Le berger est berger du moment qu'il sait devancer ou suivre ses bêtes et assurer les gestes qui permettent au troupeau de brouter dans la paix et la sécurité.
Mais s'il peut, de plus, réfléchir par-delà les gestes automatiques, s'il acquiert expérience et sagesse à ce long et solitaire commerce avec lui-même, ou si, extériorisant davantage ses préoccupations, il scrute et étudie le ciel, les nuages, la vie des plantes et les mœurs des animaux jusqu'à y devenir expert, ou si, plaçant sa joie de créer à la pointe de son couteau, il grave du buis ou creuse des écorces, alors il fait un pas plus ou moins conséquent vers la culture. Il devient le Berger-Homme.
Notre épicier compte et pèse et livre à point voulu les articles qu'on lui demande. Nous ignorions qu'il fût illusionniste.
Qui lui a enseigné les secrets du prestidigitateur et les vertus de la poudre de perlimpinpin ? Le soir, sa journée finie, il s'exerce à un art qui, pour lui, déborde et dépasse son métier, à une activité apparemment gratuite en ce sens qu'il n'en retirera pas un bénéfice pécuniaire, mais qui est déjà sa culture, qui par-delà sa fonction sociale d'épicier le fait atteindre à la valeur éminente de l’Epicier-Homme.
Notre voisin a fort à faire pour tailler ses pêchers et sauver ses serres d'œillets. Il s'applique, certes, à être un jardinier expert. Mais les jours de pluie, derrière les vitres à demi cachées sous les treilles nues, il dessine et peint, et le dimanche, il part avec son chevalet en quête de couleurs et de vie.
C'est cela sa culture : ce souci de création et d'élargissement qui fait de lui le Jardinier-Homme.
Que vos enfants apprennent les gestes, les signes et les mécaniques exigés par leur fonction d'écolier, et plus tard, par leur rôle d'employés, de paysans ou d'ouvriers, c'est une nécessité comme celle qui commande au berger de soigner son troupeau et au jardinier de produire fruits et fleurs dignes de son intelligence et de son sens social. Mais qu'ils ne se contentent pas d'être des écoliers. Qu'ils débordent déjà leur métier pour accéder aux pensées, aux gestes et aux actes qui ne sont peut-être pas d'une utilité immédiate, qu'ils ne pourront peut-être jamais monnayer mais qui n'en seront pas moins un aspect exaltant d'une exigence de culture qui est le signe noble de l'éducation au service de l'Homme.
Ou, au contraire, peut-on procéder progressivement, au gré des possibilités et des besoins, et par quelles techniques, par quel matériel commencer.
Nous voulons insister quelque peu sur cette question de « démarrage » qui a été traitée déjà bien souvent, par nous-mêmes et par d'autres camarades, et qui reste, nous nous en rendons compte, le thème essentiel des soucis de nos groupes départementaux.
Il est bien exact qu'il n'y a pas une méthode Freinet, c'est-à-dire un ensemble de prescriptions que vous devez suivre de A jusqu'à Z, en vous référant à un manuel ou à un bréviaire, avec une progression réglée d'avance, et valable apparemment dans tous les milieux, dans toutes les classes, avec tous les maîtres.
Une telle méthode pouvait être employée tant que l'enseignement restait exclusivement verbal et « intellectuel », indépendant de la vie des enfants et du maître, tirant l'essentiel de son prestige, comme les religions, de sa position au-dessus de la mêlée, hors des contingences trop matérielles et matérialistes de notre commun comportement.
Mais, si nous voulons — et nous ne sommes plus seuls aujourd'hui à affirmer et à prouver la nécessité d'une telle démarche — si nous voulons partir de la base, de l'expérience des enfants dans leur milieu, des besoins essentiels des enfants et des maîtres dans leur recherche élémentaire d'une culture accrochée à l'être et influençant et orientant son évolution et ses actions, alors, il nous faut nous-mêmes plonger d'abord dans le milieu, selon des techniques qui s'adaptent évidemment à ce milieu, variables d'une classe à l'autre, d'un maître à l'autre, qui ne seront pas à Paris ce qu'elles sont en Bretagne ou en Provence, qui ne se développent pas en janvier comme elles le feront en mai.
C'est un souci qui apparaîtrait élémentaire aux parents et aux éducateurs, si nous n'avions pas été déformés, nous, par cette croyance à la culture qui tombe d'en haut et qu'il suffit de cueillir dans les livres.
