L'Educateur n°12 - année 1963-1964

Mars 1964

Rendre notre école laïque efficiente et humaine n'est-ce pas le meilleur moyen de la défendre ?

Mars 1964

Appel aux éducateurs

Le problème des déficiences de l'Ecole ne date pas d’aujourd'hui.


Nous sommes tous témoins, après en avoir été victimes, de pratiques scolaires dont le moins qu’on puisse dire est qu'elles n'honorent ni le corps des instituteurs ni l'Ecole laïque. Nous ne disons pas qu'elles soient généralisées — ce qui serait vraiment trop grave. Mais ne seraient-elles qu’exceptionnelles — et elles ne sont pas seulement hélas! accidentelles — nous ne nous grandissons pas en les enveloppant systématiquement d’un brouillard factice.

Nous avions lancé l'idée cette année d'un procès de l'Ecole traditionnelle, pour lequel nous n’aurions pas évité un scandale peut-être indispensable. Nous aurions dit sans détour, pour ceux qui feignent de l'ignorer, comment on conserve encore, dans tant d'écoles, un enseignement vieux de 80 ans, avec des sanctions qu’aucun père de famille conscient, qu’aucun éducateur, qu’aucun démocrate ne devrait tolérer. Peut-être, pensions-nous, si on savait ce qui se passe vraiment dans les écoles casernes que nous avons qualifiées de fosses aux ours, comment on impose en punition aux enfants, jusqu’à les déséquilibrer, des pages entières de verbes et de lignes, des promenades dans les couloirs avec dans le dos une ardoise aux mentions infamantes, ou ce bonnet d’âne qu'on croyait parfois n’être plus qu’un souvenir; si on savait dans quelles conditions travaillent, dans des classes surchargées, des instituteurs et des institutrices voués à une fonction désormais sans humanité et sans horizon, peut-être alors un sursaut agiterait ce pays comme au temps où des journalistes au grand cœur osaient dénoncer la barbarie des bagnes d’enfants.

Mais la presque unanimité des camarades s’est récriée : j'allais soulever contre nous la masse des collègues déjà peu sympathiques à des initiatives qui dérangent leur train-train journalier. Et les laïques, qui essaient de s’unir contre la montée de l’enseignement confessionnel regretteraient que nous choisissions ce moment-là pour partir en guerre contre l’Ecole laïque, ses pratiques et ses maîtres.

Si nous craignons à ce point qu’on fasse la lumière sur ce qui se passe dans nos classes, c’est que nous n’avons pas nous-mêmes trop bonne conscience. Car enfin, c’est bien nous, éducateurs, pères et mères de famille affectueux et sensibles, syndicalistes, républicains, démocrates et laïques qui nous livrons, pas toujours sans remords, à des pratiques que nous désapprouvons et que nous regrettons mais auxquelles nous sommes parfois contraints.

Contraints par qui ?

Il y a certes cette longue habitude d’Ecole traditionnelle qu’on nous a imposée de 3 à 25 ans et qui nous a marqués et conditionnés à ces pratiques jusqu’à nous les faire croire naturelles et justes. Un sursaut de dignité pourrait peut-être nous arracher à ce conditionnement.

Nous ne le pouvons pas toujours car nous sommes pris dans une mécanique dont nous désespérons de nous dégager un jour. C’est l’inhumanité implacable de cette mécanique, et son mauvais fonctionnement que nous devrions dénoncer.

Un père de famille se plaint que son fils a 200 lignes à faire. S’il ne les copie pas il en aura 400 demain. C’est une arithmétique dont le simplisme est garant de l'efficacité de la punition. Qui calera et que ferait ce père de famille à la place de l'institutrice débutante qui se débat avec 45 enfants du CE? Et qui lui donnera un conseil pratique pour garder son indispensable discipline dans une classe où n’a été prévue aucune possibilité de travail, sauf lire, écrire... et croiser les bras !

