devions répondre en nous entraidant par groupe aux questions sur la nature, posées par l'intervenante. Nous avons mélangé profs et élèves, et cela a été un vrai jeu coopératif à l'intérieur des groupes, mais un combat entre groupes, fous rires garantis.
 

 

La recherche documentaire au CLEF

Mardi 30 octobre,

 

La recherche documentaire au CLEF.

Durant la fédération de stages à Thuré, nous trouvons un moment pour échanger sur l’aventure du CLEF avec Cathy Rigal et Hervé Nunez, professeurs des sciences de l’information et d’arts plastiques au Collège Lycée Expérimental Freinet à la Ciotat.

 

 

En 2008 ouvraient une classe de 6ème, de 5ème et de 2nde. En 2009, c’est au tour d’une classe de 4èmeet de 1ère. Puis, enfin, en 2010, ouvrent la 3ème et la terminale.

Après ce bref historique, nous abordons plus précisément le sujet de la recherche documentaire.

A quel moment émergent les besoins de recherches documentaires ?

Ils surgissent dès la 6ème : chaque activité en effet est l’occasion d’une expression personnelle et peut susciter une recherche documentaire.

Quels que soient sa raison et son thème, la recherche est personnalisée et adaptée au travail de l’enfant.

Même si c’est une injonction de l’enseignant, elle est donc toujours en lien avec un travail dont l’élève est à l’initiative.

Recherches, conférences, exposés, entretiens, tout est matière à recherche, toute recherche est matière à production personnalisée.

Quel accompagnement ?

Lors de l’entretien culturel, un élève demande par exemple : c’est quoi, le mur du son ?

La documentaliste entend la demande. N’étant pas prof de physiques, elle laissera le prof concerné prendre en charge le suivi de la recherche.

Une recherche s’élabore en plusieurs étapes.

L’élève est d’abord guidé vers les usuels, afin de procéder à une définition des termes essentiels, avant d’élaborer une carte mentale (ou un écrit) sur laquelle il fait figurer tout ce qu’il sait sur le sujet. 

Ce travail réalisé en TI est déposé dans la banette « sciences de l’information » afin que Cathy le relise et propose une réponse écrite...ou dans la banette de la  discipline concernée... l'équipe partageant les mêmes critères sur l'importance de la finalisation et de la présentation de la recherche. 

Ensuite l’élève part consulter les documentalistes du CDI du collège ou du lycée afin de collecter une documentation sur son sujet. 

Suivant les informations que l’élève a récoltées, Cathy lui demande s’il souhaite faire un exposé ou une conférence. La distinction entre les deux productions repose sur une différence d’intention : l’exposé fournit des informations alors que la conférence présente une problématique.

Aucun calendrier n’est mis en place afin que l’élèven, lors de l’entretien, accepte qu’on suggère des pistes de recherche comme des possibles, des opportunités et non comme des menaces de travaux supplémentaires.

Les enseignants préférent le travail seul au travail de groupes qui génère plus de mouvement et d’agitation. Dans tous les cas, ils sont vigilants sur la composition des groupes.

Quelles productions ? Comment varier les modes de production ?

L’habitude de réaliser des productions variées est prise dès la 6ème, puisque les travaux sont laissés au choix de l’élève et accompagnés de façon individuelle par les enseignants.

Ainsi, lorsqu’arrive l’année de 1ère et des TPE, les lycéens savent proposer des types de productions variées et adaptées à leur thème et à leur problématique : l’imitation d’une revue américaine, une grande fresque, un dossier de presse fictif, un book de graffeurs, autant d’idées personnelles qui renouvellent de façon créative le dossier écrit produit traditionnellement lors de cet examen.

Ce qui donne sens à la recherche documentaire et à la production, c’est la valorisation de leur aboutissement.  

Divers auditoires sont réunis périodiquement pour accueillir la présentation des travaux réalisés : groupes de TI, exposition des réussites entre pairs ou ouvertes à tous, lors desquelles chaque élève présente des productions qui lui tiennent à cœur. 

Chacun écoute et est écouté. Il arrive également qu’un élève propose des pistes pour prolonger le travail.

Les parents sont eux aussi invités à voir les œuvres des enfants.  

Les modes de présentation sont variables : des grilles dans la classe, des conférenciers immobiles devant un auditoire qui se déplace. Un site intranet est également en train d’être mis en place pour réunir « le patrimoine vivant » du CLEF

Pour prolonger la découverte du CLEF, voir des expositions de travaux d’élèves en videos, faire le tour des temps majeurs de l’apprentissage en quelques mots clés, rendez vous sur le site

 

  

Marlène Pineau

 

Recherche documentaire en cours de philosophie

 

Les professeurs de philosophie sont réputés ne guère fréquenter de CDI ? C’est assez vrai, beaucoup moins par « mépris » que parce que le fonds documentaire est inadapté : trop ancien ou l’enseignant n’y a pas contribué (la contribution au choix des ouvrages achetés étant un enjeu de pouvoir entre enseignants anciens et moins anciens).
 
