Dossier Histoire-GĂ©ographie

Octobre 1978
 
I. - INTRODUCTION
LE MILIEU HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE
 
Le milieu c'est tout ce qui nous entoure. Définition vague direz-vous. Ce flou, je l'ai voulu, pour vous persuader qu'il s'agit d'une notion complexe, ubiquiste et superbement foisonnante.
 
Si vous êtes naturaliste ce sont les règnes minéral, végétal et animal (n'oubliez pas de vous compter dans ce dernier). On peut déjà simplifier en parlant de milieu naturel et de milieu humain.
L'écologiste, lui, ramène ceci à un seul terme : l'environnement. Et nous voilà revenus à ma première définition.
Si tout éducateur doit avoir une bonne connaissance de son milieu, l'historien géographe (tout comme le naturaliste) en est praticien : il en tire sa raison d'exister.
 
Le milieu historique nous sera fourni par les linteaux millésimés de notre bourgade, l'église romane, le donjon écroulé. Bien sûr. Mais aussi par le vieux cadastre de 1825 écorné et presque au rebut. Les archives de la mairie si elles sont accessibles. Mais encore ? Par les médailles et citations que les élèves ramèneront de chez eux, les cartes de ravitaillement d'une époque qu'on voudrait bien chasser des mémoires (mais qui encombrent tiroirs et greniers). Et le fin du fin... par ce témoignage de grand-mère qui a vécu une période difficile (avant 1914) et en confie le souvenir ému à la bande magnétique.
Le milieu géographique sera constitué par la rivière voisine (qui permettra d'acquérir le vocabulaire de base ; amont, aval, rive droite, rive gauche), le point de vue que l'on découvre depuis tel piton ou telle plateforme d'église ; l'usine que l'on ira visiter dans la zone industrielle voisine. Ou tout simplement cette notion à la fois simple et complexe que les géographes appellent un paysage et qui combine des éléments physiques (reliefs, sols) et humains (cultures, maisons, voies de communication).
 
En réalité, nous n'avons fait cette classification que pour nous faire comprendre :
- La rivière ne cesse-t-elle pas d'être "géographique" que pour devenir "historique" quand elle est enjambée par un pont suspendu du siècle dernier (et conservé comme tel ?) quand, sur les berges, on rencontre une plaque marquant le niveau de crue de telle année ?
- Le linteau millésimé "An IV, 1796" ne cesse-t-il pas d'être "historique" si je m'intéresse à la texture de la roche (je fais alors de la géologie) ou au bouchardage de la surface (je fais alors de la technologie artisanale).
 
Mais foin de telles distinctions. Les milieux portent leur richesse dans leur diversité et tâchons de les apprécier dans leur globalité (même si à certains moments, nous nous laissons prendre par tel ou tel aspect).
 
Certains de ces milieux semblent privilégiés. Nous pensons au marché hebdomadaire où on peut étudier :
• Les provenances des produits et l'époque de leur apparition
• Les fluctuations des cours au fil des semaines
• L'origine des marchands
• Le comportement des acheteurs...
C'est tout à la fois de la géographie économique (voire climatique), de la sociologie, de l'éducation du consommateur .
 
Citons d'autres endroits similaires : la foire, la fête foraine, la salle des ventes, le marché aux Puces, une rue commerçante....
 
Mais s'il est des lieux privilégiés, il n'est pas d'endroits pauvres. Il faut savoir dé couvrir les richesses d'un milieu. C'est affaire d'éducation des sens et de curiosité. En effet, celui qui a le nez au vent, l'œil aux aguets, l'oreille attentive, perçoit beaucoup mieux que les autres. Tout le monde sait qu'un pêcheur dans le milieu aquatique, un chasseur dans le milieu sylvo-pastoral, un ramasseur de champignons dans le sous-bois ont un comportement plus sensible que le simple flâneur. Ceci doit nous rassurer : cette acuité des sens, cette disponibilité aux perceptions de tous ordres s'éduquent.
 
En réalité, il s'agit bien plus de rééduquer que d'éduquer. Dans le milieu urbain qui est celui de la plupart d'entre nous, nous avons perdu (les adultes) ou jamais ressenti (les enfants de maintenant) les perceptions essentielles que sont : l'ombre et la lumière, l'air calme et l'air venté, la terre molle et la terre gelée. L'audio-visuel nous apportera des ersatz de sensations. Mais c'est la sortie qui apportera à notre enseignement cette bouffée d'oxygène (au sens propre), ce support qui lui manquent.
 
Le milieu n'est pas loin. Il est à la porte du C.E.S. où, malgré les trottoirs asphaltés, cette belle cardère a pu pousser. Et ses feuilles engainantes qui recueillent l'eau du ciel (ce n'est pas le "cabaret des oiseaux" pour rien !) nous invitent à aller voir la station de pompage voisine et ses puits filtrants, la toute jeune station d'épuration, l'installation d'arrosage de l'horticulteur, etc...
 
En conclusion, sachons développer pour nous-même ces qualités qui font ce qu'on appelle un esprit curieux, et nous saurons développer ces qualités chez les autres. Ou du moins ne pas les amoindrir : car tout est étonnement chez l'enfant. La faculté de s'émerveiller nous la perdons bien vite... à l'école !
Pour la Commission Histoire Géographie - Marc PRIVAL   - Cournon 12.10.1976.



II. - LE PROBLÈME DE LA DOCUMENTATION
 
1. AUX SOURCES DE LA DOCUMENTATION
 
Que ce soit en étude du milieu, en calcul, en français,....., dans les disciplines comme dans les activités post et péri-scolaires, nous avons besoin de dominer notre matière. Pour y parvenir, nous devons maîtriser l'information sous toutes ses formes : écrite, visuelle, sonore, orale, matérielle. Notre pédagogie nous conduit à mettre le plus souvent possible nos élèves dans la situation de rechercher eux-mêmes l'information. Nous devons être, là aussi, en mesure de les guider.
Pour répondre à des demandes souvent formulées, nous avons pensé faire un inventaire des sources d'information. Il n'est pas exhaustif ; il est le fruit d'une expérience et se veut précis à défaut d'être détaillé.
 
A- LES SOURCES D'INFORMATION ÉCRITE
 
1 ) - les Mairies
On peut y consulter :
- le cadastre (plan, matrices, état descriptif des sections) (Ex. SBT 296)
- les registres d'État Civil (actes de mariage, décès, naissances) (Ex. SBT 198 - 295)
- les archives (beaucoup d'archives ont été transférées aux services départementaux, ... ou brûlées) (Ex. SBT 256)
- les recensements ou dénombrements de population
- les recensements agricoles (cultures, animaux, matériel...)
- les enquêtes agricoles
- les listes électorales
- les permis de construire
- les plans d'urbanisme, les P.O.S.
 
2) - les Archives
Il existe des services nationaux et départementaux où l'on peut consulter, emprunter ou faire photocopier des documents anciens (chartes de franchise, édits royaux, ...) mais aussi récents (collection des journaux). Par ailleurs il existe de nombreuses archives privées (entreprises, associations, sociétés,...) Ex. SBT 310- 295- 198
 
 
3) - Les bibliothèques
Elles sont nationales, départementales, universitaires, municipales ou privées. On y trouvera des livres de toutes sortes : romans, essais, mémoires, biographies, nouvelles et contes, récits de voyages, études, guides, dictionnaires et encyclopédies, collections de journaux et de revues.
Sachons que dans les bibliothèques universitaires, on pourra consulter des Diplômes d'Études Supérieures, des Diplômes d'Études Approfondies, des thèses de Doctorat, des Mémoires de Maîtrise. C'est une source de documents souvent méconnus, parce que non publiés, inemployés et pourtant riches pour l'étude du milieu (nous pensons par exemple à l'histoire et la géographie).
 
4) - Les libraires et les bouquinistes
Certains ouvrages irremplaçables ou fondamentaux, d'édition ancienne, ne pourront être acquis qu'auprès de libraires spécialisés ou de bouquinistes.
 
5) - Les greniers, salles de ventes, marchés aux puces, chiffonniers, brocanteurs, antiquaires
C'est une source accessible à tous. Si la quête est longue et aléatoire, elle réserve des découvertes d'une étonnante richesse. (Ex. SBT 295)
 
6) - Les notaires et services de l'Enregistrement
Les historiens, chercheurs ou érudits, peuvent avoir accès aux minutes notariales, notamment pour reconstituer l'histoire de la propriété foncière. D'autres documents peuvent être consultés si l'on est propriétaire ou héritier : actes de ventes, actes de succession, baux, ... (Ex. SBT 295)
 
7) - Les Syndicats d'initiative, offices de tourisme, ambassades
Tous ces organismes sont susceptibles de fournir, à titre gracieux le plus souvent, des dépliants, brochures, prospectus sur les provinces françaises ou les pays étrangers. Ces documents, riches en illustrations couleur, ont une dominante touristique et présentent un certain visage d'une réalité plus complexe.
 
8) - Les services de relations publiques
Les agences de voyage, touristiques, les entreprises industrielles et commerciales d'une certaine envergure possèdent un service de propagande ou d'information. Sur simple demande on peut obtenir des revues, des échantillons, des photos, des films.......
 
9) - Les kiosques à journaux, les maisons de la presse
Ces points de vente sont spécialisés - et fort bien pourvus - dans la diffusion des périodiques, journaux quotidiens et hebdomadaires, revues, magazines, almanachs...
C'est là en particulier qu'on pourra se procurer la presse étrangère (nous pensons en particulier aux linguistes et aux géographes). On pourra également commander des revues spécialisées à faible tirage.
 
10) - Les graffitis
Nous englobons sous ce titre toutes les inscriptions qui, de la préhistoire à 1974 ont fleuri sur les supports les plus variés : parois des grottes (art pariétal de Lascaux), monuments, murs de nos villes... Si beaucoup de ces graffitis enlaidissent leurs supports, certains ont une valeur archéologique, d'autres une valeur historique (ceux de 1968)... etc
 
B- LES FORMES DE L'INFORMATION ÉCRITE
En faisant l'inventaire des sources, nous avons vu que l'information écrite pouvait revêtir un certain nombre de formes. Nous voudrions ici citer d'autres exemples :
- les brochures de colportage et les vieux almanachs, véhicules d'une information populaire. On y trouve de tout : depuis les faits anecdotiques jusqu'aux pamphlets politiques, en passant par les recettes de cuisine, les médicamentations, les soins aux cultures, les proverbes, les croyances, contes, superstitions...
- les registres paroissiaux, dits registres de catholicité, ancêtres de notre État Civil avant la Révolution Française. (Ex. SBT 137)
- les factures et livres de comptes : documents très importants pour la connaissance d'une époque et d'un milieu social particulier (comptes d'un artisan, d'un propriétaire foncier, d'un bourgeois...).
- timbres, enveloppes affranchies et oblitérées, billets de banque, assignats, coupons d'emprunt (Emprunt russe, de la Défense Nationale...), obligations et actions de sociétés, bilans aux actionnaires (voir SBT 260/61 )
- étiquettes, emballages, labels de produits alimentaires et autres.
- documents relatifs aux périodes de guerre : tickets ou cartes de ravitaillement, bons de réquisition (Révolution Française), billets de logements (permission aux soldats de coucher chez l'habitant) , tracts de propagande, laissez-passer, journaux de campagne des soldats... (Ex. SBT 85).
- les affiches et tracts destinés à une information de masse, peuvent avoir un contenu politique, militaire, commercial, économique, culturel ou artistique... c'est dire que le champ embrassé est vaste depuis l'ordre de mobilisation jusqu'à l'annonce de festivités, en passant par telle incitation à l'action politique, à la consommation...
- les écrits personnels : cahiers de chansons, cahiers de campagne militaire, journaux intimes et confidentiels, lettres... (SBT 85). On peut appréhender à travers ces écrits une personnalité qui s'exprime dans le choix de ses chansons, de ses correspondants, dans son style et son vocabulaire, dans l'interprétation qu'elle fait des événements qui lui sont contemporains. En fin de compte, c'est une vue partielle, mais intéressante, de l'histoire à travers un personnage d'une époque donnée.
- "les peaux d'ânes" ; nous groupons sous cette appellation les différents diplômes, qu'ils soient religieux, militaires (citations), universitaires, sportifs, professionnels.
Nous insistons particulièrement sur ces derniers, indices d'un savoir-faire à une époque encore peu reculée, et souvent montrés avec fierté par leurs propriétaires: brevets d'artisan, de compagnon, du "meilleur ouvrier de France", etc...
 
C- L 'INFORMATION VISUELLE, SONORE ET AUDIOVISUELLE
Aux mêmes sources que précédemment, nous pourrons recueillir des documents visuels :
- gravures, tableaux, affiches dans les mairies et les lieux publics, archives, bibliothèques, librairies et bouquinistes.
- photographies, films des Syndicats d'Initiative, Offices de Tourisme, Ambassades, services de relations publiques.
- cartes postales des kiosques et maisons de la presse, des greniers.
 
Mais il est des lieux spécialisés dans l'entrepôt, la conservation, la réfection et la reproduction, la présentation de documents d'information visuelle, sonore et audiovisuelle :
 
1) - Les photothèques
Les documents photographiques sont présentés sur tirage papier avec différentes indications concernant la prise de vue (lieu, saison, auteur). Une photothèque offre deux possibilités : donner la référence exacte d'un sujet que l'on désire photographier ou fournir un tirage de la photo elle-même. Dans certaines photothèques tout le monde peut enrichir les collections en prêtant ou en donnant un cliché.
 
2) - Les cinémathèques
On peut y emprunter, visionner, louer des films ainsi que le matériel de projection ou de sonorisation. Certaines ont une vocation de service public (OROLEIS) par le choix de leurs films et les conditions de prêt.
 
3) - Les sonothèques
Comme leur nom l'indique, elles ont pour vocation de classer et conserver, de prêter ou louer des documents sonores: disques, enregistrements sonores sur bandes magnétiques, films pour magnétoscopes...
 
4) - L'O.R.T.F.
l'Office produit et diffuse les émissions de la Radio et Télévision Scolaire. Les diapositives relatives aux émissions de Radiovision sont diffusées par les soins du S.E.V.P.E.N.
 
5) - L 'I.G.N. (Institut Géographique National)
prend des clichés aériens en France et à l'Étranger et dresse des cartes en plan ou en relief des régions photographiées.
Les clichés peuvent être consultés et commandés à la Photothèque de l'I.G.N. Les cartes sont en vente chez certains libraires dépositaires dans les grandes villes.
 
6) - Les Musées sont une source irremplaçable de documents originaux dont, la plupart du temps, le particulier ne possède que des reproductions :
- les musées d'arts : peinture, sculpture, architecture, gravures, estampes (certains s'appellent des pinacothèques)
- les musées historiques ou archéologiques
- les musées d'arts et traditions populaires, d'ethnographie, de folklore
- les musées d'histoire naturelle, les zoos, les jardins d'accilimatation, les réserves et parcs naturels...
- les musées des techniques, le conservatoire des Arts et Métiers...
 
L'exploitation que l'on pourra tirer des visites de musées se traduira par des schémas, des croquis, des dessins, toutes informations visuelles qui pourront faire l'objet d'une exposition, d'une conférence, d'un album, d'un montage audiovisuel... (voir Éducateur numéro 1, 15 sept. 1971 : La classe au Musée).
 
7) - Les Salons et Expositions sur des sujets particuliers (une époque, un personnage, un milieu géographique, des métiers, une tendance de l'art...) et à titre temporaire, donnent une illustration qu'on aurait tort de négliger. Il est utile de conserver le catalogue de cette manifestation.
 
8) - Les salles de spectacle et de concerts, les auditoriums, salles de Congrès, Maisons des Jeunes et de la Culture, Ciné-Clubs...
 Dans tous ces lieux se déroulent des manifestations artistiques ou culturelles sous forme de projections (diapositives, montages sonorisés, films de tel metteur en scène, de tel genre, courts-métrages...), de débats (rencontres avec un personnage, débat sur un thème...), de conférences (explorateurs, économistes, artistes...), d'expositions, de pièces de théâtre, de concerts ou moments musicaux (présentation d'un instrument, d'interprètes...), de soirées chorégraphiques (ballet, folklore...)...
 
Il serait intéressant, en début d'année scolaire, de se procurer et d'afficher le programme annuel de ces manifestations et, lors de celles-ci, d'organiser des déplacements d'élèves. Comme pour le musée il est souhaitable qu'il y ait préparation à la manifestation (film, concert, pièce, etc...) et exploitation dans les jours qui suivent.
 
9) - Les greniers, les marchés aux puces, les brocanteurs, les bouquinistes, les salles des ventes...
peuvent recéler certains "trésors" sonores du passé tels que rouleaux de gramophones, disques à aiguilles ou saphir, enregistrements sur fil, films, cartes postales, gravures, estampes...
 

D- UNE SOURCE DE DOCUMENTATION PRIVILÉGIÉE : les CRDP et CDDP
Les Centres Régionaux et Départementaux de Documentation Pédagogique ont été créés pour réunir et diffuser une grande masse d'informations sous les formes les plus diverses.
 
a) On peut y trouver :
- une bibliothèque : livres d'information sur tous les domaines de l'Éducation: psychologie, éducation, art, sciences, etc... ;  revues, journaux...
- un service de prêt de diapositives, films fixes, disques, mallettes audiovisuelles, expositions didactiques...
- un service de visionnement de films
- un service de ventes des éditions du SEVPEN
- les CRDP éditent des publications qui lui sont propres : bulletins d'information des professeurs de lettres, sciences, langues..., brochures pour l'étude du milieu local, pour l'orientation scolaire...
- un service de prêt de matériel et de renseignement avant tout achat : projecteurs, rétroprojecteurs, écrans...
- un service des manuels scolaires : consultation de tout ce qui est édité
- un service photographique : reproduction de documents, clichés d'objets, de monuments, agrandissements de clichés personnels...
- un service de photocopie
- un service de reliure
- un service de prise de vues par film ou par magnétoscope
- un service d'imprimerie en offset
 
b) le CRDP peut mettre à la disposition des enseignants, des mouvements d'éducation, des organisations de jeunesse.
des salles de réunion, de projection, d'audition, des halls ou des vitrines d'exposition, des panneaux d'information...
 
c) le CRDP organise en outre des journées d'information sur la pédagogie de telle ou telle discipline, sur le matériel d'enseignement, sur l'orientation, la défense de la Nature...
 
