L'Educateur Prolétarien n°3 - année 1933-1934

Décembre 1933

La vraie place de nos techniques dans le système éducatif soviétique

Décembre 1933

Avant d'entrer dans le détail des possibilités éducatives que notre technique apporterait à l'école soviétique, il nous faut faire une importante réserve :

Si nous parlons, sans autre précision, de l'introduction de l'imprimerie à l'Ecole, un malentendu naîtra aussitôt de ce fait que la scolarité s’étend en U.R.S.S. jusqu’à 18 ans et nos camarades accordent volontiers plus d’importance à l’éducation au cours de la deuxième période, à partir de douze ans. Avant, c’est l'école élémentaire, dont on ne néglige pas certes la portée formative mais qu'on ne considère point comme socialement déterminante. A partir de treize ans on a affaire déjà à des adolescents chez qui le besoin d'action sociale et politique se fait plus pressant. La pédagogie change alors de forme, et, dans une certaine mesure de but. C'est à ce degré notamment, que se posent avec acuité la question de la formation politique de la jeunesse, celle de la préparation d'un esprit communiste : ces adolescents seront demain les maîtres de la nouvelle société : il est normal qu’on cultive avec quelque jalousie leur formation idéologique.

Nous, hélas ! nous ne parlons jamais de pédagogie pour ce degré pour la bonne raison que cette école-là n’existe pas du tout en France, car notre enseignement primaire supérieur ne peut pas être considéré ici comme une école populaire. Nous n’avons pas d'enseignement populaire au second degré : nous ne pouvons définir ce que sera la pédagogie populaire pour l'enseignement de ce degré. Il faudrait d’abord conquérir cet enseignement.

Dans notre mise au point, nous excluons donc tout enseignement au- delà de 13-14 ans. Nous n'avons rien expérimenté au-delà de cet âge. Nous sommes persuadés cependant que notre technique d'expression libre et d’échanges interscolaires y donnerait d’excellents résultats, qu’un journal scolaire publié régulièrement serait en mesure d'insuffler de la vie aux activités de ce degré. Mais la technique de ce travail est toute à créer et à préciser. Il ne serait guère possible d’avoir recours à notre petit matériel d'imprimerie parce que la composition et le tirage perdraient alors tout caractère éducatif pour devenir bien vite un travail inutile et fastidieux. Nous verrions très bien par contre l'utilisation possible de la machine à écrire, des duplicateurs, et même, dans les écoles très populeuses, d’un matériel moderne d’imprimerie linotypiste : les livres scolaires devraient de même être conçus selon les nécessités nouvelles de travail libre.

Mais ceci dit, nous précisons donc que notre technique d'imprimerie à l'école a été préparée et mise au point pour le degré scolaire allant de 5 à 13-14 ans, et que nos affirmations ne valent naturellement que pour ce degré.

* * *

Nous faisons ensuite une constatation qui vient à l'appui des réflexions que nous avons données, touchant le rôle mineur de l'école en régime capitaliste.

L’U.R.S.S. a effectivement placé l'éducation au premier plan de ses préoccupations. Mais là-bas, Education y a un sens très large, à tel point que nous risquons de ne plus nous comprendre puisque nous pensons aussitôt au système étriqué de notre enseignement français, alors que les Russes envisagent sous ce vocable la formation humaine au cours de toute la vie.

Education, dès avant la naissance, par l'eugénisme, non plus verbal el théorique comme dans nos vieux pays, mais pratiquement, matériellement réalisé. Education, l’organisation de crèches puis de jardins d’enfants où les jeunes pousses sont, de bonne heure, soignées et socialisées. Education au premier degré, qui n’est plus, nous l’avons dit, qu’un chaînon, peut-être le moins important du point de vue scolaire, dans le vaste système formatif. Education encore à l’école secondaire et supérieure, qui demande plus spécialement les soins du pouvoir socialiste constructeur puisqu’elle est ici une préparation directe à la vie de demain. Education à l’usine, non seulement par les écoles d’usine, mais aussi par la participation active de la jeunesse à la vie et à l’organisation collective. Education par la presse qui a perdu là- bas ce caractère de curiosité morbide et de vénalité capitaliste pour devenir un des leviers modernes de la construction socialiste. Education par la caserne qui fait des jeunes soldats, des militants de choix pour l'usine ou les champs. Education permanente enfin et organisée comme nulle part au monde, par le cinéma, la radio, les livres.

C'est comme qui dirait une vaste entreprise éducative sans aucun but lucratif, pour l’instruction et l’élévation de la masse du peuple.

D'autres diront : Pour l’asservissement !

Cela serait possible si, comme dans nos pays, l’éducation s’arrêtait systématiquement à l’âge où l’on commence à s'intégrer au inonde el à essayer de penser. Mais quand des centaines de milliers d’ouvriers et de paysans peuvent librement partir à la conquête de la science et de la philosophie supérieure, nous disons qu’il est impossible qu’un système aussi largement ouvert à la masse du peuple et qui ne fait que s'améliorer depuis quinze ans, soit basé sur un mensonge social.