Ces enfants sont nerveux et désobéissants. Je comprends, reconnaît l'instituteur, qu’il est anormal et antiphysiologique de vouloir les tenir assis pendant trois heures, et de prétendre les faire travailler par surcroît.

Que faire quand mes élèves sont distraits, qu’ils s'impatientent et font du bruit ?... Donnez-moi une recette autre que la pratique des punitions !

Ils doivent faire leurs devoirs et étudier leurs leçons, le tout prévu par les programmes et ordonnancé par des manuels signés d’inspecteurs Primaires, d’Agrégés et d'inspecteurs d’Académie.

On ne nous explique nulle part comment nous pouvons, par des moyens humains non coercitifs, exiger cet apprentissage.

Nous n'avons pas même, disent les Instituteurs, l’avantage de nous reposer un quart d'heure aux récréations. Il y a tant de bruits, tant d’allées et venues hallucinantes que nos nerfs sont à bout quand nous reprenons nos classes.

Alors, que nous conseillez-vous pour ne pas en venir à ces extrémités?

Ce sont là les réalités de tous les jours, pour lesquelles nul ne nous présente de solution licite. Alors, nous faisons comme nous pouvons : nous nous souvenons des pratiques et des punitions qu’on nous a infligées dans notre enfance, et dont on nous a dit la malfaisance à l'Ecole Normale. Nous voyons faire autour de nous. Nous n’avons pas le choix !

Il est exact que quelques-uns de nos collègues sont suffisamment habiles et intuitifs pour faire face à ces difficultés. Nous sommes, nous, la grande masse des éducateurs qui n’avons pas ce talent, mais dont la bonne volonté peut aller jusqu’au sacrifice et nous crions au secours, persuadés qu’on comprendra le drame dont nous sommes victimes et qu’on répondra à notre appel.

Notre tort c'est de nous taire

Notre tort à nous tous — nous de l’Ecole Moderne compris — c’est de ne pas oser nous délivrer de ce carcan traditionnel, de faire corps avec lui, comme le bourreau qui en serre les vis, de nous identifier à l’Ecole traditionnelle et à ses pratiques jusqu'à prendre à notre compte les critiques justifiées qu’on pourrait lui porter.

Notre tort c’est de ne pas rendre effectifs dans nos classes les principes de vie auxquels nous sommes attachés en tant qu’hommes.

Nous, de l’Ecole Moderne, ne sommes ni d'une autre race ni d'une autre qualité que vous tous maîtres encore traditionnels. Nous avons connu vos difficultés et vos drames. Nous aussi, nous nous sommes colletés avec des enfants difficiles que nous ne parvenions pas à maîtriser, nous aussi nous avons mis des élèves au piquet, et parfois même donné de la copie sinon des lignes et des verbes. Nous aussi, nous avons eu maille à partir avec des parents qui étaient d’autant plus exigeants que leurs enfants étaient plus insupportables.

Seulement, nous avons rompu le cercle fatidique. Par un long et difficile tâtonnement expérimental nous avons découvert une conception nouvelle du travail scolaire, qui fait fond sur les forces créatrices et libératrices de l'enfant et qui nous délivre de ce fait de toutes les pratiques désuètes d’autorité et de sanctions en suscitant un nouveau climat de coopération, d’entr’aide amicale, de travail vivant et d'humanité. Et nous en sommes nous-mêmes régénérés.

Nous faisons ainsi la preuve que notre sort n’est pas irrémédiable ; que nous ne sommes pas forcément condamnés à être, durant toute notre carrière, des hommes en proie aux enfants, mais que nous pouvons nous aussi, au bout du morne couloir, entrevoir un peu de soleil. Et nous crierons notre espérance.

