Stage de Rostrenen - Deux ans après (suite)


 

Quels sont les processus qui vous ont conduit à choisir la PÉDAGOGIE FREINET ?
Comment voyez-vous l’avenir de ce choix ?
 
Jérémie - 28 ans - T1- 23 août 2012-
« Quand j’étais gamin, à l’école, il y avait un formatage des esprits. J’étais révolté par l’attitude de certains enseignants qui avaient des pratiques humiliantes : donner des notes par ordre croissant ou décroissant, les jugements de valeur : « T’es un bon à rien, tu ne réussiras jamais en math », mais aussi l’encouragement à la compétition. Paradoxalement, même si j’avais de bonnes notes, je souffrais de cette situation : les moins bons me traitaient d’intello, j’étais exclu par certains. Les notes, c’est toxique aussi bien pour les bons que les moins bons. Je me souviens en particulier d’un prof de sixième que j’ai trouvé tellement injuste que je me suis dit : « je voudrais être prof pour être un bon prof ».
J’ai suivi un cursus scolaire jusqu’en master2 en écologie. Mais le métier auquel ça me destinait ne me convenait pas. J’ai donc commencé à réfléchir à ce que je pourrais faire d’autre. Cette période a duré à peu près deux ans jusqu’à ce que je me rende compte que je voulais être prof/instit. Ce qui m’a motivé c’était l’approche pluridisciplinaire et la relation humaine. J’ai commencé à me renseigner sur des pédagogies alternatives et j’ai trouvé que la PÉDAGOGIE FREINET me plaisait beaucoup avec sa visée émancipatrice, et j’ai aussi accroché avec le texte libre car j’aimais beaucoup écrire. Je me suis inscrit au concours que j’ai préparé en candidat libre avec le CNED tout en travaillant dans un collège comme prof vacataire de bio en SVT. J’étais aussi assistant d’éducation. Cela m’a permis d’approcher la pratique de classe, d’avoir une expérience concrète. Une année s’est écoulée, la PÉDAGOGIE FREINET m’est sortie de l’esprit. J’ai eu le concours, et j’ai commencé ma formation de PES en sep/oct. A la mi-octobre 2011, j’ai reçu un mail de ma directrice m’invitant à participer à un mercredi après-midi de découverte de la PÉDAGOGIE FREINET à l’école Léon Grimaud à Rennes. C’était pour le lendemain. J’ai foncé. C’était comme si la PÉDAGOGIE FREINET était revenue vers moi.
J’ai redécouvert le texte libre, les créations mathématiques, et pendant les vacances de la Toussaint, il y avait un stage « Démarrer en pédagogie Freinet » à la Côte St André (38). J’y suis allé en covoiturage avec Damien. Le voyage a duré deux jours, nous avons beaucoup discuté. Je me suis senti proche de sa façon de voir la pédagogie, la relation avec l’enfant… C’était parti.
J’ai trouvé la façon d’enseigner qui me convient, même si je sais que cela va être une longue recherche. J’ai trouvé aussi un groupe de collègues au GD35 dont je me sens proche, et avec lesquels je peux vraiment échanger sur ma pratique de classe. Je me sens appartenir à une communauté. Ca fait du bien, ça donne du sens.»
 
 
Jérémie 30 ans – Maternelle et IME- 23 août 2014
Francine : « En deux ans, quel parcours a été le tien, quels sont les changements que tu ressens? »
Jérôme : « J’ai commencé par une année en maternelle avec des moyens-grands, puis une année en IME avec des ados de 12 à 20 ans handicapés sur le plan mental et intellectuel.
L’année en maternelle s’est très bien passée. J’avais demandé ce poste réservé T1, et j’ai été ravi de l’obtenir. J’ai pu constater qu’en maternelle l’apprentissage se fait naturellement. J’ai pu tester complètement en Méthode naturelle en mettant en place des ateliers permanents avec plan de travail et présentation de productions. L’expérience s’est révélée très riche même si j’ai dû adapter beaucoup de choses en cours d’année et que beaucoup de choses auraient pu l’être encore. Pour cela, les échanges avec les gens du GD35 ont été déterminants. Pour moi, un aspect de notre travail est d’être disponible pour accueillir les enfants. Je ne me suis pas senti sur la même longueur d’ondes que mes collègues en termes d’accueil et d’écoute.
En IME, j’ai été confronté à la difficulté du manque d’autonomie des ados. Très peu acteurs, je me suis senti obligé d’amener du travail sous forme de fiches. Pendant une année avec certains groupes d’élèves, j’ai toutefois pu tester quelques techniques Freinet que j’ai pu affiner : texte libre à partir de dessins (niveaux C1 et C2) ou sous la forme d’un journal (niveau C3). J’ai aussi fait des sorties étude du milieu qui ont assez bien répondu aux problématiques de certains jeunes, là où la pédagogie traditionnelle ne convenait pas. Je sens aussi que ma qualité d’écoute a été d’un grand secours avec ce profil d’élèves. »
Francine : « Tu es revenu ici, pourquoi, que ressens-tu ? »
Jérôme : « Par rapport au stage actuel, je sens que par rapport à celui d’il y a deux ans mon attitude a changé. Je me sens beaucoup plus serein, pas dans l’attente angoissée de solutions. Il y a deux ans, j’avais besoin de choses concrètes pour faire ma rentrée en maternelle. J’en ai toujours besoin, mais je n’éprouve plus d’inquiétude. En fait je sais qu’on a toujours le temps d’ajuster nos pratiques de classe.
Je ne pensais pas du tout pouvoir animer un atelier au cours de ce stage. Et je vais le faire, car je me sens capable de partager mon expérience sur une façon de démarrer en Pédagogie Freinet. En deux ans, on a déjà des choses à dire car ma pratique a déjà beaucoup évolué. »