S’il est vrai et nous le croyons que l’éducation aussi hardiment comprise doit dissiper les ténèbres et former des personnalités, nous ne voyons pas comment un pouvoir, comme un régime, oserait ainsi se servir de la lumière pour cette besogne d'obscurantisme dont nous connaissons les buts et les moyens.

Les pédagogues doivent au contraire avoir pleinement confiance en l'éducation : quels que soient les soucis de l'heure des dirigeants politiques, s'ils acceptent d'allumer dans les esprits cette flamme de curiosité et de vérité, ils rendent à la société le plus grand service que nous puissions souhaiter. Ils ne pourront plus, et ils le savent, mener la masse par le mensonge et l’oppression. Ils seront malgré eux au service de la vérité.

***

Maintenant que nous avons, volontairement, limité l’action possible de nos techniques dans l'école soviétique, venons au fait :

Pouvons-nous espérer que notre pédagogie, telle que nous l'avons définie et précisée, puisse pénétrer en U.R.S.S. ou bien est-il vrai que ce que nous, révolutionnaires, clamons à l'école bourgeoise est interdit dans les écoles soviétiques ?

Nous devons à la vérité de dire que nous n’avons jamais rencontré aucune opposition systématique dans les milieux soviétiques. Au contraire : dès 1920, nos premiers travaux étaient publiés dans la grande revue pédagogique d'Ukraine : La Voie de l’Education. Cette même revue, devenue aujourd'hui Komunismo Klérigo, a publié par la suite, à plusieurs reprises, le résultat de nos travaux. D’autres revues pédagogiques ont également rendu compte de nos efforts. Notre matériel, nos éditions ont été exposés en permanence à Kharkov et à Moscou. De nombreux éducateurs soviétiques sont en relations constantes avec les camarades de notre groupe. Mais nous n’avons pas encore pu réussir à faire expérimenter notre technique dans une ou plusieurs écoles soviétiques ce qui serait évidemment le premier pas vers le développement de l’Imprimerie à l’Ecole en U.R.S.S.

Il serait injuste cependant d'en accuser en quelque manière nos camarades. Il nous faut nous dégager de notre égocentrisme et admettre que, malgré nos efforts de propagande, l'imprimerie à l’école soit encore pratiquement inconnue dans des pays comme l'U.R.S.S., le Japon ou les Etats-Unis, surtout lorsque, comme pour les deux premiers, la différence fondamentale des alphabets s'ajoute à toutes les difficultés que dressent entre les nations : la différence de langue, les difficultés commerciales, les barrières douanières, les obstacles aux exportations de capitaux et autres ennuis capitalistes qui rendent pratiquement impossible notre action pédagogique hors de France.

Nous savons pourtant, et tous les camarades qui retournent d'un voyage en U.R.S.S. nous l'affirment, que nos camarades les pédagogues soviétiques s’intéressent tout particulièrement à nos techniques. Il y a quatre ans. Pinkevitch passait trois jours dans ma classe et s’en retournait convaincu de l'intérêt considérable de nos réalisations. Les événements de l'an dernier ont attiré plus spécialement l'attention des étranger., suc nos innovations et, au récent Congrès de Reims, le délégué russe Chatzky visitait notre exposition et décidait d’expédier immédiatement à Moscou nos trois modèles de presses prêtes à fonctionner.

Nous n'avons pas la prétention d'en déduire que demain nos techniques vont s'épanouir fil-bas. Nous avons appris à mesurer à son rythme historique le temps nécessaire aux grandes réalisations sociales.

***

l.A LIBRE EXPRESSION DE L’ENFANT EST-ELLE POSSIBLE EN U.R.S.S. ?

Mais, insistent divers camarades, il faut déchanter : votre pédagogie n’aurait pas en U.R.S.S. droit de cité. Vous réclamez en France le droit pour l’enfant a l’expression libre, dans son milieu, de ses propres pensées. Mais il ne s'agit pas d’expression libre en U.R.S.S. où on construit le socialisme au milieu d’un inonde hostile et menaçant. Il faut, là-bas, dans la mesure des nécessités, bourrer les crânes, exalter l'effort des constructeurs du socialisme.

Là aussi, il nous faut d'abord mettre les choses au point.

Au cours de la première décade révolutionnaire, l’U.R.S.S. a expérimenté les diverses méthodes de la pédagogie nouvelle, depuis les pratiques anarchistes jusqu'au Dalton Plan. L'adaptation de ces méthodes à la nouvelle école populaire soviétique a nécessité, on le comprend, bien des tâtonnements. Elle a valu aussi bien des déboires parce qu'aucune d'entre elles n'avait été tentée sur des masses semblables d'enfants et qu’elles s'accommodaient mal des nécessités de l'heure. Ces méthodes, pour ainsi dire idéales, conçues pour des maîtres expérimentés et foncièrement pédagogues exerçant dans un milieu sélectionné et munis de tout le matériel nécessaire, n’étaient guère possibles dans un pays qui avait dû, hâtivement, ouvrir des milliers et des milliers d’écoles et préparer, pour les millions de nouveaux élèves, des masses d'instituteurs plus riches d'enthousiasme et d'élan que d'expérience pédagogique.