Seulement, ce souci d'adaptation porte en lui son efficience mais aussi ses tares pratiques ; il laisse à la part du maître une trop grande place ; il suppose des conseils, des directives, un processus solide et efficient de travail. C'est tout le problème de la réorganisation et de la modernisation de l'Ecole, c'est le problème de la réadaptation des maîtres qui est brutalement posé : Comment faire ? Comment commencer ? Comment procéder en telle et telle circonstance ?
Le problème apparaîtrait bien vite comme insoluble, si nous n'étions pas en mesure de donner aux éducateurs conscients de la nécessité de cette modernisation un fil d'Ariane qui leur permettra de trouver eux-mêmes, dans les circonstances qui leur sont évidemment particulières, les solutions les meilleures.
C'est ce fil d'Ariane que nous allons essayer de vous donner.
Et c'est aux jeunes que nous nous adressons alors. Naguère, dans les groupes départementaux, les camarades rompus à nos techniques, et qui possèdent le secret de ce fil d'Ariane, vous réunissaient pour vous vanter les secrets de cet esprit Ecole Moderne qui fait briller dans nos classes un peu de soleil, et ils vous disaient comme moi : quand vous serez parvenus à faire briller ce soleil, tout le reste viendra par surcroît,
Le difficile, c'était évidemment de faire briller le soleil.
Alors, vous avez insisté avec raison pour savoir, pratiquement, comment faire briller ce soleil. Vous vous êtes rendus dans les classes de ces camarades, mais n'avez pas vu « se lever » le soleil. Le soleil semblait briller naturellement par la seule présence du maître ou comme conséquence naturelle de l'atmosphère de la classe.
C'est pour essayer d'assister à la naissance de cet esprit Ecole Moderne que vous vous êtes réunis alors dans les classes où le maître cherchait encore, comme vous, où naissaient seulement quelques éclaircies, que les nuages de la scolastique masquaient aussitôt. Mais mieux vaut, pensez-vous, une éclaircie à notre portée qu'une aurore dont nous ne verrons pas l'éclat dans nos classes.
Et vous avez raison.
Mais, je vois un grave danger, et un manque de sagesse, dans ce souci de suivre les conseils de Barré et d'aller visiter de préférence les écoles de camarades qui cherchent et trébuchent comme vous, sous le prétexte que leurs découvertes vous seront plus directement accessibles. Je crains que vous partiez à la recherche des trucs, des petits procédés, que les instituteurs se passent de l'un à l'autre depuis toujours, que vous amélioriez, de ce fait, quelque peu votre métier — tout effort en commun est toujours un enrichissement — mais que vous ne parveniez pas, pour autant, à « faire briller le soleil. »
Je reprendrai mon exemple familier. Vous vous réunissez pour examiner le détail de la bicyclette, pour en voir fonctionner les pignons et les changements de vitesse, et vous trouvez qu'il est un peu fou celui qui, négligeant ces observations de base, enfourche le vélo et s'élance, même s'il doit parfois, comme tous les débutants, s'échouer dans les buissons du talus. Cela n'a jamais empêché un bicycliste de remonter sur son vélo.
Ce bicycliste aventureux, c'est le camarade plus ou moins chevronné, qui ne saura peut-être pas vous dire, avec suffisamment de détails, comment il a actionné pignons et changements de vitesse, mais qui vous montre comment il a fait briller le soleil, et qui vous dit : « Faites comme moi, ce n'est pas plus difficile que ça !... »
Après ce premier conseil, qui tend à vous garder du truc, et à rechercher l'esprit, la technique qui fait briller le soleil, nous allons cependant essayer de vous donner des conseils pratiques.
Nous n'avons pas la prétention de détenir le monopole du soleil. Des éducateurs, sont parvenus et parviennent encore à cette illumination de leur classe, qui donne aux enfants une soif de connaître, un désir de travailler, un souci de réussir qui sont le secret de toute bonne éducation. Ce sont les éducateurs - nés, ceux qui possèdent une intuition de l'enfant et une richesse affective et technique qui leur assure le succès là où nous échouons. Et, de ce point de vue, il est bien exact de dire qu'il n'est pas indispensable d'avoir le texte libre ou l'imprimerie pour donner à une classe cette vie nouvelle, première étape vers la vraie culture.
