L'Educateur Prolétarien n°6 - année 1933-1934

Mars 1934

Pour que la C. E. L. continue puissamment son action

Mars 1934

 

L’avenir de notre technique

Mars 1934

Noire article : « Une technique nouvelle d’éducation populaire », paru au n° 4 de l’Educateur Prolétarien, nous a valu un certain nombre d’observations et de critiques qui appellent aujourd’hui une mise au point.

Encore l’éducation soviétique, penseront peut-être quelques camarades ?

Hélas ! de quelle éducation populaire parler dans notre revue au moment où le fascisme étend sur la vieille Europe son ombré tragique? A quelle nation demander l’introduction de nos techniques au moment où l’éducation nouvelle dans les pays capitalistes est impitoyablement bafouée au bénéfice du plus réactionnaire traditionalisme au service des dictatures nationalistes ?

Il y a quelques années seulement, J. Lagier-Bruno puisait dans les revues anglo-saxonnes des études progressistes qui ont intéressé nos lecteurs. Elle ne trouve plus maintenant à nous soumette que le spectacle d’une détresse qui, en certaine régions, fait figure d’incroyable effondrement : misère des écoles, surcharge des effectifs, retards considérables dans le paiement des instituteurs, chômage important surtout chez les jeunes, manque total de crédits pour les organismes éducatifs qui faisaient la fierté des Américains.

L’Amérique du Sud ne répond plus et les éducateurs qui là-bas s’intéressent à notre effort ne peuvent plus sortir les devises nécessaires aux divers échanges pédagogiques.

Il y a un an à peine, nous tirions des travaux de nos camarades allemands des études fréquentes que nous publions avec intérêt. Nous avions, dans les pays germaniques un réseau de correspondants dévoués qui étaient le légitime orgueil de notre ami Bourguignon. Et Ruch nous donnait régulièrement un aperçu détaillé de la presse pédagogique allemande.

Les ponts ont été tragiquement coupés et nos collaborateurs cherchent en vain, dans les publications pédagogiques mises au pas des nouvelles qui méritent d’occuper les pages de cette revue.

Au moment où nous écrivons ces lignes, l’Autriche se débat dans les dernières phases de la fascisation. Vienne, la vieille citadelle social-démocrate, Vienne-la-Rouge, Vienne qu’on avait qualifiée de capitale de la nouvelle éducation en occident, Vienne a dû capituler. Nous l’avons dit bien des fois : l’essor et la vie de la pédagogie nouvelle autrichienne sont liés au sort des forces révolutionnaires dans ce pays. La Social-Démocratie vaincue, la nouvelle éducation aura aussi fini son règne.

On ne peut pas parler ouvertement de fascisme en Espagne et certes, nos bons camarades de province peuvent toujours s’intéresser librement à une technique qui les passionne au plus haut point. Mais les droites ont vaincu aux dernières élections et nous savons comment les progrès de l'obscurantisme sont partout la rançon de la montée réactionnaire.

La Suisse elle-même semble devenir plus timide en fait d’éducation ; le Bureau International d’Education et l'Institut J.-J. Rousseau lui-même voient se resserrer le cercle de méfiance et d’hostilité. Est-ce une impression trop subjective : il semblerait qu’un peu de la faillite lamentable de la Société des Nations rejaillit sur le mouvement d’éducation nouvelle dont Genève était depuis la guerre le centre et le flambeau.

La France ? Nous ne voulons point en médire car on nous accuserait de noircir la situation scolaire dans notre pays. Mais les collaborateurs de l’officieux Manuel Général eux-mêmes jettent le cri d’alarme devant les massives réductions de crédit qui risquent de compromettre irrémédiablement l’œuvre éducatrice de la IIIe République.

Ce tour d'horizon n'est certes pas rassurant : il laisse aux chercheurs comme une impression d'accablement en face de l'inutilité apparente et de l'échec de tant d'efforts désintéressés pour pousser l'éducation sur les voies nouvelles.