La s'est révélé alors un des défauts capitaux des diverses méthodes nouvelles. Parce qu’elles ont rarement, ou du moins à une faible échelle, pénétré dans nos écoles populaires, elles n'ont jamais attaché une importance primordiale à la technique d'organisation et de travail : elles ont trop demandé aux éducateurs ; elles ont souvent considéré comme résolu le problème du matériel didactique au lieu d’en définir, dans ses détails, et la nature et l’emploi.

L’échec relatif de ces méthodes était inévitable dans un pays qui ne peut que progressivement équiper ses milliers d’écoles nouvelles et qui a besoin, immédiatement, d’une technique pédagogique simple, précise, efficiente, à offrir à ses milliers d’éducateurs débutants.

Les pédagogues soviétiques ont peut-être alors un peu trop cherché dans le sens opposé la solution au problème scolaire urgent. Ils y étaient poussés aussi par cette nouvelle mystique de la technicité et du rendement qu’a vulgarisée le premier plan quinquennal. On a trop essayé sans doute de produire, d’inculquer des connaissances, par réaction, nous l’avons dit aux méthodes qui ne tenaient aucun compte de ces besoins nouveaux. D'où l'édition de manuels scolaires et l'institution, à certains degrés, d’examens divers de passage.

Ce n’est à notre avis qu’un pis-aller. Dans ces milliers d’écoles expérimentales réparties dans tout l'immense domaine de l’Union Soviétique, la pédagogie progresse constamment, et non plus une pédagogie théorique à la remorque des pauvres essais capitalistes, mais bien un puissant effort d’adaptation au milieu, aux nécessités et aux buts nouveaux de l'école populaire. L’U.R.S.S. n’a pas intérêt à laisser se perpétuer l'erreur pédagogique sur laquelle vivent nos écoles. I.es progrès des écoles expérimentales s’étendront bien vite aux autres écoles, dussent les pratiques provisoires actuelles en être à nouveau, un jour, bouleversées.

***

L'ECOLE ET LA VIE PUBLIQUE

Ce danger de régression pédagogique, je me demande d’abord si nos visiteurs ne l’ont pas trop considéré avec leurs yeux d’éducateurs d'un monde qui vit encore sur d’autres bases, et à un rythme différent : s’ils l’ont suffisamment replacé dans le milieu normal de la lutte nouvelle révolutionnaire. Et ce qu'ils ont pris souvent pour du bourrage de crânes ne serait-il pas plutôt, la plupart du temps, l’expression normale d’une vie qu’ils n'ont pu comprendre et apprécier ?

Participer aux manifestations populaires, s’intéresser à la construction socialiste, glorifier les bons ouvriers, croyez-vous qu’il soit nécessaire d’y forcer l'enfant en U.R.S.S. ? Nous voyons cela, nous, avec nos yeux d'éducateurs habitués à circonvenir des enfants déjà empoisonnés par le cléricalisme et la réaction : nous pensons au mal que nous avons pour donner à nos élèves l'idée d'un patronage ouvrier ou d'une coopérative et nous sous-estimons l'influence des conditions nouvelles de la vie en U.R.S.S.

Oui, nos enfants nous apportent des textes qui sont l'expression de leur vie. Mais que sont ses textes sinon des aperçus révélateurs sur une économie grossièrement retardataire : on va garder une chèvre, on donne à manger à la demi-douzaine de poules ; le cochon est malade... S’il y a un plus grand nombre de bêtes elles appartiennent à un patron et les choses changent d'aspect.

La vie publique! Elle est inexistante : beuverie des conscrits, apparition en coup de vent du député, garde-champêtre et curé. Partout, dans nos classes, le fait religieux tient une grande place malgré nos propres désirs, parce que les manifestations religieuses sont un des principaux aliments récréatifs des enfants en régime capitaliste.

Transportons-nous en pensée en U.R.S.S. et imaginons quels seraient là-bas les sujets de rédaction libre :

Fait essentiel : plus d'église, plus de pope. Là où il y en a encore, ils sont à ce point déconsidérés socialement que la jeunesse s’en désintéresse.

Mais d'autres faits frappent certainement les enfants et auraient leurs échos libres en classe : l’activité politique et publique d'abord : manifestations, démonstrations, chants révolutionnaires ont remplacé là-bas nos mornes processions. II est naturel qu'on en parle avec joie et enthousiasme en classe. Les enfants aiment la jeunesse et les manifestations de jeunesse, les compétitions sur le lieu de travail, les luttes sportives, les démonstrations théâtrales ou autres l'attirent et le passionnent. Les pionniers communistes sont nombreux dans les classes et parleront avec entrain de leurs excursions et de leurs réalisations.

Les écrits des enfants sont enfin l'image des préoccupations sociales, économiques et politiques de leurs parents. Kolkoze, sovkoze, usines s’il y en a seront parmi les principaux centres d'intérêt des classes. Pour peu que l'éducateur appuie et excite cet intérêt, que des visites entretiennent cet engouement, le nouveau mode de travail et de vie occupera à l’école une très grande place.