Des recherches en vue d’exposés peuvent être menées autour de certains mots, par exemple des thèmes scientifiques en TS : les élèves ont tendance à penser que les sciences, c’est « sérieux » et la philosophie « du flan ». Il s’agit donc de les faire travailler sur des découvertes (ex. l’héliocentrisme) pour arriver à une prise de conscience que chacune est le fruit de tâtonnements et de la « procédure de vérifiction » : la vérité est issue de fictions construites.
 
Une série de noms d’auteurs scientifiques (Einstein, Newton, Darwin, Galilée, Copernic, ...) est proposée aux élèves, à se répartir entre les groupes. Des étapes pour construire un exposé leur sont aussi données, ainsi que des mots-clefs (communauté scientifique, outils techniques, controverse, argent, publication, illustration – par ex. des cartes pour Darwin-....) pour que l’exposé montre la trace de l’investigation scientifique.
Le but est que les élèves découvrent comment la science se construit.
 
Le travail dure un mois, avec 4 séances d’une heure en demi-groupe (l’horaire de la série est de 3 heures dont une en demi-groupe) dans la petite salle du CDI (fermée, avec des ordinateurs qui permettent la recherche sur internet).
 
Ce travail laisse une impression mitigée et globalement peu satisfaisante :
- Au niveau de la recherche au CDI, il a été très difficile de faire utiliser la BCDI aux élèves, ils ont éprouvé de grosses difficultés à repérer les références et le format documentaire, et pour l’essentiel les données viennent de Wikipedia.
- la part du maître, qui consiste à les guider pour que chaque groupe traite les items demandés, est d’autant plus lourde qu’il faut répondre à partir de sujets différents.
- le ressenti est que la plupart des élèves ont vécu ces heures comme des « vacances », à peine un quart a réellement travaillé.
- la restitution orale s’est souvent limitée à des exposés lus, même si certains ont utilisé le rétro-projecteur, et il y a eu peu de réactions dans la classe.
- il a fallu des prolongements factuels pour que les élèves comprennent que, dans toute découverte, il y a une part de « bricolage », de hasard.
 
La discussion qui a suivi a abordé  plusieurs thèmes :
- le compte-rendu de recherche est une activité en soi qui demande une préparation spécifique, et la grille d’évaluation peut être élaborée par la classe.
- le peu d’implication de certains dans les recherches comme le manque de réactions lors des exposés posent la question du désir. Il est indispensable d’avoir investi son travail pour avoir envie de le transmettre.
- Le temps que les activités de recherche documentaire implique (préparation pour l’enseignant, heures de classe) est-il en rapport avec les acquisitions réalisées ? L’efficacité dépend sans doute du fait qu’elles s’inscrivent dans la continuité du cours en s’y intégrant. De plus ce qui s’acquiert à ces occasions n’est pas forcément visible par les adultes.
 récit de Patrick Samzun

 

Les Dits de Mathieu (III)

 

S'ILS COMMANDENT !
S'ils commandent à la Mairie ou au Syndicat, disait en mâchant ses mots le berger flegmatique, c'est que nous les laissons commander.
Nous discutons bien, au café, ou au détour des chemins, quand rien ne nous presse, que le soleil est clair et que la rivière murmure à nos pieds. Là, entre nous, nous reconstruisons le monde. Dieu lui-même y a sa part de critiques et, pour un peu, nous lui ferions concurrence. Mais quand, dans une réunion, il s'agit de dire son fait à ceux que nous critiquons et de prendre en face d'eux la position de virilité que nous avons prise entre nous, alors il n'y a plus d'hommes. Il n'y a que des brebis ou des valets.
Et nous nous plaindrons à la sortie !
Oui, c'est vrai, ils ont été habitués à parler et à commander, et nous, notre fonction, c'est de nous taire et d'obéir. Et pourtant, nous en avons autant qu'eux dans notre tête et, dans notre langue, ce n'est pas l'éloquence qui nous manque. Nous sommes seulement dominés par une chaîne dont nous ne pouvons nous libérer.
Le plus grave, c'est que cette chaîne, nous la préparons et nous la forgeons à notre tour pour nos enfants.
Lorsqu'ils nous résistent obstinément parce qu'ils croient avoir raison contre nos raisons et notre autorité; lorsqu'ils défendent jusqu'à la colère et aux larmes, et sans respect, il est vrai, pour les formelles hiérarchies, ce qui est leur bien et leur liberté, nous baptisons leur courage outrecuidance et leurs revendications irrespectueuse inconvenance.
Peut-être bien que si vous les aidiez, vous, éducateurs, à affirmer leur personnalité comme vous voudriez leur enseigner l'orthographe et le calcul ; si vous les entraîniez à sauvegarder leur dignité avec la même science pédagogique que vous employez à les faire obéir ; si vous apportiez autant de soin à former l'homme qu'à dresser l'écolier, alors, nous aurions peut-être, demain, des générations qui sauraient se défendre contre les parleurs et les politiciens qui aujourd'hui nous mènent.
Mais ceux qui commandent diront pour vous accabler que, oubliant les justes et formelles hiérarchies, vous revendiquez avec outrecuidance et que vous avez perdu pour leur science, le respect qui est dû aux idoles et aux dieux.
 