Une seule lueur d'espoir: l'Union Soviétique ! Dans un immense pays qui organise seulement sa production et sa vie, l’éducation monte régulièrement, la part de budget affectée à ces services croit d’année en année. Elle est maintenant, aux dires mêmes d'un auteur peu sympathique à la Russie (1) les 20 p. cent du budget général contre 6 p.cent seulement à l’armée. Et les révolutionnaires soviétiques ne sont pas encore satisfaits : ils affirment la nécessité d’intensifier encore l’effort culturel seul véritable générateur de vie.

N'allons pas plus avant, pour l’instant : n'examinons point si certaines méthodes semblent venir en réaction d'une liberté frisant parfois l’anarchie. Enregistrons ce fait : dans tous les pays du monde, l'éducation recule avec la montée de la réaction : les crédits qui lui sont destinés se réduisent chaque année au profit des dépenses militaires ou du service des dettes ; seule l’U.R.S.S. marche de l'avant et quiconque ne reconnaît pas loyalement ce fait indiscutable fait œuvre de bas parti-pris politique. Notre but ici n’est pas de défendre l’U.R.S.S. mais de défendre l'éducation dont l'U.R.S.S. reste le dernier champion. Et nous disons avec quelque émotion à tous les pédagogues d’Occident: Vienne la Rouge vient de s'éteindre : si l’U.R.S.S. n’existait pas ; si la patrie prolétarienne ne continuait pas son œuvre éducative, où puiseriez-vous désormais le courage et la force pour parler encore et malgré tout, de l’éducation nouvelle émancipatrice.

***

Nous avons critiqué une tendance de la pédagogie soviétique. Nous n'avons peut-être pas dit avec assez de précision que nous comprenions cependant, et que nous approuvions dans une large mesure cette orientation.

Pendant de longues années l’U.R.S.S. a libéralement cherché sa voie ; nulle part au monde les expériences les plus osées d’éducation nouvelle n'ont été faites dans une ambiance plus sympathique et à une aussi vaste échelle qu’en U.R.S.S. En 1925, au début de la construction révolutionnaire, nous avons pu visiter en U.R.S.S. des écoles aux tendances les plus diverses, depuis celles à discipline rigidement communiste jusqu'aux Associations de culture anarchiste. On sentait à ce moment-là que la pédagogie soviétique cherchait sa voie et elle encourageait loyalement tous ceux qui voulaient mettre leurs idées au service de l’éducation prolétarienne.

L’ère des grands tâtonnements est aujourd'hui close : l’école soviétique ne sera ni anarchiste ni autoritaire ; en liaison complète avec les ouvriers et les paysans, fertilisée dans son esprit par le ferment actif que constituent Pionniers et Jeunesses Communistes, elle a fixé ses normes pédagogiques, défini ses principes, précisé les nouvelles tâches. Si elle ne l’avait pas fait, si elle avait, quinze ans après la Révolution, laissé ballotter ses méthodes entre les pôles divers de la pensée bourgeoise, les ennemis de l’U.R.S.S. crieraient volontiers à la faillite. Après avoir expérimenté le libéralisme scolaire dans des milliers d'écoles, après avoir fait du Plan Dalton notamment, un usage presque général, les pédagogues de l’U.R.S.S. condamnent ces essais et nous approuvons entièrement leur décision puisque nous avons nous-mêmes dans nos classes cherché d’autres voies pour pallier à l’insuffisance de ces mêmes méthodes.

On aurait tort cependant de considérer comme close l’ère des expériences pédagogiques en U.R.S.S. Dans des milliers d’écoles expérimentales on cherche à adapter l’école aux besoins de la société prolétarienne. Mais ce travail se fait sur un plan si nouveau pour nous qu’il nous est difficile d’en comprendre la portée et le sens. Ce n’est que si nous parvenions à nous faire de la nouvelle école révolutionnaire une idée exacte que nous pourrions critiquer les efforts novateurs de nos camarades.