La vocation et l'ambition d'un CRDP est de faciliter l'information d'un vaste public. Le rassemblement en un seul lieu des différentes sources d'information en est un élément. Mais de très nombreuses personnes ignorent encore les services qu'elles peuvent en attendre (ex. : un enseignant éloigné du chef-Iieu bénéficie du port gratuit des documents qu'il emprunte).
 
Différents catalogues sont mis à sa disposition pour chaque catégorie de documents possédés par le CRDP local.
Des mises à jour sont publiées périodiquement. Ces répertoires peuvent être laissés à la disposition des élèves qui, lorsqu'ils font une recherche personnelle, portent sur leur fiche-guide les cotations des documents qu'ils souhaitent utiliser.
 
E- L'INFORMATION À PARTIR D'OBJETS MATÉRIELS
 
Tout objet contient en lui-même une information : l'état du ciel laisse soupçonner le temps qu'il va faire, l'usure d'un manche d'outil fournit des indications sur son mode d'utilisation, de tel monument se dégage un style, qui témoigne d'une époque, d'une conception artistique, de l'utilisation de certains moyens techniques, etc...
 
En toute occasion la confrontation avec l'objet est de beaucoup préférable à sa reproduction en gravure, maquette, photographie, etc...
 
Nous visiterons donc :
- la nature : plantes, animaux, état du ciel, ruisseaux, etc...
- les routes et chemins : tracé, constitution, ouvrages, remblais, etc...
- les rues : observations des plaques de noms de rue, des plaques commémoratives, des bornes, des fontaines, de la chaussée, etc...
- les constructions : toits, charpentes, couvertures, épis de faîtage, girouettes, étages, encorbellements, colombages, ouvertures, matériaux, linteaux, perrons, balcons, soupiraux, cours, puits, grilles, etc...
- les points de vue et panoramas : succession des plans, étude du relief, orientation, couleur des champs et des bois, répartition de l'habitat, forme des villages.
- les commerces et boutiques, foires et marchés : les denrées selon la saison, leur prix et la fluctuation de ceux-ci, les modes vestimentaires, le langage employé, les cris. Les odeurs, les démonstrations...
- les usines : l'organisation du travail, les horaires, les salaires, les conditions de travail, de sécurité, la production, la commercialisation...
- les expositions, les musées, les collections particulières
- les, foires ou salons d'exposition, les expositions permanentes ou temporaires, les vitrines des grands magasins : un même objet (automobile, poste de télévision, machine à laver...) y est présenté dans ses différents modèles. On peut à cette occasion se faire une idée de la diversité d'un même produit.
- chez l'habitant : aménagement de l'habitation et de ses dépendances, les meubles, les ustensiles ménagers, les outils, les véhicules de locomotion et de transports, les costumes, les bibelots, les objets de souvenir et de collection (médailles, insignes, badges, monnaies...)
 
Pour une bonne utilisation de ces matériaux :
- les matériaux qu'on récolte pourront faire l'objet d'expositions permanentes ou temporaires dans l'établissement scolaire ou la classe
- d'autres matériaux pourront être prêtés lors d'une manifestation temporaire : évocation d'une époque, reconstitution d'un intérieur ou d'une échoppe d'artisan...
- tous les autres matériaux dont la visite s'impose (monuments, maisons, rues, véhicules, artisans...) seront soigneusement inventoriés sous la forme d'une carte parlante ayant la possibilité de s'enrichir sans cesse, et dressée à deux échelles différentes, l'une pour l'environnement immédiat, l'autre pour l'environnement plus lointain.
Nota : pensez que les objets manqués et les chutes sont une illustration d'un corps de métier (métier de la pierre, du bois, des plastiques, du textile... ) , ont parfois un certain cachet esthétique (poli d'un marbre, volutes d'un copeau...) et, avec les échantillons, peuvent donner lieu à collection.
 
M. PRIVAL            CES- 63800 COURNON
G. MAILHOT         ENP OPME - 63 ROMAGNAT
 



2. LA DOCUMENTATION DE CLASSE
 
A - ÉVOLUTION DE LA NOTION DE DOCUMENTATION
 
Dans l'enseignement traditionnel, les activités de documentation étaient réduites pour les élèves : les informations étaient puisées principalement dans le manuel et dans le cours magistral. Les établissements disposaient généralement d'une bibliothèque et parfois d'un service de documentation pour les professeurs. Chaque enseignant se constituait souvent par ailleurs une documentation personnelle.
 
Les seuls "documents" que l'on mettait à .la disposition des élèves étaient les livres des bibliothèques. Pendant des décennies, l'École Moderne a été presque seule à élaborer une documentation pour les élèves en créant une véritable encyclopédie enfantine avec toutes les collections des B.T.
 
- B.T. - Bibliothèque de Travail
- S:B.T. - Supplément Bibliothèque de Travail {publication de textes. de plans...)
- B.T.J. Bibliothèque de Travail junior
- B.T.S. - Bibliothèque de Travail sonore (un disque et douze diapositives)
- B.T.2. - Bibliothèque de Travail pour le Second Degré.
 
Depuis quelques années, des services de documentation destinés aux élèves apparaissent dans les établissements, mais ils restent encore embryonnaires. (Voir La Brèche n°7, p.1 "Un fantôme dans l'Éducation", no17, p.3 "Reportage chez T . Lapp documentaliste", nOS 20 et 21, p. 31, réponses dans le courrier des lecteurs).
 
Nos élèves disposent rarement d'un véritable service de documentation animé par plusieurs documentalistes dont le rôle ne se borne pas à une simple surveillance. Notre action doit tendre en priorité au développement des C.D.I. d'établissement.
 
B - LA DOCUMENTATION DE CLASSE
 
Pour un enseignant pratiquant la Pédagogie Freinet, le libre accès des élèves à des sources de documentation est vital (aussi essentiel que le "manuel" dans l'ancienne pédagogie). Au sein du mouvement, on constate qu'un nombre grandissant d'enseignants installent une documentation dans leur classe.
 
Quel est le contenu d'une documentation de classe ?
La plus grande diversité est souhaitable :
- livres (dictionnaires, ouvrages de vulgarisation, romans)
- revues (on peut envisager des abonnements de la classe)
- articles découpés, classés dans des dossiers.
- brochures
- prospectus, archives, timbres...
- disques, bandes magnétiques
- photos, cartes postales, diapositives
- objets divers (monnaies...)
 
Sur un même thème la présence de documents de niveaux différents est enrichissante. Une B.T. utilisée comme base de travail par un enfant de sixième peut servir d'introduction à une étude plus difficile par un élève de Terminale...
 
En histoire-géographie, une base de documentation peut être constituée à partir des éléments suivants :
- Collections de la Bibliothèque de Travail (voir plus haut)
• La Documentation Pédagogique
- Les Textes et Documents pour la classe
- Les Dossiers et Documents du Monde (publiés par le Journal LE MONDE)
- La Documentation par l'image, revue des activités d'éveil (publiée par Nathan) qui publie de très belles photographies, reproductions commentées.
- École Ouverte sur le Monde, revue du travail indépendant
- Le courrier de l'UNESCO
- Le Peuple Français, revue d'histoire populaire française
- Encyclopédie "La France" publiée par Larousse.
On peut y ajouter quelques collections de manuels scolaires.
 
Mais une documentation de classe s'organise principalement à partir des apports des élèves (revues, articles de journaux, documents divers...).
 
Comment classer une documentation de classe ?
 (une petite note sur ce thème est parue dans "École ouverte" n° 37)
 
* Dans la plupart des cas, un classement personnel est adopté.
Pour une documentation restreinte, c'est souvent la meilleure solution, cependant un tel classement :
- est toujours à réviser
- devient mal commode dès que la documentation s'accroît
- rend difficile le travail en commun avec d'autres collègues.
 
* Dans la Brèche n°11 (p. 20) A. Favry a proposé avec Retorica un système de classement alphabétique. Cette solution, commode pour des littéraires, est difficilement utilisable par des historiens-géographes.
 
* La solution la plus rigoureuse est un classement décimal parce qu'il est ouvert de façon illimitée.
- Le système des C.D.I. combine un classement décimal avec un classement alphabétique, ce qui en rend le maniement complexe.
 
* Un répertoire de classement intitulé "POUR TOUT CLASSER" a été publié par l'École Moderne. Il propose une classification décimale, utilisable pour toutes les matières, ce qui peut faciliter la constitution d'équipes autour de la documentation d'une classe. C'est l'instrument Le plus commode pour nous.
 
Je cite l'introduction de ce répertoire :
"Tout ce qui est classé a été réparti selon les grandes divisions suivantes" :
0 - Notre travail
1 - Le milieu naturel
2 - Les plantes (botanique)
3 - Les animaux (zoologie, médecine)
4 - Autres sciences
5 - Agriculture et alimentation
6 - Travail et industrie répertoire : a été réparti selon les grandes divisions suivantes :
7 - La cité et les échanges
8 - La société (vie sociale, économique et politique)
9 - Culture et loisirs
G - Géographie
H - Histoire "
 
Chaque division est à son tour divisée en dix sous-parties numérotées de zéro à neuf ; chaque sous-partie peut également être divisée. Le répertoire complet de ce tableau rationnel de classement tient une trentaine de pages et peut être utilisé facilement par les élèves.
 
L'utilisation de la lettre G devant le classement pour la géographie permet d'avoir un classement dans l'espace ; l'utilisation de la lettre H pour l'histoire, un classement dans le temps. Pour ces deux matières, les divisions proposées (trop liées aux programmes anciens de l'École primaire) sont à revoir .
 
Comment ranger une documentation de classe ?
Une telle documentation doit tenir généralement dans une armoire.
 
- Le rangement peut être indépendant du classement : par exemple, on range par type de document; sur une étagère les livres, sur une autre des dossiers, plus loin les diapositives, etc. Cette solution, plus commode matériellement rend les recherches des élèves plus complexes, exige la constitution d'un fichier de références.
 
- Le rangement reflète le classement: Cette solution pose de petits problèmes matériels ; il faut arriver à ranger ensemble des documents de nature différente, mais les recherches sont facilitées.
 
CONCLUSION
 
Pour ou contre la documentation de classe ?
 
En tout état de cause, elle ne peut remplacer un véritable C.D.I. Dans l'idéal, elle devrait même s'articuler sur la documentation du C.D.I. d'établissement.
 
L'objection la plus fréquente à ces documentations de classe est le danger d'infantilisation. On peut y remédier en utilisant également toutes les autres sources de Documentation (voir La Brèche n° 2  p.2 " Aux sources de la documentation").
 
Les avantages sont grands :
- La documentation est constituée par les élèves eux-mêmes
- Ils apprennent à choisir, à classer.
- Un libre accès à la documentation pendant les heures de cours contribue à changer le contenu de l'enseignement.
Catherine DOL
 
 

3. TROIS CONVICTIONS
 
Trois idées essentielles me paraissent, dans les conditions actuelles, devoir être affirmées sur la question de la documentation.
 
a) La réalisation d'une documentation de classe est absolument nécessaire, voire vitale
- dans l'état actuel des choses, très peu de services de documentation intérieure de lycée ou de C.E.S. sont capables de fournir une véritable aide, circonstanciée, nuancée, individualisée, à des élèves à la recherche de documents.
 
- il est difficile, par manque de temps, de laisser des élèves tâtonner trop longtemps à la découverte de livres ou d'articles qui puissent leur convenir.
 
- enfin, il est dangereux de lâcher ces mêmes élèves dans la jungle documentaire sans aucune indication, sans aucun fil conducteur. Combien avons-nous eu d'expériences malheureuses de ce type ? Tel adolescent veut présenter à la classe le problème des OVNI, de la drogue, et autres tartes à la crème (mais il faut bien y passer) et s'engage dans la lecture d'une littérature de second ordre, trompeuse et médiocre (cf. également l'innombrable production à sensation sur les camps de concentration et les S.S.) .
 
Donc laisser les élèves libres de leur recherche documentaire me paraît être, sous prétexte de tâtonnement nécessaire, une illusion et une irresponsabilité. C'est supposer le problème résolu ; comme si nos élèves avaient tous le sens critique inné et le don de déjouer tous les conditionnements. La réalité est peut-être moins idyllique, mais c' est d'elle qu'il faut tenir compte.
 
Dans ces conditions, même si l'on ne dispose pas d'armoires bien remplies, ni même de salle attitrée (ce doit être une de nos revendications matérielles) on peut apporter, pour telle ou telle heure, avec telle ou telle classe, un minimum de documents (même sans aller jusqu'au transport comme le faisait un camarade, de la collection complète des BT et BT2 dans le coffre de sa voiture).
 
b) Une documentation de classe doit être le résultat d'un choix, d'un tri.
Pour nous également, la documentation est parfois difficile à dominer. Sur tel sujet demandé par un élève quels documents connaissons-nous ? Quels sont ceux qui conviendront le mieux, compte tenu du niveau de l'élève, de son intérêt manifesté ? Qu'avons-nous à proposer à un élève qui veut travailler... le système scolaire ou les religions d'Afrique noire... ? Bien sûr il y aura toujours bien un "Que sais-je ? "sur la question, et puis on pourra toujours faire un tour au S.D.I... Mais plutôt que de répondre au coup par coup, pourquoi ne pas préparer collectivement (c'est-à-dire par chantier de travail) une série de dossiers de documentation sur quelques thèmes qui reviennent tous les ans dans nos classes, dossiers contenant les textes les plus intéressants ou les extraits d'articles les plus significatifs, les références les plus importantes ?
Nous sommes peut-être très au courant des travaux importants sur la géomorphologie des zones arides ou sur le mouvement des nationalités dans les Balkans de 1871 à 1914, mais que savons-nous des documents accessibles et essentiels (manuels, livres, articles) sur le problème palestinien, l'apartheid en Afrique du Sud, la situation au Chili etc... et pourtant ce sont ces problèmes-là qui intéressent nos grands élèves. Aussi il faut absolument constituer, soit dans nos établissements, soit dans nos groupes départementaux ICEM, soit dans nos chantiers sur le plan national, des équipes chargées tantôt de collecter les documents indispensables sur un sujet, tantôt de constituer un dossier plus élaboré sur telle autre question (je pense en particulier au travail effectué par le groupe de l'Isère sur les "Pays andins").
 
De cette façon nous n'aurions plus à nous essouffler dans cette quête désordonnée des documents de travail et nous pourrions nous consacrer plus largement à ce qui est notre véritable rôle : l'aide que nous pouvons fournir à l'élève devant le document.
 
c) Car le troisième impératif est en effet de préparer le document. L'excellence d'un document n'est pas une raison suffisante pour que nos élèves en découvrent ipso facto les richesses. Il faut bien souvent les conduire par la main, leur donner un guide, un fil d'Ariane. Pour que le document remplisse son rôle, il faut donner à l'élève un outil d'analyse, 'Sous forme de questions précises, plus ou moins détaillées selon le niveau de la classe et les possibilités de l'élève. Il est bon aussi de donner des idées directrices pour une synthèse, un exposé, un affichage, c'est-à-dire toute forme de communication.
 
L'individualisation du travail suppose donc une recherche documentaire importante, un choix et une préparation du document. On est donc loin de la liberté totale de l'élève. Est-ce une renonciation à nos principes de base ? Je ne le crois pas, dans la mesure où notre pédagogie refuse l'abandon de l'élève à l'emprise de fer des conditionnements et où les adolescents ont un pouvoir de décision sur l'organisation de leur travail dans une relation prof-élève fondée sur l'égalité
et le respect mutuel.
Jean-Claude EFFROY
 



III. - LES OUTILS ET LES TECHNIQUES
 
Le chapitre qui suit sera formé essentiellement d'articles parus ces dernières années et concernant les principaux médiateurs de notre pédagogie, c'est-à-dire les outils et les techniques. Il est habituel, voire de bon ton, ou même de bon augure dans le mouvement Freinet d'opposer les "techniques" et "l'esprit" .. On peut appliquer les techniques Freinet mais si l'on n'a pas "l'esprit"... alors malédiction ! ... celles-là ne seront qu'un ensemble de recettes de cuisine tout juste dignes de figurer au repas officiel sauce rénovation pédagogique ! Inversement, si vous avez l'esprit, vous êtes l'élu et il vous sera beaucoup pardonné ! Mais trêve de mauvais esprit (sans jeu de mot), car ce stéréotype, pour agaçant qu'il soit, a au moins l'avantage d'indiquer qu'un outil, en lui-même, est amorphe, neutre et qu'il peut être utilisé dans tous les sens, déformé, dévié, remodelé. Une B.T. ou un limographe peuvent être introduits dans n'importe quelle classe. Une fiche-guide aussi. Et l'on sait l'ennui des visites-bidons au Louvre ou ailleurs et la pagaille des voyages-défoulement de fin d'année. L'utilisation de l'outil est donc au moins aussi importante que son existence. Et le problème est de faire que la bonne utilisation de la recette permette la confection d'un plat savoureux et non insipide. Il y a donc, à côté des outils, des techniques d'action qui sont primordiales. Enfin il existe un deuxième problème qui est de savoir si l'on peut en 1978 utiliser des outils créés il y a quarante ans. Ne faut-il pas réadapter à notre époque et à nos conditions de travail des outils conçus dans le primaire et dans un milieu rural ? Il est sans doute beaucoup plus difficile de faire de "l'étude du milieu " dans un lycée d'une grande ville de France, quatre heures par semaine, plutôt que chaque jour dans un petit village de Provence. De même nous sommes à l'époque des machines. Pourquoi ne pas utiliser la Gestetner pour nos tirages, au lieu de continuer à rouler imperturbablement nos rouleaux à limographe ? Il existe peut-être des outils ou des techniques fondamentaux, éprouvés, dont il faut retrouver ou inventer l'emploi dans le secondaire, de même qu'il faut trouver de nouvelles techniques, de nouveaux outils pour répondre à nos conditions spécifiques de travail.
 
