Les ouvertures de travail du Congrès de Brest

Mai 1965

Il y a un mois — au moment où j'écris — se terminait notre grande rencontre nationale et internationale annuelle.

Il nous faudrait tout un livre pour rendre compte de ce Congrès d'une extrême richesse, non seulement par ce qu'il a apporté de positif à son millier de participants, mais aussi par les fertiles ouvertures de travail qu'il a suscitées et dont nous devons nous contenter d'indiquer aujourd’hui les dominantes essentielles.

PRENDRE CONSCIENCE DU DÉCALAGE CATASTROPHIQUE DE L'ÉCOLE

La première séance que nous voulions présenter sous forme de libre discussion d'un colloque, a été surtout consacrée à une prise de conscience de ce décalage catastrophique de l'Ecole par rapport au milieu ambiant.

Elle s'ouvrait justement sur une importante communication d’Elise Freinet qui montrait par les souvenirs de son enfance en milieu enseignant l'excellence d'une école laïque qui, au début du siècle, était en avant-garde sur le milieu. Elle était en avant-garde pédagogiquement parlant parce qu’elle apportait alors aux enfants sevrés de toutes connaissances intellectuelles, une amorce de culture qui ne manquait point alors d'efficience. Elle était en avant-garde aussi spirituellement. Elle menait une campagne hardie pour la liberté, l’égalité, et la fraternité, fraîchement inscrites au fronton des écoles ; elle luttait pour la libre-pensée contre le dogmatisme et le cléricalisme. Et c'est parce qu'ils avaient dû mener une action efficace, moteur de l'histoire, que les instituteurs se donnaient à leur sacerdoce avec une foi, une générosité et une conscience dont nous ne retrouverons peut-être plus jamais l’équivalent.

Ce témoignage émouvant en faveur des éducateurs laïques du début du siècle montrait bien que ce que nous critiquons dans l'Ecole traditionnelle, ce sont moins les méthodes en soi que leur désadaptation du milieu. Une belle calèche, orgueil des châtelains d’il y a cent ans ne serait qu'une cause de désordre et de protestations si elle circulait aujourd’hui sur des routes vouées aux véhicules faisant du 120 à l’heure.

C’est cette idée de désadaptation de l’Ecole qu’il nous faut faire comprendre et admettre. Le bon sens devrait y suffire quand on voit autour de nous s'adapter les usines, certes, mais aussi les installations agricoles qu'on aurait cru naguère définitivement rebelles au progrès technique, l’armée et l'Eglise elle-même. Seule l’Ecole fait à cette loi générale une scandaleuse et incompréhensible exception.

Et cette désadaptation intervient justement dans le secteur qui lui est le plus sensible : l’éducation, qui est formation active et hardie des hommes d’aujourd’hui et de demain. Or, ces hommes de demain on ne peut pas, — techniquement, — les former avec des méthodes du passé.

Une modernisation s’impose d'urgence. Comment convaincre de cette nécessité les usagers d'abord, les éducateurs ensuite, et enfin les services intéressés et les législateurs? C’est cette recherche que nous avons amorcée et qu'il nous faut poursuivre. Mais notre tâche essentielle est, et sera, de montrer par nos réalisations que cette modernisation est désormais possible, qu’elle est à la portée de tous, qu’il y faut seulement le souci exemplaire de créer les cadres de celte modernisation, d’en forger les outils et de préparer les éducateurs à s'en servir intelligemment ce qui sera peut-être la tâche la plus difficile et parfois la plus décevante. Il y a quelques lustres à peine, le décalage que nous dénonçons depuis trente ans n'était pas encore dramatique et l’on pouvait plus ou moins bien s’en accommoder parfois. Il est désormais catastrophique. L'Ecole doit aujourd'hui ou s’adapter et se moderniser, ou dépérir et mourir.

Puisse la masse des intéressés en prendre conscience avant qu’il soit trop tard ?

LA DEUXIÈME SOIRÉE A ÉTÉ DOMINÉE PAR UN ASPECT PARTICULIER DE CE DRAME : LA DÉTRESSE ET L'ABÊTISSEMENT DES ENFANTS DANS LA PLUPART DES ÉCOLES ACTUELLES NOTAMMENT AU SECOND DEGRÉ

Nous sommes quelque peu habitués aux critiques que nous émettons depuis longtemps, avec quelque timidité, contre cette pédagogie traditionnelle. Nous les formulons timidement parce que dans ce domaine, il est bien difficile de délimiter aujourd'hui les frontières de la scolastique. A entendre la masse des éducateurs, ce problème de l'abêtissement des enfants par les méthodes désuètes serait loin d’avoir l’ampleur et l’acuité que nous lui attribuons : les méthodes traditionnelles seraient rarement pratiquées à 100% et plus ou moins semées de modernisme. Les punitions ne seraient qu’accidentelles et dues surtout aux conditions de plus en plus difficiles des établissements scolaires hypertrophiés, à l'inhumanité des grands ensembles anonymes ou à la rigueur des examens.

