Où le prof de Français devient Documentaliste

Octobre 1978

 

OÙ LE PROFESSEUR DE FRANCAIS DEVIENT DOCUMENTALISTE
 
Le tâtonnement d'un professeur de Lettres dans son travail de documentation pour lui-même et ses élèves ;
Les circonstances dans lesquelles j'ai commencé à jouer pour mes élèves le rôle de documentaliste me sont sorties de la mémoire, et je ne suis pas même sûr que la date la plus ancienne inscrite sur des papiers aujourd'hui jaunis, (1970 ... oui je sais, amis documentalistes, l'année seulement c'est benêt), marque mes débuts dans ce rôle .très passionnant... et non moins épuisant.
 
Vraisemblablement j'ai du commencer par chercher et distribuer à la demande, sans la moindre précaution. La multiplication des projets m'a amené à stocker d'abord, à classer ensuite, ces coupures de journaux et de revues. Quoi qu'on en dise, les enfants ne sont pas en mesure, à eux seuls, de réunir sur les sujets parfois très particuliers qui excitent leur curiosité une documentation suffisante, c'est-à-dire éclectique. Ils n'y parviennent déjà pas souvent sur ces thèmes plus proches d'eux que l'on pourrait appeler de "démonstration" (l'élève expose à ses camarades un sujet qu'il connaît d'expérience, exemple : la natation par un passionné des piscines). Ceux que leur milieu social défavorise peuvent aussi se sentir frustrés parfois de n'avoir rien à apporter.
Aussi avons-nous mis en commun, coopérativement, nos richesses hétéroclites. De la plus grosse carotte récoltée dans le canton jusqu'aux suicides de jeunes, en passant par la technique de la danse classique et les structures des sociétés multinationales, il n'est guère de domaines que nos archives de presse n'aient peu à peu illustrés. Six ans après, l'armoire de classe arrachée à mon administration étouffait de 250 dossiers divers (voir liste en annexe 1).
En vérité la part des élèves y est bien moindre que la mienne. Rares sont les vocations de documentaliste à cet âge, et bien étroits les champs de lecture familiaux. Ce sont plutôt de grandes occasions (telle la visite aux Antilles du Président de la République française) ou des curiosités particulières (comme celle de cette fille de seconde hantée par ses questions sur les phénomènes inexplicables) qui enrichissent nos dossiers d'apports massifs et ponctuels. Pour l'essentiel je m'en charge, jour après jour.
Je suis personnellement abonné à près de trente journaux et périodiques (voir annexe 2), dont un bon nombre répondent aux besoins de mes élèves.
Comment fais-tu pour lire tout ça ? me dira-t-on.
À cette question, deux réponses. Je ne lis qu'une partie de tout ça, et je procède par lectures rapides, pour ne revenir lentement que sur les articles qui m'atteignent opportunément. Quant aux articles dignes d'intérêt, mais inopportuns (pour moi), il me suffit de les placer dans mes dossiers. Le jour venu, ils seront là, en nombre, et en qualité. J'opérerai alors un tri plus rigoureux (en fonction du thème précis proposé par les élèves ou par moi, en fonction aussi de la maturité de l'utilisateur et de son futur public).
Pour être complet, j'ajouterai que la fréquentation des librairies, les déambulations devant les kiosques, la lecture des "revues de presse" dans mes propres acquisitions me permettent d'heureuses découvertes. Exemples : Les Cahiers Français, Historia, BT2 ... dont tous les numéros ne m'intéressent pas, mais dont certains sont très enrichissants pour mes dossiers.
Pas question en effet d'une documentation tous azimuts. Laissons aux collègues leurs responsabilités pour les sujets plus techniques. S'il m'arrive d'ouvrir des dossiers sur des questions qu'a priori on verrait de la compétence stricte du professeur d'Histoire/Géographie ou du professeur de Sciences, c'est parce que ma documentation courante ou les appels désespérés de tel petit curieux m'y ont amené. Mais en général - et c'est déjà assez vaste - je travaille sur les aspects de la vie sociale quotidienne et sur la littérature. Les autres dossiers viennent en complément de la documentation fournie (plus ou moins) par les collègues ou le C.D.I.. .
... Et, répétons-le, en complément des éléments découverts par l'intéressé lui-même ! II n'est pas question de se substituer à lui, de lui ôter le mérite et le plaisir de la recherche : j'encourage toujours les enfants à actualiser et localiser par le reportage et l'interview notamment, les renseignements fournis par une bibliographie forcément éloignée d'eux dans le temps et l'espace.
Côté pratique, j'en suis dans mon tâtonnement documentaire à la phase 4. La première, c'était le bric à brac ; la seconde, des bacs de bois avec glissières pour dossiers suspendus - cadeau du professeur de Techno dans mon C.E.S. d'alors - ; la troisième, des chemises cartonnées à rabats, avec élastiques pour les fermer ; des étiquettes auto-collantes ajoutées peu à peu au-dessous du titre me permettaient d'indiquer les sous-thèmes (annexe 3), auxquels correspondaient à l'intérieur des copies doubles.
La phase 4 a commencé le jour j'ai été trop enragé de voir les documents, chemises et dossiers, valser, s'entre mélanger, tomber à terre, ou sortir en bloc pendant des mois (tel éve emportait facilement un dossier entier). J'ai tout réorganisé. Aujourd'hui, et jusqunouvel ordre,l'unité documentaire est le sous-ensemble d'hier, à quelques aménagements près (exemple en annexe3). Elle se présente dans une pochette de papier Kraft format 23 x 32 renforcée de papier collant Kraft aux endroits fragiles. Quand à l'intérieur subsiste un sous-ensemble, la, copie double est fermée sur 2 côtés ce qui assure aux documents une stabilité très supérieure à celle de la copie double normale.
La majeure partie des articles est collée sur des feuilles de papier blanc 21 x 29,7 pour en faciliter la manipulation. Font exception les articles de format avoisinant le 21 x 29,7,(après pliage éventuellement), les numéros entiers de revues ou les liasses de pages de revues.
Je n'ai jamais pris le temps d'initier mes élèves à ce travail, j'entends de découpage, collage et classement ; j'ai peut-être tort, surtout sur le dernier point et le jour où je retrouverai des élèves (j'ai perdu le contact avec mon détachement au C.I.R.D.P.) j'envisagerai des séances d'initiation pratique en début d'année. Je n'espère pas un surcroît de rieux dans l'usage de mon matériel ; d'ailleurs, à cet égard, je n 'ai guère à me plaindre : en quatre ans je n'ai vu disparaître qu' un seul dossier; si un certain nombre d'articles me sont revenus salis ou abîmés c'est un problème autre : et si le reclassement a été parfois approximatif, j'en suis bien un peu responsable pour n'avoir pas trouvé de formule plus facile ...
En les associant au travail de classement, j'espère un bénéfice intellectuel pour des jeunes dont le manque de maîtrise dans l'usage des documents est préoccupant à la mesure de leur handicap socio-culturel et à la mesure aussi de la complexité du fonds qui leur est proposé .•••
En attendant cela, je m'applique à forger des outils de travail plus pratiques sur le plan de la recherche, à commencer par un fichier mis à la disposition des élèves : à chaque unité documentaire correspondra une fiche avec :
le mot-titre
les corrélats (encyclopédie)
les mots-clés des articles contenus dans l'enveloppe
des suggestions de renvois à d 'autres dossiers de notre fonds documentaire (Annexe4)
L'intérêt d'un tel fichier me parait triple:
1°) Éviter aux élèves le découragement devant la masse hétéroclite des textes, comme la tentation aberrante du "picorage" qui entraîne l'indigestion intellectuelle. Mais au contraire leur permettre une formation méthodique de leur opinion, à commencer par la délimitation du champ de réflexion possible.
2°) Éveiller leur curiosité devant des notions qu'a priori ils n'auraient pas associées au sujet. En conséquence ouvrir et personnaliser leur choix comme leur démarche intellectuelle.
3°) Leur gagner du temps sans aller toutefois jusqu'à leur indiquer dans quels articles ils trouveront développée telle ou telle idée qu'ils ont choisie. Je crois en effet très formateur l'exercice de recherche dans les articles (mais la recherche d'une notion bien définie) : lecture progressive des titres aux sous- titres, aux " chapeaux", aux textes eux-mêmes enfin, pour y déceler les mots-clés.
 