Serait anti pédagogique justement un ordre administratif qui obligerait les éducateurs à négliger cette réalité sociale, à en masquer les motifs et les buts en vue d'un endoctrinement méthodique contraire aux tendances fonctionnelles. Mais que l’école au contraire s'appuie totalement sur ces réalités, qu’elle soit tenue d’y puiser son souffle de vie et ses techniques, n’est-ce pas là la plus honnête et la plus rationnelle des méthodes pédagogiques, telle que nous essayons de la réaliser dans nos villages, qui est présentée comme un danger révolutionnaire dans nos régimes capitalistes, et qui serait susceptible d’assurer des fondements inébranlables à l'éducation prolétarienne?

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LA POLITIQUE ?

Chasse défendue sur laquelle, tout comme pour la question religieuse, l'éducateur ne doit jamais s'aventurer, à moins qu’il ne se résigne à vanter délicatement la religion, la propriété, les hommes politiques en place. Et si on nous demande maintenant de faire en classe l'apologie de la Société des Nations, de remettre en honneur un Culte de la Patrie qui nous a tant coûté, qu'est-ce sinon encenser les profiteurs de notre politique de gauche qui vit de ce mensonge pseudo-pacifiste sous laquelle on voit s’agiter plus que jamais la réaction cléricale et les marchands de canon ou de béton armé.

Mais si vous critiquez tant soit peu le régime, si vous laissez les enfants exprimer librement les sentiments naturels de leur classe sociale, alors vous violez outrageusement la neutralité, vous faites du bolchevisme à l’école, vous sapez les fondements sacrés de la société : la propriété, la religion, la patrie. On vous chasse comme indigne de servir un régime qui vit et profite de ces mensonges.

Lénine a dit : « La neutralité scolaire en matière de religion et de politique est une hypocrisie ». Les faits nous prouvant aujourd'hui, surabondamment, la véracité d'une assertion considérée naguère comme un audacieux paradoxe.

Nos camarades russes ont donc supprimé la neutralité scolaire. Leur école n'est pas neutre et ils l’affirment : elle livre à la religion, à la classe réactionnaire, à tous les vestiges de l'ancienne organisation sociale une lutte à mort.

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LA RELIGION ?

Les instructions pédagogiques des organismes directeurs soviétiques ont précisé à diverses reprises que l’éducation irréligieuse ne doit point être conduite verbalement, superficiellement, à la mode de l'anticléricalisme bourgeois et franc-maçonnique. C'est l’idée, c'est la pensée religieuse qu’il faut saper à l’origine en leur substituant, par l’éducation, une conception marxiste et rationaliste du monde et de la société. Et on a posé au centre de cette action antireligieuse pour le premier degré : la vie au sein de la nature, la familiarisation précoce avec les premiers éléments de science, l’explication logique des phénomènes en apparence surnaturels, de façon que l’enfant acquière, en face des éléments, une nouvelle façon de penser et de juger et devienne ainsi fonctionnellement rebelle à l’emprise religieuse.

Cela ne signifie point d’ailleurs que cette orientation nouvelle implique une éducation grossièrement matérialiste, sans aucun profil pour l’idéal intellectuel et humain. On sait justement que les révolutionnaires russes ont su, avec succès, substituer à cette mystique religieuse, réactionnaire et dissolvante, des mystiques nouvelles qui orientent vers la société prolétarienne l'effort individuel et collectif des générations montantes.

Or, un pédagogue a-t-il quelque chose à redire à cette préoccupation foncièrement éducative d’une société qui livre au mensonge religieux et à l’exploitation cléricale une lutte à mort et qui a su enthousiasmer les foules par des mystiques nouvelles révolutionnaires ? Et si même quelques parents retardés étaient troublés à l'idée que leurs fils sont arrachés aux traditionnelles croyances, pouvons-nous désapprouver l’action émancipatrice de l'école, surtout lorsqu’elle s’exerce dans le sens des nécessités vitales des nouvelles générations ?

Car, faudrait-il vraiment user de violence pour arracher les enfants à l'emprise religieuse ? Hors quelques malades qui trouvent dans le mysticisme religieux un dérivatif à leur dégénérescence sociale, y a-t-il beaucoup d’enfants qui fréquentent avec plaisir l'église ? Supprimez tout cet appareil imposant qui en constitue une des forces essentielles, supprimez les ors, les cierges, les vitraux tamisant les lumières, les colonnades et les orgues ; organisez à l’extérieur des manifestations actives qui répondent à cet instinct grégaire des individus, à ce besoin de sentir, d’aimer, de haïr, ensemble. Aucun enfant normal ne préférera aller à l’église. L’expérience le prouve d’ailleurs : que la jeunesse ait à choisir entre une manifestation de plein air à laquelle elle participe effectivement, entre une lutte sportive et l'office religieux. Nul doute: celui-ci sera radicalement délaissé.

Nous en concluons — et ces considérations nous permettent de croire que nous sommes dans la vérité — que les Russes ont raison qui punissent quiconque abusera de la jeunesse pour lui inculquer une idée religieuse qu'elle ne peut pas encore comprendre et rejeter, qui arrachent les nouvelles générations a l'emprise du cléricalisme en organisant les vastes mouvements de masse qui exaltent la vie socialiste et stimulent les énergies constructrices.