Si vous tous pouvez vous libérer comme nous l’avons fait, même si les voies en sont différentes, c’est alors que vous n’êtes pas foncièrement responsables d’une situation dont vous êtes les victimes et que l’Ecole traditionnelle, avec ses tares et ses dangers, ce n’est pas vous qui l’entretenez mais bien la conjonction d’éléments divers contre lesquels nous aurons à lutter tous ensemble :

— la surcharge des classes. Le mot d’ordre de 25 enfants par classe que nous avons lancé à Aix-en-Provence il y a huit ans résonne désormais à tous les échelons de l’Université. Les parents s’en saisissent. Il triomphera.

— les locaux scolaires presque toujours inadaptés à notre travail et notamment les grands ensembles dont nous devons redire les méfaits;

— la détresse technique des classes où aucun travail n’est possible, autre que scolastique ;

— l'aménagement des méthodes et une préparation adéquate des éducateurs aux nouvelles techniques de travail ;

— la reconsidération des programmes et des examens ;

— la modernisation des conditions de travail des éducateurs.

« Quand une idée simple prend corps...»

Ce n’est pas nous qui ferons le procès de l’Ecole traditionnelle. C’est vous tous qui allez l’entreprendre pour votre tranquillité et votre dignité. Nous vous y aiderons en faisant connaître aux administrateurs et aux parents les maladies scolaires qui menacent les enfants et dont il faut d’urgence étudier l’origine, l'évolution et les effets.

Nous apporterons la preuve, par nos techniques, que le changement est tout de suite possible si nous le voulons, si nous sommes capables de promouvoir, pour l’Ecole du peuple une pédagogie de culture et de libération.

« Quand une idée simple prend corps, disait Péguy, il y a une révolution ».

Cette rénovation scolaire est une de ces idées simples qui va maintenant secouer les maîtres, ranimer les parents, et offrir à l’Ecole un rendement nouveau qui assurera sa victoire.

Défense de la jeunesse scolaire

A ceux qui vont répétant qu’il n’y a rien à faire contre la forteresse scolastique et qu’il faut se contenter d'agir de l'extérieur pour l’ébranler, nous répéterons ici quelques-unes des véhémentes déclarations de M. François Walter, Conseiller à la Cour des Comptes, fondateur de Défense de la jeunesse scolaire.

« Certes, il faut travailler immédiatement à une solution d’ensemble, comprenant aussi bien les objectifs à long terme que les objectifs à court terme ; seulement, dans l'ordre des réalisations à réclamer, il y en a qu'il faut réclamer pour demain, et il y en a qui exigent de plus longs délais. Il est arrivé que des hommes de grande valeur à qui nous demandons leur coopération, nous disent: «Non»! et qu'ils nous reprochent de compromettre, pour des objectifs à court terme, les réalisations à plus lointaine échéance. Eh bien, cette objection, je la tiens pour erronée et même incompréhensible quand elle vient d’hommes qui ont travaillé dans le sens que nous préconisons. Ce que nous voulons, c'est aller plus loin dans cette voie, c'est déranger davantage l’immobilisme, c'est élargir cette brèche faite dans le mur du fatalisme, de la routine, parce que nous sommes persuadés que, par cette brèche, beaucoup de choses ensuite passeront. Il y a une dynamique de l'action. Il y a des premiers pas nécessaires pour que les seconds suivent. Certains refusent et disent par exemple : « Rien à faire tant que les classes seront trop nombreuses ». C'est une réponse dure pour les enfants de ces classes qui sont les premiers à souffrir de l'encombrement et de toutes les déplorables conditions actuelles... L'allégement pour une part, c'est une question de volonté, de volonté du corps enseignant, ou d'une élite du corps enseignant, dont tout dépend... Il n'y a pas de préalable à l'élimination du démentiel, il n'y a pas de préalable à un retour au bon sens ».

La défense laïque ne saurait se concevoir dans un contexte de défaillance psychologique et pédagogique, sans perspective ni horizon, avec des fausses manœuvres et des pannes techniques qui compromettent le progrès et la vie.