 

 

Un projet de coopération entre classes de 6ème : France Burkina Faso

 

 
Une longue histoire
Le Club Unesco du collège Philippe de Commynes à Tours est en relations depuis plusieurs années avec le Comité de Jumelage Rivière Ouéguédo.
 
Lors de la dernière année scolaire, nous avons échoué à mettre en place une correspondance individuelle entre élèves. Nos petits Tourangeaux se présentaient en faisant le catalogue de leurs biens matériels et de leurs activités : ça donnait des choses aussi exotiques que « J’ai une chambre rose et j’adore faire les magasins le samedi avec mes copines. » Ou bien : « Je joue à GTA sur PSC3, j’aime bien aussi la Nintendo et la Wii. » De leur côté les jeunes Burkinabés avaient écrit des lettres très impersonnelles et nous avons appris par, ailleurs que comme nous n’avions que 20 correspondants face à une classe de plus de 70, les correspondants français devaient échoir à ceux qui auraient les meilleurs résultats. Cela avait entraîné une émulation forcenée dans la classe de Tenkodogo et finalement nos élèves n’ont pas été à la hauteur des espérances de leurs éventuels correspondants.
 
Continuer autrement
La réussite de l’année dernière avait été la vente de gâteaux confectionnés par les élèves grâce à laquelle la Bibliothèque du village avait pu acquérir des livres choisis par les lecteurs à la librairie de Ouagadougou et le collège des « académies » ou trousses garnies fabriquées et vendues sur place.
Forts de cette expérience, nous avons décidé, la collègue de français qui travaille en pégagogie Freinet et moi, de mettre en place une correspondance de classe et fondée non plus sur la vie privée des enfants mais sur le travail scolaire. Pour commencer et dans le cadre du programme de français, les élèves ont écrit des contes « africains » pour les offrir à leurs correspondants. Ils les ont mis en voix puis nous les avons enregistrés en studio radio et gravés sur un CD ! Nous avions oublié entre temps qu’il n’y avait pas d’électricité au collège et que seule la, bibliothèque est équipée de panneaux solaires et d’ordinateurs que notre administrateur de réseau a rénovés et installés sur place l’année dernière. Les contes ont également été écrits sur du papier de couleur et illustrés. Je les ai numérisés et imprimés en couleur pour qu’il y en ait un grand nombre d’exemplaires à la disposition des enfants de Ouéguédo.
Nous avons acquis une radio lecteur-cd à piles et tout cela est parti avec le Comité de jumelage aux vacances de février. Nous attendons la réponse des correspondants, leurs réactions.
 
Apprendre de ses différences
Cette expérience qui a vocation à se poursuivre les prochaines années a été riche d’enseignements. Devant le réflexe des élèves de 6ème, prêts à tendre la main pour donner l’aumône, il a fallu faire comprendre que nous ne voulions pas engager une action charitable mais un échange et un travail de solidarité. Ils ont vite trouvé que dans un cas, il s’agissait de se considérer comme supérieurs aux jeunes Africains alors que nous disposons seulement de plus de revenus alors que dans l’autre, nous étions dans une relation humaine équilibrée.
Des questions philosophiques sont apparues en filigrane : sommes-nous plus heureux que nos correspondants parce que nous sommes plus riches de biens matériels ? au début, les sixièmes pensaient que leurs correspondants étaient malheureux ils ont vite compris que ce n’était pas le cas. Y a-t-il d’autres formes de richesses que la richesse matérielle ? Les objets de haute technologie sont-ils indispensables pour vivre ?
Y a-t-il entre nos correspondants et nous une différence radicale ?
 