ANNEXE 1
Les mots-titres et les corrélats du début du fichier
 



Agriculture · Vie paysanne
Alcoolisme
Angleterre · G.B. · Etats Unis
Angoisse - Stress
Antilles - ( 17 dossiers)
Armée
Argent · Problèmes monétaires
Arts - Artistes
Astrologie (2 dossiers)
Athlétisme
Automobile (2 dossiers)
Aviation
Banditisme
Bidonvilles
Bombe atomiq ue
Bruit
Cataclysmes
Chansons
Chasse
Cinéma (4 dossiers)
Circulation - Transports publics
Commerce
Consommateurs
Contraception - Avortement
Culture (3 dossiers)
Cyclisme
Disques
Drogue (2 dossiers)
Ecole (3 dossiers)
Ecoles dans le Monde
Education sexuelle
Employés
Energie - sources diverses
Enfants
etc ...



 
ANNEXE 2
Parmi les abonnements que j'ai souscrits ont été choisis dans la perspective de la documentation des élèves
Le courrier de l'U.N.E.S.C.O.
Promesses (Bayard)
Documents Service Adolescence (Bayard·Presse)
Textes et Documents pour la Classe
Le Monde · Dossiers et Documents
Record (Bayard)
 
Parmi mes abonnements personnels sont utilisés à des fins documentaires (donc découpés et répertoriés)
Inter-Antilles
Le Monde (par bateau)
Sélection hebdomadaire du Monde (par avion)
Le Monde diplomatique
 
Je conserve en collection, mais utilise parfois
Le Nouvel Observateur
Presse Actualité (Bayard)
Le Naïf
Aujourd'hui dimanche
Information Caraïbe (bulletin de l'Agence de Presse GABEL, le meilleur outil d'information régionalet de loin)
Que Choisir
Réalités
 
Mes autres abonnements ne sont pas utilisables tout au moins directement mais il m'est arrivé d'en tirer parti
Avant-scène Cinéma et théâtre
Marie France
L'Éducateur (revue Freinet)
 Le Monde de l'Éducation
La Brèche (revue Freinet second degré)
Poésie 1
Jeune cinéma
Revue du Cinéma
Le Français dans le Monde
Time
Revues syndicales
 
Il n'est pas rare que j'achète des revues en kiosque · Titres très variables.