C'est en rendant notre école efficiente et humaine, par la dénonciation courageuse des maladies dont nous souffrons ; c’est en apportant à nos enfants la richesse et la joie, en redonnant aux maîtres un goût nouveau pour leur sacerdoce que nous défendrons efficacement notre Ecole laïque, notre Ecole du peuple.

Vous en serez les premiers bénéficiaires.

 

Celui qui s'était tu

Mars 1964

Le peuple des enfants

Oui, il y a celui qui s'était tu.

Et, il y a ceux qui se taisent encore.

S’il ne s'agit plus maintenant de l'extermination du peuple juif, un peuple entier se trouve néanmoins encore concerné : celui des enfants. Et s'ils ne meurent pas physiquement, quelque chose meurt parfois en eux, et définitivement. C’est vrai, dans notre « si merveilleuse Gaule » d'aujourd'hui: les enfants souffrent.

Non, Odile, tu n’acceptes plus de te taire. Moi non plus. Et notre beau courage nous vient de Delbasty. Mais quoi ? Serons-nous seulement quelques- uns à crier ainsi? Sommes-nous seulement quelques-uns à savoir que les enfants n’ont pas les conditions de vie qu'ils pourraient avoir? A savoir qu’ils sont bafoués, écrasés, découragés, étouffés, détruits. Et, pourtant, ils portent en eux une énergie créatrice formidable qui ne demande qu’à se libérer sous forme de travail créateur, dans une infinité de domaines. Le coeur vous point quand on pense que pour les enfants, le bonheur est possible et que rien n’a vraiment été fait pour eux.

L’une des premières choses à obtenir, c'est la sécurisation des instituteurs. Cela peut se faire en partie avec la collaboration des inspecteurs qui sont encore mieux placés que nous pour savoir l’étendue des ravages occasionnés par le système.

Mais une autre peur court au long de ta lettre : la peur de soi. Elle est plus difficile à maîtriser. En effet, dans ce cas, on ne peut user de subterfuges en récusant, par exemple, le jugement d’autrui, puisqu'il s'agit d'un jugement de soi auquel on ne peut échapper.

Qui n'a connu soudain, en fréquentant les congrès et les stages de l'Ecole moderne, cette brusque découverte de ses responsabilités, cette peur de ne pas être ce qu'il faudrait, cette mise en question douloureuse de soi. Là, là, tout doux : il ne faut pas s'affoler. Cette angoisse est salutaire parce qu’elle contraint au mouvement. Mais il ne faut pas la laisser déborder et devenir inhibitrice. Il faut la maintenir dans des limites raisonnables. Sinon, elle conduit à un abandon du combat, à une contemplation complaisante et masochiste de sa personne. Non, non : « Pas de piailleries ! » !

Ici, Odile, ce qui te prend, à vrai dire, c’est le vertige. Le vertige devant l’inconnu qui s’offre subitement à toi, devant l’infini des terres nouvelles que tu pressens de l’autre côté de l'océan... Oui, mais s’il y avait un trou? Ce qui t’effraie, c’est que tu ne peux avoir la sécurité de la foule dans cette découverte de l’enfant nouveau. A la suite d’Hortense, tu te trouves dans l’équipe de pointe. Personne n’a, pour ainsi dire, foulé de son pied ces terres vierges. Et tu ne peux guère compter que sur toi seule. Et cela t’épouvante.

Tu as été formée dans une certaine conception de l’enfant. Mais c’était l’enfant resté intra muros, l’enfant dans d’autres conditions, dans une autre pédagogie, dans un autre contexte social.

Maintenant, par exemple, grâce à l’accès au « parisien cultivé » que donne la radio et la télé, les enfants conquièrent plus vite ce langage. Et il ne faut pas s’étonner que dans ce milieu linguistique riche, ils s’expriment à cinq ans comme nous ne le faisions peut-être pas à douze.

Il y a aussi l'accroissement du niveau d'instruction des parents qui vivent eux- mêmes dans un milieu riche. Maintenant, des gens qui ont des mécanismes cérébraux plutôt lents, peuvent parfois s’exprimer très correctement et faire illusion alors qu’il y a seulement une apparence de pensée et non une pensée réelle.