 
Un forage pour le collège de Ouéguédo
 
Le collège de nos correspondants va accueillir un niveau de plus à la rentrée prochaine et dans deux ans deux niveaux. Pour l’instant il est approvisionné en eau par un agent qui va remplir des bidons à plusieurs kilomètres et fait plusieurs voyages pour obtenir 200 litres pour la journée. Le Comité de jumelage a étudié la question avec les Burkinabés et un projet de forage a vu le jour. Il faut aider à financer donc nous allons participer dans la mesure de nos moyens : nous allons vendre des gâteaux à la récréation pendant un trimestre : les élèves ont tout organisé, affichage, planning, répartition des rôles. Agir dans la réalité pour une action utile est quelque chose de très enthousiasmant pour eux.
A l’issue de cette 6ème, nous poursuivrons le projet avec les anciens de cette 6ème ou une classe volontaire.
 
 
Des difficultés liées aux gros problèmes actuels au BF
Le premier courrier des élèves présentant notre projet, notre région, les lieux de vie des élèves et le collège n'est jamais arrivé. Nous avons donc profité que le Comité de Jumelage Rivière Ouéguédo avec qui nous travaillons parte sur place pour leur confier le paquet avec les contes, les élèves espéraient une réponse rapide. J'ai envoyé des mails à mon contact là-bas, Abdoulaye B., bibliothécaire qui a une adresse mail et va parfois au cybercafé à Tenkodogo, mais aucune réponse pendant trois mois. Puis fin mai, un mail arrive qui dévoile la vraie situation au BF : faute d'électricité ou de réseau, les mails ne peuvent pas toujours être échangés. Quant à la situation des collèges burkinabés, elle a été très difficile : les professeurs se sont mis en grève pour obtenir des effectifs plus raisonnables, (100 élèves en moyenne par classe) , un salaire correct, des locaux décents et une formation digne de ce nom. Les élèves ont suivi la grève, la répression a été dure. Pour casser le mouvement, le gouvernement a fini par mettre tout le monde en vacances.
 
 
 
Pendant ce temps, en France, on réfléchissait en classe, les élèves ont émis de hypothèses sur les causes de la grève, (après lecture du premier courrier d'Abdoulaye) Ce fut échange mémorable :
La prof-doc : Alors pourquoi ils sont en grève ?
Un élève : il y a trop de soleil !
Un autre : Ils n'ont pas assez de lumière (ils voulaient dire d'électricité)
Un troisième (en grande difficulté, mais/et qui comprend mieux les problèmes sociaux) :  ils ne sont pas assez payés.
Enfin ! Ce n'était pas tout, mais on arrivait à des revendications plausibles.
 
 
 
A l'école de la vraie vie !
Voilà donc un projet qui s'est heurté sur une réalité que nos élèves n'imaginaient pas, réalité sur laquelle il a fallu réfléchir, qui nous a fait modifier nos idées reçues et qui a poussé les élèves à imaginer d'autres solutions.
La classe n'a jamais remis en cause ce projet que nous avions proposé en début d'année, elle s'y est attelée avec beaucoup de gentillesse (et de docilité hélas aussi) .
L'année prochaine il y aura de nouveaux élèves sur le projet, car même si nous le poursuivons en 5ème, les classes sont recomposées à cause des options et une nouvelle aventure commencera.
Le chef d'établissement quant à elle, envisage un jumelage plus officiel.
 
 
Annexes
 
 
1) Échange de mails avec Abdoulaye Bagagnan
 
mail du 30 avril 2013
Bonjour Abdoulaye,
un petit mot par mail en attendant des nouvelles des enfants du collège de Ouéguédo. Sais-tu comment ils ont réagi devant les contes écrits par nos élèves ? Nous savons bien que vous n'avez ni les mêmes conditions d'enseignement ni le mêmes méthodes et cela nous intéresserait d'avoir des réflexions des professeurs et des enfants du Burkina Faso.
Nous avons repris la vente de gâteaux et espérons pouvoir envoyer de l'argent pour le forage d'un puits au collège. Nous le ferons par l'intermédiaire de Jacqueline et Michel Ossant quand ils viendront. 
Nos élèves sont impatients de recevoir des nouvelles des élèves de Ouéguédo.
Bien cordialement
Hélène
 
mail du 16 mai
 bonjour HELENE , toutes mes excuses pour ce grand retard indépendant de ma volonté ; cela fait la 4eme fois que j'essaie de te joindre ; il y a chaque fois soit un problème d'électricité ; soit un problème de connexion, ça décourage ; je voudrais vous dire que c'est avec passion que les élèves ont dégusté les contes mais au moment où ils s'apprêtaient à répondre une grève des enseignants est venue perturber les choses, ensuite les élèves eux-mêmes ont emboîté le pas et le gouvernement a précipité les vacances ; la rentrée interviendra le 1er octobre et c'est vraiment navrant que l'on ne puisse pas vous envoyer quelque chose avant cette date : j'espère que vous nous comprendrez et vous nous donnerez l'occasion de nous rattraper ; bref ; transmettez mon bonjour amical aux élèves et dites-leur que ce n'est que partie remise, salut.