Les Russes font appel aux manuels scolaires dont nous avons maintes foi dénoncé la malfaisance en régime capitaliste. Nous croyons, hélas ! que, en l’absence d’une technique de travail répondant aux besoins nouveaux de la pédagogie, les Russes n'avaient pas d'autre issue que ce retour aux manuels scolaires. On peut certes, dans une petite communauté d’enfants sélectionnés guidés par des éducateurs aux aptitudes exceptionnelles, se contenter avec succès des techniques diverses de travail libre expérimentées dans les écoles nouvelles d’occident. Nous avons reconnu depuis longtemps l'insuffisance de ces techniques dans des écoles populaires hétérogènes, confiées à des instituteurs auxquels il ne faut pas demander, dans l’ensemble, des qualités surhumaines : et nous en avons conclu nous-mêmes à la nécessité de prévoir un matériel, d’éditer des livres, d’indiquer une technique qui permettent dans tous les cas des progrès normaux.

Or, comme nous l’écrit une camarade française qui ayant maintes fois voyagé en U.R.S.S. et connaissant la langue russe, peut être bien renseignée, « les Soviets manquent actuellement d’éducateurs, de professeurs, de gens instruits, de techniciens de toute espèce. C’est pour cela sans doute qu’ils ont la marotte de l’instruction, qu’ils se jettent sur les manuels, qu’ils en arrivent à vouloir gaver leurs élèves et cela au plus tôt.

« Ce qui me frappait le plus durant mes voyages c’était cette fièvre de savoir, celle course à l'instruction, à la culture. En train, en tram, dans la rue, à table, partout la jeunesse lisait, bouquinait (et pas comme chez nous des romans bêtes et des revues plus ou moins lestes) mais des traités sur la mécanique, la chimie et autres sciences .

Que, devant cette nécessité de l’instruction les pédagogues soviétiques aient demandé secours aux manuels ; cela nous paraît plus que naturel : il n’y avait pas pour eux d’antre solution, étant donnés le rapide et puissant accroissement du réseau des écoles, la préparation hâtive des éducateurs et ce besoin pressant des individus et de la société d’élever d’urgence la qualification, garantie des prochaines victoires socialistes.

***

Si nous avons fait ces critiques, c’est que nous avons conscience d’apporter par notre technique la seule solution qui permettre à la pédagogie soviétique de mettre des outils nouveaux au service d’une activité scolaire conforme aux besoins de la société prolétarienne.

Les manuels scolaires, même strictement prolétariens, ne répondent qu’imparfaitement à ces besoins, et c’est pourquoi sans doute on les a délaissés pendant de si longues années. On y revient maintenant comme à un pis-aller, comme à une nécessité de l’heure, comme on signe des pactes de non-agression pour avoir la paix et des crédits. Notre technique telle que nous l’avons exposée après l’avoir expérimentée dans de nombreuses écoles populaires, est susceptible de répondre aux nécessités de l’heure : permettre à l’école de remplir puissamment et totalement ses tâches de formation et d’instruction sans pour cela courir les risques graves d’un nouveau dogmatisme scolaire, de pratiques plus ou moins rituelles qui ont tendance à s’abstraire de la vie complexe et mouvante : profiter de cet élan, de cet enthousiasme si difficiles à éveiller dans nos pays capitalistes et auxquels la Révolution a donné un puissant aliment.

Ce ne sont pas des théories que nous apportons, mais une technique de travail éprouvée qui trouverait en U.R.S.S. le terrain le plus favorable pour s'épanouir au service du prolétariat.

Il y a, nous dit notre correspondante, des sciences, des connaissances précises qu’il faut acquérir très vite, qu’on peut et doit acquérir si possible grâce à vos nouvelles méthodes (aussi vite surtout, hein !). Alors, faites-le savoir, mettez-vous à leur disposition, allez au besoin là-bas ; mais n'oubliez jamais non plus que la guerre les menace, qu’ils ont encore fort à faire, que les retards, les tâtonnements peuvent leur être fatals ».

Cette offre, nous l’avons faite plusieurs fois déjà et c’est pour en préciser le sens et la portée que nous avons publié dans les numéros précédents une longue mise au point que vous avez lue.