Et au niveau de l'échange entre enfants, il n’y a plus ces différences d’autrefois entre le fils du notable et l’enfant du peuple qui utilisait la langue vernaculaire lorsqu’il osait parler. Le nivellement linguistique s’étend d’ailleurs au domaine géographique : les fils de Bretons, d’Auvergnats, d'Alsaciens, parlent à peu près tous la même langue.

La civilisation est devenue beaucoup plus orale et le tâtonnement expérimental de chacun se trouve favorisé ; d’autant plus que la nature et la rue ayant disparu et même la cour d’école, le monde à inventorier s’est considérablement rétréci.

Mais il faut dire aussi que le besoin de parler ne se réduit pas à cet aspect négatif du « parler parce qu’on ne peut faire autre chose ». L’enfant d’aujourd’hui subit une pression du monde beaucoup plus considérable. Et il n’a plus les recours d’autrefois. La mère n’est plus à la maison, calme, douce, souveraine. La famille n’est plus apaisante, rassurante, équilibrante, ni la nature, ni la société. Et, en outre il y a cette horrible télé de sauvage pour adulte sauvage.

La pression du dire est donc plus grande et le langage est plus affiné. Il ne faut donc pas avoir le vertige : tout cela s’explique, tout cela est normal. Et maintenant il est normal que, dès l’école maternelle, une institutrice puisse saisir dans le langage des enfants, l'expression de drames profonds.

Pour ce qui est du mot joie, c'est un mot chargé de pouvoirs, un petit peu mot d’adulte, plein d’inconnu. Il faut faire le tour de cet objet nouveau : il faut jouer avec, il faut l’éprouver pour en découvrir la texture.

Le mot devient alors à la mode dans la classe. Cela nous arrive aussi à nous, adultes. Il n’y a pas longtemps je ne faisais que répéter : « mafflue et rebondie » à ma fille qui bien que ne l’étant pas me répondait : « Oui, papa d’éléphant ».

Et puis, il ne faut pas se faire d’illusion : les enfants aiment les mots riches de développements, ceux qui les aident à rêver. Mais ils n’y mettent pas ce que nous y mettons. Le mot monde, pour nous? C’est le « grand » monde, Le Monde, journal sérieux, le monde du champion du monde, le monde imaginaire, le monde réel, l’univers, les espaces intersidéraux et bien autre chose encore.

Pour l’enfant, c’est moins compliqué : ce mot peut avoir simple valeur d’am- stram-gram.

Mais il faut avoir le vertige devant ce qui reste à faire pour l'enfant et qui n’est pas même ébauché.

En face de cet infini, nous ne trouverons d’apaisement que dans l’armée vertigineuse des gens que nous réussirons bien à mettre en marche. Oh, oui, il y a du travail. Et c’est cela qui t’effraie un peu cette découverte de nos nouvelles responsabilités. S'il nous faut nous préoccuper de psychologie et peut-être de psychiatrie, de psychanalyse !

Mais ce n'est pas tout : dans ce monde artificiel de l’image et du mot, nous avons à préserver l’enfant « en vase clos » des mystifications dangereuses.

J’ai sous la main, un texte qui fera réfléchir. Il s’agit de l’analyse du livre de Sartre : Les Mots, par Aurélien Fabre (Education Nationale n° 6, 6-2-64). En voici un extrait :

«Les sources de l'erreur sont toutes dans son enfance. Il fut cet enfant choyé et gâté par une mère et un grand-père qui l’admiraient et l’adoraient, cet enfant solitaire, merveilleusement doué, qui se sauva en s'évadant dans la lecture.

C'est dans mes livres que j'ai rencontré l'univers. Mais je confondais les choses avec leur nom... Toute chose humblement sollicitait un nom, le lui donner, c’était à la fois la créer et la prendre.