Ils ont raison scientifiquement et pédagogiquement parlant et nous ne voyons dans cette action rien de contraire à nos théories ni à nos buts.

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MAIS I.A POLITIQUE A L'ECOLE ?

Nos enfants sont bien trop jeunes pour être mêlés sitôt à nos luttes intestines !... Que l'école reste un sanctuaire de pureté et de joie !...

Comme si cette pureté et cette paix n'étaient pas la résultante de toute l'organisation concordante et vitale de la famille, de la société et de l’école, et s'il suffisait d’isoler des enfants entre les murs de la classe pour créer de toute pièce cette puissante et complexe harmonie humaine.

Encore une fois les faits sont là : dans la pratique, si les enfants sont habitués à s’exprimer librement, on s'aperçoit qu'ils s’intéressent spontanément et de bonne heure à la vie publique, que les discussions ou réflexions familiales, les scènes de la rue, les grands faits clamés par les journaux trouvent chez eux un écho sympathique. Ah ! certes, sauf dans quelques milieux ouvriers avancés, ils ne parlent pas souvent de politique parce que, dans nos régimes démocratiques la politique est paradoxalement bannie de la vie courante et que rares sont les familles qui en approfondissent avec passion la portée sociale. Mais le vieux bon sens prolétarien parle par la bouche de nos élèves : aucun risque que leurs libres récits, soumis d'ailleurs à la critique pénétrante de nombreux camarades, exaltent à quelque moment une idéologie conformiste. Même sans aucune initiation politique nos enfants de pauvres, nos enfants d’ouvriers apportent chez nous un peu de cet inconscient esprit de classe qui anime leurs parents soumis à l'exploitation capitaliste. Hélas ! Nous n'avons pas même le droit de recueillir ci d’enregistrer ces éléments spontanés qui ne sont pourtant qu'expression de vie sans aucun parti-pris délibéré hors celui de respecter totalement la personnalité enfantine.

En U.R.S.S. au contraire, la vie politique et économique, virilisée par la Révolution, aurait son reflet et son prolongement dans les classes travaillant selon nos techniques : la lutte pour la construction socialiste, la nouvelle vie publique, l'action politique même, forcément mêlée aux grands noms révolutionnaires pénétrerait à l'école et lui donnerait cette même physionomie que les éducateurs capitalistes attribuent à tort à un bourrage intensif et méthodique imposé par le gouvernement soviétique.

Et si nos camarades russes objectaient que ce ne serait cependant point là une formation révolutionnaire nous répondrons que nous ne poussons pas à l’extrême limite le dogme de la liberté en éducation. L’instituteur fait partie de la communauté scolaire : il a son mot à dire dans les discussions qui accompagnent les lectures de textes libres : il peut susciter el encourager les lecteurs, les recherches, les enquêtes hors de l’école qui rectifieront certaines conceptions politiques ou sociales — action non plus dogmatique, mais foncièrement pédagogique, susceptible de tracer dans la vie des élèves un sillon qui en U.R.S.S. serait puissamment génétique et révolutionnairement conformiste.

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CATECHISME COMMUNISTE ?

« Il ne s’agit pas de cette honnête préparation révolutionnaire, critiqueront quelques politiciens aigris : on oblige là-bas les éducateurs à enseigner un catéchisme ».

Il est certain que l’orientation nouvelle prise par la technique pédagogique soviétique, que l’édition notamment de manuels scolaires nécessairement empreints de l'idéologie nouvelle, peuvent donner cette impression aux critiques superficiels.

Les manuels sont obligatoirement dogmatiques, dans le sens révolutionnaire ou dans le sens réactionnaire : nous devons cependant faire cette distinction : l'idéologie capitaliste ne peut être inculquée aux enfants prolétariens que par une oppression systématique anti pédagogique : l'idéologie révolutionnaire, nous l'avons vu, se justifie pédagogiquement dans la société socialiste. Ce malentendu disparait si, par l'introduction de nos techniques, l’école nouvelle révolutionnaire devenait l’expression intime du milieu et collaborait avec ce milieu pour la création socialiste.

L'école serait puissamment aidée dans ce sens par l'atmosphère révolutionnaire qui l’entoure et l’imprègne. Quand des syndicats actifs ou des groupes de parents conscients participent effectivement à la vie de l'école, quand le self-gouvernement est recommandé et pratiqué dans les classes et que d’importants groupes de pionniers communistes — et il n’est pas nécessaire d’imposer un catéchisme pour passionner les enfants pour l'activité originale des groupements d'enfants — l'instituteur n’a pas à exercer anormalement ses talents oratoires pour endoctriner ses élèves. Il n'a qu'à se livrer au courant, qu’à suivre ce courant pour le rendre si possible un peu plus discipliné et plus utile encore à la Société socialiste.

Nous ne méconnaissons pourtant aucune réalité. Nos camarades eux-mêmes s’étonneront si je mets sous leurs yeux le texte suivant qu'un instituteur — français — imposait à des enfants de 5 à 9 ans :

Morale : la patrie
(Cours Préparatoire, enfants de â à 9 ans)

La patrie comprend à la fois nos ancêtres, nos concitoyens, tous les enfants de la France, dans le passé, dans le présent et l’avenir.

