L'Educateur n°17 - année 1954-1955

Février 1955

LES DITS DE MATHIEU -Les faux-monnayeurs de l'esprit

Février 1955

J’ai connu l’époque, au début du siècle, où l’on faisait encore tinter sur le carreau les pièces douteuses, d’or ou d’argent. Sur le champ de foire, les ménagères éprouvaient les casseroles pour s’assurer qu’elles étaient de loyal métal. El nous lisions avec une crainte légitime la formule sacramentelle portée sur les billets de banque : « Les contrefacteurs seront punis des travaux forcés à perpétuité».

On ne parle plus, aujourd’hui, de fausse monnaie, mais les billets de banque changent chaque jour de valeur, la matière plastique imite le cuir, et la rayonne la soie naturelle. On fabrique du vin sans raisin ; on vieillit les crus artificiellement ; on fraude le miel et le beurre.

On fraude les pensées aussi. Et nul ne sait plus quel vil plomb se cache sous la majesté extérieure des éditions imposantes ou la débauche des images et des sons qu’on n’a plus ni le temps ni l’audace de contrôler.

La fausse monnaie est partout. Et plus elle est suspecte, plus elle se pare de titres et de recommandations, de couvertures flamboyantes et de tapageuse réclame.

La vérité est désormais trop simple et trop humble pour être dûment considérée. Et gare à l’homme honnête et juste qui s’aviserait de faire encore tinter les pièces, d'éprouver le cuir ou de goûter le beurre ! Gare au téméraire qui met en doute tes vertus des onguents de charlatans ou la science des manieurs de seringue !

Le faux-monnayeur exhibe aujourd'hui ses diplômes et estampille ses produits « sous garantie du gouvernement ». Il est roi, et l'Ecole est devenue son serviteur qui fait tinter faux morale et histoire, sciences et calcul, art et littérature. Le toc se substitue partout au franc - métal. Là forme tue l’esprit, et la mécanique la vie. Et apparaissent alors comme dangereux iconoclastes les hommes de bon sens qui voudraient redonner cours à la pensée profonde, nourrie de bonne sève ancestrale, et enseigner aux enfants à gratter le vernis pour démasquer les faux-monnayeurs de l’esprit.

Dans un monde qui impose ses pratiques d’ersatz et de contrefaçon, saurons-nous être assez logiquement humains pour redonner leur primauté à ces actes fonctionnels que la scolastique a compliqués et dévalués, et qui s’appellent : sentir, créer, comprendre, se socialiser, vivre et aimer ?

 

En préface du congrès d'Aix en Provence de l'Ecole Moderne

Février 1955

 

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