La modernisation de l’enseignement

Juin 1960

Nous avons un peu tardé à en reparler ici, retardant de ce fait le déclenchement de la campagne. C'est que tant que nous envisagions la possibilité encore d’un accord avec le S.N.I., nous ne voulions pas prendre unilatéralement position. Nous avions lancé l'idée d'une association, mais nous aurions aussi bien étudié toute autre formule à envisager. Notre but n'est point, pour nous de constituer une association de plus, mais de servir au mieux la véritable modernisation.

 

Le silence du S.N.I, nous laisse seuls à décider. Nous le faisons, dans la ligne qu'a suggérée la discussion du Congrès :

— la campagne pour la modernisation de l’enseignement doit être menée vigoureusement ;

— l‘association est la formule qui peut au mieux coordonner les efforts ;

— mais l'association ne doit pas être impersonnelle. Ceux qui s'y engagent ont besoin de savoir qui l'anime. Si les diverses organisations laïques contactées avaient répondu elles auraient constitué comme une sorte de Comité de Patronage souverain.

Comme seul a répondu le S.G.E.N. nous ne voulons pas sembler nous recommander de cette seule centrale. L'Association pour la Modernisation de l'Enseignement sera donc constituée pour l'instant sous le seul patronage du mouvement de l'Ecole Moderne (Techniques Freinet). Pourront y adhérer les personnalités, les associations, les syndicats ou les Centrales, (Seul, à ce jour, EDICOPE a donné son complet accord).

— L'Association pour la Modernisation de !'Enseignement a surtout comme but d’établir les contacts de recherche et de travail entre tous ceux qui, à des titres divers, s’intéressent à cette modernisation, et tout le monde s’y intéresse.

Chacun, dans sa spécialité agit, plus ou moins consciencieusement pour remplir sa tâche, mais chose incroyable, l'Education Nationale française est comme une vaste usine ou bureaux, ateliers, démarcheurs, organisations de recherche et de vente, agissent chacun pour eux, sans que se réalisent à aucun échelon les relations indispensables.

Il en résulte des monstruosités dont nous avions à Avignon un éloquent prototype.

Notre Congrès se tenait dans la Cité Scolaire qui a été mise en service en Janvier dernier et qui a coûté 1 milliard et demi. M. le Directeur lui-même de la Cité est venu nous exposer à la tribune les conséquences dramatiques des erreurs commises dans cette construction, du fait surtout du manque de relations entre architectes, constructeurs, usagers (élèves et maîtres).

— Les enseignants n’ont absolument pas eu voix au chapitre. On leur a livré la maison prête à être utilisée et ce n'est qu'à ce moment-là, quand tout était terminé qu'ils ont constaté les graves erreurs commises,

— On se demande comment ont pu fonctionner les Commissions qui, paraît-il existent — sans doute seulement sur le papier — pour donner leur agrément aux travaux des architectes, Toujours est-il que, pour 1 milliard et demi on a livré une maison inhabitable, du moins en tant qu'école.

a) La façade est toute en verrière. On a oublié qu’Avignon est dans le pays du soleil et que, dès que viendrait la belle saison, cette maison serait une serre impossible ; et on n’avait même pas prévu des rideaux pour tamiser lumière et soleil.

b) En plein hiver par contre on a dû licencier l'école parce que la température ne pouvait pas monter au- dessus de 6 degrés.

c) Les portes donnant sur l'extérieur sont battantes et le mistral qui souffle tout de même un jour sur trois les fait battre en permanence. Le Directeur doit se lever la nuit pour venir les bloquer avec des chaises.

d) La construction est d'une sonorité qui rend impossible tout travail. Le mistral a soufflé un jour. Nous ne nous entendions pas dans les classes.

e) Les ateliers sont dans un vaste hall où ronfleront et siffleront cent machines, y compris le chauffage central. Ce sera infernal.

f) On n’a pas même prévu, avec 1 milliard et demi, une seule salle de réunion pour plus de 30 personnes, ni aucune salle de projection.

g) Le réfectoire pour mille places est une inhumaine caisse de résonance alors qu'on aurait pu au moins humaniser l'installation en prévoyant des salles à manger de 50 à 80 personnes. 

h) On a construit une piscine de 50 centimètres de profondeur.

i) On a établi à l'entrée un jeu de tournants et une installation aérienne de tuyaux qui ne permettent pas même l'accès aux pompiers.

Et on pourrait en dire encore, notamment sur les malfaçons contre lesquelles a dû s'élever le personnel enseignant.

Nous avons insisté un peu longuement sur ce cas, non seulement parce qu'il est typique, mais aussi parce qu’il n'est hélas ! pas unique, et que les mêmes causes produisent ailleurs les mêmes effets. Nous demanderons d’ailleurs à nos adhérents de nous aider pour l’établissement d'un dossier qui sera hélas ! trop éloquent, en nous envoyant avec toutes précisions les observations faites sur des installations nouvelles de leur connaissance.