mail du 5 juin 2013

Bonjour Abdoulaye
Ça me fait bien plaisir de recevoir de tes nouvelles et les élèves de 6eme ont été très intéressés par la situation au Burkina Faso. Ils sont demandé quelles étaient les causes de cette grosse grève des enseignants. On a émis des hypothèses avec eux : salaires insuffisants, manque d'enseignants, classes surchargées ... C'est peut- être un peu tout ça et peut-être y a -t-il d'autres raisons. Nous continuons à vendre des gâteaux avec les 6e. Nous réfléchissons à une meilleure méthode pour correspondre avec les enfants du collège. Il faudrait peut-être que nous arrivions à contacter les professeurs ... 
De toute façon nous continuons et allons essayer de jumeler nos collèges. Je réfléchis à cela avec notre chef d'établissement. 
Bonne continuation bonnes vacances et à bientôt 
Hélène 
 
Mail du Mail du 8 juin 2013
Bonjour Hélène
merci pour les souhaits de bonne vacances ; les hypothèses émises par vous sont exactement cela ; les classe de 6eme comptent en moyenne 100 élèves, les enseignants pensent que cela est trop et que d'ailleurs l'ETAT leur doit, les élèves réclament de meilleures conditions de travail, construction de salles, formation appropriée, commémoration des anniversaire de leurs camarades morts au cours de manifestations malgré l'opposition du gouvernement et que sais-je encore ?
A quand vos vacances? Salut
Abdoulaye

 
Dernières nouvelles
 
 
Le 10 juin A la lecture du mail d'Abdoulaye, la classe a proposé d'écrire au Président de la République Blaise Campaoré et au Ministre de l'Education du Burkina Faso (copie à François Hollande pour obtenir le soutien de la France)
 
Les élèves ont collectivement été d'accord qu'il fallait s'adresser « avec politesse et respect » dans un « beau style et sans fautes », « faire court pour ne pas déranger » et « ne mettre que ce qui est important »)
Le plan de la lettre a été décidé ensemble :
 
Commencer par des paroles respectueuses et justifier le fait que des enfants s'adressent à un haut personnage.
 Expliquer que nous correspondons avec des collégiens du Burkina et que la mise en vacances forcée des enfants et des professeurs a rendu nos échanges impossibles.
Dire quels faits sont venus à notre connaissance :
les conditions de travail des enseignants
les classes avec 100 élèves en moyenne
Le besoin d'une formation sérieuse des enseignants
la nécessité d'avoir des salles de classe correctes
la répression des manifestations
le refus du gouvernement que les écoles commémorent les anniversaires des élèves morts pendant les manifestations
 
Poursuivre en demandant, au nom de la déclaration universelle des droits de l'homme et de la convention internationale des droits de l'enfant que le BF a signée, que le BF fasse plus d'efforts pour l'éducation et qu'il permette qu'on honore la mémoire des enfants morts.
 
Finir en disant que nous comprenons que le BF est un pays en voie de développement et qui connaît actuellement des difficultés économiques, nous participons à notre petit niveau à un projet de solidarité avec des écoles et nous apprécions de pouvoir entretenir des relations avec des enfants dont la vie est si différente de la nôtre et qui nous enrichissent beaucoup.
 
 
 
A suivre ...
Il ne sera sans doute pas possible d'envoyer cette lettre, un élève a fait remarquer qu'on allait déclencher une guerre, c'était exagéré, mais il s'agit d'ingérence et nous sommes fonctionnaires de l'état français. Un collègue m'a fait remarquer à juste titre que notre action avec ses bonnes intentions maladroites avait des relents de colonialisme et que nous jouions les blancs donneurs de leçons aux noirs. Il y a encore du travail pour ne pas décourager les élèves de 6ème et leur faire comprendre les complexités des relations internationales. Nous envisageons de passer par le club Unesco et surtout de demander à nos correspondants ce qu'ils souhaitent qu'on fasse.
 
 
2) Deux contes numérisés :
 
         
 
avec la version racontée du conte
 
 
 
               
     

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Hélène Duvialard
Lu et approuvé par Hélène Pico
Collège Philippe de Commynes
Tours

 

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