L'enfant tomba dans le piège des mots. Ce réalisme intellectuel prit un nouvel essor lorsque, vers l'âge de huit ans, la passion d'écrire vint prolonger celle de lire : la joie de créer était bien plus grande que celle d'imaginer : « Je trouvais à l'idée plus de réalité qu'à la chose parce qu'elle se donnait à moi et qu'elle se donnait comme une chose... De là, cet idéalisme dont j'ai mis trente ans à me défaire. » Mais cet idéalisme qui est maladie commune et dont beaucoup ne guérissent jamais n'aurait pu provoquer de ravages irréparables sans sa perversion par son exaspération en vase clos. La mission de l'écrivain arriva à s’investir dans celle du héros pour déboucher aussi dans la gloire... le passé ne compte pas et « l'avenir devient plus réel que le présent ». C’est là... que se produit la rupture radicale avec le réel et que l’être délesté de son poids, commence sa fuite vers un illusoire salut ».

Voici maintenant une citation de L. Bonnafé :

« Si le médecin est celui qui sonde les cœurs et les reins, le psychiatre est typiquement celui qui porte cette volonté à son comble, celui pour qui, parmi tous les problèmes humains, les plus vertigineux comportent le plus de séduction.

...Ce vertige qui nous menace et nous séduit c’est ensemble que nous pourrons l'affronter le plus utilement et avec le plus de réelle sécurité.

...Le conseil aux psychiatres hésitants devant les abîmes de la connaissance : « Jetez-vous y tous, les hommes reconnaîtront les leurs ».

(27 opinions sur la psychothérapie Editions sociales )

Nous aussi, jetons-nous y tous, les enfants reconnaîtront les leurs.

 

 

Association pour la Modernisation de l'Enseignement et Association pour la Défense de la Jeunesse Scolaire

Mars 1964

 

Boites enseignantes et enseignement programmé

Mars 1964

Quelques opinions

L’idée est dans l’air. On en discute un peu partout. Nous seuls pour l’instant sommes passés à la réalisation.

Faute de mieux, on s’appuie sur ce qui a été réalisé en Amérique. Il n’y a rien de plus facile que de discuter sur l’expérience des autres. Ceux qui critiquent notre invention sont toujours des camarades qui n’ont pas essayé le matériel et qui imaginent volontiers des vues et des tares sans réalité.

Il faut dire aussi que nous-mêmes, avant de nous justifier théoriquement et de répondre à ces critiques, préférons expérimenter à grande échelle. Et, sur la base de la conception que nous avons de cette nouvelle technique, dans le cadre de notre pédagogie, nous opérons les mises au point indispensables. Nous sommes en plein tâtonnement expérimental.

La troisième séance plénière du Congrès sera consacrée à cette question de grande actualité pour laquelle je prépare un rapport qui pourrait bien faire date dans la diffusion de la programmation en France.

Parce que justement, nous plaçons l’expérimentation et les réalisations techniques avant le verbiage théorique, on nous évite volontiers dans les réunions ou colloques où l’on discute de machines à enseigner et de programmation.

Le samedi 8 février 1964, à l’E.N. Supérieure de St-Cloud, se sont réunis pour un colloque des pédagogues, des professeurs de l’enseignement supérieur et des chercheurs. « Il s'agissait, dit la revue L’Education Nationale, de tenter un premier bilan des connaissances, d'analyser les résultats d'expériences que les uns ou les autres ont pu entreprendre, de signaler les recherches en cours, enfin d'esquisser les grandes lignes d'un programme de travail ».

Nous ne sommes ni pédagogues ni professeurs ; on pense sans doute que le terme de chercheurs ne peut pas nous être appliqué. Alors on nous a évités.

Peu nous chaut. Nous n’avons pas besoin de ces Messieurs pour poursuivre notre œuvre.

Car si ceux qui ne nous connaissent pas peuvent nous critiquer, tous les usagers parlent avec enthousiasme de la nouvelle technique. 