 

1 - FAUT -IL CONTINUER A UTILISER
LES OUTILS "TRADITIONNELS" FREINET ET COMMENT ?
 
a) - L'imprimerie
(voir Article de Marc LEBEAU La Brèche n° 11 de Septembre 1975)
 
b) - Du journal scolaire au livre de Vie
Nous avons tous plus ou moins utilisé le journal scolaire en histoire/géographie, mais il faut bien dire que, si je suis seul dans cette discipline à pratiquer la pédagogie Freinet au CES ou au lycée, il est bien difficile de maintenir ce journal. Je dis maintenir, car il est vrai qu'on a l'impression, après l'excitation des premiers mois, d'être le seul à le tenir à bout de bras. Que peut-on y mettre dans ce journal ? des comptes rendus de débats organisés en classe, d'enquêtes et de visites effectuées etc... mais on se heurte vite à deux handicaps majeurs :
 
- d'abord le temps : quatre heures par semaine, c'est peu et il faut ,bien souvent procéder au tirage des textes à la fin de la journée, en dehors des heures de classe, avec quelques volontaires et, si l'on tire deux numéros dans l'année, c'est un exploit. Il est vrai que ce journal est bien une "production" de la classe, au sens noble du terme, c'est-à-dire qu'on redonne au travail toute sa signification et sa portée. Cependant on constate bien souvent que, sans relance incessante du maître, les élèves ne proposeront pas eux-mêmes la réalisation du journal, même après le tirage du premier numéro.
 
- Ensuite notre discipline (c'est un comble !). Si le journal peut avoir des chances de fonctionner normalement, il doit aussi permettre toute expression libre, dessins, poésies etc... et alors où est l'histoire-géographie ?
 
D'ailleurs pour qui publier un journal ? Par qui est-il lu ? En réalité la socialisation se borne à la publication et il y a bien souvent un hiatus entre cette expression et le monde extérieur. Ce n'est pas ici le procès du journal scolaire, mais la constatation d'une impuissance quand il n'est pratiqué qu'en histoire-géographie.
 
Dans ce cas, une formule qui peut être mieux accueillie par les classes de secondaire en histoire-géographie est la réalisation du Livre de Vie, sorte de manuel en fabrication. permanente, qui comporte tous les textes du journal scolaire, plus les documents de travail spécifiques de la classe d 'histoire-géographie, textes proposés par les élèves (par exemple des textes trouvés par les élèves dans les archives locales), extraits de livres lus par les élèves (par exemple des "Cratères en feu" de Haroun Tazieff), cartes confectionnées après un exposé.. compte rendu ou texte intégral d'une conférence particulièrement réussie et aussi - pourquoi pas ? - un exposé fait par le professeur et qui a intéressé la classe.
 
c) La correspondance
 
LA CORRESPONDANCE GÉOGRAPHIQUE EN 3e
Pour commencer, constatons l'ineptie du programme. La France d'accord. Mais ce compartimentage entre géographie physique et géographie humaine! Regardez seulement un paysage : s'y expriment bien entendu les ondulations ou la platitude du relief, les essences végétales ; la roche apparaît aux plaies des carrières. Mais par les vitres de ma classe, j'aperçois les lanières des champs, le jaune des colzas (j'écris en mai), le vert des céréales, le semis des fermes, les villages perchés et les vignes. On ne peut rêver meilleure symbiose d'un paysage naturel et d'un paysage humain qu'en ce coin de Limagne. Et c'est partout pareil ! ...
 
Alors ? Vous allez suivre votre manuel ? Massifs anciens, bassins sédimentaires, les cours d'eau, le climat...
 
Deuxième incongruité : étudier les phénomènes géographiques à l'échelle nationale. L'agriculture l'élevage, la pêche, l'industrie lourde... L'adulte comme l'enfant perçoit d'abord la géographie dans sa réalité régionale et non dans sa globalité hexagonale. Ce n'est pas sous le prétexte que le programme de Première reprend l'étude de la France par un découpage régional que nous allons nous priver des apports de notre milieu .
 
Premier trimestre :
À la découverte de notre région
 
Dès le mois de septembre, nous établissons les premiers contacts avec les correspondants. En 1972- 73, nous avons correspondu avec le lycée
E. Mounier (Grenoble) et le C.E.S. de la Garde (près de Toulon). Chaque classe fait part à l'autre des sujets d'étude régionale qu'elle compte traiter. Voici, à titre d'exemple, les thèmes retenus cette année dans deux classes de Cournon.
- 3e 1 : la commercialisation des vins et des fromages ; le tourisme ; les stations de sports d'hiver ; les châteaux ; Clermont ; les stations thermales;  les lacs ; coutumes et légendes.
- 3e 5 : l'aéroport d ' Aulnat ; les volcans ; carrières et mines ; le thermalisme ; agriculture et élevage ; spécialités gastronomiques;  tourisme et sites pittoresques ; lacs et rivières ; loisirs, pêche et chasse ; folklore et coutumes.
 
Je ne suis pas intervenu dans l'infléchissement des thèmes sous prétexte qu'ils étaient peu géographiques, mais plutôt historiques ou ethnographiques. Je pars en effet des deux remarques suivantes :
• Les élèves ne travaillent bien que sur des thèmes qu'ils ont librement choisis.
• Aucun phénomène n'échappe à la réalité géographique. Un château se construit sur un site, avec des pierres du cru. Un plat de venaison exprime la faune du lieu. Les loisirs de la neige peuvent se traduire en nombre de remontées, en nuitées d 'hôtels, en kilowattheures consommés dans les caravaneiges. Costumes, parlers, danses sont l'émanation d'une mentalité collective, donc d'un terroir .
C'est d'ailleurs à l'adulte qu'il incombe de faire sentir ces inter-relations.
 
Les recherches sont commencées en classe, pour suivies au service de documentation et en dehors du C.E.S. (enquêtes). Chaque groupe fait à la classe la présentation de son travail (et non un exposé) : sources de la documentation, difficultés rencontrées, affichage des panneaux et réalisation (maquettes, poupées, cartes parlantes) audition de bandes (reportages) et projection de diapos s'il y a lieu. Un débat court clôt la relation. Un ou deux polycopiés, rédigés par les élèves, constituent la trace écrite.
 
Ma part : resituer quelques problèmes, élargir certaines perspectives. Mais pas de cours : ce serait facile, car je connais ma région sur le bout des doigts. Mais ce serait dévaloriser le travail des élèves.
Or, le premier but était bien de les intéresser à géographie en les faisant se colleter à leur milieu régional. Résultat : ils sont contents, débloqués, ils connaissent mieux l'Auvergne, ils ont appris à travailler en équipe.
Une notation technique : tous les travaux sont remarquables de qualité car destinés aux correspondants : les frais sont couverts par les cotisations mensuelles.
 
Deuxième trimestre :
A la découverte du milieu correspondant
 
Tous ces travaux sont terminés en décembre et expédiés courant janvier. Si la classe correspondante a le même rythme de travail, nous pouvons donc commencer à dépouiller leurs travaux au moment où nous terminons les nôtres.
 
Voici ce que nous avons reçu de Grenoble : l'usine Neyrpic (industrie de pointe : turbines),. Géologie du Vercors (plis-failles, synclinaux perchés...). Trois enquêtes agricoles sur le Grésivaudan (noyeraies, maissiculture...). L'aéroport de St-Geoirs et sa station météorologique.
En provenance du Var : géologie des Maures et de l'Estérel ; l'agriculture varoise (arboriculture, viticulture, fleurs) ; la pêche côtière ; les chantiers de la Seyne-sur-Mer ; la forêt varoise.
Pour Grenoble, la correspondance a capoté en Février et n'a pas donné tout ce que j'étais en droit d 'espérer.
Avec La Garde, c'est l'enthousiasme, mais les envois ne sont pas terminés.
 
Je n'ai résolu que cette année (après quatre années de recherches) le délicat problème de l'utilisation de ces travaux. Une fois le premier choc affectif passé (admirer les beaux panneaux, renifler la lavande) comment exploiter ces recherches et en prolonger l'intérêt ? Comment en une heure "faire passer" la matière d'une recherche qui a demandé une dizaine d'heures pour le moins, à nos correspondants ?
 
J'ai suscité parmi les élèves des équipes de volontaires. Ceux-ci se chargent de travailler sur un des thèmes de leurs correspondants, mais en poursuivant le parallèle avec la réalité régionale ou nationale.
* La station météo de St-Geoirs nous a incités à faire la même étude sur celle d'Aulnat ; et ainsi de comparer les climats dauphinois et auvergnat.
* La forêt varoise nous a permis d'extrapoler à la forêt française (reboisement, incendies).
* La pêche côtière nous a amenés à visiter une poissonnerie le jour d'un arrivage de poissons méditerranéens (et ainsi de connaître ces fichues daurades dont nous parlaient les Toulonnais).
* Neyrpic a lancé les 3e 5 à la découverte de Michelin.
A propos de cette dernière enquête, qui fut une réussite, je vais donner quelques détails. Toute la classe s'est consacrée au même sujet, lui-même divisé en thèmes de recherches : l'histoire de la firme, la matière première, la fabrication des pneus, Michelin et son rayonnement, l'exportation, l'organi3ation de l'usine en services, la main d'œuvre, les essais de roulement.
Quatre heures (en huit demi-heures) d'exposés et de débats ont été l'aboutissement de cette recherche collective qui nous a permis d'appréhender les multiples aspects d'une grande entreprise (aspects techniques, économiques, humains).
 
Troisième trimestre :
Le voyage d'étude
Cette année nous partons dans le Dauphiné avec comme objectif "une ville dans sa région : Grenoble".
Je ne reviendrai pas sur l'organisation d'un tel voyage de trois jours : je l'ai fait en détail dans un précédent article ( 1) .
Je serai également bref sur les motivations : affectives (rencontrer les correspondants... mais ce ne sera pas cette année !), coopératives (établissement de l'itinéraire, repas, gestion), et, bien sûr, géographiques.
Est-il nécessaire d'ajouter que ces voyages marquent indélébilement nos adolescents ? A preuve : les anciens de 3e de l'an dernier m'ont cassé les pieds pour reformer une coopérative (hors du cadre scolaire puisqu'ils sont dans les lycées C.E.T. du département) et refaire un voyage. Au moment où j'écris ils reviennent enthousiastes de l'Aquitaine. Malgré tout le plaisir que j'aurais eu à participer à leur périple, j'ai coupé volontairement le cordon ombilical. Et ma foi, ils se sont fort bien débrouillés, aux regards amusés ou ahuris des parents.
Au moins, ceux-là auront compris que la géographie est partout, sauf dans les livres et dans les programmes.
Marc PRIVAL
CES de Cournon -63800
(1) Voir Educateur 6/7 du 15-12-73 p.32. (article déjà publié dans l'Educateur n° 5 du 15.11.73).
 
d) L'ouverture sur le monde extérieur
- L'enquête (cf. G. Bellot - La Brèche n°9 de Mai 1975)
 
L'OUVERTURE DE LA CLASSE SUR LE MONDE EXTÉRIEUR
Ne plus pratiquer un enseignement livresque ; mettre les enfants devant le concret etc... Voilà des intentions louables que chacun peut avoir ! Mais qui, dans les CES, peut dépasser le stade des intentions ?
 
Il s'agit d'abord d'un problème de structures horaires.
Un professeur d'Histoire-Géographie-lnstruction Civique dans le premier cycle (tel est mon cas) enseigne ces trois disciplines à une même classe en tranches horaires dispersées dans la semaine. Argument de l'administration pour refuser le groupement d'heures : les enfants ne doivent pas avoir deux leçons pour le même jour avec le même professeur (ex : histoire-géographie). Argument spécieux que nous ne prendrons pas la peine de discuter.
Dans ma fiche de vœux pour la rentrée 1973-74, j'ai donc instamment demandé le groupement de 2 heures sur les 3 ou 3 et demie que je dois assurer par classe. Cela n'a pas été facile, mais je l'ai obtenu.
 
Il s'agit ensuite (et bien évidemment) d'un problème de crédits.
Dès qu'il s'agit de sortir du cadre étroit du village et de la petite ville, un moyen de locomotion est obligatoire et cela occasionne des dépenses. Comment y pallier ?
- crédits d'enseignement. Ils sont faibles et on peut toujours se demander s'il vaut mieux les investir dans une boîte de diapositives ou dans une sortie.
- participation des parents. C'est la plupart du temps le moyen auquel je recours, malgré ma répugnance. Je n'ai pratiquement jamais rencontré de parents qui refusent de verser à notre coopé les 1 F par mois que nous demandons. Mais l'argument que nous avançons est faussé au départ : si vous ne versez pas, on ne sort pas. Dans l'intérêt des enfants, les parents paient... et entretiennent l'illusion qu'il se fait quand même quelque chose dans l'Éducation Nationale (sans argent !) . Dans la mesure où c'est moi-même le fauteur d'illusion, je n'ai pas la conscience tranquille.
- subvention de la municipalité, de l'amicale laïque, du foyer des jeunes etc... Elle ne peut qu'être exceptionnelle (annuelle) et place l'enseignant dans la difficile position de quémandeur. On lui demandera toujours en retour, à d'autres occasions, de manifester son intérêt, sa solidarité pour telle œuvre, telle manifestation.
- argent collecté par les enfants eux-mêmes : lavage de voitures, fête ou kermesse... C'est - en principe - l'argent le plus "moralement" gagné. Mais là encore l'enseignant doit se muer en organisateur de festivités dont l'argument avoué est de "faire du fric". Là encore beaucoup d'énergie et d'imagination à déployer et qui seraient peut-être mieux investies ailleurs.
Aucune de ces situations n'est, on le voit, dénuée d'ambiguïtés ni de contradictions.
 
Le thème des sorties "sur le terrain".
J'analyserai ici brièvement ce que j'ai fait sur six classes en 1973-74. Ceci n'a que valeur indicative puisque cela se déroule dans un cadre géographique particulier (périphérie suburbaine de Clermont-Ferrand).
a) en troisième
• un circuit de sensibilisation à la géographie : découverte du Val d'Allier entre Longres et Cournon (mois de septembre) . En deux heures nous avons fait de la géologie, observé les récoltes sur pied (maïs, tournesol), visité une usine d'embouteillage d'eau minérale, une gravière et une installation d'enrobés, acquis des notions sommaires d'hydrologie, de géomorphologie, d'architecture rurale.
• une visite du Vieux Cournon : visite par petits groupes d'un noyau ancien de banlieue-dortoir, à forte empreinte viticole.
• une visite du marché hebdomadaire de Cournon : étude des provenances des produits alimentaires, éléments du prix de vente, le commerce forain. (Deux fois 1 heure).
• visite d'une poissonnerie à Cournon (Deux fois 1 h 1/4, par demi-classe) : provenance du poisson, espèces, variations des cours, le métier de poissonnier .
• un voyage-échange de quatre jours avec le CES de la Garde (Toulon).
b) en quatrième
• visite du Vieux Clermont (urbanisme du XVI ? XVlle et XVllle siècle).
• visite du Musée du Ranquet (histoire et traditions populaires).
• visite de la nouvelle poste de Cournon
• visite au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) : ses activités, le métier de géologue, comment dresse-t-on une carte ?
c) en cinquième
• visite de la cathédrale de Clermont (art gothique).
• visite de l'église de Cournon (art roman auvergnat).
• visite du Vieux Billom (ville médiévale avec maisons à colombages, rues étroites, échoppes...)
d) en sixième
• visite au Musée Bargoin de Clermont (préhistoire et histoire gallo-romaine).
• visite au service du Cadastre (deux fois 1 heure 1/4 en deux demi-classe) .
• visite à l'état civil (deux fois 1 h par demi-classe).
 
Premier bilan des sorties
a) nombre
Si l'on compte les visites répétées (pour des classes parallèles), cela fait 16 sorties de deux heures ou un peu moins. J'excepte dans ce décompte le voyage de quatre jours. Soit presque 3 sorties par classe, donc une par trimestre. Cela peut apparaître beaucoup ou peu :
- beaucoup si l'on se réfère au "prof" qui a une bonne part des responsabilités (commande du car, reconnaissance préalable du "terrain"). Je dois cependant dire que certaines sorties ont été entièrement assumées par les élèves dans leur préparation et leur conduite.
- peu si l'on considère chaque classe. Les élèves, y ayant goûté, sont restés sur leur faim.
b) répartition par disciplines.
Bien que ce classement soit très arbitraire, sur les 14 thèmes de visites, 6 sont afférents à l'histoire, 4 à la géographie, 4 à l'instruction civique.
c) intérêt des élèves.
Les élèves ont manifesté un intérêt très grand pour ces sorties. Chacune était sanctionnée par un compte rendu (rédigé par deux ou trois), une exposition etc...
d) réaction des parents.
Là aussi, rien que de très favorable.
 
Autres moyens d'ouvrir la classe sur l'extérieur
J'ai abondamment développé le thème des sorties parce qu'il s'agissait pour moi d'une expérience nouvelle et sur une grande échelle. Voici, brièvement exposé, ce que nous avons réalisé d'autre :
1 / venue de personnes de l'extérieur
• le président de la Société d'astronomie clermontoise est venu parler de l'Univers aux sixièmes (1 h 1/4)
• un père d'élève, infirmier au CHU, est venu nous parler de son métier (en quatrième).
• l'écrivain Jean ANGLADE est venu nous parler de "La vie quotidienne en Italie contemporaine", livre dont il est l'auteur et que nous avions lu tout au long de l'année.
2/ reportages sur les métiers
Mes deux quatrièmes ont fait des enquêtes passionnantes sur des métiers de leur choix. A chaque fois, la "tranche de vie" était constituée par un enregistrement sur mini-cassette d'un membre de la profession répondant aux questions des élèves. Nous avons connu deux vagues :
- 1ère : les métiers "nobles" : vétérinaire, archéologue, géologue... je les appelle ainsi car ils reviennent chaque année, signe indubitable de l'attrait qu'ils exercent sur les jeunes. Attrait d'autant plus grand qu'il y a souvent loin entre les désirs et les possibilités.
- 2e : les métiers "courants" : boulanger, coiffeur, facteur... Là, on est dans la réalité : après le rêve, il fallait bien revenir aux contingences habituelles.
3/ l'actualité...
J'ai expliqué par ailleurs comment j'effectuai les revues de presse. Les coupures de journaux, les Dossiers et Documents du "Monde" sont une matière éminemment vivante.
Et, alors qu'enfin la majorité civile et électorale vient d'être abaissée à 18 ans, notre rôle d'éducateur civique reprend du même coup un sérieux coup de dorure.
* *
Je n'ai pratiquement pas abordé dans tout cela la place de l'enseignant. Les soucis ne manquent pas (administratifs surtout).
Les contacts et visites préliminaires prennent du temps (mais moins qu'il n'y paraît) . L'enrichissement personnel est considérable, mais cela me paraît une lapalissade.
Marc PRIVAL
(article déjà publié dans La Brèche na 4 p.lO de décembre 1974).
 