Nous sommes loin de charger les éducateurs, à quelque degré qu’ils se trouvent, de tous les maux de l’Ecole actuelle. Nous avons été les premiers au contraire à dénoncer la surcharge des classes et la détérioration accélérée du milieu familial et social qui sont déterminant du destin de la pédagogie. Il n'en reste pas moins que les pratiques autoritaires de l'Ecole, tant au point de vue pédagogique que disciplinaire sont aujourd'hui anachroniques dans un monde qui, à travers les luttes et les souffrances s'oriente cependant vers des solutions démocratiques qui seront une des caractéristiques de notre époque en mouvement.

Nous aurons à revenir souvent encore sur ce décalage mortel pour l'Ecole jusqu'à ce que parents et éducateurs, et élèves aussi, sentent la nécessité d’agir sans délai.

Cette prise de conscience a été, j'allais dire explosive pour le second degré. C'est une émouvante intervention de Bertrand qui allait susciter, en cette deuxième soirée, un mouvement de fond dont les remous devaient nous orienter vers une action d'avant-garde qui reste dans la tradition de notre mouvement.

Bertrand dit le drame angoissant du père de famille qui, conformément à notre pédagogie, aurait voulu élever ses enfants vers la maîtrise de soi et l'intelligence : après un heureux départ, il les voit brusquement s’éteindre, massacrés par une mécanique et des pratiques scolaires qui sont peut-être bien le plus grand scandale du siècle, Là encore, nous ne voulons nullement généraliser nos critiques à l'ensemble des professeurs du secondaire et du supérieur. Nous savons qu'il y a chez eux comme chez nous un noyau actif d'éducateurs qui cherchent loyalement une évolution favorable de leur pédagogie. Mats celle-ci est dominée :

— d'une part par l'organisation encore napoléonienne des lycées et collèges ;

— d'autre part par la pratique désuète des leçons ex cathedra, sur la base de manuels qui constituent à ce degré une des plus grandes entreprises d'exploitation de notre époque ;

— et enfin aussi par les examens qu'il faudra bien aménager un jour conformément aux données nouvelles de la science pédagogique et aux enseignements de l'expérience dans divers pays moins dominés que la France par la tradition universitaire et sociale.

Nous avons senti alors dans le Congrès que l’exemple de père de famille Bertrand secouait au même titre une large portion de l'assistance, et par-delà l’enceinte du Congrès, de nombreux camarades qui vivent le même drame. Et ces camarades impuissants et désarmés s’ils sont seuls, ont demandé de s’unir en une sorte de commission des Parents d'élèves et élèves Ecole Moderne qui mènera toutes enquêtes utiles, préparera l'action à mener, pour la recherche de solutions susceptibles de sauvegarder la vie et l’avenir de leurs enfants.

Pourquoi devra-t-on peut-être constituer ainsi une commission nouvelle alors que ces camarades ont parfaitement le loisir et le devoir d'agir au sein des organisations de parents d'élèves existantes? C’est que notre appartenance au mouvement de l’Ecole Moderne nous incite à penser que si ne sont pas négligeables, au contraire, toutes les revendications majeures des associations de parents d'élèves, il en est une qui est trop souvent négligée : c'est la réforme indispensable de la fonction éducative elle-même, et la substitution, à des méthodes autoritaires et dogmatiques périmées, d’une pédagogie moderne, vivante et démocratique, une réforme qui sait prendre en considération la dignité des maîtres et des élèves et leur souci d’oeuvrer librement dans un milieu humainement reconsidéré.

Le premier noyau de nos adhérents sera évidemment constitué par ceux des nôtres qui ont à défendre leurs enfants de !a scolastique — et nous essaierons de dire comment. Mais nous demanderons aussi aux parents non éducateurs, conscients de cette nécessité de modernisation de se joindre à nous, Ils porteront ensuite dans leurs associations les principes et les mots d'ordre dont nous aurons démontré l’efficience. La commission, comme toutes les commissions de l’ICEM, publiera un bulletin dont le premier numéro paraîtra avant les vacances.