***

Alors, disent des camarades inquiets ou secrètement triomphants, les Soviets trouvent-ils votre expérience trop libératrice, trop révolutionnaire, qu'ils se refusent à l'introduire chez eux ?

Il y a du vrai dans cette crainte. Les pédagogues russes ont longtemps considéré nos réalisations comme une de ces expériences gauchistes qu’ils ont aujourd'hui condamnées chez eux. Mal informés, ils ont cru, comme la plupart de nos collègues français, que nous étions farouchement libertaires, que nous prônions une pédagogie basée tout entière sur la libre activité de l’enfant en dehors de toute influence adulte, que nous voulions totalement proscrire les livres d'adultes, négliger systématiquement le formidable apport de la civilisation pour laisser les enfants conquérir le monde par leurs seules forces.

Tous ceux qui ont suivi attentivement nos précédents articles comprendront l’erreur d’une telle conception. Nous n’avons jamais dit que les livres rédigés et imprimés par les enfants devaient constituer leur seule littérature. Au contraire : nous avons voulu, par des techniques qui maintiennent intacte la curiosité enfantine, aider les jeunes personnalités à se saisir intimement et puissamment du monde qui les entoure.

Mais nous disons que, pour cela, il ne faut partir arbitrairement de l’adulte, mais asseoir sur les pensées véritables, sur les sentiments, sur les besoins des enfants tout notre système éducatif. L'expression libre est donc nécessairement le fondement pratique de notre technique: les livres d’enfants sont la littérature de base, le pont jeté entre la pensée enfantine et la pensée adulte.

Cette expression libre, seule l’imprimerie à l’Ecole complétée par les échanges interscolaires, peut la réaliser pratiquement dans nos classes populaires.

Mais cette base, une fois jetée, nul plus que nous ne prise l’apport éducatif de l'expérience adulte ou des livres.

Si nous condamnons l'emploi des manuels c’est justement que nous le considérons comme d'un rendement tout à fait insuffisant parce qu'ils sont impuissants à répondre aux multiples besoins nés de celte curiosité enfantine, de cet appétit de savoir que nous avons su susciter, entretenir et renforcer.

Nous ne nous contentons pas de critiquer et de condamner. Cette technique des manuels, nous la remplaçons par une autre technique, considérablement plus souple, plus productive, plus en harmonie avec les modes adultes d’activité. Si nous avons édité sur fiches les plus suggestifs parmi les documents adultes dont l’enfant peut se saisir ; si nous préconisions l’enrichissement de ce fichier qui dépasse en ampleur tous les manuels connus et utilisés ; si nous préconisons la constitution d’une Bibliothèque de Travail vraiment à la portée des enfants et dont nous éditons les éléments essentiels ; si, débordant le cadre aujourd'hui trop formel des livres, nous adaptons à notre technique l'emploi original du cinéma et des disques, c’est que nous voulons systématiquement, méthodiquement, placer nos élèves au sein même de tous les apports de la civilisation, c’est que nous voulons les mettre en mesure de s’en saisir, de se les approprier, avec notre aide active - non pas anarchiquement mais grâce à une organisation minutieuse du travail qui simplifiera les futurs problèmes théoriques de la liberté en éducation.

* * *

Les Russes ne connaissaient pas votre technique, et ils avaient donc raison de s’en méfier. Mais maintenant, nous dira-t-on, maintenant qu’ils la connaissent, l’imprimerie va-t-elle rapidement s’introduire et s’étendre en U.R.S.S. ?

C’est là raisonner avec un égocentrisme enfantin et accorder à nos réalisations un pouvoir d’expansion peu conforme aux réalités actuelles. Je dirais seulement à mes camarades : depuis dix ans, nous poursuivons dans tous les coins de France, des expériences probantes qui devraient ouvrir les yeux aux plus sceptiques. Nos adhérents enthousiastes ont toujours été des propagandistes émérites : nos publications ont été répandues dans tous les cantons de France, dans de nombreuses communes.