BIBLIOGRAPHIE
sur l'utilisation des outils traditionnels dans le cadre de l'individualisation du travail
 
- L'utilisation d'un film de géographie :"Le cri" dans le second cycle.
J.C Effroy               La Brèche n°12      - Octobre 1975.
- Un affichage commenté en histoire (Second cycle)
- Utilisation des dossiers de la "Documentation photographique"
Marc Prival              La Brèche n°16      - Février 1976.
- Construction d'un arbre généalogique                                                              
Marc Prival              La Brèche n° 5       - Janvier 1975.
- Reconstituer la date d'un journal                                       
Marc Prival              La Brèche n° 6       - Février 1975
- Une technique en géographie - La carte enrichie                             
Marc Prival              L'Educateur            - 30 janvier 1976
- Le cours-exposition, le cours-flash                                  
Marc Prival              Educateur n° 13      - 20 mars 1975.
 


2 - MAIS IL FAUT ÉGALEMENT S'EFFORCER
DE CHERCHER DES SOLUTIONS
OU DES TECHNIQUES NOUVELLES
 
a) - L'enquête participation
 
TROIS JOURS A LA FERME
LES BUTS
- Faire connaître à des élèves de seconde, citadins, l'agriculture et ses problèmes, en essayant de ne pas les voir en observateurs extérieurs: il ne s'agissait donc pas d'une "enquête-touristique-intelligente", mais d'un essai de participation à la vie de l'agriculteur en l'aidant dans son travail quotidien, et en entamant la discussion au moment du casse-croûte ou du repas de midi.
 
- Trouver, pour des élèves qui avaient posé des problèmes pendant l'année scolaire, un moyen de prendre conscience d'une autre vie que la leur et de les amener à plus de maturité vis-à-vis de leur propre vie et de la société. Ce deuxième but était pour moi le principal.
Il y a là besoin d'explications :
* classe de seconde - 33 élèves - situation sociale : médecins, ingénieurs, enseignants, commerçants, quelques fonctionnaires "moyens", quelques agents techniques...
* venant de nombreux C.E.S. alentour et "lâchés" au lycée STENDHAL de 2 200 élèves où, brusquement, ils deviennent des "grands' ; mais où aussi personne ne semble responsable de rien, où, sauf exception, il y a peu de contacts et d'échanges professionnels au niveau des équipes de professeurs. Tout ceci est une situation qui se retrouve pour toutes les classes, mais dont les conséquences furent ici, semble-t-il, particulièrement mauvaises. Les causes en sont difficiles à saisir en l'absence d'une analyse profonde : personnalité des élèves, personnalité des professeurs, groupes d'élèves, rapports entre ces groupes, types variés de pédagogie...
 
Les élèves se sont montrés irresponsables, au cours de l'année, dans leur travail comme dans leur attitude vis-à-vis du groupe classe ; ils ont eu des difficultés et n'ont pu approfondir leur réflexion, enchaîner leurs idées ; le temps de travail fut court, les distractions faciles, avec bruit et bavardage.
Ainsi tout le travail réalisé, notamment en histoire-géographie, est resté superficiel. Nous avons, soit par du travail de groupe, soit par des cours, soit par du travail personnel libre, papillonné, sans émerger de l'anarchie des méthodes de travail des élèves, sans arriver à relier les phénomènes entre eux, sans aller au bout de la réflexion, sans même manifester une curiosité efficace et consciente.
 
Mon tableau peut sembler noir : il l'est certainement trop, il était peut-être nécessaire de passer par ce brouillon que l'on a essayé de corriger plusieurs fois dans l'année, et, de rature en rature, on a dû arriver quand même à quelque chose de mieux, à une évolution dont la rentrée devrait montrer les effets. En fin d'année des intérêts sont apparus et la classe a été félicitée pour son sérieux et sa curiosité lors de la visite du musée de la RÉSISTANCE...
 
Le 10% utilisé pour ce "travail" a pu, je pense, compléter cette année de tâtonnement et de mûrissement. En tout cas c'est vraiment pour cette classe qu'il m'a semblé nécessaire d'organiser cette "enquête participation ".
 
ORGANISATION DE L'ENQUÊTE - PARTICIPATION :
Il était nécessaire de trouver au moins sept fermes pouvant recevoir quatre ou cinq élèves chacune. Sans grand espoir au départ, je me suis adressée à la chambre d'agriculture de l'ISÈRE. On m'a envoyée à un agriculteur dynamique de Saint-André-Ie-Gaz, en Dauphiné, qui, avec l'aide de techniciens du groupement de vulgarisation agricole du canton a pris contact avec ses collègues.
 
Ainsi SEPT agriculteurs ont accepté de nous recevoir dans un rayon de quinze kilomètres à partir de Saint-André. Il fallait pouvoir s'y rendre chaque jour car je tenais à ce que la classe puisse se retrouver chaque soir pour une vie collective et pour échanger des idées.
 
D'où le départ en train jusqu'à Saint-André, avec mise aux bagages de tous les vélos des élèves ; autorisation de camper dans un terrain municipal ; repas du soir au restaurant, petit déjeuner préparé au camp ; repas de midi à la ferme. Questions financières : elles ont été facilitées après un prix gagné par une équipe de la classe au concours organisé par la ville de Grenoble sur les transports en commun. Ce prix nous a payé notre voyage et une partie de nos repas au restaurant, le repas de midi était le prix du travail à la ferme.
 
Autorisation de l'administration, assurance M.A.I.F. du lycée. Un inconvénient : pour des raisons variées, aucun professeur de la classe n'a pu réellement m'accompagner ; je suis restée trois jours avec une stagiaire très intéressée par ces réalisations et venue de nouveau en seconde après les examens pratiques du C.A.P.E.S.
 
ACTIVITÉS ET INTÉRÊT :
Les élèves se sont rendus chaque matin dans les fermes. Ce ne sont pas les foins qui furent faits car le temps était trop incertain ; mais il a fallu planter le tabac, les choux (et apprendre à utiliser les machines qui vont vite et n'admettent pas la distraction), sarcler à la main le tabac (trois heures courbé ça donne mal au dos et des ampoules aux mains), monter quand ce fut possible, les bottes de foin compressé au bout d'une fourche sur un chariot, démonter, graisser les machines agricoles, aller chercher les bêtes au pré, aider à la traite, nettoyer chaque jour les étables, moudre et mesurer les céréales pour les bêtes, répandre la sciure sur les ensilages frais, aider au transport de poteaux... et même aider à la vaisselle. Dans une ferme.. ce ne fut certes pas au goût des filles - et ce n'était pas prévu par les organisateurs - l'agricultrice leur a fait faire le travail des femmes de la ferme : elles ont fait le ménage, le repassage, la cuisine, bêché le jardin, fait la traite. Le souvenir en restera un peu amer .
 
Nous n'avions pas pensé à prendre avec nous un magnétophone que nous aurions mis en route au moment des retours, le soir, entre cinq heures et sept heures au camp. C'est dommage car il aurait fallu prendre sur le vif les impressions du premier soir ; le mal au dos, aux reins, aux épaules, aux mains, partout, mais l'enthousiasme du travail réalisé : "On a travaillé comme des hommes" ; un étonnement élogieux vis-à-vis des agriculteurs qui connaissent à fond leur métier, qui l'aiment, qui discutent avec habileté et relient les problèmes de leurs fermes à celui de l'agriculture française. Ils ont ainsi ouvert aux jeunes qu'ils avaient avec eux de nombreuses fenêtres sur le monde économique, à l'échelle de leur spécialité (tabac, lait), à l'échelle de leur commune ou de leur canton (remembrement) , à l'échelle nationale ou internationale (problème de la terre "instrument de travail", marché commun). Où était l'image que certains avaient encore à l'esprit d'un paysan d'économie fermée, rebelle au progrès et méfiant ?
 
Nous pouvons regretter - et cela a été fait à la fois par les agriculteurs, les élèves et par nous-mêmes - que ces journées aient été si courtes ; une semaine serait nécessaire pour pouvoir moins survoler, mieux comprendre le sens des mots et des phrases employés par les interlocuteurs, pour mieux se rendre compte du déroulement des travaux. Il faudrait alors que toute l'équipe des professeurs de la classe participe, et activement, à l'organisation, au contact avec les travailleurs, à la vie des élèves, car ces trois journées sont à considérer, du point de vue de la formation générale des adolescents, comme un apport très positif dont toute la vie d'une classe devrait profiter.
 
Il ne faudrait pas organiser cette activité dans les dernières semaines de classe - comme nous l'avons fait - afin d'avoir le temps, par des débats ou des comptes rendus, d'en tirer des connaissances au sens large du terme et également de pouvoir profiter du nouvel esprit dans lequel, peut-être, chacun abordera désormais son travail et de la meilleure atmosphère née d'une activité collective. Faire les travaux agricoles de l'automne ?
Pierrette GUIBOURDENCHE - 38000 GRENOBLE
Article déjà publié dans La Brèche n° IS p.3 Janvier 1976)
cf. aussi article Enquête participation - Claude Grenié - La Brèche noS Janvier 1975.
 
b) DES VISITES AUX MUSÉES ? POURQUOI ?
 
Il ne s'agit pas ici d'exposer une fiche-guide pour différents types de visites (1), mais de présenter le musée (collection, monument, site naturel...) comme outil de travail et de chercher au travers de son utilisation vers quelles finalités nous tendons.
 
Toutefois, il faut préciser que selon le type de travail, on effectuera une visite avec telle ou telle exploitation. Pour un travail commencé en classe, la visite au musée se présente comme complément, appoint, prolongement; pour débuter "étude d'une civilisation ou d'un pays", elle est alors amorce, sensibilisation. La visite qui vient a posteriori semble la moins intéressante parce que non exploitable : l'attention étant alors tournée vers d'autres préoccupations.
 
Il est bien évident qu'une telle activité doit être préparée ; on peut même, le cas échéant, prendre contact avec les personnes - conservateurs, étudiants - chargés de l'accueil des enfants ; certains acceptent parfois de participer à une préparation pédagogique.
 
Quant au déroulement de la visite proprement dite, si nous pensons qu'un questionnaire trop détaillé peut être un carcan nuisible à la découverte personnelle - spontanée et sensible - un plan de la salle permettra de se repérer et de faciliter le choix d'une étude précise, tandis qu'une fiche-guide du genre jeu de piste évitera un survol distrait... les enfants évoluant par groupes préconstitués ou individuellement quitte au retour à former des équipes d'intérêt en fonction des observations recueillies.
 
( 1) Le sujet a déjà été traité - du moins en partie - dans un article de Marc Prival (Educateur n° 1 du 15 septembre 1971 ).
 
Quelle exploitation Quel prolongement ?
Comment l' outil-musée intervient-il dans le travail de la classe ?
 
- Le compte rendu écrit, quoique fréquent, n'en représente pas moins une régression par rapport aux observations glanées... Souvent, faute de mieux, c'est-à-dire d'imagination, nous le réclamons parce qu'inquiets, nous recherchons une sécurité.
- Des dessins légendés placés sur un panneau.
- Des maquettes {qui fonctionnent si possible).
 
On pourra aussi prolonger l'exploitation :
• en retournant au musée,
- par une visite aux archives : travail sur fac-similés,
• par la projection d'un film ou une recherche en bibliothèque.
 
Ou encore, une classe peut effectuer une exposition dans l'établissement. Le musée est ainsi vu de l'intérieur, les enfants n'étant plus des consommateurs {même éclairés !) mais des " constructeurs ".
 
En septembre 1973, une classe de sixième de la banlieue d'Annecy a visité au Palais de l'Isle, dans la vieille ville, une exposition d'objets agricoles :     " Pasteurs et paysans de Savoie ". Beaucoup d'enfants s'aperçoivent qu'ils ont chez eux des objets semblables, d'où l'idée de faire eux aussi une exposition.
 
Successivement il fallut :
- collecter et inventorier ;
- identifier et classer les objets : initiation et recherche sur la méthodologie de la fiche ;
- faire de la propagande: affiches, tracts (au C.E.S., dans les écoles primaires du secteur) ;
- mettre en place dans la salle d'exposition ;
- organiser les visites ;
- Utiliser l'argent gagné.
 
Ces deux derniers points ont donné lieu à des discussions de coopérative :
• Planning des visites: équipes chargées du contrôle, des explications à donner.
• Débat au sujet de l'argent : pour quelques-uns " on pourrait se le partager ", mais pour d'autres ce qui a été gagné collectivement ne peut être dépensé individuellement... ainsi même chez des enfants jeunes peut apparaître la notion de propriété collective.
 
Un autre prolongement possible et encore plus créateur : la remise en marche d'objets anciens ne fonctionnant plus : outils agricoles comme locomobiles, batteuse, moulins, etc.
 
Vers quelles finalités immédiates et à long terme l'outil-musée nous conduit-il ?
Tout d'abord une précision:  nous pensons que les finalités sont les mêmes qu'il s'agisse de la visite d'un musée, d'un site, d'une ferme ou d'une usine.
La finalité principale, immédiate et préalable est de sortir l'histoire et la géographie de la classe.
 
A plus long terme, la libération, l'affranchissement accomplis vis-à-vis du manuel par exemple, permet le déroulement d'attitudes radicalement différentes qui font de l'enfant non plus l'avaleur ou le compilateur de discours mais le praticien et le découvreur tâtonnant des sciences historiques et géographiques :
Et ceci par un accès direct aux sources de la réalité : l'outil préhistorique vu et manipulé permettra de comprendre comment l'homme travaillait, fabriquait, était inséré dans son milieu ; les relations découvertes par les enfants entre les différents phénomènes, les notions ainsi acquises seront utilisables, transformables pour l'étude d'une autre période ou de l'actualité, d'un autre pays (y compris le leur).
 
Au bout du compte cette acquisition d'enchaînements entre les faits, du sens concret du déroulement de l'histoire (des séquences historiques), du contenu d'un espace, cette recherche de faisceaux de relations entre les phénomènes n'est-elle pas la base solide, indispensable, irremplaçable de l'esprit critique et de synthèse ?
Nous voulons rendre l'espace et le temps significatifs et à partir de là donner une démarche scientifique dont l'enfant pourra se servir spontanément dans sa vie. Il pourra même transférer cette démarche au cours d'études ultérieures y compris dans un cadre purement livresque.
 
Il s'agit donc bien de :
1. Redonner le goût de I'histoire-géographie-instruction civique, en allant à contre-courant d'un enseignement livresque, parcellaire, gaveur d'enfants-entonnoirs.
2. Retourner aux sources, en réaccomplissant ainsi une démarche d'historien et de géographe qui tâtonne et exerce son esprit critique.
3. Assimiler un vocabulaire d'autant mieux que la recherche aura été motivée.
4. Posséder une connaissance sentie du déroulement du temps et de la construction de l'espace, ceci participant de façon essentielle à la formation de la personnalité et du citoyen.
 
Maryse BOUGAIN
(article déjà publié dans L'Educateur no 9 - janvier 1975)
 
c) Une approche vivante de l'histoire
 
À LA RECHERCHE DE L'HISTOIRE
 
ORGANISATION D'UNE SORTIE À AVIGNON (en vue d'un travail commun en histoire).
Rassemblement de deux cents enfants et quatorze enseignants (huit classes 5e-6e), venus de sept établissements différents du Vaucluse, Lycée, CES, CEG, villages, villes. Un camarade s'occupe des visites envisagées, de la lettre d'information aux parents, des relations avec les intervenants extérieurs et l'inspection académique : tout cela au nom de l'ICEM.
 
L'Inspection académique donne son accord, les établissements paient les déplacements en car, aidés, des coopératives de classe, les enfants participent aux frais pour une somme de 2 à 5 F, chaque maître obtient de son principal la possibilité d'apporter une modification à son emploi du temps, compte tenu du rattrapage des heures de cours. Chacun résout aisément ces difficultés d'ordre administratif et matériel.
 
CONTENU DE LA VISITE D'AVIGNON :
Six enquêtes : Le Rhône - Le pont St-Bénézet - Le palais des papes - Le musée du palais - Les archives départementales - Le champ de fouilles actuel d' Avignon.
Chaque visite est guidée par des personnes qualifiées : conservateur et secrétaire du palais du Roure - guides - conférenciers des monuments historiques - animateurs du C.A.C.* - directeur des archives - responsables du service éducatif des archives, personnes que les enseignants rencontrent toute une matinée afin de prévoir avec elles la démarche à suivre.
 
(*) C.A.C. : Comité d'Action Culturelle, lié au festival d'Avignon
 
CALENDRIER DES ACTIVITÉS
11 février : rencontre avec les intervenants extérieurs
18 février : sortie des enfants et visite d'Avignon
 
26 février : départementale réservée à une mise au point du travail
1 mois de travail
19 mars : départementale réservée à la mise au point des cansons en vue de l'exposition des travaux au congrès de Bordeaux.
3e trimestre : voyage de l'exposition dans les sept établissements concernés.
14 mai : rencontre des deux cents enfants à Cadenet (village du Lubéron) pour une approche du milieu rural et naturel - pour un regard critique sur ce genre de travail et rencontre.
11 juin : rencontre avec tous les intervenants ext. : présentation du montage audio-visuel, panneaux des enfants et discussion, projets 76.
 
BUTS POURSUIVIS
A) À la recherche de la vie :
I) Entreprendre un travail collectif susceptible de souder le groupe second degré du Vaucluse (I'oxygéner, le dynamiser).
2) Rompre l'isolement, l'ennui, les habitudes de chacun par un travail d'équipe. Affranchir les camarades de leurs inquiétudes, leurs hésitations en P.F., en se lançant dans une aventure collective où ils ne seraient pas pour une fois, sur leur terrain, ni ne seraient les détenteurs du savoir.
3) Atteler les enfants à cette œuvre collective, les tirer de leurs classes qui éclateraient en groupes hétérogènes. Rompre l'unité de la classe paraissant alors un avantage, une nécessité.
4) Établir des échanges nouveaux, une communication enfants et adultes, une véritable correspondance de travail, les tentatives du groupe 2d D ayant échoué jusque là sur ce point.
 