Nous demandons à tous les parents intéressés, de quelque degré qu'ils soient, et même non enseignants, de signer et de nous renvoyer le bulletin ci-dessous (voir p. 9).

COOPÉRATION

AUTOGESTION

La troisième séance plénière devait théoriquement nous permettre d’étudier comment, et par quels processus l'organisation scolaire autocratique actuelle pouvait céder le pas à la nouvelle organisation coopérative ou d’autogestion. Nous aurions aimé définir ce que doit être la vraie coopérative scolaire, discuter des thèses de Carl Rogers sur la pédagogie non directive, étudier le rôle du conseil de coopérative, la pratique du journal mural dont l'emploi devrait être généralisé. Et nous aurions aimé à cette occasion donner longuement la parole à nos amis de l’OCCE (Office Central de la Coopération à l’Ecole) et aux représentants de divers pays : à ceux du Canada par exemple qui auraient pu nous dire les expériences concluantes d’autogestion menées dans un certain nombre de classes secondaires de leur pays.

Mais la soirée appartenait d'abord à nos amis algériens. Ils nous ont passé le film : De la coopérative à l’autogestion, de notre ami Tabet. On y voyait la pratique courante de la coopération scolaire dans la vie des nouvelles classes algériennes. Mais la nouveauté a été que nous avons vu ensuite cette idée d’autogestion à l’Ecole s'étendre selon les mêmes principes et avec le même succès aux diverses entreprises d’adultes.

Nos camarades algériens ont ensuite répondu aux nombreuses questions qui leur étaient posées pour nous faire sentir l’esprit nouveau de la vie et du travail algériens auquel les nôtres savent prendre leur part créatrice,

LA DYSLEXIE

Nous avions annoncé pour le mardi matin une grande séance sur la dyslexie. M. Mucchielli, dont la présence nous aurait été précieuse, s’était fait excuser. Mais la discussion n’en fut pas moins très intéressante, à tel point que les 5 à 600 assistants qui auraient dû quitter la salle à 10 h 30 y étaient encore à midi !

C’est notre ami Pigeon qui entra tout de suite dans le vif du sujet en expliquant que la dyslexie est, à l’origine, la manifestation d'une erreur, ou d’une insuffisance dans rétablissement de relations affectives. Et c’est justement parce que, par nos techniques d'expression libre, nous rétablissons ces relations que nous évitons la dyslexie, ou nous la corrigeons et la guérissons lorsqu'elle a déjà perturbé le comportement des enfants.

Il nous est impossible de résumer ici cette passionnante discussion, et si utile. Nous nous proposons d’en reprendre les éléments pour la rédaction prochaine d'un livre que nous pourrions intituler : La dyslexie vaincue.

BANDES ENSEIGNANTES ET PROGRAMMATION

J'en ai longuement parlé le lendemain devant un public toujours aussi nombreux et attentif.

C'est que l’idée a progressé depuis le jour où, au Congrès de Niort je montrais devant le scepticisme presque général, nos premières boîtes et nos premières bandes.

Nous avons aujourd’hui terminé l'édition :

— du cours de calcul en 100 bandes ;

— du cours de français en 60 bandes. Nous préparons maintenant des séries de bandes de travail :

— 30 bandes laboratoire de calcul pour les différents cours ;

— 20 bandes Histoire ;

— 20 bandes Géographie ;

— 20 bandes de Sciences ;

— 30 bandes CEG.

Et ce n’est qu’un début.

En présence notamment des représentants de divers pays, y compris ceux des pays en voie de développement, j'ai voulu donner une esquisse de ce que peut être une méthode complète de travail scolaire, avec :

— à l’origine textes libres et exploitation, calcul vivant, histoire et géographie vivantes ;

— en fin de soirée et de semaine travaux de synthèse, notamment avec albums et conférences ;

— entre temps travail libre, avec les bandes.

L'expérience nous a déjà montré que cette nouvelle technique est un très net progrès sur les autres techniques. Elle sera une amorce sérieuse pour l’Ecole efficiente de demain.