Je veux la servir avec patriotisme quand je serai soldat et dans la profession que j'aurai choisie, mais cela ne m'empêchera pas d’aimer tous les hommes.

Mourir pour la Patrie est un sort glorieux.

La France est ma mère : dans mon cœur il n'y aura jamais rien au-dessus d’elle. La France est un flambeau qui brille dans le monde.

Il se peut que, chez de jeunes instituteurs soviétiques, venus à l’enseignement par enthousiasme révolutionnaire, mais insuffisamment imprégnés de doctrine pédagogique, l’erreur opposée se produise parfois, que des formules communistes soient inscrites aussi sur les tableaux et même récitées par les élèves. C'est possible. Mais il suffit que nous sachions avec quel acharnement les autorités pédagogiques dénoncent et combattent ces tendances exclusivement verbalistes pour ne considérer ces faits regrettables que comme des accidents dans une construction qui mérite d'être vue aussi dans ses grandes lignes, dans une création qui éliminera d'elle-même, dans sa marche en avant, les techniques passives et mortes.

Ce que nous avons voulu marquer surtout, en pédagogues — et c'est cette opposition que négligent tous les observateurs d'occident — c'est que, étant données les circonstances de la vie nouvelle en U.R.S.S. un enseignement strictement basé sur les intérêts dominants des enfants, lié intimement au milieu et au travail, sera nécessairement pédagogiquement révolutionnaire — tout comme l’école dans nos pays capitalistes reste, quoi que nous fassions, une école d’asservissement anti pédagogique au régime capitaliste parce que la vie ambiante est, à quelques rares exceptions près, d’essence contre révolutionnaire et qu'on nous refuse le droit d'en dénoncer et d'en combattre les erreurs.

Nous tâchons, dans nos pays capitalistes, de mettre notre technique au service au prolétariat : en U.R.S.S. elle serait naturellement au service du prolétariat parce que, quoi qu'on en dise, tout est réalisé là-bas par et pour le prolétariat, et que, pour la première fois, la pédagogie peut s'appuyer sans réserve sur une conception logique et naturelle de l'épanouissement individuel au sein de la société en construction.

***
POUR LA DEFENSE ARMEE DE L'U.R.S.S.

On nous dit enfin :

« De très bonne heure, on imprègne l'enfant de la nécessité d’une défense acharnée de la patrie socialiste. Vous êtes contre la guerre. Admettriez-vous cet esprit guerrier à l’école ? »

Oui, nous sommes farouchement contre toute préparation, dès l’école, à la guerre impérialiste ; nous nous élèverons toujours socialement et pédagogiquement contre ce mensonge qui consiste à dresser la jeunesse en face de l'ennemi héréditaire : « On croit se battre pour la Patrie, on se bat pour des industriels ». Tel est l’enseignement éclatant de la dernière guerre. Nous ne nous prêterons plus à cette conspiration permanente des marchands de canons qui excitent les uns contre les autres les prolétaires des divers pays et nous ne craignons pas d'affirmer que, en régime capitaliste, le prolétaire n'a point de patrie.

Mais l’U.R.S.S. a montré péremptoirement qu'elle construit le socialisme; il est indéniable que le capitalisme international cherche sans cesse à agresser et abattre la patrie révolutionnaire. Deux régimes qui se contredisent à tel point dans leurs principes ne peuvent coexister que provisoirement : la lutte entre eux est permanente : l'un des deux devra disparaître.

Ce sont là des vérités qui doivent être dites à des enfants destinés à entrer très jeunes dans la lutte politique. La préparation pédagogique à la défense de l'U.R.S.S. nous paraît elle-même comme une nécessité logique dans l’état actuel de la Russie soviétique.

Pourquoi redouterions-nous donc, pour nos techniques, l’atmosphère pédagogique de l'U.R.S.S. ? N'est-ce pas là-bas au contraire que nos essais trouveront un jour leur normal et total épanouissement ?

Parce que nous plaçons volontiers l’expression libre de l'enfant à la base de notre pédagogie on s’est souvent mépris sur nos buts et nos moyens. On a parfois vu en nous des théoriciens anarchisants qui bâtissent dans l'idéal et se refusent à considérer les contingences, qu’elles soient capitalistes ou révolutionnaires.

Educateurs prolétariens, notre action est au contraire tout entière dominée par ces contingences. Pour la première fois un groupe pédagogique perce la croûte hypocrite du verbiage conformiste et se propose de passer aux réalisations : la technique scolaire traditionnelle, dominée par l'emploi intensif des manuels, nous a paru pédagogiquement néfaste, les méthodes de l'enseignement dogmatique ont suffisamment montré leur impuissante à former des personnalités utiles à la société. Nous avons mis sur pied une technique nouvelle de travail, respectueuse des récentes découvertes psychologiques et pédagogiques : nous avons, de toutes pièces, créé les outils nouveaux nécessaires à cette technique.

Le vieux monde change difficilement ses techniques et ses outils et quiconque dérange l’ordre établi et la routine est considéré comme dangereux par tout ce que la société compte de gens assis, installés dans leur vie bourgeoise et ennemis de tout mouvement. Et c'est pourquoi malgré nous, nous tournons avec confiance et enthousiasme les yeux vers l'U.R.S.S. en construction.