Interrogez les instituteurs sur notre technique. Ils hausseront les épaules : « Prétendre que les enfants peuvent faire leurs livres et s’instruire sans l’aide des adultes ! Bien sûr, les résultats sont intéressants, mais cette technique n’est pas possible dans ma classe !... »

Et ce n'est habituellement que lorsque ces mêmes collègues ont visité une classe travaillant à l’imprimerie, qu'ils ont vu l’instituteur souriant au milieu de difficultés matérielles qui valent bien celles qu’ils regrettent ; ce n’est que lorsqu’ils ont compris, à même le travail, la portée véritable de notre technique qu’ils s’écrient : « Je ne croyais pas que ce soit ça ! »

Et ils se joignent à nous.

Nous n’avons pas encore pu convaincre une infime partie de nos voisins, et nous nous étonnerions que les Russes prononcent parfois contre notre technique des jugements à-prioristes dont nous seuls sentons les faiblesses ?

Des milliers de kilomètres nous séparent, et plusieurs frontières capitalistes dressent entre nos pays des barrières dont on sous-estime bien souvent l’importance; rares sont les Russes qui peuvent lire le français (Hélas! nous sommes moins nombreux encore à lire le Russe), et ceux-là sont, naturellement, dans l’époque actuelle, surchargés de besogne. Alors, quelques opinions erronées sur notre travail dominent la pédagogie soviétique et nous sommes pratiquement presque impuissants à nous justifier.

Alors, direz-vous encore.

Nous ne cherchons ici ni excuses ni justifications, mais seulement l’explication normale d’un état de fait.

Oui, nous avons la prétention de présenter à nos camarades soviétiques une technique de travail qui doit apporter dans la pédagogie révolutionnaire de puissants éléments de vie et d’action.

Mais nous n’avons pas l’outrecuidance de croire que l’U.R.S.S. doit avoir les yeux fixés sur notre modeste travail ; notre foi révolutionnaire ne sera en rien diminuée parce que nous ne sommes pas encore parvenus à nous faire comprendre. Nous considérons les idées et les événements avec une conception plus normale de leur lente évolution. Et nous ne désespérons pas. L’idée fera lentement son chemin. L’essentiel est qu’elle puisse marcher et que, au milieu du chaos réactionnaire, nous puissions considérer avec fierté l’évolution de nos idées pédagogiques dans le seul pays qui peut aujourd'hui se poser avec ampleur, et avec une placide sérénité, les plus graves problèmes pour lesquels nous apportons notre pierre, avec la même certitude et la même sérénité.

C. FREINET.
(1) Henry Thiéry : Derrière le Décor Soviétique.

 

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L'Esperanto à l'école

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Esperanto- Angulo

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UN CONGRES INTERNATIONAL du Cinéma d'éducation et d'Enseignement

Mars 1934

Il se tiendra à Rome dans la deuxième quinzaine d'avril sous les auspices de l’institut International du Cinéma Educateur et réunira les représentants officiels des administrations et des institutions intéressées des différents pays.

Le N° de décembre de la Revue Internationale du Cinéma Educateur contient un certain nombre de rapports préparatoires aux discussions de ce Congrès.

De ces documents, dont quelques-uns sont d'une précision et d’une valeur remarquables nous allons tirer un aperçu de ce que seront les discussions du Congrès, pour ce qui concerne l’école primaire.

1° Les appareils de projection de format Standard sont de plus en plus abandonnés : prix, difficulté de maniement, impossibilité pratique d’avoir de bons films éducatifs, pellicules inflammables.

2° L'emploi du format réduit est entaché d'une sorte de péché originel. Les appareils employés pour la projection furent, au début, soit des jouets (Pathé-Baby), soit des appareils pour amateurs adultes (Ciné-Kodak). Ce sont les éducateurs qui, ne trouvant pas d’autres appareils pratiques sur le marché les ont adoptés.