Nous sommes vraiment aujourd'hui à pied d'œuvre. Nos boîtes et nos bandes sont désormais connues et appréciées. Elles présentent trop d'avantages pour que l’usage ne s'en répande pas rapidement ; surtout quand l'an prochain, nous pourrons offrir à nos adhérents des bandes de travail en sciences, histoire, géographie, atelier de calcul, C'est alors qu'on comprendra vraiment la supériorité de cette technique sur les techniques existantes. Le délicat reste évidemment de mettre au point ces bandes. Le travail coopératif est en cours. Nous dirons par exemple comment il se pratique dans l'Aube sous la direction de Beaugrand : Beaugrand ou son excellente collaboratrice Danielle Gervillers prépare une bande. Cette bande est soumise à la classe sous la surveillance des élèves- maîtres en stage. Elle est envoyée à une autre classe qui, par le travail des élèves opère un nouveau contrôle. La bande nouvelle est alors soumise à l’Ecole Normale de Filles qui a son équipe de programmation.

Des officiels demandaient un jour, sérieusement, à un de nos camarades si Freinet avait un laboratoire d'étude et de contrôle des bandes. Et le camarade de répondre : les laboratoires de Freinet, ce sont les centaines, les milliers de classes qui se sont déjà mises ou se mettront au travail.

Le résultat ne peut qu'être satisfaisant. C’est cette idée de programmation que nous avons exposée dans un article Des méthodes actives à la programmation, paru, dans le numéro spécial de L'Education Nationale du 29 avril 1965, consacré à L’Enseignant et les machines. Nous ne nions pas l’intérêt possible de certaines réalisations américaines ou françaises, notamment en fait de programmation. Mais elles ne sont que des essais de bureau ou de laboratoire, qui vu le prix, ne peuvent toucher que quelques écoles. C'est la masse du personnel enseignant que nous comptons atteindre prochainement par une technique qui sera tout à la fois un grand progrès technique et pédagogique.

Nous continuons le travail pour lequel nous avons besoin d'un maximum de bonne volonté.

(Nous recommandons à nos camarades de lire ce numéro spécial de L'Education Nationale. Numéro 15-16 du 29 Avril 1965).

LES TECHNIQUES AUDIO-VISUELLES

J'étais malheureusement absent de la séance où ont plus particulièrement confronté leurs opinions et leurs réalisations Henri Dieuzède, chef du département de la Radio Télévision scolaire à l'IPN Bélis, que nos camarades connaissent pour sa participation aux émissions de Radio-TV et à la préparation de nos BT, et enfin, Guérin, l'animateur du BETA et de nos BT Sonores. Nous demanderons à Guérin de nous résumer la discussion (voir p. 37 à 40). Mais je viens de recevoir justement le livre de Henri Dieuzède : Les techniques audio-visuelles dans l'enseignement (1). Dieusède, en m’annonçant le livre, m'écrivait :

« Vous ne serez pas toujours d'accord avec mon opinion dans ce domaine ». Mais oui, je serai au contraire totalement d’accord.

Le problème des techniques audio visuelles est bien ici examiné sous tous ses aspects et avec une compétence à laquelle nous devons rendre hommage. Je suis totalement d’accord avec Dieuzède pour penser que le phénomène audio-visuel marque et marquera, que nous le voulions ou non, la pédagogie d’aujourd’hui et de demain. L'enfant soumis à de nombreuses heures par jour et par semaine, à l’image fixe ou animée, à la radio, au disque, à la TV ne peut absolument plus penser ou réagir à l’EcoIe et dans la vie, comme nous réagissions nous-mêmes au début du siècle.

C’est ce changement intervenu malgré nous dans le comportement des enfants qu’il nous faudrait étudier expérimentalement, puis chercher les modalités de la nouvelle pédagogie.

Dieuzède cite lui-même cette opinion capitale de Louis Armand dans Réalités : « Pour ce nouvel outil, une nouvelle pédagogie est à créer. Si on ne le fait pas, on accusera à tort la technique de l'abaissement du niveau de la culture, alors que c'est le retard des organisateurs et des utilisateurs sur les inventions qui est en cause ».

Le seul reproche que je ferais à Dieuzède, ce serait justement d’avoir omis de dire que l'utilisation des techniques audio-visuelles n’est valable et profitable qu'au service d'une pédagogie conçue en fonction de cet outil nouveau, d'avoir trop laissé croire que ces techniques ont leurs avantages quelle que soit la conception pédagogique qui préside à leur exemple, de dire même qu'on peut les adapter aux méthodes traditionnelles.

En somme la recherche d'une pédagogie moderne, utilisant les moyens techniques que la science met à notre disposition, serait la conclusion naturelle de ce livre. C'est parce que nous avons la prétention d’avoir jeté les bases d’une telle pédagogie que nous convions les spécialistes à une étude expérimentale d’une telle méthode pour laquelle on pourra préconiser et recommander les outils qui nous apparaîtront comme les plus utiles.

