Regards sur ...

Juin 1978

 

REGARDS SUR ...
« Face aux vengeurs » de Bertrand Solet « Plein vent », Laffont)
Quelque part en Amérique du Sud sévit une dictature militaire avec son cortège d'exactions, de répressions, et sa police parallèle ("Les vengeurs").
 
A travers l'histoire de Ramon, le militant syndical pourchassé et contraint de quitter la ville pour se réfugier dans un des maquis un peu désenchanté, Bertrand Solet évoque quelques-uns des aspects des luttes clandestines en Amérique Latine ... Quelques portraits typiques (la jeune aristocrate devenue "guerillero", le paysan que la réforme agraire a transformé en militant et en combattant) jalonnent ce roman qui a le mérite de mettre l'accent sur les difficultés, les incertitudes d'un pareil combat (la peinture du maquis en crise faute de pouvoir déboucher sur une action concrète, atteindre des objectifs précis, en est une bonne illustration) . Il est seulement dommage que, s'adressant à des adolescents, le roman reste un peu allusif voire schématique quant aux motivations des uns et des autres et qu'on n'y retrouve pas le lyrisme d'un Michel Grimaud dans "Des hommes traqués" ou la puissance du verbe de Régis Debray dans "La neige brûle" (à conseiller aux élèves du second cycle).
C'est néanmoins un roman de qualité qui devrait permettre des débats intéressants et qui peut susciter une grande variété de recherches sur les problèmes actuels de l'Amérique Latine.
 
« Les esclaves de la joie ») de Michel Grimaud (Duculot)
C'est l'un des premiers ouvrages de la nouvelle collection "Travelling sur le futur" qui veut aborder quelques-uns des problèmes que risque de poser aux hommes de demain l'évolution de notre civilisation.
Michel Grimaud imagine la coexistence de deux types de société : une société inhumaine, urbanisée, conditionnée à l'extrême la Chimie, manipulée par quelques psy-doc à la solde des "responsables de la Cité" permet à tout un chacun de travailler, manger, dormir, de se sentir heureux ... et, surtout, de ne pas se poser de questions. A l'écart de ce monde à la Huxley, des communautés vivantes dont les fondateurs ont refusé l'aliénation des cités "au cours des âges on a transformé les êtres humains en enfants que le moindre imprévu affole", pour promouvoir un mode de vie les responsabilités sont partagées, les décisions prises en commun et où "le travail, choisi librement, doit apporter du plaisir à celui qui l'accomplit", où "l'essentiel est d'oeuvrer pour le bien de tous".
Amado, le transfuge de la Cité, réussira-t-il, à retrouver Volane qu'il a involontairement jetée dans les griffes des "décerveleurs" ? C'est l'intrigue de ce roman, bien écrit, captivant et plein d'un certain nombre de questions qui sont celles d'un monde qui n'est pas si éloigné de nous qu'on le pense parfois.
C. CHARBONNIER