B) A la recherche de la connaissance :
I) Permettre aux enfants une approche vivante de l'histoire (les mettre en contact avec les monuments, la nature, les livres, les documents, les recherches sur le terrain et la matérialisation des recherches). Et cela en utilisant leur milieu (Avignon), (même s'il est artificiel de déplacer le villageois vers la ville), en faisant appel aux chercheurs et aux spécialistes d'histoire qu'un camarade connaissait bien et qui seraient susceptibles de parler aux enfants. de discuter avec eux de leur travail de tous les jours, selon un langage qui est aussi le nôtre.
2) Traduire cette approche de l'histoire en panneaux de canson (synthèse) aborder le problème de la composition critique des "images" et celui de la communication d'une recherche. Le regroupement des cansons serait l'expo, laquelle circulerait.
3) Projeter une 2e rencontre en milieu rural pour une critique du travail et l'approche d'un milieu tout différent.
 
"Le 18 février, l'attaque d'Avignon se déroulait comme prévu. Deux heures après, dans le magnifique centre aéré de la Barthelasse, les enfants se détendaient et déjeunaient. A 14 heures, les six groupes se mettaient au travail, avec un plan de travail précis, car chaque maître n'avait fait qu'une enquête, dans la classe il aurait les six morceaux à réanimer".
 
Remarque : ambiguïté entre A et B : espèce de volonté de faire autre chose, aspect aventureux de l'entreprise, chacun l'ayant vécu à sa manière.
 
LA DÉMARCHE:
1) Celui qui a eu l'idée de ce travail est un camarade du Pontet qui, parce qu'il est très près d'Avignon, qu'il enseigne l'histoire, qu'il connaît pas mal de personnes pour avoir fait une expo art enfantin ICEM dans le cadre d'un festival d'Avignon, pour avoir conduit x fois ses classes de 5e au Palais des papes pour avoir accumulé une somme de documents historiques et vivants sur le palais, désirait partager son expérience et montrer à toutes les personnes du "palais" et du C.A.C. l'intérêt que des enfants pouvaient porter à l'histoire et aux monuments historiques d'Avignon.
 
2) Donc le groupe 2d D décide d'élargir l'expérience du camarade et, sur ses propositions, chacun présente le projet dans sa classe (part du programme de 5e, approche du milieu, rencontre d'enfants). L'imprégnation est plus ou moins forte suivant la compétence et l'intérêt du maître (seuls six maîtres enseignent l'histoire et pas forcément en 5e, ni cette année ; les autres enseignent maths, anglais, français, sciences ou sont en transition).
 
3) Le matin de la visite, les spécialistes ont assuré toutes les explications et cela selon un plan pré-établi avec les enseignants et selon leurs propres préoccupations d 'historiens. Par exemple :
Les archives : l'archiviste tenait à ce que les enfants reçoivent une notion d 'histoire concernant en gros le XIIIe-XIVe siècle, puis elle insisterait sur l'aspect économique et social du Moyen Age - définition des finalités des archives - interview d'un lecteur d'archives - observation d'un document - et elle montrerait les difficultés d'une recherche.
 Le Rhône : l'animateur tenait à l'aspect technique de l'observation : croquis - photos - interview au magnéto.
Le Palais : aborder le problème technique de restauration des fresques alors en chantier - le guide insisterait sur la vie du palais puis sur les aspects de monastère et forteresse du palais.
Les fouilles : la méthode - la permanence de la recherche.
 
Ce qui contrariait ces personnes, c'était de ne pas savoir exactement ce que nous recherchions et ce que les enfants désiraient. Lors de la visite, ils ont apporté une grande quantité d'informations avec le souci d'être clairs, simples, exacts, complets (au-delà même de ce que les enfants pouvaient supporter). Ils ont livré des documents écrits, photographiques et sonores. Ils sont restés à notre entière disposition pour toute correspondance, pour toute création de documents photographiques.
 
4) La part du maître auprès des enfants a été pratiquement nulle avant et pendant la visite (le champ était laissé libre aux enfants qui devaient poser des questions).
Mais après il a aidé les enfants à organiser le travail: six propositions de sujets d'enquêtes d'après ce qui avait frappé les enfants le matin ou ce qu'il avait vu lui-même
- choix des thèmes décodage des enregistrements, des notes prises (en classe) recherche d'une documentation plus importante selon les questions posées a posteriori ; retour au livre d'histoire - au recueil de légendes etc.
- organisation d'un débat sur l'intérêt d'une telle sortie et sur la construction de l'histoire : magnéto - texte
- composition des panneaux : le panneau de canson était la forme imposée à tous afin de reconstituer le puzzle des enquêtes.
- en apprenant à analyser et à composer des images, les enfants ne pourraient-ils pas ainsi prendre distance par rapport aux images qu'ils subissent journellement (télé-ciné - publicité et tutti quanti ? ).
 
5) Les enfants affrontent l'enquête : ils voient, écoutent, posent des questions, prennent des notes, des croquis, enregistrent, photographient, tout cela avec sérieux, et entrain.
Puis, "dès l'après-midi, et après" dans la classe, ils touchent du doigt les difficultés de l'analyse et de l'exploitation des documents. Cette activité amorce une prise de conscience du travail de l'historien.
Ils prennent l'initiative d'organiser, conduire leur travail de synthèse ; certains décident même de prospecter de la même manière leur propre milieu; d'autres abordent personnellement, dans le détail, l'une des six enquêtes.
 
QUELQUES IDÉES : COMMENT LA P.F. PEUT-ELLE POUSSER PLUS LOIN LA RUPTURE ?
 
1) Attitude des enfants face aux documents
"Le matin ce fut un long travail d'écoute, d'attention, de script, d'étude." dixit un enfant.
"L'histoire-légende, l'histoire anecdotique semble seule les accrocher; ils écoutent avec moins d'attention tout ce qui fait référence à des connaissances qu'ils n'ont pas: allusion aux temps des Papes, à Philippe le Bel. Ils redeviennent alors des élèves subissant un cours et attendant sans essayer de comprendre. La vision chronologique de l'histoire d'Avignon, qu'est-ce que cela signifie pour eux ? Les papes, le Comtat, le Royaume, le Moyen Age, le XlIIe, les notions d'antérieur et postérieur n'ont pas, pour la majorité d'entre eux.l un sens très clair. L'enseignement de l'histoire ne vise-t-il pas à mettre de l'ordre dans le fouillis de ce qui est passé ? En tous cas, si ce but existe, rien n'a été réussi en ce sens. Les explications nécessaires n'entraient pas dans les attributions du cicérone, mais n'est-ce pas là-dessus qu'il aurait fallu travailler ?
 
"On a vu, on a entendu, on a observé, on a lu, on a étudié, on a ri".
"La chambre du pape est belle avec ses peintures de toutes les couleurs. Les murs ressemblent à une forêt avec tous ces animaux : faisans, famille d'écureuil, hermines. Le sol était couvert d'un carrelage multicolore, du bleu, du blanc, de l'orange, du rouge. Je suis impressionné par cette masse de pierre importante où l'usure du temps n'a pas laissé de traces. J'ai ressenti bien de la fierté d'être né dans le comtat venaissin où se dresse le plus beau palais du monde. J'admirais les créneaux, les mâchicoulis qu'éclairait un chaud soleil d'hiver. J'aimerais retourner visiter ce monastère.
Maintenant je verrais plus de choses, je comprendrais mieux, ça m'a plu énormément". dixit enfants.
Même si le travail était plus agréable sous cette forme, l'enfant n'a pas été mis véritablement en situation de recherche; une 2e visite aurait soulevé plus de questions, plus constructives. Aussi peut-on inscrire, ici, les critiques apportées par le congrès de Bordeaux.
 
"L'expo est décevante par le contenu ; ce n'est pas de l'h'istoire, c'est du tourisme intelligent. Limiter l'histoire aux vieux cailloux, si prestigieux soient-ils, est tout simplement reproduire un manuel Isaac en plus attrayant. Où est l'homme là-dedans ? On sait comment vivait le pape, mais SES SUJETS ? l'histoire est l'occasion d'aborder des sujets brûlants, gênants. Il y a eu filtrage de l'information au niveau des documents publiés par les manuels. Ce serait peut-être le rôle des profs Freinet de montrer les autres faces du dé".
 
"Méthode naturelle en histoire ? Ne commencerait-elle pas par une sortie et un aperçu partant des élèves, des objets historiques ou divers documents ? Pourquoi ne pas pousser plus loin ? Faire élaborer l'histoire aux enfants ? C'est possible à partir des documents d'archives dans les départements où il y a un service éducatif des archives... et si l'on prend le musée comme outil de travail et non comme lieu de visite".
 
2) Attitude des enfants face aux intervenants extérieurs
"On a vu des mariniers, ils ont eu peur de nous, on n'a pas pu discuter avec eux ; notre guide s'est très bien débrouillé".
"Un monsieur nous explique longuement l'histoire du palais. heureusement que le magnéto était là, car nous n'aurions jamais pu retenir tout cela".
"La dame nous montre de vieux documents ; c'était bien. elle savait tout".
"Le guide, une jeune fille un peu timide mais savante, nous explique".
"On avait de la chance d'avoir un spécialiste qui nous parle et nous montre en profondeur ce qu'on étudie. Avignon n'a plus de secrets pour nous".
"Dans le palais il n'y a que des murs, au musée du palais, la dame nous fait voir la vie, c'est mieux". Dixit enfants.
Comment démolir cette image de l'adulte quel qu'il soit, enseignant ou non enseignant, détenteur d'un savoir qui lui confère tous les pouvoirs et que l'enfant fige dans sa spécialité ?
Comment permettre aux enfants de se servir des "adultes" ? et du milieu ? et de se mettre en situation de recherche ? Curiosité et intérêt ont été dirigés.
Il semble que notre concertation à ce sujet ait fait défaut, manqué d'harmonie.
 
3) Attitude des enfants entre eux : la communication
La communication immédiate le jour même de la visite est riche ; celle plus reculée dans le temps, en classe, est problématique : correspondance difficile, rare, ponctuelle.
"Il y a une drôle d'ambiance, tout le monde discute, joue et rit; j'ai trouvé cela génial : on est libre, chacun fait ce qui lui plaît et n'a personne derrière lui pour le corriger, c'est drôlement agréable d'être avec des gens qu'on ne voit qu'une fois par an".
"Ce fut une journée magnifique, grâce au soleil et aux professeurs qui n'en étaient plus ; leur comportement nous apportait l'envie de travailler avec plaisir".
"En montant dans les salles à manger, on se bouscule pour trouver une table vide où l'on puisse discuter avec des camarades. Nous avons mangé de la salade, du fromage de tête, de la purée très bonne, des tournedos exquis..., à la fin du repas j'avais l'estomac qui tirait. Nous descendons pour nous dégourdir. Malgré que nous ne nous connaissions pas, nous avons discuté pendant tout le repas. Les uns parlaient du travail de leur classe, de leurs professeurs, d'autres de leur village, de leur famille, de leurs goûts. Ce qui m'a passionné, car nous n'avions pas les mêmes idées et nous nous comprenions.
"C'est dommage qu'on a trop écrit ce que l'on a vu ; ça fait pas un ensemble qui se suit. Il y a des choses qui se répètent. SI ON S'ÉTAIT REVUS avant de finir les travaux, on aurait pu peut-être mieux montrer comment se fait l'histoire", disent les enfants.
 
Remarque : l'expo sous cette forme n'est pas communicable au plus grand nombre : d'où recherche d'une autre forme : création d'albums, création d'une BT, création d'un montage audio-visuel (celui-ci est fait : un camarade seul s'en est chargé ; on peut imaginer que chacun fasse le sien.. compte tenu de la richesse des documents recueillis le l8 février ; ça intéresse le CDDP d'Avignon et le C.A.C. et les personnes d'Avignon : tangibilité de notre travail).
 
EN GUISE DE CONCLUSION
 
Une entreprise de trop grande envergure, pour laquelle les enfants et les enseignants n'étaient pas préparés (aspect un peu fou de cette oxygénation).
Venue un peu tard, en février, cela ne nous a pas permis de multiplier les rencontres, si profitables pour l'amitié liée entre les enfants (à la 3e rencontre, on se faisait des tas de copains ! dixit enfants).
Pour les enseignants, encore. des peurs : peur de réagir en fonction des décisions d'une équipe, d'un groupe ; chacun réagit en fonction de sa personnalité aux difficultés nées dans sa classe ; nous ne savons pas encore travailler ensemble. Défaut d'harmonisation des travaux. Difficulté d'exploiter à fond l'extraordinaire disponibilité des personnes d'Avignon, disponibilité qui ne peut pas se renouveler indéfiniment.
Mais des projets pour 76 : des rencontres d'enfants à effectif plus réduit. Un travail en relation avec les animateurs du C.A.C. Ouverture sur le CDDP. Prospection du milieu auquel les enfants d'un établissement appartiennent directement} puis échanges avec d'autres.
 
Pour le groupe second degré de l'Institut Vauclusien de l'École Moderne - ArIette TESSIER
84 - Cadenet
(article déjà publié dans La Brèche n° l5 p.6- janvier 1976)
 
 
d) L'utilisation de la presse et de l'actualité
 
UNE SOURCE D'INFORMATION : LA PRESSE ÉCRITE
 
• EN PREMIER CYCLE
Beaucoup d'enseignants chevronnés utilisent la presse écrite pour illustrer ou motiver leur pédagogie. C'est le plus souvent sous la forme d'un journal mural : articles se rapportant à tel thème (la drogue, la délinquance, par exemple), à tel pays (le Niger par exemple à l'occasion d'un voyage du Chef de l'État). Cela peut être la reproduction d'un article ou d'un élément d'article, par photocopie ou polycopie (telle mise au point sur l'immigration portugaise par exemple).
Ces deux formes d'exploitation sont d'ailleurs complémentaires : le journal mural se périme vite, se renouvelle sans cesse. L'article polycopié reste dans le cahier de l'élève.
 
Les enfants lisent-ils la presse écrite ?
Cela dépend de leur âge. Jusqu'en 3e, ils se contentent pour la plupart du journal télévisé.
Dans les grandes classes (2e, 1ère, terminale), ils désirent davantage une information plus diverse dans ses sources et son contenu. C'est à ce niveau que la presse écrite offre le plus de ressources à l'enseignant. Au sein des clubs UNESCO et des clubs d'information des foyers socio-éducatifs, depuis longtemps déjà des enseignants initient les lycéens à appréhender un même fait d'actualité à travers les diverses interprétations qu'en donne la presse d'opinion.
Cela dépend de leur milieu socioculturel. Ainsi, dans les classes défavorisées, on n'achète pas - ou peu - le journal. Pour des raisons pécuniaires d'abord : un quotidien à 70 centimes nécessite un budget de 20 francs par mois. Pour des raisons de concurrence ensuite : la télévision déjà nommée. Faites un sondage dans les classes de type 1 ou 2 des CES : quelles sont les familles qui achètent le journal ? Quel journal lisent-elles ? Vous vérifierez facilement ce que j'ai analysé plus haut.
Aussi la pratique de l'affichage mural par une équipe qui se renouvelle selon une fréquence que la coopérative fixera, permet-il une certaine égalité dans l'accès à l'information entre les élèves.
 
LES TYPES DE PRESSE
 
L'enseignant doit savoir quelle .presse lire pour pouvoir en faire une utilisation pédagogique.
Nous distinguerons plusieurs niveaux de presse selon sa diffusion ;
 
a) La presse locale. On n'en dira jamais assez l'importance, en particulier pour l'étude du milieu local :
• délibération du conseil municipal, du conseil général (instruction civique).
• articles traitant du devenir de la région : tel schéma organisateur d'une zone urbaine (ZUP ; zones industrielles ; zones vertes, etc.) telle implantation industrielle ; telle entreprise de reboisement dans une région en voie de dépeuplement.
• informations culturelles : réunions des sociétés savantes, sorties-promenades des dites sociétés, spectacles, conférences...
• enquêtes sur les métiers qui disparaissent, les monuments oubliés...
• informations économiques : cotations en bourse, mercuriales des marchés et foires...
 
En résumé, la presse locale bien dépouillée fournit notre premier niveau d'information et presque le plus important. Des enquêtes, des visites peuvent être suscités par la lecture du journal local.
Ajoutons qu'il peut être fort instructif d'archiver une série de journaux locaux et une série de grands quotidiens à propos de tel événement d'importance nationale. Ainsi les événements de Mai-Juin 1968, vus à travers Le Monde et La Montagne (Clermont- Ferrand) apportent deux éclairages intéressants:  celui de Paris, celui d'une ville de province.
 
b) La presse nationale. Nous entendons par là des quotidiens dont le siège est en général dans la Capitale, et dont la diffusion atteint ou dépasse les limites de l'hexagone.
 Il s'agit d'une presse d'information et d'opinion.
En effet la presse locale, soucieuse de ménager la chèvre et le chou vis-à-vis de sa clientèle, n'a qu'assez rarement une couleur politique très apparente. Nous avons déjà dit le partie que l'on pouvait tirer de l'analyse d'un même fait par des journaux de tendances diverses. Aussi n'y reviendrons-nous pas.
 A ce niveau, l'information est plus fouillée ; des éditoriaux des articles de fond, des reportages d'envoyés spéciaux permettent une meilleure connaissance des événements qu'à travers la presse locale. Ajoutons que ces quotidiens ont, certains jours, des pages spécialisées ; économie, tourisme, arts et lettres, spectacles, télévision, etc. Le Monde en est un exemple ; la connaissance des jours de parution de ces pages spéciales nous permet de faire un tri dans une information touffue et qu'on n'a pas le temps matériel de dépouiller entièrement. Sachons enfin que certains journaux - Le Monde déjà nommé - publient un résumé hebdomadaire des nouvelles (abonnement pour l'étranger exclusivement) et un mensuel consacré aux questions internationales (Le Monde diplomatique).
 
c) La presse internationale. Les messageries de presse font parvenir dans les villes d'une certaine importance - donc à population cosmopolite - les journaux des pays étrangers. Dans une maison de presse clermontoise, nous avons recensé les journaux suivants ;
 
1. Algérie : AI Chaab. El Moudjahid
2. Allemagne : Die Welt. Frankfurter Kurier
3. Angleterre : Times. Sunday Times. Observer. Guardian. Sunday Express. Sunday Telegraph. Sunday People. Dai I y Telegraph. Dai I y Express. Dai I y Mail.
4. Espagne : ABC. Vanguardia. Pueblo. Nuevo Diario.
5. Hollande:  De Telegraph
6. Italie : Stampa. Unita Sport. Corriere della Sera
7. Israël : Davar. Maariv
8. Pologne : Narodowiec
9. Portugal : O Seculo. Diario de Noticias
10. Suisse : Semaine Suisse. Tribune de Genève. Gazette de Lausanne
11. Union Soviétique : Pravda. Isvetsia
12. Yougoslavie : Politika. Vjesnik. Sport Youg
 
On excusera cette longue liste, mais je suis persuadé que beaucoup d'enseignants de grandes villes ne connaissent pas cette richesse de titres.
Car, même s'ils fréquentent une maison de presse ils achètent tel journal sans s'arrêter à l'éventaire des journaux étrangers.
 