On dira peut-être qu'il n’y a pas urgence, tous ces moyens audio-visuels n'ayant pratiquement pas cours dans l'immense majorité des classes. On compte en effet par centaines ou à peine par milliers les magnétophones utilisés dans les classes, à quelques milliers aussi les caméras et les appareils de projection.

Non, à ce jour, les techniques audiovisuelles n’ont pas encore pénétré dans les classes. Elles y pénètrent par la bande, malgré nous. Et notre démission en ce domaine est peut-être la chose la plus grave.

LA MUSIQUE LES MATHÉMATIQUES

Ce sont les questions qui ont été débattues dans une séance à laquelle je n’ai pas pu non plus assister et où j’aurais bien voulu entendre Delbasty et Le Bohec parler de leurs recherches toujours spectaculaires.

Dans son livre, Dieuzède parle naturellement de l’emploi du magnétophone. L’usage courant qui en est fait est effectivement pour essayer de donner une motivation à une expression qui n’en a pas naturellement. Avec le magnétophone nous cueillons l’expression enfantine que nous utiliserons notamment pour la correspondance. Notre riche équipe de magnétophonistes a fait aussi une importante moisson de documents sonores, que les concours du CIMES sanctionnent d'ailleurs régulièrement.

En plus de ses recherches avec le magnétophone, Le Bohec a commencé d’intéressantes expériences de découverte par les enfants eux-mêmes de la mathématique moderne. Nous demanderons à Le Bohec de nous expliquer ses découvertes.

LA CULTURE

Nous en avions commencé la discussion dans notre revue Techniques de Vie. Mais ce n’est pas cette publication, connue seulement d'un noyau de camarades qui nous avait valu un si vaste public au cours de la dernière séance du Congrès. S'il y avait tant de monde, en cette sorte de séance de clôture du travail, c’est que les congressistes sentaient, confusément au moins que cette culture est nécessairement l'aboutissement d’une pédagogie humaine.

Quant à nous, responsables, nous avons tenu à insister sur la nécessité d’une culture pour bien montrer que la pédagogie Freinet, si elle préconise de nouvelles techniques de travail, ne s’en préoccupe pas moins de dépasser les techniques pour, partant de la vie, retourner à la vie.

Les théoriciens faiseurs de méthodes voudraient bien se donner le beau rôle en s’octroyant comme une sorte de monopole sur le sens formatif des techniques employées, dont nous ne serions que les manœuvres ou les tâcherons.

Nous tenions donc à marquer, pour les nouveaux venus, que la pédagogie Freinet, c'est certes l’imprimerie à l’Ecole, le limographe, les fichiers et les bandes enseignantes qui sont à la vie de l’Ecole ce que la bêche, la charrue ou le tracteur sont à la vie du paysan. Mais c'est aussi, en plus, la résonance de ces outils et de ces techniques sur le comportement, les pensées et les modes de vie du praticien,

Ce comportement, ces pensées, ces réactions aux événements et à toutes les incidences de la vie, c'est la culture. Elle est subtilité et fluidité, intelligence, abstraction, sensation et esprit, et c'est pourquoi la culture reste si difficile à définir et à préciser.

Après une introduction d'Elise Freinet, divers camarades s'y sont essayés. Ueberschlag, Inspecteur Primaire, dans une intervention très applaudie a montré comment le métier d'éducateur pouvait et devait être à base culturelle, et comment l’I.P, pouvait améliorer sa technique d'inspection pour que les éducateurs sentent en permanence la nécessité de dépasser cette technique. L’I.P. Fays, de Belgique, a apporté une observation très originale : l'administration belge vient de prolonger la scolarité. Jusqu’à ce jour, l'Ecole devait donner aux enfants, à leur sortie de l’Ecole à 13 ans les connaissances et les techniques nécessaires. Aujourd'hui, ces techniques pourront être acquises pendant les années supplémentaires de scolarité. Les Instructions Ministérielles précisent en conséquence que l'enseignement avant 13 ans ne devra pas être un enseignement d'acquisition de connaissances, mais un enseignement de culture servant de base solide aux acquisitions à venir. Plusieurs camarades ont insisté de même sur le fait que, pour nous instituteurs, la culture doit partir de la connaissance intime que nous devons et pouvons avoir de nos enfants.