Les films édités par les maisons intéressées souffrent étrangement de cette origine. De plus, malgré quelques efforts conciliateurs sur le plan international, il n’y a pas possibilité de s'entendre pour l'adoption généralisée d’un format unique de film réduit.

La pédagogie du film : Tout est à construire encore dans ce domaine et nous trouvons dans les divers rapports de nombreuses contradictions nées de ce que l'éducation elle-même n'est pas en possession d’une technique sûre et efficace.

On a beaucoup tâtonné par le passé :

a) Le cinéma a été pendant longtemps considéré comme un simple amusement. D'où utilisation de films sans aucune valeur éducative, projetés à l’origine dans des salles de théâtre. L’essentiel étant, semble-t-il, de susciter le rire, sans égard pour l’influence démoralisante de certaines scènes.

On commence à comprendre les graves dangers des projections cinématographiques commerciales et cette pratique est pour ainsi dire totalement condamnée.

b) Réaction inverse : Quand les pédagogues ont eu à s’occuper du cinéma, ils ont poussé à l'emploi de films exclusivement didactiques. Cette tendance nous a valu les plus mauvais films scolaires que nous possédions : leçons filmées imitées dans leur ensemble des leçons faites par les maîtres — tendance à remplacer tout simplement le verbiage scolaire, et parfois même des débuts d’activité, par la projection animée. Le film était mis totalement au service de la technique traditionnelle.

c) Le film rompt ces cadres formels. — Les uns parlent de le substituer presque totalement à l’éducateur pour de nombreux enseignements; d’autres voient la nécessité de n’employer le film que comme adjudant scolaire.

Mais dans quelle mesure le film sera-t-il adjuvant scolaire : dans quelle mesure servira-t-il à l'éducation, à l'acquisition : suivra-t-il servilement les programmes officiels ; quand et comment s’en éloignera-t-il ? Qui établira les scénarios, qui réalisera ; jusqu'à quel point les nécessités actuelles de l’éducation influenceront-elles la future pédagogie du disque ?

Autant de questions auxquelles la pédagogie traditionnelle ne saurait répondre que contradictoirement dans les divers pays.

Nous seuls, avec notre technique sérieusement fondée psychologiquement, serions en mesure d’apporter des solutions définitives dans leur esprit.

Nous ne négligeons ni le côté éducatif ni le côté instructif de notre tâche, mais nous avons pour ainsi dire changé les normes de l’action éducative. Notre rôle n’est pas d’éduquer systématiquement ni même d'instruire. Nous puisons à la source même de la vie et de l’enthousiasme enfantins les directives pour notre travail. Nous accordons une place primordiale à la stimulation de cette curiosité, de cet élan vital sans lesquels les interventions extérieures les plus génialement ordonnées resteraient inefficaces.

Première qualité à demander au film d’enseignement : qu’il stimule cette vie. Cette curiosité, toute bande qui vient renforcer ce courant créateur vaut de pénétrer à l’école. Les meilleurs films dans ce sens seraient sans doute les grandes réalisations des artistes qui ont su toucher l’âme et la faire vibrer.

Au point de vue instructif, sur quoi se baser, quelles directives suivre ? C'est actuellement l’anarchie la plus complète et cela nous vaut, à côté de quelques rares films précieux, une masse d’autres que nous écarterions immédiatement s’il nous était possible de les remplacer.

La solution serait bien plus facile à trouver avec notre technique : les intérêts enfantins nous ont été révélés par l’activité libre: nous connaissons les besoins éducatifs et il nous suffira de répondre aux demandes, aux désirs de nos élèves. Pus de leçons : des documents vivants s’ajoutant il la vie éducatrice. Que le cinéma soit l’œil merveilleux qui voit pour nous là où nos organes ne peuvent point atteindre ; mais qu’ils voient autant que possible selon des normes identiques, et harmoniques.