Notre camarade Colin (Vosges), nous adresse son rapport — qu’il envoie également à son I.P. — sur l'expérience qu'il a menée officiellement dans sa classe. Il note :

« Avis des élèves : Enthousiasme général. La boîte apparaît comme une petite machine. Manipulation agréable. Plus facile que les fiches. Les bandes sont mieux expliquées. Dans la bande on reste dans le même sujet. »

Autre appoint considérable : l’opinion de notre camarade Deléam, dont on connaît les qualités tout à la fois théoriques et pratiques, et la rigueur logique. C'est lui aussi qui a poussé presque à la perfection les fiches-guides pour son cours d'histoire.

Je n'osais pas lui demander son opinion car je m'attendais à une plus longue opposition. Or, voilà ce qu'il nous écrit dans son rapport pour le Congrès :

« Vous n'ignorez pas que la mode est aux machines à enseigner. Grâce à Freinet, nous sommes encore dans le vent ». Sa boite enseignante est la plus simple, la plus pratique et la moins chère de toutes les machines du même genre qui existent. Les bandes programmées sortent maintenant à un rythme accéléré. Il est un fait que notre Commission d'Histoire est celle qui résiste le plus longtemps à la « nouvelle vague ». Moi-même j'ai cru longtemps que ce serait du « style yé-yé ». Eh bien, je me suis trompé. J'ai plutôt l'air ridicule avec mes fiches-guides d'histoire de L'Educateur. J'ai donc fait de nombreux essais depuis la rentrée ; j'en ai discuté avec les camarades ; j'ai expérimenté à outrance dans ma classe, car je n'aime pas faire une révolution si je ne suis pas sûr de mon succès. Mais maintenant, je peux vous dire : Il faut y aller! »

Suivez le conseil de Deléam.

C.F.

Et voici une opinion cueillie au hasard dans notre courrier. Elle émane de Yvan (L-A)

Voici les premières observations que je peux faire :

En calcul : Je juge par rapport aux fichiers et aux cahiers-autocorrectifs. Au point de vue efficacité, je ne peux encore rien avancer.

Au point de vue pratique : par rapport au fichier : pas de perte de temps. Pas de déplacement. Pas d’énervement. Fiche égarée qu’on ne trouve pas. Fiche mal classée.

Par rapport au cahier : nos enfants avaient du mal à retrouver la réponse. Ici chacun travaille paisiblement, il tourne et hop ! on a la réponse.

Au point de vue psychologique : L'enfant était perdu dans son fichier et il n'avait jamais l'impression d'arriver au bout de ses peines. Ici, l'enfant arrive, sans trop de mal, au bout du rouleau.

Quelle joie de dire : « J'ai fini ma bande ! »

Avantage sur le cahier : C'est moins monotone. L'enfant tourne : « Ah ! cette fois ci un problème ». Et en plus il y a le plaisir de manipuler.

Et tous ces avantages ont encore plus de valeur pour nos classes de perfectionnement. Pour les enfants que nous recevons et qu'il faut « désintoxiquer ». Il y a certes là l'attrait d'un outil nouveau. Le soir, j'ai toujours un enfant qui me demande : « Je peux emmener ma boite » ?

Je travaille aussi à réaliser des bandes en liaison avec les ateliers de calcul (pesées, mesures, etc...)

L'enfant a sa boite. La bande lui indique les travaux à faire. Il emporte avec lui sa boite, la bande lui indique les mesures à faire à la maison, les renseignements à demander.

C. F.

 

Les mathématiques modernes

Mars 1964

 

A la recherche d'un brin de poésie

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La vie de l'ICEM

Mars 1964

 

une nouvelle rubrique : Le courrier des lecteurs

Mars 1964

 

Questions et réponses - Le compendium et l'acte de foi

Mars 1964

 

Pour vos discothèques Gravures récentes (plus ou moïns)

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