Par eux, par l'expression libre que nous avons suscitée, nous touchons nous aussi aux éléments majeurs de la vie, ceux sur lesquels nous pourrons ensuite construire solidement.

J'ai personnellement donné mon opinion que la culture c’est en définitive- a sagesse qui nous permet de nous conduire avec sûreté dans la vie.

Nous ne pouvons pas conclure prématurément sur un problème aussi controversé. Ce que nous pouvons dire du moins pour orienter nos travaux à venir — car la discussion continue — c'est que l'ancienne culture, celle que nous ne possédons pas car elle n'était point faite pour nous, était administrée et enseignée du dehors, d'en haut, sans liaison avec la vie, ce qui explique que cette culture n'ait pas produit des légions de sages, La culture que nous préconisons part d'en bas, de la vie de nos enfants, de notre propre vie, pour l’élévation maximum de notre commune destinée d'hommes.

C'est avec un maximum aussi de sagesse et de bon sens que, tous ensemble nous poursuivrons notre œuvre.

C. F.
(1) Presses Universitaires de France.

NOTES DIVERSES

Nos éditions : Elles donnent satisfaction. Le nombre des abonnés augmente régulièrement. Nous n'y apporterons donc que fort peu de changement :

— l’Educateur continuera sous sa forme actuelle. Tenant compte du fait que les instituteurs toujours très pris après Pâques n'ont que fort peu le temps de lire et d’écrire, nous ferons des numéros plus copieux jusqu'à Pâques, pour les réduire en mai et juin.

On nous avait demandé de prévoir un abonnement spécial Educateur Magazine pour ceux que L'Educateur Technologique n'intéresse pas.

Cette mesure nous obligerait à ajouter un service de plus à une administration déjà terriblement complexe. Donc, statu quo.

— Les BT continueront exactement comme à ce jour avec des pages de BT Magazine publiant certaines œuvres d'enfants.

— Mais la grande innovation, c'est la publication d'une collection de 10 BTJ (BT Junior) en cours d'année. Afin de réduire les frais, en attendant du moins que le nombre d'abonnés que nous espérons nous permette de financer cette nouvelle collection, la BTJ sera chaque mois une version simplifiée de la BT ordinaire.

Chacun des 10 numéros BTJ sera en couleur.

Si le nombre d'abonnés est suffisant, nous passerons ensuite à une édition vraiment indépendante.

La BTM comportera exclusivement des textes d'enfants, ce qui compensera en partie du moins La Gerbe dont nous ne pouvons pas continuer l’édition.

— Les SBT continueront mais nous revenons au rythme de 20 SBT par an, ce qui nous permettra de mieux soigner cette publication si appréciée.

— L'Art Enfantin continue sous la même forme et pour le même prix.

— Nous continuons à solliciter les souscriptions à nos BEM (Bibliothèque de l’Ecole Moderne).

— La souscription aux BT Sonores est également sollicitée. Les derniers numéros sont plus encore que les précédents, exceptionnels. Abonnez-vous !

Faites des abonnés !

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Le cours par correspondance : Il a fonctionné cette année avec plus de six cents inscrits.

Le système de parrains a fonctionné, malgré les difficultés d’organisation, d'une façon assez satisfaisante. Nous continuerons l’expérience mais nous demanderons un droit d'inscription de 5 F, donnant droit à recevoir la synthèse des devoirs, même si les devoirs n’ont pas été faits,

Chaque envoi sera, en plus, accompagné de 2 F en timbres pour expédition. Vous pouvez vous faire inscrire dès maintenant.

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Institut International de formation d'Educateurs Ecole Moderne à Vence. L'étude nationale et internationale de cette réalisation essentielle continue. En attendant, avec les moyens du bord nous organisons pour la semaine du 16 au 32 août une rencontre internationale d'éducateurs avec à l'ordre du jour:

— mise au point d'une méthode pédagogique pour les pays en voie de développement ;

— organisation de l'institut de Vence ;

— organisation du travail.

Les éducateurs qui désirent se faire inscrire sont priés de nous écrire.

Semaine de travail de la Commission de Programmation. Vence, du 16 au 22 août.

Mise au point définitive des bandes :

— atelier de Calcul ;

— Histoire ;

— Géographie ;

— Sciences,

Les camarades qui seraient intéressés par ce travail sont priés de nous écrire.

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Journées de Vence du 22 au 29 août : Réservées en principe aux cadres. Mais quelques camarades particulièrement intéressés pourront y prendre part à leurs frais.

Nous écrire.