Les remarques suivantes sont à faire :
a) Les prix s'étalent de 0,40 F pour El Moudjahid à 4,00 F pour le Sunday Times (en mai 1972). Dans l'ensemble ces journaux valent le double de chez nous. C'est l'acheminement qui en est la cause.
b) Leur arrivée se fait avec un ou deux jours de retard.
c) La typographie des titres à elle seule est intéressante. On peut par exemple réaliser une carte d'Europe avec les titres de ces journaux.
d) Le graphisme de certains alphabets est lui aussi fort instructif et fort surprenant pour les élèves : l'alphabet cyrillique des journaux russes la graphie hébraïque de Maariv et arabe de AI Chaab (qui de plus se lit de droite à gauche).
e) à propos d'un même événement on peut afficher les manchettes des principaux journaux européens. Exemple : le 23 janvier 1972, la naissance de l'Europe des dix.
- Corriere della Sera : E' nata un' Europa più grande.
- -Süddeutsche Zeitung : Fundament zum "Europa der Zohn"
- The times : Mr Heath says that "Whitehall must become European"
- The Observer : Heath signs on in Europe
- Le Monde : L'Europe des Dix est née.
- L'Aurore : L'Europe des Dix naît aujourd'hui à Bruxelles.
- Le journal du Dimanche : Welcome amis anglais !
f) L'inventaire des titres de cette maison de la presse reflète à quelque chose près le cosmopolitisme de la ville. Je dis à quelque chose près car certains quotidiens sont systématiquement envoyés, qu'ils restent invendus ou non.
 
QUELQUES REMARQUES SUR LA PRESSE LOCALE
 
La crise de Février 1972 a attiré l'attention sur la situation précaire de la presse française : disparition de certains journaux, concentration ici, licenciements ailleurs... J'espère que les gens ont été sensibilisés à cette situation et qu'ils exigeront le maintien de ce que j'appelle - avec tendresse - leurs feuilles de choux locales. Car c'est bien un phénomène psycho-sociologique de masse que l'attachement de la population d'une région à sa presse. Si vous en doutez, voici un petit recensement que j'ai fait, dans cette intention, à Aix-Ies-Bains en mai 1972. Pourquoi Aix ? Parce qu'elle est, en importance, la première station thermale de France. Donc, elle regroupe pour un laps de temps assez court (séjours de trois semaines) une importante population de déracinés. Voici, pointés dans la plus importante maison de presse de cette ville, les titres des journaux locaux, effectivement réclamés par les curistes :
a) Nord : Nord-Eclair ; Nord-Matin ; Voix du Nord ; Courrier Picard.
b) Est : Républicain Lorrain ; Est-Républicain ; L'Est-Eclair ; Dernières Nouvelles d'Alsace ; l'Union.
c) Centre-Est : La Tribune-le Progrès ( St Etienne) ; Le Progrès ( Lyon) ; Dauphiné Libéré ; ­La Dépêche (Dijon)
d) Sud-Est : Le Provençal; Nice-Matin ; La Marseillaise ; Méridional-La France.
e) Sud-Ouest : Midi-Libre
f) Ouest : Ouest-France ; Paris-Normandie ; Le Maine.
g) Centre et Massif Central : Yonne Républicain, Centre-Presse, La Montagne, Le Berry, La Nouvelle République.
 
Les remarques suivantes peuvent être dégagées :
- Tous les journaux régionaux français ne sont pas représentés, mais une bonne majorité cependant,
- Le pointage, fait un mois plus tard, aurait certainement été différent.
- Au total, cet inventaire de la presse lue dans une station thermale est un bon indice de la diversité de sa fréquentation, mais aussi de l'attachement viscéral des gens à la vie de leur région.
 
De l'utilisation pédagogique de la presse locale
Dépassons le stade de l'utilisation de cette presse pour l'étude du milieu local (voir plus haut)
 
A - Lorsque deux classes correspondent, l'envoi du - ou des - journaux locaux s'impose.
Déjà le titre évoque tout un dépaysement. Puis c'est le nom des personnes ou des localités qui surprend: surtout si ma classe de 3e de Cournon correspond avec Colmar ! Et l'on n'en finirait pas d'évoquer les menus faits qui tissent la personnalité d'un journal local (la page des sports par exemple !).
B - De la même façon que j'étudiais tout à l'heure la fréquentation des curistes à Aix, cette même enquête peut être menée ailleurs (Vosges, Normandie, Massif Central, Pyrénées,etc.).
C - Au cours d'un voyage scolaire - surtout s'il est relativement long - on peut acheter les journaux locaux publiés sur le parcours. Une notion fondamentale de géographie régionale apparaît alors : les sphères d'influence des villes.
 
Exemple : Au cours de notre voyage d'études en Bourgogne, nous achetons au départ : La Montagne (édition de Clermont) . Puis en cours de route : La Montagne ( Édition de Moulins). Le Journal du Centre, dès Bourbon-Lancy. Ce dernier journal dont le centre de diffusion est à Nevers rayonne sur l'Allier, la Nièvre et une partie de la Saône-et-Loire (Autun). Pour nous arrêter à ce seul exemple, nous voyons s'interpénétrer dès Moulins les zones d'influence de Clermont et de Nevers. Remarquons bien que le dynamisme d'un quotidien ne reflète pas exactement le dynamisme d'une ville. Mais il en offre une illustration parmi d'autres.
 
Ainsi, si nos camarades alsaciens que nous rencontrions à Château-Chinon avaient au long de leur itinéraire (Colmar-Besançon-Autun) réalisé les mêmes achats, nous aurions eu une véritable "coupe" des sphères d'influence des villes à travers le rayonnement de leur presse.
 
Voici quelques idées glanées au cours de mon cheminement expérimental. Essayez cles; mais n'oubliez pas de renvoyer la balle.
Marc PrivaI   Cournon 63
(article déjà publié dans l'Educateur n°2 du 1.10.1972)



• EN SECOND CYCLE
 
L'utilisation de la presse dans le second cycle peut être également très fructueuse. Voici comment je l'ai réalisée cette année avec des classes de seconde et terminale.
 Nous nous sommes abonnés en début d'année au Monde (1,50 f par élève) que nous recevons donc tous les jours.
 
1) En seconde: Plutôt que des revues de presse qui prennent souvent l'allure des actualités télévisées, j'ai préféré cette année proposer des études beaucoup plus ponctuelles.
- Chaque semaine, analyse et présentation d'un ou plusieurs éditoriaux du Monde (faites par un élève seul ou un groupe d'élèves) .
- De cette façon, aucun des grands problèmes de l'actualité ne nous échappe.
- Chaque semaine, analyse et présentation de quelques articles du "Monde Aujourd'hui".
• certains de ces articles n'appellent pas d'approfondissement et sont comme une chronique qu'on attend chaque semaine : c'est le cas pour les articles intitulés "Lettres de..."
• d'autres articles peuvent être à l'origine d'un débat (comme souvent le "fil de la semaine" de Viansson Ponté) ou d'une lecture préparée, voire d'un montage.
- Enfin, l'utilisation plus épisodique, moins systématique, des informations scientifiques (les séismes, la pollution, l'énergie nucléaire, l'eau, etc...) et des articles couvrant plusieurs numéros du Monde pour lesquels il me faut prévoir une fiche-guide (certains articles ne sont pas faciles). Mais leur présentation peut être très intéressante et ouvrir des pistes nouvelles. Deux exemples : la présentation d'un article sur Le Triangle d'or de la drogue a permis de compléter un exposé fait précédemment sur ce sujet.
• La présentation d'un article sur la Tanzanie a démarré une recherche sur la structure de la société noire traditionnelle (en particulier les anarchies) et a permis d'éclaircir quelques notions économiques fondamentales (balance commerciale, balance des paiements).
Il faut noter que j'ai dans ce travail, un rôle très directif : c'est moi qui signale les articles, qui fais les fiches-guide, qui élabore les synthèses si besoin est... Mais les bonnes habitudes ne s'installent pas toutes seules...
 
2) En terminale le souci de rentabilité est beaucoup plus pressant. Il a donc fallu éliminer tout ce qui ne rentrait pas dans le fameux programme. Et le temps qui nous est chichement compté ne peut être utilisé que parcimonieusement. Une fois par mois, la classe dépouille la trentaine de journaux et sélectionne les articles susceptibles de nous intéresser : articles de fond et indications passagères, qui seront étudiés par un groupe d'élèves et présentés à la classe. A titre d'exemples parmi bien d'autres, furent présentés les articles analysant la politique énergétique du Brésil et ses démêlés avec la RFA et les USA à propos des centrales nucléaires ; l'article de Carron de Février 77 : Une nation malade du Quebec (en terminale D qui travaillait le Canada); l'article de Fontaine de Février 77 : Quand l'Amérique éternue (en terminale B qui travaillait les USA).
Jean-Claude EFFROY
 
 
e) Histoire et cinéma.
L'ENFANT S'AVENTURE A TRAVERS L'HISTOIRE PAR LE CINÉMA
 
A - Origines: Je travaille dans un petit collège en milieu rural. Le cinéma était déjà un outil que j'utilisais en français (réalisations collectives ou de groupes), donc ma classe (4ème que j'ai depuis trois ans) a déjà utilisé le cinéma comme moyen d'expression (film, film d'animation).
Au début de l'année nous commençons collectivement l'approche de la période (soit l'époque moderne) par la chronologie qui nous servira de support au long de l'année. Au cours de ce travail, un groupe de huit enfants se dégage et porte son intérêt sur les paysans. Cela est dû à une étude, l'année précédente, de révoltes paysannes au moyen âge dans notre région et à la pièce de théâtre réalisée par des troisièmes sur La Terre de E. Zola qui les avait fort intéressés, par sa conception et par son approche, au-delà du temps, de notre milieu.
 
L'idée d'une recherche est née... Les paysans à travers l'époque moderne et ce dans notre région : Basse-Normandie. Si la recherche de documentation ne s'avère pas trop difficile : écrits historiques sur la commune, dossier du Peuple Français, centre historique de Cherbourg avec qui nous avons déjà travaillé l'année précédente à propos du château à Motte de notre commune et qui s'est bien lié à ce travail d'enfants (correspondance directe entre ce centre et les enfants), l'essentiel problème posé dans le groupe est la finalité et l'aboutissement des recherches qui vont être lancés.
"Le théâtre, on en fait déjà en français..."
"Les troisièmes de l'an passé l'ont déjà réalisé..." telles sont les réflexions du groupe... et puis "si on faisait un film qui soit une fresque, avec des personnages, des dialogues, des costumes..." et l'idée est lancée. Si viennent d'abord les difficultés possibles, l'enthousiasme l'emporte: nous allons faire un film sur les Faburel (nom de famille des paysans choisis) entre le XVème et le XVIIIème siècle...
 
B - La démarche: Il est bien évident (et ce entrant dans ma part du maître) qu'il m'a fallu donner une méthode de travail à ce groupe, vu le caractère nouveau de ce travail et vu que les enfants ne voulaient à aucun moment dissocier leur recherche de sa finalité.
1) Étape collective du groupe (présence personnelle importante) sur l'étude des paysans à travers l'époque :                     
           comment vivent-ils ?
leur rôle ?
Que leur arrive-t-il ?
 
De cette étude collective se détachent les faits marquant : la mortalité, la peste, la médecine, la famine, les révoltes massives, les révoltes par le brigandage, les impôts divers et les corvées, les guerres, les luttes de religion, la mainmise de la bourgeoisie, les accidents du travail, le rôle du colporteur, la révolution...
Ce choix de thème réalisé, on construit un arbre généalogique de notre famille, chaque génération subissant ou participant à un des faits réels choisis.
2) Étape de sous-groupes (ma présence répondant surtout à leurs appels). En trois groupes, ils se partagent le travail (chaque groupe a une tranche de quatre faits à préparer) : Recherche plus précise sur l'événement, réalisation d'un scénario (actions, commentaires et dialogues) qui rend le fait choisi.
Exemple : le père Victor Faburel est malade, trois médecins clament leurs remèdes "miracles" pour le guérir (il est bête à expérience) et se querellent autour de son corps mort.
3) Nouvelle étape collective : mise en commun des scénarios réalisés et critique collective. Le groupe connaît ainsi dans sa globalité l'événement étudié. Analyse alors réalisée sur la paysannerie à travers la période (rôle social et évolution économique...)
4) Dernière étape de groupes : On se partage le deuxième travail de recherche, mais de façon différente. Chaque groupe travaillera sur les douze faits, mais sur des axes divers et liés à la réalisation cinématographique, et aussi à la réalité historique. Ainsi se forment :
- groupe costume (recherche sur l'habit)
- groupe décor et accessoires, (recherche du lieu et de vieux ustensiles et réalisation de certains accessoires) ,
- groupe son et bruitage (travail sur la musique de l'époque, musique populaire).
Il est à noter un fait inattendu et riche d'intérêt : où trouver la maison de notre famille ? Avec l'aide d'un conseiller municipal, nous avons trouvé une maison habitée par un homme de soixante ans et par sa sœur qui a eu une méningite à huit ans, (préparation des enfants à ses attitudes..)
Une pièce unique, sans eau ni électricité, la cheminée et la marmite ; le cochon dans la cour. Seul élément de modernisme : un meuble en fer chromé bien bancal... "On s'y croirait et pourtant on est en 1978" dira un enfant. Les parents aideront quant à eux à regrouper outils en bois et vieille vaisselle ; un parent nous fera des fourches comme autrefois avec un bois fendu et calé...
5) Étape collective pour choix des plans.
6) Le tournage : Enfin tout est prêt. Nous sommes au troisième trimestre. Là on tire fort avantage de notre organisation de travail. Nous sommes ensemble dix heures (français. histoire-géographie. dessin) et nous organisons toutes ces heures confondues en un seul planning sur quinze jours.
Aussi, sans hésiter, nous prenons la même semaine : notre mardi après-midi et notre jeudi matin pour le tournage, soit 5 heures. 3 heures le mardi (2 heures à 5 heures : on rentrera à 6 heures... juste pour le ramassage) 2 heures le jeudi ( 10 heures à 12 heures).
 
- Le mardi : départ à midi après l'heure de math...il y a six kilomètres à faire... pique-nique en cours de route... puis on filme tous nos extérieurs et ce qui se passe dans la maison (les habitants observent, puis ravis, aident un peu, mais sont très discrets..) les enfants, d'abord mal à l'aise vivent le lieu, puis l'époque... c'est gagné. A noter que toute la classe est venue ; les autres filment, costument et maquillent, préparent les lieux, cela en suivant scrupuleusement les dossiers réalisés, vus précédemment par eux en classe.
 
- Le jeudi: On filme le générique, les supports-date, quelques séquences dans la classe maquillée et à l'église du village, en forêt...
 
7) ... il faut attendre que les films reviennent... et c'est long. Dès leur réception ils sont contrôlés (peu d'erreurs, sauf une, de ma part : sur- exposition lors d'une séquence...) et l'on fait le montage. Tout cela pour obtenir un film de vingt-sept minutes sur "Histoire des paysans français : les Faburel 1492-1789"
 
Un mercredi matin sera nécessaire pour réaliser la bande son, cela pour des questions de temps et de bruit dans l'établissement et dans la classe lors des jours de cours... Il ne me reste plus qu'à faire pister ce film et le travail est terminé. Quand nous montrons le film, l'attention est intense et les critiques seront abondantes... mais déjà un autre projet est né pour l'an prochain .
 "on continue leur histoire jusqu'à nos jours..."
"oui, mais ils (les Faburel) pourraient quitter la ferme (exode) et devenir ouvriers... Mais cela, c'est une autre histoire...
 
C - Quelle a été la part du maître dans ce travail ?
. Pour la recherche des documents : j'ai d'abord lancé, ayant plusieurs groupes à faire démarrer : "cherchez dans le lot de nos manuels !". Une phrase volontaire car je savais déjà la réponse : "il n'y a presque rien". Dès le départ, une première prise de conscience sur ce silence presque complet (à part un ou deux manuels) sur ces paysans. L 'histoire de qui ? Si ces gens représentaient près de 70 % de la population à l'époque, leur part de pouvoir dans cette période est bien égale à celle qu'on leur donne dans nos manuels : seuls le pouvoir et la puissance intéressent.
Au diable la populace, comme disent (encore !) nos bons rois.
Après cette rapide étape, j'ai donc apporté moi-même, et en majeure partie, la documentation citée, mais ce en vrac:  tri et classification des documents restaient à faire.
 