Lorsqu'elles seront connues — et elles le seront immanquablement dans quelques lustres — nos techniques nouvelles de travail s’imposeront, nous en sommes certains, à la pédagogie soviétique. Alors les Imprimeries vivifieront des milliers d'écoles et permettront au travail révolutionnaire d’imprégner plus que jamais l'activité enfantine ; alors des milliers de journaux scolaires circuleront entre les points les plus divers de cet immense pays. La pédagogie nouvelle prendra un essor puissant et définitif en donnant à l'enfance un peu de cet élan merveilleux qui anime aujourd'hui la jeunesse révolutionnaire.

Le fascisme étend en Europe son ombre noire. Nous nous demandons si, en Fiance nous pourrons longtemps encore enseigner librement selon les principes de la pédagogie scientifique dont nous nous réclamons. Il faut que l'imprimerie à l’Ecole pénètre et s’implante en U.R.S.S. où elle servira tout à la fois la pédagogie nouvelle et l'éducation révolutionnaire.

 

 

 

Des Enfants proscrits ont faim, secourez-les !

Décembre 1933

 

POLÉMIQUE : Le silence de la Nouvelle Education

Décembre 1933

Nous n'en aurions rien dit de particulier, nous contentant d'assimiler la Nouvelle Education aux grandes revues pédagogiques qui n'osant pas nous attaquer et ne voulant pas nous détendre se sont tus courageusement.

Mais, questionnée à ce sujet par quelques adhérents de son association, Mme Guéritte essaye aujourd'hui de se justifier. Elle publie dans le numéro de novembre de la Nouvelle Education la note suivante :

« En réponse à certains de nos membres qui se sont étonnés de notre silence au sujet de l'affaire Freinet, nous tenons à dire que nous avons été des premiers à faire connaître au Ministre notre opinion sur l'indiscutable valeur de l'imprimerie à l’Ecole. Nous regrettons pourtant que M. Freinet ait oublié que dans un pays où les autorités scolaires ignorent à peu près tout des méthodes nouvelles, il est indispensable de maintenir toute action pédagogique dans le pur domaine de l'éducation afin que cette action ne puisse être jugée que sur des bases purement pédagogiques. Quelles que soient les réserves que nous puissions faire sur la liaison établie par M. Freinet entre son action politique, liaison qui, non seulement a compromis son travail personnel, mais risquait de compromettre tout le mouvement de l'éducation nouvelle, nous continuerons à favoriser de notre mieux le développement de l'imprimerie à l'Ecole. »

Il est parfaitement exact que, dès le déclanchement de notre affaire, Mme Guéritte a écrit au Ministre pour lui dire le bien qu’elle pensait de notre effort. Mais, comme nos lecteurs peuvent le constater, Mme Guéritte et son association —« créée pour aider les éducateurs décidés à favoriser en France l'activité personnelle des enfants » - ont limité là leur intervention en notre faveur. La réaction déchaînée hurlait au communisme. Sans chercher à savoir ce que celle accusation pouvait contenir d'hypocrite parti-pris, malgré les graves menaces qui pesaient tant sur nous que sur notre oeuvre d'éducation nouvelle, Mme Guéritte, par son silence, s'est rangée aux côtés de nos diffamateurs. Rien d'étonnant à ce que, pour se justifier, elle reprenne maintenant leurs arguments : nous aurions dangereusement mêlé la politique à la pédagogie, ce qui est totalement faux.

.le me suis toujours farouchement abstenu en classe de mêler la politique à l'activité scolaire et les inspecteurs ou directeurs d'Ecole normale ont pu fouiller en vain nos livres de vie de plusieurs années : ils n’ont pu établir l'accusation, pourtant commode, de manquement à la neutralité.

Sur le plan général, je sais trop combien l'immixtion de la politique dans notre travail coopératif serait fatale à un groupement d'éducateurs de toutes tendances qui m’ont toujours, à l'unanimité, accordé leur confiance.

Mme Guéritte invoquera sans doute à l'appui de son argumentation que l’Humanité a pris chaudement ma défense, que les députés communistes sont intervenus en ma faveur. Hélas ! parmi cette presse pourrie qui obéit servilement aux mots d’ordres de ceux qui l'entretiennent, aucun journal quotidien, hors l'Humanité, n'a essayé de faire connaître la vérité. Et, pendant près de six mois, nous avons laissé notre dossier entre les mains d'un avocat socialiste, M. Ernest Lafont. Nous pouvons le dire aujourd’hui, I.afont nous a bassement sacrifié à ses amitiés politiques, et c’est jusqu'à ce jour parmi le groupe parlementaire communiste que nous avons trouvé nos défenseurs les plus résolus. Que je les déplore ou que je m'en félicite, ce sont là des faits: ils ne prouvent que la mollesse à nous aider de ceux qui ont sans cesse à la bouche les vaines formules démocratiques.