Seulement, quel que soit le soin avec lequel nous avons scruté les secrets de ces pédagogues, nous sommes restés, nous, la masse des éducateurs de bonne volonté, impuissants à la porte de la Terre Promise. Nous n'avons pas compris le secret et nous continuons à tâtonner. Pourtant, de nos tâtonnements est sortie maintenant une Technique de Travail qui vous permettra de revivifier votre classe. Dans les diverses techniques que nous allons passer en revue, perdez l’habitude scolastique de vous en tenir à la forme. Pensez au soleil à faire briller. Le texte libre sera sans effet s'il ne vous permet pas — à quelques moments, du moins, de remuer les profondeurs insondées ou de vous envoler avec vos enfants à des hauteurs qui vous donnaient naguère le vertige. Ne cherchez pas dans un dessin d'enfant la ligne plus ou moins juste, selon les canons traditionnels. Essayez d'y lire les éléments qui, cultivés et encouragés, donneront des ailes à vos enfants.
Oui, je dis toujours la nécessité primordiale de l'outil, et donc la nécessité, aussi, de savoir s'en servir pour les fins qui sont inscrites dans la ligne de nos techniques. Mais je dis en même temps, et avec autant de dramatique insistance, la nécessité pour l'ouvrier de dépasser tout de suite le stade de la mécanique formelle et de ne pas négliger les forces puissantes qui ne demandent qu'à être employées, qu'il ne faut ni stopper ni inverser, ce courant qui est là, à notre disposition, pourvu que nous sachions abaisser les bonnes manettes et établir les contacts sans lesquels notre atelier restera morne et primaire.
C'est difficile !
Si ce n'était pas, effectivement, terriblement difficile, on ne nous aurait pas attendus pour en montrer l'urgence et pour s'appliquer à résoudre les problèmes majeurs de notre école, qui restent hélas ! posés, et auxquels nous nous employons depuis trente ans.
Tous ensemble, nous progresserons !
Nous ferons ici, progressivement, le point de nos diverses techniques, telles qu'elles sont employées, pratiquement, dans nos écoles : texte libre, imprimerie à l'Ecole, journal scolaire et échanges, exploitation pédagogique des complexes d'intérêts, lecture naturelle, FSC, BT, etc.
A la demande des camarades, anciens et nouveaux, j'aborde tout de suite quelques-unes des techniques qui se sont moins intégrées à ce jour au travail effectif de nos camarades et pour lesquelles un gros effort d'expérimentation, de mise au point et de diffusion reste encore à faire. Je veux parler :
— des conférences d'enfants ;
— des plans de travail ;
— des albums d'enfants ;
— du journal mural ;
— du calcul vivant ;
— de l'enseignement scientifique ;
— de l'enseignement historique.
CONFÉRENCES D'ENFANTS
Rares sont encore les camarades qui se sont lancés dans cette technique, et les essais dont nous avons eu quelques échos semblent, en effet, n'être pas très encourageants.
Je dois dire, pourtant, que c'est une des techniques qui a le plus de succès à l'Ecole Freinet et qui apparaît comme la plus efficiente. Seulement, elle est une de celles, aussi, qui s'accommodent le moins d'une scolastique qu'il faut délibérément dépasser.
C'est pour réagir contre les tares de tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à un devoir, que nous avons imaginé une façon de procéder qui s'inscrit, ou du moins doit s'inscrire, à 100% dans les normes du travail adulte.
Vous pouvez d'abord tenir à vos élèves, et aux parents aussi si possible, le raisonnement suivant, qu'ils comprennent beaucoup plus facilement qu'on ne croit :
« L'Ecole vous demande d'ordinaire de faire du travail à vide, pour rien, « pour rire »... ou pour pleurer, parfois, hélas !... On vous donne une leçon à étudier, un devoir à faire, mais vous n'êtes pas sûrs du tout — et nous non plus, d'ailleurs — que la peine que vous allez vous donner soit tellement efficiente. Nous vous faisons trop travailler comme un paysan qui aurait comme devoir d'aller labourer « pour rire », un champ qu'il ne sèmerait pas, ou qui aurait pour tâche de planter des tomates qu'il n'aurait ensuite ni à soigner, ni à faire produire.
Quand nous étudions quelque chose, c'est non seulement pour en profiter nous-mêmes, mais aussi pour en faire profiter les autres, nos camarades, nos parents, nos correspondants.
C'est ce qu'on appelle la « motivation » du travail.
Si nous parvenions à ce que notre travail scolaire soit motivé à 80 ou 100%, il n'y aurait plus ni devoir ni leçon, mais on travaillerait aussi à 80 ou 100%.
