UNE GRANDE ENTREPRISE COOPERATIVE pour laquelle il nous faut avoir la collaboration active et immédiate de plusieurs centaines de camarades

Juillet 1962

UNE GRANDE ENTREPRISE COOPERATIVE

pour laquelle il nous faut avoir la collaboration active
et immédiate de plusieurs centaines de camarades
 
Je viens de terminer un numéro de la Bibliothèque de l’Ecole Moderne consacré aux Plans de travail qui paraîtra avant les vacances.
 
La mise au point théorique et technique que j’ai dû opérer pour ce travail qui est le résultat de vingt ans de tâtonnement et d’expériences, place cette technique au centre de toute notre pédagogie. Elle est rendue possible par cet instrument nouveau incomparable que représentent nos 530 numéros de la Bibliothèque de Travail et nos 110 Suppléments B.T.
 
Il y manquait encore une pièce complémentaire les fiches-guides. Nous sommes en train de les réaliser pour une prochaine édition.
 
Or, nous ne tirons peut-être pas le dixième de cette immense richesse parce que nous n’avons pas encore mis sur pied la technique qui en rendra l’emploi courant, comme le sont les manuels dans la pédagogie traditionnelle.
 
Cette technique d’emploi, c’est le plan de travail. Seulement jusqu’à ce jour, chaque instituteur devait opérer lui-même cette mise au point dont nous ne lui donnions que les éléments.
 
Dans la pratique, faute d’une technique au point, rares étaient les camarades qui employaient vraiment les plans de travail dans leur classe, ou ils n’en usaient qu’accessoirement. Il en était de cette nouveauté comme des premières autos : les principes essentiels en étaient connus et n’ont pas tellement varié depuis, mais la mécanique n’en était encore qu’embryonnaire, et seuls pouvaient s’y engager les excellents mécaniciens, les autres continuaient à rouler en chars à bancs.
 
La mécanique s’est perfectionnée et est devenue à la portée de tous les usagers. On n’a pas eu à ordonner la destruction des chars à bancs. Tout le monde route en auto.
 
Si notre technique de plans de travail est suffisamment au point et pratique pour tous, elle triomphera aussi.
 
Que nous faut-il pour réussir ?
 
Il faut que, le lundi matin, nous soyons en mesure d’inscrire sur les plans de travail individuels les sujets d’étude correspondant à la vie de notre classe dans le cadre des programmes et de la vie du milieu. Et - et c’est là la délicate nouveauté - il ne nous faut pas penser remplir les cases de nos plans par des exercices traditionnels, des devoirs à faire et des leçons à étudier. Le plan ne doit pas être un carcan mais un instrument de libération.
 
La mise au point de nos plans nécessite une reconsidération radicale du sens de notre travail, qui doit répondre à nos besoins, nous intéresser et nous enthousiasmer.
 
Nous sommes en mesure de réaliser ce progrès décisif.
 
Nous avons déjà des centaines de fiches, dûment contrôlées par les camarades dans leurs classes. Le recueil de nos Educateurs nous en apporte des centaines aussi. Mais tout cela il le faut, sous une forme spéciale, vraiment à notre portée. Nous allons tâcher d’y pourvoir.
 
Nous allons, pour les quatre disciplines essentielles : Histoire, Géographie, Sciences, Calcul, considérer les programmes exacts pour la prochaine année scolaire. Pour l’Histoire par exemple, ce sera l’an prochain la période de l’Antiquité à la Révolution française, pour laquelle nous avons déjà tous les livrets-guides de Deléam.
 
Mais nous irons plus loin dans la préparation. Nous allons opérer la traditionnelle répartition hebdomadaire. Mais cette répartition sera prévue, non pas à la suite, mais en tableau aux 30 ou 32 cases, pour bien montrer que nous ne faisons pas une obligation de suivre strictement l’ordre chronologique, les éducateurs pouvant étudier les cases qui les intéressent selon les textes libres et les intérêts à exploiter.
 
Pour chacune de ces semaines, nous détaillerons alors les travaux rentables à exécuter, en dehors de toute explication verbale. Nous aurons 4, 5, 6, 7 thèmes de travail vraiment à la portée de nos classes. Et ils pourront être à la portée de nos classes parce que nous donnerons en face toutes indications et références techniques :
- B. T.
- S.B. T.
- Fiches-guides.
 
Nous n’indiquerons pas les travaux qui pourraient peut-être être intéressants mais pour lesquels nous ne possédons pas encore les indications techniques. Il faut que, munis de ces documents nous puissions vraiment mettre les élèves en mesure d’exécuter les travaux prévus. Nous vous offrons en somme les outils indispensables.
 
Jusqu’à présent nous étions un peu face à ce travail culturel comme nous l’étions souvent en face de certaines activités dirigées. Nous avions prévu des réalisations, mais il nous manquait les plans que nous devions préparer, si nous en avions le temps, le marteau, le filicoupeur, ou les clous qui nous auraient été nécessaires. Et nous nous énervions pour faire en définitive une assez pauvre besogne.
 
Avec la richesse actuelle, nous devons être en mesure de présenter de véritables plans de travail.
 
Nous verrons au fur et à mesure de la préparation de nos semaines : Ecrivez-nous !
 
- les B.T. et les S.B.T. qui nous manquent et qu’il faudra préparer - mais c’est toujours assez long ;
- les fiches-guides qui nous manquent et que nous pouvons préparer à bref délai si nous commençons immédiatement.
 
Et surtout, au lieu d’éditer ces fiches-guides au hasard, nous allons les choisir immédiatement en fonction de nos plans.
 
Il faut que, dès le début de l’année, nous prenions dans L’Educateur une avance d’au moins un mois dans la publication de nos plans de travail, de nos recueils S.B.T. de fiches-guides, de nos fiches-guides complémentaires de L’Educateur.
 
Ce même travail, nous allons le faire aussi pour la Géographie, pour les Sciences (et ce sera une grosse entreprise et totalement originale), et même pour le Calcul.
 
Mais alors, nous aurons enfin un Éducateur qui sera vraiment la revue de travail que nous avons toujours essayé de réaliser.
 
Car cet ensemble de plans que nous allons entreprendre ne naît pas comme par hasard de nos cerveaux inquiets. Nous en sentons la nécessité et nous avons à diverses reprises essayé de le réaliser.
 
Mais à ce moment-là nous n’avions pas encore les riches collections que nous possédons aujourd’hui. Nos projets de naguère nous allons aujourd’hui les réaliser.
 
La partie scolaire de L’Educateur sera donc constituée l’an prochain par les plans de travail précis et immédiatement utilisables en Histoire, Géographie, Sciences et Calcul, avec indications de documents existants et publication des fiches complémentaires.
 
Et cet outil nouveau nous irons le perfectionnant, expérimentalement, par la pratique dans nos classes.
 
Nos responsables de Commissions se chargent des répartitions que nous espérons pouvoir donner dans notre N°20. Mais pour rédiger et contrôler les fiches-guides dont nous avons besoin, il nous faut encore de nombreux camarades.
 
Faites-vous inscrire sans retard à notre Guilde de préparation des Fiches-guides.
 
Et faites connaître autour de vous la revue bimensuelle L’Educateur qui sera pour vous tous un outil de travail incomparable.
 
C. FREINET.