Le problème du film ne se sépare pas du problème du livre. Il le complète et il le déborde, en même temps, parce que n’importe quel instituteur, devenu insensible aux vices des manuels, comprend et sent les faiblesses du cinéma. Nous dirons, nous, que les films doivent répondre à nos besoins comme essaient de le faire nos brochures de la Bibliothèque de Travail, mais avec une puissance décuplée certes : apporter des documents vivants au rythme normal de la vie pour satisfaire les besoins éducatifs tels qu’ils se sont révélée par les pratiques nouvelles du travail libre.

Tant que l’adulte construira selon ses concepts à lui, avec les idées préconçues qu’il a sur la pensée enfantine et la vie scolaire, rien de définitif ne naîtra pour la pédagogie du disque.

Projection fixe ou projection animée : ce que nous venons de dire du film animé vaut également pour la projection fixe.

En raisonnant selon nos théories, la question ne nécessite pas de si longs développements : Toutes les fois que la projection animée satisfait davantage les besoins éducatifs des enfants, c’est elle qu’il faudrait préférer. Toutes les fois au contraire que le mouvement n’est pas indispensable, que la vue analytique doit primer, la projection fixe devrait être choisie.

Une éducation bien comprise devrait disposer conjointement de ces deux procédés d’enseignement qui ne se concurrencent point mais se complètent. Hélas ! la réalisation pratique seule vient compliquer le problème qui devient souvent celui-ci : étant donné que je ne puis acquérir les deux dispositifs ci- dessus, lequel choisir. La réponse, on le comprend, est pédagogiquement impossible.

Les problèmes de l’organisation. — Trois solutions :

Cinémathèques centrales, comme naguère en France, créées pour un nombre important d’usagers. Il est impossible d’avoir les films demandés au moment voulu.

Cinémathèques, décentralisées, ou créées pour un nombre réduit d’usagers (C.E.L.). C’est, on le sait, la solution qui est en train de prévaloir en France tant que la troisième solution, idéale, ne sera pas financièrement possible.

3° Cinémathèques scolaires, s’ajoutant à l’usage des cinéthèqucs décentralisées.

Il y a longtemps, on le sait, que nous prônons cette solution (valable également pour le disque). Impossible à réaliser avec du film standard, elle est par contre réalisable avec le format réduit, Pathé-Baby notamment.

6° Une question enfin que nul rapport n’effleure et pour la solution de laquelle nous avons depuis longtemps montré la voie : l'usage scolaire de la caméra prise de vues, enregistrement de la vie même, du travail des enfants pour constituer les bases d'une cinéthèque scolaire, qui devient précieuse dans les cas d'échanges organisés entre classes. Nous l’avons noté maintes fois : de même que les textes d’enfants sont le plus précieux comme stimulateurs de la vie, les films tournés par les enfants eux-mêmes ont toujours un très grand succès. Si même leur valeur technique est très relative leur portée pédagogique est immense parce qu’ils sont parmi les plus puissants porteurs de vie que nous puissions trouver à l'école.

Les difficultés financières enrayent le développement de semblable expérience dans nos écoles populaires. Mais pour qui examine le problème dans l’absolu, cette possibilité créatrice devrait prendre une place d’honneur.

***

Par ces quelques critiques, par l’exposé succinct de ce que nous avons réalisé, nous avons voulu montrer surtout comment le problème de la pédagogie du film gagnerait à être examiné sous l'angle de la pédagogie nouvelle fonctionnelle au lieu d’être subordonné au cadre étriqué de l’école traditionnelle. On ne met pas ainsi une aussi puissante technique de vie au service d'une scolastique moyenâgeuse. Il faut voir et créer hardiment, ou bien on échouera toujours lamentablement.

Qu'il nous soit permis enfin de souligner à quel point le capitalisme est responsable de la faillite de la pédagogie du disque : anarchie de la production d’appareils, commercialisation totale de la production du film d’enseignement, dans nos pays réactionnaires ; il sera impuissant à modérer la concurrence capitaliste nationale et internationale, base du régime ; il n'empêchera pas que se dressent toujours plus farouches entre les pays, les frontières infranchissables dont le but est justement de combattre les efforts d'internationalisation et de paix.

 

 

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