D'ailleurs, si on craint que ce raisonnement ne soit pas juste, il n'y a qu'à voir comment procèdent les adultes, parmi lesquels il y a tant d'acharnés travailleurs. Les meilleurs travailleurs, ce sont ceux qui n'ont pas de devoirs à faire.
Chaque fois que nous essayerons de mesurer l'efficience d'une technique de travail scolaire, demandez-vous : « Les adultes travaillent-ils ainsi ? Et, moi-même aimerais-je travailler selon les mêmes exigences »
Nous imprimons déjà comme les adultes et pour des buts identiques.
Nous rédigeons et diffusons un journal, comme les adultes.
Nous travaillons seuls, comme les adultes, avec nos fichiers auto-correctifs.
Nous dessinons et peignons comme les adultes (mieux, d'ailleurs), et nous faisons nos expositions.
Nous avons notre Coopérative, comme les adultes, et pour des buts identiques.
Nous allons faire nos conférences, comme les adultes.
Une conférence, c'est d'abord un travail sérieux, à longue haleine, qu'on prévoit longtemps à l'avance, qu'on inscrit sur un Plan de Travail, pour lequel on fixe ensuite une date précise, pour laquelle on doit être prêt.
Ma Conférence du 27 janvier, à Douai, est prévue depuis cet été. J'en ai choisi le thème ; je m'y prépare. On vient d'en fixer la date. Je commence la rédaction de la conférence, que je ferai taper pour que la lecture en soit facile. Je prévois très soigneusement les citations. Nous préparons en ce moment l'exposition qui créera l'atmosphère. Je lis et relis ma conférence, pour être fin prêt à la date et à l'heure voulue.
Nous faisons exactement de même à l'Ecole. Chaque élève choisit son sujet. Au début, comme devant le problème des textes libres, les enfants « n'ont pas d'idée » et il faut les aider à trouver le thème qui peut les intéresser. Mais, par la suite, nous aurons tant de choses à étudier que le problème, comme pour les textes libres, deviendra le problème du choix. D'autant plus que nous n'attendrons pas le lundi matin pour chercher le sujet. Nous le notons en cours de semaine au fur et à mesure que surgissent les intérêts : une excursion, un souvenir de vacances, les souvenirs d'enfance dans son village, une journée à la neige, des documents découverts dans les journaux ou revues, des découvertes d'archives, ce que racontent les parents et grands -parents, ce que disent les correspondants.
Nous devons conseiller l'enfant dans le choix du sujet, en tenant compte, surtout, de deux éléments : l'intérêt naturel et l'enthousiasme souhaité, mais aussi les possibilités de documentation qui permettront, pratiquement, une élémentaire réussite.
Et, là encore, nous ne nous éloignons pas des soucis d'adultes. Rares sont les conférenciers qui tirent tout d'eux-mêmes. Dans la pratique, le meilleur conférencier est celui qui sait le mieux mettre en valeur les documents dont il peut disposer : citation d'écrivain, projection fixe ou animée, audition de disques, exposition de photos ou gravures, etc.
Pour les enfants, la difficulté de faire seuls une conférence est encore plus patente. Alors, nous leur ferons imiter les adultes et, au moment du choix du sujet, nous poserons à l'auteur et nous nous poserons la question : « As-tu des documents ? Peux-tu t'en procurer, en écrivant à tes parents, à diverses maisons, en allant interviewer ceux qui savent ? Peux-tu trouver des vues fixes ou des films ? Y a-t-il des documents au fichier ? Y a-t-il une B.T. ? »
La conférence sera d'autant mieux réussie que vous aurez, au départ, plus de documents. Comme pour l'adulte.
Et alors réapparaît notre souci majeur de la documentation BT, FSC, et correspondants.
Nous faisons, surtout, grand cas des BT, qui fournissent une base presque inépuisable de conférences à partir du CE. L'enfant choisit un sujet de BT (presque toutes les BT sont valables). Ne dites pas : « Il se contentera de copier ». Il fera comme l'adulte. Il copiera certaines pages, ou il se contentera de les référencier sur son texte et de les lire. L'art du conférencier est justement de savoir faire ces citations à point voulu, en les reliant par des explications claires, en les complétant par d'autres documents. (Les enfants prendront l'habitude, alors, de faire comme les adultes et de constituer leurs dossiers, chemises et pochettes, où ils accumulent tous les documents qui pourront leur servir et qu'ils utiliseront le moment venu.)
L'enfant lit et relit, note, copie, écrit aux maisons, aux parents, aux correspondants...