***

Nous sommes sortis, cependant, et délibérément du domaine de cette pédagogie que, par un curieux euphémisme, on appelle pure. Elle apparait pure, en effet à ceux qui, dans les livres, loin de la réalité pratique, la débarrassent artificiellement de toutes ses déterminantes : L'enfant doit arriver à l’heure en classe ; il doit se mettre au travail aussitôt, il ne doit pas être malade ; la classe doit être tout à la fois aérée et chauffée ; le matériel scolaire doit être abondant...

Mais si aucune de ces conditions n’est réalisée : si les enfants exploités, sous-alimentés, mal vêtus, nous arrivent le matin dans un état de déficience manifeste : si l'instituteur impuissant ne peut pas même leur offrir une classe chauffée, propre, notre cri spontané ne doit-il pas être que votre pédagogie pure est basée sur une fiction, sur une supposition, sur un mensonge social : et n’est-il pas du devoir de tous les pédagogues de dénoncer cette conception erronée et tendancieuse de l’éducation populaire ?

Cette erreur, tous les parents la sentent ; les instituteurs la déplorent et en souffrent ; seuls les pédagogues officiels ou officieux s’obstinent à la négliger. Quant à nous, nous ne pouvons nous abstenir de répéter aux éducateurs que lutter contre la misère ouvrière, contre l’insuffisance matérielle de l’école populaire qui entravent sans cesse leur enseignement est leur premier devoir pédagogique.

Nous allons plus loin, sans nous écarter de notre souci pédagogique. Nous disons : camarades instituteurs, parents d’élèves, exigez que votre régime accorde au moins autant de sollicitude à ses œuvres de vie qu’à ses préparatifs de nouvelle tuerie et agissez sur tous les terrains pour obtenir satisfaction.

S’ils ne plaçaient pas leur égoïsme personnel, leur désir de tranquillité, leurs habitudes conformistes au-dessus de leur apostolat, tous les éducateurs se joindraient à nous pour parler ce langage de vérité et de raison.

***

Mais qu’importe la pédagogie? Pour Mme Guéritte, l’essentiel est de ne pas compromettre le succès d’un mouvement, d’une association.

Si on dit trop fort certaines vérités, on perdra l'appui — ouvert ou tacite — du régime : les éducateurs, qui sont si souvent traditionnalistes et conformistes, ne vous suivront pas. Et si même un jour, nos gouvernants allaient s’aviser que les principes d’éducation nouvelle — qui sont ceux de la Nouvelle Education, je pense, sont en constante opposition avec le régime d’exploitation capitaliste ! C’en serait fini : la Nouvelle Education aurait vécu !

Nous, éducateurs prolétariens, nous ne craignons pas de voir plus loin : notre but n’est pas de recruter, mais de faire la meilleure besogne possible pour la pédagogie nouvelle révolutionnaire. Nous ne négligeons pas le nombre ni la masse, mais nous ne sacrifierons jamais à sa conquête notre idéal pédagogique et social.

Nous étions deux ou trois, il y a huit ans ; nous serons bientôt quatre cents. Mais pas quatre cents adhérents plus ou moins dociles : quatre cents collaborateurs actifs qui, chacun avec leur tempérament et leurs possibilités, œuvrent de tout leur cœur pour le même but. Et, parce que nous représentons malgré tout une des grandes forces constructives de la pédagogie contemporaine, parce que nous ne nous payons pas de mots, que nous voyons les réalités en face, pliant le dos parfois mais gardant le regard assuré vers notre idéal de libération sociale, spontanément, de nombreux éducateurs se joignent et se joindront à nous.

Notre éducation nouvelle n’est pas un timide effort de bourgeois qui redoutent les conséquences sociales du mouvement dans lequel ils sont engagés. Notre pédagogie vivante, audacieuse et constructive veut aboutir et elle aboutira.

* * *

Mais vous avez raison, Madame Guéritte : Ce faisant, nous compromettons tout notre mouvement d’éducation nouvelle.

Des conférences, des écrits, des réalisations bourgeoises soigneusement limitées, et dont le prolétariat ne peut bénéficier, sont toujours admises dans n’importe quel régime. Vous pouvez même, sans danger, laisser vos enfants s’exprimer librement. Ils ne feront qu'extérioriser les tendances conformistes du milieu social dont ils sont issus. Mais que nous laissions parler les petits prolétaires, que nous osions imprimer à l'école les préoccupations, les pensées, les désirs, des enfants exprimant la situation tragique de leur classe; que nous essayions de renouveler et de rendre plus efficiente la pédagogie populaire, les yeux s’ouvrent, les buts libérateurs de l’éducation nouvelle s'affirment. Contre elle s’exercera alors, inévitablement, la répression violente d’un régime qui est basé sur un mensonge social générateur d’exploitation et de servitude.

Que faire alors ? Nous taire en complices ! Comme si le fascisme n’allait pas, bientôt, jeter les masques et réprimer brutalement, comme en Allemagne, tous les essais honnêtes et courageux d’éducation nouvelle.

Mais lutterions-nous avec tant d’enthousiasme si nous n’espérions malgré fout qu’un jour le prolétariat victorieux utilise nos modestes efforts pour instituer la véritable éducation nouvelle prolétarienne, dont l’U.R.S.S jette hardiment les bases ?

 

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