1) La première étape a nécessité ma présence presque continuelle. Un "cours" de groupe, dirons-nous, en fonction de leur lecture de documents et l'établissement avec eux d'une chronologie de l'histoire paysanne. Le choix des douze faits vient du groupe seul.
2) Pour la deuxième étape, ma présence se fait sur l'appel des sous-groupes et sur deux modes :
- explication et analyse de l'événement qu'ils ne saisissent pas
- j'insiste sur la concision de leur travail : éviter le texte trop long, donc importance de chaque mot choisi, importance du détail gestuel et utilisation du symbolisme de l'image. (exemple: des paysans battent leur blé ; viennent : le noble, l'intendant, le curé... petit à petit, le tas se vide : les paysans restent nombreux devant quelques rares épis... parole d'un paysan : "il y en a encore à donner". Cette étape a amené les enfants à un grand effort de recherche pour rendre l'essentiel en peu de temps à partir d'un texte très bref et d'une image chargée de détails et pouvant se substituer à un commentaire souvent trop pénible.
3) La troisième étape m'échappe pratiquement car la trame historique est acquise (à quelques détails près, que le sous-groupe a du mal à expliquer au groupe). De plus, si j'ai donné, moi, la démarche jusqu'à présent, leur compréhension événementielle et leur pratique cinématographique les guident seuls vers la démarche qui va suivre. :
- réalisation des nouveaux groupes et constitution des dossiers (image, son, costumes, décors, accessoires...)
Mon aide se fera seulement pour réunir costumes, accessoires et pour le lieu, mais ce toujours avec quelques-uns d'entre eux. .
4) Le fait que toute la classe participe, les autres devenant techniciens, mais devant pour cela s'informer de tout le travail réalisé, a été décidé collectivement lors du planning, quand un enfant du groupe-film a dit "il nous faut le mardi et le jeudi pour filmer et on quitte la classe..", aussitôt quelqu'un a posé le problème : "que font les autres ? ". D'abord ils ont voulu une information rapide sur le travail réalisé... leur intérêt leur a fait prendre une double décision :
- heures pour être informés du travail
- participation à l'étape finale (devant, de fait, interrompre leurs propres recherches pour la durée d'un planning)
Bien sûr, s'il n'y avait pas eu cet accord, qu'aurions-nous fait ? En plus le groupe n'était pas assez grand pour jouer et filmer...
5) Le reste, montage et son, a été fait par eux-mêmes, vu leur pratique du film. Mon aide s'est surtout faite pour le montage, car il y a, à cette étape une démarche rigoureuse nécessaire pour regrouper les séquences.
 
D - Les objectifs atteints
La recherche a trouvé son intérêt par notre milieu environnant, mais aussi le désir de créer : faire revivre, mais au travers d'eux-mêmes. On n'a pas seulement joué au paysan ou au noble, mais on a ressenti les personnages parce que l'on a été à leur place. Le fait historique a été approché et réapproprié par l'enfant à travers sa propre expression (mots et gestes). Il y a donc eu, par l'enfant, découverte d'un fait, puis étude et intériorisation par le jeu (ils furent très exigeants pour éviter les détails anachroniques).
 
De plus, par cette réalisation que l'on va conserver, reste dans la classe un document réalisé par eux et qui appellera peut-être un autre travail avec une autre classe : contribution à un débat, approche d'une période, autre film et ce peut-être sur le même thème pour une autre époque, d'où la réalisation possible d'une immense fresque d'histoire revécue - et le sujet est inépuisable car bien d'autres thèmes sont possibles...
 
E - L'histoire : quelle finalité ?
Si l'on veut que l'enfant soit, dans son avenir, un être déterminé et autonome dans son pouvoir de décision, qu'il décide de son histoire et non pas qu' on en décide pour lui, il lui est nécessaire de comprendre le passé. Et comment mieux le comprendre qu'en le réinventant ?
 
D. VERDIER
St Sever 14380
(cf. aussi Histoire et Théâtre: le procès de Robespierre.
Article Michèle MAZIERE - La Brèche n° 37 mars 1978.
 
f - COMMENT J'AI UTILISÉ LA B.T. SON 868 AU C.E.2
 
Au cours d'un entretien sur les volcans, les enfants ont posé de nombreuses questions sur l'origine de la Terre et l'apparition du premier homme sur notre planète. Ceci m'a conduit tout naturellement à travailler à partir de la B.T. Son n°868 : HISTOIRE DE LA TERRE, HISTOIRE DE LA VIE.
 Voici comment nous avons procédé :
 
1. Écoute du disque et courte discussion après chaque séquence. C'est ainsi que j'ai été amené à expliquer "concentration de gaz", "système solaire"... expressions relevées par les enfants. D'autres n'ont pas été expliquées (volontairement) comme "radioactivité" par exemple, que j'ai estimées trop difficile ou trop complexes pour cet âge ; d'ailleurs, le plus souvent, elles n'avaient pas été relevées.
2. Écoute du disque et projection des diapos, sans interruption.
3. Projection des diapositives et discussion à propos de chacune d'elles. Nous nous sommes surtout attachés aux vues 1, 2, 3, 10, qui montrent l'évolution d'un même paysage et de la vie ainsi qu'aux diapositives n°9  la fin des dinosaures, 11 : la sortie des eaux, 12 : l'évolution des vertébrés terrestres.
4. Nouvelle écoute du disque avec projection des diapositives, alors que tous les enfants peuvent lire sans obstacle majeur les diapositives et comprendre les propos des spécialistes interviewés.
 
PROLONGEMENTS
 
- Plusieurs enfants ont apporté des fossiles que nous avons observés
- Valérie et Corinne préparent une conférence sur les dinosaures, à partir d'un questionnaire et de la B.T. Son n°870.
- Arnaud et Xavier vont établir une échelle montrant les différentes étapes simplifiées de l'histoire de la Terre.
 
CE QUE J'AI RETENU DE CE TRAVAIL
 
Pour les enfants : leur participation active ; nous avons travaillé deux heures (1h1/4 et 3/4 d'heure) sur un sujet a priori complexe, toujours avec intérêt et parfois même avec émerveillement, car les enfants qui ont rencontré les préhistoriens posent les questions que les élèves de la classe se posent, et ce dans un langage et sous une forme qui leur sont familiers.
 Je revois particulièrement le visage rayonnant de Christelle lorsqu'elle a entendu la question qu'elle m'avait posée quelques minutes plus tôt et à laquelle je n'avais pas répondu.
 Elle allait savoir. Et les explications de MM. TAQUET et COPPENS sont simples et claires.
 Par leur valeur pédagogique et leur souplesse d'utilisation, les B. T . Son sont un outil de travail indispensable. Leur adaptation pédagogique est bien meilleure que pour d'autres documents audio-visuels.
 Cependant, exploiter une B. T . Son implique pour le maître la nécessité, au préalable, de visionner les diapositives et d'écouter le disque en s'aidant du livret, c'est pourquoi j'ai adopté ce plan d ' exploitation.
Pierre LEGOT - Alençon
 
g - Utilisation d'un roman en classe de troisième
Roman : Mémé SANTERRE
 
Classe de troisième de trente élèves.
Équipe de professeurs ; grande collaboration entre la collègue de français et moi, en histoire-géographie.
 
Premier trimestre :
On invite les élèves à avoir tous lu le livre pour la rentrée des vacances de NOEL (prêt du livre par les professeurs, par la bibliothèque, achat par les élèves).
Deuxième trimestre :
Discussion commune français-histoire sur le livre: intérêt de la lecture ; les personnages ; l'authenticité du récit...
Par la suite les thèmes sont choisis, les uns d'intérêt historique (les trois guerres, le travail à domicile et les exploitations du Bassin Parisien avant 1914, l'année 1936, la Résistance...). Les autres, d'intérêt géographique et économique (les sociétés sucrières, l'habitat des régions du Nord, le travail industriel aujourd'hui, exemple de l'automobile,.) les autres encore d'intérêt plus "humain" : la vie des enfants au travail au XIXème siècle, les rapports parents-enfants et leur évolution, la vie dans les H.L.M....
 
L'étude est ainsi faite par des petits groupes de travail; la collecte des documents n'a pas été toujours facile ; les réalisations furent diverses et destinées aux camarades.
Cette étude ainsi menée nous a permis, en histoire, de traiter des questions du programme entre 1870 et nos jours, les questions principales. Chaque groupe a approfondi discuté, affiné son sens critique. La classe a pris intérêt aux points forts présentés. La part du maître a été de faire les liens, de montrer les aspects fondamentaux de l'évolution de l'époque...
La vie a été introduite dans l'étude de l'histoire par l'intermédiaire des personnages du livre et a renvoyé les enfants vers leurs parents et grands-parents. Des questions d'actualité se sont greffées : la vie dans les grands ensembles, résistance et terrorisme,..
 
Ce n'est là qu'un exemple d'utilisation de livre; les titres eux-mêmes sont nombreux et nous souhaitons en publier une liste prochainement.
P. GUIBOURDENCHE
 
 

 

3 - ENFIN, IL N'EST PAS INUTILE DE DRESSER UN CATALOGUE

 

 

DES "TRUCS", DES "FICELLES", DES "RECETTES",

 

POUR BRISER L 'HABITUDE DES OUTILS UNIQUES:
 
DE CETTE "BOITE A MALICES", TIRONS UN EXEMPLE :
 
 
• Les fiches-guides d'exploitation d'un programme
 
PROGRAMMATION EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
 
1 - "Dans nos diverses techniques, la programmation et les bandes sont parmi les nouveautés dont l'implantation au-delà du primaire apparaît comme la plus facile et la plus profitable. Plus qu'au premier degré, les grands élèves de nos lycées, de nos C.E.G., des classes d'apprentissage et techniques, sont excédés par les devoirs et les leçons dont ils sentent la vanité !
Ils ont fait à nos bandes un accueil enthousiaste qui nous encourage à développer d'urgence les éditions nécessaires" .
 
Célestin Freinet écrivait ces phrases en 1966. Dix ans plus tard, elles me semblent plus actuelles que jamais.
Il ne serait pas juste de dire qu'elles sont oubliées : des livrets programmés sur un ouvrage, des fiches-guides de lecture sont publiés périodiquement par les camarades de la commission français.
 
Mais il me semble qu'en histoire-géographie nous avons trop délibérément écarté cet outil. Si bien que nous ne disposons que des travaux réalisés pour le primaire : exemple, les bandes enseignantes sur la préhistoire, la Gaule, le Moyen Age etc. qui sont excellentes, mais qu'on aurait bien du mal à découvrir dans le catalogue C.E.L. puisqu'elles n'y figurent plus. Faut-il en conclure que l'histoire-géographie ne se prête guère à la programmation? Au contraire, j'irai jusqu'à dire que c'est un terrain de choix : Histoire et géographie sont des disciplines scientifiques, sciences de l'homme bien sûr, qui excluent tout déterminisme, mais qui permettent tout de même le découpage en séquences précises (climat tropical humide, climat méditerranéen, etc.), le cheminement d'une donnée à une autre (du type de végétation au type de climat), la description des réalités ou la recherche des faits.
D'autre part, histoire et géographie sont non seulement des disciplines d'observation et de réflexion, mais aussi de connaissances. On a beau être favorable à la tête bien faite plutôt qu'à la tête bien pleine, on a beau écarter l'encyclopédisme (et on a raison) on ne peut empêcher le raisonnement historique de s'appuyer sur les faits, l'explication géographique sur l'observation des réalités.
 
Et la programmation peut permettre de lier à la fois l'acquisition de quelques connaissances de base et le début, l'amorce d'une explication. Il n'est pas question d'en faire une panacée, ce n'est qu'un instrument, une technique ; elle doit être au service de l'individualisation du travail, au service de sa socialisation également.
 
Nous avions créé.. il y a deux ans, au sein de notre Commission, un module "fiches" qui devait centraliser nos recherches sur ce point. Aucune communication ne semble jusqu'à présent avoir été faite. Je relance donc ce chantier en apportant ma contribution à la construction des fiches-guides de programme de géographie (seconde et première). Je laisse pour le moment de côté d'autres formes de programmation également très importantes en histoire-géographie, comme les bandes enseignantes ou les livrets programmés.
 
Il - Après deux années d'expérimentation, je crois qu'il est possible d'apporter quelques indications et modifications.
 
1) Je rappelle le principe de la "fiche-guide programmation de connaissances".
 
a) - un questionnaire assez précis, plus ou moins détaillé, se rapportant à un chapitre de manuel (autant de fiches-guides donc que de chapitres dans le manuel) et permettant de faire acquérir les connaissances de base.
 b) - pour chaque fiche-guide, des pistes de recherche et des prolongements éventuels facultatifs.
 c) - les techniques de travail sont différentes selon les camarades: travail individuel ou par groupe, hors de la classe ou en classe, donnant naissance à un dossier, à un affichage, noté ou non, à un exposé ou à un simple devoir.
 d) - mais les principes de base sont identiques : liberté de choix du nombre de fiches-guides à faire, du moment de les faire et des sujets, donc apprentissage de l'organisation et de l'individualisation du travail dans un cadre sécurisant et structuré.
 
2) Bilan du travail effectué
 
Un certain succès, plutôt qu'un succès certain.
Les élèves sont satisfaits ; les fiches circulent intensément (on ne bouscule pas trop la tradition et pourtant on a une liberté nouvelle) mais ce n'est pas un critère.
 
Il y a des indices révélateurs :
a) Certains élèves font trente fiches dans l'année, d'autres quatre (ce sont les extrêmes).
 Il ne s'agit pas de retrouver le moule simplificateur et oppresseur de l'école traditionnelle (tout le monde travaille en même temps et avec la même intensité aux mêmes travaux) mais j'observe qu'un élève qui ne prend pas de fiches-guides pendant plusieurs mois est un élève qui a des problèmes (mauvaise organisation du travail, mauvaise intégration dans la classe, etc.). Il attend qu'on l'aide et la liberté de choix et de travail que je lui donne le laisse désarmé.
 
b) Les pistes de recherche sont utilisées très rarement sinon jamais.
 
c) La fiche-guide devient très rapidement un nouveau carcan, une nouvelle routine, ne favorisant pas réellement la création et la recherche. Le travail semble rester formel et il n'y a pas forcément assimilation des connaissances de base ; donc l'outil qu'on pensait libérateur ne devient plus qu'un gadget, et alors qu'on pensait réintroduire le travail, on en revient rapidement à la vulgaire occupation ou besogne.
 
3) Il me semble donc nécessaire d'apporter nombre de modifications (relevées d'ailleurs par Peti-colas dans son article de L'Educateur novembre 1973).
 
a) - Les questions ne doivent pas porter sur le texte du manuel : on a alors du verbiage ou de la copie, mais exclusivement sur des documents (cartes, photos, statistiques etc.) et il faut alors que les élèves sachent lire une carte, observer une photo pour en tirer un croquis, étudier les statistiques pour en tirer des graphiques ou des cartes.
 Il y a alors un véritable effort de recherche : l'adolescent doit pouvoir tirer le maximum d'information d'un document et par le changement de support de l'information, l'assimiler véritablement.
 
b) - Il faut établir un programme minimum obligatoire et dans la mesure où l'on considère qu'un certain nombre de connaissances de base doivent être acquises, il faut exiger qu'elles le soient effectivement.
Au début de l'année, on décide en séance coopérative du nombre de fiches-guides à étudier au cours de l'année et chacun doit s'y tenir : c'est un contrat.
 
c) - Il faut réaliser à côté de la fiche questionnaire, une fiche autocorrective. L'individualisation du travail ne peut être totale que si le contrôle est fait par l'élève lui-même. Lorsque l'élève n'arrive pas à surmonter un obstacle... il regarde la réponse, ce qui lui évite d'assimiler son erreur (il est bien connu que l'élève ne regarde pas les corrections du prof). Bien entendu cela entraîne une autre méthode de notation de la part du prof. (cf. article de Favry, La Brèche n° 1, septembre 1974).
 
d) - Il faut relier le travail obligatoire et individuel sur fiche-guide à un travail collectif et indépendant du type recherches, enquêtes, monographies, montages. Ces travaux sont appelés.. dans les premières fiches-guides..
pistes de recherche et prolongements.. mais il vaut mieux leur attribuer l'ancien nom de "chefs d'œuvre" (cf. article de Petitcolas, cité ci-dessus) . Ces propositions de travaux de recherche peuvent être faites soit à la fin de la fiche autocorrective, soit sur la copie même de l'élève que bien entendu..a le droit de donner suite ou non.
 
En conclusion
 
Il est bien évident que ce travail ne peut en rester là. Il faut l'améliorer et arriver à une solution à peu près acceptable par le plus grand nombre d'entre nous, tant sur le plan de la forme (remodelage d'un questionnaire, choix d'un autre document, programmation plus souple, plus ouverte sur la vie et sur l'expérience concrète des élèves, ainsi que sur les possibilités de tâtonnement expérimental) que sur le plan du fond (qu'est-il indispensabte de mettre en évidence ou de faire trouver sur un thème choisi ?). Alors pourquoi ne pas prévoir la publication de ces fiches (sous forme de fiches technologiques) dans La Brèche ?
 
En attendant, je fais appel à tous les camarades intéressés par ce chantier. Pour aboutir, le travail ne peut plus être que collectif .
 
Jean-Claude EFFROY, - 02200 Soissons
 
(article déjà publié dans La Brèche no20 p.15)
 (Juin 1976)
 

IV. - L'ORGANISATION DE LA CLASSE
 
Le simple exposé ci-dessous rend compte d'aspects qui ne sont pas spécifiques de l'histoire-géographie, mais qui sont ceux de la pédagogie Freinet en général, appliquée au second degré.
Aussi, cette partie est-elle courte et renvoie-t-elle à d'autres chapitres contenus dans ce dossier.
 
Les buts que nous proposons, enseignants adeptes de la Pédagogie Freinet, imposent une organisation très élaborée qui n'a rien à voir avec le laisser-faire, laisser-aller, image-cliché de la Pédagogie Freinet que nos adversaires se complaisent à répandre. Nous visons à ce que nos élèves soient responsables de leurs acquisitions, de leur comportement et donc nous permettons qu'ils prennent en charge l'organisation de leurs activités, de leur classe. C'est l'organisation coopérative du travail.
 