Seulement, en face de ce travail d'adulte, il faut également que l'éducateur modifie son état d'esprit. Ne considérez plus le petit conférencier comme un écolier qui fait son devoir et dont vous vous contenterez de sanctionner la réussite ou l'échec. S'il vous demande un conseil, un renseignement, vous devez l'aider ou le faire aider, l'aider à chercher et à trouver les documents, l'aider, au début, surtout, dans la rédaction et la mise au point, comme pour le conférencier qui, avant la conférence, soumet son texte et son document à ceux qui peuvent l'aider.
Ce travail peut demander 8 jours, 15 jours. Lorsqu'il est prêt, vous en faites une première correction, et on lui donne enfin sa forme définitive : si vous avez une machine à écrire, vous tapez la conférence en 4 exemplaires (un pour l'Ecole, un pour les correspondants, un pour l'élève, un pour les archives). Vous réservez, dans chaque page, un tiers environ de blancs, où vous collerez des documents, des cartes postales ou des dessins.
Si vous n'avez pas de machine à écrire, l'enfant écrira au mieux, en illustrant de même.
Vous groupez les 2, 4 ou 6 pages sous couverture forte (nous recommandons le format 21 x 27). Vous décorez la couverture. Vous agrafez. Vous avez un document définitif qui restera et qui, d'ailleurs, bien souvent, pourra prendre place au fichier.
Au jour fixé pour la conférence,(au moment de la préparation des Plans de Travail, le lundi matin, nous établissons, comme les adultes, le calendrier de la semaine, ou de la quinzaine, pour les conférences ; et nous veillons, bien sûr, à ce que l'enfant soit prêt. Nous l'aidons, lorsqu'il le faut), au jour fixé donc : l'enfant, comme le conférencier, prépare ses documents : il expose, dès le matin, dans le couloir, les documents qui illustrent la conférence et dont les auditeurs s'imprégneront déjà. Il dessine la carte au tableau, s'il y a lieu ; il prépare la projection.
La conférence commence, L'enfant lit le texte, les citations, montre les documents, projette les films. Ensuite vient la discussion, les questions qu'on pose, les critiques qu'on fait. Et, pour terminer, les enfants eux-mêmes donnent une note, toujours très juste, qui sera portée au graphique.
Le démarrage de cette technique est un peu long, comme tous nos démarrages, mais après la réussite est, pourrait-on dire, à 100%. Nous avons eu chaque année, dans notre école, des conférences qui ont marqué la scolarité.
Il y a, bien sûr, comme pour les adultes, les as et les moyens, et même les insuffisants, qui liront un petit texte d'une page où la part du maître sera de 80%, mais qui montrent ensuite des documents intéressants.
Le profit de l'enfant est profond et certain ; cette technique s'inscrit dans un processus normal de culture. Il apporte aux auditeurs une documentation qui est, souvent, mieux assimilable que les leçons du maître, parce qu'elle a été, pour ainsi dire, prédigérée par les enfants eux-mêmes.
Comme pour les conférenciers adultes, toujours, tous les sujets sont valables : histoire, géographie, folklore, souvenir d'enfance, enquête, mais aussi expérience et montage scientifique, poème, chant, etc.
L'essentiel est que l'enfant soit appliqué à un travail personnel, dont il sent l'éminente utilité, et dont il restera une trace d'indéniable réussite.
Mais cela fait beaucoup de travail pour le maître.
Bien sûr, cela fait partie de notre préparation de classe. Nous n'avons jamais dit que le maître d'Ecole Moderne n'avait plus rien à faire en dehors de sa classe. Il fait seulement sa préparation plus intelligemment et avec plus d'enthousiasme.
Et, pour le cours de la classe, il s'agit d'une nouvelle organisation du travail, que le Plan de Travail règlera au mieux.
Nous pouvons assurer que cette pratique des conférences rencontre un grand succès auprès des parents, qui pourront être sollicités par les enfants, d'ailleurs, pour faire, eux aussi, des conférences, comme le maître pourra faire ses conférences.
Nous sommes dans un heureux complexe d'activité naturelle et normale qui s'inscrit à 100% dans les normes de notre Ecole Moderne.
Essayez de cette technique, faites faire des conférences ; dites-nous les difficultés rencontrées. Nous vous répondrons afin de faire entrer dans le travail normal et journalier de nos classes la pratique des conférences qui occupent, d'une façon efficiente, la dernière demi-heure de tous les soirs de classe à l'Ecole Freinet.