Or, toutes ces erreurs auraient été facilement évitées si les usagers avaient pu discuter du projet, si !e Directeur avait pu faire connaître ses besoins, si les diverses entreprises qui ont collaboré à la construction avaient pu collaborer en permanence.

C'est cette collaboration que nous voulons réaliser en dénonçant les erreurs commises et en cherchant ensemble les meilleurs moyens d’en éviter le retour.

Il nous faut donc procéder maintenant à la constitution de l'Association et à l'amorce de la campagne à entreprendre.

BUT DE L'ASSOCIATION.— Etablir des contacts permanents entre travailleurs aux divers titres, usagers (éducateurs et parents d'élèves) et administration.

Mener toutes enquêtes sur la situation actuelle du problème.

Organiser toutes études et recherches susceptibles de faciliter la modernisation de l'enseignement.

Prévoir un contrôle des réalisations avec délivrance d'un label de qualité.

PEUVENT ETRE MEMBRES DE L’ASSOCIATION :

— les éducateurs aux divers titres et degrés et leurs associations ;

— les inspecteurs et leurs associations ;

— les parents d’élèves et leurs associations ;

— les médecins et psychiatres et leurs associations ;

— les architectes ;

— les entrepreneurs aux divers titres ;

— les éditeurs et fabricants de matériel scolaire ;

— les organisations d'aide et d’assistance à l’enfance.

En attendant les adhésions complémentaires, nous allons tout de suite constituer l'association avec un premier noyau d'instituteurs, de professeurs, d’inspecteurs, de parents d'élèves, de médecins et psychiatres, d'architectes, d'éditeurs.

La composition du bureau sera portée sous peu à la connaissance du public.

ORGANISATION DU TRAVAIL. - Cette association n’est pas faite pour discuter théoriquement mais pour travailler, et c'est ce travail que nous allons organiser avec la constitution de quatre Commissions.

1re COMMISSION. — Modernisation du milieu matériel et technique en faveur de la vie et de l'éducation enfantines.

Cette modernisation se poursuit à un rythme accéléré : H.L.M., routes nouvelles, interdictions diverses de passage et de stationnement, élargissement des artères, surpopulation des centres urbains. On prévoit tout, sauf la place des enfants qui ne pourront bientôt plus vivre dans le complexe contemporain.

La Commission aura pour mission de repenser le milieu en fonction des enfants : logements, espaces verts, terrains de jeux, jardins-clubs et ateliers de travail, bruit, transport, santé physiologique et nerveuse des enfants.

Devront y collaborer architectes, urbanistes, entre preneurs, éducateurs, médecins.

2e COMMISSION. — Modernisation du milieu affectif, sensible, culturel, en fonction de l'éducation des enfants.

Information des parents — Presse enfantine — Radio et télévision — Cinéma — Sports

Devront y collaborer éducateurs, cinéastes, producteurs de films, éducateurs de l’enfance inadaptée, directeurs de journaux pour enfants, service de la radio et télévision scolaire, psychiatres, sportifs.

3e COMMISSION. — Les constructions scolaires et 25 enfants par classe.

L’exemple que nous avons donné ci-dessus de la Cité Scolaire d’Avignon dit assez la nécessité de celte Commission qui étudiera les projets et les réalisations actuels, établira des projets et des plans pour les constructions à venir de façon que ces constructions tiennent le plus grand compte des besoins des usagers

4e COMMISSION. — Etude, expérimentation du mobilier et des outils de l'Ecole Moderne.

Qu'on le veuille ou non, l'Ecole à tous les degrés s'oriente vers une formule de travail qui déborde la scolastique. L'ère de la classe auditorium-scriptorium est révolue, ce qui ne veut pas dire que disparaîtront brusquement tables d’écolier, bancs, chaises, pupitres, mais d'autres meubles, d’autres outils sont aujourd'hui nécessaires.

Cette Commission aura beaucoup à taire, plus spécialement pour les outils de travail : évolution des livres et manuels, des jeux, des outils de travail individuels ou collectifs etc...

L'Association publiera un bulletin de liaison et de travail,

Elle pourra avoir des filiales locales ou départementales.

MOYENS DE DIFFUSION ET DE PROPAGANDE. — Il faut maintenant recueillir des adhésions et amorcer immédiatement la campagne.

a) Faire insérer dans journaux, revues, Bulletins syndicaux, les informations ci-dessus.

b) Recueillir et faire recueillir des signatures.

c) informer les parlementaires de la nécessité de la modernisation de l'enseignement et de l’action que nous entendons mener.

d) Organiser des sections départementales qui vous permettront de prendre contact avec des professeurs, des I.P., des architectes, des médecins, des fabricants de matériel scolaire dont vous nous donnerez l'adresse.

e) Nous informer dès maintenant des projets en cours de réalisation et de ceux qu'on étudie.

Nous entreprenons une œuvre de longue haleine certes, mais qui portera sûrement ses fruits.