• L'organisation coopérative du travail suppose des possibilités de confrontation, de réflexion, de chaque individu, de chaque groupe, avec la classe tout entière. Il y a donc des moments où la classe se réunit pour établir son programme de travail, planifier ses activités, établir les responsabilités. Au cours de cette séance coopérative, un président organise le débat et établit le planning de travail pour une période déterminée (cela peut être quinze jours par exemple mais cette périodicité n'a rien d'obligatoire). Durant cette réunion, les élèves font le point du travail de la quinzaine précédente, des travaux en cours, discutent les propositions nouvelles d'activités, de recherches, analysent et règlent les problèmes qui se posent à la classe ou dans la classe, prévoient le déroulement de la quinzaine suivante. Chaque groupe de travail (ou individu) sait ainsi ce qu'il doit faire, ce qu'il a pris en charge, quand il devra avoir terminé son travail, sous quelle forme il le présentera et de quelle manière il sera transmis à la clas­se. Il devient alors responsable devant l'ensemble des élèves de son propre travail. Le maître n'intervient dans cette organisation qu'en tant que "conseiller" pour donner des précisions, suggérer des pistes de travail, assurer les élèves de son assistance technique ou de sa compétence sur tel ou tel sujet. Mais les élèves décident en pleine souveraineté du fonctionnement de la classe. Le professeur a autant de pouvoir que chacun des adolescents, mais il essaie de ne pas en avoir plus, ce qui n'est pas facile...
 
La pédagogie Freinet suppose une organisation du temps dont on vient de parler brièvement.
Des plannings bien apparents visualisent la bonne marche de la classe. C'est un peu son tableau de bord. Mais on peut encore prévoir ainsi d'autres tableaux : planning prévoyant les travaux obligatoires en fonction du programme avec les échéances de chacun d'eux ; planning indiquant )es tâches matérielles à remplir dans la classe et le nom des responsables de chacune d'elles, etc...
 
La pédagogie Freinet est la mort du cours magistral au profit d'une individualisation de l'enseignement et en préconisant le travail coopératif, elle cherche à supprimer les rapports d'autorité et de hiérarchie entre l'enseignant et les enseignés.
• Mais cela suppose encore une organisation particulière de l'espace qui permette l'autonomie de l'élève. Il est impossible de donner un exemple-type d'organisation matérielle d'une classe, car cela dépend de beaucoup trop de facteurs : personnalité du prof, moyens techniques utilisés, effectifs, grandeur de la classe, etc. A titre d'exemples, on peut citer quelques agencements : de grands plans de travail où on peut préparer des affichages par exemple ; un coin magnétophone ou, plus exactement, audiovisuel (montage de bandes magnétiques, réalisation de diapositives dessinées...) ; des meubles du commerce ou bricolés (planches d'aggloméré, parpaings, vieilles tables...) pour que le matériel (feuilles de papier feutres, ciseaux, colle, appareils de projection..) et la documentation (films, dias, BT spécimens) soient accessibles et utilisables par tous sans problème. ( Encore à titre d'exemple, une caisse bricolée en aggloméré peut recevoir des dossiers suspendus). On peut également prévoir des éléments de rangement pou ries travaux réalisés ou en cours de réalisation (ce sont surtout les panneaux d'affichage en cours d'exécution qui posent des problèmes: des plaques de contreplaqué ou d'aggloméré de 1 m à 1,20 m sur 0,70 m à 0,90 m disposées sur des briques creuses ou des parpaings fournissent de larges rayonnages, chaque étage correspondant à l'entrepôt des panneaux d'une classe).
 
Mais il est sûr que toute cette organisation matérielle, pour primordiale qu'elle soit, ne peut être fonctionnelle que si le professeur d'Histoire-Géographie dispose de sa salle. Aussi nous pensons que le professeur doit imposer le fait de disposer d'une salle pour l'ensemble de son horaire : il faut qu'il fasse comprendre à ses collègues traditionnels ou pas, que c'est une exigence qu'il faut arracher à l'administration. Si les profs s'entendent pour prendre en charge l'étude de ce problème (répartition, emploi du temps des salles) cela doit être à peu près possible partout.
 
Autre problème important, c'est l'information, la documentation. À partir de quoi travaillent les élèves ? Comment peuvent-ils faire sans avoir continuellement recours au professeur ? Le but de notre enseignement étant l'individualisation afin que chacun trouve ses motivations, son rythme de travail... le prof ne pourrait suffire à la tâche et répondre à toutes les sollicitations spontanées d'une part, et d'autre part, cela supposerait encore un rapport hiérarchique entre le prof et l'élève. Aussi dans la classe, on met en place une documentation) des moyens de connaissances et d'information que l'on rend utilisables par les adolescents. Cela pose le problème des dossiers constitués, des fiches-guides etc... c'est-à-dire des outils (un paragraphe est consacré à ce sujet dans ce dossier).
 
• L'organisation de la classe est un vaste sujet ; beaucoup d'aspects ne peuvent être évoqués ici, mais on peut quand même dire un mot sur certaines difficultés que l'on peut rencontrer et donner une ou deux solutions. Comment faire la part entre le travail que veulent faire les adolescents (leurs préoccupations ne tombent pas toujours dans le cadre du programme) et ce fameux programme lui-même ? Les réponses sont certainement multiples et on en trouvera une ou deux dans le chapitre outils. Voici une autre solution adoptée cette année en premier cycle (5eme et 3ème). Il est possible de déterminer avec les élèves les points du programme à étudier pour toute la classe. A partir de là, le professeur établit une fiche-guide de programme pour chaque question envisagée, permettant d'étudier les manuels de la classe ou (et) des documents polycopiés. Un calendrier est mis en place (à discuter avec les élèves) et le travail se fait pour la date indiquée, une correction collective est prévue. Les élèves organisent alors leur travail, recherches, fiches-guides de programme, afin de respecter le planning de la quinzaine et leurs engagements évoqués plus haut et le planning des questions du programme.
 
Ainsi peut-on essayer d'approcher une organisation coopérative du travail et une individualisation de l'enseignement. Mais les élèves ont beaucoup de difficultés à travailler d'une façon autonome. Ils n'en ont souvent jamais eu l'habitude. Aussi il faut leur imposer certaines règles. Lorsqu'ils étudient une question, par ce qu'on peut appeler travail de recherche, il faut toujours qu'ils se demandent quels sont les aspects importants du problème, il faut également qu'ils fassent un plan, établissent la répartition des tâches entre les membres du groupe, prévoient le temps que demandera la recherche et envisagent la forme définitive du travail une fois celui-ci terminé. Une feuille de prévision de recherche est établie et elle est visée et discutée par la classe et par le professeur en séance coopérative.
 
Nous ne prétendons pas avoir développé tous les aspects d'une organisation de classe, car ils peuvent être très divers et les recherches dans ce domaine sont loin d'être terminées, mais nous espérons avoir donné quelques idées qui peuvent être très précieuses, surtout pour un démarrage en Pédagogie Freinet.
 
Marc LEBEAU
 



V. - LES BUTS DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
 
Pourquoi enseigner l'Histoire-Géographie ? Question d'actualité à un moment où les projets de réforme tentent, de façon plus ou moins directe, de l'éliminer de la formation scolaire. Question que nous nous posons en tant qu'enseignants d'histoire-géographie, mais aussi en tant qu'enseignants pratiquant la pédagogie Freinet, c'est-à-dire une pédagogie populaire, au sens prolétarien du terme, visant à donner à chacun les moyens de lutter pour la réalisation de son existence dans tous les domaines.
 
Les éléments de réponse apportés ici, qui forment la synthèse d'un débat sur ce sujet, ne prétendent pas clore la question, mais au contraire susciter réflexion et critique. Ils se situent à deux niveaux :
- celui de la pratique de l'enseignement de l'histoire-géographie : quels buts poursuivons-nous dans nos classes ? que souhaitons-nous apporter aux élèves ? et, en corrélation, par quels moyens tentons-nous d'approcher ces objectifs ?
- celui de l'action militante d'enseignants engagés : la maîtrise du passé et de l'espace que nous tentons de faire acquérir, à quoi peut-elle servir ?
 Leçons, mémoire, choses à savoir, où c'est ? qui c'était ? quand ça s'est passé ? autant d'expressions-clés quand on parle enseignement de l'histoire-géographie. La sacro-sainte acquisition des connaissances, bien sûr, c'est un but de la classe d'histoire-géographie, même en pédagogie Freinet, mais pas une priorité ; pour nous l'expression a deux aspects aussi importants l'un que l'autre: acquisition et connaissances.
 
• En ce qui concerne le terme acquisition, pour nous comme pour tout enseignant Freinet, un des buts de la classe, c'est de rendre à l'enfant la maîtrise de l'acquisition de son savoir ; dans ce but, en les adaptant au contenu de l'histoire-géographie, nous appliquons les idées-clés du travail coopératif, du tâtonnement expérimental, qui sont la base de la pédagogie Freinet.
L'essentiel, sur ce plan des acquisitions, se situe au niveau des méthodes. Permettre aux élèves d'intégrer un certain nombre d'outils et de méthodes pour analyser des documents écrits, statistiques ou photographiques, classer de façon significative des renseignements chiffrés ou verbaux, cartographier des phénomènes complexes est aussi important que l'apprentissage de connaissances circonstanciées, concernant un domaine précis d'histoire-géographie. Un outil une fois bien maîtrisé ne se démode pas, il peut être réutilisé, donc assure une autonomie réelle à celui qui le détient: "si tu donnes un poisson à un homme, tu le nourris un jour; si tu lui apprends à pêcher, tu le nourris toute sa vie".
• Pour ce qui est du terme connaissances, le problème que nous nous posons est : quelles connaissances enseigner ? .
La spécificité de l'histoire-géographie réside dans son contenu, l'étude du passé et de l'espace. Souvent elle est considérée, dans la formation de l'homme, comme un élément de culture générale, un savoir désintéressé. Nous refusons cette conception d'un ornement de l'esprit que serait l'histoire-géographie, et par suite nous refusons les pièges de la localisation et de la chronologie, notions intellectuelles et abstraites, du moins avant que les élèves soient aptes à les assimiler. Pour nous, le savoir, de quelque nature qu'il soit, est une forme de pouvoir. Les domaines de l'histoire-géographie, le passé et l'espace, sont les éléments d'un savoir politique et stratégique pour reprendre l'expression d'Y. Lacoste dans "La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre" (Maspéro).
Comment amener ce savoir à être, pour ceux qui le reçoivent, un pouvoir, c'est-à-dire une possibilité de réflexion et d'action ?
A l'opposé de la "géographie spectacle" et de l'histoire "grande histoire" nous récusons également au niveau de l'enseignement qui est le nôtre, la tendance de certains (des manuels par exemple) à ne présenter les réalités historiques et géographiques que sous un jour abstrait, intellectuel, aseptisé pourrait-on dire, à cause souvent du désir de dégager "l'essentiel" de la masse des détails matériels et contingents, à cause aussi du vocabulaire de spécialiste utilisé. La réalité concrète dans laquelle l'élève pourrait se reconnaître, ou du moins avoir des points de repère, se trouve ainsi transmuée en un discours désincarné, mais pseudo-scientifique, accessible sinon aux seuls spécialistes du moins à ceux qui maîtrisent suffisamment un certain type de langage. On retrouve d'ailleurs le même problème au niveau de l'information, qu'elle soit écrite, parlée ou télévisée. Les enfants qui baignent en plein dans les problèmes économiques, par exemple, ne les reconnaissent pas quand ils sont abordés en termes techniques et d'une façon très synthétique. C'est pourquoi, dans notre pédagogie, pour rendre intelligible le passé et l'espace, nous voulons d'abord nous appuyer sur les aspects les plus concrets de la réalité et nous suggérons, parmi nos outils, le recours à l'observation des objets témoins du passé quand ils existent encore, à la lecture des romans qui rendent sensibles la réalité d'une époque, à l'étude du milieu et à celle de l'actualité.
Cet enracinement de notre enseignement dans le concret et, si possible, dans la réalité vécue de l'enfant, n'apparaît que comme un aspect de l'acquisition des connaissances. Il n'est utile que dans un mouvement de va-et-vient avec un travail d'analyse et d'abstraction qui permet à la pensée de l'enfant de se construire. Par exemple, le milieu local est indiscutablement le milieu vécu de l'enfant, mais souvent, pour lui, il est inintelligible, inconnu presque, pourrait-on dire sans paradoxe, parce que inanalysé. Une étude du milieu qui se limiterait à la description de celui-ci serait à rejeter. Si l'on veut que l'enfant parvienne à une connaissance réelle de son milieu, qui lui en assure la maîtrise, il lui faut, en plus de la reconnaissance des éléments qui le composent, l'analyse des liens existant entre ces éléments. Et nous n'oublierons pas d'intégrer ces éléments dans une structure économique, politique, sociale.... plus vaste.
• La nature de l'histoire-géographie fait que les connaissances qu'elle apporte sont de nature stratégique et politique; aussi ne pourrons-nous éluder le problème du contenu idéologique de notre enseignement. Quelle histoire, par exemple enseignons-nous ? La composition de la population française et la "démocratisation" de l'enseignement secondaire font que la plupart de nos élèves sont issus des classes populaires, au moins dans le primaire et le premier cycle. Leur enseigne-t-on leur histoire ? L'histoire officielle, surtout celle des manuels, ne fait qu'une place bien mince aux classes populaires. Même quand elles y entrent par le biais de la démographie historique, sociologie électorale ou autres études nouvelles, l'idéologie transmise par le manuel ne s'en trouve pas modifiée. Or cette idéologie est celle des classes dominantes, idéologie qui ne paraît objective à certains que par la force de l'habitude de considérer ces classes dominantes comme représentatives de notre monde, dans le mode de vie, la publicité et aussi ... l'histoire. Comment lutter contre cet état de fait ? Il n'est pas en notre pouvoir de faire une autre histoire mais il est possible de montrer que l'histoire n'est pas neutre, que les points de vue sur un événement peuvent être divers et que le choix de l'éclairage est un choix idéologique. Cette attitude critique vis-à-vis du contenu de l'histoire enseignée, comme vis-à-vis des documents utilisés est également un des objectifs de notre enseignement. Restituer le pluralisme des aspects d'une question, c'est aussi un moyen de permettre aux élèves de construire leur interprétation des faits historiques et géographiques.
Le problème de l'idéologie paraît évident en histoire ; en géographie où il est moins communément dénoncé il semble qu'il serait bon de creuser l'idée de Lacoste selon laquelle l'absence d'idéologie est le rideau de fumée, le masque qui permet de camoufler le véritable sens de la connaissance de l'espace.
Permettre à l'enfant d'acquérir les outils d'analyse intellectuelle. le rendre autonome vis-à-vis de l'acquisition des connaissances, lui permettre de maîtriser son milieu, de se situer par rapport aux problèmes de son époque, de développer son esprit critique. et de construire son interprétation d'un fait, tels sont les buts.. pourrait-on dire classiques de l'enseignement de l'histoire-géographie. Tout au plus peut-on dire qu'en tant qu'enseignant Freinet, nous essayons qu'ils ne soient pas des vœux pieux et que nous essayons de nous donner les moyens d'y parvenir­
­
En quoi y a-t-il action militante dans tout cela ? Quels résultats à long terme peut-on en at­tendre ? La réponse ne peut être rédigée qu'en termes "d'espoir" et de "possibilité", puisque nous entendons n'inculquer aucune idéologie particulière, ne pratiquer aucun endoctrinement, mais simplement donner des moyens aux autres, de se choisir, de se construire et d'agir dans le sens de leur choix. Notre seul objectif est d'enseigner l'engagement et non le fatalisme. Un des résultats le plus fréquemment reconnu de la pédagogie Freinet (soit qu'on le lui reproche, soit qu'on le porte à son actif) est de mieux préparer les enfants à la variété des situations qu'ils auront à affronter. Ceci peut se comprendre comme un soutien apporté au système capitaliste qui a besoin de personnel adaptable, soutien qui irait à l'encontre de notre idéologie profonde. Au cours de discussions nous avons longuement débattu du problème. Nous pensons que, si nous réussissons en classe dans notre objectif de développer l'esprit critique, de montrer que les connaissances historiques et géographiques ne sont pas neutres, qu'elles recouvrent une idéologie ou une autre, nous pouvons espérer former des adultes non pas adaptables, mais au contraire moins adaptables, non seulement capables de détenir les moyens (esprit d'initiative, responsabilité, bon outillage conceptuel) pour se sortir d'une situation nouvelle imposée de l'extérieur, mais aussi capables d'analyser cette situation nouvelle et, le cas échéant, de la refuser, de lutter pour la transformer ou la détruire.
 
Claude Grenié disait au cours d'une réunion que la pédagogie Freinet lui semblait la plus utile dans les pays sous-développés, parce que la mieux adaptée à la formation des cadres au sens large du terme, ceux qui veulent et qui ont les moyens d'agir sur leur vie. L 'histoire-géographie concerne l'espace et la société où se déroule cette vie: aussi pensons-nous que notre action difficilement mesurable, n'est pas entièrement dépourvue d'efficacité.. que l'histoire-géographie telle que nous la concevons n'est pas aussi inutile que certains voudraient le laisser penser et que sa liquidation dans le cadre de la réforme Haby est, elle aussi, politique.
Raymonde LEBEAU
 
 
 
 
 
 
 
 
ORGANISATION MODULAIRE DE LA COMMISSION HISTOIRE GEOGRAPHIE
 
Responsable de la commission: Jean-Claude EFFROY - Rue de l'Urmois PASL Y 02200 - SOISSONS
Bulletin échange de la Commission (abonnement, participation) : Dominique VERD IER - Le Bourg 13380 - ST AUBIN DES BOIS
Module Outil Démarche: Dominique VERDIER cf. ci-dessus.
Module Fiches documentaires et bibliographiques: Pierrette GUI BOURDENCHE - 17 Avenue Jean Perrot - 38100 GRENOBLE
Module fiches de travail sur documents ponctuels: Marie-France PUTHOD - Les Prêles Il - St Pantaléon- 71400 AUTUN
Module B. T. Géographie: Pierrette GUIBOURDENCHE et groupe de l'ISERE.
Module B.T. Histoire: Georges BELLOT - Résidence Emile Zola - 84130 LE PONTET
Module réédition des B.T. "Histoire de.." : Marc LEBEAU et groupe de l'AiSNE - Les Tilleuls. BEUVARDES 02130 FERE EN TARDEN°1
Module Fondements de l'histoire géographie: Jean-Claude EFFROY - cf. ci-dessus.
Module B. T.2 Histoire: Marie-Noelle BONNISSEAU - 1, rue de Grenoble - 57800 FREYMING-MERLEBACH et Marie-Aline DENOYER - Résidence l'Européen, rue G. Mangin -.57500 SAINT-AVOLD